M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Ainsi que je l’annonçais dans la discussion générale, le travail de la commission des lois concernant la métropole du Grand Paris s’est axé sur trois principes : la cohérence des périmètres, la subsidiarité pour la répartition des compétences, l'autonomie de gestion des territoires.

S'agissant tout d’abord des périmètres, si la métropole du Grand Paris a vocation à croître et s’agrandir à toute l'Île-de-France, voire, comme certains l’évoquent déjà, à tous les départements, j’estime, pour avoir une certaine pratique de l'intercommunalité, que nous n’y sommes pas de sitôt.

J’ai donc entendu la crainte de certains collègues préoccupés par l’avenir des territoires qui, situés en dehors de la future métropole, pourraient se voir dépossédés de leurs zones les plus dynamiques.

C’est pourquoi je vous propose de recentrer la future métropole du Grand Paris sur la petite couronne, tout en permettant que, en application du droit commun, les EPCI qui se seraient exprimés avant le 1er août 2014 puissent adhérer à la métropole.

La date est importante, comme est important le fait qu’une fois le périmètre de la métropole fixé, seule la loi pourra ultérieurement le modifier – cela est nouveau.

Cette stabilisation du périmètre permettra – on l'a bien senti dans le débat qui vient de s'achever – de poser les bases du futur établissement public de coopération intercommunale et, j’ajoute, lui donnera l’occasion de se roder avant de s’élargir.

Certains proposent de s’en tenir strictement à la petite couronne et d’exclure de la métropole les trois – bientôt quatre – communes de la grande couronne qui appartiennent à des EPCI situés à cheval sur la petite et sur la grande couronne.

J’y suis opposé, pour une raison très simple, qui me permet de faire la transition avec mon point suivant, sur le périmètre des territoires.

Je souhaite préserver autant que possible les démarches intercommunales qui sont à l’œuvre depuis une quinzaine d’années. On va donc essayer de ne pas démolir ce qui fonctionne et, en même temps, d'inciter ceux qui ne se sont pas encore engagés sur le chemin de l’intercommunalité de projets à avancer dans cette direction.

Il est ainsi proposé que le découpage des territoires tienne compte des dynamiques intercommunales existantes, sachant, mes chers collègues, que la petite couronne n’est pas intégralement couverte par des intercommunalités, qui ne représentent que 60 % de son territoire.

Là où existe une dynamique intercommunale, nous avons cherché à la prendre en compte. Il s'agissait en effet d'une demande très forte formulée à l’occasion des auditions auxquelles nous avons procédé.

À cet égard, nous avons veillé à entendre tout le monde : toutes les intercommunalités et tous les conseils généraux, ainsi que le président de la région d’Île-de-France, qui est venu en personne.

Pour ce découpage des territoires, de la même manière qu’il fallait tenir compte des périmètres des EPCI existants, il nous paraissait utile de chercher à faire converger ces périmètres avec ceux des contrats de développement territorial qui, incontestablement, ont soudé la pratique intercommunale. Ce point a été régulièrement plébiscité lors de nos auditions.

J’en arrive aux compétences. Le dispositif issu des travaux de l’Assemblée nationale, auxquels votre serviteur n’a pas été associé, je le signale, fait de renvois et d’exceptions au droit commun, m'a paru inutilement complexe.

Nous avons suivi, là comme ailleurs, une logique de simplification et de clarification. Pour aller à l’essentiel, nous avons voulu éviter le « yoyo » qui consistait, dans le système précédent, à faire d'abord remonter les compétences jusqu’à l'EPCI à fiscalité propre qui était créé, pour ensuite les faire redescendre au niveau des territoires.

Ainsi, le texte de la commission distingue, en premier lieu, les compétences stratégiques et structurantes, qui seraient transférées à la future métropole. Sur ce point, votre serviteur a pris la peine de vérifier, lors des auditions, que la Ville de Paris et la région d’Île-de-France avaient des vues convergentes sur la délimitation de ces compétences.

Ce point était extrêmement important car, lorsque nous avons entamé nos travaux, on pouvait se poser des questions sur les aéroports, sur la grande attractivité internationale, sur le devenir des grands hubs aéroportuaires… Il a été clair que, dans la petite couronne, les seules compétences économiques reconnues à l'intercommunalité étaient celles qui se rattachaient à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. De vous à moi, mes chers collègues, cela n’est déjà pas mal et recouvre l'essentiel des stratégies d’implantation et de développement économique, commercial et artisanal.

En ce qui concerne, en second lieu, les compétences de proximité, actuellement exercées par les intercommunalités; qui risquaient de revenir au niveau central avec le système proposé, il nous a paru indispensable de trouver une réponse pour qu’elles puissent continuer à être exercées dans la continuité.

Cette réponse, je l'ai trouvée dans un texte du Sénat, la loi Pélissard-Sueur – excusez du peu ! –, qui permet, pour la gestion de services communs à l'intérieur d'un périmètre d'intercommunalité, de recourir, à la demande - ce n’est pas une obligation -, à des structures du type de celle d’un syndicat intercommunal à vocations multiples. Destinées à des services de proximité, ces structures sans fiscalité propre ont des recettes provenant exclusivement des dotations des communes ou de taxes perçues en contrepartie de ces services, pour en permettre l'organisation.

Concernant les compétences propres de la métropole, Mme la ministre l'a très bien dit, compte tenu du fait qu’il se pose dans la région d’Île-de-France un immense problème de logement, donc d’urbanisme et d’aménagement – 6 millions d’habitants…–, nous avons placé le logement et l'hébergement dans le projet métropolitain.

Le SCOT fait aussi partie du projet métropolitain – chacun sait que le socle d'un SCOT est constitué du projet d'aménagement et de développement durable.

Les compétences de la métropole comprendraient aussi les questions environnementales. Grâce à l'intervention du rapporteur pour avis Claude Dilain, un sort particulier est également réservé à la politique de la ville : nous avons veillé à inscrire dans la loi que cette compétence, pourtant obligatoire, serait mise en œuvre au niveau des conseils de territoire.

Pour ce qui concerne la gestion des services de proximité – crèches, médiathèques, que n’avons-nous entendu pendant les auditions… – notre réponse permet une gestion toujours aussi décentralisée que possible.

J’en arrive aux territoires. Beaucoup s’interrogent sur leur consistance exacte, leur personnalité juridique, leurs moyens administratifs et financiers. Dans la proposition de la commission, ils ont un double visage – c'est un débat que l'on avait déjà pour Marseille, rappelez-vous.

Ils sont le lieu naturel, déconcentré, où se mettent en œuvre les compétences obligatoires de la métropole du Grand Paris et peuvent donc, à ce titre, recevoir de vraies délégations de compétence et de moyens. Nous avons veillé, dans le texte, à ce que la dotation de territoire, dépense obligatoire pour le budget de la métropole, leur permette d'assurer l'exercice de ces compétences.

Le texte précise d'ailleurs que cette dotation couvre l’ensemble de leurs dépenses. Car si la métropole dispose de la fiscalité – puisqu'il n’y a qu’un EPCI à fiscalité propre –, l'autonomie de gestion des territoires doit être garantie. Nous y avons également veillé.

Afin d’assurer une parfaite coordination entre conseil de la métropole et conseils de territoire, la commission des lois a proposé – comme nous l'avons fait à Marseille, rappelez-vous le président Gaudin disant qu’il voulait élargir l'accès des maires à tous les niveaux, conseils de territoire comme conseil de métropole – que les communes et leurs représentants puissent siéger dans les deux organes.

Mais ces territoires sont également des périmètres à l’intérieur desquels les communes peuvent, si elles le souhaitent, s’associer pour exercer en commun certaines de leurs compétences de proximité. Ils peuvent prendre la forme de syndicats – j’insiste sur qui constitue une des innovations essentielles – sans revenir sur le principe d'un unique EPCI à fiscalité propre.

Tous nos interlocuteurs nous ont dit leur désir d’obtenir des garanties sur la gestion des services de proximité. Nous les avons entendus.

Nous avons entendu le souhait, exprimé par tous nos interlocuteurs, d’une démarche ascendante prenant d’abord en compte, là où elles existent, les dynamiques intercommunales, pour ensuite les accompagner dans la mise en place de modes de gestion ne postulant pas nécessairement la centralisation à l’échelon de l’EPCI.

La commission des lois vous propose donc une architecture qui respecte le choix d’instituer un EPCI unique à fiscalité propre tout en reconnaissant les particularismes du territoire, sans rien céder sur l’essentiel, c’est-à-dire la création, enfin, d’une métropole à Paris. Cette métropole ne devra cependant pas faire office de région bis. À cet égard, monsieur Karoutchi, je reconnais volontiers que si quelqu’un défend les régions ici depuis trois jours de votre côté de l’hémicycle, c’est bien vous ; mais vous êtes bien seul !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Hélas, trois fois hélas !

M. René Vandierendonck, rapporteur. J’ai exercé des responsabilités régionales. Je puis vous dire que nous avons veillé à prendre en compte la région dans l’architecture du dispositif et à éviter tout risque de confusion ou de superposition des compétences.

Telles sont les bases sur lesquelles nous avons travaillé.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l’article.

M. Roger Karoutchi. Je voudrais d’abord remercier le rapporteur parce que, sincèrement, lorsque j’ai lu le texte de l’Assemblée nationale, je me suis demandé s’il s’agissait d’une pure provocation ou d’une déclaration de guerre ! En tout cas, l’application d’un tel dispositif aurait créé une situation compliquée dans l’ensemble de la région d’Île-de-France.

Je reconnais volontiers que le texte de la commission comporte des avancées par rapport au texte de l’Assemblée nationale et que le rapporteur s’est efforcé de faire en sorte que la création de la métropole ne s’apparente pas à la négation du rôle de la région ou de celui des élus.

Cependant, monsieur le rapporteur, les améliorations considérables que vous avez apportées au texte respectent l’architecture voulue par le Gouvernement et l’Assemblée nationale : la métropole sera un EPCI à fiscalité propre, ce qui aura pour conséquence la disparition des intercommunalités existantes et celle d’un certain nombre de pouvoirs des communes. Là est le débat !

Plusieurs d’entre nous ont déposé des amendements tendant à récrire l’article 12. J’admets que le mien ne va pas assez dans votre sens, dans la mesure où il prévoit de préserver les EPCI existants et les pouvoirs des communes, ainsi que de donner des compétences à la métropole, mais sans lui accorder des moyens financiers permanents. Dès lors, je veux bien reconnaître que certaines rédactions proposées sont meilleures que la mienne, parce qu’elles tendent à garantir à la métropole des ressources pour exercer ses fonctions, sans toutefois lui octroyer le statut d’EPCI à fiscalité propre.

Comme je l’ai déjà indiqué lors de la discussion générale, l’Île-de-France présente la caractéristique de regrouper 20 % de la population nationale sur 2 % du territoire. Ceux qui s’imaginent que l’on va régler les problèmes d’une telle mégalopole en créant une nouvelle structure ont tort ! Bien des plans, des schémas, des textes, telle la loi Pasqua de 1995, ont déjà été proposés. À une époque, madame Lipietz, les écologistes avaient même préconisé de réduire la population de l’Île-de-France, pour la ramener à moins de 10 millions d’habitants en 2020, afin d’éviter la saturation des transports et le manque de logements…

Comment faire ? Ce n’est pas la structure qui est mauvaise, ce ne sont pas la compétence et les efforts des élus qui sont en cause. Les difficultés tiennent principalement au fait qu’une population massive, mouvante, très mobile se concentre sur un territoire extrêmement restreint.

C’est une situation tout à fait spécifique, que l’on n’observe dans aucune autre région française. On établit des comparaisons avec les métropoles de Marseille ou de Lyon, mais elles ne rencontrent pas du tout les mêmes problèmes que nous.

Pourquoi ne pas inverser le processus en faisant confiance aux élus, en s’appuyant sur ce qui fonctionne dans les intercommunalités et en les regroupant au sein d’une métropole sur la base du volontariat ? Je sais que c’est compliqué et que certains préfèrent imposer des mesures carrées, bien définies, mais l’Île-de-France est une région à part : vous n’avez pas de solution miracle.

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, sur l’article.

M. Christian Favier. Conformément à la proposition formulée hier par M. le président de la commission, nous allons commencer par une discussion commune portant sur les amendements de réécriture globale de l’article 12. De ce fait, notre groupe ayant élaboré une réécriture complète de cet article, mais par touches successives, nous ne pourrons développer notre argumentaire si l’un des amendements que j’évoquais est adopté, car tous les autres deviendront alors sans objet.

Je souhaite donc exposer brièvement dès à présent le dispositif que nous avons conçu en nous appuyant, en particulier, sur la dernière déclaration de Paris Métropole. Il s’agit de mettre en place, au 1er janvier 2016, un établissement public d’un type particulier regroupant les collectivités territoriales de l’unité urbaine de Paris telle que définie par l’INSEE et leurs groupements, y compris donc les départements et la région.

Dans cette perspective, nous élargissons les objectifs de la mission de préfiguration inscrite dans le texte de la commission, qui serait composée uniquement d’élus s’appuyant sur les travaux d’un conseil consultatif de partenaires, afin de parvenir à des préconisations consensuelles ou du moins largement majoritaires dans le domaine de la gouvernance, des compétences et des financements de la future métropole.

Nos débats devraient démontrer qu’une majorité se dégage en faveur de la création d’une métropole de coopération, centrée sur des compétences stratégiques, s’appuyant sur le développement des territoires intercommunaux et sur les communes, qui conserveraient leurs compétences et leurs financements.

Cependant, force est de constater qu’aucun accord global ne s’est encore dégagé. Mais nous en sommes si près, nous semble-t-il, que la mission de préfiguration devrait parvenir rapidement à faire des propositions à même de nous rassembler.

Telle est, décrite à grands traits, notre position dans ce débat. Nous avons pu constater que, bien que fondant nos préconisations sur les orientations de Paris Métropole, qui, je le rappelle, regroupe des élus de toutes les sensibilités, les sénateurs des autres groupes ont préféré avancer des propositions précisant les conditions de la mise en place de la future métropole.

Dans cette discussion commune sur les amendements de réécriture de l’article 12, quatre positionnements s’expriment. Pour notre part, n’étant pas partisans de la page blanche, nous serons très attentifs à tout ce qui pourra nous sortir de l’impasse dans laquelle le texte issu de l’Assemblée nationale nous enferme. Je reconnais bien volontiers que les efforts produits par notre rapporteur ont permis de le faire évoluer, mais sans en changer, pour autant, la logique fondamentale. Je pense en particulier à un point clé évoqué à l’instant par M. Karoutchi, à savoir la création d’un EPCI à fiscalité propre unique.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, sur l’article.

M. Vincent Capo-Canellas. Je remercie le rapporteur des explications qu’il a bien voulu nous apporter et je salue le travail qu’il a réalisé, avec la commission des lois, pour essayer de trouver des solutions pratiques à partir de la construction bancale que nous propose l’Assemblée nationale. À cet égard, j’entendais tout à l’heure avec plaisir Alain Richard nous exposer que le système proposé par le Gouvernement ne marchait pas, dans les faits, en grande couronne : il en va de même en petite couronne.

Je nuancerai toutefois quelques-unes de vos affirmations, monsieur le rapporteur, et je vous contredirai même sur certains points.

Sur la question des compétences, nous sommes en complet désaccord. Vous nous dites avoir réglé le problème de ce que vous appelez le « yo-yo » ou l’« ascenseur », mais comment ? Certaines compétences actuelles des EPCI, qui seront détruits – vingt années de construction de l’intercommunalité seront réduites à néant… –, sont attribuées à la métropole, qui en redéléguera aux territoires : sinon, ces derniers ne servent à rien. Si ce n’est pas là du yo-yo ou de l’ascenseur, qu’est-ce donc ? De surcroît, celles des compétences des EPCI qui ne seront pas montées à la métropole iront aux communes, qui devront créer des syndicats pour les exercer… C’est kafkaïen ! Une chatte n’y retrouverait pas ses petits !

Les maires vont se poser des questions. Ceux qui disposent de gros moyens voudront les garder. Les communes riches se regrouperont en syndicats pour gérer leurs crèches, leurs halte-garderies, leurs conservatoires, etc. Quel progrès pour la péréquation et la solidarité !

Par conséquent, je suis au regret de constater que vous n’avez pas réglé le problème du yo-yo des compétences, monsieur le rapporteur.

Je passe sur la délicate question du financement : il faudra bien, au final, financer la création des syndicats, l’exercice des compétences nouvelles attribuées aux communes.

Votre texte est bancal parce qu’il repose sur un dogme, conçu par l’Assemblée nationale : la métropole doit être un EPCI à fiscalité propre. Il ne faut pas briser ce tabou ! Pour ma part, je propose de donner à notre réflexion un autre point de départ : comment faire pour que la métropole fonctionne ?

La métropole doit être puissante, dotée de compétences stratégiques dont il faut financer l’exercice, je vous l’accorde ; il convient d’instituer une caisse commune, de la péréquation, je vous l’accorde également. Toutefois, quid, dans le même temps, des compétences de base exercées jusqu’à présent par les EPCI ? Dans cette perspective, la création d’une métropole sous la forme d’un EPCI à fiscalité propre pose question : ne partons pas de ce dogme, reprenons la réflexion sur une autre base.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, sur l’article.

M. Philippe Dallier. Nous sommes au cœur du débat. Trois solutions s’offrent à nous : la page blanche – j’ai cru comprendre que personne ici n’en voulait –, l’amélioration du texte de la commission – si une majorité se dégage pour ce faire – ou sa réécriture, proposée au travers d’un certain nombre d’amendements.

En réalité, nous avons à mon sens le choix entre une vraie métropole et une structure qui n’en est pas une, quoi que l’on nous dise.

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est vrai !

M. Philippe Dallier. En effet, comment qualifier de métropole un simple syndicat sans fiscalité propre dont la création conservera les EPCI ? Pour essayer de nous convaincre, on nous dit que l’on ajoutera une couche de péréquation supplémentaire aux mécanismes existants : la dotation globale de fonctionnement, si peu péréquatrice, le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales… Comment peut-on nous parler de simplification alors que nous sommes là dans la complexité absolue ?

À mes yeux, de toute façon, il n’est de métropole que s’il y a partage de la richesse économique.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Bien sûr !

M. Philippe Dallier. Je comprends les réticences à se faire hara-kiri de ceux qui ont la chance de pouvoir s’appuyer sur des EPCI puissants et qui disposent de ressources importantes ! J’ai l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que, si j’étais à leur place, je raisonnerais peut-être comme eux.

Il n’en reste pas moins, mes chers collègues, que si nous voulons véritablement construire une métropole, il n’y a que deux solutions : créer un EPCI, comme le prévoit le texte, ou, comme je l’ai proposé, instituer une collectivité territoriale de plein exercice sui generis, à l’instar de ce que l’on est en train de faire pour Lyon. Néanmoins, dans les deux cas, cela ne peut avoir de sens que si l’on partage la richesse économique.

La mise en œuvre de la première loi sur l’intercommunalité, en 1992, n’a pas donné de résultats : en Seine-Saint-Denis, seule la communauté de communes de Clichy-Montfermeil s’est créée. Encore faut-il souligner que cela s’est fait dans des conditions bien précises : il s’agissait de marier non pas une commune riche et une commune pauvre, mais bien deux communes pauvres !

Il a fallu attendre l’excellente loi de notre collègue Chevènement, qui lui a su trouver la recette miracle en prévoyant des incitations financières de l’État à la constitution d’intercommunalités : bingo ! Encore les choses ne sont-elles pas allées très vite ni très loin en première couronne, où toutes les communes ont la taille critique pour délivrer les services de proximité. Dans ces conditions, les élus ne voyaient pas vraiment quel était l’intérêt de se lancer dans cette démarche.

Néanmoins, cela s’est fait au fil du temps. Reste que, aujourd’hui, 60 % seulement des communes de la première couronne parisienne appartiennent à une intercommunalité. Nous savons d’ailleurs pourquoi : à leurs yeux, mieux vaut l’intercommunalité que la métropole.

Alors, de grâce, revenons-en à l’essentiel : la vraie question est de savoir si, oui ou non, nous voulons une métropole. Si oui, nous ne pouvons pas adopter les amendements de réécriture de l’article 12 de Roger Karoutchi, d’Hervé Marseille ou de Vincent Capo-Canellas, car cela ne débouchera pas sur la constitution d’une métropole.

Le texte venu de l’Assemblée nationale ne me convenait guère ; celui de la commission est meilleur, même s’il n’est pas parfait, car il nous permettra de nous engager dans la voie du modèle lyonnais, comme je le préconisais déjà en 2008. Nous aurions pu le faire plus simplement, comme je l’expliquerai tout à l'heure en présentant mon amendement, mais hors de cette voie, il n’y a pas de salut ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, sur l’article.

Mme Isabelle Debré. Une fois n’est pas coutume, je parlerai de ma ville, Vanves, membre de l’important EPCI du Grand Paris Seine Ouest.

Hier, en conseil municipal, nous avons évoqué les inquiétudes que nous inspire ce projet qui prévoit la disparition de tous les EPCI des trois départements de la petite couronne, entraînant l’anéantissement de facto de la dynamique territoriale promue depuis de nombreuses années par les élus municipaux et intercommunaux à travers les projets d’agglomération et les contrats de développement territorial.

Ce projet porte aussi atteinte à tous les équilibres territoriaux, à la continuité de nombreuses politiques locales, au lien de proximité avec les citoyens que les communautés d’agglomération existantes ont bâti patiemment, depuis plus de dix ans dans le cas de notre intercommunalité.

Ce projet remet en outre clairement en cause l’autonomie des collectivités du bloc communal, en les regroupant dans des conseils de territoire, structures sans pouvoir budgétaire, sans moyens propres et dotées de compétences strictement encadrées par la métropole.

Ce projet prépare également des transferts de compétences d’une invraisemblable complexité, différenciés selon les territoires, non choisis par les communes et éloignés des acteurs de terrain.

Ce projet aura des conséquences financières et fiscales négatives pour les communes : d’abord, parce qu’il faudra financer le fonctionnement du nouvel établissement, qui comptera quelque 10 000 agents et une assemblée de plusieurs centaines de membres ; ensuite, parce que les équilibres financiers mis en place au sein des intercommunalités existantes seront bouleversés au détriment des communes, des pertes significatives de recettes étant à craindre.

Tels sont les quelques points que nous avons soulevés hier en conseil municipal. Ces inquiétudes nous ont amenés à adopter un vœu à une large majorité, ce qui prouve que la question transcende les clivages politiciens.

Pensons aux élus qui se sont donné du mal pour faire vivre les EPCI et ont su trouver un équilibre. Certaines communes extérieures à la petite couronne, qui aimeraient rejoindre l’EPCI Grand Paris Seine Ouest, s’interrogent désormais. Ont-elles envie d’intégrer cette métropole de Paris ? Rien n’est moins sûr.

Il existe aujourd’hui des blocages très importants, qu’il va falloir lever. À titre personnel, je ne suis pas favorable à la création d’une grande métropole de cette façon-là. (M. Roger Karoutchi applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, sur l’article.

M. Jean-Pierre Caffet. Nous sommes à la croisée des chemins. Je partage presque entièrement les propos de notre collègue Philippe Dallier : nous avons un choix fondamental à faire entre une métropole intégrée et un syndicat mixte, voire un pôle métropolitain, dépourvu de moyens opérationnels et aux compétences totalement illusoires.

M. Vincent Capo-Canellas. Il ne s’agit pas du même objet juridique !

M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur Capo-Canellas, votre amendement vise à construire un nouvel objet juridique peu identifié : nous y reviendrons lorsque vous le présenterez.

En tout état de cause, telle est l’alternative : un instrument intégré, doté de véritables compétences et de moyens opérationnels, ou une structure simplement coopérative. Le grand débat que nous avons eu en première lecture portait sur ce point. Je dois dire que j’étais de ceux qui avaient des doutes sur le caractère opérationnel du dispositif que le Gouvernement nous proposait à l’époque de mettre en place, à savoir un syndicat mixte.

Le texte issu des travaux de la commission n’est pas le même que celui de l’Assemblée nationale.

M. Roger Karoutchi. Heureusement !

M. Jean-Pierre Caffet. Il y a deux différences fondamentales entre les deux textes.

Première différence, qui n’est pas anodine, le texte élaboré par l’Assemblée nationale prévoyait que la métropole de Paris aurait toutes les compétences d’une métropole de droit commun et pourrait en outre exercer toutes les autres dès lors que leur intérêt métropolitain était reconnu. Ce n’est plus le cas dans le texte de la commission : les compétences de la métropole de Paris sont strictement délimitées.

M. Vincent Capo-Canellas. C’est moins puissant !

M. Jean-Pierre Caffet. Peut-être, mais concentrer l’action de la métropole de Paris sur un certain nombre de compétences structurantes correspond, je crois, à ce que nous recherchons.

Seconde différence, comme l’a dit le rapporteur, le mouvement de yo-yo des compétences entre les intercommunalités, qui deviendront des conseils de territoire, et la métropole n’a plus rien à voir avec ce que prévoyait le texte de l’Assemblée nationale. (M. Vincent Capo-Canellas manifeste son scepticisme.)

Oui, monsieur Capo-Canellas, certaines compétences remonteront à la métropole : encore heureux ! Sinon, quelle serait son utilité ? Mais, comme je le disais à l’instant, il s’agira de compétences strictement délimitées, à l’exclusion de toutes autres. Le texte de la commission reconnaît simplement aux communes la possibilité d’aller au-delà en matière de transferts de compétences, si elles en décident ainsi à la majorité des deux tiers. C’est tout à fait différent de ce que prévoyait le texte de l’Assemblée nationale : toutes les compétences devaient remonter à la métropole, le conseil métropolitain décidant finalement lesquelles redescendraient. Ce n’est pas du tout la même chose !

Je m’étonne que la plupart de ceux qui avaient refusé le syndicat mixte et le pôle métropolitain en première lecture, au nom de très nombreux arguments, notamment celui de l’inutilité d’ajouter une couche supplémentaire au millefeuille territorial, nous disent aujourd’hui que, finalement, ce n’était pas une si mauvaise idée…