M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.

Mme Kalliopi Ango Ela. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la francophonie.

Ces derniers jours ont été marqués par deux grands événements en lien avec la francophonie.

Le Conseil permanent de la francophonie, qui s’est tenu le 6 novembre à Paris sous la présidence du secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, M. Abdou Diouf, a réuni les représentants personnels des chefs d’État et de gouvernement francophones. La réintégration du Mali qui y fut décidée constitue un acte fort au moment où les Maliens viennent d’organiser leur élection présidentielle et se préparent aux prochaines échéances législatives. Cependant, l’assassinat récent de deux de nos compatriotes, journalistes à Radio France Internationale, témoigne que tous les périls ne sont malheureusement pas encore écartés.

Ce conseil fut suivi, jeudi et vendredi derniers, de la conférence ministérielle de la francophonie, qui a défini les grands axes de l’action multilatérale francophone et adopté les thèmes du prochain Sommet de la francophonie, qui aura lieu en 2014 à Dakar.

Vous avez souhaité, madame la ministre, mettre particulièrement l’accent, lors de cette conférence, sur l’importance du droit des femmes dans l’espace francophone, en rappelant la tenue du premier forum mondial de femmes francophones, co-organisé avec l’OIF au mois de mars dernier à Paris.

J’ai eu la chance de participer, sur votre invitation, à cet événement très enrichissant, qui a notamment permis de faire entendre la parole de femmes courageuses et méritantes, impliquées dans diverses actions de développement, mais malheureusement souvent visées en premier lieu lors des conflits. Il me semble que nous avons beaucoup à apprendre des femmes de l’espace francophone. Je pense par exemple à l’Assemblée nationale sénégalaise, où la parité est de mise, puisque la moitié de ses membres sont des femmes ! Espérons que la France puisse un jour suivre ce modèle…

Mme Annie David. Très juste !

Mme Kalliopi Ango Ela. En outre, en tant que rapporteur de la mission commune d’information sur l’action extérieure de la France en matière de recherche pour le développement, j’ai été amenée à suivre avec attention, le 31 juillet 2013, les travaux du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, dont la décision n° 5 rappelle que les femmes sont des « actrices essentielles du développement ». (Marques d’impatience sur les travées de l'UMP.)

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer comment, après la réintégration du Mali au sein des instances de l’OIF, va se poursuivre la promotion des valeurs francophones vers l’accompagnement d’une paix durable dans ce pays ? Par ailleurs, quelles sont les prochaines étapes de la valorisation du rôle des femmes au sein de l’espace francophone, indéniablement vecteur de paix et de développement ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la francophonie.

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie. Madame la sénatrice, je vous remercie de m’interroger sur le Mali et la place des femmes dans l’espace francophone.

Le peuple malien a atteint son objectif principal, qui était d’arriver debout aux élections présidentielles, malgré le terrorisme, malgré la douleur et les pertes endurées.

C’est pourquoi la réintégration du Mali dans toute sa dignité a été décidée par les membres du Conseil permanent de la francophonie, le 6 novembre à Paris.

Le Président de la République a décidé de maintenir des forces militaires en soutien à la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, la MINUSMA, pour appuyer le processus démocratique en cours.

C’est par les urnes que nous combattrons les extrémistes. Nous devons continuer inlassablement à promouvoir les valeurs francophones de liberté, de solidarité et de fraternité.

Ce sont des valeurs que défendaient Ghislaine Dupont et Claude Verlon, ces deux journalistes de Radio France Internationale froidement exécutés. Ils incarnaient la liberté d’informer : ils l’ont payé de leur vie.

Madame la sénatrice, j’ai mis au cœur de mon ministère la question du respect des droits des femmes. C’est pourquoi j’ai décidé d’organiser à Paris, le 20 mars dernier, le premier forum des femmes francophones. Près de 800 femmes sont venues témoigner du recul de leurs droits dans de nombreux pays. Elles ont réclamé plus d’égalité, la fin des viols lors des conflits armés ; elles ont réclamé du droit.

C’est à Kinshasa que le deuxième forum des femmes francophones aura lieu, en 2014. Je suis fière que le Sénégal ait choisi le thème des femmes, vecteurs de paix, actrices de développement, pour le prochain Sommet de la francophonie qui se tiendra à Dakar, à l’automne 2014.

J’ai proposé, au nom de la France, qu’une déclaration solennelle et spécifique sur le droit des femmes soit formulée par les chefs d’État et de gouvernement à l’occasion de ce sommet. Le statut des femmes est un baromètre implacable de l’état d’avancement d’une société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC. –Mmes Chantal Jouanno et Muguette Dini applaudissent également.)

réforme fiscale

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La situation du pays est alarmante. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

M. Rémy Pointereau. Absolument !

M. Philippe Dallier. Nous sommes d’accord !

M. Pierre Laurent. Laissez-moi parler, il y en aura pour vous aussi ! (Rires sur les travées de l’UMP.)

La colère gronde, notamment parmi ceux qui ont souhaité le changement en 2012. La contestation se conjugue à la colère contre l’austérité, les licenciements…

M. Alain Gournac. Le chômage !

M. Pierre Laurent. … et, désormais, l’injustice fiscale. C’est sur ce dernier point que je souhaite vous interroger.

Nous voyons bien comment la droite, le MEDEF et l’extrême droite tentent d’instrumentaliser le mécontentement populaire pour servir leur vieux rêve de poujadisme fiscal et dénoncer l’impôt et les cotisations sociales, qui sont le fondement de la solidarité.

Le problème, pour nous, ce n’est pas l’impôt, c’est l’injustice fiscale. Or la lecture des recettes inscrites au projet de loi de finances pour 2014 est éloquente : d’un côté, 139,4 milliards d’euros de TVA et 13,2 milliards d’euros de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ; de l’autre, seulement 36,2 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés en 2014, contre 49,7 milliards d’euros en 2013.

M. Pierre Laurent. L’explication de cette baisse, c’est le fameux crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, dont toutes les entreprises bénéficient, même celles qui, en ce moment, licencient à tour de bras !

Dans ces conditions, l’augmentation de la TVA au 1er janvier prochain, en alourdissant le coût des transports en commun, des vêtements, du bois de chauffage et de beaucoup d’autres biens et services de première nécessité, constituera une nouvelle ponction dramatique sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens, pourtant déjà si malmené.

Un sénateur du groupe UMP. C’est l’union de la gauche !

M. Pierre Laurent. Pourquoi une telle augmentation ? En grande partie pour compenser les 20 milliards d’euros offerts au patronat sans aucune contrepartie.

Cette mesure risque d’être celle de trop. Vous devriez, monsieur le Premier ministre, remettre au plus vite en chantier une grande réforme de justice fiscale, reconstruire un impôt sur le revenu réellement progressif, qui cesse d’épargner les plus hauts revenus, repenser la taxation du capital et lutter contre l’évasion fiscale, reconsidérer toutes les exonérations fiscales et sociales à l’aune d’un seul critère : leur efficacité en matière d’emploi.

Vous le savez, nous appellerons à la mobilisation en faveur de la justice fiscale et de la taxation du capital. Le 1er décembre prochain, nous marcherons avec le Front de gauche vers Bercy. Mais sans attendre, monsieur le Premier ministre, je vous demande un geste fort : annulez la hausse de la TVA prévue au 1er janvier prochain. Ce serait un premier pas vers la remise en cause d’un CICE inefficace et injuste ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, je connais votre discours… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.) J’aimerais que, de temps en temps, vous preniez un peu de recul, afin de considérer dans quelle situation nous avons trouvé le pays, en 2012 ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. C’est une vieille chanson !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. On ne peut bâtir une argumentation convaincante et cohérente sans prendre cette réalité en compte.

Oui, nous avons demandé un effort aux Français depuis 2012, comme nous l’avions toujours annoncé, y compris pendant la campagne présidentielle. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dallier. Ce n’est pas vrai !

M. Jackie Pierre. Très discrètement !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si nous n’avions pas demandé un tel effort pour redresser les comptes publics au début du quinquennat, où en serions-nous aujourd'hui ? Je vous pose la question : auriez-vous accepté que le déficit budgétaire de la France atteigne 6 % du PIB ? Par qui serait-il financé, sinon par les classes populaires et les classes moyennes ? Si nous n’avions pas agi immédiatement, en 2012 et en 2013, nous serions actuellement entre les mains des marchés financiers ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

J’aurais aimé, monsieur le sénateur Pierre Laurent, que vous reconnaissiez cette réalité, qui impose effectivement un effort de redressement, car il est important que notre pays retrouve sa pleine et entière souveraineté et ne dépende pas des marchés financiers. Aujourd'hui, parce qu’un tel effort a été réalisé, que Standard & Poor’s abaisse la note de notre pays n’a pas d’influence sur les marchés financiers : la signature de la France est bonne, elle est sérieuse. Voilà pourquoi nous empruntons aujourd'hui aux taux les plus bas, ce qui profite aussi aux entreprises et aux ménages.

Par ailleurs, nous ne vous avons pas attendu pour renforcer la justice fiscale. Il me semble même que vous avez voté certaines mesures allant dans ce sens au début du quinquennat.

M. Pierre Laurent. Il en faudrait beaucoup d’autres !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Permettez-moi d’en rappeler quelques-unes : la mise en place d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu à 45 %, pour que les revenus les plus élevés contribuent à l’effort commun, le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune, pour lutter contre la rente, l’alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. On nous reproche assez de trop imposer le capital ! C’est mon gouvernement qui a pris ces mesures, que vous avez votées !

Mme Éliane Assassi. Voulez-vous que je vous rappelle celles que vous aviez votées avant que la gauche n’arrive au pouvoir ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous avons également mis en place un certain nombre de dispositions relatives aux niches fiscales qui ont été combattues par la droite. Ce chantier, nous l’avons ouvert !

Vous avez évoqué la TVA. Pour 2014, c’est ce gouvernement qui a proposé que le taux le plus bas, de 5,5 %, s’applique aux travaux de rénovation thermique. Cette mesure, qui vient s’inscrire dans la promotion de la rénovation thermique, secteur créateur d’emplois, se conjuguera au crédit d’impôt accordé aux ménages qui investiront dans leur logement et à l’éco-prêt à taux zéro.

M. Alain Gournac. C’est le miracle !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. D’un côté, une facture de chauffage qui diminue ; de l’autre, une aide à l’investissement source de créations d’emplois, en particulier dans l’artisanat et les petites entreprises.

M. Pierre Laurent. Avec cet argent, ils licencient, ils n’investissent pas !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Voilà ce que nous avons entrepris !

Votre politique, celle pour laquelle vous allez manifester dans quelques jours, est simple : du déficit, encore du déficit, toujours plus de déficit ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Je vous interroge à mon tour : qui paie pour le déficit, sinon les classes populaires et les classes moyennes ?

Concrètement, le déficit de la France correspond au paiement, chaque année, de 50 milliards d’euros d’intérêts au titre des emprunts que la droite a contractés et dont elle nous a laissé la facture ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) C’est plus que le budget de l’éducation nationale !

Mme Éliane Assassi. Et l’évasion fiscale ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si nous sollicitons des Français un effort pour le redressement des comptes publics, assorti de mesures de justice fiscale, c’est afin de redonner à la France des marges de manœuvre pour investir dans l’éducation, dans l’innovation, dans la préparation de l’avenir.

Si vous voulez sincèrement le redressement de la France, alors je vous invite à choisir, à ne pas mêler systématiquement vos voix à celles de la droite, qui court derrière l’extrême droite au lieu de se battre pour le relèvement du pays ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) Je vous invite à nous rejoindre, pour l’avenir de la France, pour la cohésion sociale et la solidarité nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

iran

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Ma question concerne l’un des principaux sujets stratégiques et géopolitiques du moment : le programme nucléaire iranien.

Monsieur le ministre, une grande partie de la presse internationale pointe la responsabilité de la France dans l’échec des négociations de Genève, qui serait dû selon elle à son intransigeance. Qu’en est-il en réalité ? Que s’est-il passé dimanche à Genève ? Pourquoi la France s’est-elle opposée au projet d’accord, qui était sur le point d’aboutir, entre l’Iran et les six grandes puissances sur ce dossier très sensible ?

Après plus de dix années de crise à propos du nucléaire militaire iranien, une solution paraissait à portée de main et un accord sur le point d’être conclu : l’Iran s’engageait à cesser d’enrichir son uranium à 20 %, seuil critique pour fabriquer une arme nucléaire, en échange d’un assouplissement provisoire et réversible des sanctions qui étranglent son économie.

Si nos informations sont exactes, la France aurait exigé davantage de garanties concernant l’usine d’Arak, qui utilise du plutonium, combustible indispensable à la fabrication de l’arme nucléaire. En outre, la France aurait souhaité des garanties sur la neutralisation du stock actuel d’uranium enrichi à 20 % et, plus largement, sur le programme d’enrichissement.

En d’autres termes, la France aurait considéré que l’accord qui se dessinait n’était pas de nature à empêcher l’Iran de poursuivre sa marche vers la bombe atomique. Est-ce bien cela, monsieur le ministre ? Dans ce cas, pourquoi seule la France a-t-elle fait cette lecture du texte ?

Monsieur le ministre, comme vous, nous sommes opposés à la nucléarisation militaire d’une puissance régionale comme l’Iran, avec les risques d’une flambée de la prolifération nucléaire que cela pourrait entraîner au Moyen-Orient. Comme vous, nous appelons au respect des règles internationales en matière de non-prolifération des armes nucléaires.

Toutefois, il est indispensable de parvenir à un accord avec l’Iran lors de la reprise des négociations, le 20 novembre prochain. Votre homologue américain, John Kerry, a déclaré récemment : « il y aura un bon accord ou il n’y en aura pas ». Le Premier ministre israélien a ajouté qu’« un mauvais accord pourrait déboucher sur une guerre ».

Monsieur le ministre, ma question est simple : qu’est-ce qu’un « bon accord » ? Peut-il y avoir un bon accord pour toutes les parties, en particulier l’Iran, la France et les États-Unis ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du développement.

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement. Monsieur le sénateur Fortassin, je vous prie de bien vouloir excuser Laurent Fabius, retenu aujourd'hui au Maroc pour une réunion portant sur un autre sujet stratégique de sécurité, à savoir la situation en Lybie.

Vous faites référence aux discussions qui ont eu lieu il y a quelques jours à Genève. La France a été écoutée, parce que sa position se fonde sur une ligne simple : de la fermeté, mais pas de fermeture.

Cette position, qui fait consensus au sein de la communauté internationale, consiste, au nom du principe de non-prolifération, à refuser à l’Iran le droit d’accéder à la technologie nucléaire militaire. La France n’est en aucun cas isolée sur ce dossier, puisque le texte qu’elle a présenté a été signé de manière unanime par les pays du groupe dit « P5+1 », composé des États membres permanents du Conseil de sécurité et de l’Allemagne.

Cette attitude de fermeté n’exclut pas l’ouverture, en vue d’aboutir à un accord assorti de garanties, notamment sur les deux points que vous avez soulevés dans votre question, monsieur le sénateur, à savoir l’uranium enrichi et le réacteur d’Arak, celui qui potentiellement pose le plus problème.

À ce stade, nous n’avons pas de garanties suffisantes. Nous redonnons sa chance à la négociation, et les Iraniens sont dans le même état d’esprit. C’est pourquoi une nouvelle réunion se tiendra dès le 20 novembre prochain, avec les directeurs des affaires politiques. Nous souhaitons bien évidemment qu’elle soit un succès.

Cette négociation dure depuis dix ans, monsieur le sénateur. Elle peut bien durer dix jours de plus, pour obtenir des Iraniens non seulement un changement de ton, mais aussi un changement de fond. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

réforme des rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Ladislas Poniatowski. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Un grand ministre n’est pas forcément celui qui dirige un grand ministère, fût-ce celui de l’éducation nationale ! Un grand ministre est celui qui montre qu’il sait écouter et entendre les Français.

Or, depuis le début de votre réforme des rythmes scolaires, vous avancez, très sûr de vous,…

M. Ladislas Poniatowski. … mais vous n’écoutez personne. Vous n’écoutez pas les enseignants, qui ne veulent pas de votre réforme (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) et sont en grève aujourd’hui. Écoutez-les, monsieur le ministre ! Les enseignants sont des gens compétents. Ils sont soucieux du devenir de nos enfants. Ils ont des idées.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On saura s’en souvenir !

M. Ladislas Poniatowski. Pourquoi leur imposez-vous une réforme au lieu de les écouter, de dialoguer avec eux ?

Vous n’écoutez pas plus les parents d’élèves, qui ne veulent pas davantage de votre réforme. Vous n’écoutez même pas ceux qui sont entrés dans votre réforme depuis le mois de septembre dernier et qui vous disent que leurs enfants n’en peuvent plus de se lever tôt cinq jours par semaine, qu’ils sont épuisés. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes meilleur sur la chasse !

Un sénateur du groupe socialiste. C’est excessif !

M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le ministre, votre réforme est entrée en application dans 17 % des communes. Pourquoi ne prenez-vous pas le temps de tirer les leçons de ce qui s’est passé dans ces communes-là ?

Monsieur le ministre, vous n’écoutez pas non plus les élus.

M. Rémy Pointereau. Il les écoute encore moins !

M. David Assouline. Pas les séditieux !

M. Ladislas Poniatowski. Que vous disent-ils ? Qu’ils manquent de moyens. Sachez qu’une grande majorité d’entre eux ne sont pas hostiles à votre réforme. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Ils disent que leurs budgets ne leur permettent pas de la mettre en œuvre, et pas simplement dans les communes rurales !

M. Ladislas Poniatowski. Ils disent qu’ils ne disposent pas des locaux nécessaires, qu’ils ne trouvent pas de personnel compétent.

M. Jean-Louis Carrère. Ils ne cherchent pas trop…

M. Ladislas Poniatowski. Écoutez-les, monsieur le ministre : ils expriment un ras-le-bol ! C’est au moment où les dotations de l’État aux collectivités se réduisent que vous voulez charger encore un peu plus la barque pour les communes !

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Poniatowski ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Ladislas Poniatowski. Le Gouvernement ne peut pas, d’un côté, montrer du doigt les communes au motif qu’elles dépenseraient trop en charges de personnel, et, de l’autre, leur demander de recruter des animateurs.

Voilà ce que disent les élus, monsieur le ministre : écoutez-les, entendez-les ! Nous vous en donnerons bientôt l’occasion : le groupe UMP a déposé une proposition de loi dont la discussion vous permettra de répondre calmement à toutes ces inquiétudes.

Monsieur le ministre, quand cesserez-vous d’être sourd à ces messages qui vous parviennent de toutes parts ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison : il convient d’entendre les uns et les autres, surtout sur une question aussi importante que celle de la réussite scolaire des enfants de France et, d’une façon plus globale, de leur réussite éducative.

C’est un sujet de préoccupation pour nous tous, quand de 20 % à 25 % des enfants sont en difficulté, quand plus de 150 000 d’entre eux sortent chaque année du système scolaire sans qualification et quand les inégalités s’accroissent considérablement dans notre pays, au point que nous allons sans doute apprendre bientôt que nous détenons le record en la matière.

Cette situation résulte d’un certain nombre de choix passés : celui ne pas recruter de professeurs en nombre suffisant, celui de ne plus les former, celui, fait il y a quatre ans, de réduire le temps scolaire des enfants de France.

Le Président de la République et le Gouvernement ont décidé d’opérer le redressement de l’école française, de permettre à tous les enfants de réussir parce que, demain, cela entraînera la réussite du pays, comme nous le disent toutes les organisations internationales.

Cela suppose une action résolue de l’État. Refaire les programmes, embaucher des professeurs, les former de nouveau, passer au numérique, mettre en œuvre des dispositifs pour les élèves en situation de décrochage : tout cela, nous le faisons en donnant une priorité au budget de l’éducation nationale, qui a été examiné en commission au Sénat cette semaine.

Ma préoccupation majeure, c’est que, demain, tous les élèves de ce pays sachent lire, écrire et compter lorsqu’ils entrent en sixième, et, à partir de là, qu’ils puissent construire leur autonomie, leur future insertion professionnelle et même leur citoyenneté, car il existe une corrélation étroite entre l’échec scolaire et certains comportements extrémistes.

M. Vincent Peillon, ministre. Pour ce faire, il faut donner aux enfants un temps scolaire de qualité. De tous les pays d’Europe, nous sommes le seul à organiser la semaine scolaire sur quatre jours. En Allemagne, pays que vous prenez souvent en exemple, les enfants fréquentent l’école de cinq à six jours par semaine. La norme européenne prévoit au minimum cinq matinées de classe. En effet, on apprend mieux le matin qu’en fin de journée.

M. Alain Gournac. C’est faux !

Mme Catherine Procaccia. Cela ne change rien !

M. Vincent Peillon, ministre. Dans le même temps, nous luttons contre les inégalités. En effet, lorsque les enfants ne vont pas à l’école le mercredi matin, où sont-ils ? Les plus déshérités d’entre eux passent leur temps devant la télévision ou au bas des cages d’escalier…

Nous voulons faire passer de 20 % à 80 % le pourcentage d’enfants accueillis dans des dispositifs périscolaires.

Mme Catherine Procaccia. Rien que cela !

M. Vincent Peillon, ministre. Pour ce faire, nous devons aider les communes, ces dispositifs relevant de leur responsabilité. Nous avons parlé avec tous. Les intérêts des uns ne sont pas ceux des autres, mais l’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Vincent Peillon, ministre. L’intérêt des élèves, c’est l’intérêt de la France. L’écoute est là : il y a un comité de suivi, nous avons déjà proposé des aménagements. Nous avons écouté les communes (Protestations sur les travées de l'UMP.), différé le délai d’application, créé un fonds d’amorçage et laissé une liberté qui, aujourd’hui, fait souvent problème et provoque chez les enseignants une certaine colère. Nous poursuivrons dans cette voie, parce que nous savons que c’est l’intérêt du pays. Nous essaierons de vous convaincre de vous associer à cette démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

conséquences économiques et sociales du calendrier scolaire

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Ma question porte sur le calendrier des vacances scolaires, problématique qui concerne non seulement l’éducation, mais aussi l’emploi, l’économie, le tourisme et les transports.

Ce calendrier a une très forte influence sur l’industrie touristique de notre pays, secteur non délocalisable qui représente 7 % du PIB national, 78,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 900 000 emplois.

Depuis 2010, la fréquentation des stations de montagne durant les vacances de printemps, décalées sur le mois de mai, a chuté de 70 %, ce qui met en péril l’emploi de près de 35 000 personnes !

Fragilisées parfois par les aléas météorologiques et surtout par la réduction croissante du pouvoir d’achat des ménages, les entreprises touristiques des stations de sports d’hiver voient leurs marges fortement affectées, alors qu’elles sont confrontées à d’importantes charges fixes et à la nécessité d’investir pour faire face à une concurrence étrangère de plus en plus vive et répondre aux exigences de mise aux normes de leurs équipements : hôtels, remontées mécaniques, etc.

Les propositions du ministère de l’éducation nationale pour les années scolaires de 2014 à 2017 ne tiennent pas compte de cette situation et l’aggravent même en prévoyant des départs en congé à mi-semaine pour l’année scolaire 2016-2017.

D’ailleurs, ce calendrier n’affecte pas seulement les professionnels de la montagne : en englobant les « ponts » du mois de mai dans les vacances de printemps, il prive les stations du littoral d’un lancement de saison dès le mois d’avril. Il réduit en outre la durée des contrats des travailleurs saisonniers, ce qui a le double inconvénient de diminuer les revenus de ces salariés et d’accroître les charges de l’assurance chômage. Tout aussi dommageable est la perte d’activité, qui engendre pour l’État un manque à gagner de 80 millions à 100 millions d’euros en termes de recettes fiscales !

Enfin, comment expliquer que le calendrier scolaire soit en pareille contradiction avec les déclarations du Président de la République, qui, à la fin d’août 2013, annonçait sa volonté d’ériger le tourisme en « grande cause nationale » ?

Dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, il doit être possible de concilier l’organisation du temps scolaire avec les préoccupations sociales et économiques ainsi décrites, et en particulier de fixer les vacances de printemps au mois d’avril.

Au-delà de l’avis que le Conseil supérieur de l’éducation est appelé à donner aujourd’hui même, le Gouvernement entend-il prendre véritablement en compte ce problème, en commençant par engager une concertation approfondie et élargie à l’ensemble des parties prenantes ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l'UMP.)