M. Roland Courteau. Scandaleux !

M. Jean-Jacques Mirassou. Mes chers collègues, nous savons comment cela se termine : par des faits divers qui ouvrent tragiquement les journaux télévisés au milieu de l’hiver. En septembre 2012 – faut-il le rappeler ? –, un incendie dans un immeuble insalubre a fait deux morts et quinze blessés en Seine-Saint-Denis. Dernièrement, un marchand de sommeil a comparu devant la justice avec ses associés ; figurez-vous que, en louant à des familles des habitations dangereuses, insalubres, sans chauffage ni isolation, il s’était enrichi au point d’être redevable de l’ISF ! (Scandaleux ! sur diverses travées du groupe socialiste, ainsi qu’au banc des commissions.) Deux ans de prison avec sursis ont été requis à son encontre par le procureur.

Mes chers collègues, cet exemple montre que nous ne pouvons plus nous contenter d’une indignation saisonnière qui, malheureusement, est presque devenue routinière. Il faut rendre impossibles de telles exploitations de la vulnérabilité ! Je crois que le projet de loi satisfait cette ambition. (MM. Claude Dilain et Claude Bérit-Débat, rapporteurs, applaudissent.)

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Jacques Mirassou. Les dispositions relatives à l’urbanisme ont donné lieu à de nombreux questionnements, touchant notamment au titre IV du projet de loi, qui traite de la modernisation des documents de planification et d’urbanisme.

Incontestablement, c’est le désormais célèbre article 63, figurant au chapitre II de ce titre, qui a déchaîné – le mot n’est pas trop fort – la plus forte hostilité de nos collègues maires. Dans sa rédaction initiale, cet article rendait obligatoire le transfert de la compétence en matière de PLU aux intercommunalités, qu’il s’agisse de communautés d’agglomération ou de communautés de communes.

Les maires, notamment ceux des communes rurales, ont vu dans cette mesure, à tort ou à raison, mais sans doute à raison,…

M. Bruno Sido. Oui, à raison !

M. Jean-Jacques Mirassou. … une atteinte à la libre administration de leur collectivité, dont je vous rappelle que le principe est consacré par l’article 72 de la Constitution.

M. Éric Doligé. En effet, une révision serait nécessaire !

M. Jean-Jacques Mirassou. Traduction fondamentale de ce principe, le caractère communal de la compétence en matière d’urbanisme ne saurait être abandonné au profit du transfert à une intercommunalité, à moins que ce transfert résulte d’un choix délibéré de chacune des communes concernées. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Bruno Sido applaudit également.)

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. Très bien !

M. Jean-Jacques Mirassou. Néanmoins, personne ne saurait condamner par principe le PLUI, qui deviendra, avec le temps, un outil utile dans le cadre des politiques d’aménagement des territoires. Encore faut-il, comme l’a dit quelqu’un de plus célèbre que moi, « laisser du temps au temps ».

Du reste, la contestation vise davantage la méthode employée que le PLUI dans son principe ; nous avons tous pu nous en rendre compte, au cours des assemblées générales des maires dans nos départements.

Il faut dire que cette disposition a fait irruption dans un contexte où les maires se posent de légitimes questions sur l’évolution du paysage institutionnel de notre pays. Dès lors, on comprend facilement qu’ils soient très vigilants en ce qui concerne le maintien de leurs prérogatives, gages de leur capacité à répondre aux attentes quotidiennes de leurs administrés et à garantir l’intérêt général.

Peut-être a-t-on confondu vitesse et précipitation. En tout cas, il fallait impérativement modifier le projet de loi. À cet égard, les demandes pressantes exprimées par l’Association des maires de France, et surtout par l’Association des maires ruraux de France, ont été entendues par bon nombre d’entre nous, singulièrement par notre rapporteur. L’amendement qu’il a présenté, et que la commission des affaires économiques a adopté, nous paraît satisfaisant.

Madame Lamure, ne cherchez pas des manœuvres là où il n’y en a pas, et surtout ne vous drapez pas dans la toge de la vertu : les préoccupations liées aux prochaines élections sénatoriales existent des deux côtés de l’hémicycle ! (Marques d’approbation au banc des commissions. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Daniel Raoul applaudissent.)

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Mirassou. L’amendement dont je parle concerne l’article 63 du projet de loi : il précise que la compétence en matière de PLU est transférée aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération dans un délai de trois ans suivant la promulgation de la loi, si et seulement si une minorité de blocage ne s’y oppose pas. Cette minorité doit réunir un quart des communes représentant au moins 10 % de la population, ce qui constitue, avec ou sans bonne foi, un seuil facilement accessible.

Dans sa rédaction issue des travaux de la commission, l’article 63 du projet de loi permet donc au maire, quelle que soit la taille de sa commune, de garder toute sa capacité à maîtriser et à orienter l’essor communal. Ce dispositif modifié, auquel vous venez, madame la ministre, d’apporter votre soutien, traduit notre volonté de prendre en compte les attentes des élus locaux.

Ainsi, mes chers collègues, nous démontrons une fois de plus le rôle déterminant de notre assemblée lorsqu’il s’agit d’apporter une plus-value sérieuse à un projet de loi touchant aux collectivités territoriales. (Marques d’approbation au banc des commissions.)

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Mirassou. À ce propos, je tiens à mettre en garde ceux qui confondraient vitesse et précipitation, pensées et arrière-pensées : la suppression pure et simple de l’article 63 nous ramènerait au point de départ, ou plutôt devant le Palais Bourbon.

Je reste persuadé que nous pouvons arriver à un compromis satisfaisant à la fois pour nos collègues maires, pour le Gouvernement et pour le Parlement. Mes chers collègues, ne laissons pas passer cette chance !

Dans sa rédaction issue des travaux en commission, le projet de loi conforte incontestablement le maire, son autorité et sa légitimité. Il est le fruit d’une stratégie mûrement réfléchie et élaborée avec rigueur, à laquelle nous souscrivons pleinement. C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, vous pouvez compter sur notre soutien dans votre effort pour la mener à bien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Françoise Laborde et M. Michel Le Scouarnec applaudissent également.)

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’incline à penser que c’est davantage dans la construction effective de logements, qui suppose un engagement fort de l’État, y compris financier, que dans le perfectionnement de la réglementation que réside la solution à la crise endémique du logement en France – de fait, cette crise n’est pas une nouveauté, même si elle s’est aggravée au cours des dix dernières années.

Comme le fait remarquer le Conseil d’État, dans un langage plus diplomatique que le mien, résoudre cette crise suppose d’apporter une réponse à « la double question de l’efficience de la régulation par le marché » – ce qui signifie qu’il n’y a pas de marché – « et de la pertinence de la gouvernance de la politique du logement et des interventions publiques » – ce qui signifie qu’on laisse faire. Cette observation figure à la page 77 du rapport de 2009 intitulé « Droit au logement, droit du logement ».

Dans ce rapport fort intéressant, on lit encore ceci : « l’État a largement libéralisé le marché du logement, décentralisé l’urbanisme et commencé à décentraliser les politiques du logement sans avoir préalablement songé à la gouvernance nécessaire à ce marché et en ayant sans doute abandonné trop rapidement ses principaux moyens de peser sur les coûts de la construction et le prix des loyers », l’un des moyens de peser sur les loyers étant de créer un parc social suffisant.

Le Conseil d’État conclut : « au total, en quelques années, par sa gestion déficiente du parc social, l’État aura perdu un outil précieux d’influence indirecte sur le marché libre ». Ces questions, qui obligeraient à repenser trente ans de politique du logement, ne sont visiblement pas à l’ordre du jour ; dommage !

Puisqu’on renonce ainsi à changer l’ordre des choses, on changera une nouvelle fois la réglementation ; l’exercice est de portée limitée, encore que je convienne volontiers qu’il puisse être utile.

Le projet de loi traite de questions aussi difficiles que, entre autres, les relations bailleurs-locataires, l’asymétrie d’information des partenaires, la sécurité des transactions et la gouvernance des copropriétés. Quant à la garantie universelle des loyers, si elle est discutable dans ses modalités d’application, l’idée vaut d’être débattue.

Si nous pouvons débattre paisiblement, nous le devons à notre commission des affaires économiques et à son rapporteur, Claude Bérit-Débat ; ils ont réussi à neutraliser élégamment le détonateur imprudemment déposé à l’article 63 par les amis du club PLUI – un club chic piloté par le ministère de l’égalité des territoires et du logement, dont j’ai appris l’existence à la lecture de l’étude d’impact du projet de loi.

Mme Cécile Duflot, ministre. Il est composé d’élus locaux !

M. Pierre-Yves Collombat. Les avant-gardes ont toujours eu du mal à être comprises des masses ; il faut dire que ce sont elles, en général, qui paient les pots cassés – je parle des masses, bien entendu.

On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Madame la ministre, vous seriez-vous rendue à la bronca des maires devant le projet de transfert obligatoire des PLU aux intercommunalités, quel que soit le degré d’intégration de celles-ci, et surtout contre l’avis des communes ? À quinze heures cinquante-neuf, 4 264 maires ruraux avaient signé la pétition ! Probablement est-ce un moment de vague à l’âme…

Être pris pour des ânes retardataires, les élus ruraux en ont l’habitude. Du reste, j’admets que cet animal modeste et têtu, persévérant,…

M. Pierre-Yves Collombat. … rustique et utile aux pauvres leur ressemble assez ; je me reconnais en lui !

Aussi bien, c’est prendre ces élus pour des ânes que d’assimiler la compétence en matière d’urbanisme à une compétence comme les autres. Sans autonomie financière et fiscale et sans le pouvoir de décider de leur style de développement, les communes ne seraient plus que des souvenirs !

Ces ânes ont bien compris que, faute de pouvoir supprimer les communes, les prétendus modernisateurs ont entrepris de les vider de leurs pouvoirs. Ceux-ci ont d’ailleurs gagné une bataille, avec l’encadrement législatif des accords locaux sur la représentation des communes au conseil et au bureau des intercommunalités : ces accords sont désormais soumis au bon vouloir des communes les plus peuplées.

Si l’intercommunalité était ce lieu magique de l’exercice apaisé des seules compétences que personne ne peut exercer seul, un lieu d’où les enjeux et les conflits de pouvoir seraient absents, comment expliquer que les trois quarts des présidents d’intercommunalité soient issus des communes-centres ?

De même, comment expliquer que les plus acharnés à revendiquer l’exercice de la compétence en matière d’urbanisme, parfaitement assumée par les communes depuis 1983, soient aussi les moins disposés à animer une politique de prévention de l’inondation ? C’est simplement qu’ils cherchent, dans le premier cas, des pouvoirs en plus et, dans le second, des problèmes en moins.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, l’objectif prioritaire du Gouvernement consiste à construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, tout en limitant l’étalement urbain par la densification des zones bien desservies en équipements publics et en « pastillant » le territoire de yourtes, caravanes et autres habitations démontables. Moins de lotissements, plus de yourtes… Plus besoin de regarder TV5 Monde, il suffira d’ouvrir sa fenêtre ! (Rires sur les travées de l’UMP.)

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Joël Labbé. N’exagérez pas ! Un peu de respect pour la différence !

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, je vous souhaite de réussir, parce que, comme tous les orateurs l’ont signalé, votre projet de loi comporte des mesures tout à fait utiles.

Reste que je voudrais bien qu’on m’explique comment un problème de société aussi complexe, continu et massif que l’étalement urbain, fruit d’un processus dont l’origine se trouve d’abord dans le prix du foncier et des loyers dans les zones denses des intercommunalités, pourra être résolu par la mise sous tutelle des communes des zones non denses ? (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP. – Mme Marie-Noëlle Lienemann acquiesce.)

On ne fera qu’étendre la tache d’huile au-delà de ses limites actuelles. Rien de durable, je crois que tout le monde en est convaincu ici, ne se fera contre les élus locaux, et ceux qu’ils représentent, surtout. Passer en force serait une victoire à la Pyrrhus, mais j’ai cru comprendre, en tout cas je l’espère, que telle n’est pas votre intention, madame la ministre. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis, applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les orateurs qui se sont exprimés avant moi au nom du groupe UMP ayant dit l’essentiel, je me contenterai de formuler quelques réflexions sur le texte qui nous est proposé, au risque que mon propos paraisse lapidaire (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), mais je ne dispose que de peu de temps.

Concernant tout d’abord les prix des loyers, vous confondez, madame la ministre, et vous aussi, chers collègues qui siégez à gauche, les conséquences et les causes.

Pourquoi les loyers sont-ils élevés ? Tout simplement parce que trop peu de logements sont proposés à ceux qui cherchent à se loger ! La réponse réside donc dans la construction de logements. (Nouvelles exclamations ironiques sur les mêmes travées.)

M. Martial Bourquin. Mais c’est une évidence !

M. Jean-Claude Lenoir. Sur ce point, je voudrais, dans le temps qui m’est imparti, m’élever contre des propos véhiculés ici et là, laissant entendre qu’un fléchissement du nombre de constructions aurait eu lieu pendant que la droite était au pouvoir, c'est-à-dire entre 2002 et 2012. C’est tout simplement faux !

M. Jean-Claude Lenoir. Pour étayer mon propos, je m’apprête à citer des auteurs que vous ne pourrez pas récuser. Je ne veux pas parler de ceux qui fabriquent des notes d’information dans les partis politiques auxquels nous appartenons, ni des collègues que j’ai l’occasion de fréquenter dans les couloirs de ma propre formation. Non, le premier de ces auteurs, c’est M. Thierry Repentin, aujourd'hui membre du Gouvernement.

M. Bruno Sido. Et c’est une référence !

M. François Calvet. Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir. Voici ce qu’il écrivait, il est vrai avant l’élection présidentielle de 2012, dans un rapport qui est à votre disposition : « D’après les données dont dispose le ministère chargé du logement, le nombre de logements construits en France en 2011 est d’environ 421 000. En moyenne, depuis 1997, le nombre de logements construits annuellement est donc de 368 000. »

Mes chers collègues, de 1997 à 2002, qui était au pouvoir ? Curieusement, dans les statistiques fournies, on mélange 1997 et 2012, puis on ne parle que de la période 2002-2012 !

Le second de ces auteurs, pour lequel j’ai sinon de l’admiration du moins beaucoup d’estime, est tout simplement le rapporteur du présent texte, M. Claude Bérit-Débat, qui affirmait, dans le rapport n° 767 publié en septembre 2012 : « Depuis 1997, le nombre moyen de logements construits annuellement est de 368 000, soit moins de 75 % des besoins maximaux identifiés. » Il poursuivait : « Votre rapporteur relève que le rythme de financement de logements sociaux s’est accéléré au cours des dix dernières années, » – il s’agit de la période 2002-2012 – « ce dont il ne peut que se réjouir, même s’il ne permet toujours pas de satisfaire la demande. »

M. Daniel Dubois. Qu’ils en fassent autant !

M. Jean-Claude Lenoir. Mieux, un graphique figurant plus loin indique clairement ce qui s’est passé lorsque la gauche était au pouvoir : en 2000, 40 000 logements sociaux ; en 2001 et 2002, on est à plus de 50 000 ; il faut attendre l’année 2008 – nous savons en effet qu’il existe un certain décalage entre le financement et la construction – pour que l’on atteigne 100 000, et 2010, pour dépasser les 130 000, avec 131 509 logements précisément.

Ainsi, quand vous parlez de moyenne, la manœuvre est évidente : vous camouflez les cinq années pendant lesquelles vous avez construit beaucoup moins de logements, en les englobant dans la période 1997-2012, ce qui vous permet d’affirmer que le nombre de constructions au cours de cette période a été insuffisant. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. François Calvet. Ce n’est pas bien, cela !

Mme Élisabeth Lamure. Non, en effet !

M. François Calvet. Mais M. Bérit-Débat est honnête ; je lui fais confiance !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Dans la même période, vous avez démoli 40 000 logements !

M. Jean-Claude Lenoir. Je vous recommande la lecture de ces deux rapports, mes chers collègues. Ils sont à votre disposition ; il suffit tout simplement de les demander.

J’évoquerai ensuite la garantie universelle des loyers, la GUL. Je partage l’avis exprimé par de nombreux orateurs : il s’agit d’un dispositif inutile compte tenu du problème posé. On le sait, seulement 2,5 % des locataires ne paient pas leurs loyers. Et il faudrait que propriétaires et locataires, tous ceux qui attendent légitimement le paiement d’un loyer et tous ceux qui versent régulièrement leur loyer, participent à une collecte générale qui permettra finalement à ceux qui n’ont pas l’intention de payer de ne pas le faire ?

Vous disiez, madame la ministre, qu’il fallait voir dans ce projet une démarche visant à responsabiliser les personnes.

M. François Grosdidier. C’est l’inverse !

M. Jean-Claude Lenoir. Écoutez la voix du peuple, sur le terrain, dans nos départements ! Chacun est persuadé que ceux qui payent régulièrement vont payer pour les autres.

M. Gérard Longuet. C’est vrai ! Ils vont payer pour les autres !

M. Jean-Claude Lenoir. Pour minimiser le coût lié au fonctionnement de ce dispositif, certains ont défendu dans cette discussion générale l’idée de charger les trésoriers publics du recouvrement. Mes chers collègues, pour peu que vous soyez également élus locaux, n’avez-vous pas régulièrement des demandes émanant du trésorier public et visant à effacer des dettes, tout simplement parce que le coût de recouvrement est supérieur à la somme à recouvrer ? (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dallier. Admission en non-valeur !

M. Jean-Claude Lenoir. Alors, je vois bien l’objectif : pour faire fonctionner la GUL, il faut créer quelque chose, un « bidule », qui permettra de créer des emplois,…

M. Jean Desessard. C’est bien, cela !

M. Jean-Claude Lenoir. Il faudra des gîtes pour les personnes qui y travailleront, des médiateurs, des accompagnateurs sociaux, des gens chargés d’aller frapper à la porte de ceux qui ne paient pas pour essayer de les convaincre de le faire. Vous allez créer ainsi des milliers d’emplois !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’exagérez pas !

M. Jean-Claude Lenoir. Cela me rappelle la fameuse proposition de loi déposée par François Brottes sur le bureau de l’Assemblée nationale et visant à aider les personnes qui ne peuvent pas payer leur énergie et dont vous vous souvenez, mes chers collègues, qu’elle s’est finalement ensablée au Conseil constitutionnel. Là aussi, il s’agissait de créer un immense « truc », qui allait coûter très cher et dont, finalement, le coût de fonctionnement aurait été supérieur aux sommes susceptibles d’être collectées pour venir en aide à ceux qui se tournent vers la puissance publique. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)

J’en viens à mon troisième et dernier point, l’urbanisme. Je vais parler avec une grande sincérité. Sur le territoire de la communauté de communes que j’ai l’honneur de présider, un PLU intercommunal est en train d’être réalisé. Pour moi, l’une des compétences obligatoires des communautés de communes, à savoir l’aménagement de l’espace, doit s’appuyer sur un outil, et le bon outil, c’est le PLUI. Mais chacun a le droit d’apprécier ce qu’il doit faire.

J’ai convaincu les élus des trente-trois communes de ma communauté de communes,…

M. Bruno Sido. Chapeau !

M. Jean-Claude Lenoir. … dont certaines, très petites, comptent moins de 100 habitants, voire moins de 60 habitants pour deux d’entre elles. D’autres agissent comme moi, et je les soutiens.

Ce que nous n’acceptons pas, c’est que la démarche devienne obligatoire.

M. Bruno Sido. Voilà !

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir. Vous ne pouvez pas estimer ici, à Paris, à l’intérieur de ce périphérique dont on a beaucoup parlé cet après-midi, l’opinion des maires sur cet aspect systématique et obligatoire. Et vous ne rendez pas service à ceux, qui, comme moi, militent en faveur des PLU intercommunaux.

M. Bruno Sido. Eh oui ! Par ricochet !

M. Jean-Claude Lenoir. Tout ce que nous faisons pour convaincre est combattu aujourd'hui par ceux qui, après avoir lu votre projet de loi, madame la ministre, nous opposent le futur caractère obligatoire de ce dispositif. À quoi bon, en effet ?

Je le sais, le dispositif vient de l’Assemblée nationale. À cet égard, je reconnais le mérite de M. le rapporteur, qui a fait une proposition intéressante, je le dis comme je le pense.

M. Gérard Longuet. C’est une proposition d’apaisement provisoire !

M. Jean-Claude Lenoir. Mais j’entends également certains remettre leurs espoirs dans l’Assemblée nationale en comptant qu’elle nous suive. C’est oublier que la procédure accélérée n’a pas été engagée sur ce projet de loi, qui fera donc l’objet d’une deuxième lecture, à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. Absolument !

M. Bruno Sido. Sans oublier une CMP !

M. Jean-Claude Lenoir. Que ceux qui ont rédigé le texte que nous sommes nombreux, me semble-t-il, à condamner, le corrigent à l’Assemblée nationale. Nous pourrons ensuite en rediscuter en deuxième lecture. Ne demandons pas au Sénat de se rallier à une disposition dont le sort est hypothétique, quel que soit le talent de ceux qui la défendent. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Marc Daunis. C’est l’Assemblée nationale qui devrait faire notre travail ?

M. Claude Dilain, rapporteur. C’est spécieux !

M. Jean-Claude Lenoir. En deuxième lecture, nous pourrons ainsi constater que, comme vous le laissez entendre, vos amis députés socialistes sont d’accord avec vous. Mais rien ne serait pire pour nous que de voter une disposition qui ne serait pas, ensuite, acceptée. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

Disant cela, je ne pense pas seulement à l’opposition, je pense aussi à vous, chers collègues de la majorité : quelle humiliation pour vous !

M. Daniel Raoul. Quelle hypocrisie ! On vous a connu meilleur !

M. Jean-Claude Lenoir. Pour en terminer sur le chapitre de l’urbanisme, je voudrais, madame la ministre, aborder en trente secondes un point sur lequel j’aurai l’occasion de revenir pendant la discussion des articles, à savoir la possibilité de construire dans les hameaux et les petits villages de nos territoires ruraux.

Je veux bien qu’il y ait des PLU et que l’administration se tienne à l’écart. En réalité, elle est très présente et très contraignante, ce qui soulève une vraie question. Avant d’envisager de consommer plus d’espaces agricoles et ruraux – c’est en effet l’une des raisons pour lesquelles je suis favorable aux PLU intercommunaux –, prenons le temps de regarder où nous pouvons construire sans compromettre les exploitations agricoles.

Au demeurant, nous aurons l’occasion, madame la ministre, d’ici à samedi soir, de nous pencher sur l’ensemble de ces questions. Sachez simplement que nous restons à l’écoute des maires ruraux, des maires des petites villes et des villes moyennes, qui partagent largement l’avis selon lequel ce dispositif est difficilement lisible.

Vous ajoutez de la complexité à la complexité. Au moment où le Gouvernement plaide en faveur d’une simplification, nous prenons le chemin opposé ! (Applaudissements nourris sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ayant été dites sur le logement, j’évoquerai simplement l’urbanisme.

Il s’agit en effet du premier outil au service de la politique du logement, et un outil déterminant pour engager des opérations de construction et indispensable à la prise en compte du « mieux vivre ensemble », dès leur conception.

C’est aussi l’urbanisme qui est le garant de la qualité de notre cadre de vie et de la prise en compte des grands enjeux de développement durable des territoires dans un cadre décentralisé.

Si je précise que ce cadre doit être décentralisé, c’est parce qu’il appartient bien aux élus d’être à l’initiative de ces démarches de planification, qui dépassent largement le seul calendrier des échéances électorales, pour inscrire les collectivités dans des perspectives de développement durable sur le long terme.

Encore faut-il que ces collectivités disposent des moyens nécessaires et d’une capacité d’initiative suffisante pour y parvenir. C’est bien l’un des enjeux du débat qui s’ouvre aujourd’hui au Sénat.

Oui, une nouvelle approche de l’urbanisme est maintenant nécessaire pour limiter la consommation des terres agricoles et lutter contre l’étalement urbain, qui coûte cher, au final, à la collectivité et au contribuable, mais aussi qui nuit aux grands équilibres écologiques de notre pays. N’oublions pas que notre pays est le champion d’Europe en matière d’extension de l’urbanisation, avec une urbanisation équivalente à un terrain de football toutes les cinq minutes ou à la surface d’un département tous les dix ans !

Une nouvelle approche est donc bel et bien nécessaire.

Toutefois, à mon sens, au moins deux conditions sont indispensables à l’aboutissement d’une telle démarche : l’adhésion des élus qui sont aujourd’hui chargés du droit des sols et la prise en compte d’un juste équilibre entre protection et développement des territoires.

Dans cette perspective, j’évoquerai rapidement quatre sujets : le transfert de compétence vers le PLUI ; les délais d’évolution des documents d’urbanisme ; les zones rurales, qui ne doivent pas être condamnées à une sanctuarisation inéluctable ; la situation des centres anciens.

S’agissant des PLUI, c’est bien l’approche intercommunale de l’urbanisme qui nous permettra de mieux répondre aux grands enjeux du développement durable et à un aménagement plus équilibré des espaces urbains, périurbains et ruraux. Toutefois, cette démarche ne peut être issue que d’un projet territorial partagé faisant consensus.

C’est une position claire, qui est aussi celle de l’Association des maires de France, contrairement à ce que j’ai pu entendre et, sur ce point, je note avec satisfaction que nous avons été entendus par la commission des affaires économiques ; je tiens à remercier le rapporteur, qui a été à notre écoute.

Nous devrons cependant veiller à ce que les nouvelles communautés ou les communautés fusionnées après la promulgation de la loi bénéficient aussi de la souplesse introduite. Nous serons également très vigilants – plusieurs d’entre nous l’ont déjà souligné – quant au contenu du texte qui reviendra au Sénat en deuxième lecture. Dans l’immédiat, monsieur Lenoir, le pire serait que le texte parte du Sénat sans que les dispositions adoptées par la commission aient été approuvées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) En effet, ce serait alors l’Assemblée nationale qui déciderait toute seule !

Pour ce qui est des délais et de la période de transition proposée pour l’évolution des documents d’urbanisme, dès lors que le transfert de compétence du PLUI n’est plus automatique dans le texte proposé par la commission, il faut aussi veiller à ce que les communes comprises dans un EPCI qui ne prendra pas la compétence PLUI ne soient pas frappées par un gel de leur urbanisation.

Je souhaite donc attirer l’attention de notre assemblée sur les risques que comporte l’impossibilité, en l’état actuel du texte, de réviser des documents d’urbanisme entre la date de promulgation de la loi et la date de transfert des compétences, puis entre celle-ci et la date d’approbation d’un PLUI. Ces délais successifs, éventuellement additionnés, pourront durer plusieurs années, risquant ainsi de geler le potentiel de développement des communes.

C'est pourquoi, à mon sens, il faut assouplir les dispositions transitoires du texte afin de pallier cette difficulté ; à défaut, cela provoquera le vif mécontentement des communes quand elles s’en rendront compte, c'est-à-dire un peu plus tard. Il y a là une vraie bombe à retardement, qu’il faut désamorcer dès maintenant.

Je veux aussi évoquer les mécanismes de lutte contre l’étalement urbain intégrés dans le projet de loi.

Bien sûr, des mesures sont nécessaires, et nous sommes nombreux à partager la volonté de préserver nos espaces naturels comme nos terres agricoles. Cependant, il faut le redire, certaines dispositions du texte induisent tout simplement la sanctuarisation des territoires ruraux, notamment en montagne et sur le littoral, alors que ces territoires sont déjà soumis à des dispositions très contraignantes en matière d’urbanisation.

Il y a une vie aussi dans nos campagnes, qui ne peuvent être réduites au statut d’immenses réserves naturelles. Les nombreux villages et hameaux qui constituent l’une des richesses de la ruralité sont dotés d’un patrimoine architectural très intéressant et souvent inutilisé du fait de l’évolution des pratiques agricoles. Leurs bâtiments se prêtent parfaitement à la réhabilitation pour accueillir de nouveaux logements, car ils sont déjà viabilisés et raccordés au réseau routier. Ils méritent donc d’être mis en valeur au même titre que certains quartiers urbains ou péri-urbains.

Les villages et hameaux peuvent contribuer à lutter contre l’étalement urbain grâce au fort potentiel de leur patrimoine bâti. Encore faut-il que cela soit possible. Le dynamisme et la vitalité économique et démographique de nombreuses communes rurales sont ici en jeu.

Nous pouvons concilier la protection de nos espaces naturels et le développement rural en faisant confiance aux élus pour l’élaboration des documents d’urbanisme. C’est bien dans le cadre de cette élaboration que les communes pourront ouvrir leur droit à construire. Mais, pour qu’elles soient en mesure de le faire, il faut introduire plus de souplesse dans le texte. Plusieurs amendements ont été déposés en ce sens.

Je ne peux terminer ce propos sans évoquer la situation des centres anciens – notamment ceux des petites et moyennes villes –, qui connaissent aujourd’hui de grandes difficultés économiques, sociales, voire environnementales, en particulier sur le plan de la consommation d’énergie. Les centres anciens constituent pourtant des potentiels d’accueil de population importants, avec de nombreux logements vacants dans un cadre architectural souvent très intéressant. Leur rénovation est une réponse efficace en matière tant de lutte contre l’étalement urbain que de cohésion sociale.

Des politiques partenariales et contractualisées sont cependant nécessaires pour parvenir à ce résultat. Je forme donc le vœu, madame le ministre, que les projets d’intérêt majeur que vous avez opportunément insérés dans ce projet de loi puissent contribuer à la reconquête de ces quartiers anciens. J’aimerais savoir si ces quartiers seront bien concernés par le dispositif.

Pour conclure tout à fait, je forme un autre vœu : que les débats à venir au Sénat nous permettent de trouver des consensus, car, comme vous l’avez rappelé, c’est la condition si nous voulons être en mesure de développer l’offre de logements pour tous dans notre pays et surtout, dans l’immédiat, si nous voulons peser sur les choix de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC, du groupe socialiste et du RDSE.)