compte rendu intégral

Présidence de Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Secrétaires :

M. Christian Cambon,

Mme Catherine Tasca.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis un vote favorable – dix-neuf voix pour –, lors de sa réunion de ce jour, à la nomination de M. Jean-Yves Le Gall comme président du conseil d’administration du Centre national d’études spatiales.

Acte est donné de cette communication.

3

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de membres de la Chambre des députés du Grand-Duché de Luxembourg. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, se lèvent.)

Cette délégation est conduite par M. Henri Kox, président de la commission de l’environnement et de la sous-commission « préparation du débat d’orientation sur l’orientation politique ainsi que du cadre d’action en matière de climat et d’énergie », de la commission de l’économie et de la commission de l’environnement. Elle est accompagnée par notre collègue Olivier Cadic, président délégué du groupe d’amitié pour le Luxembourg.

Nos collègues luxembourgeois consacrent leur journée à l’examen de la législation française en matière de transition énergétique.

À ce titre, ils ont eu un déjeuner de travail avec Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques, pour approfondir le contenu du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, dont nous avons entamé l’examen hier après-midi.

Nous formons tous le vœu que cette visite leur soit profitable et nous leur souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat ! (Applaudissements.)

4

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Article 1er (début)

Transition énergétique

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (projet n° 16, texte de la commission n° 264 rectifié, rapport n° 263, avis nos 236, 237 et 244).

Nous poursuivons la discussion des articles.

Titre Ier (suite)

Définir les objectifs communs pour réussir la transition énergétique, renforcer l’indépendance énergétique et la compétitivité économique de la France et lutter contre le changement climatique

Mme la présidente. Au sein du titre Ier, nous reprenons l’examen de l’article 1er, dont je rappelle les termes :

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er (suite)

I. – L’article L. 100-1 du code de l’énergie est ainsi rédigé :

« Art. L. 100-1. – La politique énergétique :

« 1° A (Supprimé)

« 1° Favorise l’émergence d’une économie compétitive et riche en emplois grâce à la mobilisation de toutes les filières industrielles, notamment celles de la croissance verte qui se définit comme un mode de développement économique respectueux de l’environnement, à la fois sobre et efficace en énergie et en consommation de ressources et de carbone, et garant de la compétitivité des entreprises ;

« 2° Assure la sécurité d’approvisionnement et réduit la dépendance aux importations ;

« 3° Maintient un prix de l’énergie compétitif et attractif au plan international et permet de maîtriser les dépenses en énergie des consommateurs ;

« 4° Préserve la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre et contre les risques industriels majeurs, en réduisant l’exposition des citoyens à la pollution de l’air et en garantissant la sûreté nucléaire ;

« 5° Garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages ;

« 6° Lutte contre la précarité énergétique ;

« 7° Contribue à la mise en place d’une politique énergétique européenne. »

II. – L’article L. 100-2 du code de l’énergie est ainsi rédigé :

« Art. L. 100-2. – Pour atteindre les objectifs définis à l’article L. 100-1, l’État, en cohérence avec les collectivités territoriales et leurs groupements et en mobilisant les entreprises, les associations et les citoyens, veille, en particulier, à :

« 1° Maîtriser la demande d’énergie et favoriser l’efficacité et la sobriété énergétiques ;

« 2° Garantir aux personnes les plus démunies l’accès à l’énergie, bien de première nécessité, ainsi qu’aux services énergétiques ;

« 3° Diversifier les sources d’approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles, diversifier de manière équilibrée les sources de production d’énergie et augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale ;

« 3° bis Procéder à un élargissement progressif de la part carbone dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles, cette augmentation étant compensée, à due concurrence, par un allègement de la fiscalité pesant sur d’autres produits, travaux ou revenus ;

« 4° Assurer l’information de tous et la transparence, notamment sur les coûts et les prix de l’énergie ainsi que sur son contenu carbone ;

« 5° Développer la recherche et favoriser l’innovation dans le domaine de l’énergie, notamment en donnant un élan nouveau à la physique du bâtiment ;

« 5° bis Renforcer la formation aux problématiques et aux technologies de l’énergie de tous les professionnels impliqués dans les actions d’économie d’énergie, notamment par l’apprentissage ;

« 6° Assurer des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins.

« Pour concourir à la réalisation de ces objectifs, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les entreprises, les associations et les citoyens associent leurs efforts pour développer des territoires à énergie positive. Est dénommé “territoire à énergie positive” un territoire qui s’engage dans une démarche permettant d’atteindre au moins l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale en réduisant autant que possible les besoins d’énergie. Un territoire à énergie positive doit favoriser l’efficacité énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la diminution de la consommation des énergies fossiles et viser le déploiement d’énergies renouvelables dans son approvisionnement. »

III. – L’article L. 100-4 du code de l’énergie est ainsi rédigé :

« Art. L. 100-4. – I. – La politique énergétique nationale a pour objectif principal de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030, conformément aux engagements pris dans le cadre de l’Union européenne, et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. La trajectoire est précisée dans les budgets carbone mentionnés à l’article L. 222-1 A du code de l’environnement. À cette fin, elle vise à :

« 1° (Supprimé)

« 2° Porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2,5 % d’ici à 2030, en poursuivant un objectif de réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à l’année de référence 2012. Cette dynamique soutient le développement d’une économie efficace en énergie, notamment dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’économie circulaire, et préserve la compétitivité et le développement du secteur industriel ;

« 3° Réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à l’année de référence 2012 en modulant cet objectif par énergie fossile en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacune ;

« 4° Porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 ; à cette date, cet objectif est décliné en 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburants et 10 % de la consommation de gaz ;

« 5° Réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité sous réserve de préserver l’indépendance énergétique de la France, de maintenir un prix de l’électricité compétitif et de ne pas conduire à une hausse des émissions de gaz à effet de serre de cette production, cette réduction intervenant à mesure des décisions de mise à l’arrêt définitif des installations prises en application de l’article L. 593-23 du code de l’environnement ou à la demande de l’exploitant, et en visant à terme un objectif de réduction de cette part à 50 % ;

« 6° Disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes “bâtiment basse consommation” ou assimilé, à l’horizon 2050, en menant une politique de rénovation thermique des logements dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes ;

« 7° Parvenir à l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer en 2030, avec, comme objectif intermédiaire, 30 % d’énergies renouvelables à Mayotte et 50 % d’énergies renouvelables à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane en 2020.

« II. – L’atteinte des objectifs définis au I du présent article fait l’objet d’un rapport au Parlement déposé dans les six mois suivant l’échéance d’une période de la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-3 du présent code. Le rapport et l’évaluation des politiques publiques engagées en application du présent titre peuvent conduire, au regard du développement des énergies renouvelables et de la compétitivité de l’économie, à la révision des objectifs de long terme définis au I. »

IV. – (Non modifié) Les articles 2 à 6 et 9 à 13 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique et les articles 18 à 21 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement sont abrogés.

V. – (Non modifié) À la première phrase du 1° du I de l’article L. 222-1 du code de l’environnement, la référence : « l’article 2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique » est remplacée par la référence : « l’article L. 100-4 du code de l’énergie ».

VI. – Le II de l’article 22 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 précitée est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du cinquième alinéa, la référence : « 10 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique » est remplacée par la référence : « L. 144-1 du code de l’énergie » ;

2° La dernière phrase du cinquième alinéa et la seconde phrase du sixième alinéa sont supprimées.

Mme la présidente. Hier soir, les orateurs inscrits sur cet article se sont exprimés.

Nous en sommes parvenus à l’examen des amendements.

L'amendement n° 494, présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier, M. Vergès, Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

« 1° A Réaffirme le besoin d’une maîtrise publique du secteur de l’énergie ;

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement est pour nous l’occasion de réaffirmer que la maîtrise publique du secteur de l’énergie doit être un élément incontournable de notre politique énergétique. À ce titre, elle mérite d’être inscrite dans le texte que nous examinons.

Cela a été dit – je pense toutefois que nous reviendrons sur ce sujet –, la politique énergétique de notre pays a besoin de cohérence et de transparence,…

M. Charles Revet. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Jean-Pierre Bosino. …. que seules, de notre point de vue, une maîtrise publique est en mesure de fournir.

À cet égard, le hasard fait que nous recevons une délégation de collègues parlementaires du Luxembourg que je salue. Or il semblerait qu’EDF effectue de l’optimisation fiscale à travers des compagnies d’assurance basées au Luxembourg et en Irlande, ce qui me paraît donner tout son sens à l’évocation de la transparence et de la maîtrise publique.

Selon nous, la maîtrise publique répond, d’abord, à un enjeu démocratique, illustré par cette affaire d’optimisation. En effet, vous le savez, nous ne considérons pas que l’énergie soit une marchandise comme les autres.

Cette maîtrise publique répond aussi à un enjeu économique, puisque l’efficacité et la performance de notre système énergétique reposent historiquement sur le respect de ce principe et de la solidarité nationale qu’il implique.

Dès la Libération, c’est ce système énergétique qui a constitué le socle d’une cohérence et d’une solidarité nationale indispensables au redressement et au développement de notre pays.

Aujourd’hui, plus que jamais, la France a besoin d’un nouvel élan industriel et économique qui ne pourra évidemment se faire sans prendre en compte l’exigence écologique dans son ensemble.

Sans une véritable maîtrise publique du secteur de l’énergie, il sera impossible de répondre aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux, comme de satisfaire le besoin de davantage de transparence, d’indépendance et d’expertise.

Tel est le sens du présent amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Mon cher collègue, c’est parce que l’énergie est un secteur stratégique que l’État actionnaire détient aujourd'hui encore une part importante du capital des grandes entreprises de ce secteur : 84 % pour EDF, 36 % pour GDF-Suez, 87 % pour Areva.

De plus, le présent projet de loi démontre que l’État conserve son rôle de stratège en matière de politique énergétique en lui assignant des objectifs ambitieux et en renforçant les outils de pilotage et de gouvernance à sa disposition, notamment la stratégie bas-carbone, la programmation pluriannuelle de l’énergie, le plan stratégique et les pouvoirs du commissaire du Gouvernement au sein du conseil d’administration d’EDF, ce qui vous tient à cœur, mon cher collègue !

C'est dire que la maîtrise publique de ce secteur est plus que jamais effective et qu’il n’est pas besoin de la réaffirmer dans le présent article.

Par conséquent, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 494.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Le Gouvernement partage l’avis de la commission et suggère même le retrait de cet amendement qui est, d’une certaine façon, satisfait.

Comme vient de le dire M. le rapporteur, ce projet de loi a précisément pour objet de remettre aux mains des pouvoirs publics – non seulement l’État, mais aussi la représentation nationale dont vous faites partie, mesdames, messieurs les sénateurs – la maîtrise du modèle énergétique.

Mme la présidente. Monsieur Bosino, l'amendement n° 494 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Bosino. Oui, madame la présidente. Certes, je comprends bien les arguments de M. le rapporteur et de Mme la ministre. Pour autant, on ne peut pas considérer que la maîtrise publique du secteur de l’énergie est expressément précisée dans le texte.

Cette affaire d’optimisation pratiquée par EDF montre d'ailleurs qu’il ne suffit pas de détenir plus de 80 % des actions de ladite entreprise pour garantir une réelle maîtrise publique. La réalité, c’est que la recherche du profit financier prime sur celle d’une réponse aux besoins énergétiques !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je veux m’opposer à cet amendement eu égard aux considérations quelque peu oiseuses que vient d’émettre M. Bosino au sujet de l’actualité et de la présence de nos visiteurs.

M. Jean-Pierre Bosino. Mais c’est d’actualité !

M. Gérard Longuet. Le Grand-Duché de Luxembourg est le premier employeur lorrain : 70 000 salariés y vont travailler tous les jours, profitant du dynamisme, de l’esprit d’entreprise de ce pays et du développement des services et de l’industrie qui y sont implantés.

Première observation, je ne pense pas qu’il faille entretenir un malentendu avec l’un des pays qui est à l’origine de l’Union européenne et qui en préside d'ailleurs en quelque sorte la destinée, à travers la personne de M. Jean-Claude Juncker.

Seconde observation, vous auriez été plus avisé de rappeler, mon cher collègue, que le Grand-Duché de Luxembourg n’a jamais été consulté lorsque nous avons décidé d’installer – ce dont je me réjouis en tant que Lorrain – une centrale nucléaire à Cattenom, à ses portes.

Il aurait été heureux que vous ne saisissiez pas l’occasion de la présence dans la tribune d’honneur d’une délégation de ce pays pour prendre à partie notre voisin, qui est l’un des fondateurs de l’Union européenne ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Jean-Pierre Bosino. C’est le hasard de l’actualité !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 494.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 853 rectifié bis, présenté par M. Cornano, Mme Claireaux et MM. Antiste, Desplan, J. Gillot, Mohamed Soilihi et Patient, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

et de carbone

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 324 rectifié, présenté par MM. Courteau, Poher, Montaugé, Cabanel, S. Larcher, Cornano et Boulard, Mme Bonnefoy, M. Aubey, Mme Jean, MM. Roux, Madec, Miquel, Germain et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

et garant de la compétitivité des entreprises

par les mots :

socialement inclusif, développant le potentiel d’innovation et source de compétitivité

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. À la suite de l’adoption en commission d’un amendement présenté par M. le rapporteur, l’alinéa 4 de l’article 1er comporte une définition de la croissance verte, l’introduisant ainsi dans le code de l’énergie.

La croissance verte est définie comme « un mode de développement économique respectueux de l’environnement, à la fois sobre et efficace en énergie et en consommation de ressources et de carbone, et garant de la compétitivité des entreprises ».

Si cette définition est, à bien des égards, satisfaisante, elle peut néanmoins être modifiée et complétée.

La croissance verte est, d’abord, une croissance durable et orientée vers le long terme.

Dans sa définition la plus basique, extraite du rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement du mois de février 2011, la croissance verte est « à bas carbone, efficace en ressources et socialement inclusive ».

La notion désignée par les mots « socialement inclusive » est importante !

Dans sa communication du 2 juillet 2014, la Commission européenne précise : « La stratégie Europe 2020 reconnaît que la transition vers une économie verte, pauvre en carbone et utilisant efficacement les ressources est capitale dans l’obtention d’une croissance intelligente, durable et inclusive. Le gaspillage des ressources, les pressions – insoutenables à long terme – exercées sur l’environnement, le changement climatique, mais aussi l’exclusion sociale et les inégalités sont autant d’obstacles à une croissance économique durable qui expliquent qu’un modèle de croissance différent, ″au-delà du PIB″, soit à l’ordre du jour depuis plusieurs années. »

La croissance verte est donc socialement inclusive parce qu’elle s’attaque aussi aux inégalités sociales et environnementales, en intégrant des objectifs de responsabilité sociétale et environnementale : en luttant, par exemple, contre l’exposition aux polluants, source d’inégalités en termes de santé, ou en cherchant à réduire la précarité énergétique.

Par ailleurs, la croissance verte est fondée sur le développement du potentiel d’innovations technologiques au plan tant des processus, avec les nouvelles technologies de communication, comme les compteurs intelligents, que des produits. Elle suscite, comme l’aurait dit en son temps Joseph Schumpeter, une nouvelle « vague d’innovations » qui se nourrit d’elle-même.

Ces grappes d’innovations génèrent de nouveaux investissements en matière de modernisation mais aussi de capacités, autrement dit de nouvelles éco-activités, et des emplois sur le moyen et long terme. Mais c’est bien la recherche de la protection de l’environnement qui suscite des innovations et qui est à la source de la compétitivité des entreprises.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de remplacer les termes « et garant de la compétitivité des entreprises » par les mots « socialement inclusif, développant le potentiel d’innovation et source de compétitivité ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Les amendements nos 853 rectifié bis et 324 rectifié traitent du même sujet, la définition de la croissance verte, mais ne visent pas le même objectif.

Le premier tend à supprimer purement et simplement la garantie de la compétitivité des entreprises. La commission des affaires économiques y est hostile et a émis un avis défavorable.

Le second a pour objet d’ajouter la référence au caractère socialement inclusif et au potentiel d’innovation, deux notions qui me paraissent compléter utilement la définition susvisée. J’émets donc un avis favorable sur cette partie de l’amendement.

En revanche, monsieur Courteau, vous supprimez au passage la référence à la garantie de la compétitivité des entreprises,...

M. Gérard Longuet. Ce n’est pas acceptable !

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. ... introduite à la suite de l’adoption de deux amendements, l’un de l’UMP, l’autre de l’UDI-UC, présentés en commission.

Je propose donc que nous adoptions le présent amendement, à condition toutefois que soit rétablie la mention de la garantie de la compétitivité des entreprises ; cela nous mettra tous d’accord.

Sous réserve de cette rectification, j’émets un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Monsieur Courteau, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission ?

M. Roland Courteau. Tout à fait, madame la présidente. Je souhaite par conséquent remplacer les mots « source de compétitivité » par « garant de la compétitivité des entreprises ».

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 324 rectifié bis, présenté par MM. Courteau, Poher, Montaugé, Cabanel, S. Larcher, Cornano et Boulard, Mme Bonnefoy, M. Aubey, Mme Jean, MM. Roux, Madec, Miquel, Germain et les membres du groupe socialiste et apparentés, et ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

et garant de la compétitivité des entreprises

par les mots :

socialement inclusif, développant le potentiel d’innovation et garant de la compétitivité des entreprises

Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Je suggère le retrait de l’amendement n° 853 rectifié bis, car il est satisfait.

Reconnaissons-le, la mention ajoutée lors de ses travaux par la commission est quelque peu redondante, dans la mesure où il est d’ores et déjà fait référence à la compétitivité économique au début de l’alinéa 4 de l’article 1er. Si cet amendement était adopté, la notion de compétitivité figurerait donc deux fois dans cet alinéa.

Je comprends le sens de cet amendement, justifié par un souci de bonne rédaction. Que soit mentionnée à deux reprises la nécessité de la compétitivité ne me gêne pas, et je donne acte de son travail à la commission des affaires économiques. Mais cela ne changerait pas grand-chose.

À défaut d’un retrait de cet amendement, j’émettrai un avis défavorable.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 324 rectifié bis, l’intégration de la dimension sociale dans la définition du développement durable me semble tout à fait judicieuse.

Cette définition repose en effet sur trois piliers : économique, environnemental et social. Cet amendement tend donc à proposer un très bon complément au texte du Gouvernement.

J’observe également que vous avez accepté, monsieur Courteau, la rectification proposée par M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, et par conséquent le maintien de la notion de compétitivité.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à votre amendement.

Mme la présidente. Monsieur Thani Mohamed Soilihi, l’amendement n° 853 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Thani Mohamed Soilihi. Non, madame la présidente, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 853 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 324 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)