Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous devons débattre aujourd’hui de la proposition de loi déposée par notre collègue député Jean-Louis Touraine, semblable à celle de Mme la députée Gilda Hobert et à celle de notre collègue Gérard Collomb.

Ce texte porte sur la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland à Lyon. Son article unique, comme l’a montré Mme la rapporteur, Isabelle Lajoux, vise à corriger un vice de procédure administrative concernant les terrains de cette zone.

En effet, deux actes sont requis pour assurer le déclassement d’un terrain du domaine public et son passage vers le domaine privé : tout d’abord, un acte matériel, la désaffectation, en l’occurrence celle des abattoirs municipaux qui a été constatée dès 1967 ; puis le déclassement, un acte formel, qui aurait dû être décidé par délibération du propriétaire, à savoir la ville de Lyon. Cet acte n’a toujours pas été pris à ce jour.

Les conséquences de ce vice juridique sont importantes. Sans acte de déclassement, les terrains pourraient être considérés par le juge administratif comme faisant toujours partie du domaine public, inaliénable, ce qui annulerait dès lors tous les actes fonciers effectués sur cette zone de 28 hectares.

Or ces actes sont nombreux, notamment depuis 1983 et la constitution d’une zone d’aménagement concerté, qui a vu s’installer, entre autres équipements, des locaux de l’ENS et des laboratoires de l’INSERM, ainsi que des bailleurs sociaux et privés. De plus, des projets sont en cours sur la zone, destinée à devenir un biopôle d’envergure européenne. De nouveaux pôles du groupe pharmaceutique Sanofi devraient en particulier être accueillis.

Malheureusement, l’acte formel de déclassement manquant, une véritable fragilité juridique existe concernant les transactions passées sur ces terrains. Il en découle une insécurité pour les habitants, les établissements déjà implantés, tout comme pour les futurs investisseurs.

Cet état de fait est plus que dommageable au vu des intérêts présents et futurs que représente la zone. Ainsi la présente proposition de loi vise-t-elle à entériner, à valider tous les actes passés et à empêcher leur annulation sur la base du non-déclassement des terrains.

Il faut rappeler que ce type de loi, dite « de validation », n’est pas sans danger pour la sécurité juridique du justiciable. Toutefois, comme le précise le rapport du Sénat, toutes les conditions requises sont présentes pour rendre le présent texte constitutionnel.

Il nous paraît donc clair que cette proposition de loi de validation poursuit un but d’intérêt général, puisqu’elle ne fait que rectifier une erreur procédurale. Elle sécurise ainsi le destin des actes conclus à ce jour qui n’ont jamais été contestés devant la justice. En définitive, elle ne fait que rétablir la sécurité juridique des habitants et des propriétaires, laquelle aurait normalement dû être assurée par le déclassement.

Les membres du groupe UDI-UC tiennent à rappeler que le recours aux lois de validation doit bien sûr rester une exception, exception légitimée en l’espèce par l’importance des enjeux liés à la ZAC de Gerland et justifiée par le respect, dans le cadre de ce texte, des principes du droit français en la matière.

Dans ces conditions, le groupe UDI-UC se prononce en faveur de cette proposition de loi, qui sera, à n’en pas douter, bénéfique aux habitants, aux institutions présentes sur la zone, ainsi qu’aux propriétaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, du RDSE et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis vise à éviter tout contentieux en validant les contrats de cession, partielle ou totale, de propriétés publiques pris à l’occasion de l’établissement de la zone d’aménagement concerté du quartier central de Gerland à Lyon. Selon les explications de nos collègues, auteurs de cette proposition de loi, la légalité de ces actes est fragilisée par un vice de procédure, datant de plus de trente ans.

Même si nous sommes surpris de constater que, sur une opération d’une telle envergure, le contrôle de légalité – on sait à quel point ce contrôle, exercé au quotidien à l’égard de nombreuses délibérations de nos collectivités, est parfois tatillon – a fait défaut à l’époque, nous sommes favorables à cette régularisation, sans laquelle une opération d’aménagement ayant un intérêt économique serait mise en péril.

Nous nous sommes évidemment interrogés sur la légitimité de cette proposition de loi de validation. Le rapport de notre collègue Isabelle Lajoux nous donne l’assurance du respect des strictes limites fixées, en la matière, par le droit. En tout état de cause, la poursuite de l’intérêt général justifie légalement ce texte visant, comme cela a déjà été précisé, à pérenniser l’essor socio-économique de cette ZAC au travers de la régularisation rétroactive de l’ensemble des contrats actuels.

Le quartier dont il est question, cela a été rappelé, est en plein développement. Se transformant progressivement en quartier dédié aux sciences du vivant, il compte plus de 5 000 salariés et plus de 2 750 enseignants et chercheurs.

Cela étant dit, mes chers collègues, permettez-moi tout de même d’apporter quelques nuances à la belle unanimité qui s’exprime dans cette enceinte, et ce, notamment, en accord avec mon collègue Roland Jacquet.

Malgré le soutien que nous ne pouvons pas manquer d’accorder aux projets développés dans la zone considérée, il n’en demeure pas moins que ceux-ci s’inscrivent dans un cadre général de politiques qui ne nous convient pas forcément. Je pense au plan Campus et à l’autonomie des universités, ainsi qu’au désengagement des grands groupes, notamment dans le secteur de la recherche et développement. Citons à titre d’exemple celui qui devrait construire son siège sur la ZAC : Sanofi.

À propos de ce groupe, justement, je rappellerai que les élus locaux et les responsables syndicaux veilleront à ce que la construction de son nouveau siège social qui s’annonce génératrice d’emplois sur la ZAC de Gerland n’induise pas des pertes d’emplois dans d’autres territoires, comme c’est parfois le cas à l’occasion de telles opérations.

En outre, je relèverai les logements sociaux en cours de réalisation, dont les baux à construction doivent être sécurisés ; la construction d’une résidence universitaire et d’un restaurant interuniversitaire ; l’extension, déjà engagée, d’un laboratoire de l’École normale supérieure de Lyon ; la relocalisation sur la zone du Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé ; le développement du pôle de recherche de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, par le biais de l’extension du laboratoire en cours… Ce sont autant d’exemples démontrant le dynamisme, actuel et attendu, de cette ZAC et, par conséquent, l’impérieuse nécessité d’apporter la sécurité indispensable pour mener à bien les différentes réalisations en cours.

S’agissant de la condition exigeant qu’aucun recours n’ait été introduit à l’encontre des contrats passés, nous nous en remettons au rapport. Nous faisons confiance à notre rapporteur à propos des réponses qui sont données dans ce document quant à l’acceptabilité juridique de la validation proposée, eu égard aux conséquences sur les droits des justiciables que pourrait avoir ce texte.

Ces remarques étant faites, les membres de mon groupe voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. M. le président de la commission des lois et Mme la rapporteur applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mon groupe votera unanimement cette excellente proposition de loi !

Le sénateur-maire-président de Lyon sait l’estime que lui porte le Sénat. Il est d’ailleurs l’illustration de l’intérêt et de la nécessité du cumul des mandats…

M. Roger Karoutchi. Faites donc toute votre intervention sur le sujet ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. Qui mieux que lui aurait pu soutenir cette proposition de loi et convaincre la Haute Assemblée de sa pertinence ? C’est sa connaissance du terrain qui permet ce succès évident, et le vote conforme des deux assemblées sur le texte. Nous savons tous ce que le Sénat et, surtout, nos collectivités perdront avec cette loi malheureuse interdisant le cumul des mandats !

M. André Reichardt. Loi scélérate !

M. Jacques Mézard. Vous pouvez le constater, monsieur le sénateur-maire-président de Lyon, je ne vous en veux pas de l’annexion du département du Cantal par la métropole lyonnaise, avec laquelle celui-ci n’a strictement aucun lien et surtout, dont il n’a rien à attendre !

M. Roger Karoutchi. Allons bon !

M. Jacques Mézard. Le combat n’est pas fini, mais nous savons faire la part des choses !

Cela étant, il nous est de nouveau demandé, aujourd’hui, de nous prononcer sur une validation législative. On peut s’interroger sur cette propension nouvelle du législateur à recourir à ce procédé alors que, depuis 1803, aux termes de l’article 2 du code civil, « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif. »

La validation législative, qui est ainsi l’exception ultime et qui peut menacer la sécurité juridique et la confiance légitime dans la stabilité du droit, est aujourd’hui utilisée pour la deuxième fois en très peu de temps.

En effet, le 17 juillet dernier, nous votions la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par certaines personnes morales de droit public et, parmi elles, certaines collectivités territoriales, en particulier de Seine-Saint-Denis. Aujourd’hui, nous examinons la proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale tendant à remédier aux erreurs commises, voilà une trentaine d’années, par la collectivité de Lyon. Pourtant grande par sa taille et par ses moyens humains et financiers, cette dernière a omis – cela peut arriver… – de procéder au déclassement de la zone de Gerland.

En raison de ce vice de procédure, sur le plan strictement juridique, cette zone appartiendrait encore au domaine public. Or des investissements importants ont été réalisés, et il est légitime que l’exécutif lyonnais veuille préserver et sécuriser à la fois ces investissements et des outils de développement économique tout à fait évidents.

La validation législative qu’il nous est proposé d’adopter a pour objet de prévenir d’éventuels contentieux. Nous prenons acte de cette volonté de sécurisation pour éviter toute contestation future. Cela a pu et peut arriver à chacun d’entre nous : les élus ont parfois à assumer les erreurs commises par leurs prédécesseurs… et peuvent en commettre de nouvelles que découvriront leurs successeurs !

Mais, tout de même, est-ce bien le rôle du Parlement de se pencher ainsi sur des cas particuliers ? Est-ce bien à la loi de les prendre en compte ? En l’espèce, l’importance de la zone considérée peut justifier ce soin particulier.

Cela m’amène à souligner une évidence, qui apparaît en filigrane dans cette proposition de loi et que la réforme territoriale ne fera qu’amplifier.

À la différence de collectivités territoriales comparables à la métropole de Lyon, les petites collectivités territoriales ne disposent pas des expertises juridiques ou économiques suffisantes. Il ne fait pas de doute que les futures intercommunalités seront dans ce cas ! Qui, alors, rattrapera leurs erreurs ?

S’il semble aujourd’hui nécessaire de procéder au déclassement de la ZAC de Gerland, peut-être faut-il néanmoins se poser la question de l’inégalité devant la loi que crée ce genre de texte. Certaines collectivités territoriales auront, par exception, le privilège de réparer les erreurs administratives des dirigeants précédents, on peut le comprendre, mais je doute que le procédé de la validation soit généralisé à des collectivités plus petites. Or l’erreur peut aussi avoir des conséquences considérables sur ces collectivités.

Ainsi, madame la ministre, si le sort électoral m’est favorable, je ne résisterai pas au plaisir de déposer une proposition de loi tendant à faciliter le développement de la ZAC d’Aurillac !

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous espérons ne pas ouvrir une boîte de Pandore. Mais nous sommes conscients de l’impérieuse nécessité, pour nos collègues de Lyon, de résoudre le problème en cause, qui perdurait manifestement et suscitait des inquiétudes. En conséquence, nous voterons unanimement cette excellente proposition de loi. (M. le président de la commission des lois, Mme la rapporteur et M. Gérard Collomb applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Je veux tout d’abord remercier les orateurs précédents de leurs interventions, ainsi que Mme la rapporteur de son exposé, de même que Mme la ministre.

Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi qui vise à sécuriser les transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier central de Gerland, située au sud de Lyon.

Créée le 16 février 1983 par arrêté préfectoral après approbation par délibération de la ville de Lyon du 21 juin 1982 et enquête publique, cette ZAC a constitué le cadre qui a permis de transformer la friche industrielle générée par la fermeture des abattoirs municipaux à la fin des années soixante en un quartier aujourd’hui dynamique : dynamique du point de vue tant résidentiel, avec la production de 1 100 logements, qu’universitaire, avec la construction de l’École normale supérieure de Lyon, et économique, avec la réalisation de 10 000 mètres carrés de bureaux et 25 000 mètres carrés de surfaces d’activités.

Cette ZAC du quartier central de Gerland est donc un succès incontestable sur le plan du développement urbain.

D’une superficie de 28 hectares, elle concerne des terrains qui appartenaient pour 22,7 hectares à la ville de Lyon, dont une grande partie a été cédée à des personnes privées dans le cadre de l’aménagement et pour 5,3 hectares à la communauté urbaine de Lyon. Ces terrains sont constitués de voiries, de parkings et de délaissés de voirie.

Afin de pouvoir céder ses terrains, la ville de Lyon devait, au préalable, les faire sortir de son domaine public, c’est-à-dire procéder à leur désaffectation, puis, à leur déclassement.

Si la première condition, à savoir la désaffectation des terrains, a bien été respectée puisqu’il a été mis fin aux activités de service public réalisées par les abattoirs sur ce site et décidé, par délibération, d’y créer une ZAC, nous avons récemment constaté que la seconde condition n’était pas remplie ; en effet, les terrains sur lesquels ont été construits les équipements que je viens de citer n’ont jamais été formellement déclassés.

Même si cette irrégularité n’a donné lieu jusqu’à présent, c’est-à-dire en plus de trente ans, à aucun contentieux, elle pourrait éventuellement compromettre la sécurité juridique des contrats passés.

La présente proposition de loi dite de « validation législative » vise donc à remédier à cette situation en assurant la validation rétroactive de tous les actes pris par la ville de Lyon sur ces terrains.

Mes chers collègues, nous avons conscience qu’un texte de ce type doit rester tout à fait exceptionnel. Nous étions toutefois obligés de recourir en l’espèce à un tel procédé parce que c’est le seul moyen d’assurer une sécurité juridique parfaite pour ces terrains. D’autres possibilités avaient pourtant été envisagées. Le conseil municipal de Lyon a d’abord songé à prendre une délibération pour déclasser ces terrains, mais celle-ci ne pouvait valoir que pour les transactions futures et non pour les transactions passées. Nous aurions aussi pu adopter dans cette enceinte une loi déclassant la zone, mais, là encore, celle-ci n’aurait pas pu régulariser les opérations passées.

L’option de la loi de validation législative s’est donc imposée comme la plus adaptée. Comme l’ont indiqué Mme la ministre et Mme la rapporteur, la jurisprudence pose quatre conditions cumulatives à la constitutionnalité d’un tel texte.

La première condition est le respect du principe de séparation des pouvoirs. Ainsi, une mesure de validation ne peut intervenir dans des procédures judiciaires passées ou en cours. Cette condition est évidemment remplie : les recherches menées montrent qu’aucun contentieux n’a été notifié à la ville de Lyon à propos de ce secteur de la ZAC de Gerland.

La deuxième condition tient au principe de non-rétroactivité de la loi pénale. Là encore, il n’y a pas de problème à signaler, puisque la présente proposition de loi ne vise que des actes administratifs.

La troisième condition est une stricte limitation de la portée de la validation. C’est en l’espèce le cas : sur le plan géographique, d’abord, puisque le texte vise le périmètre identifié de la ZAC de Gerland ; sur le plan des actes concernés, ensuite, puisque sont en cause uniquement des contrats de cession, de location de bail ou de concession d’usage autorisés ou passés par la ville de Lyon.

Enfin, la quatrième condition a trait à un objectif suffisant d’intérêt général auquel doit satisfaire une mesure de validation législative pour être constitutionnelle. Or, mes chers collègues, nous l’avons constaté les uns et les autres, cette condition est remplie : sur cette ZAC est implanté un pôle de compétitivité mondial, Lyon Biopôle, qui est sans doute l’un des grands centres mondiaux des sciences du vivant avec, à la clé, le développement à Lyon de quelques dizaines de milliers d’emplois et la capacité pour notre pays à rester, dans le domaine de l’infectiologie et du vaccin, en tête des grands pays mondiaux.

Mes chers collègues, je vous remercie d’avoir été sensibles à ces arguments. Avec votre soutien, nous essaierons de continuer à développer ce secteur de l’agglomération. (Très bien ! et applaudissements.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique du texte de la commission.

proposition de loi relative à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier central de gerland à lyon

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurisation des transactions relatives à la zone d'aménagement concerté du quartier central de Gerland à Lyon
Article unique (fin)

Article unique

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les contrats de cession, de location, de bail ou de concession d’usage autorisés et passés par la ville de Lyon et relatifs à des terrains compris dans le périmètre de la zone d’aménagement concerté du quartier central de Gerland, créée par arrêté du préfet du Rhône du 16 février 1983, en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de ce qu’ils n’ont pas été précédés d’un acte administratif constatant expressément que, après leur désaffectation, ces terrains avaient été déclassés du domaine public de la ville.

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique de la proposition de loi.

Je rappelle que le vote sur cet article a valeur de vote sur l’ensemble.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Mme la présidente. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

M. Gérard Collomb. Merci, mes chers collègues !

M. Charles Revet. Quelle unanimité pour Lyon !

Mme la présidente. Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article unique (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurisation des transactions relatives à la zone d'aménagement concerté du quartier central de Gerland à Lyon
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur
Discussion générale (suite)

Taxis et voitures de transport avec chauffeur

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur (proposition n° 720, texte de la commission n° 742, rapport n° 741).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur
Article 1er

Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les clients comme les professionnels, les taxis comme les voitures de transport avec chauffeur, dites VTC, les nouveaux acteurs comme les acteurs historiques de la grande remise, tous ont intérêt à ce qu’une offre de transport diversifiée et dynamique puisse se développer dans notre pays.

Après le vote intervenu le 10 juillet au Palais-Bourbon, c’est à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il revient aujourd’hui d’examiner la présente proposition de loi qui vise à moderniser la profession de taxi et à établir des règles du jeu équilibrées dans le secteur du transport léger de personnes.

Le rapport produit par Thomas Thévenoud à la demande du Premier ministre, au mois d’avril dernier, et qui est à l’origine de cette proposition de loi a donné lieu à trente mesures concrètes. Certaines feront l’objet de textes réglementaires, et les services des ministères concernés sont déjà mobilisés pour être en mesure de les publier rapidement. D’autres doivent faire l’objet de dispositions législatives, raison pour laquelle nous sommes réunis ce jour.

Je voudrais vous exprimer ma reconnaissance, monsieur le rapporteur, pour votre investissement personnel dans ce dossier. Malgré des délais très contraints,…

M. Charles Revet. C’est le moins que l’on puisse dire !

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. … vous avez tenu à rencontrer de nombreux acteurs et à poursuivre, avec le même professionnalisme, le travail mené par les députés sur la proposition de loi déposée par Bruno Le Roux et Thomas Thévenoud.

L’objet de cette proposition de loi est à la fois simple et ambitieux : moderniser une offre de transport léger de personnes, laquelle a considérablement évolué ces dernières années du fait de l’arrivée de nouveaux acteurs et du développement du numérique, et trouver le juste équilibre, en dépassant les clivages et les idées reçues. Pour ce faire, un vrai consensus social est nécessaire sur cette question qui ne doit pas – et ne doit plus – se régler au travers d’appels à la grève ou au blocage des rues de Paris.

Pour cela, et je mesure personnellement ce que cette demande peut avoir d’audacieux dans cette enceinte, le Gouvernement souhaiterait que la Haute Assemblée se prononce par un vote conforme sur ce texte.

M. Vincent Capo-Canellas. Pas question ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Pour qu’aucune ambiguïté ne subsiste, je souhaite insister sur les raisons qui justifient cette demande.

Il ne s’agit pas de considérer qu’aucune disposition ne saurait être mieux écrite ou de brider l’initiative du Parlement,…

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. … d’autant que le présent texte est une proposition de loi. Nous ne voulons pas plus nous montrer irrespectueux à l’égard du bicaméralisme, qui est l’un des piliers de notre République.

Il s’agit de se fonder sur l’existence de cet équilibre, fragile, parfois contesté, mais réel, qui a été recherché collectivement. Il convient de donner aujourd’hui aux agents économiques – entreprises, artisans ou salariés – une visibilité et une prévisibilité, et de continuer à travailler avec les acteurs de terrain autour des solutions concrètes pour améliorer la montée en gamme des services de transport. C’est cette considération très pragmatique qui nous a guidés et qui conduit le Gouvernement à solliciter de votre part, mesdames, messieurs les sénateurs, un vote conforme.

Je veux maintenant vous présenter les différentes dispositions qui vous sont soumises.

Le premier article de la présente proposition de loi ouvre une véritable perspective de modernisation, avec le développement de la maraude électronique.

La maraude, c’est-à-dire la possibilité pour le client de héler un véhicule sur la voie publique, est une spécificité propre aux taxis. Elle pourra désormais se pratiquer électroniquement. C’est une véritable avancée, un service qui correspond aux attentes des consommateurs et des utilisateurs de taxis.

Ce concept de maraude électronique, autrement dit la possibilité de voir les taxis libres autour de soi sur un écran de smartphone, constitue un atout supplémentaire pour cette profession. Je tiens à insister sur ce point : même si une certaine frilosité peut subsister, cette modernisation est nécessaire au développement de l’activité des taxis. Cette pratique répondra à une attente réelle, tout en élargissant leur clientèle.

La volonté du Gouvernement de participer au développement des usages du numérique trouve une illustration pertinente dans ce projet d’open data de la disponibilité des taxis. C’est une véritable innovation, dont je veux souligner l’originalité et l’ambition. Résoudre un problème par la technologie correspond à une vision progressiste, à une vision d’avenir !

Il est important que la puissance publique puisse contribuer à cette modernisation, bien entendu sans se substituer au marché. L’intérêt d’un tel open data est double. Il offrira, tout d’abord, les conditions d’une amélioration réelle de l’accès aux services de transport de personnes, tout particulièrement dans les zones urbaines. Il permettra, ensuite, d’améliorer l’information des acteurs publics du transport et des mobilités. Ceux-ci ont en effet besoin de connaître le plus précisément possible l’offre de transport pour adapter celle des autres composantes du service public des transports et développer toutes les alternatives à l’utilisation de la voiture individuelle.

Tout le processus de mise en œuvre de l’open data se fera dans le respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui garantit la protection des libertés individuelles. Je tiens à vous assurer que cette modernisation ne se fera pas au détriment de ces libertés !

Nous avons aussi pu entendre ou lire, çà et là, que le Gouvernement voulait interdire aux VTC l’usage des nouvelles technologies et la géolocalisation. Il n’en est rien ! Il est évidemment hors de question d’interdire à ces véhicules d’être géolocalisés.

En revanche, les VTC ayant interdiction de circuler en quête de clients et donc de s’adonner à la maraude, laquelle est réservée aux taxis, ils ne doivent pas pouvoir signaler aux clients en temps réel leur disponibilité sur une carte de leur smartphone. En revanche, les entreprises de ce secteur demeurent parfaitement libres d’utiliser ces technologies pour organiser au mieux leur activité, y compris la géolocalisation de leurs véhicules.

Dans un nouvel article de la proposition de loi, il est prévu que le Gouvernement produise un rapport au Parlement sur la mise en place de l’open data, un an après son entrée en vigueur. Le Sénat pourra ainsi suivre, en toute transparence, la réalisation de ce projet de modernisation de la profession de taxis, avec des données chiffrées sur la géolocalisation.

Lors du débat à l’Assemblée nationale, un nouvel article a été introduit sur proposition du rapporteur, je tiens à le préciser. Il a rendu obligatoire l’équipement des taxis de terminaux de paiement électronique, afin d’améliorer le service rendu à la clientèle et de moderniser l’image de la profession. Il me semble indispensable d’offrir ce service aux touristes ainsi qu’à tous nos concitoyens.

La proposition de loi s’attache également à moderniser les conditions d’exercice de la profession de conducteur et d’exploitant de taxi. Certaines règles mériteraient en effet d’être précisées, au bénéfice de ces professionnels.

Parmi les 55 000 conducteurs de taxis, 8 000 exercent aujourd’hui leur métier sous un statut de locataire, lequel constitue une source d’ambiguïté et, en définitive, pénalise les chauffeurs. Ce régime hybride fait du locataire un salarié au titre de la sécurité sociale et un artisan pour les services fiscaux. Il rend les locataires plus vulnérables aux fluctuations de la conjoncture, le montant forfaitaire dont ils doivent s’acquitter étant indépendant des recettes réelles résultant de leur activité. La proposition de loi met fin à ce système, remis en cause par les locataires eux-mêmes, au profit du droit commun : la location-gérance.

Le 1er janvier 2017 au plus tard, la location simple devra être remplacée par la location-gérance. La mise en œuvre de cette disposition est donc programmée dans le temps.

Cette modernisation doit aussi permettre aux taxis de participer, à leur manière, à l’amélioration de l’image de la France auprès des touristes. Des millions de touristes étrangers arrivent chaque année dans nos gares et nos aéroports, et le premier contact direct qu’ils ont avec notre pays se fait bien souvent par l’intermédiaire des taxis. Le mois dernier, lors de la clôture des Assises du tourisme, M. le ministre des affaires étrangères et du développement international a repris les propositions du rapport Thévenoud relatives à la nécessité, pour les taxis, de disposer d’une meilleure visibilité dans les villes et celles qui visent à faciliter les accès à la capitale par le biais des couloirs réservés.

Le présent texte laisse le soin aux autorités compétentes de fixer les mesures d’identification des taxis, en respectant ainsi les compétences des collectivités territoriales et, à Paris, celles de la préfecture de police, eu égard à ses prérogatives d’autorité communale.

Au-delà de la modernisation des conditions d’exercice de la profession de taxi, cette proposition de loi entend clarifier et renforcer les règles qui s’appliquent au transport de personnes, singulièrement aux VTC, dont le régime créé récemment est jugé insuffisamment protecteur pour le consommateur.

La loi de 2009, dite « loi Novelli », avait pour ambition affichée de réformer le statut des grandes remises s’adressant à une clientèle haut de gamme sur un segment du marché très particulier. Il en a résulté une dérégulation quasi complète du secteur. Cette loi a créé le régime des véhicules de tourisme avec chauffeurs et prévu des dispositions extrêmement souples, comme l’absence de qualification des conducteurs.

Avec le développement des smartphones, de nouveaux opérateurs se sont implantés sur ce marché, qui connaît ainsi depuis deux ans une forte expansion, tout particulièrement en région parisienne. Le Gouvernement ne souhaite pas freiner les initiatives ni entraver des acteurs économiques qui répondent à de nouveaux besoins.

Au contraire, les services à la personne, les nouvelles technologies, le numérique constituent autant d’opportunités que le Gouvernement entend saisir pour contribuer au développement de l’emploi et de la compétitivité de notre pays, tout en répondant aux besoins des consommateurs. Toutefois, les règles du jeu doivent être claires pour tous et partagées par chacun. La liberté ne peut s’exercer au détriment de l’égalité.

Dès 2013, nous avons pris des mesures réglementaires afin de réguler cette activité. Toutefois, il est nécessaire de fixer un cadre législatif aux VTC, adapté à une activité de transport de personnes. Il s’agit non pas de créer une nouvelle profession réglementée, mais de fixer des règles pour la protection des personnes, afin de garantir leur sécurité et leurs droits en tant que consommateurs. En ma qualité de secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, je suis particulièrement vigilante sur ce point.

La protection de la sécurité des personnes et la protection des intérêts du consommateur sont les motifs d’intérêt général qui justifient que les activités de transport de personnes soient réglementées.

L’Assemblée nationale a modifié les dispositions relatives aux VTC par rapport à la proposition initiale du rapporteur. D’un côté, elle a allongé la durée de l’immatriculation des exploitants de trois ans à cinq ans. De l’autre, elle a instauré une obligation pour les chauffeurs de VTC, à l’issue d’une course, de retourner au lieu d’établissement de l’exploitant ou dans un lieu de stationnement autorisé en dehors de la chaussée.

Il est utile à ce stade de rappeler certains principes généraux relatifs à l’activité de transport de personnes sur la voie publique, à partir de l’exemple des taxis. C’est pour des raisons d’ordre public et d’intérêt général que les taxis bénéficient d’une autorisation de stationner sur la voie publique, donc d’exercer la maraude.

Cette justification est d’autant plus d’actualité dans nos villes, tout particulièrement dans les métropoles, où la question de la fluidité de la circulation est un véritable enjeu. Concrètement, chacun d’entre nous peut se rendre compte des conséquences sur la circulation de la présence d’un véhicule mal garé ou stationnant dans un espace non autorisé. Sans les stations de taxis, qui matérialisent l’autorisation de ces véhicules à bénéficier d’un espace dédié, la circulation en zone urbaine serait anarchique et encore plus compliquée.

La proposition de loi répond au souci d’équilibre qui a animé l’ensemble des débats préparatoires : renforcer les garanties de professionnalisme des acteurs du VTC et renforcer la responsabilité des intermédiaires, tout en évitant des excès de réglementation.

Elle entend maintenir cet équilibre par l’introduction d’un certain nombre de règles simples : la capacité financière des exploitants, l’obligation de vérification de la carte professionnelle et de l’assurance par les intermédiaires, les garanties accrues du monopole des taxis sur la maraude.

L'Assemblée nationale a, par amendement, complété les garanties relatives au transport de personnes pour des véhicules à deux ou trois roues, improprement appelés « motos taxis ». Développée récemment, cette activité bénéficiait d’un régime très souple sans réelles garanties de sécurité pour les clients, selon les députés. Ils ont donc proposé d’y remédier.

Cette proposition de loi s’attache également à faire en sorte que ces règles soient respectées par tous. C’est le sens de la responsabilisation accrue des intermédiaires, qui bénéficiaient jusqu’à présent d’une relative impunité, les dispositions existantes visant soit les exploitants soit les chauffeurs eux-mêmes. Il s’agit de dispositions protectrices des consommateurs ; là aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous comprendrez que j’y sois particulièrement attentive.

La redéfinition des infractions relatives à l’offre frauduleuse de transport permettra une répression plus facile du racolage. Les forces de l’ordre sont d’ores et déjà mobilisées de manière importante pour mettre fin à cette situation qui porte préjudice aux taxis comme aux VTC qui respectent la réglementation. Elles doivent avoir les moyens d’exercer plus facilement leur mission.

Ce texte prévoit par ailleurs une intervention accrue de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ou DGCCRF, dont je salue l’engagement sur ce dossier. Elle contrôlera notamment l’application par les VTC des règles relatives à la tarification. En privilégiant l’efficacité du contrôle de règles simples à un excès de réglementation sans moyen effectif d’assurer son respect, le texte repose sur un équilibre que le Gouvernement partage pleinement.

Je tiens à souligner l’efficacité des forces de l’État qui ont apporté leur soutien à la démarche du député Thévenoud. Je pense en particulier au service national des enquêtes de la DGCCRF.

Nous avons relevé de nombreux manquements. Les plus graves d’entre eux – en particulier le service UberPOP – ont fait l’objet de procédures contentieuses pour pratiques commerciales trompeuses. Leur règlement s’inscrit dans des délais plus longs, compte tenu de la nécessité d’une intervention judiciaire et, surtout, de l’absence de sanction directe pour l’organisation d’un service illégal de transport de personnes. En effet, le cadre en vigueur ne permettait pas aux forces de police ou aux services du ministère des transports d’intervenir contre la société Uber : ils pouvaient seulement se retourner contre les conducteurs, eux-mêmes victimes de cette entreprise.

L’une des avancées notables de la présente proposition de loi est justement de combler cette lacune. Dans l’attente du vote de ce texte, je me félicite toutefois que la diligence des services de la DGCCRF, dans des délais particulièrement contraints, ait eu quelque efficacité.

Afin d’adapter le parc automobile du transport léger de personnes aux exigences environnementales et de lutte contre les changements climatiques, l'Assemblée nationale a instauré un régime de dérogations pour les véhicules hybrides et électriques. À ce propos, je représentais Arnaud Montebourg la nuit dernière à l’Assemblée nationale lors de l’examen de la proposition de loi « bornes électriques » de Mme Massat, texte que le rapporteur connaît bien et dont le Gouvernement soutient à la fois la dimension écologique et industrielle.

Pour marquer sa volonté de simplifier, le Gouvernement a proposé de supprimer le régime des petites remises dans le cadre de la présente proposition de loi. Il s’agit d’empêcher la création de nouvelles petites remises, en laissant subsister celles qui existent aujourd’hui et qui sont estimées à 2 000 environ. Là encore, cette mesure vise à apporter plus de lisibilité et de simplicité, en évitant ainsi les distorsions de concurrence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en conclusion, je tiens à revenir sur la brièveté des délais de préparation de cette réforme. J’entends bien les regrets que vous formez en ce sens.