Mme la présidente. L'amendement n° 79 est retiré.

L'amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La décision de condamnation fixe également la durée maximum de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des obligations et interdictions auxquelles il est tenu. Cet emprisonnement ne peut excéder deux ans, ni le maximum de la peine d’emprisonnement encourue. Les conditions dans lesquelles l'exécution de l'emprisonnement peut être ordonnée, en tout ou partie, sont fixées par le code de procédure pénale.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à prévoir que le maximum de l’emprisonnement encouru en cas de non-respect de la contrainte pénale, qui ne peut excéder deux ans, sera fixé par la juridiction. Nous nous sommes fondés sur les dispositions de l’article 131-36-1 du code pénal, relatif au suivi sociojudiciaire.

La commission des lois a prévu la création d’un délit autonome. Cela entraînera peut-être une difficulté, car les poursuites devront être engagées par le procureur de la République. Je ne suis pas sûre que la commission ait saisi tous les effets de cette disposition.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Pour sanctionner les manquements à la contrainte pénale, deux solutions sont envisageables.

On peut, comme le souhaite le Gouvernement, prévoir que la juridiction de jugement fixe, a priori, la durée de l’emprisonnement qui sera mis à exécution si le condamné ne respecte pas les obligations de la contrainte pénale. Si l’on adoptait cette solution, il n’y aurait plus aucune distinction entre la contrainte pénale et le sursis avec mise à l’épreuve.

C’est la raison pour laquelle la commission des lois a opté pour un système peut-être plus lourd, celui de la création d’un délit autonome de non-respect des obligations de la contrainte pénale. Un juge unique statuera sur la peine qu’il conviendra de prononcer. Dans ce cas, le JAP saisira le procureur de la République. Telle est la position qui a été adoptée par la commission des lois et sur laquelle le Gouvernement souhaite revenir. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 8 ter (nouveau) (début)

Article 8 bis

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 66, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

« La section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est complétée par une sous-section 7 ainsi rédigée :

« Sous-section 7

« De la contrainte pénale

« Art 132-70-4. - Lorsqu'une condamnation pour un délit de droit commun comportant une peine d'emprisonnement ferme d'un an au plus a été prononcée et que le condamné ne fait pas l'objet d'une mise à l'épreuve prévue à l'article 132-40, le juge de l'application des peines peut, lorsque cette condamnation n'est plus susceptible de faire l'objet d'une voie de recours par le condamné, ordonner que le condamné effectuera une contrainte pénale en application des articles 131-3 et 131-4-1.

« Le présent article est applicable aux peines d'emprisonnement ayant fait l'objet d'un sursis partiel, assorti ou non d'une mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à un an. Dans ce cas, la partie de la peine avec sursis demeure applicable.

« Le présent article est également applicable aux peines d'emprisonnement inférieures ou égales à un an résultant de la révocation d'un sursis, assorti ou non d'une mise à l'épreuve. »

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement a pour objet de rétablir un article ajouté par l'Assemblée nationale, mais que la commission des lois du Sénat a supprimé.

Cet article visait à donner au juge la possibilité de convertir une peine de prison inférieure à un an en contrainte pénale. Cette souplesse dans l’application de la peine pourrait permettre un meilleur suivi des personnes condamnées. C’est pourquoi il nous paraît nécessaire de rétablir la disposition en question.

De surcroît, le juge ayant déjà la possibilité d’aménager la peine en un sursis-TIG, il semble cohérent de lui donner la faculté de la convertir en contrainte pénale, laquelle permet un suivi renforcé.

Pour répondre aux préoccupations exprimées par le rapporteur en commission, cette conversion ne serait pas possible si un sursis avec mise à l'épreuve était déjà prévu pour le condamné.

Mme la présidente. L'amendement n° 81, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est complétée par une sous-section 7 ainsi rédigée :

« Sous-section 7

« De la contrainte pénale

« Art 132-70-4. – Lorsqu’une condamnation pour un délit de droit commun comportant une peine d’emprisonnement ferme d’un an au plus a été prononcée, le juge de l’application des peines peut, lorsque cette condamnation n’est plus susceptible de faire l’objet d’une voie de recours par le condamné, ordonner que le condamné effectuera une contrainte pénale en application des articles 131-3 et 131-4-1.

« Le présent article est applicable aux peines d’emprisonnement ayant fait l’objet d’un sursis partiel, assorti ou non d’une mise à l’épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à un an. Dans ce cas, la partie de la peine avec sursis demeure applicable.

« Le présent article est également applicable aux peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un an résultant de la révocation d’un sursis, assorti ou non d’une mise à l’épreuve. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement étant quasi identique à celui qui vient d’être présenté par ma collègue Esther Benbassa, je considère qu’il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission ayant fait le choix de supprimer cet article, elle ne peut être que défavorable à son rétablissement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement approuve plutôt le principe de conversion. Je prends acte du fait que la commission a préféré supprimer l’article 8 bis, mais le Gouvernement continue de penser que ce dispositif serait utile. Pour ne pas émettre un avis contraire à la position de la commission, il s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 8 bis demeure supprimé.

Article 8 bis (Supprimé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 8 ter (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 8 ter (nouveau)

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 131-5-1, au premier alinéa de l’article 131-6, au premier alinéa de l’article 131-8 et au premier alinéa de l’article 131-8-1, après les mots : « d’emprisonnement », sont insérés les mots : « ou d’une contrainte pénale », et après les mots : « l’emprisonnement », sont insérés les mots : « ou de la contrainte pénale » ;

2° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 131-21, après le mot : « punis », sont insérés les mots : « d’une contrainte pénale ou » ;

3° À l’article 311-3, les mots : « de trois ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;

4° À l’article 313-5, les mots : « de six mois d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;

5° Le troisième alinéa de l’article 321-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, lorsqu’il concerne le délit de vol défini à l’article 311-3, le recel est puni d’une contrainte pénale et de 375 000 euros d’amende. » ;

6° À l’article 322-1, les mots : « de deux ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;

7° À l’article 434-10, les mots : « de trois ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale ».

II. – Au premier alinéa de l’article L. 3421-1 du code de la santé publique, les mots : « d’un an d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale ».

III. – Au premier alinéa de l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « de deux mois d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale ».

IV. – Le code de la route est ainsi modifié :

1° Aux articles L. 233-1 et L. 233-2, les mots : « de trois mois d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;

2° Aux articles L. 234-1, L. 234-8, L. 234-16 et L. 235-3 et au premier alinéa de l’article L. 235-1, les mots : « de deux ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;

3° Au deuxième alinéa de l’article L. 235-1, les mots : « de trois ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale ».

V. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 62-2, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou d’une contrainte pénale » ;

2° Au premier alinéa de l’article 138, après le mot : « correctionnel », sont insérés les mots : « , une contrainte pénale » ;

3° Au deuxième alinéa de l’article 395, après le mot : « mois », sont insérés les mots : « ou si le délit est puni à titre principal d’une contrainte pénale ».

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, sur l'article.

M. André Reichardt. L’article 8 ter vise à faire de la contrainte pénale une nouvelle peine autonome. Celle-ci ne serait donc plus, aux termes de cette disposition, un aménagement de peine. Elle remplacerait purement et simplement les peines de prison pour un certain nombre de délits, à savoir, sous réserve de ce que nous dira tout à l’heure M. le rapporteur : le vol simple et le recel de vol simple ; la filouterie ; la destruction, la dégradation ou la détérioration ne présentant pas de danger pour les personnes ; le délit de fuite ; le délit d’usage de stupéfiants ; le délit d’occupation des halls d’immeuble ; les délits prévus par le code de la route.

Je le dis d’emblée, le groupe UMP est très défavorable à cette disposition, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, nous sommes saisis de cet article 8 ter à la suite de l’adoption d’un amendement de M. le rapporteur par la commission des lois à une voix de majorité. Or cet article très important pour le dispositif pénal pris dans sa globalité n’a manifestement pas fait l’objet d’une réflexion suffisante pour que nous puissions décider de nous engager dans la voie proposée.

Par ailleurs, en remplaçant la peine de prison pour certains délits faisant encourir à leurs auteurs jusqu’à trois ans d’emprisonnement, quel signal donnons-nous aux délinquants et à nos concitoyens ? Dès lors que la contrainte pénale apparaît comme un concept flou – certains ont parlé tout à l’heure de « sanction à géométrie variable » –, c’est un signal d’impunité que l’on envoie aux délinquants !

Alors même qu’il faut restaurer la confiance de nos concitoyens envers leurs institutions, est-ce bien le moment de nous engager dans une voie qu’ils ne comprendront pas, et pour cause, puisqu’elle n’est pas claire ?

Qu’on le veuille ou non, dans notre pays, la peine de prison structure le système pénal. Elle est un symbole qui imprime dans l’esprit de chacun la gravité de l’acte violant la loi.

En abaissant, comme le prévoit l’article 8 ter, l’échelle des peines, on manifeste une sorte de renoncement et on touche à la structure de l’échelle des peines, laquelle n’en a pas franchement besoin !

Je rappelle que Mme la garde des sceaux a précisément confié une mission à M. Cotte pour revoir l’échelle des peines. Est-il opportun d’anticiper sur les conclusions de ces travaux ?

Ce que demande la société, c’est une sanction adaptée à la faute et s’inscrivant dans une échelle des peines juste et compréhensible. Dans cette échelle, la prison trouve, bien entendu, encore sa place.

Pour autant, au groupe UMP, nous ne sommes pas arc-boutés sur le tout-carcéral et nous encourageons vivement le recours aux aménagements de peine, quand cela est possible. Celui-ci est d’ailleurs devenu beaucoup plus systématique ces dernières années, comme l’a rappelé notre collègue Jean-Jacques Hyest au cours de la discussion générale. Mais il nous semble que ces aménagements de peine doivent s’associer à la crainte d’une peine privative de liberté, qui en constitue le préalable. Le prévenu peut se voir condamné à une peine de prison qu’il pourra voir ensuite transformée, avec ou sans délai, en un aménagement de peine, si le magistrat l’estime souhaitable.

À cet égard, on peut même considérer que la contrainte pénale instaurée en peine autonome constitue en fait une vraie contrainte imposée aux magistrats, qui ne pourront plus apprécier la personnalité du délinquant dans le contexte de la faute qu’il a commise.

Enfin, pourra-t-on, avec cette nouvelle sanction pénale, mettre fin à ce que Jean-Jacques Hyest appelait tout à l’heure le « scandale de l’inexécution des peines » ? Empêchera-t-on sérieusement la récidive ? La freinera-t-on même seulement ? On sait bien que les deux phénomènes, inexécution des peines et récidive, sont dus pour l’essentiel à l’absence de moyens. On ne fait pas assez, dans ce pays, pour la probation et la réinsertion !

Or des moyens, cette contrainte pénale, ajoutée aux aménagements de peine qui vont encore se développer, va en nécessiter beaucoup ! Mme la garde des sceaux nous a indiqué l’ampleur de ceux qu’elle comptait mobiliser pour accompagner ce projet de loi. Acceptons-en l’augure ! Mais je crains fort que, de la même façon que la grande loi pénitentiaire de 2009 n’a pas trouvé les financements adéquats pour permettre sa pleine et entière application, il n’en soit de même avec ce nouveau texte que vous vous apprêtez à voter.

La situation des finances publiques, mes chers collègues, s’impose à tous, que l’on soit de droite ou de gauche, et ce n’est pas à la veille de l’examen du projet de loi de finances rectificative que je dois le rappeler dans cet hémicycle !

Pour toutes ces raisons, je considère qu’il ne faut pas voter cet article 8 ter, et je vous remercie, mes chers collègues, de votre soutien à cet égard. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 13 est présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 29 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Tandonnet, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat, MM. Amoudry, J.L. Dupont et Deneux, Mme Gourault et M. Merceron.

L'amendement n° 98 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l’amendement n° 13.

M. André Reichardt. Je l’ai défendu dans mon intervention sur l’article, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 29 rectifié.

M. Yves Détraigne. Avec l’article 8 ter du projet de loi, nous arrivons, si je puis dire, au cœur des modifications qui ont été proposées par notre rapporteur et adoptées en commission. Avec ces dispositions, la commission a purement et simplement, à l’instigation du rapporteur, modifié la nature même de la contrainte pénale.

En effet, celle-ci nous était présentée comme une nouvelle possibilité offerte au juge, en complément des possibilités déjà existantes, de trouver la réponse la plus adaptée, accroissant ainsi sa liberté de choix.

Or, avec l’article 8 ter, c’est tout le contraire puisque le dispositif introduit par la commission supprime la peine de référence actuellement en vigueur, à savoir l’emprisonnement – pour toute la population, c’est depuis longtemps la peine de référence ! –, pour imposer, dans un certain nombre de cas, la contrainte pénale. Je dis bien « imposer » puisqu’elle serait obligatoire – la contrainte pénale ou rien ! – et que le juge n’aurait plus le choix : on porterait ainsi atteinte à sa libre appréciation, alors que, au contraire, ce projet de loi a aussi pour objectif, si l’on en croit son exposé des motifs, de compléter la gamme des réponses que le juge peut apporter à un délit.

Le système proposé fait donc disparaître la peine de prison. On aurait pu imaginer qu’elle perdure au moins en cas de récidive… Mais non, même pas ! Ainsi, on pourra détériorer et dégrader des biens en état de récidive légale, six ou sept fois, sans qu’une peine d’emprisonnement puisse être prononcée par le tribunal correctionnel.

On ne peut pas faire abstraction du message qui est envoyé à nos concitoyens lorsque l’on décide de supprimer des peines d’emprisonnement pour une série de délits, même s’il va nous être proposé de sortir de cette liste le vol simple et le recel de vol simple. Il n’en restera pas moins six cas où cette peine sera automatiquement appliquée si la proposition du rapporteur est suivie. Il nous semble qu’on envoie un message très négatif à la population et aux délinquants en puissance.

Monsieur le rapporteur, votre proposition n’est décidément pas acceptable, et ce pour trois raisons que je tire d’ailleurs de l’objet écrit de l’amendement déposé par Mme la garde des sceaux, dont, en l’espèce, nous partageons pleinement l’analyse : cette proposition procède d’une confusion sur l’objectif et le contenu de la peine de contrainte pénale ; elle complexifie la répression ; elle aboutit finalement à un affaiblissement de celle-ci.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article 8 ter.

Mme la présidente. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 98.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite effectivement supprimer cet article introduit par la commission.

Lors de mon audition devant vous, monsieur le rapporteur, je vous ai indiqué que la logique de la contrainte pénale était liée au suivi de l’auteur de l’infraction, s’appuyant sur une évaluation de sa personnalité et de sa situation, suivi qui n’existe ni dans les alternatives à l’incarcération ni dans les cas d’aménagement de peine.

Vous changez de logique en faisant de la contrainte pénale une peine encourue à titre principal pour une série de délits.

Je suis d’accord avec M. Reichardt pour considérer qu’il faut mettre de l’ordre dans le droit des peines ; c’est d’ailleurs l’objet de la mission qui a été confiée au président Bruno Cotte.

Pour nous, la contrainte pénale est liée au profil de l’auteur de l’infraction. Le suivi de la personne condamnée à la contrainte pénale implique que le contenu de celle-ci puisse être ajusté, adapté, intensifié ou allégé, selon les besoins. Vous, vous liez la contrainte pénale à une série de « petites infractions ». Or, avec la contrainte pénale, ce n’est pas une « petite peine » que nous entendons instituer ; nous mettons en place une peine spécifique dans sa composition et qui doit donner des résultats parce qu’elle est conçue comme devant permettre un suivi aussi proche que possible.

De fait, votre conception de la contrainte pénale ne relève pas de la même logique que celle qui guide le Gouvernement avec ce texte.

Sans doute faut-il avoir bien en tête la liste des infractions pour lesquelles vous proposez d’exclure la peine d’emprisonnement. Car c’est bien en cela que consiste votre démarche : remplacer la peine de prison par la contrainte pénale. Peut-être d’autres infractions mériteraient-elles alors de figurer dans cette liste.

Je rappelle que la contrainte pénale implique un suivi, ce qui lui confère son caractère contraignant ; c’est donc un dispositif relativement lourd. Sa durée minimale est de six mois. Certaines infractions ne nécessitent pas un dispositif aussi lourd. Vous n’en faites pas une réponse exclusive et, dans un certain nombre de situations, la juridiction pourra choisir, par exemple, un travail d’intérêt général. Toutefois, dans certains cas, cette peine alternative ne conviendra pas soit à la situation de la personne, soit à sa personnalité, soit à ses capacités. Dans d’autres cas, le stage de citoyenneté ne sera pas la bonne réponse et la contrainte pénale sera prononcée d’emblée à l’encontre d’une personne ayant commis une infraction plus ou moins « par accident », dans des circonstances particulières, une personne qui n’est pas en train de s’installer dans la délinquance. À ce moment-là, on pourra vraiment parler d’un marteau pour écraser une mouche et la contrainte pénale sera trop lourde.

Je reviens sur la liste des délits que vous avez retenus : la filouterie, les destructions, dégradations et détériorations qui ne présentent pas de danger pour les personnes et commises sans circonstance aggravante, le délit de fuite, le délit d’usage de stupéfiants, le délit d’occupation des halls d’immeubles et les délits prévus par le code de la route. Je ne mentionne pas le vol simple et le recel de vol simple puisque vous avez finalement décidé de proposer de l’exclure de cette liste.

Les délits routiers sont un vrai sujet, sur lequel, vous le savez, nous travaillons avec le ministère de l’intérieur. Vous avez réfléchi, comme nous et comme la commission Nadal, à la contraventionnalisation de certains délits routiers, tout en envisageant le risque de voir les conducteurs relâcher leur vigilance dès lors que les peines encourues en cas d’infraction au code de la route seraient réduites.

Mais il y a aussi d’autres infractions qui pourraient justifier qu’elles n’entraînent pas une peine d’incarcération : certaines blessures volontaires, l’occupation sans droit ni titre d’un domicile, l’abandon de famille. Pour l’instant, ces infractions sont potentiellement punies de peines d’incarcération, mais il ne serait pas invraisemblable de les exclure de ce type de peines.

Compte tenu de la conception différente qu’a le Gouvernement de la contrainte pénale, compte tenu de la nécessité de refondre le droit de la peine – vous-même, vous avez estimé que certaines infractions, comme le vol simple, devaient être exclues du dispositif prévu à l’article 8 ter , tandis que, pour ma part, je considère que d’autres pourraient y être incluses –, je pense qu’il est peut-être prématuré d’introduire cette disposition. Je ne suis pas sûre de vous avoir convaincu, monsieur le rapporteur, mais j’attends en toute sérénité le vote du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques puisqu’elle a voté très majoritairement l’introduction de cet article 8 ter.

Pour quelles raisons a-t-elle inséré cet article ?

Monsieur Reichardt, il ne vient pas de nulle part ! Il vient de loin ! Pour ce qui nous concerne, en France, il procède d’abord de la proposition n° 36 du rapport du député Dominique Raimbourg : « Créer une peine de contrainte pénale. Il s’agirait d’une peine principale se substituant à l’emprisonnement pour certains délits. »

À la suite des nombreuses auditions que nous avons menées en commission, des visites que j’ai effectuées à la Cour de cassation, j’en suis venu à considérer – même si la conférence de consensus ne s’est pas vraiment prononcée sur ce point – que la contrainte pénale devait être une peine autonome susceptible de se substituer à la peine d’emprisonnement.

En fait, je pense que, en matière délictuelle, on doit instaurer un triptyque : la prison, la contrainte pénale et les peines pécuniaires. Pour que ce triptyque existe, il faut bien que, en plus de ce qui figure dans le dispositif du projet de loi tel qu’il était envisagé, on prévoie que, pour un certain nombre de délits – ce n’est qu’un début et, madame le garde des sceaux, si vous voulez allonger la liste, tous vos amendements seront les bienvenus ! –, la peine de prison n’est plus encourue.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je me suis opposé – et la commission m’a suivi – à ce qu’il y ait en 2017 un basculement automatique de tous les délits, car je pense que le bilan à cette date devra être fait aussi à la lumière de l’application de cet article 8 ter, s’il est maintenu, comme je le souhaite. On verra alors ce qu’on fait de la contrainte pénale et à quels délits on peut l’appliquer de façon autonome, sans qu’une peine de prison soit encourue.

Je veux installer, dans l’opinion publique comme chez les magistrats, cette idée qu’il y a trois sanctions possibles. J’ajoute que presque toutes les personnes que nous avons auditionnées ont soutenu cette position : la Commission nationale consultative des droits de l’homme, Robert Badinter, Mme Mireille Delmas-Marty, le professeur Martine Herzog-Evans, le professeur Xavier Pin, entre autres.

Voilà les raisons pour lesquelles j’ai proposé cet article 8 ter, qui est prudent et même très prudent, car j’ai tenu compte des objections formulées en commission notamment par Jean-René Lecerf et Yves Détraigne, qui craignaient qu’on n’envoie un mauvais signal si l’on incluait le vol simple dans la liste. Car le délit de vol simple peut recouvrir aussi bien le vol d’un microsillon ou d’un bâton de rouge à lèvres dans un magasin que celui d’un fourgon plein d’argent ! J’ai donc déposé un amendement visant à retirer le vol simple de la liste.

Si vous voulez qu’on inclue l’abandon de famille, etc., on peut le faire ! Mais je tiens à introduire dès à présent le principe dans la loi : la contrainte pénale est destinée à être une peine autonome, ce qui implique de revoir l’échelle des peines correctionnelles, du moins pour un certain nombre de délits. Je pense qu’il faut le faire maintenant. Car j’aime beaucoup les commissions gouvernementales, elles sont présidées par des gens qui sont souvent des amis et qui ont de grandes qualités, mais je sais qu’elles débouchent rarement sur des résultats, hormis, pour l’instant, la conférence de consensus.

Appuyons-nous donc sur ce projet de loi pour introduire d’ores et déjà, mais de manière très modeste, cette idée selon laquelle la contrainte pénale est une peine autonome et que les délits auxquels elle s’applique ne sont pas passibles d’une peine de prison.

Voilà quelle est la philosophie de cet article 8 ter, qui, me semble-t-il, ne révolutionnera pas notre droit pénal, mais qui, à terme, si le bilan de 2017 nous y encourage, pourra conduire à d’autres avancées.

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.