Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Je ne voterai pas ces amendements identiques : je préfère que les vaches soient élevées dans la nature et nourries à l’herbe, plutôt qu’elles soient élevées dans des parcs à engraissement et dans la boue, comme aux États-Unis, où elles sont tellement sales qu’il faut les nettoyer au karcher ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Voilà, c’est ce qu’ils veulent !

M. Jean-Claude Requier. Mes chers collègues, pardonnez mon langage un peu cru, mais il faut laisser les vaches de France péter en liberté ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Il y aura des élections dans quelques semaines, et d’autres un peu plus tard en fin d’année.

Mme Annie David. Et dans deux jours, ce sera le salon de l’agriculture !

M. Charles Revet. En Normandie, où nous avons connu des inondations extrêmement graves, qui ont fait des morts et ont eu des conséquences économiques considérables, je m’évertue à dire qu’il faut replanter de la prairie dans les vallées et, bien sûr, élever des vaches – sinon, qui mangera l’herbe ?

Si ces amendements identiques étaient adoptés, comment expliquerais-je tout cela aux agriculteurs ? Chers collègues, d’un côté vous prônez la recréation de prairies, notamment pour protéger des inondations, et, de l’autre, vous voulez mesurer le méthane rejeté par les vaches. Comment pouvez-vous concilier les deux ?

Soyons sérieux, cela ne fait pas honneur à notre appellation d’assemblée de sages ! Nous avons mieux à faire, car les problèmes sont graves, y compris dans le secteur agricole, que de perdre notre temps avec des amendements de ce type ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Tout d'abord, je ne fais pas partie des Parisiens, même si j’ai beaucoup de respect pour eux, comme pour l’ensemble de nos concitoyens d'ailleurs !

Je souhaite réagir à l’intervention de notre collègue Charles Revet. Effectivement, il est important de replanter de la prairie permanente, qui est un extraordinaire puits à carbone et à gaz à effet de serre. Je suis donc tout à fait d’accord : pour éviter ce type de problème, laissons les vaches manger de l’herbe et des produits fourragers !

Notre propos n’est pas de stigmatiser l’élevage. Nous souhaitons simplement que le méthane entérique puisse également être comptabilisé, car l’idée est de prendre en compte l’ensemble des gaz produits, quitte à moduler les efforts selon les secteurs. Madame la ministre, je regrette que vous ayez retiré votre amendement, car ses dispositions étaient le bon compromis.

Il n’est pas opportun ici de se disputer pour savoir qui est plus vert que vert, qui est urbain ou qui est bobo ! Effectivement, il est plus important, cher collègue, de trouver des solutions aux problèmes nationaux, en particulier agricoles. Toutefois, en défendant ces amendements, nous soutenons le monde agricole, les prairies permanentes et l’exploitation fourragère ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je soutiens le propos de notre rapporteur, et cela pour trois raisons.

Tout d'abord, je le dis gentiment à notre collègue vétérinaire, l’INRA n’a pas attendu les débats d’aujourd'hui sur la transition énergétique pour travailler sur ce sujet !

M. Jean Desessard. Eh voilà !

M. Ronan Dantec. C’est exactement ce que j’ai dit !

M. Daniel Gremillet. Raison de plus !

Je ne peux pour ma part que m’opposer à votre amendement et rejoindre le rapporteur dans son propos.

Ce n’est pas parce que vous maniez la peur que, pour autant, la raison n’importe pas. Et la raison, c’est précisément l’existence d’une réflexion stratégique qui nous amène à tirer deux enseignements.

Le premier, contrairement à ce que vous affirmez, c’est qu’en adoptant votre amendement on irait encore plus loin dans l’intensification de l’élevage. On s’est en effet rendu compte que plus la vache produit moins l’impact en termes de gaz à effet de serre est important.

Le second élément est quelque peu terrible vis-à-vis de la profession et de nos territoires. On parle de la biodiversité, de la richesse de nos territoires, de l’économie. Alors que Fonterra vient d’investir aux Pays-Bas afin de garantir l’approvisionnement en lait des enfants dans un certain nombre de régions du monde, nous allons, nous, rester spectateurs (M. Ronan Dantec s’exclame.), ne pas participer à cette capacité de capter des richesses économiques au travers de nos territoires.

Et le vrai problème, c’est que l’on n’a pas le courage de parler de l’écobilan. L’écobilan, c’est parler aussi des prairies, qui sont de véritables réservoirs d’eau.

M. Ronan Dantec. C’est ce que nous venons de dire !

M. Daniel Gremillet. Oui, mais si l’on veut que cela fonctionne, il faut que l’herbe soit coupée. C’est pareil pour la forêt : les arbres âgés sont malheureusement moins bons pour la planète que les jeunes plantes qui ont une bonne croissance. Si l’herbe n’est pas pâturée, n’est pas coupée, l’impact pour la planète n’est pas aussi bénéfique.

Je terminerai mon propos en disant que, non seulement les vaches doivent avoir la liberté de péter, mais, au-delà, c’est un élément essentiel pour le bien-être animal ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien ! Nous sommes pour le bien-être animal !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Le Sénat est réputé pour son bon sens paysan ; n’oublions pas que nous représentons les territoires et que l’Assemblée nationale a vocation à représenter l’ensemble de la population. (M. Jean Desessard s’exclame.) Nous qui sommes des hommes du terroir et qui connaissons donc bien le monde paysan, j’image assez difficilement que nous puissions adopter une disposition comme celle qui résulterait de l’adoption de ces amendements.

J’ajouterai – et je pense que c’est ce qui manque à un grand nombre de textes de loi – qu’on ne peut pas afficher une telle disposition sans en mesurer l’impact économique. Mme la ministre elle-même l’a reconnu en disant que nous devions laisser la recherche se poursuivre dans ce domaine. Sans doute une nouvelle alimentation pourra-t-elle être offerte aux ruminants, mais encore faut-il qu’elle soit « soutenable » économiquement – puisque c’est le terme qui est utilisé dans l’article 48 – pour l’ensemble de la profession agricole.

Cela m’amène à ma dernière remarque. Quel est le caractère normatif du terme « soutenable » ? Je ne crois pas qu’un terme de cette nature ait sa place dans un texte de loi normatif.

M. Alain Vasselle. C’est donc une raison supplémentaire qui justifie que les amendements proposés ne puissent pas être adoptés en l’état.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Je ne pensais pas intervenir, car je ne suis pas ingénieur agronome et je ne connais pas ce problème. Mais en écoutant Mme la ministre et M. Dantec, j’ai tout de même été surpris d’apprendre qu’on allait faire évoluer la nourriture des ruminants. C’est certainement possible dans un certain nombre de domaines.

J’habite en Franche-Comté, région qui produit un excellent fromage : le comté. Au regard des contraintes qui s’imposent en matière d’alimentation des vaches, je ne vois pas comment on va pouvoir faire évoluer leur nourriture en se conformant au règlement de production de ce fromage. Cela concerne beaucoup de productions AOC en France, ce pays de fromages que louait le général de Gaulle.

M. Vasselle vient de dire que l’on peut faire évoluer la nourriture du bétail. Je ne sais pas comment, chez moi, en se conformant à la réglementation AOC du comté, on va pouvoir faire évoluer la nourriture des vaches. L’ensilage est interdit, l’herbe est pâturée à des périodes bien précises. On parle de recherche, mais, dans ce domaine, cela me paraît difficile.

Enfin, si l’on veut véritablement mettre en place des pièges à carbone, ce n’est pas de la prairie qu’il faut faire ; il faut replanter des forêts. La forêt capte beaucoup plus de carbone que la prairie. Donc, recouvrons notre pays de forêts,…

M. Christian Cambon. Comme au Moyen Âge !

M. Gilbert Barbier. … comme c’était peut-être le cas au début du Moyen Âge ! (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Mme Chantal Jouanno. Je crains que le débat ne dérape un peu…

M. Roland Courteau. Il a déjà dérapé !

Mme Chantal Jouanno. ... – on le verra à la lecture du Journal officiel – et je pense qu’il n’est pas utile de s’agresser mutuellement sur ce sujet.

L’objet de ces amendements, en tout cas du mien, est simplement de dire qu’on est dans un projet de loi de transition énergétique qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans un pays. Donc, l’enjeu premier pour notre pays, c’est de savoir précisément ce qu’il émet comme gaz à effet de serre et, très logiquement, de tout comptabiliser.

Ensuite, très logiquement aussi, il y a des secteurs pour lesquels on n’est pas obligé de demander une atténuation. Il serait même plus cohérent, dans un bilan carbone global du pays, de prévoir de développer l’élevage en interne plutôt que d’importer puisque le contenu carbone des importations des produits carnés, de la viande ou autres est nettement supérieur au contenu carbone de nos propres produits.

Pour autant, il est difficile d’exclure complètement la comptabilisation de ces émissions de gaz à effet de serre. Donc, on ne préempte pas le débat sur l’atténuation. Je dis cela d’autant plus que, dans les comptabilisations, on va inclure l’industrie. Si on tient le même raisonnement sur l’industrie, cela veut dire qu’on sous-entend que, par la désindustrialisation, on va faire baisser nos émissions de gaz à effet de serre.

C’est pour cela d’ailleurs, madame la ministre, que je reviens sur ce que je disais à l’origine : comptabiliser purement et simplement les productions de gaz à effet de serre d’un pays conduit effectivement peut-être parfois à prendre de mauvaises décisions et à constater, comme ce fut le cas en France depuis 1990, que c’est la désindustrialisation qui a été l’une des premières sources de la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Voilà quelques jours, j’ai été appelé à une réunion de jeunes agriculteurs dans une ferme de la Corrèze. Ils m’ont expliqué qu’ils avaient des problèmes de toutes sortes avec la PAC et qu’ils rencontraient des difficultés économiques en fin de mois. Ils souhaitaient notamment, dans cette région qui est boisée à plus de 50 %, demander au ministre de l’agriculture de baisser les pénalisations sur les défrichages parce qu’ils voulaient augmenter leur surface d’herbe.

Si les agriculteurs me voient revenir en Corrèze après l’adoption d’amendements aussi absurdes, c’est avec des fourches qu’ils me recevront, et ils auront raison ! (Mme Vivette Lopez applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. À l’issue de cette discussion, sans vouloir prolonger ce débat, je voudrais néanmoins répondre à la question qui m’a été posée tout à l’heure de savoir si l’engagement de retrait par le Gouvernement de son amendement n° 956 était définitif ou non.

Vous me connaissez, monsieur Mézard, j’assume mes responsabilités, je prends les décisions, j’écoute les débats. Étant élue, comme vous le savez, d’une région laitière, le Poitou-Charentes, je suis consciente aussi des mesures de bon sens qu’il faut prendre et, bien évidemment, le retrait de cet amendement est, pour ce qui me concerne, définitif.

Je m’en suis remise à la sagesse du Sénat sur ces amendements, car je respecte les opinions diverses qui s’expriment et qu’il ne convient d’ailleurs pas de caricaturer. Ce problème existe, mais il y a selon moi d’autres manières de le régler qu’en stigmatisant les agriculteurs, surtout en ce moment, je le dis très amicalement à nos amis d’Europe Écologie Les Verts.

Il existe une approche quelque peu théorique d’inventaire, mais, de l’inventaire à la taxation, on fait tout de suite le transfert. Par conséquent, il est évident que, si ce problème est évoqué, immédiatement, les éleveurs, qui ont quand même d’autres soucis plus importants en ce moment, vont penser qu’ils sont stigmatisés.

M. Christian Cambon. Évidemment !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ils vont immédiatement se demander, puisqu’un jour ou l’autre il y aura un prix du carbone, quelles seront les implications de la reconnaissance dans la loi d’émissions de méthane.

J’ajoute qu’il y a d’autres urgences. On a vu, lors du débat sur les méthaniseurs, la difficulté de construire de telles installations aujourd'hui en France. Je préfère que l’on utilise notre énergie à débloquer le mécanisme des méthaniseurs,…

M. Jacques Mézard. Bien sûr !

Mme Ségolène Royal, ministre. … c’est-à-dire réduire le méthane qui est issu des lisiers non traités, des fosses à purin, etc.,…

M. Christian Cambon. Bien sûr ! C’est le bon sens !

Mme Ségolène Royal, ministre. … qui apportent en plus de l’énergie, des économies, du pouvoir d’achat aux agriculteurs, plutôt que de s’occuper de l’alimentation produisant du méthane.

En effet, le problème est marginal par rapport au volume de méthane diffusé par ailleurs, notamment par les effluents non traités pour lesquels il existe aujourd'hui des solutions. Je mets donc un point d’honneur à ce que l’on puisse identifier les raisons pour lesquelles il est plus facile en Allemagne qu’en France de faire des méthaniseurs. Il y a là un vrai problème, que nous rencontrons tous sur nos territoires. Or ce sujet-là est du gagnant-gagnant – et il faut faire du gagnant-gagnant dans l’écologie – parce qu’on a à la fois des solutions techniques pour régler les problèmes de pollution et des ressources en termes d’énergie renouvelable fabriquée qui retournent aux éleveurs. C’est donc cette démarche qu’il faut encourager.

Par ailleurs, ainsi que l’INRA l’a montré, lorsque l’on replante des haies, par exemple, autour des herbages, on favorise la capture du carbone.

M. Jean Desessard. Vous avez vu où cela se fait !

Mme Ségolène Royal, ministre. Donc, c’est aussi une solution pour régler une partie des émanations de méthane.

Voilà la raison pour laquelle j’ai retiré l’amendement n° 956 et je m’en remets sur les amendements nos 683 rectifié et 767 à la sagesse de la Haute Assemblée, mais j’ai bien compris dans quel sens irait cette sagesse !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 683 rectifié et 767.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 956, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

Remplacer les mots :

, à l’exclusion des émissions de méthane entérique naturellement produites par l’élevage de ruminants,

par les mots :

, en tenant compte du faible potentiel d'atténuation de certains secteurs, notamment des émissions entériques de méthane produites par l’élevage de ruminants, et ce

Cet amendement a été retiré

L'amendement n° 424 rectifié, présenté par MM. César, P. Leroy, Cornu, Vaspart, B. Fournier, Emorine, Raison et G. Bailly et Mme Primas, est ainsi libellé :

Alinéa 8, première phrase

Supprimer les mots :

, ainsi que par catégories de gaz à effet de serre

La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Chère collègue, votre amendement est partiellement satisfait par l’amendement que nous avons adopté en commission et qui prévoit que cette catégorisation, utile dans certains cas, mais qui risquerait dans d’autres de complexifier de façon inutile la stratégie bas-carbone, n’est réalisée que lorsque les enjeux le justifient.

Pour cette raison, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis : demande de retrait.

Mme la présidente. Madame Primas, l’amendement n° 424 rectifié est-il maintenu ?

Mme Sophie Primas. Nous en avions effectivement parlé en commission, et M. César l’avait retiré. Aussi, je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 424 rectifié est retiré.

L'amendement n° 949, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 8, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

lorsque les enjeux le justifient

La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. C’est justement l’amendement que j’évoquais il y a un instant.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 949.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 836, présenté par MM. Labbé, Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

et de l'évolution des capacités naturelles de stockage du carbone des sols

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. J’espère que cet amendement en faveur de l’agriculture va trouver un véritable soutien dans cette assemblée. Il s’agit de favoriser la prise en compte, au-delà de la spécificité du secteur agricole, de l’évolution des capacités naturelles de stockage du carbone des sols.

Cet amendement vise à introduire le suivi de l’évolution du puits à carbone que représentent les sols.

En cette année de conférence internationale sur le climat, il convient de rappeler que les sols jouent un rôle fondamental dans la captation du CO2 de l’atmosphère.

La variation de capacité de stockage des sols, en positif comme en négatif, aura un impact considérable sur le dioxyde de carbone atmosphérique. Améliorer, même légèrement, la capacité de stockage des sols permettrait de compenser l’empreinte carbone de notre pays.

Selon Dominique Arrouays, qui est ingénieur de recherche à l’INRA, président de l’Association française pour l’étude du sol et membre du groupe technique intergouvernemental sur les sols de la FAO, « il suffirait d’une augmentation relative de 0,4 % des stocks de carbone des sols au niveau mondial pour compenser l’ensemble des émissions de la planète ». Nous ne pouvons nous passer de ce levier considérable, d’autant que nous connaissons les techniques agro-écologiques permettant de restaurer les sols vivants, afin qu’ils retrouvent et améliorent leur capacité de stockage de carbone atmosphérique sous forme organique de manière durable.

C’est par des pratiques favorisant le maintien et l’amélioration de la vie du sol qu’il sera possible demain de produire plus, mieux, avec moins d’intrants, en respectant les équilibres qui font la richesse et la biodiversité des sols.

Si l’on creuse un peu la question, on apprend que les sols portent 25 % de la biodiversité mondiale. Un sol bien vivant, riche en matières organiques, terreau naturel de la fertilité permettant d’assurer sa capacité nourricière – laquelle est irremplaçable –, apporte, par son immense capacité à stocker le carbone, une part importante des réponses aux désordres climatiques, pour peu qu’on le respecte. (M. Jean Desessard applaudit.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Cet amendement vise à préciser que la stratégie bas-carbone tient compte de l’évolution des puits de carbone que représentent les sols. Cette dimension est effectivement importante, car les sols permettent de stocker, comme cela a été précisé par les auteurs de l’amendement, des quantités considérables de carbone.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. L’avis est également favorable. Même si le texte ne le mentionne pas explicitement, notre intention est bien de tenir compte des enjeux liés aux variations de stocks de carbone des sols. L’amendement vise à apporter cette précision.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je n’ai pas d’objection de fond à opposer à cet amendement, mais il faudra tout de même que l’on nous explique concrètement, techniquement, quelles solutions permettent de préserver les sols.

M. Charles Revet. Bien sûr !

M. Alain Vasselle. Il ne suffit pas de faire des belles déclarations pour recueillir l’assentiment de ceux qui sont sensibles à la protection de notre environnement et aux actions en matière d’écologie, il faut aussi être concret.

Or je considère que cet amendement est purement déclaratif. On sait que, par le phénomène naturel de la photosynthèse, les plantes absorbent le CO2. Monsieur Labbé, vous qui voulez supprimer les prairies pour empêcher les vaches de ruminer de l’herbe,…

M. Joël Labbé. C’est exactement l’inverse !

M. Alain Vasselle. … il faudra m’expliquer comment faire.

Comme le disait notre collègue du Jura, on va favoriser le développement des forêts et il n’y aura plus d’entretien de la nature.

Je le redis, c’est bien gentil de faire des déclarations de cette nature, mais il faudrait nous dire comment s’y prendre concrètement et quel sera l’impact économique pour la profession agricole. (M. Marc Daunis s’exclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Faire de l’élevage bovin laitier sur des prairies est tout à fait dans l’esprit de notre amendement. Monsieur Vasselle, nous n’allons pas passer la soirée à nous caricaturer !

On l’a dit, pour les bovins, l’élevage en prairie naturelle avec le puits de carbone de prairie est une bonne réponse. Si vous dites l’inverse, cela signifie que vous ne nous avez pas écoutés ! (M. Alain Vasselle s’exclame.)

Je tiens simplement à attirer l’attention sur le fait que, au travers de vos interventions en faveur de la prairie, que je partage sur le fond, vous tenez des propos extrêmement violents qui portent en fait contre ce qui fonde le projet même de la ferme des 1 000 vaches. Nous les transmettrons à qui de droit ! (M. Alain Vasselle rit.)

M. Jean Desessard. C'est le petit écolo dans la prairie !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 836.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 408 rectifié, présenté par M. César, Mme Des Esgaulx, M. Pintat et Mme Primas, est ainsi libellé :

Alinéa 10, deuxième phrase

Après les mots :

gaz à effet de serre

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

des exportations.

La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. Je sais que la commission n’est pas favorable à cet amendement, qui est d’une portée limitée.

Il est difficile de connaître le contenu en émissions de gaz à effet de serre de nos importations. Cette mention doit être supprimée dans l’alinéa 10.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. La commission est tout à fait d’accord avec l’objet de votre amendement : il est exact que l’évaluation du contenu carbone des importations est sujette à de fortes incertitudes.

Pour autant, les exclure a priori de la stratégie bas-carbone reviendrait à renoncer purement et simplement à tenter de les estimer et, partant, à agir sur ces émissions importées, alors que nous pourrions disposer de leviers d’action, au moins pour certaines importations.

Nous préférerions donc garder le texte en l’état. Aussi, je vous demande de retirer votre amendement, ma chère collègue.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Je suggère également le retrait de cet amendement. La base des budgets carbone, comme de nos engagements internationaux, ce sont les émissions territoriales, sur lesquelles nous avons le plus de leviers d’action et qui sont calculées selon la méthode dite « de l’inventaire ».

Toutefois, en complément, il n’est pas inutile d’avoir un regard sur les émissions liées aux importations, même si ces dernières sont effectivement sujettes à de très fortes incertitudes.

En effet, il est aussi possible d’agir pour réduire ces émissions importées. Ne fermons pas cette porte ! Maintenons à la fois l’analyse des émissions territoriales et celle des émissions liées aux importations.

Mme la présidente. Madame Primas, l'amendement n° 408 rectifié est-il maintenu ?

Mme Sophie Primas. Il me semble qu’il serait plus simple d’interdire les importations qui viennent de très loin !

Néanmoins, puisque cet amendement ne sera pas adopté, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 408 rectifié est retiré.

L'amendement n° 209 rectifié ter, présenté par MM. Pointereau, Mouiller, Guené et Lefèvre, Mme Cayeux, MM. Perrin et Raison, Mme Lamure, MM. B. Fournier et Trillard, Mme Troendlé, MM. Vogel, Bockel et Houel, Mme Gatel et MM. Cornu, Vaspart, Doligé, Dallier et Reichardt, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer les mots :

, selon des modalités fixées par voie réglementaire

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Je voudrais d’abord signaler à mes collègues écologistes que le méthane est aussi fabriqué par les marais, les zones humides. Ils sont très attachés aux zones humides, mais elles produisent beaucoup de méthane.

M. Joël Labbé. C’est vrai !

M. Rémy Pointereau. Cet amendement est de simplification. Si le lancement d’une stratégie bas-carbone apparaît comme une initiative pertinente, les modalités de mise en œuvre prévues à l’article 48 en ce qui concerne les collectivités territoriales sont contestables.

En droit positif, l’obligation de prendre en compte impose de « ne pas s’écarter des orientations fondamentales sauf, sous le contrôle du juge, pour un motif tiré de l’intérêt [de l’opération] et dans la mesure où cet intérêt le justifie ». Elle se suffit ainsi à elle-même sans qu’il soit besoin de prévoir la fixation de dispositions d’application réglementaires. Cette modalité ouvrirait la voie à la fixation de contraintes réglementaires potentiellement complexes et situant le niveau d’opposabilité de la stratégie bas-carbone au-delà de ce que permet la notion de prise en compte. Il serait ainsi porté atteinte au principe de libre administration des collectivités.

Compte tenu de cette difficulté, il apparaît souhaitable de supprimer le renvoi au domaine réglementaire à l’alinéa 11.