Article 7 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

J’appelle maintenant pour coordination l’article 7 ter, sur lequel le Gouvernement a déposé un amendement.

article 7 ter

[Pour coordination]

I. – Le livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L'article L. 8224-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de méconnaître les interdictions définies aux 1° et 3° du même article L. 8221-1 en commettant les faits en bande organisée est puni de dix ans d'emprisonnement et de 100 000 €d'amende. » ;

2° Après le premier alinéa des articles L. 8234-1 et L. 8243-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée. »

II. – Le titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le 19° de l'article 706-73, il est inséré un 20° ainsi rédigé :

« 20° Délits de dissimulation d'activités ou de salariés, de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, de marchandage de main-d’œuvre, de prêt illicite de main-d’œuvre, d'emploi d'étrangers sans titre de travail prévus aux 1° et 3° de l'article L. 8221-1 et aux articles L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-2, L. 8231-1, L. 8234-1, L. 8234-2, L. 8241-1, L. 8243-1, L. 8243-2, L. 8251-1 et L. 8256-2 du code du travail. » ;

2° L'article 706-88 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n'est pas applicable aux délits mentionnés au 20° de l'article 706-73. »

III (nouveau). – Au VII de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».

IV (nouveau). – Au second alinéa de l'article 323-5 du code des douanes, la seconde occurrence du mot : « dernier » est remplacée par le mot : « huitième ».

V (nouveau). – Au second alinéa de l'article 193-5 du code des douanes de Mayotte, la seconde occurrence du mot : « dernier » est remplacée par le mot : « huitième ».

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 11 et 12

Rédiger ainsi ces alinéas :

III. – Au VII de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, le mot : « avant-dernier » est remplacé par le mot : « huitième ».

IV. – Au second alinéa de l'article 323-5 du code des douanes, la référence : « avant-dernier alinéas de l'article 706-88 » est remplacée par la référence : « huitième alinéas de l'article 706-88 ».

II. – Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination et de cohérence rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales n’a pas eu l’occasion d’examiner l’amendement, mais, dans la mesure où il tend notamment à supprimer une disposition du code des douanes de Mayotte qui est devenue caduque depuis janvier 2014, nous ne pouvons qu’y être favorables.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 7 ter, modifié, est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 7 ter (pour coordination)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, vous avez dit que vous réalisiez en deux ans ce que la droite n’avait pas fait en dix ans. Je vous souhaite de réussir et je vous donne rendez-vous dans deux ans : nous verrons alors si l’adoption de cette proposition de loi aura produit des résultats.

Je me permets d’intervenir parce que le recours aux travailleurs détachés m’inquiète énormément. J’ai en effet examiné la situation dans mon département et rencontré des représentants des fédérations professionnelles, notamment ceux de la CAPEB. Ces derniers m’ont communiqué des documents et fait part de leur ressentiment.

Ce ressentiment, à quoi tient-il ? On ne trouve plus un chantier où les ouvriers parlant français sont majoritaires. Le travail fourni par ces travailleurs détachés est excellent, car ils peuvent consacrer tout le temps nécessaire aux travaux minutieux, ce que, souvent, on ne peut plus faire en France compte tenu du coût horaire de la main-d’œuvre. Ces travailleurs peuvent, eux, passer du temps à réaliser des travaux précis parce que les entreprises qui les emploient pratiquent un taux de salaire horaire défiant toute concurrence !

J’ai demandé à mes interlocuteurs comment les choses se passaient concrètement. Permettez-moi de vous lire, monsieur le ministre, le contenu d’un courriel adressé à une entreprise qui avait fait appel à une agence d’intérim.

« Varsovie, 18 novembre 2013. Faisant suite à votre e-mail de ce jour, je reviens vous confirmer les conditions de détachement de nos salariés dans votre entreprise.

« Comme dans le cadre de l’intérim en France, les personnes détachées sont nos salariés : vous ne les embauchez donc pas et ne faites que régler une facture de prestation de services hors TVA, puisqu’il s’agit d’une prestation intracommunautaire.

« Le taux horaire est de 16 euros par heure travaillée, avec un décompte par quarts d’heure. Le calcul du coût du travail est simple : le prix de la prestation est égal à 16 euros multipliés par le nombre d’heures travaillées. Ce taux horaire comprend tout : salaires, charges, congés payés, trajet aller-retour vers la France, nourriture des salariés, à l’exception de l’hébergement, qui reste à votre charge.

« Vous n’avez aucune formalité administrative à accomplir : pas de bulletins de salaire, pas de déclarations d’embauche, pas de charges sociales à payer. Nous nous chargeons de l’ensemble des éléments administratifs, tels que la déclaration de détachement à l’inspection du travail.

« Nos contrats vous proposent une souplesse inédite et maximale : vous pouvez mettre fin à la mission à tout moment, sans motif. Vous disposez d’une semaine pour solliciter, sans frais, le remplacement des salariés qui ne conviendraient pas.

« Les heures supplémentaires réalisées par les salariés restent au même taux horaire : 16 euros hors taxes. Nous payons la majoration au salarié, mais ne vous la répercutons pas.

« Nous sommes en mesure de vous adresser des salariés en une semaine environ. Si vous prenez une équipe de plus de quatre salariés, le taux horaire peut alors diminuer et nous serons en mesure de vous faire une nouvelle offre. »

Vous pouvez constater, monsieur le ministre, la pression concurrentielle qu’exercent les entreprises qui proposent une main-d’œuvre jetable, livrée selon les besoins. Il y a tout de même là de quoi être interpellé !

Or je ne suis pas sûr que la proposition de loi que le Sénat va adopter réponde au problème. En effet, quand on peut bénéficier de telles conditions, pourquoi se placer dans l’illégalité ? Autant recourir aux services du plus grand nombre possible de travailleurs détachés et rester ainsi dans la légalité !

Les mesures que nous votons aujourd’hui sont des mesures de lutte contre le travail illégal. Mais, quand on propose de tels taux horaires dans la légalité la plus complète, il est inutile de prendre le risque de l’illégalité !

C’est pourquoi je crains fort que la présente proposition de loi ne réponde pas à cette situation particulièrement préoccupante. Cela étant, que les choses soient claires : cette initiative reste tout à fait louable, car il faut lutter contre le travail illégal !

Je voulais vous soumettre ce problème, monsieur le ministre, car j’ai été sidéré à la lecture de ce document. Nous allons devoir reprendre notre bâton de pèlerin pour proposer des mesures plus efficaces.

Certes, l’inspection du travail conserve une possibilité d’intervention par le biais de l’hébergement puisque celui-ci reste à la charge de l’entreprise donneuse d’ordre. Vous savez que les conditions d’hébergement des travailleurs détachés sont rarement conformes aux normes en vigueur en France et je pense qu’il serait bon de faire preuve de vigilance sur ce point.

En revanche, pour les donneurs d’ordre qui recourent aux appels d’offres, monsieur le ministre, il va falloir revoir les textes. Dans les appels d’offres publics qui font l’objet d’une attribution au mieux-disant, les entreprises qui recourent en toute légalité à des salariés détachés disposent d’un avantage concurrentiel énorme par rapport aux entreprises françaises employant des salariés français.

Telles sont les raisons pour lesquelles je me suis permis de vous interpeller, monsieur le ministre, et je vous remercie de m’avoir écouté.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Sans surprise, je voterai en faveur de cette proposition de loi.

Notre collègue René-Paul Savary a interpellé M. le ministre, qui va certainement lui répondre, mais en vérité c’est nous tous qu’il a interpellés en nous exposant une situation concrète. Cela étant, je ne suis pas sûr que l’offre qu’il nous a décrite ne soit pas illégale. En effet, les tarifs pratiqués doivent respecter les conditions d’embauche du pays d’accueil : dans le cas d’espèce, il faudrait vérifier que le taux horaire annoncé est légalement possible en France.

Par ailleurs, dans le cas cité, le règlement se fait par facture et notre collègue estime que cette procédure permet une dissimulation.

La question que vous posez, cher collègue, appelle une double réponse.

Premièrement, il faut aller plus loin dans le travail législatif pour définir des mesures permettant d’envisager des cas de figure que nous n’avons pas évoqués lors de ce débat. Eh bien, nous vous invitons à participer à ce travail, avec votre groupe.

Deuxièmement, il faut renforcer l’harmonisation sociale au sein de l’Union européenne. Sur ce point, votre parti est rattaché au Parlement européen à un groupe qui devrait également contribuer à cette harmonisation.

Par ce vote, les écologistes manifestent leur volonté de se battre, au niveau européen, pour l’harmonisation sociale. Votre intervention me donne à penser que vous allez aussi intervenir auprès du parti européen auquel vous êtes affilié afin de faire avancer cette harmonisation sociale.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Monsieur Savary, je vous remercie, ainsi que M. Desessard, des éléments que vous avez apportés au débat.

Monsieur le sénateur, je suis persuadé que nous visons le même but. Du reste, le document que vous avez lu illustre parfaitement les raisons qui ont conduit votre collègue député Gilles Savary à déposer cette proposition de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale. Vous en conviendrez, il faut bien un commencement !

Lorsque j’étais élu, j’avais déjà eu l’occasion de prendre connaissance de situations telles que celle que vous avez décrite. Des entreprises du bâtiment et la fédération du bâtiment elle-même m’avaient interpellé à l’époque pour dénoncer le nombre croissant de travailleurs détachés en situation illégale.

Cette proposition de loi a pour but de préserver les entreprises qui respectent la loi – elles constituent l’immense majorité ! – et leurs salariés. Vous nous avez donné un exemple de détournement du détachement : c’est du travail illégal. La procédure consiste à passer par le biais d’un cocontractant, mais cette situation est visée par la proposition de loi, grâce à une disposition ajoutée sur l’initiative de votre rapporteur, que je félicite.

Par ailleurs, nous nous attachons actuellement à renforcer les moyens de l’inspection du travail. Car il ne suffit pas d’adopter des textes : il faut aussi se préoccuper du fonctionnement des organismes de contrôle. Les bulletins d’information d’aujourd’hui se feront certainement l’écho de l’opération « coup-de-poing » de grande envergure qui est menée en ce moment même en Alsace par l’inspection du travail contre le travail illégal. Avec cette opération, nous entendons donner un coup de projecteur sur ceux qui cherchent à détourner la loi en utilisant des travailleurs détachés, quitte à s’en débarrasser ensuite comme de kleenex ! Nous faisons donc tout pour lutter contre la concurrence sociale déloyale !

L’inspection du travail est désormais organisée pour lutter contre le travail illégal : des brigades vont être mises en place à cette fin. Dans d’autres pays, c’est la police qui, toutes sirènes hurlantes, va vérifier la situation des travailleurs. Chez nous, cette mission incombe à l’inspection du travail, qui a ses spécificités, et que je ne confonds pas avec les forces de l’ordre. La présente proposition de loi donne une base légale à son intervention dans les situations de ce type et représente donc une avancée.

Le cas que vous avez cité correspond bien à un détournement de la législation européenne, qu’il s’agisse du taux horaire ou du recours au cocontractant. Ceux qui, demain, procéderont de même seront sanctionnés.

Tels sont les éléments de réponse que je voulais vous apporter et que vous pourrez transmettre aux entreprises qui vous ont saisi de ce cas. J’ai moi-même reçu de nombreux signalements concernant, notamment, des entreprises ayant leur siège en Roumanie qui faisaient exactement le même genre d’offres à des entreprises françaises.

Grâce à cette proposition de loi, la responsabilité du cocontractant sera désormais clairement établie.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, modifiée par l’amendement précédemment adopté par le Sénat et dont l’intitulé est désormais ainsi rédigé : « Proposition de loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale ».

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Questions cribles thématiques

territoires ruraux et réforme territoriale

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur les territoires ruraux et la réforme territoriale, thème choisi par le groupe du RDSE.

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée maximale d’une minute peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour le groupe CRC.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le sentiment profond d’abandon ressenti par les collectivités et les populations rurales va encore être accentué par la réforme territoriale en cours.

Au plan financier, la ponction de 11 milliards d’euros de dotations, ainsi que les menaces de sanctions, de mise à la diète, de conditionnement des dotations et de mutualisation forcée contredisent le concept de libre administration de nos collectivités locales. Toutes ces intentions gouvernementales vont à l’encontre du débat que nous avions mené ensemble lors de l’examen de ma proposition de loi visant à revaloriser la dotation globale de fonctionnement des communes de moins de 20 000 habitants.

Au plan politique, votre réforme, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, contredit frontalement les grandes réformes de décentralisation des années quatre-vingt. Elle impose une vision verticale de la politique, du haut vers le bas, entre l’État et les communes, les régions, les métropoles, et les intercommunalités en seront les serviteurs zélés et obligés.

Enfin, au plan humain, les non-dits de la réforme vont vider les communes de leurs compétences au profit des intercommunalités et tuer la démocratie de proximité et le lien social qui s’opère autour des associations, des écoles, des bénévoles et des élus locaux.

Tous ces dégâts, qu’ils soient de caractère financier, démocratique ou humain, sont prévisibles. Ne croyez-vous pas qu’il est urgent de consulter les élus, les personnels territoriaux et les populations, afin d’entendre la France rurale, au lieu de vous conformer aux exigences de Bruxelles, du MEDEF et des prêteurs institutionnels ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur Le Cam, nous débattons depuis longtemps de l’évolution proposée. Au-delà de nos possibles divergences et des a priori, nous devons nous interroger ensemble sur le point de savoir si les communes peuvent, permettez-moi cette expression, « tenir le coup » face à la forte demande de services de leur population, qu’il s’agisse de haltes-garderies, de services à la petite enfance, etc. C’est un sujet que nous avons souvent évoqué.

Nous sommes parvenus à un moment de notre histoire où nos concitoyens demandent des services que nous ne pouvons pas leur procurer si, les uns et les autres, nous nous cantonnons à nos communes.

Nous ne devons pas nous cacher la réalité. Votre commune – j’ai la chance de la connaître – se porte bien. Mais, en France, l’hyper-richesse côtoie l’hyper-pauvreté, et nous n’avons pas trouvé d’autre réponse à apporter à ce phénomène que des intercommunalités plus fortes. Bien entendu, il faut tenir compte de la densité démographique pour éviter de se retrouver avec des intercommunalités de 200 kilomètres. À cet égard, je pense que la notion de bassin de vie correspond aux attentes de nos citoyens.

Votre question porte essentiellement sur la démocratie. Dans la Haute Assemblée, il importe de répéter que c'est le maire qui représente la République, c'est lui qui dresse des actes en tant qu’officier ministériel. Ce sont les intercommunalités qui portent l’investissement et les nouveaux services. Nous devrons réfléchir ensemble à leur avenir. Selon moi, les décisions à prendre ne sauraient venir d’en haut, mais doivent résulter de l’observation des territoires. Je vous invite, monsieur Le Cam, à participer aux futurs débats, car cette observation nous apprend beaucoup, et je sais votre attachement aux territoires et à leur évolution.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour la réplique.

M. Gérard Le Cam. Madame la ministre, chère collègue bretonne, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention. « Les communes vont-elles tenir le coup ? » vous demandez-vous. Je suis à l’origine d’une proposition de loi, débattue voilà peu de temps dans cette assemblée, dont l’adoption aurait permis, avec moins de 1 milliard d’euros, d’augmenter de manière très significative les moyens de l’ensemble des communes rurales de moins de 20 000 habitants. Tous les sénateurs et les sénatrices, sur quelques travées qu’ils siègent, partageaient cette idée, même si elle n’a pas été concrétisée.

Pour ma part, je pense que les communes peuvent « tenir le coup », mais qu’il ne faut surtout pas rompre l’équilibre qui existe aujourd'hui entre communes et intercommunalités.

Nous avons besoin d’intercommunalités, certes, mais aussi de communes et de maires de plein exercice qui, demain, ne soient pas des administrateurs de politiques venues d’en haut. Et c’est cette idée de communes autour desquelles s’agglomèrent nos concitoyens et auxquelles ils s’identifient que je veux défendre ici, comme les plus de 36 000 autres maires de notre pays, au nom de l’héritage de la Révolution française. Faites attention à ne pas briser cela ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le thème « territoires ruraux et décentralisation » est important en cette période post-électorale au cours de laquelle nous nous devons de nous interroger sur les signes donnés par une part importante des populations rurales d’un sentiment de déclassement et d’abandon de leurs territoires. Il y va de la cohésion sociale, de la cohésion nationale, de la cohésion républicaine de notre pays. C’est là un enjeu fondamental du nouvel acte de la décentralisation que nous allons écrire prochainement.

Le 15 juillet 1981, François Mitterrand déclarait : « La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. »

Aussi, pour nous, écologistes, la nouvelle architecture territoriale que vous nous soumettez, madame la ministre, doit être en mesure d’apporter des réponses adaptées aux attentes des territoires, avec des régions aux compétences renforcées, aux capacités d’action accrues et bénéficiant d’une plus grande autonomie financière, avec des intercommunalités elles aussi renforcées, couvrant des bassins de vie et placées au cœur du dispositif de proximité.

Ces intercommunalités représentent la chance de survie de nombreuses communes où le rôle du maire reste essentiel comme relais direct et premier interlocuteur des citoyens. À l’avenir, elles seront le meilleur échelon pour exercer les compétences sociales de proximité en lieu et place des départements.

Les territoires ruraux, ainsi organisés autour de villes petites et moyennes, seront au centre des stratégies régionales : les campagnes seront à même de construire leurs propres projets de territoire modernes et innovants ; l’agriculture, historiquement au cœur de la ruralité, et qui se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, pourra retrouver sa première fonction alimentaire de proximité.

Ce sont des régions fortes qui permettront ce retour à l’équilibre, à la complémentarité et à la solidarité entre métropoles, villes petites et moyennes et territoires ruraux.

Mais pour cela, ces régions auront besoin de moyens financiers à la hauteur des enjeux, alors que la dotation globale de fonctionnement est en baisse.

Le seul moyen de répondre à la nécessité de solidarité et d’égalité des territoires est de mettre en œuvre une péréquation forte et ambitieuse.

Quelle est la position du Gouvernement concernant l’élaboration d’un système de péréquation qui soit autant intrarégional qu’interrégional ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, vous avez raison : les inégalités de ressources sont très fortes entre nos territoires. Cela s'explique non seulement par une fiscalité injuste, mais aussi par un système de dotations trop inégalitaire. Notre réforme doit donc aller de pair avec une politique d’égalité des territoires, notamment grâce à une péréquation renforcée.

La première mesure est la révision des valeurs locatives, dont vous savez qu’elle a été engagée en commençant par celle des locaux professionnels – c'est une œuvre de longue haleine.

Pour les locaux d’habitation, l’article 74 de la loi de finances rectificative pour 2013 prévoit une expérimentation de cette révision des valeurs locatives qui doit être conduite fin 2014 ou début 2015. Une évaluation sera effectuée et sera retracée dans un rapport qui sera remis au Parlement le 30 septembre 2015 au plus tard.

La seconde mesure porte sur la péréquation et les dotations. Nous devons être très ambitieux en matière de solidarité entre les territoires. Nous sommes favorables à une réforme de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, sur les années 2015 et 2016, et Marylise Lebranchu, Christian Eckert et moi-même travaillons activement afin que cette dotation soit plus juste. L’enjeu est considérable, car la DGF représente 40 milliards d’euros, dont 23 milliards d’euros pour les communes et leurs regroupements.

Les arbitrages ne sont pas encore rendus, mais Marylise Lebranchu et moi-même sommes favorables à une progression très sensible de ce que l’on appelle la « péréquation verticale », c'est-à-dire à une forte hausse de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale qui représentent respectivement 1,5 milliard d’euros et 1 milliard d’euros cette année, sur trois ans.

En dehors de la DGF, nous sommes également favorables à la poursuite de l’augmentation du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, afin qu’il passe de 570 millions d’euros à 780 millions d’euros.

Par ailleurs, un périmètre agrandi des régions permettra une meilleure péréquation entre les territoires favorisés et ceux qui le sont moins. Nous souhaitons que, dès 2016, dans le cadre des nouvelles grandes régions que le Gouvernement met au point – la carte en sera soumise au Parlement cet été –, la péréquation soit plus forte, je le répète, entre les territoires riches et ceux qui le sont moins.

Enfin, Marylise Lebranchu a fait voter le 27 janvier dernier la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui prévoit plus de péréquation, notamment au sein de la métropole du Grand Paris et dans la future métropole d’Aix-Marseille-Provence.

Vous le constatez, monsieur le sénateur, nous sommes très attentifs à votre souci d’une plus grande solidarité entre les territoires.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse claire. Le chantier est en cours, il doit être conduit à son terme. J’ajouterai une considération importante, et qui fait débat : compte tenu de l’importance que prendront les intercommunalités, il est évident que l’élection au suffrage universel direct y deviendra rapidement nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.

M. Jacques Mézard. C’est à la demande du RDSE que la conférence des présidents a accepté d’inscrire à l’ordre du jour des travaux du Sénat les questions cribles thématiques sur les territoires ruraux et la réforme territoriale.

M. Jacques Mézard. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, la question est de savoir comment vous entendez concilier la fusion des régions, laquelle entraîne l’éloignement des métropoles pour nombre de territoires, avec le besoin de proximité, d’autant que vous proposez en même temps la suppression des conseils généraux. Ce type de proposition est assez surréaliste ! Vous savez que, dans nos territoires, le sentiment d’abandon est de plus en plus prégnant.

Monsieur le secrétaire d'État, j’ai lu dans le journal La Montagne paru ce jour que, selon vous, tous les parlementaires auvergnats étaient favorables à la fusion de la région Rhône-Alpes avec l’Auvergne. Je suis là, en face de vous, et je tiens à vous dire que ce n’est pas vrai !

Vous avez aussi affirmé que, les moyens de communication évoluant, les distances se raccourcissent. Mais si votre projet voit le jour, en tant que président de la communauté d’agglomération du Bassin d’Aurillac, je puis vous dire que la préfecture d’Aurillac sera à dix heures cinquante-deux aller-retour de la métropole régionale par le train et à plus de huit heures aller-retour par la route…

Par ailleurs, bien que vous soyez toujours président de conseil général, vous avez également reconnu que les petits départements comme les nôtres, qui intéressent peu, n’auraient plus que deux conseillers régionaux sur cent cinquante. Il y aura donc un conseiller UMP et un conseiller PS !