5

Candidatures à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.

Cette liste a été publiée, et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

6

Candidature à un organisme extraparlementaire

Mme la présidente. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au comité de surveillance de la Caisse d’amortissement de la dette sociale.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Noël Cardoux.

Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

7

Dépôt d’un rapport

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport analysant les moyens de promouvoir le recours à des procédés électroniques permettant aux agents chargés de la délivrance des avis de paiement des forfaits de post-stationnement d’attester la présence d’un véhicule dans un espace de stationnement sur la voie publique à un moment donné.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des lois et à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

8

Communications du Conseil constitutionnel relatives à deux questions prioritaires de constitutionnalité

Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 11 février, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution :

– le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le 1° de l’article L. 612-7 du code de la sécurité intérieure (agrément des exploitants individuels et des dirigeants et gérants de personnes morales des activités privées de sécurité) (2015-463 QPC) ;

– la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme (infractions au régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions) (2015-464 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

9

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Article 1er (début)

Transition énergétique

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

Dans la suite de la discussion de l’article 1er, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 938.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er (suite)

Mme la présidente. L'amendement n° 938, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Remplacer le mot :

primaire

par le mot :

totale

La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Cet amendement tend à clarifier l'objectif de réduction du recours aux énergies fossiles, initialement défini en termes d’énergie finale, puis d’énergie primaire, en retenant la notion de consommation totale, qui recouvre à la fois, et sans risque de confusion, les consommations finales et les consommations intermédiaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Monsieur le rapporteur, j’ai envie de voter en faveur de votre amendement, mais j’aimerais que vous m’apportiez auparavant une précision.

S’agit-il de la consommation intérieure nationale ou du solde de la production totale ? Englobez-vous dans la notion de consommation totale l’exportation d’énergie vers un pays voisin ?

Ma question n’est pas tout à fait désintéressée, ni neutre. En effet, la France, pour une production d’électricité de l’ordre de 500 térawattheures par an, enregistre un solde positif d’exportation d’environ 50 térawattheures. Dans l’esprit du rapporteur et du Gouvernement, s’agit-il de limiter également le solde d’exportation d’énergie ?

M. Bruno Sido. Très bonne question !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Il s’agit bien sûr de la consommation nationale, point !

M. Gérard Longuet. On peut donc vendre ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. Gérard Longuet. Parfait ! Je vote pour cet amendement !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 938.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 585 rectifié, présenté par Mme Lamure, M. Calvet, Mme Di Folco, MM. César, P. Leroy, Magras et Houel et Mme Primas, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° Porter la part des énergies renouvelables thermiques et hydro-électriques de 14 % actuellement à 20 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 27 % de cette consommation en 2030 grâce au développement volontariste des énergies renouvelables thermiques ;

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Tout en suivant les recommandations de l’Union européenne, nous proposons ici de fixer des objectifs plus réalistes, en portant la part des énergies renouvelables thermiques et hydrauliques dans la consommation finale à 20 % au lieu de 23 % en 2020 et à 27 % au lieu de 32 % en 2030.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Je suis un peu gêné par cet amendement, car il ne vise que les énergies thermiques et hydrauliques. Or les objectifs cités pourraient concerner également d’autres énergies renouvelables. Je crains qu’il n’y ait une confusion : peut-être Mme la ministre pourra-t-elle m’éclairer sur ce point ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Lamure. Je n’ai pas obtenu de M. le rapporteur ni de Mme la ministre les explications que j’attendais… Je le répète, il s’agit d’être un peu plus réalistes, tout en suivant les recommandations formulées par l’Union européenne en la matière.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Justement, je suis embarrassé parce que je n’ai pas retrouvé dans les recommandations de l’Union européenne l’objectif chiffré de 27 % figurant dans l’amendement.

C'est la raison pour laquelle la commission a, en somme, préféré se simplifier la tâche en conservant les objectifs du texte initial, qui concernent toutes les énergies renouvelables, en les déclinant par grands secteurs et en y adjoignant un objectif de porter à 10 % la part de ces énergies dans la consommation de gaz en 2030.

Mme Élisabeth Lamure. Je souscris à l’analyse du rapporteur et je retire mon amendement, madame la présidente.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Merci, ma chère collègue !

Mme la présidente. L'amendement n° 585 rectifié est retiré.

Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 309 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte tend à fixer comme objectif de la politique énergétique française, outre le nécessaire développement des énergies renouvelables, auquel nous sommes favorables, la réduction à 50 % de la part de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique français, d'ici à 2025. Cela se traduirait par la fermeture de plusieurs centrales nucléaires, ce qui apparaît totalement irréaliste.

La filière nucléaire, qui représente l’un des fleurons de l’industrie française et un gisement non négligeable d’emplois, garantit l'indépendance énergétique de la France et contribue à assurer la sécurité de notre approvisionnement en énergie, objectif visé à l’alinéa 5 de l’article 1er du projet de loi.

Par ailleurs, quoi qu’on en dise, l’électricité d’origine nucléaire demeure compétitive par rapport à celle qui est produite à partir des énergies renouvelables, grâce à un parc de centrales nucléaires largement amorti. Or le prix de l’énergie est un élément d’autant plus crucial que la facture énergétique de la France s’élève à 70 milliards d’euros par an environ. L’énergie nucléaire permet ainsi de produire de l’électricité à des prix relativement bas, ce qui constitue un atout majeur à la fois pour lutter contre la précarité énergétique et pour préserver la compétitivité de nos entreprises.

Enfin, l’énergie nucléaire présente comme avantage non négligeable d’être décarbonée, ce qui permet à la France de respecter ses engagements en matière de pollution atmosphérique.

Aussi, plutôt que d’envisager de réduire la part du nucléaire, conviendrait-il d'encourager l'innovation dans cette filière, en vue de développer des systèmes de nouvelle génération permettant une meilleure utilisation des ressources en uranium et le respect des objectifs en matière de sûreté nucléaire et de développement durable, grâce à une meilleure gestion des déchets à durée de vie longue.

M. Gérard Longuet. Très bien !

Mme la présidente. L'amendement n° 586 rectifié, présenté par Mmes Lamure et Di Folco, MM. Calvet, Houel, Magras, P. Leroy et César et Mme Primas, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 5° Réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon de la fin du siècle en introduisant des énergies renouvelables électriques couplées à des moyens de stockage direct au fur et à mesure de leur maturité́ technologique et économique ;

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement vise, comme le texte du projet de loi, à réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 %, mais à l’horizon de la fin du siècle.

Nous suivons en cela les recommandations de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, lequel a estimé qu’il fallait rééquilibrer la production d’électricité́ en ramenant la place du nucléaire dans le mix à 50 % d’ici à la fin du siècle, par le biais du recours à des énergies renouvelables électriques couplées à des moyens de stockage direct, à mesure qu’elles atteindront leur maturité technologique et économique.

Mme la présidente. L'amendement n° 717, présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 5° Réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à l'horizon 2025 ;

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. J’ai déposé un autre amendement, que nous examinerons tout à l’heure, visant à introduire de la souplesse en matière de choix énergétiques pour les îles de moins de 2 000 habitants non reliées aux réseaux de distribution d’électricité, notamment l’île de Sein. Je me demande s’il ne faudrait pas en étendre le champ au pays entier…

En effet, ce débat montre que certains semblent considérer que la France se situe en dehors du monde. Or, aujourd'hui, le monde développe à marche forcée le recours aux énergies renouvelables. Comme je l’ai indiqué hier soir, selon l’Agence internationale de l’énergie, 1 200 milliards d’investissements seront consacrés d’ici à 2020 aux énergies renouvelables, contre tout au plus 120 milliards au nucléaire.

Si la France ne bâtit pas une industrie extrêmement forte dans le domaine des énergies renouvelables, elle sera marginalisée et les dizaines de milliers d’emplois devant être créés dans ce secteur le seront ailleurs. Du reste, c’est bien ce qui est en train de se passer, à la suite des décisions totalement irresponsables prises sous le gouvernement Sarkozy : la remise en cause du cadre économique du photovoltaïque a entraîné la perte de dizaines de milliers d’emplois. (M. Gérard Longuet s’exclame.) Cette filière clé à l’échelle mondiale a été sacrifiée par pur dogmatisme !

M. Ronan Dantec. Aujourd'hui, il s’agit donc de sortir du dogmatisme, en affirmant que la France doit développer une industrie forte dans le domaine des énergies renouvelables.

L’échéance de 2025 pour réduire la part du nucléaire à 50 % n’a pas été choisie au hasard : les deux tiers des réacteurs nucléaires français dépasseront l’âge de quarante ans entre 2020 et 2025. Il s’agit donc de prolonger a priori de vingt ans la durée de vie d’une tranche nucléaire sur deux, pour un coût unitaire de plus de 1 milliard d’euros ! On n’aura de toute façon pas les moyens de prolonger la durée de vie de tous les réacteurs, sachant qu’en outre certains d’entre eux sont dangereux.

Je m’attends à ce que l’on nous oppose des arguments dogmatiques (M. Roger Karoutchi rit.), mais notre proposition est tout à fait raisonnable.

M. Jean-François Husson. Et vous, vous ne faites pas de dogmatisme ?

M. Ronan Dantec. Elle correspond à la démarche d’intégration européenne, à l’intérêt économique de la France et à la vétusté des centrales nucléaires françaises. Proposer de réduire la part du nucléaire à 50 % en 2025 est tout simplement rationnel !

Mme la présidente. L'amendement n° 621 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno, Billon et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Après les mots :

dans la production d'électricité

insérer les mots :

, à mesure de l'amélioration des performances économiques et techniques des énergies renouvelables,

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Notre amendement ne porte pas sur l’échéance à laquelle il serait souhaitable de réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité, ne serait-ce que parce que ce sujet fait débat au sein de notre groupe. Du reste, nous avions retenu la date de 2040 dans la proposition de résolution que nous avions déposée en juin 2014.

Nous proposons de préciser que la baisse de la part du nucléaire devra bien évidemment être proportionnelle à l’augmentation de celle des énergies renouvelables,…

M. Didier Guillaume. Évidemment !

Mme Chantal Jouanno. … dans une logique de complémentarité entre deux formes d’énergie décarbonée. Il ne s’agit pas d’imiter l’Allemagne, souvent citée comme un contre-modèle, où le développement des énergies renouvelables s’accompagnerait de celui du recours aux énergies fossiles.

Mme la présidente. L'amendement n° 893, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 28

1° Remplacer les mots :

sous réserve de préserver

par les mots :

à 50 % à l’horizon 2025, en accompagnement de la montée en puissance des énergies renouvelables et tout en préservant

2° Remplacer les mots :

de maintenir

par les mots :

en maintenant

3° Remplacer les mots :

de ne pas

par le mot :

sans

4° Remplacer les mots :

de cette production, cette

par le mot :

. Cette

5° Remplacer les mots :

intervenant à mesure

par les mots :

tient compte

6° Remplacer les mots :

ou à la demande

par les mots :

et des demandes

7° Supprimer les mots :

, et en visant à terme un objectif de réduction de cette part à 50 %

La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous abordons là un point tout à fait sensible du débat.

Cet amendement tend à rétablir l’objectif de faire passer la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025.

Il convient de construire ensemble un nouveau modèle énergétique tout en permettant à nos entreprises de gagner des parts de marchés à l’international. Plus la représentation nationale enverra des signaux clairs à celles-ci, plus elles auront confiance dans l’avenir et pourront investir, en calculant le retour sur investissement, les durées d’amortissement.

Dans cet esprit, le Gouvernement fait siens l’ensemble des critères qui ont été élaborés et adoptés par la commission des affaires économiques. En particulier, il reprend à son compte les positions qu’elle a arrêtées en ce qui concerne les modalités d’accompagnement de la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité et, surtout, les conditions entourant cette réduction.

Plus précisément, la commission des affaires économiques s’est accordée sur quatre principes, que je ne propose donc pas de modifier.

En premier lieu, elle a mis l’accent sur l’accompagnement de la montée en puissance des énergies renouvelables. Il s’agit à l’évidence d’un enjeu majeur, puisque c’est bien cette montée en puissance qui permettra un rééquilibrage de notre mix énergétique. Je vais tâcher de vous expliquer comment ce rééquilibrage nous rendra plus forts économiquement.

En deuxième lieu, la commission des affaires économiques a fixé le critère de l’indépendance énergétique de la France, qui est en effet déterminant.

En troisième lieu, elle a inscrit dans le texte la nécessité de maintenir un prix de l’électricité compétitif. Il n’est évidemment pas question de remplacer une énergie compétitive par une autre beaucoup plus chère. Au cours des prochaines années, les coûts de production des énergies renouvelables baisseront, grâce à une amélioration de la performance.

En quatrième lieu, la commission des affaires économiques a précisé que les mesures prises ne devraient pas conduire à une hausse des émissions de gaz à effet de serre, comme c’est le cas en Allemagne, où la fermeture des centrales nucléaires a amené à rouvrir des mines de charbon et de lignite.

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce n’est évidemment pas notre modèle en matière d’énergie.

M. Bruno Sido. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ces principes posés, il est important de fixer un cap clair – celui que nous proposons est ambitieux, je le reconnais – en matière de mix énergétique, car nos grandes entreprises du secteur ont besoin de disposer d’une bonne visibilité pour prendre leurs décisions économiques et financières, notamment en matière d’investissements. Cela est crucial, en particulier, pour notre filière nucléaire.

Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, nous disposons, avec EDF, Areva et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, d’une magnifique filière industrielle. Nos entreprises elles-mêmes demandent que nous leur adressions des signes clairs, sous la forme d’échéances et d’objectifs chiffrés, afin qu’elles puissent prendre des décisions d’investissement stables et durables. Elles pourront ainsi prendre position sur le champ industriel et le marché mondial des énergies renouvelables, qui leur ouvrent des perspectives considérables.

D’ailleurs, nos entreprises investissent déjà de plus en plus les marchés des énergies renouvelables : ainsi, EDF vient de remporter un marché pour la construction d’une centrale photovoltaïque en Chine, après avoir construit celle du stade du Maracaña, au Brésil, où s’est déroulée la finale de la dernière Coupe du monde de football. Or elles pourront d’autant mieux vendre leurs technologies nucléaires qu’elles seront en mesure d’offrir tout un éventail de sources de production d’énergie aux grandes nations du monde qui engagent de puissants changements en matière de mix énergétique.

M. Marc Daunis. Exactement !

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous souhaitons aider nos entreprises à devenir des champions mondiaux dans le domaine énergétique. Seulement, pour y parvenir, il faut aussi qu’elles se présentent sur les marchés internationaux en équipe, au lieu de s’affronter comme c’est le cas aujourd’hui. Lorsque je dois arbitrer, pour la construction de parcs éoliens offshore, entre une offre présentée par EDF et GDF et une autre soumise par Areva et Alstom, je suis tout de même embarrassée ! Si nos entreprises, au lieu de se faire concurrence, unissaient leurs forces, leurs énergies – au propre comme au figuré – et leurs capacités de recherche, elles seraient beaucoup plus compétitives sur les marchés mondiaux.

Souvenons-nous, à cet égard, que nous avons perdu un certain nombre de marchés dans le domaine du nucléaire : ainsi, ce sont les Coréens qui construiront les centrales d’Abou Dabi. Aujourd’hui, les États-Unis sont en train de prendre position en Inde. Lors du récent sommet mondial sur le climat, auquel j’ai participé, le nouveau Premier ministre indien a pris des engagements forts dans le domaine énergétique, annonçant en particulier une multiplication par six de la production d’énergie nucléaire et l’installation d’une capacité de production d’électricité d’origine photovoltaïque de 100 gigawatts, ainsi que la mise en place de cent villes « intelligentes », c’est-à-dire autonomes en énergie. Les entreprises françaises peuvent conquérir dans ce pays des marchés considérables, à condition que leur offre soit forte pour l’ensemble des énergies. Nous sommes le seul pays capable d’offrir un véritable mix énergétique, grâce à des entreprises actives à la fois dans le domaine du nucléaire et dans celui des énergies renouvelables. Nous devons donc encourager nos entreprises à profiter de la transition énergétique, et certainement pas prétendre que rien ne doit bouger et que le modèle français restera le tout-nucléaire, parce qu’une telle attitude se retournerait contre nos entreprises. (M. Roland Courteau acquiesce.)

M. Ronan Dantec. Et voilà !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je respecte pleinement l’opinion de M. Longuet, d’autant qu’il l’exprime avec respect, ce qui n’est pas le cas de tout le monde dans cette assemblée. (Murmures sur les travées de l’UMP.) Je sais, monsieur le sénateur, que vous pensez de bonne foi défendre la place et la réputation de nos entreprises du secteur nucléaire.

Il me semble toutefois que l’on peut aussi défendre ces entreprises en les encourageant à développer une forte maîtrise de l’ensemble des technologies, qu’il s’agisse du nucléaire, des énergies renouvelables ou de la performance énergétique. En effet, les grandes nations du monde font aujourd’hui appel à toutes les technologies pour engager leur mutation énergétique, qui s’opère à une vitesse d’autant plus accélérée que, à l’approche de la conférence de Paris sur le climat, tous les pays du monde doivent présenter à l’Organisation des Nations unies une feuille de route en matière de transition énergétique.

Je pense donc que, au regard de la compétition industrielle intense qui va s’instaurer au niveau mondial, le meilleur service à rendre à nos grandes entreprises énergéticiennes est de nous montrer extrêmement clairs, offensifs et ambitieux en ce qui concerne les perspectives de rééquilibrage de notre mix énergétique.

Dans tous ses travaux, fondés en particulier sur les auditions de très nombreux représentants de ces entreprises, la commission des affaires économiques a eu le souci de se montrer à la fois crédible et cohérente dans la définition des critères entourant la réduction de 75 % à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité, de sorte que cette évolution ne constitue pas une remise en cause de la filière nucléaire, mais lui donne au contraire la visibilité nécessaire, grâce à la fixation d’un objectif clair, pour réaliser, dans les nouvelles technologies des énergies renouvelables, des investissements rentables et amortissables selon un délai raisonnable. Si la représentation nationale ne fixe pas d’échéance claire, il sera très difficile à nos entreprises d’arrêter des stratégies d’investissement et d’amortissement, des stratégies industrielles et des stratégies de conquête de marchés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons à la fois accompagner la mutation énergétique, la garantir et l’assortir de conditions, dont les quatre que la commission des affaires économiques a énoncées et que j’ai rappelées il y a quelques instants, tout en faisant preuve de clarté en matière d’horizon et de perspectives. Je comprends que l’échéance de 2025 puisse sembler trop rapprochée à certains, mais le texte prévoit, au travers de la programmation pluriannuelle de l’énergie, la révision des objectifs au fur et à mesure de la montée en puissance des énergies renouvelables.

M. Roland Courteau. Bien sûr !

Mme Ségolène Royal, ministre. Si nous mettons des freins ou semblons douter de nos entreprises, celles-ci à leur tour douteront de leur capacité à s’investir dans la mise en œuvre du nouveau mix énergétique, à maîtriser de nouvelles technologies et à développer l’offre industrielle et de services attendue par l’ensemble des pays du monde. Si, au contraire, nous sommes clairs et cohérents sur les objectifs, elles seront plus fortes au niveau mondial.

Il est tout de même hautement significatif que le récent Forum mondial des énergies renouvelables se soit tenu à Abou Dabi ! Allons-nous rester figés sur le modèle énergétique d’hier, alors que les pays producteurs de pétrole préparent l’après-pétrole ? C’est en anticipant la transition énergétique de façon raisonnable et maîtrisée, mais volontariste, en faisant confiance à nos grandes entreprises industrielles qui, quoique bien placées, voient aujourd’hui leur échapper de grands marchés mondiaux, que nous créerons le plus d’emplois et de plus-value industrielle dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. L'amendement n° 622 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Billon, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Supprimer les mots :

, cette réduction intervenant à mesure des décisions de mise à l'arrêt définitif des installations prises en application de l'article L. 593-23 du code de l'environnement ou à la demande de l'exploitant, et

La parole est à Mme Chantal Jouanno.