M. le président. Madame Rossignol, que pensez-vous de la suggestion de Mme la rapporteur ?

Mme Laurence Rossignol. Essayons de trouver un compromis. Ce qui nous pose problème, dans la rédaction actuelle de l’alinéa 6, c’est d’abord que le membre de phrase « notamment par l’égalité entre les femmes et les hommes » indique un moyen. Il faut plutôt assigner un objectif d’égalité entre les femmes et les hommes.

Par ailleurs, la « prise en compte des périodes éventuelles de privation involontaire d’emploi, totale ou partielle » n’a aucun rapport avec l’égalité entre hommes et femmes : c’est du chômage qu’il s’agit.

M. Jean-Claude Lenoir. Est-ce qu’on est en commission ou en séance publique ?

M. Gérard Longuet. Vous faites du travail de commission !

Une sénatrice du groupe CRC. Et vous, comment faites-vous ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. On a le droit de rectifier un amendement en séance publique !

Mme Laurence Rossignol. Nous rectifions notre amendement ! Nous en avons le droit ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous propose d’interrompre nos travaux quelques instants.

M. Jean-Claude Lenoir. Voilà ! Très bien !

M. François Trucy. Très bien, monsieur le président !

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quatorze heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un amendement n° 422, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

chaque génération

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

par l'égalité des pensions entre les femmes et les hommes, par la prise en compte des périodes éventuelles de privation involontaire d'emploi, totale ou partielle, et par la garantie d'un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités leur permettant de vivre dignement.

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il s’agit d’une rédaction de synthèse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° 422.

M. Gérard Longuet. Je constate que j’ai eu tort de retirer ma motion tendant au renvoi du texte à la commission,…

M. Gérard Longuet. … parce que nous sommes désormais condamnés à effectuer un travail de commission en séance publique.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cela arrive !

M. Gérard Longuet. Cela permet du moins à des collègues qui ne siègent pas à la commission des affaires sociales de participer aux travaux de celle-ci…

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Vous voyez, vous trouvez parfois de bons arguments !

M. Gérard Longuet. Mais redevenons sérieux : quelle difficulté l’amendement de la commission pose-t-il ? La rédaction proposée confond un objectif général avec les capacités effectives de notre système de retraite, dont le projet de loi tend à modifier certains des éléments d’équilibre.

L’égalité des pensions entre les femmes et les hommes visée par l’amendement existe bel et bien ! Ce qui n’existe pas encore – et Mme Rossignol a eu raison de le rappeler –, c’est l’égalité entre les femmes et les hommes en termes de carrières, parce que hommes et femmes ont des contraintes et des modes de vie différents. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Laurence Cohen. On impose des contraintes aux femmes ! C’est le système !

M. Gérard Longuet. Jusqu’à présent, ce sont les femmes qui font les enfants ; les hommes, longtemps, ont fait la guerre, mais aujourd’hui ils ne la font plus, ce qui modifie évidemment leur situation dans la société. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Dans la fonction publique, il y a égalité des pensions entre les femmes et les hommes. Dans le régime général des salariés, à droits égaux, les pensions sont égales.

Par conséquent, de deux choses l’une, madame la rapporteur : soit la nouvelle rédaction proposée pour l’alinéa 6 de l’article 1er enfonce une porte ouverte, puisque l’égalité des pensions existe déjà, et votre amendement n’a alors aucune portée ; soit vous souhaitez promouvoir, en amont du droit à pension, l’égalité des carrières, mais dans ce cas dites-le clairement.

Je me réjouis, en revanche, que vous réintroduisiez à l’alinéa 6 la prise en compte des périodes éventuelles de privation involontaire d’emploi, c’est-à-dire de chômage. En effet, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, le régime de retraite par répartition a une fonction redistributrice qui n’est pas négligeable, puisque l’on estime qu’elle porte sur environ 20 % du montant des ressources du régime général. Elle permet d’ouvrir des droits à pension à des personnes qui n’ont pas cotisé, notamment parce qu’elles se sont trouvées, à un moment ou à un autre, dans une situation de privation involontaire d’emploi totale ou partielle, pour dire joliment les choses…

Avec votre rédaction, vous placez sur un même plan deux préoccupations qui sont d’ordre différent. Très honnêtement, si nous l’adoptons, la face du monde n’en sera pas changée, mais cela entretiendra une confusion sur ce que nous estimons être la nature même d’un texte législatif, c’est-à-dire l’affirmation d’une obligation impérative de faire en vue d’un résultat.

Si notre discussion portait sur le préambule du projet de loi, je voterais avec enthousiasme cet amendement, qui a le mérite de la générosité, même s’il recèle une certaine ambiguïté. Mais il s’agit ici d’un dispositif législatif, dont la mise en œuvre est censée être suivie d’effet. Que se passera-t-il si quelqu’un saisit le Conseil constitutionnel en faisant valoir que telle ou telle disposition est contraire à l’objectif d’égalité des pensions entre les femmes et les hommes ? Les gestionnaires des régimes objecteront que les pensions sont les mêmes à carrières égales, tandis que les sociologues répondront que, les carrières n’étant pas les mêmes, les pensions ne sont pas les mêmes. Qui a raison ?

À mon sens, votre dispositif sera totalement inapplicable. Par respect pour l’autorité de la loi, je préférerais que l’on revienne à une rédaction plus simple. C’est pourquoi je propose de ne pas adopter cet amendement, même si nous en apprécions la générosité.

M. le président. Pour la clarté du débat, j’indique que si l’amendement n° 422 est adopté, les amendements nos 351 rectifié bis, 17, 28 et 36 deviendront sans objet ; ne resteront en discussion que les amendements nos 247 et 20.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Tout d’abord, je tiens à rappeler que, en tant que législateur, nous avons parfaitement le droit de sous-amender ou de rectifier un amendement en séance publique.

M. Jean-Claude Lenoir. Tout à fait !

Mme Laurence Cohen. Ce droit n’a pas vocation à s’exercer uniquement en commission. Je ne comprends donc pas les sarcasmes qui émanent de certaines travées… Ce travail collectif en séance plénière me semble intéressant et n’empiète pas sur les compétences des commissions.

Ensuite, je salue les efforts de Mme Demontès pour essayer de tirer la substantifique moelle des différents amendements présentés. Il n’y a pas, aujourd’hui, égalité des pensions entre les femmes et les hommes. Ce n’est pas l’effet du hasard : cette situation résulte d’une politique assumée, consistant à assigner un rôle spécifique aux femmes dans la société.

Par ailleurs, il est une réalité que nous essayons de combattre : l’éducation des enfants repose en général sur les femmes et, par manque de places en crèche et de moyens de garde, il leur est difficile de continuer à exercer une activité professionnelle une fois devenues mères.

M. Gérard Longuet. C’est vrai, mais c’est peut-être aussi que les femmes aiment les enfants !

Mme Laurence Cohen. Elles n’ont pas vraiment le choix, dès lors que, au sein d’un couple, c’est en général la femme qui touche le salaire le plus faible. Ne jouez pas les naïfs : les choix s’imposent d’eux-mêmes. Je tenais à remettre les pendules à l’heure sur ce point.

La rédaction qui nous est proposée est plus claire, puisqu’elle fait expressément référence à l’égalité des pensions. Cela étant, avec cette formulation, on en reste à un vœu pieux,…

M. Gérard Longuet. Vous partagez donc mon point de vue…

Mme Laurence Cohen. … puisque l’inégalité des pensions entre hommes et femmes est le produit de toute une politique salariale. Il conviendrait donc d’agir en amont.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Moi non plus, je n’ai pas du tout goûté le ton sarcastique de notre collègue Longuet, s’agissant d’une situation dramatique pour de nombreuses femmes retraitées.

Les difficultés des femmes tiennent à l’absence de droits propres, à la prégnance des stéréotypes de genre dans l’accès à l’emploi, à une autocensure qui les empêche d’accéder à certaines formations, au manque de places de crèche et de moyens de garde, qui les oblige à travailler à temps partiel. Il ne faut pas oublier non plus que les tâches domestiques reposent encore principalement sur les femmes. Nous travaillons sur ces questions, mais il y a encore beaucoup à faire.

J’apprécie les efforts de synthèse de Mme la rapporteur et de Mme Rossignol, mais je regrette tout de même que l’on ne demande pas aux entreprises de faire davantage d’efforts pour remédier au déficit de droits propres dont pâtissent les femmes. Au lieu de cela, on sollicite la solidarité nationale, c’est-à-dire, en réalité, les salariés. Notre appréciation est donc mitigée. Il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à une réelle égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, seule à même de garantir l’acquisition de droits propres par les femmes.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je découvre le texte de l’amendement n° 422, et sa lecture me laisse stupéfait…

Nous connaissons un certain nombre de catégories juridiques. Le Conseil d’État vient de les enrichir : il y avait du droit dur, il y a désormais du droit mou. Il y a, enfin, du droit que l’on pourrait qualifier de « proclamatoire », ou plutôt de « déclamatoire »…

Qu’est-ce que la déclamation ? C’est un genre littéraire qui consiste à énoncer de manière théâtrale un certain nombre de principes, sans que cela emporte la moindre conséquence sur les réalités.

En l’espèce, un tel amendement aurait éventuellement pu être intégré au Préambule de la Constitution de 1946, mais il porte sur un texte pompeusement appelé « projet de loi visant à garantir l’avenir et la justice du système de retraites ». En réalité, il s’agit plus sobrement d’un projet de loi portant diverses dispositions relatives aux retraites…

Madame la rapporteur, vous proposez de mentionner dans l’article 1er l’égalité des pensions entre les femmes et les hommes, alors que le texte de l’Assemblée nationale, sans doute rétrograde, se bornait à évoquer l’égalité entre les femmes et les hommes.

L’égalité des pensions peut-elle induire que des cotisations inégales ouvrent droit à des pensions égales ? Si c’est le cas, il s’agit d’une formidable distorsion de nos principes républicains. Dans le système de la retraite par répartition, ce qui fonde le montant des droits, c’est et ce ne peut être que le montant des cotisations.

Le montant des cotisations acquittées par les femmes dépend du montant de leur rémunération, qui résulte lui-même de leurs choix professionnels…

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Plutôt de leurs non-choix !

M. Philippe Bas. … et, en amont, de leurs choix en matière d’études.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Croyez-vous que c’est leur choix d’être mal payées ?

M. Philippe Bas. L’une de nos collègues a affirmé que les femmes ont tendance à s’autocensurer. Cependant, certaines choisissent d’être professeur ou médecin. Certes, quand elles deviennent mères, elles font souvent le choix d’exercer leur profession dans des conditions leur permettant de concilier vies familiale et professionnelle et perçoivent alors une rémunération sans doute moindre que celle de leurs camarades d’études se consacrant pleinement à leur carrière.

Cette situation devrait sans doute être corrigée en faisant en sorte d’élargir la liberté de choix des femmes. Pour cela, il faut à l’évidence agir sur les comportements au sein des couples, pour que la conciliation entre vies familiale et professionnelle ne repose pas que sur les seules femmes, comme c’est parfois le cas, mais rien ne justifie que l’on ouvre une brèche dans notre système de retraite par répartition, qui veut que le montant de la pension de retraite soit lié aux droits acquis par le cotisant pendant la durée de son activité professionnelle.

J’ajoute que le primat que vous voulez donner à l’égalitarisme entre femmes et hommes induit des conséquences extrêmement perturbatrices pour la mise en œuvre et le respect de nos principes républicains. C’est la raison pour laquelle je m’oppose à cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Je voudrais tout de même rappeler que les femmes sont la moitié de l’humanité…

L’égalité entre les femmes et les hommes est un combat permanent. Il est heureux que la délégation des droits des femmes du Sénat compte des hommes, de toutes les couleurs politiques, qui ne tiennent pas les propos que nous venons d’entendre et qui se battent pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans les sphères professionnelle, publique, politique et privée ! Pour la clarté des débats, peut-être serait-il préférable de consacrer un alinéa spécifique à ce sujet, pour bien le distinguer de celui de l’égalité des pensions. (Mme Gisèle Printz applaudit.)

M. Gérard Longuet. Intéressante suggestion !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Depuis l’ouverture du débat sur ce texte dont le seul objectif est, d’ailleurs, d’augmenter les cotisations des salariés et des entreprises, on y voit clair sur votre stratégie et votre méthode.

Comme l’a dit mon ami Philippe Bas en des termes excellents, vous faites de la déclamation sur des principes auxquels il est difficile d’opposer la moindre objection. Dès hier soir, on a entendu certains de nos collègues défendre un amendement visant à faire le bonheur des peuples, ou à peu près…

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Quelle caricature ! Quel mépris !

M. Jean-Claude Lenoir. Un autre amendement, vraiment étonnant, demandait que la loi fixât le principe d’un temps de retraite au moins égal à la moitié du temps passé au travail…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je parlais des générations, non des individus !

M. Jean-Claude Lenoir. Aujourd’hui, on nous propose, par le biais d’amendements que nous aurions d’ailleurs pu examiner hier soir si nous n’avions pas été interrompus à plusieurs reprises par des provocations, de réduire les écarts de rémunération entre hommes et femmes,…

Mme Mireille Schurch. Oui, il faut le faire !

M. Jean-Claude Lenoir. … de prévoir que les retraités puissent vivre dignement, d’améliorer leur niveau de vie et, enfin, d’instaurer l’égalité hommes-femmes.

Pourquoi de tels amendements ? Nous l’avons compris : vous voulez créer un rideau de fumée pour masquer la réalité de vos intentions, à savoir, tout simplement, augmenter les cotisations des salariés, des retraités et des entreprises. Dans la perspective des prochaines élections, vous en êtes déjà à préparer un argumentaire pour expliquer que l’objet de ce projet de loi, c’est le bonheur des peuples, la réduction des inégalités, la bonne santé pour tout le monde…

M. Jean-Pierre Caffet. Ne prenez pas les Français pour des imbéciles !

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la ministre, dans un passé qui n’est pas si lointain, nous siégions, vous et moi, à l’Assemblée nationale. Alors porte-parole du groupe socialiste contre le projet de loi sur les retraites présenté par le gouvernement Fillon, vous annonciez en substance vouloir abroger, dès votre arrivée au pouvoir, les dispositions que la majorité de l’Assemblée nationale se préparait à voter.

M. Gérard Longuet. Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la ministre, lesquelles des dispositions des lois adoptées sous les gouvernements d’Alain Juppé, de Jean-Pierre Raffarin et de François Fillon allez-vous maintenant abroger, comme vous l’aviez annoncé aux Français d’une façon sans doute un peu aventureuse ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Longuet. Très bonne question !

Mme Catherine Génisson. Celles sur la pénibilité !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Il y a le fond et il y a la forme.

Sur la forme, établir la rédaction de la disposition que nous nous apprêtons à voter a certes pris quelques minutes, mais cela ne me paraît nullement choquant dans la mesure où nous ne sommes pas tous docteurs en droit ni conseillers d’État. J’ajoute que tous les membres de la délégation aux droits des femmes n’appartiennent pas à la commission et que ce débat en séance plénière a donc toute son utilité : il est normal qu’un dialogue puisse s’instaurer entre la commission et la délégation aux droits des femmes. L’ironie de certains est déplacée : notre travail est d’essayer d’améliorer le texte du projet de loi. Sinon, autant rester chez soi !

M. Gérard Longuet. Sinon, on va en commission !

Mme Corinne Bouchoux. Sur le fond, peut-être y a-t-il, à côté du droit dur, le droit mou, dont on se moque volontiers, mais je n’ai pas l’impression que ce soit d’aujourd’hui que l’on inscrive des dispositions incantatoires dans la loi !

M. Gérard Longuet. Vous avez raison, hélas !

Mme Corinne Bouchoux. Je pense que les effets oratoires des uns et des autres masquent mal un certain embarras sur le sujet de l’égalité hommes-femmes, qui, j’en conviens, n’est pas forcément très facile à aborder en ce moment…

Pour notre part, en tout cas, nous voterons l’amendement n° 422. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Je voudrais formuler trois observations.

D’abord, par l’amendement n° 422, vous demandez l’égalité des pensions entre les femmes et les hommes. Or le montant de la pension est en rapport avec les cotisations versées, donc avec les rémunérations ou les traitements perçus durant l’activité professionnelle. Si l’on déroge à ce principe en dissociant la pension de la rémunération, la modification est d’une importance telle qu’il faut retourner en commission pour en débattre.

Ensuite, je rejoins Jean-Claude Lenoir pour vous demander, madame la ministre, quelles dispositions actuellement en vigueur vous entendez abroger au travers de ce projet de loi. Vous êtes maintenant aux responsabilités depuis près de dix-huit mois.

Enfin, la référence aux générations dans le texte de l’alinéa 6 me gêne un peu. En effet, on considère en général qu’une génération couvre une vingtaine d’années. Or, puisqu’on fait évoluer les droits à pension en fonction de l’année de naissance tous les trois ou cinq ans, mieux vaudrait l’expliquer clairement dès maintenant aux Français : ne masquons pas cette réalité derrière l’écran de fumée que constitue la référence aux générations. Sinon, nos compatriotes sauront faire entendre leur mécontentement !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Nous ne sommes pas par principe contre le fait de sous-amender ou de rectifier en séance des amendements, mais nous déplorons que cela se fasse dans la confusion, entre vous, sans que l’on puisse comprendre à quel texte on aboutira. C’est donc uniquement votre manière de procéder que nous critiquons.

Sur le fond, je ne voterai pas cet amendement, pour les raisons que mes collègues ont exposées. À ce propos, que nous nous opposions à un amendement faisant référence à une égalité hommes-femmes ne fait pas de nous des misogynes, des rétrogrades incapables de prendre en compte la situation des femmes ! On a aussi le droit, et c’est une femme qui vous le dit, de s’opposer au nom d’arguments juridiques à un texte peu clair qui contrevient à un principe fondateur du régime de retraite par répartition ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 422.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 351 rectifié bis, 17, 28 et 36 n'ont plus d'objet.

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° 247.

M. Gérard Longuet. L’avenir du système de retraite par répartition est une préoccupation majeure de nos compatriotes. Puisque nous sommes dans le registre des intentions, il me paraîtrait souhaitable, pour les rassurer, d’introduire dans le texte les objectifs de lisibilité et de transparence. En effet, pour obtenir l’adhésion des Français, il importe de consolider dans l’opinion la confiance dans le régime de retraite par répartition. Pour l’heure, il existe une inquiétude quant aux prestations que celui-ci sera en mesure d’assurer dans l’avenir. C’est d’ailleurs avec raison que, hier soir, Mme le ministre s’est opposée à des amendements du groupe CRC faisant référence à des prestations définies : il n’est pas possible, en cet instant, de définir précisément quelles seront les prestations du régime de retraite dans le futur, dans la mesure où des facteurs importants, tels le taux d’activité, la croissance, la productivité, la démographie, peuvent varier de façon significative au cours de la période difficile 2020-2035, qui en précédera peut-être d’autres.

La crédibilité du système repose donc sur une visibilité collective, mais aussi individuelle : c’est la raison pour laquelle, à titre personnel, je défendrai le système de retraite par points (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) ou les comptes notionnels, qui ont le mérite de donner à chacun, au début de l’année, une vision des droits qu’il a acquis par son travail.

Nous avons le devoir, dans un régime qui est obligatoire et a vocation à être universel, tout au moins pour les salariés, de garantir la lisibilité et la transparence, afin que chaque cotisant puisse avoir la certitude que son effort ne sera pas vain ni gaspillé. Ainsi saura-t-il qu’il n’aura pas à se constituer à tout prix une retraite strictement personnelle, puisqu’il pourra compter sur la solidité d’un système collectif et obligatoire.

Dès lors qu’un régime est obligatoire, il doit aussi être transparent. Puisqu’il est en outre universel, il importe aussi qu’il soit lisible pour tous, et pas seulement pour les agrégés de sciences actuarielles ou les diplômés d’études supérieures en sociologie des régimes de retraite. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Cette certitude, nous ne l’avons pas en cet instant, et nos compatriotes non plus. Trop de mouvements d’opinion, d’articles de presse, d’études et d’enquêtes laissent transparaître des interrogations. Nous devons considérer que la solidité du régime universel obligatoire de retraite par répartition passe par l’information, en vue de renforcer la confiance de nos concitoyens dans ce système.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Je ne comprends pas, madame la ministre, pourquoi, après avoir accueilli avec bienveillance l’amendement précédent, vous refusez le nôtre. Gérard Longuet l’a dit, nous devons la lisibilité et la transparence aux Français. On voit combien il est anxiogène de ne pas savoir de quoi sera fait demain ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Oui, vous nous avez mis dans une drôle de situation…

Mme Catherine Deroche. Les atermoiements récents du Gouvernement – un jour on taxe, l’autre non – s’apparentent à des pas de tango, voire de moonwalk ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet. Une autre culture…

Mme Catherine Deroche. Une proposition visant à assurer aux Français davantage de visibilité sur le sujet majeur de leur retraite et de leur avenir mérite d’être étudiée avec attention. Vous choisissez au contraire d’en faire fi, mais le retour de bâton pourrait être sévère.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je voterai cet amendement, qui n’est ni incantatoire ni déclamatoire, visant à fixer un objectif de lisibilité et de transparence à l’action des pouvoirs publics.

Je vois un lien très direct entre cet amendement et l’une des principales innovations de la réforme des retraites de 2003, mise en œuvre sous l’autorité du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin par le ministre du travail et des affaires sociales de l’époque, François Fillon. (M. Gérard Longuet opine.)

Cette réforme avait créé une obligation d’information, chaque Français devant être précisément informé, tous les cinq ans, de l’état de ses droits individuels à la retraite en fonction de l’évolution de son activité. Cette avancée extrêmement importante visait à répondre aux inquiétudes de nos compatriotes, qui, aujourd’hui, ne savent pas exactement de quoi l’avenir sera fait.

Cette exigence d’information individuelle n’est cependant pas tout. Nous avons besoin aussi de savoir, collectivement, comment nos régimes de retraite vont s’équilibrer. En effet, si leur financement n’est pas assuré, on aura beau avoir acquis des droits, ceux-ci risquent d’être payés en monnaie de singe. C’est la raison pour laquelle il paraît non seulement pertinent et judicieux, mais aussi nécessaire et indispensable, d’inscrire dans la loi ces objectifs de lisibilité et de transparence.

Prenons un exemple concret, celui du texte portant diverses dispositions relatives au système de retraites que nous examinons.

Nous constatons d’abord que son dispositif repose sur une mesure portant allongement de la durée d’activité requise pour l’attribution du taux plein qui rapportera deux fois moins que le report de deux ans de l’âge de la retraite. Cela n’est guère rassurant pour nos compatriotes !

Par ailleurs, ce projet de loi ne comporte pas de dispositions permettant d’équilibrer le financement des pensions de retraite des fonctionnaires des trois fonctions publiques,…

M. Gérard Longuet. Exactement !

M. Philippe Bas. … qui représentent aujourd’hui la moitié du besoin de financement pour les régimes de base. Je laisse de côté ici les régimes complémentaires, en saluant d’ailleurs l’esprit de responsabilité des partenaires sociaux, qui, eux, savent faire leur devoir, quand le Gouvernement et sa majorité ne font pas le leur.

Si une telle obligation de transparence était inscrite dans la loi, madame la ministre, il vous faudrait expliquer que vous ne pouvez pas aller plus loin et que vous comptez sur vos successeurs pour achever le travail, mais aussi donner l’état exact de la situation.

Enfin, madame la ministre, je vous invite à répondre à la question qui vous est posée avec insistance par plusieurs de mes collègues, notamment Jean-François Husson et Jean-Claude Lenoir. Compte tenu de ce que vous avez dit vous-même lors du débat sur la grande réforme des retraites de 2010, vous devez nous indiquer, afin d’éclairer la représentation nationale, quelles mesures prises dans le passé vous vous apprêtez à abroger. Je suppose que la liste en est tellement longue que vous prenez le temps de la réflexion avant de nous répondre…

En tout état de cause, le présent amendement me paraît très important sur le plan des principes.