M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. L’excellente intervention de mon collègue Philippe Bas va me permettre d’abréger la mienne.

Nous avons abordé ce débat sur l’avenir du système de retraites dans un esprit très constructif.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. On ne s’en était pas rendu compte !

M. Jean-Claude Lenoir. Or notre amendement a été écarté d’un revers de main, par sectarisme. Vos propositions sont par hypothèse excellentes, les nôtres ne retiennent pas votre attention, du seul fait qu’elles émanent de nos travées !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Nous avons connu cela !

M. Jean-Claude Lenoir. La subtilité de votre argumentation consiste à reprocher à nos amendements de fixer des objectifs qui seraient en fait des moyens. C’est au nom de ce seul motif que vous écartez un amendement important !

Je le répète, il n’est pas un seul élu local qui n’entende exprimer, sur le terrain, le trouble ressenti par les Français devant la complexité du système de retraites. La retraite est un bien indissociable du travail et de l’activité. Nombre de nos compatriotes considèrent que s’y attachent non seulement un droit à des prestations, mais aussi un droit moral. Cela implique qu’ils puissent avoir une parfaite connaissance de leur situation au regard de la retraite. Le principe de lisibilité et de transparence vaut au plan collectif, mais aussi individuel. Il faut que chaque personne puisse s’y retrouver.

Par ailleurs, madame la ministre, je vous ai posé une question précise. Il faut lever tout malentendu !

Vous avez affirmé, aux côtés du candidat François Hollande, que vous alliez abroger les réformes…

M. Jean-Claude Gaudin. … de l’ancien régime. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. … adoptées par la précédente majorité en matière de retraites. Je pourrais retrouver des extraits du Journal officiel qui en témoignent. De telles déclarations avaient le mérite de la franchise et de la clarté.

J’ai donc cherché, dans le texte que vous nous présentez aujourd’hui, quels étaient les articles abrogeant les dispositions que vous dénonciez voilà peu. Je n’ai rien trouvé ! Il est important, au regard de la crédibilité de la parole d’un membre du Gouvernement, que nous puissions y voir clair. Je vous pose donc, de nouveau, cette question simple : quels sont les articles de ce projet de loi qui abrogent les dispositions précédemment adoptées ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Quatrième fois que vous posez la question…

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Les Français sont inquiets. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) N’avez-vous pas senti cette inquiétude sur le terrain ? Cela me surprend ! Quant à moi, je ne rencontre personne qui ne l’exprime, sur divers thèmes.

Nous vivons une période difficile, et les Français souffrent. Ce n’est pas le moment d’en rajouter. Ils ont besoin de visibilité. Quelle vision de l’avenir du système de retraites leur donnez-vous ? Celle d’un allongement, au fil des générations, de la durée de cotisation ? Les actifs savent d’ores et déjà qu’ils devront travailler plus longtemps que leurs aînés. Ils travaillent pour se constituer une retraite, notamment, mais la fiscalité ne cesse d’évoluer, au gré des projets de loi de finances, de sorte qu’ils n’ont plus aucune garantie quant au montant futur de leur pension.

La transparence implique la lisibilité, laquelle permet d’avancer dans un cadre sécurisé. Or, dans les textes qui nous sont soumis, à commencer par celui-ci, la lisibilité manque : vous agissez au coup par coup, ce qui n’est pas de nature à rassurer les Français !

L’alinéa 6 de l’article 1er traite d’équité, de solidarité intra- et inter-générationnelle, mais le pacte républicain ne se trouvera pas renforcé par le texte qui nous est soumis ! Les garanties nécessaires n’y sont pas. C’est pourquoi il est important d’adopter cet amendement, qui tend à instaurer les objectifs de lisibilité et de transparence.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. La lisibilité s’oppose à la complexité, la transparence vise à restaurer le crédit de la parole publique.

Comme je l’ai déjà indiqué, il conviendrait de parler de tranches d’âge plutôt que de générations. En effet, eu égard aux évolutions que connaissent nos sociétés, notamment en termes de durée de la vie, de durée d’activité et de durée de bénéfice de la retraite, nous devrons revenir, lors de chaque quinquennat, sur le système de retraite par répartition, dont nous sommes unanimes à souhaiter le maintien.

Je me souviens que, au début de ma vie professionnelle, voilà déjà quelques années, le système de retraite par répartition garantissait à ses bénéficiaires le salaire moyen des dix meilleures années, ce qui représentait, grosso modo, 25 % de pension supplémentaire en moyenne par rapport à la situation actuelle. Pour tout dire, l’évolution intervenue ne me choque pas : elle s’explique parfaitement, dans la mesure où, en trente ans, notre espérance de vie à la retraite a augmenté de sept à huit années.

Il faut donc de la transparence, parce que chaque fois que l’on fait une réforme, c’est pour assurer le nécessaire équilibre entre cotisations et prestations. Il n’y a pas à en rougir : les gouvernants, quels qu’ils soient, doivent expliquer à nos compatriotes le sens des modifications apportées au système de retraite par répartition.

Nos concitoyens peuvent comprendre tout cela. Si l’on constate aujourd’hui un climat de défiance, c’est parce que vos actes sont en contradiction avec les promesses que vous faisiez, lorsque vous étiez dans l’opposition, de revenir, une fois aux responsabilités, sur les mesures adoptées par vos adversaires politiques. Madame la ministre, dites-nous clairement aujourd’hui que vous faites vôtres les différentes réformes passées, auxquelles vous étiez fermement opposée hier ! Il y va du respect de la parole publique. La lisibilité et la transparence sont deux valeurs fondamentales du système de retraite par répartition. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 247.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Gérard Longuet. Vous êtes contre la lisibilité et la transparence ! Cela me paraît prudent de votre part…

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote sur l'amendement n° 20.

M. Michel Le Scouarnec. Les inégalités dont pâtissent les femmes en matière de retraite sont un miroir grossissant des inégalités professionnelles et salariales qui les pénalisent encore et toujours.

En effet, les écarts en termes de pensions sont le reflet des inégalités salariales, bien sûr, mais aussi du mode de calcul des retraites et de l’évolution de celui-ci depuis le début des années quatre-vingt-dix. Fondé sur le niveau de rémunération et la durée de carrière, ce mode de calcul pénalise doublement les femmes.

Pour vous convaincre d’adopter cet amendement, je voudrais revenir assez rapidement sur les conséquences des dernières évolutions du régime général, reposant sur une conception de plus en plus « contributive » du système, selon laquelle les cotisations sont considérées comme une propriété individuelle du travailleur et le régime de retraite comme un système d’épargne individuelle. Cette conception s’oppose à celle de la sécurité sociale, qui prévalait à l’origine et que nous défendons, opérant une socialisation d’une partie des salaires, avec la mise en commun des cotisations.

J’aimerais aussi souligner un paradoxe : si l’augmentation de l’emploi salarié des femmes s’est traduite, depuis cinquante ans, par une amélioration de leurs droits à la retraite, des chercheurs ont montré que les changements opérés depuis la fin des années quatre-vingt ont en partie contrecarré cette tendance positive.

Ainsi, une étude de 2006 de l’Institut national d’études démographiques, réalisée notamment par Carole Bonnet, a permis d’évaluer l’impact des réformes de 1993 et de 2003 sur les affiliés au régime général. Selon cette étude, la mise en œuvre de la loi de 1993 a réduit le montant moyen de la pension de 9 % pour les hommes et de 13 % pour les femmes. Quant à la réforme de 2003, elle aurait permis une légère augmentation de la pension moyenne des hommes, tout en provoquant une légère baisse de celle des femmes.

On voit bien que la contributivité, telle qu’elle a été appliquée depuis ces réformes – à savoir l’augmentation de la durée de cotisation requise pour bénéficier du taux plein et l’augmentation du nombre d’années prises en compte pour le calcul du salaire de référence – et poursuivie à la suite de celle de 2010, a consisté à réduire le montant des pensions. Le présent projet de loi, dont la mesure phare est l’article 2, s’inscrit malheureusement dans la même logique, qui est, nous l’avons vu, défavorable aux personnes percevant de faibles salaires, du fait notamment de carrières hachées ou interrompues, et donc d’abord défavorable aux femmes.

Rompre avec cette logique et réaffirmer que la retraite est un droit salarial, et non un système d’épargne : telle est la position que nous allons défendre au cours de ce débat.

M. Gérard Longuet. Quels sont les avis de la commission et du Gouvernement ?

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Les avis ont déjà été donnés !

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je ne peux que m’associer à l’objectif, posé par l’amendement, de réduire les écarts de pension entre les hommes et les femmes.

Madame la ministre, il faudra joindre les actes aux paroles pour essayer de mettre sur pied une politique de reconnaissance des années consacrées à élever les enfants, que ce soit par la mère ou le père, d’ailleurs, notamment au travers du projet de loi relatif à la formation professionnelle continue que nous examinerons dans quelques mois. Suivre une formation pendant la période où l’on élève les enfants permet de maintenir son niveau de qualification en vue de retrouver plus facilement du travail par la suite.

En conséquence, nous sommes disposés à soutenir cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je rappelle à nos collègues de l’opposition que Mme la ministre et Mme la rapporteur ont donné tout à l’heure leur avis sur l’ensemble des amendements faisant l’objet de la discussion commune.

Écrire la loi est un acte important de la démocratie. Quel que soit le jugement que chacun d’entre nous peut porter sur le texte en discussion, il est important de respecter le travail parlementaire. Je répète que la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 247 et demandé le retrait de l’amendement n° 20.

M. Gérard Longuet. Il n’est pas retiré ?

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je vous invite, mes chers collègues, à être attentifs aux avis exprimés par Mme la rapporteur, afin qu’elle n’ait pas à les répéter.

M. Jean-Pierre Raffarin. Elle a pu changer d’avis…

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. J’ai bien entendu les propos de Mme la présidente de la commission, mais il faut reconnaître qu’il n’est pas toujours facile de suivre les débats…

Mme la rapporteur souhaitait le retrait de l’amendement n° 20 ; manifestement, elle ne l’a pas obtenu.

Mme Laurence Cohen. Exactement !

M. Gérard Longuet. Nous allons donc voter sur cet amendement.

Jouant un rôle d’animateur du groupe UMP dans ce débat, j’indique que je laisse à mes collègues une liberté de vote sur cet amendement, de nature déclamatoire, comme l’a relevé Philippe Bas, mais tendant à prendre en compte une préoccupation que nous partageons très largement sur ces travées : promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. La cause des femmes est une juste cause.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Après les propos que vous avez tenus…

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est incroyable !

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je tiens à remercier Mme la présidente de la commission de sa bienveillance envers les membres du groupe UMP, à qui il avait en effet échappé que la commission demandait le retrait de l’amendement n° 20. Je ferai simplement observer que, à partir du moment où les auteurs de l’amendement n’ont pas indiqué de manière explicite quelle suite ils entendaient donner à cette demande, il y avait une ambiguïté qui devait être levée à un moment ou à un autre.

Je sais gré au président Longuet d’avoir bien voulu préciser que les membres de notre groupe pouvaient exercer, dans la plénitude de leurs droits, leur liberté de vote sur cet amendement.

Après ce que j’ai dit sur l’absence de valeur juridique d’un précédent amendement, je reconnais qu’il m’est assez difficile de soutenir celui-ci. Il faut néanmoins reconnaître que cet amendement est tout de même rédigé d’une manière plus précise que celui de Mme Demontès.

Avec cet amendement n° 20, il s’agit en effet de dire que la Nation se donne un objectif, et seulement cela. Certes, par principe, nous considérons que la loi ne doit pas se contenter de fixer des objectifs, mais il convient en tout état de cause de vérifier si les objectifs que l’on entend se donner sont pertinents. En l’espèce, l’objectif est précis : réduire les écarts de pension d’âge moyen de fin d’activité et d’âge moyen de départ en retraite entre les hommes et les femmes.

Il reste que cet amendement aurait sans doute pu être rédigé différemment.

Je relève d’abord qu’il évoque « les hommes et les femmes » alors qu’il est plutôt d’usage – et cet usage est respecté dans le texte de l’alinéa 6 tel qu’il nous est proposé – d’écrire « les femmes et les hommes » (Rires sur les travées du groupe CRC.) Mais là n’est pas l’essentiel.

Ce que je veux surtout relever, c’est que la phrase qu’il est proposé d’ajouter est rédigée de telle façon qu’il n’est pas évident que ces mots, « les hommes et les femmes », dans la mesure où ils sont placés à la fin, doivent être lus comme étant en facteur commun au regard à la fois des écarts de pensions, d’âge moyen de fin d’activité et d’âge moyen de départ en retraite. Le lecteur peut comprendre que l’amendement vise tous les écarts de pensions en général – qu’ils s’établissent entre les hommes, entre les femmes ou entre les femmes et les hommes – et tous les âges moyens de fin d’activité, l’écart entre les hommes et les femmes qu’il s’agit de combler ne s’appliquant alors qu’à l’âge moyen de départ en retraite.

Il eût donc été préférable – je le dis amicalement aux auteurs de l’amendement – d’insérer ces mots après le verbe « combler ». (Nouveaux rires et exclamations amusées sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)

Mme Françoise Férat. En quoi est-ce drôle ?

M. Philippe Bas. Sous cette seule réserve, cet amendement me semble afficher une ambition que nous partageons tous ici, et c'est la raison pour laquelle, par exception au principe que je me suis fixé à moi-même et que j’ai soutenu tout à l'heure, je le voterai. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP et du groupe socialiste. – Plusieurs sénateurs et sénatrices du groupe CRC s’esclaffent.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 248, présenté par M. Lenoir, est ainsi libellé :

Après l’article 76

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 642-8 du code du patrimoine est ainsi rédigé :

« Art. L. 642-8. - Les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager mises en place avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 précitée continuent à produire leurs effets de droit jusqu'à ce que s'y substituent des aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine et, au plus tard, dans un délai de six ans à compter de l'entrée en vigueur de cette même loi. »

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Cet amendement vise à rappeler, à l’article 1er du texte, qui fixe les objectifs d’ensemble des régimes de retraire obligatoires, que la convergence entre les grands systèmes obligatoires est un devoir national. Nous l’affirmons de manière claire et sans faire quelque procès que ce soit à tel ou tel régime.

Mais, de la même façon que nous avons demandé la lisibilité et la transparence, nous souhaitons la convergence du régime de retraites par répartition des salariés, de celui de la fonction publique en général, de ceux des fonctions publiques locales et hospitalières et des régimes spéciaux soutenus par l’État.

Cette convergence, nous l’avons engagée, d’abord en 2003, puis, surtout, en 2008 et, enfin, en 2010. L’effort en ce sens doit être poursuivi.

M. Gérard Longuet. Chers collègues de la majorité sénatoriale, cet effort serait plus facile à conduire si vous aviez accepté de voter notre amendement n° 247. En effet, le rappel des objectifs de lisibilité et de transparence vous aurait permis de faire un sort à un certain nombre d’archétypes inexacts ou injustes opposant le régime de la fonction publique et le régime général.

Mon collègue Jean-François Husson évoquait à l’instant, s’agissant du régime général des salariés du privé, le fait que la référence aux dix meilleures années a été remplacée par la référence aux vingt-cinq meilleures années. En apparence, ce régime se distingue défavorablement de celui de la fonction publique. Mais, hier, M. Domeizel a déclaré que cet avantage était en fait inexistant et qu’il fallait comparer à partir de bases comparables.

Mme Catherine Génisson. C’est écrit dans le rapport Moreau !

M. Gérard Longuet. En effet, nous savons tous qu’en général, pour rester schématique, les salaires de la fonction publique de l’État se composent d’un salaire de base et de primes, lesquelles ne sont pas intégrées dans le calcul de la retraite. Une juste comparaison doit tenir compte de cette réalité.

Mme Catherine Génisson. De telles comparaisons existent !

M. Gérard Longuet. L’adoption de l’amendement n° 247 aurait permis de sortir de cette situation d’incompréhension et de méfiance, car la lisibilité et la transparence s’appliqueraient également à l’ensemble des cotisants des régimes obligatoires, qu’ils appartiennent au régime de la fonction publique ou au régime général des salariés du secteur privé.

Mme Catherine Génisson. Relisez le rapport Moreau !

M. Gérard Longuet. Hélas, pour des raisons que je ne parviens pas à comprendre, vous n’avez pas souhaité retenir ces objectifs de lisibilité et de transparence. Dès lors, nous réaffirmons, au travers de l’amendement n° 248, notre objectif de long terme, qui est de réconcilier les Français en leur permettant, par le rapprochement des régimes obligatoires, de se connaître les uns les autres, de se comprendre et de cesser de s’opposer.

Derrière la lisibilité et la transparence, il y avait donc, en réalité, un objectif de pacification, mais vous avez refusé cette main que nous vous avons tendue. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement tend à établir une plus grande équité entre les régimes de retraites.

M. Gérard Longuet. Une équité légalement obligatoire !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Chers collègues, je veux rappeler que l’article 1er du projet de loi concerne les objectifs assignés au système de retraites en faveur des assurés au sein de chaque génération et entre générations, et non en faveur de tel ou tel régime.

De plus, la pluralité des régimes ne constitue pas un obstacle à la réalisation desdits objectifs.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. La diversité de nos régimes de retraites est le fruit de notre histoire.

M. Gérard Longuet. Ne soyez pas conservateurs !

Mme Marisol Touraine, ministre. D'ailleurs, sans préjuger du débat que nous aurons au moment où nous examinerons l’article 32, nous nous apercevons que certaines professions continuent d’être extrêmement attachées au maintien, pour elles, d’un régime spécifique ; je pense aux professions libérales.

M. Gérard Longuet. Elles prennent leurs risques !

Mme Marisol Touraine, ministre. Pour des raisons historiques, toutes les professions ne sont pas identiques. Être petit rat de l’opéra, ce n’est pas exactement la même chose qu’être médecin, professeur ou salarié d’une entreprise. Il faut tenir compte de ces spécificités.

Il ne s’agit pas de savoir si l’on applique la même règle, la même toise à tout le monde. Il s’agit de savoir si, pour un effort donné, le résultat est équivalent, de savoir si, d’abord, on demande aux Français un effort identique pour pouvoir bénéficier d’une retraite de même niveau et si, ensuite, dans le cadre de la réforme qui est engagée, on demande à chacun un effort équivalent pour préserver l’avenir de notre régime de retraites.

Le rapport Moreau fait clairement apparaître que des règles différentes peuvent être nécessaires pour tenir compte de situations différentes. Je ne reviens pas sur la situation des fonctionnaires : nous avons déjà montré à plusieurs reprises que l’application au calcul de leur retraite des règles applicables au régime des salariés du privé aboutirait à des injustices fondamentales, compte tenu de l’absence de prise en compte de leurs primes.

Pour ce qui est de l’effort demandé dans le cadre de la présente réforme des retraites, je veux rappeler que l’allongement de la durée de cotisation, à partir de 2020, l’augmentation de la contribution des actifs à partir de l’année prochaine et de celle des retraités seront les mêmes pour l’ensemble des régimes.

Votre amendement me paraît donc déjà satisfait. À moins qu’il ne soit essentiellement idéologique ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ou déclamatoire !

Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. Gérard Longuet. Et l’équité ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Je l’avoue, lorsque j’ai pris connaissance de l’amendement déposé par mes collègues de l’UMP, j’ai d’abord décidé que je ne le voterais pas. En effet, cet amendement tend à confier à la Nation le soin d’assigner un objectif au système de retraites. Selon moi, comme je l’ai indiqué à l’occasion d’une réunion du groupe, c’est plutôt à l’État de lui assigner des objectifs.

Cela dit, je veux donner au Gouvernement et à la majorité sénatoriale l’opportunité d’approuver cet amendement, car je comprends bien leur logique, qui consiste à opérer un distinguo subtil entre les objectifs et les moyens. Si l’on suit cette logique, c’est bien à la Nation qu’il appartient de définir les objectifs, comme mes collègues l’ont écrit dans l’amendement. Mais c’est à l’État qu’il revient de déterminer les moyens permettant d’atteindre ces objectifs.

C'est la raison pour laquelle, en définitive, je voterai l’amendement qu’a défendu mon excellent collègue Gérard Longuet.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Quelle surprise !

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la ministre, j’en profite pour revenir un bref instant sur une question que je vous ai posée, et j’y reviendrai autant de fois que nécessaire.

Je vous ai en effet posé une question simple et précise, avec toute la courtoisie dont je suis capable… et qui est réputée. (Rires sur les travées de l’UMP.)

M. Gérard Longuet. Il faut toujours dire du bien de soi-même !

M. Jean-Claude Lenoir. Je suis heureux de voir que cette remarque suscite autour de moi des murmures approbateurs ! (Sourires.)

Je vous ai en effet demandé de nous indiquer, pour la clarté de nos débats, quels étaient les articles du projet de loi qui abrogent les dispositions que vous avez tant dénoncées au cours des précédentes années, en particulier à l’Assemblée nationale. Quelles sont donc celles des dispositions que vous aviez annoncées comme devant être abrogées qui le sont effectivement dans le présent texte ?

Pour vous laisser le temps de fouiller dans vos archives, permettez-moi de procéder à une citation : « La vérité, c’est que votre politique est d'ores et déjà un naufrage et que ce qui devait être la grande réforme du quinquennat s’est transformée en piteuse citrouille législative. Vous rêviez d’audace réformatrice et vous vous retrouvez avec un pays en crise, qui a perdu confiance, qui a, surtout, perdu confiance en vous. »

M. Gilbert Barbier. Qui a pu écrire cela ?

M. Jean-Claude Lenoir. Ces propos ne sont pas de moi ; c’est Mme Marisol Touraine, alors députée de l’opposition, qui les a prononcés en 2010.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je n’en retire aucun mot !

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Cet amendement pose la question de la vision que l’on veut donner à nos concitoyens.

Que reproche-t-on à l’actuel système de retraites ? Que tout le monde ne soit pas logé à la même enseigne.

Puisqu’on parle d’équité et de solidarité, le moment est venu de passer à l’acte en définissant un certain nombre d’objectifs. Bien entendu, madame la ministre, ces objectifs doivent être progressifs, et nous devons nous abstenir de toute brutalité.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Est-ce ainsi que vous avez procédé en 2010 ?

M. René-Paul Savary. Ainsi en va-t-il de la convergence. Loin de nous la volonté de tout bousculer ! Nous voulons simplement avoir une vision. C'est la raison pour laquelle nous sommes attachés à ces amendements relatifs, d’une part, à la lisibilité et la transparence et, d’autre part, à la convergence.

En outre, l’inscription dans la loi d’un objectif de convergence présente un certain intérêt si l’on veut passer au régime par points, largement évoqué par certains dans cet hémicycle : elle permettrait notamment de prendre en compte la pénibilité de certains métiers, sans forcément les stigmatiser. C’est important, car, si nous voulons trouver la main-d’œuvre qui accepte d’exercer des métiers qui ne sont pas forcément faciles, il nous appartient de prendre les mesures qui rendent ces métiers plus supportables.

Cet objectif de convergence se concilie donc aisément avec une réforme systémique allant vers un régime par points, de façon, je le répète, non pas brutale, mais progressive.

Vous le voyez, ces différents dispositifs présentent une véritable cohérence, qui méritait, me semble-t-il, d’être soulignée.

C'est la raison pour laquelle j’invite l’ensemble de mes collègues à soutenir cet excellent amendement proposé par notre collègue Gérard Longuet.