Article 7 quinquies A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 8

Article 7 quinquies

(Non modifié)

Le sous-titre II du titre préliminaire du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« Sous-titre II

« DE LA JUSTICE RESTAURATIVE

« Art. 10-1. – À l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, les victimes et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative.

« Constitue une mesure de justice restaurative toute mesure permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. Cette mesure ne peut intervenir qu’après que la victime et l’auteur de l’infraction ont reçu une information complète à son sujet et ont consenti expressément à y participer. Elle est mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire. »

Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Il s’agit d’un article bien sympathique ! (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas sa vocation ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest. Tout d’abord, il pose un problème de vocabulaire : s’agissant de la justice, faut-il utiliser le terme de « restauratrice » plutôt que « réparatrice » ?

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, j’ai lu comme vous la directive européenne qui parle de « justice réparatrice ». Elle évoque d’ailleurs beaucoup d’autres sujets, comme la médiation pénale.

Toutefois, cet article sera-t-il suffisant pour dire que l’on a rempli les obligations de la directive ? Personnellement, j’en doute, car votre texte fixe un principe général, sans détails et sans les modalités d’application de cette justice réparatrice ou restauratrice.

Nous savons très bien que cette idée vient des États-Unis, où des criminologues ont travaillé sur le sujet, et qu’elle s’est ensuite développée au Canada. Je rappelle que, dans ces pays, il n’y a pas de procès pénal comme le nôtre ; il est même très rare que l’on aille jusqu’à l’audience de jugement. Ceux qui le connaissent savent que ce contexte judiciaire est complètement différent.

Néanmoins, puisque c’est la mode de copier le modèle anglo-saxon, allons-y ! (Mme la garde des sceaux fait un signe de dénégation.) Si, madame la garde des sceaux ! Nous y allons tout doucement, car l’Europe nous l’impose. Je pense pour ma part que nous ne nous battons pas assez pour défendre notre système judiciaire européen.

En même temps, ce modèle anglo-saxon a un intérêt incontestable, que l’on a d’ailleurs pu constater à l’occasion d’expériences sans texte qui nous sont apparues intéressantes.

Vous constatez donc ma gêne. Ni les membres du groupe UMP ni moi-même ne voterons cet article, car, à notre avis, la question doit être étudiée plus profondément pour préciser les choses. En effet, le texte prévoit de confier la mise en œuvre de cette justice à « un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire. »

Bien des bêtises ont été dites à ce sujet, et nous sommes d’accord qu’il ne s’agit pas forcément de confronter l’auteur et la victime. Néanmoins, si je suis d’accord pour faire ces expériences, je le suis moins pour que ces mesures figurent sans plus de précision dans ce texte, n’étant pas sûr qu’elles aient leur place dans notre code de procédure pénale.

Vous comprenez mon hésitation, madame la garde des sceaux : je me dis que ces dispositions peuvent être utiles, mais je me souviens également que les associations de victimes nous ont indiqué que certaines victimes réclament un droit à l’oubli. Bien sûr, le processus sera fondé sur le volontariat, mais qui peut nous garantir que certains ne seront pas « incités » à y participer ?

Ce sujet mérite d’être approfondi. En l’état, je ne pourrai pas voter l’article 7 quinquies.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cette fois, les amendements concernés ne sont pas en discussion commune. J’avoue que je ne comprendrai jamais comment procède la direction de la séance : dans certains cas, les amendements en discussion commune n’ont aucun rapport entre eux ; dans le cas présent, les deux amendements et le sous-amendement visent le même sujet, mais ils ne sont pas en discussion commune !

Lors de la réunion de la commission, j’avais demandé à M. Hyest de retirer l’amendement n° 11. Il vient de nous dire qu’il ne pourrait pas voter cet article, mais je me permets de lui faire observer qu’il y a une marge entre le fait de ne pas voter un article et le fait d’en demander la suppression.

Enfin, M. Mézard a déposé un amendement n° 51 rectifié, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 121 du Gouvernement. J’émets un avis favorable sur ce sous-amendement et cet amendement. Et je ne m’exprimerai plus sur ce sujet !

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous apporter une précision : le règlement du Sénat prévoit que les amendements de suppression ne font jamais l’objet d’une discussion commune.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Eh bien, c’est un mauvais règlement !

M. Jean-Jacques Hyest. Madame la présidente, sur la suggestion de M. le rapporteur, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 11 est retiré.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je souhaite intervenir malgré le retrait de cet amendement, parce qu’il s’agit d’un sujet extrêmement important.

Compte tenu des observations que vous avez formulées, monsieur Hyest, je me dois de vous apporter quelques éléments d’information, qui vous permettront peut-être d’évoluer dans votre appréciation.

Cet article s’appuie effectivement sur la directive européenne relative aux droits des victimes, mais nous n’avons pas attendu la publication de ce texte pour réfléchir à ce sujet. Nous saisissons l’occasion offerte par l’examen de ce texte pour inscrire dans la loi une pratique existant déjà dans notre pays et qui a fait l’objet d’une première expérience menée de façon extrêmement rigoureuse.

Le tiers indépendant que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, intervient sous l’autorité de l’administration pénitentiaire ; il s’agit, en l’occurrence, de l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, ou INAVEM, c’est-à-dire du réseau des cent quarante-trois associations d’aide aux victimes que certains d’entre vous connaissent bien, mesdames, messieurs les sénateurs. Ce réseau est solide, professionnel, responsable, rigoureux, tout à fait fiable. Une deuxième expérience de rencontres a commencé au début de cette année.

Vous avez eu raison de préciser qu’il existait deux types de rencontres, monsieur Hyest. La rencontre indirecte est la modalité la plus fréquente : elle associe des victimes et des auteurs de faits semblables, mais pas du même acte. La rencontre directe, beaucoup plus exceptionnelle, réunit l’auteur de l’acte et la victime qui a subi le préjudice résultant de cet acte. Indirecte ou directe, la rencontre est organisée sur la base d’un volontariat strict. La victime et l’auteur sont informés de la manière la plus précise possible, et c’est librement qu’ils choisissent de participer à la rencontre, qui n’est pas une rencontre de fantaisie.

Vous avez fait une observation sémantique, à laquelle je veux réagir, monsieur le sénateur. En effet, plusieurs qualificatifs pouvaient être retenus pour cette forme de justice : réparatrice, restauratrice ou restaurative.

J’avoue que je me suis laissé convaincre, avant tout par défaut, que l’expression « justice restaurative » était la meilleure. Les associations d’aide aux victimes le pensent également, parce que la meilleure démarche consiste à faire en sorte que la victime – en plus de tout le reste – puisse se présenter face à un auteur qui admet le tort qu’il a pu causer et reconnaît la victime en tant que telle : il ne s’agit pas d’une abstraction, mais d’une personne qui a subi un préjudice, enduré une souffrance et dont la vie a été perturbée du fait de l’acte de l’auteur. Souvent, l’auteur lui-même entame à cette occasion un processus de responsabilisation.

Je le répète, tout se fait sur la base du volontariat, et j’ajouterai « à titre gracieux », parce qu’il n’y a pas de rétribution – ni réduction de peine, ni cadeau, ni valorisation –, si ce n’est un effet bénéfique pour les personnes qui participent à la rencontre.

M. Jean-Jacques Hyest. C’est bien pour cette raison que cette disposition n’a pas à figurer dans le code de procédure pénale !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais si ! Il faut poser un cadre.

Lorsque je suis devenue ministre, cette expérience avait déjà commencé. J’ai fait preuve d’une grande prudence, parce que j’estime que les victimes doivent être traitées avec d’extrêmes précautions, même si, pour en avoir rencontré un certain nombre, je sais qu’il s’agit de personnes souvent très solides. En tout cas, elles font l’effort personnel de mobiliser leurs ressources, qu’elles découvrent parfois à cette occasion, elles se battent pour tenir debout et, au-delà, vont vers les autres, les aident, s’engagent dans des associations.

Mon premier réflexe a été d’accepter de mettre face à face une victime et un auteur. Un protocole tout à fait rigoureux a été établi avec l’INAVEM, dont le réseau offre toutes les garanties de sérieux. La deuxième expérience a commencé et il me paraît bon que le cadre dans lequel ces expériences ont lieu soit inscrit dans la loi.

Je le répète, ces rencontres sont strictement volontaires et ont donné des résultats. En effet, les victimes et les auteurs témoignent et ces rencontres transforment les individus. Nous avons eu également l’occasion de rencontrer des personnes qui ont vécu des expériences de justice restaurative dans d’autres pays, notamment au Canada : la transformation que j’évoquais se révèle roborative pour les participants, elle leur rend confiance et espoir, les aide à donner un sens à ce qu’ils ont vécu. Pourquoi les priver de ce qui n’est qu’une option ?

Telles sont donc les raisons qui nous ont incités à inscrire ces dispositions dans le projet de loi.

Mme la présidente. L’amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle est confidentielle, sauf accord contraire entre les parties et excepté les cas où il apparaît que la divulgation de certains éléments, tels que l’expression de menaces ou toute autre forme de violence commise durant le processus, est nécessaire à la protection de la victime.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. La directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité précise que la mesure de justice restaurative doit être confidentielle, sauf accord contraire entre les parties et hormis les cas où il apparaît que la divulgation de certains éléments, tels que l’expression de menaces ou toute autre forme de violence commise durant le processus, est nécessaire à la protection de l’ordre public et de la victime.

Cette confidentialité permet de préserver d’éventuelles représailles la victime, ainsi que la vie privée de cette dernière, alors même que, par la justice restaurative, elle expose une nouvelle fois sa vulnérabilité.

Cet amendement vise donc à insérer cette précision dans la loi.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 121, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 51 rectifié, alinéa 3

Remplacer les mots :

où il apparaît que la divulgation de certains éléments, tels que l’expression de menaces ou toute autre forme de violence commise durant le processus, est nécessaire à la protection de la victime

par les mots :

où un intérêt supérieur lié à la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le sous-amendement n° 121 rédige différemment l’amendement n° 51 rectifié, afin de définir plus précisément les conditions dans lesquelles la confidentialité de la mesure peut connaître une exception.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. En ce qui concerne le sous-amendement n° 121, j’émets un avis favorable à titre personnel. En effet, le président de la commission n’a pas voulu réunir la commission à l’heure du dîner, puisque ce sous-amendement a été déposé dans l’après-midi.

La commission a par ailleurs émis un avis favorable sur l’amendement n° 51 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 51 rectifié ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 121, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 51 rectifié. J’espère que cette rédaction convient à M. Requier !

M. Jean-Claude Requier. Tout à fait !

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 121.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51 rectifié, modifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7 quinquies, modifié.

(L’article 7 quinquies est adopté.)

Chapitre III

Dispositions instituant la contrainte pénale

Article 7 quinquies (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 8 bis (Supprimé)

Article 8

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Les 2° à 8° de l’article 131-3 deviennent, respectivement, des 3° à 9° et il est rétabli un 2° ainsi rédigé :

« 2° La contrainte pénale ; »

2° Après l’article 131-4, il est inséré un article 131-4-1 ainsi rédigé :

« Art. 131-4-1. – Lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l’auteur d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement et les faits de l’espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction peut prononcer la peine de contrainte pénale.

« La contrainte pénale emporte pour le condamné l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par la juridiction, à des mesures de contrôle et d’assistance ainsi qu’à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société.

« Dès le prononcé de la décision de condamnation, la personne condamnée est astreinte, pour toute la durée d’exécution de sa peine, aux mesures de contrôle prévues à l’article 132-44.

« Les obligations et interdictions particulières auxquelles peut être astreint le condamné sont :

« 1° Les obligations et interdictions prévues à l’article 132-45 en matière de sursis avec mise à l’épreuve ;

« 2° L’obligation d’effectuer un travail d’intérêt général, dans les conditions prévues à l’article 131-8 ;

« 3° L’injonction de soins, dans les conditions prévues aux articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique, si la personne a été condamnée pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et qu’une expertise médicale a conclu qu’elle était susceptible de faire l’objet d’un traitement ;

« 4° à 6° (Suppression maintenue)

« Le condamné peut, en outre, bénéficier des mesures d’aide prévues à l’article 132-46 du présent code.

« La juridiction qui prononce la contrainte pénale peut imposer à la personne condamnée les obligations et interdictions prévues à l’article 132-45. Elle peut également prononcer une injonction de soins si la personne a été condamnée pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et si une expertise médicale a conclu qu’elle était susceptible de faire l’objet d’un traitement. La juridiction peut également prononcer, le cas échéant, tout ou partie des obligations et interdictions auxquelles était astreinte la personne dans le cadre de son contrôle judiciaire.

« Après le prononcé de la décision, le président de la juridiction notifie à la personne condamnée, lorsqu’elle est présente, les obligations et interdictions qui lui incombent ainsi que les conséquences qui résulteraient de leur violation.

« Après évaluation de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, le juge de l’application des peines fixe, parmi celles mentionnées aux 1° à 3° du présent article, les obligations et interdictions auxquelles est astreint le condamné, ainsi que les mesures d’aide dont il bénéficie, dans des conditions et selon des modalités précisées par le code de procédure pénale. Ces obligations et interdictions peuvent être modifiées au cours de l’exécution de la contrainte pénale au regard de l’évolution du condamné.

« La condamnation à la contrainte pénale est exécutoire par provision. » ;

3° Au premier alinéa de l’article 131-9, après les mots : « ni avec », sont insérés les mots : « la peine de contrainte pénale ou » ;

4° et 5° (Suppression maintenue)

II. – (Suppression maintenue)

III. – (Non modifié) Pour les faits commis avant le 1er janvier 2017, la peine de contrainte pénale prévue à l’article 131-4-1 du code pénal n’est applicable qu’aux délits punis d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans.

Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. L’article 8 introduit dans le code pénal, au chapitre consacré aux peines correctionnelles, ce que l’on appelle désormais la contrainte pénale. Je n’entrerai pas dans le détail du fonctionnement de cette nouvelle peine.

Au soutien de cet amendement de suppression, j’indiquerai simplement que nous nous interrogeons sur la nature de ce nouvel objet juridique, que nous avons beaucoup de mal à définir sérieusement. En effet, nous nous demandons s’il n’est pas, comme le dit la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, le « faux jumeau du sursis avec mise à l’épreuve », une sorte de sursis probatoire qui n’est pas réellement une peine, contrairement à la façon dont il est présenté.

Comment ne pas s’interroger face à la rédaction de l’article 8, qui précise que la contrainte pénale « peut » être prononcée lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement ? L’utilisation du verbe « pouvoir » indique bien qu’il ne s’agit pas d’une peine à part entière. Pour notre groupe, il s’agit plutôt d’une mesure alternative à l’emprisonnement et non d’une sanction pénale autonome. Cette mesure ne présente donc rien de très nouveau par rapport au droit positif en matière de sursis avec mise à l’épreuve.

Comme nous l’ont montré les interventions de certains professeurs de droit lors des auditions organisées par la commission, la fixation des limites et des enjeux de ces dispositions risque de se révéler juridiquement compliquée.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous proposons de voter cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, puisque cet amendement tend à supprimer un des articles essentiels de ce projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Je souhaite malgré tout prendre le temps de dire à M. le sénateur Buffet, même si je ne rêve pas de le convaincre, que la contrainte pénale est une peine à part entière. Il ne s’agit aucunement d’un aménagement de peine. La mesure que nous introduisons dans le code pénal est une nouvelle réponse au phénomène de la délinquance et vient enrichir notre arsenal répressif.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 106, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 131-4-1. – Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans et que la personnalité de l’auteur des faits, sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que les circonstances de la commission de l’infraction justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction peut prononcer la peine de contrainte pénale.

II. – Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit, en revenant au texte initial du Gouvernement, à quelques modifications rédactionnelles près, de prévoir que la contrainte pénale est prononcée pour des délits punis d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans, point final.

Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat, MM. Amoudry, J.L. Dupont et Deneux, Mme Gourault et M. Merceron, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

1° Remplacer le mot :

Lorsque

par les mots :

Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans et que

2° Remplacer les mots :

l’auteur d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement

par les mots :

son auteur

II. – Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement vient en prélude, si j’ose dire, à la discussion de l’article 8 ter qui, introduit par la commission, tend à dresser une liste de délits pour lesquels la contrainte pénale s’applique automatiquement et que nous proposerons de supprimer.

L’Assemblée nationale, quant à elle, a prévu d’étendre, à compter du 1er janvier 2017, la contrainte pénale à l’ensemble des délits. Il nous semble que cette solution – à condition que le prononcé de la contrainte pénale demeure facultatif – est préférable à celle qu’a adoptée la commission. C’est donc dans un souci de cohérence que nous avons déposé le présent amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 57 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Après le mot :

emprisonnement

insérer les mots :

n’excédant pas cinq ans

II. – Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise à supprimer l’extension de la contrainte pénale à partir du 1er janvier 2017.

Si nous sommes pour une véritable expérimentation de cette nouvelle peine et approuvons la proposition du rapporteur qui fait de la contrainte pénale la peine principale pour un certain nombre de délits, il paraît nécessaire qu’un nouveau débat sur son extension s’engage à partir de l’évaluation à laquelle aura donné lieu son application.

Par ailleurs, cette application exclusive aux délits n’excédant pas cinq ans permettra une meilleure acceptation de la contrainte pénale par les citoyens. Elle est donc recommandée par la prudence, qui peut être considérée comme un « principe de précaution pénale », étant donné le manque de visibilité quant aux conséquences à moyen ou long terme de cette application sur la délinquance.

La contrainte pénale doit avoir toutes ses chances et c’est seulement ainsi que l’on pourra savoir si elle est à la hauteur de son potentiel. L’impatience qui voudrait qu’on l’applique à tous les délits, sans autre considération, ne peut que nuire à la réforme utile que nous nous apprêtons à voter.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 65 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 80 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 65.

Mme Esther Benbassa. Revenant sur le texte issu des travaux de sa commission des lois, l’Assemblée nationale n’a prévu l’extension de la contrainte pénale à tous les délits qu’à partir de 2017. Le suivi renforcé mis en place ne sera donc possible, d’ici là, que pour les délits les moins graves.

Considérant qu’il s’agit là d’une contradiction avec l’esprit du projet de loi, nous proposons que la contrainte pénale soit étendue à tous les délits dès l’entrée en vigueur de la loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 80.