M. David Assouline. Hier, c’était pareil !

M. Roger Karoutchi. Nous, nous n’augmentions pas la TVA sur les transports publics !

M. David Assouline. Quoi ? Qui a porté la TVA à 21,2 % ?

Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.

M. Albéric de Montgolfier. La question des transports est si importante que des sénateurs issus de toutes les formations politiques se rejoignent, comme nous l’avons vu. Des amendements venant de toutes les travées sont proposés sur cet article concernant la TVA. Ce n’est donc pas une question politique qui oppose la droite et la gauche.

Sur ce sujet, nous aimerions vraiment avoir une réponse technique. Est-ce que le transport en régie – j’en ai un dans mon département – et la RATP, qui, me semble-t-il, ne paiera pas l’impôt sur les sociétés avant 2016, vont bénéficier du CICE ? La réponse est non. Aussi, la compensation n’est pas intégrale, ce qui va poser un vrai problème.

M. Roger Karoutchi. Bien sûr !

M. Albéric de Montgolfier. Je souhaiterais exprimer une réflexion sur la TVA. Une loi sur la fraude fiscale a récemment été adoptée ; la lutte contre celle-ci devrait rapporter 2 milliards d’euros, comme cela nous est rappelé régulièrement.

Où sont les mesures de lutte contre la fraude à la TVA ? La Commission européenne estime à 32 milliards d’euros l’érosion de TVA, chiffre qui est contesté, par vous-même, monsieur le ministre. Je ne connais pas le chiffre exact.

Philippe Dallier et moi-même avons rédigé très récemment un rapport sur les douanes. Nous avons passé une journée à Roissy à contrôler des paquets venant du fret express, comme UPS, DHL, La Poste…

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Albéric de Montgolfier. L’an dernier, pas un centime de redressement de TVA ou de taxe à l’importation n’a été perçu sur le fret postal sur le centre de Roissy, alors que 35 millions de paquets passent par ce centre postal ! Nous donnons-nous les moyens d’éviter la fraude à la TVA, les érosions de TVA ?

M. Albéric de Montgolfier. Je pense qu’existent de véritables marges de manœuvre sur la fraude carrousel, notamment sur la TVA à l’importation. La lutte contre la fraude à la TVA permettrait sans doute d’apporter une réponse à la question des transports, car dans ce domaine la TVA touche tout le monde.

Le rapporteur général nous dit que nous dégradons le solde. Cependant, les amendements proposés par le groupe UMP sont extrêmement cohérents. Nous proposons de stabiliser un certain nombre de secteurs, de redonner parfois du pouvoir d’achat sur certaines choses et enfin, compte tenu de tout, de baisser des dépenses. Nous proposons en effet un amendement d’équilibre, qui est proposé par Vincent Delahaye et des collègues, l’amendement I–477. À l’article d’équilibre, nous voterons en effet l’amendement qui prévoit 13 milliards d’euros de dépenses en moins. Notre démarche est donc cohérente. Mais, encore une fois, la question des transports mérite un autre débat, notamment par rapport aux érosions de TVA.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Je crois qu’il ne faut effectivement pas mettre sur le même plan tous les amendements relatifs à la TVA. Nous abordons la question des transports publics, qui touche énormément de personnes. Il faut donc tenir compte à la fois des arguments concernant l’utilité sociale de cet amendement et de ceux qui soulignent que la plupart du temps il s’agit de régies qui ne peuvent pas bénéficier du CICE et que par conséquent l’augmentation de TVA ne pourra pas être compensée.

Pour aller plus loin dans le sens de ce qui vient d’être dit, il est vrai que notre souci, comme celui de M. le ministre, est bien sûr d’assainir les comptes. Mais, pour ce faire, nous ne suivons pas tout à fait le même chemin. En effet, pour notre part, nous souhaitons des efforts supplémentaires bien plus importants en ce qui concerne la réduction de la dépense.

Monsieur le ministre, tout à l’heure vous avez mentionné une augmentation de 0,15 point. Je pense que ce chiffre ne parle à personne : vous verrez si vous interrogez quelqu’un dans la rue ! Déjà, les gens ne comprennent rien lorsqu’on leur parle d’un déficit de 4,1 % : peu importe pour eux que ce soit 4,3 %, 4,1 % ou 3,8 %. Quand on parle de milliards, ils commencent à peine à se rendre compte. Je ne sais pas si dans votre 0,15 point vous avez pris en compte l’augmentation de la TVA, qui s’élève tout de même à 6 milliards d’euros, quand 0,15 point représente 2,5 milliards ou 3 milliards d’euros.

Je conteste vos chiffres. Si l’on tient compte de l’augmentation réelle de la fiscalité contenue dans le PLF 2014 et de celle qui figure dans une loi de finances précédente et qui s’applique à partir du 1er janvier 2014, on va bien au-delà des chiffres que vous annoncez ! J’ai parlé de 10 à 12 milliards d’euros, chiffres qui émanent de journaux n’étant pas forcément favorables à l’opposition actuelle. Ce point de vue est donc largement partagé.

L’impact sur la fiscalité cette année est encore très lourd. Notre souci est d’alléger un peu ce fardeau. En l’occurrence, s’agissant des transports publics, ce que nous demandons est tout à fait justifié. Mais nous souhaitons que la dépense diminue réellement et de façon beaucoup plus forte que ce que vous proposez.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour explication de vote.

M. Jean-Vincent Placé. Quelques mots complémentaires, même si tout a déjà été dit quant à la situation du secteur des transports collectifs, en particulier en Île-de-France ; M. Roger Karoutchi a bien exposé la situation.

Je ne voudrais pas que l’on essaye de nous renvoyer à un débat entre d’un côté, clientélistes, saupoudreurs, territorialistes et, de l’autre, ceux qui se soucieraient de l’intérêt général, c’est-à-dire du déficit, de la balance des crédits, et qui manifesteraient rigueur et sérieux.

Puisqu’il faut tout se dire, bien que nous ayons fait part de notre sentiment sur la façon dont le CICE a été créé, voté, financé… J’avais rappelé à M. Cahuzac, à l’époque ministre du budget, que, de façon liminaire, on s’était engagé à ne pas augmenter la TVA. Nous pensions alors qu’une telle augmentation serait particulièrement injuste, qu’elle s’abattrait de façon régressive sur la consommation et qu’elle n’était pas utile pour notre économie, qui avait besoin d’investissements et de consommation. Ensuite, en entrant plus avant dans le débat, j’avais indiqué que le passage de 7 % à 10 % allait certes rapporter 3 milliards d’euros mais s’abattait, au-delà de la consommation, sur de nombreux secteurs d’activité, en particulier sur des PME et des PMI, et sur les secteurs du transport et du logement, comme je viens de le rappeler. Dans cet hémicycle, il n’y a pas, d’une part, des gens sérieux et, d’autre part, des irresponsables, tout le monde est sérieux ! J’avais indiqué, au-delà des propos liminaires, que, pour trouver ces 3 milliards d’euros, il suffisait d’augmenter un petit peu le 19,60 % à 20 % et d’aller au-delà, parce qu’il fallait assumer.

À l’époque, on m’a dit – ce n’était d’ailleurs pas le ministre – : « On ne peut pas faire ça, car c’est ce qu’avait fait Sarkozy ! » (M. Roger Karoutchi rit.)

M. Philippe Dallier. Ah ! voilà l’argument !

M. Roger Karoutchi. C’est le drame !

M. Jean-Vincent Placé. Ah la belle œuvre, le beau raisonnement ! Quel est l’intérêt global de faire passer de 7 % à 10 % tous les secteurs dont nous venons de parler ? M. Roger Karoutchi l’a dit aussi : il y a des amendements plus ou moins passionnants sur tel ou tel secteur, corps de métiers, corporation… Je l’entends. Mais au bout du bout quand on a débattu – vous avez rappelé, monsieur le ministre, notre débat sur la rénovation thermique des bâtiments, sur la TVA « transports collectifs » et même sur le budget de l’écologie –, il faut que cela serve à quelque chose.

Après avoir entendu tous ces parlementaires, dans cette enceinte et à l’Assemblée nationale, extrêmement attentifs à cette préoccupation, pourquoi ne pas envisager d’adopter cet amendement et, afin de ne pas modifier le solde budgétaire, fixer un taux de TVA légèrement supérieur à 20 %, par souci d’équilibre ?

Ces propositions sont simples, je les avais déjà formulées lors de la discussion générale. Ne renvoyons pas le débat à une confrontation entre ceux qui seraient attachés à l’équilibre des comptes et ceux qui dépenseraient. Tel n’est en effet pas le cas.

Des arbitrages ont été faits, comme le rapporteur général l’a dit avec sa franchise habituelle. En l’occurrence, l’arbitrage a été défavorable aux transports collectifs. Comme l’a souligné Philippe Dallier, la situation est très difficile, mais ce n’est pas le seul argument que nous retenons. Par ailleurs, la machine politique du Gouvernement n’a aucune adaptabilité.

Après le débat opposant la taxation de l’excédent brut d’exploitation, EBE, et l’impôt sur les sociétés, IS, après le projet de taxation des plans d’épargne logement, PEL, de l’épargne salariale et de l’assurance vie, ou encore des plans d’épargne en actions, PEA, après la séquence écotaxe qui est catastrophique pour nos investissements de transport et pour la fiscalité écologique, nous avons un débat qui s’apparente au théâtre d’ombres.

Malgré l’échange d’arguments, malgré la conviction dont on a fait preuve et la nécessité de cette mesure pour la politique du pays et l’écologie, le Gouvernement n’est toujours pas convaincu.

Voilà qui va encore contribuer à l’antiparlementarisme et à l’anti-bicamérisme. Il est regrettable d’en arriver là. Par conséquent, et eu égard à la sincérité des prises de position de chacun, nous avons demandé un scrutin public.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. D’abord, je répondrai à M. de Montgolfier sur la détermination du Gouvernement à lutter contre toutes les fraudes à la TVA.

Un certain nombre de carrousels de TVA conduisant à des pertes de recettes significatives ont été identifiés. Dans le projet de loi de lutte contre la fraude, nous avons engagé un ensemble de mesures efficaces et inégalées en termes d’impact, d’ampleur et de moyens mobilisés.

Nous ne sommes pas du tout en accord avec le chiffre de la Commission européenne de 33 milliards d’euros. Nous avons d’ailleurs fait procéder par nos propres services, et sous le contrôle du Parlement, à l’INSEE à des évaluations. Selon celles-ci, la fraude représenterait une somme de l’ordre de 11 milliards d’euros.

M. Philippe Dallier. C’est déjà pas mal !

M. Albéric de Montgolfier. C’est beaucoup !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Certes, mais 11 milliards et 33 milliards, ce n’est pas la même chose, le rapport est tout de même de un à trois !

Nous avons décidé d’engager sur ce sujet des actions déterminées.

Il s’agit d’abord du principe d’autoliquidation. Mis en place l’an dernier pour les véhicules d’occasion, nous le mettons en place cette année pour les travaux et le bâtiment. Nous avons acté le principe d’une action dite de « réaction rapide », grâce à laquelle, chaque fois que nous constatons dans un secteur des risques de fraude à la TVA, nous pouvons déclarer immédiatement le principe d’autoliquidation de manière à mettre fin à ces dispositifs.

Toutes ces mesures n’existaient pas. Nous les avons mises en œuvre et nous sommes convaincus que, sur ce sujet, comme sur la fraude fiscale que nous évoquions hier, nous obtiendrons des résultats très positifs.

Ensuite, j’en viens aux questions relatives aux transports en commun. M. Placé dit qu’il n’y a pas, d’un côté, des sénateurs irresponsables et, de l’autre, des sénateurs qui ne le seraient pas, ou un gouvernement responsable et des sénateurs qui ne le seraient pas. Mais ce raisonnement peut être retourné : il n’y a pas, d’un côté, des sénateurs bien intentionnés qui ont le sens de l’intérêt général et, de l’autre, un gouvernement obtus qui en serait dépourvu. (M. Gérard Longuet sourit.) Ce type de raisonnement fonctionne dans les deux sens.

Nous sommes pleinement conscients de ce que vous dites. C’est pourquoi nous avons d’ores et déjà pris un certain nombre de mesures, que j’ai rappelées. C’est aussi pour cette raison, et parce que nous sommes en responsabilité, c’est-à-dire soucieux de notre capacité à faire face budgétairement à la demande que vous exprimez et à la maîtriser juridiquement, que j’ai proposé au Sénat, non pas une fin de non-recevoir, comme vous l’indiquez, monsieur Placé, mais une démarche responsable, de nature, après les propos des uns et des autres, à permettre d’avancer.

Cette démarche consiste non pas à distinguer les transports à régie des autres, monsieur Hervé, mais à regarder juridiquement s’il est possible d’adopter cet amendement, qui ne couvre pas la totalité du champ ; il couvre une partie du champ, ce que l’on nous indique comme présentant des risques juridiques.

Je ne veux pas que nous les prenions. Aussi, je propose d’engager toutes démarches et, messieurs Placé et Karoutchi, d’en rendre compte devant votre assemblée non pas au XXIIIe siècle, mais très rapidement, de manière, et je fournirai les pièces de la Commission, que nous puissions dire ensemble de façon totalement transparente : voilà les précautions juridiques qui ont été prises, voilà ce que nous pouvons faire, et avançons ou pas, selon la réponse de la Commission.

Si je vous fais ces propositions, c’est parce qu’elles me paraissent de nature à vous apporter la démonstration, en toute sincérité, monsieur Placé, que nous intégrons la demande, en voulant la maîtriser juridiquement et budgétairement.

Je rencontrerai le président Huchon prochainement pour lui expliquer cette démarche. Si nous voulons aboutir sur ces sujets, il faut faire en sorte que volonté politique et responsabilité s’articulent pour aboutir dans les meilleures conditions.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-478 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement nI-355 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-413.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe écologiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 75 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 200
Contre 144

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7 quater, et l’amendement n° I–83 rectifié n’a plus d’objet.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

L'amendement n° I-438 rectifié, présenté par MM. Dantec, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 7 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le b quater de l’article 279 du code général des impôts est complété par les mots : « , transports aériens exceptés ».

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Je ne me trouvais pas en séance hier, mais j’ai cru comprendre que nous avons été dispendieux… Permettez-moi, dans ce contexte, de vous livrer cette très belle citation de Eldridge Cleaver : « If you are not a part of the solution, you are a part of the problem » – « si tu n’es pas une partie de la solution, tu deviens une partie du problème ».

M. André Gattolin. C’est la raison pour laquelle je vous propose un amendement qui tend à engendrer de nouvelles recettes. Comme on le verra, dans une logique de comparaison et de cohérence avec les choix opérés par nos amis allemands concernant le transport aérien, on ne peut se contenter d'être dépensier.

En dépit de son impact dramatique sur le climat et l'environnement, le transport aérien bénéficie de plusieurs avantages fiscaux, parmi lesquels une exonération à la fois de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, et de la TVA sur le carburant, une TVA à taux zéro pour les billets internationaux et un taux réduit de TVA pour les vols domestiques.

Ces avantages sont non seulement néfastes pour l'environnement, mais ils sont aussi socialement inéquitables, puisqu’ils profitent en priorité à certaines catégories sociales.

Si la directive européenne sur la TVA interdit de soumettre à la TVA les billets pour des vols internationaux et notamment intra-européens, en revanche, elle laisse les États membres de l'Union européenne libres de soumettre les billets nationaux au taux de TVA qu’ils souhaitent – l'ancien ministre des affaires européennes ne me contredira pas.

C'est ainsi que l'Allemagne, notre brillant partenaire, a choisi de soumettre au taux normal – fixé à 19 % outre-Rhin – les titres de transport achetés pour des trajets effectués en avion, tout en maintenant le taux réduit de TVA sur les services de transports collectifs du quotidien.

La hausse du taux intermédiaire de TVA de 7 % à 10 % envoie un signal contradictoire à nos concitoyens, que la transition énergétique encourage par ailleurs à utiliser les transports collectifs. Aussi, il serait pertinent de rétablir une certaine logique dans la fiscalité liée aux services de transports en différenciant les taux de TVA selon les modes de transports.

Censées engager l’instauration d’un mécanisme international de réduction des émissions du secteur aérien, les négociations qui se sont clôturées au sein de l'Organisation internationale de l'aviation civile le vendredi 4 octobre dernier ont en réalité marqué un recul par rapport aux politiques existantes concernant ce secteur. L'envergure et l'efficacité du marché européen des quotas de carbone, auquel est intégré depuis 2012 le secteur aérien, en sortent très diminuées. Ainsi, le transport aérien reste loin d'apporter une contribution à la lutte contre le changement climatique qui soit à la hauteur de ses effets.

Devant l'inertie des négociations internationales pour parvenir à un mécanisme satisfaisant, il convient donc de renforcer les politiques de réduction des émissions du secteur aérien au niveau national.

Ainsi, cet amendement vise à soumettre le transport aérien de passagers au taux normal de TVA à partir du 1er janvier 2014. Pourraient évidemment être exclus du champ de ces dispositions les transports intra-nationaux, avec les outre-mer et la Corse.

En 2011, le transport de voyageurs a encore augmenté, mais à un rythme ralenti. En revanche, le transport aérien intra-métropole, porté par le dynamisme accru des liaisons transversales, de province à province, continue de progresser à un rythme élevé.

La hausse de 10 % des prix des billets d'avion qui résulterait de l’adoption de cet amendement n’aurait pas de conséquences sociales négatives, car elle concernerait principalement des personnes appartenant à des catégories sociales dont le revenu se situe au-dessus de la moyenne, ou par des entreprises de taille significative, disposant de plusieurs établissements sur le territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Comme vient de le souligner notre collègue, cet amendement tend à augmenter les recettes ; dès lors, la logique qui le sous-tend est différente de celle que j’ai précédemment évoquée.

En effet, le contexte des transports aériens de voyageurs sur les lignes intérieures est très particulier, car la concurrence économique entre le TGV et l’avion est problématique. Chacun d’entre nous connaît les difficultés que rencontrent un certain nombre de compagnies aériennes sur notre territoire. Je pense notamment aux suppressions de postes chez Air France.

Il serait difficile d'apprécier exactement les conséquences économiques de cet amendement, notamment en termes d'équilibre sur le marché des transports de voyageurs sur le territoire français. Mais l'on peut penser qu’une hausse du taux de TVA de 10 % à 20 % romprait probablement certaines conditions de l'équilibre actuel, avec des conséquences très significatives en termes d'emploi, tout particulièrement sur les lignes intérieures de la compagnie Air France.

Eu égard à ces interrogations lourdes et à l'absence de simulations ou d'anticipations précises sur les conséquences d'une telle augmentation, la commission des finances émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous remercie de présenter un amendement qui engendre des recettes, et non des dépenses. (Sourires.) Toutefois, pour garantir son opérationnalité, ce type d'amendement doit être examiné avec autant d'attention et de méticulosité que s'il visait à créer des dépenses.

Le présent amendement tend à différencier le taux de TVA selon la nature des services de transport, ce qui peut apparaître comme une distorsion de traitement de l'activité de transport, notamment entre les modes de transport collectifs, dont vous avez raison de considérer qu’ils doivent être accompagnés, et le transport aérien, qui d’ailleurs est parfois collectif. Une telle distorsion ne serait pas compatible avec le droit communautaire.

Par ailleurs, l’article 36 du projet de loi de finances tend à prévoir un relèvement du tarif de la taxe de solidarité sur les billets d'avion. Si nous devions juxtaposer cette mesure à la vôtre, les compagnies aériennes, notamment nationales, subiraient un prélèvement très important, alors qu’elles se trouvent dans une situation de très forte concurrence et connaissent de véritables difficultés. Elles s'en trouveraient fortement fragilisées.

Pour toutes ces raisons, à la fois juridiques et économiques, le Gouvernement ne peut émettre un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement témoigne d'abord d'une constance qu’il faut sans doute porter au crédit du groupe écologiste, même s’il faut aussi dénoncer la provocation qu’il contient ! (Protestations sur les travées du groupe écologiste.)

Cet amendement vise en effet à exclure le transport aérien du champ d’application du taux intermédiaire de la TVA. D’ailleurs, on peut s’interroger, à en juger par la situation difficile d'Air France, sur le bien-fondé de l'augmentation du taux de TVA de 7 % à 10 % dans ce secteur. Mais, et c’est là que réside la provocation, l’amendement vise à lui appliquer le taux de 20 %.

Cette hausse serait dramatique pour nos compatriotes des régions enclavées. Contrairement à ce qui est précisé dans l’objet de l’amendement, ceux qui empruntent ces transports aériens ne sont pas les plus aisés, ce sont les habitants de ces régions. Le critère à prendre en compte pour l’utilisation de ce mode de transport est, non pas le revenu, mais le gain de temps lors du déplacement. Évitons ce genre de simplification…

En outre, la compagnie Air France a connu six exercices déficitaires, elle lutte pour sa survie dans des conditions difficiles. À cet égard, le plan « Transform 2015 » a dû être renouvelé, avec une nouvelle phase de suppressions de poste. À mon sens, le Parlement, du moins le Sénat, devrait manifester à la compagnie Air France sa solidarité dans son effort de desserte des lignes intérieures en l’aidant à retrouver tout son dynamisme. Or, cet amendement, s’il était adopté, serait plutôt vécu comme un coup de poignard…

Je tiens à souligner que beaucoup ont une vision erronée du trafic. Depuis 2008, la crise du secteur aérien est forte et constante. Cela explique l'ensemble des difficultés que je viens d'évoquer.

Concernant la concurrence avec les autres modes de transport, notamment le fer, on sait que le match, maintes fois joué, se termine toujours par la victoire du transport ferré – on peut le constater sur l'ensemble des lignes.

L’adoption de cet amendement aurait également pour conséquence d’affaiblir directement l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, plateforme multimodale et hub mondial, puisque les passagers en transit se tourneraient vers l’étranger où la taxation serait moindre.

Sur un plan environnemental, j’ajoute qu’il serait sans doute pertinent de continuer à soutenir les efforts des acteurs du transport aérien dans la recherche de moteurs plus performants ou encore le développement d’une filière de biocarburants pour l’aviation. Le Gouvernement sera sans doute appelé à se prononcer sur un certain nombre de programmes européens, je pense notamment au renouvellement du programme Clean Sky, qui permettrait de poursuivre les efforts en matière de recherche environnementale.

Ce qui est en cause, avec cet amendement, c’est tout simplement le devenir de la compagnie Air France.

Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.

M. Albéric de Montgolfier. Je ne m’étendrai pas sur les difficultés d’Air France et sur la fragilisation du secteur aérien que provoquerait cet amendement.

Nous ne pouvons suivre le raisonnement des auteurs de l’amendement, car le train n’est pas une alternative sérieuse à l’avion pour certaines destinations. Pour vous rendre de Bordeaux à Nice, par exemple, vous mettrez une dizaine d’heures en train, mais à peine une heure et demie en avion.

Mme Nathalie Goulet. Songez au Cantal du président Mézard !

M. Albéric de Montgolfier. En France, pour être assuré de voyager dans des délais raisonnables, le choix n’est pas toujours possible entre plusieurs modes de transport.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Bien entendu !

M. Albéric de Montgolfier. L’Allemagne n’est pas dans la même situation.

Cet amendement, outre le risque de fragilisation du secteur aérien qu’il représente, serait un mauvais coup porté aux provinces françaises.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Notre collègue André Gattolin a présenté avec beaucoup de conviction une ressource nouvelle pour l’État, mais je ne suis pas certain qu’il ait raison. M. Vincent Capo-Canellas a formulé des observations très judicieuses sur la situation d’Air France – il est bien placé, en tant que président de la communauté d’agglomération de l’aéroport du Bourget, pour connaître l’activité du transport aérien –, et M. Albéric de Montgolfier a rappelé des évidences technologiques.

Nous avons le devoir, chers collègues, d’avoir une vision globale du coût des transports. Certes, les avions sont coûteux en carburant et émettent des gaz à effet de serre – pollution que vous combattez avec beaucoup de détermination mais sans grand succès, il faut bien le reconnaître –, il convient cependant envisager également les autres possibilités pour la communauté. C’est tout le problème.

Si nous récusons l’avion, nous devons apporter des solutions aux territoires. Les lignes améliorées de TGV sont extrêmement coûteuses et, dans certains cas, parfaitement injustifiées. Le Gouvernement a d'ailleurs été amené à réexaminer de précédents projets. Pour certaines destinations, il vaut mieux choisir l’avion, système certes coûteux et polluant ponctuellement mais permettant globalement une économie pour la collectivité, qui doit répondre de l’aménagement du territoire et du principe d’égalité d’accès de nos concitoyens à la métropole, ou encore de la possibilité de transports transversaux qu’évoquait Albéric de Montgolfier.

Il faut en outre tenir compte du coût de fonctionnement de ces systèmes lorsqu’ils restent traditionnels. Nous savons parfaitement que les transports collectifs ferrés en site propre sont très largement subventionnés. Ce que vous apporterez aux contribuables à travers cette augmentation de la TVA pourrait se traduire par des suppressions de lignes aériennes impliquant la remise en service de prestations traditionnelles. Je parle d’expérience : nous avons vu le chemin de fer s’effacer dans le Massif central ou dans le Sud-Ouest lorsque l’avion a rendu ces territoires rapidement accessibles – je pense à la Dordogne, au Cantal –, et nous assistons aujourd'hui à la réapparition de services très coûteux pour les contribuables.

Sous prétexte de trouver une ressource nouvelle marginale, vous déclenchez des dépenses publiques qui sont certainement très largement supérieures à l’avantage que vous nous proposez.

C’est la raison pour laquelle, chers collègues, tout en respectant vos convictions, je vous invite à les intégrer dans une réflexion plus globale sur les finances nationales et sur l’économie des transports, et à ne pas être obsédés par une seule croisade.