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Souhaits de bienvenue au président du Sénat du Royaume d'Espagne

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer aujourd’hui la présence, dans notre tribune, de M. Pío García-Escudero Márquez, président du Sénat du Royaume d’Espagne, dont la venue à Paris témoigne des liens forts qui unissent nos deux institutions et nos deux pays. Il est accompagné de M. Carlos Bastarreche, ambassadeur d’Espagne en France, et de fonctionnaires du Sénat espagnol. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent.)

Architecte de profession et grand spécialiste des questions de patrimoine, M. García-Escudero Márquez est sénateur depuis 1995. Il était membre actif du groupe d’amitié Espagne-France et j’ai moi-même présidé le groupe d’amitié France-Espagne. Nous nous sommes donc connus voilà maintenant plusieurs années, et je peux témoigner de son attachement à notre pays, à sa culture et à son histoire.

Lors de nos nombreux entretiens, notamment à l’occasion des funérailles d’État du Premier ministre Adolfo Suárez, où je représentais la France, nous avons pu nous féliciter de la qualité du partenariat qui unit nos deux pays, notamment en matière de transports, de politique énergétique et de lutte contre le terrorisme.

Nous avons pu également constater notre convergence de vues sur la nécessité de voir l’Union européenne donner une plus grande priorité à la croissance et à l’emploi dans la mise en œuvre de ses politiques.

Au nom du Sénat de la République, je forme des vœux pour que le séjour en France du président García-Escudero Márquez contribue à la vitalité de l’amitié franco-espagnole et, en présence du Premier ministre, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue. (Applaudissements prolongés.)

Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Charles Guené.)

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant la ratification de l’amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 10 avril 2014.

9

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 10 avril 2014, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 209 du livre des procédures fiscales (contentieux de l’établissement de l’impôt et les dégrèvements d’office) (2014 400 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

10

Demande de priorité (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article 1er

Agriculture, alimentation et forêt

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er (suite)

M. le président. L'amendement n° 780, présenté par M. Guillaume, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Rédiger ainsi cet alinéa : 

« 3° La recherche, l’innovation et le développement ;

La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques. L’objet du projet de loi, outre la compétitivité que nous avons évoquée tout à l’heure, est de favoriser l’innovation. Je crois que nous y sommes tous favorables sur ces travées.

L’innovation, c’est par exemple l’expérimentation, avec la mise en place des groupements d’intérêt économique et environnemental, les GIEE, qui, lorsqu’ils atteindront leur rythme de croisière, fonctionneront parfaitement.

Voilà pourquoi il faut ajouter dans le texte le mot « innovation » parmi les axes de la politique agricole. Cette dernière doit s’appuyer non seulement sur la recherche, mais aussi sur l’application concrète, sur le terrain, de tous les progrès techniques. C’est grâce aux progrès techniques, à la recherche, à l’innovation, que l’agriculture se développera et sera compétitive. Tel est le sens de cet amendement.

M. Jean Bizet. C’est une bonne nouvelle !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Nous avons parlé de l’agroécologie. Or s’il est un domaine dans lequel l’innovation est absolument nécessaire, c’est bien dans la prise en compte, nouvelle, de la performance environnementale au sein de la performance économique.

Cet amendement est parfaitement dans l’esprit du texte de loi. L’avis du Gouvernement est donc favorable.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je suis évidemment favorable à cet amendement, tant je pense que l’innovation doit être au cœur de la vie économique agricole.

Mme Sophie Primas. Pour ce faire, il faudra assurer un équilibre entre ce fameux principe de précaution – Dieu sait que j’aime le Président qui l’a mis en place – et l’innovation, qu’il s’agit de ne pas tuer. Nous ne devons pas avoir peur de la modernité et de la recherche.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Absolument !

Mme Sophie Primas. Je voterai donc votre amendement des deux mains, monsieur le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. L’innovation fait évidemment partie de la compétitivité. Le groupe UDI-UC votera donc cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.

M. Gérard César. Tout comme Mme Primas, je suis tout à fait favorable à cet amendement. J’ai déjà dit hier l’importance de l’innovation et de la recherche.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Le groupe écologiste soutient avec enthousiasme l’innovation, même si je ne suis pas convaincue que tout le monde mette la même chose derrière ce mot. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Joël Labbé. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, pour explication de vote.

Mme Renée Nicoux. Il me semble logique d’ajouter ce terme afin de souligner l’importance que revêt l’innovation dans le projet de loi. Le groupe socialiste s’associe donc à cette démarche.

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour explication de vote.

M. Yvon Collin. Le groupe du RDSE est bien entendu favorable à l’innovation. Nous soutenons donc cet amendement avec beaucoup d’enthousiasme.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 780.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 297 rectifié ter, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mme Mélot, MM. Savary et Delattre, Mlle Joissains, MM. Huré, Laménie, Beaumont, Husson, Doligé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 29, première phrase

Remplacer les mots :

tout en diminuant

par les mots :

, en améliorant la valeur ajoutée des productions, et en économisant

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Nous savons que la valeur ajoutée naît de la transformation des produits ; il est donc important d’ajouter cette notion.

M. le président. L'amendement n° 237 rectifié ter, présenté par MM. Adnot, Détraigne et Deneux, est ainsi libellé :

Alinéa 29, première phrase

Remplacer le mot :

diminuant

par les mots :

améliorant la valeur ajoutée des productions en économisant

La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Je voudrais élever une vive protestation, car, initialement, mon amendement devait venir en discussion avant l’amendement de M. César. Je voudrais bien savoir par quel mystère il a été ainsi rétrogradé. (Sourires.)

Cela étant, ces deux amendements sont de même nature. En effet, le fait de diminuer n’est pas nécessairement facteur de qualité. Si l’on diminue, mais que le résultat n’est pas bon en termes de valeur ajoutée et d’économie, cela ne constitue pas un progrès. Multiplier par deux la valeur ajoutée, par exemple, apparaît bien plus souhaitable.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je souhaite que vous fassiez preuve d’une attention particulière sur le fait qu’il est essentiel d’économiser, car c’est ainsi que l’on atteindra plus de valeur ajoutée.

M. le président. Mon cher collègue, initialement, votre amendement devait en effet venir en discussion avant celui présenté par M. César. Cependant, ce dernier a été subtilement modifié et, conformément au règlement, il a pris place avant le vôtre.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Adnot, peu importe que votre amendement soit présenté avant ou après celui de M. César ; ce qui compte, c’est qu’il soit voté.

Dans la mesure où vous l’avez rectifié, j’y suis favorable. Seulement, celui de M. César, qui a aussi été rectifié, étant un peu plus complet, j’aimerais autant que vous retiriez le vôtre : au bout du compte, l’adoption de l’amendement n° 297 rectifié ter de M. César satisfera également votre proposition !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Monsieur le rapporteur, je veux simplement vous signaler que, pour l’essentiel, l’amendement de M. César et le mien sont identiques. Au demeurant, nos collègues l’ont bien compris, entre M. César et moi-même, il n’y a aucun désaccord.

Je consens donc à retirer mon amendement, mais, si celui de M. César est adopté, nous en aurons tous les deux l’honneur ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Esthétiquement parlant, mon cher collègue, ils ne sont pas exactement identiques, puisqu’une virgule les différencie. (Exclamations amusées.) Malgré cela, je veux bien donner un avis favorable aux deux !

M. Yvon Collin. Une virgule, c’est important ! Cela peut changer le sens ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Ici, l’essentiel n’est pas la sémantique, mais l’importance qu’il faut accorder à l’optimisation des intrants.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. René-Paul Savary. À cet égard, les producteurs, notamment les viticulteurs, accomplissent déjà des efforts considérables. En adoptant ces amendements, nous encouragerons leur prise de conscience et nous soutiendrons leurs efforts.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Le groupe écologiste est hostile à ces amendements, qui tendent tout de même à revenir sur l’obligation de diminution des produits phytosanitaires ; or nous tenons à ce que cet objectif de réduction soit clairement affirmé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 297 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 237 rectifié ter n'a plus d'objet.

L'amendement n° 409 rectifié, présenté par MM. Bizet, Houel, Lefèvre et Revet, est ainsi libellé :

Alinéa 35

Après le mot :

producteurs,

insérer les mots :

les opérateurs de commercialisation,

La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Cet amendement est quasiment identique à l’amendement n° 407 rectifié, qui a été précédemment adopté.

Pour des raisons de cohérence, il convient de faire mention des opérateurs de commercialisation, de statut privé ou coopératif, comme acteurs économiques des filières. Dans chacune d’elles, en effet, ces opérateurs interviennent entre les exploitants agricoles et les industries agroalimentaires. L’adoption de l’amendement n° 409 rectifié permettrait de garantir leur représentation dans les instances de toutes les filières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cher collègue, je me permets de vous rappeler que vous avez retiré l’amendement n° 407 rectifié. (M. Bruno Sido acquiesce.) Je vous invite à retirer également celui-ci : il tendrait à alourdir le projet de loi de façon inutile, puisqu’il est satisfait – je parle sous le contrôle de M. le ministre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Bizet, l'amendement n° 409 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Bizet. Apparemment, il semblerait que je jouisse d’une certaine confiance, pour le moment. (Sourires.)

M. Didier Guillaume, rapporteur. Pour le moment ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Bizet. Si M. le ministre et M. le rapporteur sont d’accord, je veux bien retirer l’amendement n° 409 rectifié.

Si je comprends bien, l’adoption de l’amendement n° 592 rectifié de M. Le Cam a satisfait mon amendement n° 407 rectifié ; quant à mon amendement n° 408 rectifié, que je n’ai pas pu défendre parce que je m’étais brièvement absenté de l’hémicycle – c’était un accident de séance ! –, il semble qu’il soit également satisfait, de même que l’amendement n° 409 rectifié.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Tout à fait. Vous êtes un sénateur heureux ! (Sourires.)

M. Jean Bizet. Pour le moment ! (Nouveaux sourires.)

Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 409 rectifié est retiré.

L'amendement n° 93 rectifié ter, présenté par MM. Beaumont, Bizet, Bordier, Dulait, G. Larcher, Pinton et Trillard, est ainsi libellé :

Alinéa 36

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le Conseil national de l’alimentation et les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux participent aux organes de gouvernance du programme national pour l’alimentation.

La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Les auteurs de cet amendement cherchent, avec beaucoup de modestie, à donner un peu plus de cohérence au projet de loi, notamment en ce qui concerne le Conseil national de l’alimentation, le CNA.

Je le rappelle, cette instance consultative indépendante est placée, depuis 1985, auprès des ministres chargés de la santé, de l'agriculture et de la consommation. Elle rassemble les acteurs de la chaîne alimentaire, des producteurs aux consommateurs et aux salariés. Le décret qui l’institue prévoit que ce conseil « est consulté sur la définition de la politique alimentaire et donne des avis sur les questions qui s'y rapportent ». Ainsi, le CNA joue le rôle de Parlement de l’alimentation.

La mission première de ce conseil consiste à organiser la concertation entre les représentants dûment mandatés de la société civile, des élus, des administrations et des consommateurs. C’est ainsi que le CNA a été chargé de fournir la matière pour construire le programme national pour l’alimentation, dès la conception de celui-ci, en 2010. De fait, le programme national pour 2010-2013 est principalement issu des travaux du CNA.

Il est impératif, dans un souci d'efficacité à long terme, de conserver le rôle premier du CNA, au service de la politique publique de l'alimentation. Nous proposons seulement que ce rôle soit élargi aux conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, afin d'assurer l'assise territoriale de la politique de l'alimentation.

L'organisation de débats publics relève d'une autre approche et s'inscrit dans une autre échelle et une autre temporalité. Elle vise, notamment, à établir un dialogue entre le grand public et les autres acteurs de la chaîne alimentaire et à contribuer à restaurer la confiance des consommateurs dans leur alimentation. Cette mission nouvelle, complémentaire de la consultation des parties prenantes, serait confiée au CNA.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cher collègue, la commission n’est pas favorable à votre amendement.

Je comprends votre proposition, mais il me semble qu’elle compliquerait le dispositif. En commission, nous avons déjà amélioré le projet de loi en faisant en sorte que le programme national pour l’alimentation procède d’une vision plus large.

Le CNA fait partie de la gouvernance de ce programme. Quant aux conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, il nous semble qu’ils doivent jouer leur rôle de prévision et d’animation au niveau des régions ; les intégrer dans la gouvernance nationale serait source de lourdeurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il est identique à celui de la commission, et cela pour une raison simple : le Conseil national de l’alimentation mène une grande réflexion stratégique. Les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux sont des relais. Leur donner un rôle au niveau du CNA compliquerait les choix stratégiques, comme M. le rapporteur l’a signalé, sans qu’il en résulte un bénéfice, puisqu’il est déjà prévu que les grands choix nationaux en matière alimentaire soient discutés et déclinés à l’échelle régionale.

Une telle organisation doit être conservée pour que les politiques alimentaires soient à la fois lisibles, claires et relayées sur le terrain.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur Beaumont, je vous soutiendrais bien volontiers. Toutefois, j’ose espérer que l’instance nationale lit les avis rendus par les instances régionales ! Votre proposition ne me paraît donc pas nécessaire. (M. Didier Guillaume, rapporteur, acquiesce.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. Absolument !

M. le président. La parole est à M. René Beaumont, pour explication de vote.

M. René Beaumont. Il faut bien reconnaître que, depuis 1985, et particulièrement depuis les dernières années, les avis émanant des différents conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux n’ont pas fait l’objet d’une grande attention.

Ma proposition vise à rapprocher les décisions de la population et de ses représentants sur le terrain. Cette méthode vaut mieux qu’une consultation limitée à un petit nombre de représentants nationaux. Il me semble que, sur un sujet aussi essentiel que l’alimentation des Français, il est important de consulter toutes les régions.

Madame Goulet, leurs avis sont peut-être lus par la quatrième secrétaire du ministère, mais le fait est qu’ils ne sont pas efficaces ! C’est pour les rendre tels que je propose de consulter les Français sur la qualité de leur alimentation.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ils sont consultés !

M. René Beaumont. Du reste, je m’étonne qu’un ministre de votre tendance, monsieur Le Foll, refuse de consulter les Français !

M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est l’inverse !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Ils sont consultés !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Les avis dont vous parlez, monsieur le sénateur, n’existent pas aujourd’hui ; il n’est donc pas surprenant que personne ne les lise.

Avec la nouvelle procédure prévue dans le projet de loi, les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux pourront émettre des avis, dont le CNA tiendra compte pour l’établissement du programme national pour l’alimentation.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Tout à fait !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur Beaumont, vous proposez d’assurer la représentation des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux à l’échelle du CNA. Commençons plutôt par mettre en place la nouvelle organisation, qui permettra à ces conseils de transmettre au CNA des avis dont il s’inspirera pour construire la politique nationale de l’alimentation.

Je vous le répète : cette procédure est nouvelle, et c’est le présent projet de loi qui la prévoit !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 468 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 45, dernière phrase

Supprimer les mots :

et en la préservant des préjudices causés par les grands prédateurs

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement fait partie de la série que j’ai signée…

M. Didier Guillaume, rapporteur. Par amitié !

Mme Nathalie Goulet. Tout à fait, monsieur le rapporteur !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Et que vous retirerez par conviction ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Peut-être bien, monsieur le rapporteur, mais permettez-moi d’abord d’en prendre connaissance ! (Nouveaux sourires.)

L’amendement n° 468 rectifié est justifié par le fait que l'indemnisation des prédations prise en charge par le ministère de l'écologie permet une compensation des dégâts subis par les éleveurs.

M. le président. L'amendement n° 516 rectifié, présenté par MM. Amoudry, Lasserre, Dubois, Tandonnet et Jarlier, Mme N. Goulet et M. Guerriau, est ainsi libellé :

Alinéa 45, dernière phrase

Remplacer les mots :

et en la préservant des préjudices causés par les grands prédateurs

par les mots :

pour lutter contre l’envahissement par la friche de l’espace pastoral, et pour la préserver des préjudices causés par les grands prédateurs

La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Le pastoralisme représente un enjeu primordial pour l’agriculture de montagne et pour la gestion des espaces d’altitude. Cette question, fréquemment abordée par notre assemblée, mérite d’être clairement prise en compte à l’article 1er du projet de loi, qui définit la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation.

La reconnaissance de la spécificité de l’agriculture de montagne et de son rôle dans le maintien et la valorisation du patrimoine montagnard passe nécessairement par une plus grande prise en considération du pastoralisme, principale activité de ces zones.

Or l’envahissement des territoires d’altitude par la friche menace les activités humaines, les équilibres naturels et, à terme, le développement durable. Lutter contre l’avancée de la friche s’impose donc comme un impératif et nécessite à l’évidence de garantir la pérennité de l’élevage, menacé par les attaques de prédateurs, qui ne cessent d’augmenter, du fait, notamment, de la croissance de la population de loups dans notre pays.

Cet amendement tend donc à affirmer le caractère indispensable de pâturages d’avenir préservés de l’enfrichement et indemnes de la prédation. Ceux-ci sont indispensables pour d’évidentes raisons économiques et sociales – il y va de l’avenir de l’emploi dans les zones d’altitude –, mais aussi pour valoriser les territoires montagneux, dont certains sont inscrits au patrimoine mondial de l’humanité.

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Masson-Maret, MM. César et Leleux, Mme Procaccia, MM. Pointereau, Cardoux et Pierre, Mme Sittler, MM. B. Fournier, Huré et Milon, Mme Duchêne et MM. Beaumont, Doligé, Bernard-Reymond, Revet, Dulait, G. Bailly et Poncelet, est ainsi libellé :

Alinéa 45

Compléter cet alinéa par les mots :

, et notamment en faisant de la population lupine une "espèce protégée simple"

La parole est à Mme Hélène Masson-Maret.

Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le président, monsieur le ministre, le problème de la cohabitation du loup et de l’agro-pastoralisme a été largement évoqué hier et ce matin, notamment par mes collègues MM. Gérard Bailly, Jean-Paul Amoudry et Alain Bertrand. Je sais que de nombreux amendements seront déposés sur ce thème.

Depuis une quinzaine d’années, avec les attaques répétées du loup, protégé – j’y insiste, car c’est l’objet véritable de cet amendement – par la convention de Berne de 1979, l’agro-pastoralisme est menacé. Le quotidien des éleveurs ovins a viré au cauchemar, ce qui met en péril cette profession, dont la disparition serait dramatique pour la biodiversité, pour d’autres raisons qui viennent d’être évoquées.

Le loup représente aujourd’hui une population d’environ 250 bêtes – selon des chiffres officieux, ce serait même près de 400 bêtes. Elle s’accroît très rapidement, de 20 % par an environ. On estime que, en 2012, il y a eu 14 000 attaques et 5 000 têtes de bétail tuées.

Le classement du loup en « espèce strictement protégée » par la convention de Berne se trouve décliné, au niveau de l’Union européenne, dans la directive concernant la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune et de la flore sauvages du 21 mai 1992, qui interdit la destruction ou la perturbation des loups.

Or, du fait de l’état florissant de l’espèce, tant à l’échelle de la France qu’à celle de l’Europe, il est aujourd’hui légitime et nécessaire de réintégrer le loup dans l’annexe 3 de la convention de Berne, afin qu’il soit considéré comme une « espèce protégée simple », puis d’en déduire les modifications qui s’imposent dans la directive concernant la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune et de la flore sauvages, et dans le plan national loup.

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur le fait qu’il y a un mois, nous avons déposé, M. Vairetto et moi-même, un rapport d’information au sein de la commission du développement durable, dans lequel nous préconisons ce déclassement du loup.

Monsieur le ministre, je vous demande donc avec insistance d’examiner notre demande.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ces trois amendements, bien qu’ils soient en discussion commune et qu’ils aient tous pour objet le loup, visent trois questions différentes.

Les dispositions de l’amendement n° 468 rectifié sont contraires à la démarche que nous avons élaborée en commission et que nous aborderons lors de l’examen de l’article 18 bis. Notre objectif n’est pas de cesser d’apporter une aide aux éleveurs lorsque leur bétail est victime d’attaques de loups. C’est pourquoi je demanderai à Mme Goulet de retirer, par conviction, son amendement, sans quoi la commission émettra un avis défavorable.

En revanche, je crois que M. Amoudry a entièrement raison de vouloir compléter le texte du projet de loi en mentionnant le problème des friches dans l’espace pastoral : cet ajout est indispensable. L’avis de la commission est donc favorable à l’amendement n° 516 rectifié.

Enfin, concernant l’amendement n° 14 rectifié, nous sommes convenus en commission des affaires économiques d’évoquer le débat sur le loup à l’article 18 bis. J’ai proposé une nouvelle rédaction ; nous avons rédigé un amendement et nous en reprendrons un autre.

Mes chers collègues, il est impossible de changer le texte énonçant les objectifs de l’agriculture pour faire des loups une « espèce protégée simple ». En revanche, ainsi que je l’ai évoqué dans la discussion générale, comme certains de mes collègues, à l’article 18 bis, nous demanderons au ministre qu’il essaie de s’engager pour mettre sur la table des négociations européennes la reprise de la discussion sur la directive « habitats » et sur la convention de Berne.

C’est pourquoi, madame Masson-Maret, étant donné que nous partageons la même philosophie sur ce sujet et que nous aborderons cette question à l’article 18 bis, je vous demanderai de bien vouloir retirer l’amendement que vous avez déposé à cet article.

Au total, la commission demande le retrait des amendements nos 468 rectifié et 14 rectifié, mais elle émet un avis favorable sur l’amendement n° 516 rectifié.