Sommaire

Présidence de Mme Jacqueline Gourault

Secrétaires :

M. Jean-Pierre Leleux, Mme Colette Mélot.

1. Procès-verbal

2. Remplacement d’un sénateur décédé

3. Prise d’effet de nominations à une commission mixte paritaire

4. Modification de l’ordre du jour

5. Débat sur les concessions autoroutières

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, au nom du groupe UMP

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, au nom de la commission du développement durable

M. Joël Labbé, Mme Évelyne Didier, MM. Alain Bertrand, David Rachline, Jean-Yves Roux, Albéric de Montgolfier, Pierre Médevielle, Éric Doligé, François Aubey, Michel Bouvard, Cyril Pellevat, Patrick Chaize

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

Suspension et reprise de la séance

6. Candidatures à deux commissions mixtes paritaires

7. Retrait d’une question orale

8. Débat sur la situation des maternités

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mmes Laurence Cohen, Françoise Laborde, M. Stéphane Ravier, Mmes Catherine Génisson, Aline Archimbaud

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

Mmes Élisabeth Doineau, Catherine Procaccia, Anne-Catherine Loisier, Corinne Imbert, MM. Didier Guillaume, Daniel Chasseing, Maurice Antiste, Alain Vasselle, Mme Nicole Duranton

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

9. Nomination de membres de deux commissions mixtes paritaires

10. Amélioration du régime de la commune nouvelle. – Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire

Discussion générale :

M. Michel Mercier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

M. Jean-Claude Requier

M. Mathieu Darnaud

M. Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Bosino

Mme Jacqueline Gourault

M. René Vandierendonck

Clôture de la discussion générale.

Texte de la commission mixte paritaire

Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Secrétaires :

M. Jean-Pierre Leleux,

Mme Colette Mélot.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Remplacement d’un sénateur décédé

Mme la présidente. Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l’intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat, que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, Mme Évelyne Yonnet est appelée à remplacer, en qualité de sénatrice de la Seine-Saint-Denis, M. Claude Dilain, décédé le mardi 3 mars 2015.

Son mandat a commencé aujourd’hui mercredi 4 mars 2015, à zéro heure.

Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite une cordiale bienvenue.

3

Prise d’effet de nominations à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 3 mars dernier prennent effet.

4

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement, en accord avec la commission des affaires européennes, a demandé d’avancer au mardi 10 mars, à 21 heures, le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 19 et 20 mars prochain, initialement inscrit à l’ordre du jour du mercredi 11 mars, à 21 heures.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

En conséquence, l’ordre du jour de la semaine sénatoriale du 10 mars 2015 s’établit comme suit :

Mardi 10 mars

À 9 heures 30 :

- Questions orales.

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

- Deuxième lecture de la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire ;

- Proposition de loi visant à modifier l’article 11 de la loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance.

À 21 heures :

- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 19 et 20 mars 2015.

Mercredi 11 mars

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

- Deuxième lecture de la proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement ;

- Proposition de loi sur la participation des élus locaux aux organes de direction des deux sociétés composant l’Agence France locale ;

- Suite de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant.

Jeudi 12 mars

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe CRC :

- Proposition de loi visant à supprimer les franchises médicales et participations forfaitaires ;

- Débat sur le thème : « Dix ans après le vote de la loi du 11 février 2005, bilan et perspectives pour les personnes en situation de handicap ».

De 15 heures à 15 heures 45 :

- Questions cribles thématiques sur les services à la personne.

De 16 heures à 20 heures :

Ordre du jour réservé au groupe UDI-UC :

- Suite de la proposition de loi tendant à interdire la prescription acquisitive des immeubles du domaine privé des collectivités territoriales et à autoriser l’échange en matière de voies rurales ;

- Débat sur l’avenir de l’industrie agroalimentaire.

5

Débat sur les concessions autoroutières

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur les concessions autoroutières, organisé à la demande du groupe UMP et de la commission du développement durable.

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, orateur du groupe auteur de la demande.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, au nom du groupe UMP. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, aux termes de l’article L. 122-4 du code de la voirie routière, « l’usage des autoroutes est en principe gratuit. » Telle est la règle générale. Celle-ci souffre toutefois d’exceptions, qui doivent permettre, notamment, de financer la construction, l’exploitation, l’entretien, l’aménagement ou l’extension du réseau autoroutier.

Or force est de constater que ces exceptions sont devenues la règle ! Si, du point de vue des usagers, nous pouvons le déplorer, nous devons néanmoins reconnaître que la France dispose sans doute de l’un des meilleurs réseaux autoroutiers du monde. Il suffit de voyager quelque peu en voiture dans l’Union européenne, sans même aller bien loin, pour constater que nous bénéficions d’un réseau qui est à la fois dense et parfaitement entretenu, ce qui est doublement remarquable.

Néanmoins, cette réussite a un coût : le prix de la qualité. Cette dernière est aujourd’hui entretenue par des sociétés privées sur la plus grande partie du réseau, soit 9 048 kilomètres d’autoroutes françaises sur les 11 882 kilomètres existants.

Cette situation est le résultat des privatisations de 2002, de 2004 et de 2006 : tout d’abord, celle des Autoroutes du Sud de la France, puis celle des Autoroutes du Nord et de l’Est et, enfin, celle des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône.

Parce que ces sociétés privées réalisent des bénéfices importants, un débat est né voilà un peu plus d’un an et demi. Je rappellerai le rapport publié par la Cour des comptes en juillet 2013 et la discussion au Sénat, en janvier et juin 2014, d’une proposition de loi du groupe CRC visant à nationaliser les sociétés concessionnaires d’autoroutes et à affecter les dividendes versés à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.

Depuis lors, la question des relations entre l’État et les sociétés concessionnaires est devenue prégnante, tout comme celle des tarifs des péages, et le débat s’est intensifié, pour ne pas dire envenimé, ce que le groupe UMP regrette.

En effet, si un sujet appelle la discussion, c’est celui du financement des infrastructures de transport. Et il mérite non pas la polémique ou la démagogie, mais le sérieux et la lucidité. Force est de constater que la polémique est née à un moment particulier, que d’aucuns pourraient qualifier d’opportun, c’est-à-dire lors de l’abandon de l’écotaxe.

Certes, l’Autorité de la concurrence, saisie par la commission des finances de l’Assemblée nationale en décembre 2013, a rendu son avis, le 17 septembre dernier, sur le secteur des autoroutes après la privatisation des sociétés concessionnaires. Parallèlement, sur l’initiative de sa commission du développement durable, l’Assemblée nationale a créé une mission d’information en mai 2014 sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport.

C’est dans le cadre de ce débat national que la commission du développement durable du Sénat s’est, elle aussi, emparée du sujet, avec la création, en octobre dernier, d’un groupe de travail sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Toutefois, les propos tout à fait stigmatisants tenus à l’encontre des sociétés d’autoroutes, en décembre dernier, par Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, qui invitait ces dernières à résilier leurs contrats de concession et à geler les tarifs des péages en 2015, ont volontairement mis de l’huile sur le feu, alors que l’écotaxe venait d’être définitivement abandonnée.

M. Charles Revet. Tout à fait !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce contre-feu a été allumé très opportunément, n’en doutons pas, pour détourner l’attention du fiasco de l’écotaxe, car ce débat mêle en réalité des questions qui sont afférentes à l’aménagement du territoire et d’autres qui ont trait aux infrastructures de transport.

Mes chers collègues, c’est la question du retard que nous accumulons dans la réalisation de nos projets d’infrastructures qui devrait en fait être au cœur du débat.

Je le rappelle, le groupe UMP était favorable à l’écotaxe, car celle-ci devait contribuer de manière importante au budget de l’AFITF. En effet, les sociétés concessionnaires d’autoroutes contribuent très largement au financement des infrastructures au travers des taxes dont elles s’acquittent : je pense à la redevance domaniale et à la taxe d’aménagement du territoire, qui sert par exemple à financer les transports ferroviaires déficitaires, mais aussi à l’impôt sur les bénéfices et à la TVA, dont les produits, monsieur le ministre, alimentent directement les caisses de l’État.

Sans ces sociétés et sans les frais de péage acquittés par les usagers, dont toutes les grandes infrastructures ont profité – les TGV, les canaux, etc. –, le réseau autoroutier ne serait pas ce qu’il est. Les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont donc abondé le budget de l’AFITF.

Il conviendrait par conséquent d’adopter un discours plus mesuré et plus équilibré. Certes, les conditions dans lesquelles les privatisations se sont opérées n’ont sans doute pas été parfaites et les contrats auraient pu être mieux négociés. Pour autant, l’idée de renationaliser les sociétés concessionnaires semble aujourd’hui irréaliste, tant le coût serait, dans le contexte que nous connaissons, trop important pour nos finances publiques : il se situerait entre 15 et 20 milliards d’euros. Et je n’évoque même pas les obstacles juridiques à surmonter.

En outre, la concession est une forme de partenariat public-privé qui répond très bien aux besoins de financement des infrastructures, notamment dans les pays confrontés à une crise des finances publiques, comme c’est le cas de la France.

Lors de l’inauguration, le 1er septembre dernier, dans mon département de la Gironde, du viaduc de la Dordogne, où passera la future ligne à grande vitesse « Sud Europe Atlantique », qui reliera Paris à Bordeaux en juillet 2017, M. le Premier ministre, Manuel Valls, aux côtés notamment du président du groupe Vinci, dont une filiale est l’une des plus importantes sociétés autoroutières, avait exprimé sa volonté de relancer les partenariats public-privé.

Cela dit, il est légitime est de se demander si le coût ne risque pas d’être trop élevé pour l’usager (Mme Évelyne Didier acquiesce.), la concession constituant une forme de partenariat public-privé dans laquelle l’utilisateur-payeur contribue au financement du développement des infrastructures.

En réalité, mes chers collègues, il s'agit d’un sujet très complexe, car le coût pour l’usager, matérialisé par le tarif aux péages, dépend largement de clauses contractuelles. Ce qui est certain, c’est que la privatisation n’a eu aucune conséquence sur ce point précis, contrairement à ce que j’entends ici ou là. Qui dit privatisation dit changement d’actionnaires, mais les clauses contractuelles, elles, demeurent inchangées ; en l’espèce, elles sont toujours en vigueur.

En effet, la hausse des tarifs des péages est prévue et anticipée dans les contrats passés avec l’État, dont les clauses et les règles, je le répète, sont restées les mêmes.

Sur le plan tarifaire, seule une renégociation des contrats est envisageable. Monsieur le ministre, c’est donc au Gouvernement de jouer son rôle et de conduire des négociations avec les sociétés concessionnaires, afin que, d’ores et déjà, nous trouvions, pour les années à venir, des solutions offrant de meilleures conditions pour l’État et pour les usagers.

La renégociation peut intervenir dans le cadre du prolongement des contrats de concession, notamment en contrepartie du plan de relance autoroutier qui doit être mis en œuvre ; j’y reviendrai. Néanmoins, que le plan de relance autoroutier, qui est un avenant au contrat liant l’État aux sociétés concessionnaires, ait été validé par Bruxelles en octobre dernier montre que la Commission européenne ne remet pas en cause les clauses contractuelles actuelles.

Il est d’ailleurs pour le moins curieux, et même paradoxal, de voir ce gouvernement demander à Bruxelles la validation du plan de relance et allumer à Paris le feu du débat, ou en tout cas laisser ses troupes le faire. Quelle contradiction !

Quoi qu’il en soit, avant de polémiquer sur les tarifs, les effets d’aubaine et les profits, il faut être précis.

Commençons par les tarifs. Le montant des péages n’est pas libre. Il est défini dans le cahier des charges de la société concessionnaire, défini par un décret de 1995, sur la base d’un « tarif kilométrique moyen [...] qui tient compte de la structure du réseau, des charges d’exploitation et des charges financières de la société ». Sont également fixées « les possibilités de modulation de ce tarif kilométrique moyen ». Toutefois, ce dernier peut varier en fonction des tronçons, selon des règles particulièrement complexes.

Les sociétés d’autoroutes ont des statuts divers et des durées de concession variables. Il existe même des mélanges des genres ! Ainsi, le tronçon de l’A28 entre Rouen et Alençon a été concédé à une société privée, alors que les collectivités locales ont également participé à son financement.

Par ailleurs, les sociétés d’autoroutes se sont parfois vu imposer par l’État, en cours de contrat, des investissements à réaliser, avec pour contrepartie l’augmentation explicite des tarifs des péages destinés à les financer. C’est le cas, dans mon département de la Gironde, du dernier tronçon de l’A89 permettant de relier Bordeaux à Lyon.

Comme l’explique clairement le rapport d’information de l’Assemblée nationale du 24 juillet 2013 sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes, « le système repose sur le principe que tous les investissements doivent être compensés par des hausses de tarifs ; par conséquent, les bénéfices des sociétés n’ont pas vocation à être réinvestis ou à permettre une diminution des tarifs ».

Mme Évelyne Didier. C’est bien le problème !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est d’autant plus vrai avec les contrats de plan, le décret de 1995 n’encadrant pas les hausses tarifaires issues de ce type de contrats.

Aussi l’État se trouve-t-il placé dans un rapport de force déséquilibré et peu propice à la garantie d’une maîtrise des tarifs. Or une série de contrats de plan a été conclue à partir de 2009 avec six sociétés concessionnaires particulières, en vue d’engager quelque 1,2 milliard d’euros d’investissements, en contrepartie d’une compensation par des hausses tarifaires supérieures à l’inflation.

La hausse des tarifs est également suscitée par le coût des travaux réalisés par les sociétés concessionnaires : en matière de mise aux normes environnementales des réservoirs de décantation, avec la réception des eaux de pluie, les exemples sont nombreux !

D’une manière générale, les sociétés concessionnaires ont été amenées à gérer un grand nombre de travaux et des réseaux de plus en plus grands, où les péages étaient également plus ou moins rentables selon les tronçons. Vous savez bien, mes chers collègues, que, dans les zones montagneuses, les travaux de sécurisation des autoroutes coûtent extrêmement cher – parfois jusqu’à 5 millions d’euros du kilomètre par an.

Pour ne rien simplifier, les sociétés autoroutières ont pu, notamment jusqu’en 2011, appliquer le principe dit « du foisonnement » : elles pouvaient moduler à la hausse les tarifs des péages sur les tronçons les plus rentables pour financer les moins rentables.

En réalité, il existe autant de contrats de concession que de sociétés autoroutières, et chaque contrat définit sa propre politique de modulation tarifaire, selon des critères complexes et différents selon les cas. Comme l’a observé la Cour des comptes, il devient de plus en plus difficile de comprendre « le lien entre les coûts et les péages par autoroute ». C’est même presque devenu impossible.

Se répercutent par ailleurs en partie sur les tarifs les taxes imposées par l’État sur les sociétés concessionnaires. Ainsi, en 2011, l’augmentation de la taxe d’aménagement a entraîné une hausse de 0,5 % du montant des péages. Le Gouvernement a également augmenté la redevance domaniale, de 200 millions d'euros à 300 millions d’euros en 2013, concluant avec les concessionnaires un discret accord, qui prévoyait une hausse des péages de 1,5 % entre 2015 et 2018, dont une hausse de 0,5 % dès le mois de février 2015, pour compenser cette modification du montant de la redevance.

Or le Gouvernement, pris en quelque sorte « la main dans le sac » – disons-le –, a depuis lors remis en cause cet accord, en faisant suspendre cette hausse…

La hausse des tarifs doit en outre être appréhendée avec le recul nécessaire. De 2007 à 2014, elle a été de 1,81 % par an, pour un taux moyen d’inflation de 1,43 %. Toutefois, de 2000 à 2006, c'est-à-dire avant les privatisations totales, elle a été de 2,06 % par an, pour un taux d’inflation moyen de 1,63 %. (M. Éric Doligé s’exclame.)

Il ne s’agit pas ici de défendre bec et ongles les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Mme Évelyne Didier. Je l’aurais pourtant cru !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ma position est très claire : il faudrait sans doute tenter de renégocier certains contrats au profit de l’État et des usagers, mais il convient d’aborder ce débat avec sérieux et d’éviter toute caricature, car la réalité n’est pas simple ; les montages sont complexes et ils ont subi des évolutions dans le temps. C’est ce dernier point qui est très important.

J’en viens maintenant à la question des effets d’aubaine et des profits.

S'agissant des effets d’aubaine, les concessionnaires auraient bénéficié de 3,6 milliards d'euros du fait de la déductibilité des intérêts des emprunts. Je rappelle que le régime de la déductibilité totale des intérêts d’emprunt était le régime fiscal normal jusqu’en 2013 pour toutes les entreprises. C’est à cette date seulement que le Parlement a institué un plafonnement de cette déductibilité.

Les délégations de service public en ont été exemptées par le Gouvernement. Cette exonération est logique et vise avant tout le maintien des contrats en cours. Sans elle, il aurait fallu, pour l’équilibre des contrats, payer cette augmentation. Par conséquent, à mon sens, l’effet d’aubaine n’existe pas.

En ce qui concerne les profits, si l’Autorité de la concurrence a évoqué une rentabilité supérieure à 20 %, elle n’a pas inclus dans son calcul les emprunts contractés lors du rachat des autoroutes. Or les sociétés doivent les rembourser, ce qui fait chuter la rentabilité sur le long terme à environ 7 %.

M. Alain Bertrand. C’est faux !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Certes, on peut rapporter le résultat net du secteur à son chiffre d’affaires – c’est un critère –, mais, si l’on veut disposer d’une mesure complète de la performance financière, il faut aussi connaître l’importance de l’investissement nécessaire et en tenir compte.

Bien sûr, les sociétés génèrent des excédents importants pour payer les intérêts, mais elles doivent aussi générer un résultat net d’impôt pour rembourser le capital.

Mon temps de parole étant épuisé,

Mme la présidente. En effet, ma chère collègue ! (Sourires.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … je vais aller à l’essentiel.

Monsieur le ministre, notre groupe se félicite de certaines avancées contenues dans le projet de loi qui porte votre nom, notamment en son article 5, qui confie à l’ARAF, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, devenue l’ARAFER, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, des pouvoirs en matière de contrôle.

Il faut préserver la crédibilité de l’État, qui ne saurait remettre en cause tous les contrats qu’il signe, comme il est en train de le faire. Je ne crois pas à la dénonciation des contrats. Il y va du respect de la parole de l’État.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous avons déjà connu l’expérience désastreuse du contrat Ecomouv’, après l’abandon de l’écotaxe.

Du reste, le Président de la République lui-même a évolué en ce sens, si l’on en croit les propos qu’il a tenus le 7 février dernier, à l’occasion de l’inauguration d’une portion d’autoroute entre Brive et Tulle.

M. Henri de Raincourt. C’est la Corrèze ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il a souhaité qu’un « contrat de confiance » soit « signé entre les sociétés d’autoroutes et l’État ». Il a aussi clairement demandé un règlement global et définitif du contentieux entre l’État et les sociétés autoroutières. Je suggère donc qu’une négociation se fasse, en laissant retomber la pression politique, qui est mauvaise conseillère. Il faut essayer de trouver la voie d’un bon équilibre.

Mme la présidente. C’est une bonne conclusion, ma chère collègue !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est d’autant plus important que le plan de relance autoroutier, approuvé par Bruxelles, doit être mis en œuvre.

En conclusion, le groupe UMP souhaite qu’un équilibre soit absolument préservé entre les différents intérêts : ceux de l’État, ceux des usagers, dont le pouvoir d’achat doit être préservé, et, bien entendu, ceux de l’économie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Évelyne Didier. Je ne vois pas comment faire !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission du développement durable a souhaité se saisir de la question des concessions autoroutières dès son installation, à l’issue des dernières élections sénatoriales. Elle a ainsi entendu le président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, le 22 octobre 2014. Ce fut d’ailleurs la première audition que j’ai eu l’honneur d’organiser en tant que président de cette commission.

Lors de cette audition, les membres de la commission, tous groupes confondus, ont été marqués – pour ne pas dire interloqués, ou même choqués – par la situation décrite par le président de cette instance,...

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. ... qui avait été évoquée un an plus tôt par la Cour des comptes.

L’Autorité de la concurrence a souligné dans son avis et confirmé lors de cette audition une rentabilité nette de 20 % à 25 % pour les sociétés d’autoroutes en 2013 et, de manière générale, une relation plus que déséquilibrée entre l’État et les sociétés d’autoroutes.

L’exemple du télépéage est, à cet égard, tout à fait révélateur. La mise en place de ce dispositif a permis aux sociétés d’autoroutes de recourir à moins de personnels et de facturer des coûts supplémentaires aux usagers. Néanmoins, elles ont obtenu que les investissements nécessaires soient pris en charge par l’État, au nom d’un prétendu intérêt général.

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Au moment où nous auditionnions Bruno Lasserre, nous apprenions que Bruxelles donnait son feu vert à la signature du plan de relance autoroutier négocié par le Gouvernement depuis 2012.

Or, je le rappelle, ce plan de relance doit permettre le financement de travaux non prévus par les contrats de concessions initiaux, mais avec une très lourde contrepartie : la prolongation de la durée des concessions jusqu’à six ans ! On sait que, plus une concession est allongée, plus elle est rentable.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Tout à fait !

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. La commission du développement durable a donc décidé à l’unanimité de s’emparer de ce sujet. Elle considère en effet que le Parlement ne doit plus être tenu à l’écart de ces questions essentielles, en raison de leurs enjeux financiers et de leurs répercussions sur les usagers.

Je ne reviendrai pas sur la façon dont les autoroutes ont été privatisées en 2006, sans aucune consultation du Parlement... Je rappellerai seulement que, depuis lors, cette décision a été dénoncée sur toutes les travées de cet hémicycle.

La commission a décidé de créer un groupe de travail que je qualifierai de « commando », parce qu’il était constitué d’un nombre réduit de sénateurs – sept membres – et qu’il ne disposait que de peu de temps, à peine plus d’un mois, pour travailler et formuler des propositions avant que le Gouvernement ne fasse connaître ses positions.

J’ai souhaité que ce groupe de travail soit coprésidé par un élu de la majorité sénatoriale, Louis-Jean de Nicolaÿ, et par un élu de l’opposition, Jean-Jacques Filleul, que je tiens tous deux à remercier, ainsi que les autres membres de ce groupe, de la tâche qu’ils ont accomplie.

Ce groupe de travail a procédé à plus d’une quinzaine d’auditions, afin d’entendre l’ensemble des parties prenantes : les représentants des sociétés d’autoroutes « historiques » et récentes, les représentants des instances de régulation, les associations de consommateurs, les économistes, les juristes. J’observe, monsieur le ministre, pour le regretter vivement, que seuls vos services n’ont pas jugé utile de répondre à nos sollicitations. Je vous le dis très franchement, ce n’est pas admissible. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Paul Emorine. C’est inacceptable !

M. Éric Doligé. Quel dédain !

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Sans vous dévoiler les conclusions de ce groupe de travail, que mon collègue Louis-Jean de Nicolaÿ vous présentera dans un instant, je voudrais me féliciter de la façon dont la commission a pu travailler sur ce sujet. Le 17 décembre dernier, elle a émis des recommandations qui s'inscrivaient dans la tradition sénatoriale, c'est-à-dire qui étaient pragmatiques et opérationnelles et qui ont fait l’objet d’un consensus assez large. Je crois d’ailleurs pouvoir dire qu’elles ont reçu un accueil plutôt positif du Gouvernement.

L’Assemblée nationale s’est elle aussi mobilisée, autour du président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Jean-Paul Chanteguet, dont je tiens également à saluer les travaux et la détermination. Nous ne sommes pas arrivés aux mêmes conclusions, mais nous sommes totalement en phase sur le diagnostic établi à partir des rapports et avis de la Cour des comptes et de l’Autorité de la concurrence.

La situation actuelle n’est plus tolérable : elle est beaucoup trop favorable aux sociétés d’autoroutes. Nous sommes tous convaincus qu’il faut changer la donne et prendre un nouveau tournant, pour parvenir à un meilleur équilibre.

Mme Évelyne Didier. Très bien !

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Bien entendu, monsieur le ministre, le projet de loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques que vous défendrez bientôt aborde cette question.

De notre point de vue, sur ce sujet, le texte initial était très insuffisant. Il a été, fort heureusement, amélioré par l’Assemblée nationale dans le sens que nous souhaitions : les compétences et les pouvoirs de l’ARAFER ont été renforcés, des avancées ont été obtenues en matière de transparence.

Toutefois, le projet de loi que nous aurons à examiner ne résout pas entièrement les difficultés soulevées, d’une part, parce que les dispositions relatives au contrôle ne valent que pour l’avenir, et, d’autre part, parce que le nouveau périmètre et les nouvelles compétences de l’ARAFER ne seront mis en place que six mois après la promulgation de la loi.

En fait, une grande partie des enjeux échappe aujourd’hui au législateur, dans la mesure où ils sont traités de façon bilatérale, entre l’État et les sociétés d’autoroutes, par la voie de la négociation contractuelle. Le Parlement en est donc exclu. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale et le Sénat ont exprimé la volonté d’une association plus grande du Parlement à ces négociations.

Depuis lors, le Gouvernement a mis en place un groupe de travail réunissant des parlementaires des deux assemblées. Je me réjouis que Patrick Chaize, Ronan Dantec, Évelyne Didier, Jean-Jacques Filleul, Alain Bertrand et Louis-Jean de Nicolaÿ en fassent partie.

Nous attendons de connaître les conclusions de ce groupe de travail, qui se réunit chaque semaine. Nous sommes d’autant plus impatients que la presse évoque régulièrement la signature imminente d’un accord avec les sociétés d’autoroutes. Peut-être pourriez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre, sur la réalité de cet accord, qui devrait être signé très prochainement ?

En tout cas, nous sommes déterminés à ce que la situation évolue dans un sens nettement plus favorable à l’État et à l’usager.

Mme Évelyne Didier. Très bien !

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Nous sommes persuadés que l’équilibre actuel doit être modifié. Monsieur le ministre, le Sénat sera aux côtés du Gouvernement pour qu’il en soit réellement ainsi. Encore faut-il que ce dernier en manifeste très clairement la volonté. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la commission du développement durable.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président de la commission du développement durable, Hervé Maurey, vient de présenter le contexte dans lequel a travaillé le groupe de travail de la commission. Pour ma part, avant de vous présenter les recommandations de ce dernier, j’évoquerai quelques éléments de diagnostic.

En premier lieu, tous les membres du groupe de travail ont insisté sur la qualité de notre réseau autoroutier et de son entretien par les concessionnaires. C’est un point positif, qui mérite d’être fortement souligné.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, au nom de la commission du développement durable. Nous avons ensuite observé que les chiffres de l’Autorité de la concurrence n’ont à aucun moment été contestés. C’est davantage leur interprétation qui a fait débat.

Pour faire court, alors que l’Autorité de la concurrence annonce des taux de rentabilité nette des sociétés concessionnaires d’autoroutes allant de 20 % à 24 %, ces dernières opposent un autre indicateur, le taux de rentabilité interne, ou TRI, qui prend en compte la dette d’acquisition. Cette formule est d’ailleurs acceptée par Bruxelles.

En réalité, l’avis de l’Autorité de la concurrence doit être replacé dans son contexte. Cette dernière a répondu à une demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui lui a posé des questions sur l’adéquation des tarifs des péages aux coûts du réseau autoroutier, sur la régulation du système par l’État et sur le jeu de la concurrence, en particulier pour la passation des marchés de travaux.

Ainsi, l’Autorité de la concurrence ne s’est pas intéressée au prix de la cession des participations de l’État réalisée en 2006 et n’a pas cherché à savoir si les sociétés avaient alors fait une bonne affaire, ou non.

M. Michel Bouvard. Bien sûr qu’elles ont fait une bonne affaire !

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, au nom de la commission du développement durable. Tel n’est d’ailleurs pas son rôle. Après avoir examiné l’activité d’exploitation autoroutière en tant que telle, elle a constaté que la formule d’indexation des péages sur l’inflation, qui est déconnectée des charges supportées par les sociétés d’autoroutes, n’était pas pertinente, car elle peut être interprétée comme une rente préjudiciable à l’usager.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, au nom de la commission du développement durable. Or cette rente n’est pas justifiée par le niveau du risque supporté par les sociétés concessionnaires autoroutières, les SCA, compte tenu de leur situation, que certains qualifient de « monopole ».

Mme Évelyne Didier. Très bien !

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, au nom de la commission du développement durable. La question est donc de savoir s’il est possible de revenir sur cette rente injustifiée, qui pénalise en premier lieu l’usager, et si oui de quelle manière.

Le problème principal est que l’État n’a pas modifié le cadre juridique applicable aux concessions lorsqu’il les a privatisées. Il ne s’est aucunement préparé à mener des négociations avec de grands groupes privés, qui savent naturellement défendre leurs intérêts tout en restant dans le cadre légal. Cela s’est vu, en particulier, avec la pratique des contrats de plan, qui organise la réalisation, par les sociétés d’autoroutes, de travaux non prévus dans les contrats de concession, mais qui sont demandés, il faut le savoir, par l’État et les collectivités territoriales.

L’État souffre, dans ce cadre, d’une asymétrie d’information qui l’empêche de payer le juste prix. C’est un véritable problème. Les contrats de plan accentuent en outre la déconnexion entre les tarifs des péages et la réalité du coût des autoroutes, en autorisant des dérogations à la formule d’indexation tarifaire fixée par décret.

Un défaut de régulation a aussi été constaté au sujet de la passation des marchés de travaux des sociétés d’autoroutes, la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d’autoroutes ou d’ouvrages d’art n’ayant pas, selon ses dires, les moyens de ses missions. En résumé, vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe de travail a considéré que cette situation ne pouvait perdurer. Quelles sont ses préconisations ?

Il considère tout d’abord qu’il est essentiel de mettre fin à une situation qui apparaît, ainsi que je l’ai dit tout à l’heure, comme une rente pénalisant l’usager. Il ne faut toutefois pas se tromper de débat. L’objectif n’est pas de récupérer auprès des sociétés d’autoroutes les recettes que l’on n’a pas réussi à obtenir avec l’écotaxe.

Il préconise ensuite une situation transparente. Il faut que l’État sache ce qu’il finance et l’usager ce qu’il paie. Il y a aujourd’hui de trop nombreuses zones d’ombres, ce qui peut créer un doute et une méfiance sur le principe de la concession.

Le contexte est toutefois contraint. Les contrats de concession ont été, si j’ose dire, « bétonnés » dans les règles de l’art. Nous sommes de plus sensibles à la nécessité de préserver un climat de confiance pour les investisseurs. Nous sommes conscients de l’impossibilité de remettre en cause la signature de l’État sans compensation, même si certains pensent que l’État a été un mauvais négociateur pendant toutes ces années.

M. Alain Richard. Surtout au début !

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, au nom de la commission du développement durable. Nos propositions, qui datent, je le rappelle, du mois de décembre dernier, s’articulent autour de trois axes.

Le premier axe vise à renforcer la transparence et la régulation du secteur. Il faut mettre fin à l’opacité en obligeant les sociétés d’autoroutes à communiquer chaque année au Parlement, à l’administration et aux autorités de contrôle compétentes toutes les données nécessaires à la transparence en matière économique et financière.

Nous soutenons par ailleurs le projet d’extension des compétences de l’ARAF au contrôle du secteur autoroutier, tel qu’il est prévu dans le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, à condition toutefois que cette autorité soit en capacité de jouer son rôle. En parallèle, il est impératif que les questions financières soient mieux prises en compte par l’administration elle-même.

Par ailleurs, nous sommes favorables, en ce qui concerne le contrôle des marchés de travaux des sociétés d’autoroutes, à l’instauration d’une autorité de contrôle, comme le prévoit également votre projet de loi, monsieur le ministre. Nous pensons néanmoins que le seuil de mise en concurrence doit être abaissé à 500 000 euros.

J’en viens au deuxième axe : changer de modèle pour les contrats de plan. Puisqu’il est très difficile de toucher à l’équilibre des contrats de concession, la question posée, à très court terme, est de savoir si, oui ou non, nous devons signer de nouveaux contrats de plan. Deux options sont possibles.

La première est de mettre un terme à la pratique des contrats de plan et d’attendre la fin des concessions, prévue pour les années 2030. Cette mesure aurait pour effet mécanique de réduire la progression des péages, laquelle, je le rappelle, est dans ce cas limitée à 0,70 % du taux de l’inflation.

La pression devrait en parallèle être maintenue sur les sociétés d’autoroutes, afin qu’elles continuent à remplir leurs engagements contractuels de droit commun. Quant aux travaux prévus dans le plan de relance, soit leur champ devrait être réduit, soit ils devraient être financés par d’autres moyens, par exemple de nouvelles mises en concurrence. C’est une solution qui doit être prise en considération.

La seconde option possible, si le Gouvernement persiste dans la volonté de lancer un plan de relance autoroutier, serait de le remanier profondément, afin de rééquilibrer les relations entre l’État et les sociétés d’autoroutes.

Il faudrait ajuster la loi tarifaire des concessions, car l’usager ne comprendrait pas que la situation n’évolue pas, compte tenu des rapports de l’Autorité de la concurrence et de la Cour des comptes. Il est impensable que les hausses des péages soient supérieures à l’inflation. Il faudrait également prévoir des obligations de réinvestissement des bénéfices et des clauses de partage des bénéfices.

Quelle que soit la solution retenue, le Parlement devra être consulté avant toute décision du Gouvernement dans ce domaine.

J’aborde enfin la question, sensible, du rachat des concessions autoroutières. La grande majorité des membres du groupe de travail est assez sceptique sur la perspective d’un rachat généralisé des concessions existantes, lequel coûterait probablement entre 40 milliards d’euros et 50 milliards d’euros, solution défendue par le président de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, M. Jean-Paul Chanteguet. Il ne faut pas négliger qu’une telle mesure risquerait de créer un contentieux très lourd, dont les conséquences financières, voire sociales, seraient importantes.

Cela étant, rien n’oblige l’État à procéder de la même façon pour toutes les concessions. C’est la raison pour laquelle le groupe de travail a proposé qu’il s’engage, si les circonstances le justifient, dans le rachat d’une concession, afin de faire le bilan des avantages et des inconvénients de ce type d’opération. L’État pourrait ainsi affiner son expertise dans ce domaine, avant de passer, éventuellement, à une étape plus radicale de rachat généralisé.

M. Charles Revet. C’est une bonne suggestion !

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, au nom de la commission du développement durable. Telles sont les conclusions auxquelles est arrivé le groupe de travail mis en place par la commission du développement durable.

Comme l’a indiqué notre président, nous serons extrêmement vigilants sur les décisions que prendra le Gouvernement dans les prochains jours. Nous espérons d’ailleurs que les travaux du groupe de travail mis en place à Matignon seront plus éclairants et qu’ils permettront rapidement d’aboutir à des propositions constructives, équilibrées et favorables à l’intérêt général, ainsi qu’au développement économique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat s’inscrit dans le cadre d’une réflexion très large : deux missions parlementaires ont été mises en place à la suite de la suspension de la taxe sur les poids lourds ; un groupe de travail a été constitué au sein de la commission du développement durable du Sénat ; un autre a été instauré par le Premier ministre ; enfin, la Cour des comptes et l’Autorité de la concurrence ont publié des rapports.

Nous saluons l’ensemble de ces travaux. En effet, toute la lumière doit être faite sur les profits des sociétés d’autoroutes et sur l’état des relations contractuelles entre l’État et ces sociétés. Cette transparence est nécessaire compte tenu des enjeux budgétaires et écologiques.

Le débat est donc toujours ouvert. De multiples propositions ont été faites et nous attendons la remise des conclusions du groupe de travail mis en place par le Premier ministre au début de l’année sur les concessions d’autoroutes. Dans cette attente, je ne disserterai pas sur les chiffres. Le groupe écologiste considère toutefois d’ores et déjà qu’il ne faut exclure aucune hypothèse : reprise des concessions, renégociation des contrats, contribution fiscale supplémentaire, etc.

J’évoquerai aujourd'hui deux éléments : d’une part, le plan de relance autoroutier, et, d’autre part, la prise en compte de la dimension environnementale et l’application du principe pollueur-payeur.

Le groupe écologiste s’oppose clairement au plan de relance autoroutier, qui prévoit de prolonger de trois ans, et cela sans appel d’offres, les concessions attribuées à trois sociétés en échange de 3,5 milliards d’euros d’investissements par les sociétés d’autoroutes pour une vingtaine d’opérations.

Ce montage financier, qui est en passe d’être scellé, est d’ores et déjà validé par Bruxelles. Or il est selon nous injustifié, d’une part, parce qu’il privera l’État de ressources pérennes très élevées liées à l’exploitation des autoroutes pendant trois années supplémentaires, et, d’autre part, parce qu’il vise très concrètement à réaliser des extensions du réseau autoroutier.

La privatisation des sociétés d’autoroutes par le gouvernement de droite en 2005 a été un véritable scandale. L’exploitation des sociétés d’autoroutes aurait en effet pu rapporter à l’État plus de 37 milliards d’euros de dividendes d’ici à 2032, date d’échéance médiane des contrats de concession, à comparer aux 14,8 milliards d’euros obtenus du fait de la privatisation. Prolonger les concessions revient selon nous à persévérer dans cette lourde erreur.

La reprise en main par l’État de ses relations contractuelles avec les sociétés d’autoroutes est en tout cas une absolue nécessité. Les difficultés de contrôle par l’État de l’activité des concessionnaires ont été pointées par la Cour des comptes. Nous devons donc trouver un moyen de rééquilibrer les contrats entre l’État et les sociétés d’autoroutes, car c’est de notre patrimoine routier national qu’il s’agit, lequel est un bien commun, relevant du domaine public. C’est un comble que la puissance publique se trouve en situation de faiblesse face à des sociétés d’autoroutes surpuissantes !

Le groupe écologiste demande a minima et en priorité la prise en compte par les sociétés d’autoroutes de l’impact du trafic routier sur l’environnement.

Le transport est, en France, le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre. Il représente 27,8 % des émissions nationales. Les dommages en matière de santé publique sont également lourds : en France, la pollution de l’air par les particules fines d’origine anthropique serait la cause d’environ 42 000 décès prématurés chaque année, soit une perte moyenne d’espérance de vie de l’ordre de huit mois.

Le groupe écologiste appelle à la modulation environnementale des tarifs des péages. Il s’agit de contraindre les concessions autoroutières à instaurer des variations de péage en fonction des normes Euro de pollution des poids lourds. La directive Eurovignette nous le permet.

Or, jusqu’à présent, le Gouvernement a choisi une transposition minimaliste de cette directive, en utilisant tous les moyens possibles pour y déroger et repousser ses modulations environnementales, qui ne sont pourtant que des applications du principe constitutionnel pollueur-payeur.

Compte tenu de l’impact environnemental et sanitaire du transport routier et en application du principe pollueur-payeur, il est en effet logique que le transport routier soit mis à contribution et que l’argent des routes finance les solutions de substitution au « tout routier », qu’il s’agisse du ferroviaire, du fluvial ou du maritime, le développement de ces solutions de substitution étant le seul moyen de diminuer les dommages environnementaux et sanitaires dus aux transports.

Je terminerai par une question, monsieur le ministre : après le renoncement à la taxe sur les poids lourds, qui avait pourtant fait consensus lors du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement saura-t-il être « sans concessions » avec les sociétés d’autoroutes ? (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)

Mme Évelyne Didier. Très bien !

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Beau jeu de mots !

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’exploitation actuelle des autoroutes répond à une situation, celle de l’État. Ce dernier ne se donne plus les moyens d’investir en raison des règles budgétaires imposées par l’Europe, qui limite l’endettement des pays à 3 % du PIB et qui a imposé le passage par le marché pour le financement des budgets publics.

Ce mode de gestion repose sur la conviction qu’un opérateur privé est plus efficace qu’un acteur public, tant dans le domaine technique que dans le domaine financier.

Pourtant, rappelons-nous, dans les années 1980, le système autoroutier, qui avait été ouvert à des acteurs privés, a dû être restructuré. Il a fallu que l’État reprenne les sociétés privées déficitaires et crée l’établissement public Autoroutes de France. En fait, à l’époque, ces sociétés se sont montrées incapables d’assurer conjointement les investissements nécessaires et l’exploitation.

Pourtant, en 1992, certaines sociétés publiques avaient remboursé la totalité des avances consenties par l’État, l’évolution des recettes de péage leur ayant permis de dégager des résultats de trésorerie excédentaires. On peut donc tout à fait équilibrer le système dans un cadre public !

Dans les faits, dès 2001, en réponse aux directives européennes dont l’objectif était de renforcer la concurrence pour l’attribution des nouvelles concessions autoroutières, deux ensembles de mesures étaient pris.

Le premier, afin de permettre l’entrée de nouveaux opérateurs, met fin au système de l’adossement, ainsi qu’à l’attribution de gré à gré des travaux de construction d’autoroutes par l’instauration d’appels d’offres pour chaque nouvelle section à construire.

Le second ensemble porte, quant à lui, sur la modernisation du système comptable des sociétés d'économie mixte concessionnaires d’autoroutes, les SEMCA. Ces dernières adoptent désormais une comptabilité identique à celle des sociétés privées et appliquent la TVA, qui était à l’époque de 19,6 %, sur les tarifs des péages.

C’est dans ce cadre qu’ont eu lieu, comme vous le savez, mes chers collègues, les privatisations totales de notre système autoroutier par la vente des actions que détenait encore l’État dans les sociétés concessionnaires d’autoroutes, et ce à la fin de 2005.

Pourtant, dès 2005, le Conseil de la concurrence avait alerté les pouvoirs publics sur « les difficultés d’une bonne régulation future des monopoles privés autoroutiers » – j’ai bien lu « monopoles ». L’État n’étant plus actionnaire, il aurait plus de mal à contrôler les coûts des concessionnaires. Cette « asymétrie d’information » mettrait en cause « l’efficacité de la régulation tarifaire ». Le conseil estimait donc alors que les risques d’atteinte à la concurrence sur le secteur connexe des travaux autoroutiers étaient réels.

C’est exactement la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui, d’autant que l’État, par la RGPP, a fait fondre progressivement ses capacités d’intervention et de contrôle. Nous l’avons dit, le financement doit désormais passer par le marché et par l’augmentation des tarifs. Or il repose sur le principe du risque.

Eh oui, madame Des Esgaulx, la loi tarifaire est la même aujourd’hui qu’hier, et c’est là tout le problème ! Plus les financements demandés sont importants et prévus sur une longue durée, ce qui est le cas pour les autoroutes, et plus le taux de rendement exigé est élevé. C’est ainsi qu’il nous a été dit à plusieurs reprises que la règle financière mondiale exige un rendement compris entre 8 % et 10 % pour des placements financiers de ce type.

Dès lors, les gouvernements successifs se sont laissé convaincre par le libéralisme ambiant, transformant l’État en actionnaire ordinaire. Le patrimoine est devenu simplement un actif et l’intérêt général un simple service au public : aujourd’hui, l’État ne veut plus gérer son patrimoine et il s’en sépare.

Quand il est actionnaire, l’État perçoit des dividendes, ainsi que les taxes et impôts sans avoir à entretenir son patrimoine. C’est bien plus simple, et c’est ainsi que disparaissent des notions comme l’intérêt général, le service public ou le bien commun, au profit de notions plus « fun », si je puis dire, comme le service au public, la productivité, la compétitivité ou les parts de marché. Voilà pour le contexte.

Nous sommes dans une forme de partenariat appelée « concession », un partenariat public-privé qui repose sur un monopole de fait, qui est d'ailleurs géographique. La concession est censée prendre fin un jour. En réalité, elle est devenue perpétuelle.

Les tarifs augmentent chaque année, et les profits aussi. Aujourd’hui, l’État actionnaire a vendu ses parts ; il n’est donc plus que le concédant. Il redeviendra peut-être un jour propriétaire, mais quand ? Il le faudra bien, pourtant, si nous voulons sortir de ces contrats très avantageux pour les concessionnaires et pouvoir procéder à la remise à plat que nous appelons de nos vœux.

Il est impératif que la politique se réinvite dans ce dossier, dans lequel la règle libérale a tout simplement oublié les mots « humain », « emploi », « démocratie » et même « concurrence ». Dès aujourd’hui, grâce à ce débat, les groupes politiques feront connaître leur position et leur approche du sujet. Nul doute que, en dehors de notre groupe, personne ne défendra l’idée d’un retour au service public. Pourtant, si la volonté politique est claire et si les moyens sont donnés, nous pouvons rendre au réseau autoroutier son statut de bien public.

Somme toute, dans ce dossier, alors que les parlementaires sont persuadés de débattre d’aménagement du territoire, d’intérêt général et de routes, il s’agit en réalité de cash flow, de productivité et de résultats financiers. Le système de la concession, devenue aujourd’hui perpétuelle, fait le choix d’accorder une part des bénéfices aux actionnaires, au lieu de les consacrer entièrement à l’emploi et l’investissement, et cela, bien sûr, au détriment des usagers qui, finalement, sont ceux qui paient.

Ajoutons que, non contentes de cette situation de monopole, les sociétés réclament des allégements de charges pour, disent-elles, créer de l’activité et de l’emploi, alors qu’elles en ont supprimé par ailleurs... Ce serait comique si ce n’était pas si grave.

Il faut préciser que si les sociétés défendent la concession et parlent maintenant du « métier de la concession », c’est parce que le TRI, le taux de rendement interne, moyen est de 7,8 % aujourd’hui. Il a augmenté progressivement et continuera d’augmenter mécaniquement, atteignant des retours annuels proches de 20 %. Il suffit d’être patient, de tenir bon et d’éviter, à tout prix, toute remise en cause du contrat. C’est la raison pour laquelle je vous prédis mes chers collègues, que nous n’arriverons pas à trouver des aménagements avec les sociétés.

Contrairement à ce qui a été affirmé, un TRI à 8 % est déraisonnable lorsque la concession a atteint la maturité financière : l’autoroute est construite, son trafic installé, les bénéfices futurs assurés. Il n’y a plus de risque ! Nous confirmons donc les propos de l’Autorité de la concurrence : il y a bien aujourd’hui une rente autoroutière.

Mes chers collègues, je fais ici un pari avec vous : lorsqu’il n’y aura plus de marges de progression – entendez « des gains de productivité » –, que la masse salariale ne pourra plus être réduite parce que ce sera fait, que les bilans feront apparaître des pertes, on demandera à l’État de racheter, comme en 1983.

Aussi, je vous suggère d’acheter tout de suite, tant qu’il y a encore quelque chose à sauver pour le bien des usagers, des contribuables et des citoyens, au nom de l’intérêt général. Cela peut se faire de manière progressive, cela peut prendre différentes formes. À l’État de trouver la bonne solution. À cet égard, c’est à lui de nous éclairer, et pas le contraire ! Les usagers exaspérés, les citoyens scandalisés attendent de l’État qu’il redevienne ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : le garant de l’intérêt général.

La semaine prochaine, le groupe de travail parlementaire qui doit éclairer le Gouvernement, dit-on, devra rendre ses conclusions. Parions, comme l’a déjà fait Le Canard enchaîné, sans doute informé par de bonnes sources, que tout sera fait pour calmer le jeu et dire que cette campagne médiatique n’avait pas lieu d’être. Ce serait vraiment une regrettable erreur et une occasion manquée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bertrand.

M. Alain Bertrand. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup a déjà été dit par les orateurs qui m’ont précédé, mais le sujet est grave, et plus le débat dure, plus on se sent mal à l’aise.

Même si ces concessions sont une bonne chose et si nous avons un bon réseau autoroutier, l’intervention de Mme Des Esgaulx trahissait une certaine mauvaise conscience de la part de l’UMP, qui a, au travers du gouvernement de l’époque, aliéné ce patrimoine national à de telles conditions.

Quand vous nous dites, chère collègue, trouver les propos de Ségolène Royal « stigmatisants », permettez-moi de vous répondre que je trouve, pour ma part, stigmatisante la cession des autoroutes par la majorité de l’époque, pour 14,8 milliards d’euros ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non, c’étaient des contrats conditionnels ! Cela n’a rien à voir.

M. Éric Doligé. Ce n’est pas sérieux !

M. Alain Bertrand. Ce qui l’est encore plus, c’est le rendement de 20 % à 24 % par an, que confirmait encore hier M. Lasserre, le président de l’Autorité de la concurrence. Voilà qui est vraiment stigmatisant.

M. Lasserre expliquait hier, en s’appuyant sur l’exemple d’une maison que l’on aurait louée en déduisant simplement les charges d’eau et d’électricité sans déduire le remboursement de l’emprunt, que ce rendement annuel de plus de 20 % s’entendait après la déduction de l’investissement. (Mme Évelyne Didier approuve.) Nous étions plusieurs, au Sénat, à discuter hier avec lui.

Vous disiez aussi, chère collègue, que le Gouvernement avait été pris la main dans le sac. Pour connaître votre verve et votre talent oratoire, l’expression n’était pas très opportune !

M. Henri de Raincourt. Ce n’est pas galant !

Mme Évelyne Didier. Ce n’est pas une question de galanterie !

M. Alain Bertrand. Si, c’est galant, car j’ai bien dit que notre collègue s’exprimait avec talent !

De nombreux rapports ont été rédigés sur le sujet. Les Français s’en sont émus. Les alertes sont fortes. On parle de « profitabilité exceptionnelle ». La Cour des comptes et l’Autorité de la concurrence évoquent même de « véritables rentes autoroutières ». Il faut répondre au pays. En effet, ce n’est pas seulement entre nous que nous devons dialoguer ; nous devons surtout dire aux citoyens ce que nous entendons faire pour l’avenir.

Le chiffre d’affaires cumulé des sociétés concessionnaires a augmenté de 26 % entre 2006 et 2013, pour atteindre, malgré la crise financière, un total de 8 milliards d’euros. Les tarifs, quant à eux, ont augmenté de 21,7 % ! On nous dit, et c’est exact, que l’État n’a pas d’argent et qu’il faut faire attention à toutes les dépenses. Or, dans le même temps, les marges nettes des sociétés concessionnaires se situent entre 20 % et 24 %. Plus encore, et mieux encore, ces dernières ont distribué quelque 14,6 milliards d’euros de dividendes depuis 2006, donc plus que le montant de leurs bénéfices. Cela, je ne l’ai pas trop entendu dire !

Dès le début, elles ont eu recours à des emprunts volontaires afin de pouvoir servir davantage de dividendes. Cela signifie que ces sociétés ont une stratégie qui est industrielle, certes, mais aussi et surtout financière.

L’État doit réagir. Le Premier ministre, Manuel Valls, s’est saisi du problème. Au mois de décembre dernier, il a mis en place une commission, afin d’étudier les différents scénarios qui s’offrent à nous : la renationalisation, la renégociation anticipée des concessions ou le rachat des contrats de concession.

On parle souvent du « rachat des concessions », mais, dans la mesure où la société concessionnaire ne veut pas revendre, il s’agit plutôt d’une résiliation.

Or le fameux article 38 des traités de concession, qui fait parler tout le monde, prévoit la fin des concessions ou leur reprise. Et il précise : « En cas de rachat, le concessionnaire aura droit à une indemnité correspondant au préjudice qu’il subit du fait de la résiliation. Le montant net d’impôt dû au titre de sa perception après prise en compte de toutes les charges déductibles sera égal à la juste valeur de la concession reprise, estimée selon la méthode d’actualisation des flux de trésorerie disponibles. »

Nous sommes des hommes politiques ! Si nous décidons aujourd’hui de racheter ou de résilier la concession, pour aller vers un nouveau mode de gestion, cela coûtera, nous dit-on, de 40 milliards d'euros à 50 milliards d’euros.

Nous sommes aujourd’hui en 2015, et les concessions prennent fin entre 2029 et 2033. En 2006, il aurait fallu se livrer à un calcul similaire, et dire que, pour vingt-cinq ans de concessions, le prix ne pouvait pas être de 15 milliards d’euros, ni même de 50 milliards d’euros, valeur de la clause de rachat à l’heure actuelle. En effet, si l’on estime les bénéfices à 50 milliards d’euros pour quinze ans d’exploitation, pour vingt-cinq ans, le prix aurait dû être, mutatis mutandis, de 60, 70 ou 80 milliards d’euros, contre seulement 15 milliards d’euros à l’époque. Tout cela n’est guère acceptable !

Derrière ces enjeux financiers, il faut aussi considérer la desserte des territoires, l’emploi, les bâtiments et les travaux publics visant à construire de nouvelles infrastructures urbaines, rurales et périrurales. Car l’enjeu, in fine, est bien de répondre aux demandes des Français.

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est certain !

M. Alain Bertrand. La renationalisation impliquerait de revenir à une gestion par l’État, à laquelle je ne suis pas favorable, car ce n’est pas son métier.

Mme Marie-France Beaufils. Il l’a déjà fait ! Ce ne serait pas un mal que ces sociétés retombent dans l’escarcelle de l’État !

M. Alain Bertrand. Je privilégierais plutôt, soit le scénario de la résiliation des concessions – le « rachat » –, soit celui de la renégociation de celles-ci.

Dans tous les cas, je souhaite que le système soit revu en profondeur, y compris les tarifs, dans un sens plus raisonnable, et le plan de relance autoroutière, dont on nous dit qu’il est aujourd’hui captif d’appels d’offres remportés par les filiales des sociétés d’autoroutes, celle-ci détenant des entreprises de travaux publics. Alors que nous avons dépensé 500 millions d’euros en travaux, des appels d’offres plus ouverts auraient peut-être permis de réduire ce coût à 400 millions d’euros, ou alors de réaliser davantage de travaux.

Quoi qu'il en soit, nous ne devons pas accepter la prolongation des contrats, qui, de fait, aboutit à la dépossession du pays et de nos concitoyens.

Mme Évelyne Didier. Très bien !

M. Alain Bertrand. Je le répète, ma préférence va à la résiliation des contrats de concession, avec une révision du principe de rachat fixé à l’article 38 desdits contrats. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?

M. Francis Delattre. M. Macron n’a pas une tête de résiliateur ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)

M. Alain Bertrand. Il me semble possible de trouver 40 milliards d’euros, de s’adosser à la Caisse des dépôts et consignations et de faire en sorte qu’il ne s’agisse pas directement d’une dette de la France. Pour cela, le ministère de l’économie devra se livrer à un exercice d’ingénierie financière.

M. Éric Doligé. Et si l’on demandait à la Grèce de nous prêter de l’argent ? (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)

M. Alain Bertrand. Quoi qu’il en soit, il ne faut rien exclure, y compris la renégociation.

Il nous faut inventer, innover et faire bouger les lignes. Les Français nous regardent, et je compte sur M. Macron, qui a toutes les qualités requises pour mener à bien cette mission ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.)

M. Henri de Raincourt. À coup de 49-3 ?

M. Éric Doligé. Vive M. Macron !

Mme la présidente. La parole est à M. David Rachline.

M. David Rachline. Madame la présidente, monsieur le ministre, la privatisation des sociétés d’autoroutes, menée ces dix dernières années par les majorités successives UMPS – nous employons ce terme, monsieur Doligé, car, quand vous êtes aux responsabilités, vous appliquez exactement les mêmes politiques ! (Exclamations.) – était une faute majeure.

Voilà dix ans que les usagers sont pris en otage par un système qui a démontré, comme nous l’avions annoncé, qu’il joue très largement à l’avantage des actionnaires des sociétés détentrices des contrats de concession.

Les bénéfices significatifs de ces sociétés concessionnaires, qui représentent 15 milliards d’euros, se sont volatilisés en dividendes versés aux actionnaires. Or ces bénéfices colossaux permettraient, de très loin, de financer les investissements nécessaires à l’entretien et au développement du réseau routier.

Depuis des années, un bras de fer faussé entre les sociétés concessionnaires d’autoroutes et l’État se fait au détriment des usagers, qui voient leurs péages augmenter pour financer l’entretien et la modernisation des autoroutes.

De son côté, l’Autorité de la concurrence a constaté et dénoncé à plusieurs reprises que la formule d’indexation des péages sur l’inflation, qui est déconnectée des charges supportées par les sociétés d’autoroutes, n’est pas pertinente. À ce propos, le gel des tarifs, intervenu au début de ce mois, était bien le moins que le Gouvernement pouvait faire.

Toutes ces dérives sont dénoncées depuis le début par le Front national, la privatisation du réseau autoroutier ayant été annoncée comme un échec cuisant. Encore une fois, nous avions raison, et les Français sont de plus en plus nombreux à le reconnaître.

Nous avons pieds et mains liés à cause de contrats qui nous contraignent, car, comme sur d’autres sujets, notre marge de manœuvre est restreinte, sauf à payer des compensations, puisque les contrats de concession courent jusqu’aux années 2030. Ce dossier rappelle étrangement celui de l’écotaxe, qui, grâce à vos talents de gestionnaires, coûte quasiment 1 milliard d’euros à l’État. Vous êtes les auteurs de cette mauvaise farce, qui ne fait évidemment plus rire personne : reconstruisons ce que nous avons détruit !

Ce que nous dénoncions commence à devenir une évidence pour tout le monde. Nous constatons enfin une réelle prise de conscience, mais que de temps et d’argent perdu !

M. Joël Labbé. On ne vous a pas attendus pour dénoncer ces dérives !

M. David Rachline. Toutefois, cette prise de conscience est arrivée et nous nous en réjouissons. Espérons seulement que, derrière les paroles, il y aura des actes : la réalité nous a si souvent déçus… Aussi, désormais, que faire ?

Il est temps qu’une transparence totale permette de contrôler le secteur autoroutier. Les contrats de plan doivent cesser ; nous avons trop vu de dérives jusqu’ici. Et ceux qui seront signés d’ici là doivent impérativement être mieux négociés.

Notre groupe de travail au Sénat a proposé de s’engager dans le rachat d’une concession, d’en dresser un bilan des avantages et des inconvénients. J’y suis favorable, pour ne pas tomber dans les mêmes erreurs qu’autrefois.

Néanmoins, nous préconisons, en ce qui nous concerne, une renationalisation rapide et urgente. (Murmures sur les travées de l'UMP.) Celle-ci serait progressive et autofinancée par le rendement des péages. Avec la privatisation, l’État s’est privé d’une manne financière immense, et il est temps de remettre les choses à l’endroit, afin de rendre aux usagers de la route la possibilité de parcourir la France sans se faire vider les poches.

Les autoroutes, qui ont été et sont toujours financées par l’argent du contribuable, doivent demeurer un bien public, et leurs bénéfices éventuels revenir intégralement à l’État.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux.

M. Jean-Yves Roux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les problématiques liées aux transports, à tous types de transports et à la protection nécessaire de notre environnement se doivent d’être au cœur de nos réflexions d’élus sur des horizons majeurs à moyen et long termes.

Pour financer le développement du réseau autoroutier, le choix a été fait de déroger au principe de la gratuité des voies de circulation en mettant en place un système de concessions. À la suite de la loi du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes, l’État a concédé la construction et l’exploitation de sections d’autoroutes à des sociétés dans lesquelles les intérêts publics étaient majoritaires.

À l’origine, les péages prélevés sur les usagers devaient couvrir à la fois l’amortissement des investissements, l’exploitation et l’entretien des autoroutes, ainsi que leur extension.

En 2006, le gouvernement alors en place a fait des choix significatifs et critiquables : l’ouverture du capital, puis la privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes ont modifié la relation entre l’État et ces sociétés. Sept sociétés historiques se sont regroupées au sein de trois groupes : le groupe Vinci Autoroutes, le groupe APRR et le groupe Sanef. Ce réseau concédé représente les trois quarts du réseau autoroutier et 95 % du chiffre d’affaires du secteur.

En juillet 2013, la Cour des comptes a affiché au grand jour l’exploitation déséquilibrée de la majeure partie du réseau autoroutier français par les sociétés concessionnaires d’autoroutes citées ci-dessus.

Dans un rapport sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires, commandé par la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes a mis en lumière quatre points majeurs qui interrogent sur les modalités de gestion du réseau autoroutier français : les rapports entre les deux « partenaires » que sont l’État et les sociétés concessionnaires sont déséquilibrés, au bénéfice de ces dernières ; les hausses des tarifs des péages pratiquées sont nettement supérieures à l’inflation ; le caractère des hausses tarifaires issues des contrats de plan est contestable ; le suivi des obligations contractuelles n’est pas respecté, qu’il s’agisse de préserver le patrimoine, de respecter les engagements pris dans les contrats de plan ou de transmettre les données demandées par le concédant.

Au sein de notre commission du développement durable, nous avons souhaité approfondir la réflexion sur ce sujet, après l’audition de M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence.

Notre commission a mis en place un groupe de travail sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes le 22 octobre 2014. Ce groupe de travail était coprésidé par nos collègues Jean-Jacques Filleul et Louis-Jean de Nicolaÿ. Nous avons rencontré et auditionné les acteurs du secteur, avant de rendre nos conclusions en novembre 2014.

À l’issue des auditions, notre groupe de travail a salué la qualité du réseau autoroutier français. La gestion des contrats de concessions autoroutières par les sociétés qui en sont propriétaires pose, elle, véritablement question.

Nos travaux, ceux de nos collègues députés, les travaux de la Cour des comptes et de l’Autorité de la concurrence convergent tous : ces contrats de concessions sont déséquilibrés. Les tarifs autoroutiers présentent, pour lesdites sociétés de concession, une rentabilité le plus fréquemment estimée autour de 20 %, sur fond de prix des péages augmentant plus vite que l’inflation depuis la privatisation de 2006.

La formule d’indexation des prix des péages sur l’inflation est déconnectée des charges supportées par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, ce qui n’est pas pertinent. Cette formule crée une rente injustifiée par le niveau de risques supporté par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, compte tenu de leur monopole.

Une autre conclusion à laquelle nous sommes parvenus est qu’il reste problématique que l’État n’ait pas modifié le cadre juridique applicable aux concessions lorsqu’il les a privatisées. Les contrats de plan signés ont été systématiquement conclus à l’avantage des sociétés d’autoroutes.

Face à ce constat, je sais la volonté du Gouvernement de mettre un terme à ce dysfonctionnement. Il est effectivement nécessaire que le Gouvernement et le Parlement se réapproprient ce sujet, dont ils avaient été trop longtemps tenus à l’écart.

Au début de l’année 2015, le Premier ministre a proposé, dans la continuité de nos travaux, la mise en place d’un groupe de travail sur l’avenir des concessions autoroutières. Les premières réunions de travail ont commencé à la fin de janvier 2015. Ce groupe de travail associe quinze parlementaires, de la majorité et de l’opposition, ainsi que des représentants de l’administration.

Le Gouvernement est déterminé à remettre à plat les concessions autoroutières, afin de mettre en œuvre les recommandations formulées par la Cour des comptes et l’Autorité de la concurrence visant à un rééquilibrage des relations contractuelles entre l’État et les sociétés concessionnaires.

Ses objectifs sont clairs : proposer une meilleure régulation des péages, afin de préserver le pouvoir d’achat des automobilistes, un encadrement plus strict des profits des sociétés concessionnaires, ainsi que la participation accrue de ces dernières au financement des infrastructures de transport du pays.

Monsieur le ministre, vous avez donc un vrai souci de l’intérêt général, car c’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui, et je m’en félicite. D’ailleurs, dans l’attente de l’aboutissement de ces travaux, le Gouvernement a décidé de surseoir à l’application de la hausse des péages.

Nous n’ignorons pas que ce dossier se révèle complexe, car il concerne des contrats de concession négociés jusqu’en 2028-2030.

M. Éric Doligé. Déchirons-les !

M. Jean-Yves Roux. Néanmoins, le Gouvernement ne dispose-t-il pas, avec le plan de relance autoroutier, d’une occasion de rouvrir la négociation ?

Afin de vous soutenir dans votre démarche, le groupe de travail de notre commission a dressé une liste de propositions, dont l’enjeu essentiel est de mettre fin à cette situation de rente qui pénalise lourdement l’usager. Il s’agit aussi de garantir davantage de transparence dans la gestion des concessions autoroutières, et cela même si le cadre juridique est contraint.

J’exposerai donc les grandes lignes des recommandations que nous avons formulées et les propositions qui, si elles n’ont pas déjà été reprises, pourront servir de base aux réformes de demain.

Il nous est tout d’abord apparu nécessaire de renforcer la transparence et la régulation du secteur, ainsi que de mettre fin à l’opacité qui le caractérise.

Nous avons proposé, tout comme l’Autorité de la concurrence d’ailleurs, d’élargir les compétences de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires au contrôle du secteur autoroutier, l’ARAFER. C’est chose faite aujourd’hui dans le projet de loi dit « Macron ».

Vous sortez d’un combat fort à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, où vous avez défendu votre projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances. Or l’article 5 de ce texte porte sur le sujet qui nous préoccupe maintenant. En effet, il vise à doter l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières d’une compétence de contrôle des évolutions des tarifs des péages, ainsi que d’une compétence consultative sur les avenants au cahier des charges de concession ayant une incidence sur les tarifs de péages.

Nos collègues députés ont décidé de renforcer considérablement les pouvoirs de l’ARAFER. Celle-ci sera désormais associée aux commissions de marchés au sein de chaque concessionnaire d’autoroutes. Elle rendra un avis sur tout nouveau projet de délégation. Elle pourra accueillir des données au-delà des seuls marchés de travaux.

Enfin, elle pourra examiner, sur son initiative ou celle des ministres en charge des transports ou de l’économie, la mise en œuvre des dispositions contractuelles existantes, de manière à s’assurer de la correcte exécution des obligations contenues dans les contrats, notamment en ce qui concerne la réalisation ou le calendrier d’exécution des investissements prévus. Je souhaite que le Sénat valide cette avancée permise par l’Assemblée nationale.

Je ne puis que me féliciter, au nom du groupe socialiste du Sénat, de ces avancées rapides. Le projet de loi arrivant prochainement en discussion dans notre hémicycle, nous défendrons cet article.

Il nous paraissait en second lieu important de changer de modèle pour les contrats de plan, en consultant le Parlement avant toute décision. Nous avions estimé que les sociétés concessionnaires d’autoroutes devaient communiquer chaque année au Parlement, à l’administration et aux autorités de contrôle toutes les données nécessaires à une plus grande transparence. Il s’agit d’éviter de reproduire l’erreur faite en 2006, lorsque ces mêmes sociétés ont été privatisées dans la confidentialité la plus totale.

Sur ce point également, le projet de loi pour la croissance et l’activité comporte des avancées. Il prévoit de mettre en place de nouvelles obligations pour les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Les procédures de mise en concurrence des sous-concessions autoroutières par ces sociétés seront encadrées par la loi.

Les sous-concessions seront soumises à la publicité et à la mise en concurrence, afin de lutter contre l’opacité, trop forte actuellement : les contrats de plan prévoyant des travaux supplémentaires en contrepartie d’une hausse de tarif additionnelle sont systématiquement négociés en faveur des sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Une clause de bonne fortune sera également intégrée dans les futurs contrats de concession autoroutière. Si les revenus du concessionnaire excèdent trop les prévisions initiales, cet excès pourra soit profiter aux usagers ou à l’État, soit servir au financement de nouvelles infrastructures. La transparence des contrats de concession autoroutière sera ainsi renforcée.

Nous avions signalé qu’il était judicieux d’avancer sur le chemin d’une reprise en main par l’État des concessions autoroutières. Le projet de loi prévoit de renforcer le contrôle du Parlement, qui sera informé des projets de modification de convention ou de cahier des charges, notamment lorsque les modifications envisagées auraient une incidence sur les tarifs de péage ou la durée des concessions. Il est donc indéniable que nous avançons.

« L’État ne doit pas être naïf et doit saisir l’opportunité du plan de relance autoroutier pour renégocier à son avantage et à celui des usagers », a plaidé Bruno Lasserre, le président de l’Autorité de la concurrence. Lorsqu’une renégociation des contrats pourra être menée, le Gouvernement devra en profiter pour demander des contreparties.

Au vu de l’augmentation irraisonnée des tarifs au cours des dix dernières années, la révision de la composition des prix apparaît comme l’axe essentiel de travail à suivre. Alors que nous traversons une période difficile, même si nous percevons une amélioration, ces profits tarifaires sont inadmissibles. Je suis certain que de nombreuses propositions de substitution sont possibles ; nous en avons formulé quelques-unes. Toute avancée doit se faire dans le sens de l’intérêt général. Les structures de gestion de transports doivent aussi servir le principe d’égalité des territoires dans le transport.

La réflexion que nous avons menée sur la gestion des sociétés concessionnaires d’autoroutes doit s’inscrire dans un cadre ambitieux, et nous devons faire preuve de courage et de réalisme, afin de préparer les pratiques de transport de demain. Il s’agit en effet de concevoir dès aujourd’hui des schémas de mobilité modernes et plus respectueux de notre environnement.

Monsieur le ministre, les sénateurs socialistes de la commission du développement durable sont prêts à engager, main dans la main avec le Gouvernement, une réflexion approfondie sur chaque secteur de mobilité. Ils sont également prêts à prendre rapidement des mesures. Les solutions possibles sont de nature politique, technique et comportementale. Engageons-nous dans la modernité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier.

M. Albéric de Montgolfier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie le groupe UMP d’avoir organisé ce débat. En tant que rapporteur général de la commission des finances, je voudrais aborder la question des concessions autoroutières sous l’angle budgétaire et fiscal.

Les débats sur les tarifs, sur la rentabilité des autoroutes, voire sur une hypothétique remise en cause des concessions nous font parfois oublier l’essentiel.

L’essentiel, c’est d'abord – Marie-Hélène Des Esgaulx l’a souligné – un réseau de plus de 9 000 kilomètres concédés, qui est entretenu et exploité sans dépense budgétaire de l’État.

L’essentiel, c’est ensuite un investissement de plus de 18 milliards d'euros en dix ans, financé entièrement par des fonds privés. L’investissement a connu un fort pic en 2011, quelque 13 milliards d'euros ayant été investis dans quatre projets ambitieux : le projet Sud Europe Atlantique, ou SEA, le projet Banque publique d’investissement, ou BPI, l’A63 et le contournement de Nîmes et de Montpellier. Ces projets représentaient quelque 100 000 emplois dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Ce chiffre mérite que l’on y réfléchisse, alors que l’activité de ce secteur connaît une baisse particulièrement marquée.

Nous avons entendu, et nous entendons encore aujourd'hui un certain nombre de critiques relatives à la privatisation des autoroutes. À cet égard, il faut rappeler les chiffres. Entre 2002 et 2006, les sociétés concessionnaires ont versé 22,5 milliards d'euros de coûts d’acquisition, dont 10,9 milliards d'euros à l’État, et ont pris en charge 19 milliards d'euros de dette, ainsi que 5 milliards d'euros d’engagements d’investissement.

L’État s’est-il appauvri ? On peut difficilement parler d’appauvrissement, car il ne s’agit pas de cession ni de privatisation : l’État reste propriétaire du réseau concédé, qu’il a vocation à reprendre à l’expiration de la concession. Il faut surtout tenir compte des recettes que lui procurent chaque année les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

M. Charles Revet. C’est le plus important !

M. Albéric de Montgolfier. En 2013, ces sociétés ont versé 1,7 milliard d'euros de TVA et 2,2 milliards d'euros d’impôts et taxes divers, soit 3,9 milliards d'euros au total.

La rentabilité des sociétés concessionnaires d’autoroutes est-elle trop élevée ? Comme l’a rappelé Marie-Hélène Des Esgaulx, la privatisation n’a rien changé aux contrats de concession eux-mêmes. Elle n’a pas influé sur la fixation des tarifs, qui est encadrée par un décret de 1995.

La rentabilité doit être mesurée sur la durée de la concession. Un taux de rentabilité de 7 % ou 8 % – ces chiffres ont été cités tout à l'heure – est-il trop élevé ? Je voudrais citer assez longuement l’avis de l’Autorité de la concurrence, qui est par ailleurs très critique : « La construction d’une autoroute exige des investissements considérables, lesquels ne peuvent être et n’ont été financés que par l’emprunt.

« Par conséquent, pendant une première période, le concessionnaire est fortement déficitaire […] et ce n’est que pendant une deuxième période que les pertes, diminuant progressivement, se transforment en bénéfices à mesure que le réseau autoroutier s’amortit, que les dépenses de construction se réduisent et que les tarifs des péages augmentent, s’ajoutant à la progression naturelle du trafic. […]

« Par ailleurs, l’une des particularités de l’activité de concession d’autoroutes […] est que l’évolution du trafic autoroutier est corrélée à des variables sur lesquelles les sociétés concessionnaires d’autoroutes n’ont aucune influence : la croissance du PIB […], la démographie, le prix des carburants. Par conséquent, la hausse du trafic et celle du chiffre d’affaires qui en découle ne résultent pas ou peu de leurs décisions. […]

« Le modèle économique simplifié des concessions d’autoroutes peut donc être présenté de la manière suivante, faisant apparaître, à l’issue d’une période de perte de 25 ou 30 ans un retour à l’équilibre marquant le commencement d’une période de rentabilité croissante. »

Il s'agit donc d’un modèle extrêmement complexe, qui repose sur des financements longs – de l’ordre de 55 ans. Il ne faut pas en avoir une vision simplificatrice. Aujourd'hui, malgré un afflux considérable de liquidités dans le monde, certains éprouvent les plus grandes difficultés à financer leurs projets.

Quelles sont les perspectives en matière de concessions autoroutières dans un contexte marqué par le déficit budgétaire, avec une dette publique s’approchant des 100 % du PIB et un risque d’effondrement de l’investissement public, à cause, d'une part, du fiasco de l’écotaxe, et, d'autre part, de la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales, qui ne sera pas sans conséquence sur l’investissement routier ?

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Albéric de Montgolfier. Le risque est qu’il n’y ait plus aucun investissement routier et autoroutier en France. À cet égard, on peut regretter l’abandon de l’adossement, qui a permis par le passé le financement de projets non rentables par des projets rentables.

Il existe cependant d’autres pistes, comme un plan de relance autoroutier reposant sur l’allongement de la durée des concessions. Cette piste avait été explorée dans le cadre du plan de relance ; elle mériterait de l’être à nouveau, avec des ambitions plus importantes. Un véritable plan de relance autoroutier pourrait apporter une solution à un problème insoluble : l’état du réseau autoroutier non concédé en région parisienne.

Monsieur le ministre, nos autoroutes sont en relativement bon état – tous les intervenants l’ont souligné –, mais notre réseau est sous-calibré et mal entretenu. Examinez l’état du réseau à la sortie de l’A10 ou de l’A11 vers la nationale 118, ou le goulot d’étranglement à Massy-Palaiseau. Observez le débouché de l’A3 ou de l’A1 en Île-de-France. Nos autoroutes ne sont pas dignes de notre pays. En particulier, la desserte des aéroports parisiens est indigne.

Le problème est insoluble en termes budgétaires. Chaque année, ce sont des millions d’heures de travail qui sont perdues dans les embouteillages, ce sont des millions de tonnes de CO2 qui sont rejetées inutilement. La seule solution réside sans doute dans un véritable plan de relance autoroutier, qui pourrait porter sur des parties non concernées par l’allongement de la durée des concessions.

C’est un peu l’invitation que nous lance le plan Juncker, dont on discute beaucoup en ce moment. Nous nous sommes, la présidente de la commission des finances et moi-même, rendus à Berlin hier et à Bruxelles la semaine dernière. On nous a expliqué que le plan Juncker reposait non pas sur des investissements des États, ni sur le budget de la Commission européenne, mais, au mieux, sur un mécanisme de garantie et de participation de la Banque européenne d’investissement, et, surtout, sur des investissements privés, au travers du fameux coefficient multiplicateur de 15.

Je vois là une invitation à travailler à nouveau sur les concessions autoroutières. En France, l’association du public et du privé pour réaliser des investissements dans les infrastructures porte un nom : la concession. Il faut, dans le cadre du plan Juncker ou, du moins, d’un plan de relance des concessions, redonner toute leur place aux concessions autoroutières, afin d’achever, enfin, un certain nombre de programmes dont notre pays a besoin, car ils amélioreraient sa compétitivité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite du rapport publié par sa commission en décembre 2012, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale a saisi l’Autorité de la concurrence, en lui demandant de rédiger un rapport visant à apprécier si les augmentations tarifaires des péages autoroutiers étaient justifiées au regard de l’activité et de la rentabilité constatées.

L’Autorité de la concurrence a présenté son rapport le 17 septembre 2014. M. Lasserre, qui s’était déjà exprimé de manière assez virulente sur le sujet en 2013 – avant les auditions, je le précise –, a produit sans surprise un rapport manifestement à charge, comme le prouve l’emploi accusateur du mot « rente ».

Mme Évelyne Didier. C’est faux !

M. Pierre Médevielle. La présentation de ce rapport a provoqué une vive réaction à l’Assemblée nationale et au Sénat. Les médias se sont livrés à une opération de bashing sans précédent à l’encontre des sociétés concessionnaires d’autoroutes.

De grâce, gardons-nous des indignations faciles ! Après le temps des accusations vient celui de la réflexion et de la vérification.

M. Pierre Médevielle. À la suite de la publication de ce rapport, Gérard Larcher et Hervé Maurey ont proposé la constitution d’un groupe de travail composé de six sénateurs. Nous avons procédé sensiblement aux mêmes auditions que l’Autorité de la concurrence : les concessionnaires, les autorités de régulation et les associations d’usagers. Nous avons récolté les mêmes éléments et les mêmes chiffres. Cependant, une importante différence d’interprétation est immédiatement apparue.

Dans son rapport, M. Lasserre sonne clairement la charge, en annonçant des marges exceptionnelles de 20 % à 24 %, obtenues grâce à l’utilisation d’un mode de calcul pour le moins singulier et totalement inadapté à l’estimation de la rentabilité d’un modèle de concession sur longue durée. En effet, le calcul de l’Autorité de la concurrence est fait à un instant T et ne prend aucunement en compte les coûts d’acquisition, la reprise de la dette et les engagements de travaux, soit à peu près 40 milliards d’euros – des broutilles, me direz-vous…

M. Pierre Médevielle. De plus, à l’expiration de la concession, qui est signée pour vingt-cinq ans, les concessionnaires remettent gratuitement à l’État le réseau d’autoroutes.

La rentabilité de la concession évolue selon un modèle de courbe en J, avec un fort déficit au départ, un retour à l’équilibre en 2017 et une période de bénéfice jusqu’au terme de la concession. D’après le taux de rentabilité interne, les marges réelles se situent dans une fourchette de 6 % à 8 %, voire 3 % ou 4 % pour certaines petites concessions, ce qui n’a rien d’anormal dans le secteur.

Quand on leur a demandé pourquoi ils avaient choisi un mode de calcul de la rentabilité aussi peu réaliste et adapté, en occultant les dettes, les reprises d’emprunts et les investissements, les collaborateurs de M. Lasserre, M. Umberto Berkani, rapporteur général adjoint, et Mme Audrey Sabourin, rapporteur et économiste, ont répondu sans autre commentaire qu’ils avaient fait ce qu’on leur avait demandé de faire. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Éric Doligé. Eh bien, bravo !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà qui est curieux !...

Mme Évelyne Didier. Ils ont répondu à la question qu’on leur posait. Pourquoi voulez-vous jeter le discrédit sur l’Autorité de la concurrence ?

M. Pierre Médevielle. Second oubli très important, l’Autorité de la concurrence ne cite pas le principal rentier dans cette affaire, à savoir l’État, qui n’est pas aussi naïf qu’on essaie de le faire croire. En effet, il perçoit une rente annuelle – le mot « rente » est ici justifié, puisque l’État ne fait rien en contrepartie –, qui représente 40 % du chiffre d’affaires des concessionnaires, soit à peu près 3,5 milliards d’euros.

Pourquoi un tel oubli ? Nous avons tout loisir, bien sûr, de philosopher sur la privatisation de 2005-2006. Je laisse à chacun le soin de se forger une opinion, mais, comme nous allons le voir, les conditions de cette opération n’ont pas du tout été défavorables à l’État.

En effet, cette acquisition s’est faite pendant une période d’embellie boursière, en période de croissance économique, avec des hypothèses de croissance sur le long terme très optimistes et favorables, mais qui n’ont pas survécu à la crise de 2008. Le montant total versé par les nouveaux actionnaires pour recueillir la totalité du capital des sociétés a été de 22,5 milliards d’euros. S’y sont ajoutés une reprise de dettes de 19 milliards d’euros et un engagement d’investissement de 4,4 milliards d’euros.

L’État a donc vendu pour 22 milliards d’euros une dette accompagnée d’un engagement de 23 milliards d’euros, dégageant ainsi une trésorerie de 15 milliards d’euros, en s’assurant une rente de 3,5 milliards d’euros annuelle.

M. Pierre Médevielle. Il est nécessaire de le rappeler également, sans la privatisation, qui a entraîné une forte optimisation de la gestion, les recettes n’auraient pas atteint un tel niveau et n’auraient certainement pas été affectées intégralement à l’entretien des autoroutes, étant donné les difficultés budgétaires que nous rencontrons.

Nous avons aujourd’hui, et cela a été souligné par mes prédécesseurs, l’un des meilleurs réseaux d’Europe. D'ailleurs, l’Allemagne et d’autres pays s’apprêtent à adopter aussi le modèle de la concession. En ce qui me concerne, je préférais nettement le système Raffarin, avec l’agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, qui semblait beaucoup plus sûr pour l’avenir.

Tous ces éléments ne sont pas neutres dans le calcul de rentabilité interne et auraient dû être pris en compte, afin de présenter un rapport beaucoup plus réaliste. N’est-il pas étonnant et inhabituel de voir que même Le Canard enchaîné vole au secours des concessionnaires, avec un article au titre évocateur : « Accident de calcul sur les autoroutes » ?

M. Pierre Médevielle. Quant aux augmentations tarifaires, elles obéissent à des règles qui ont été fixées par l’État et qui sont demeurées absolument les mêmes avant et après la privatisation.

Mise en cause aussi, la hausse tarifaire moyenne sur l’ensemble des sociétés a été en réalité plus limitée depuis la privatisation. Elle devait être de 70 % de l’inflation, à condition de ne pas réaliser de travaux supplémentaires.

Le rapport Lasserre met en cause les contrats de plan qui ont un impact sur les tarifs d’autoroutes. Il faut signaler aussi que l’augmentation tarifaire a été supérieure à la prévision, puisque ces contrats, qui étaient prévus à cinq milliards d’euros, ont dû être revus à la hausse. Ce sont quinze milliards d’euros de travaux et d’investissements que le concessionnaire fait à la place de l’État.

Il est étonnant que dans le même temps les très fortes hausses des tarifs du TGV soient passées totalement inaperçues – comme une lettre à la poste…

Mme Sylvie Goy-Chavent. Sauf pour les usagers !

M. Pierre Médevielle. Nous devons au vu de tous ces éléments reconsidérer nos positions. D’ailleurs – prémonition ou non –, M. Lasserre lui-même, lors de son audition par la commission des finances de l’Assemblée nationale, le 17 septembre 2014, disait : « Et nous serions évidemment prêts à revoir les chiffres ou les données si des erreurs méthodologiques avaient été commises ».

L’Autorité de la concurrence trouve que les rentabilités sont disproportionnées par rapport à « un risque zéro sauf déneigement ». Or un rapport récent de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, la DGITM, fait clairement apparaître que les prévisions de trafic sont nettement en baisse, ce qui représente tout de même un risque non négligeable.

La publication de ce rapport – est-ce un hasard ? – s’est télescopée avec les affaires écotaxe et Ecomouv’, qui ont mis le Gouvernement dans l’embarras face à un besoin urgent de liquidités, ce qui l’a conduit à « taper » sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Au même moment – autre hasard, certainement –, la société Microeconomix présente une étude de reprise ou de renationalisation par l’État des concessions autoroutières pour la somme de trente milliards d’euros, suivie d’une remise en concession dans la foulée pour un montant de quarante milliards d’euros : la bonne affaire que voilà !

Comme le dit avec beaucoup de sagesse et d’humour le professeur Yves Crozet, du laboratoire d’économie et de transport de l’Institut d’études politiques de Lyon, la gratuité des transports n’est plus à l’ordre du jour et la renationalisation des sociétés d’autoroutes coûterait une fortune à l’État.

M. Pierre Médevielle. Il conclut même son article de façon humoristique par les derniers vers de la fable de La Fontaine « Perette et le pot au lait », qui en disent long....

Ce qui est grave dans cette affaire, c’est que l’on a fait croire aux usagers des autoroutes qu’il était possible d’abaisser le prix des péages d’un coup de baguette magique et que les sociétés concessionnaires représentaient une véritable poule aux œufs d’or. Celle-ci est certes dodue, mais je ne suis pas sûr qu’elle puisse pondre des œufs en or ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme Évelyne Didier. Pour être dodue, elle est dodue !

M. Pierre Médevielle. Des actions collectives citoyennes ont d’ailleurs déjà été engagées contre les sociétés, avec des usagers qui réclament les remboursements des paiements, résultat des opérations médiatiques. Les élus et les citoyens ont été roulés dans la farine.

Mme Catherine Troendlé. Ce n’est pas la première fois !

M. Pierre Médevielle. Le modèle de l’utilisateur-payeur choisi pour les autoroutes laisse peu d’espoir en ces périodes de crise quant à d’éventuelles baisses significatives de tarifs.

Dans cette affaire, l’État, par l’intermédiaire de la DGITM, qui s’occupe du contrôle des activités autoroutières, a été largement décrédibilisé, puisqu’il est clairement accusé de ne pas avoir fait son travail. Je ne suis pas persuadé que l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, qui ne semblait pas très enthousiaste à l’idée d’exécuter cette mission, fasse beaucoup mieux.

Bien sûr, nous serons toujours pour plus de transparence ; mais encore faut-il prouver les anomalies dans les attributions de marchés.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas gagné !

M. Pierre Médevielle. Enfin, et c’est grave, ce sont la parole et la signature de l’État qui seraient bafouées en cas de rupture des contrats, ce qui serait un signal très négatif envoyé aux futurs investisseurs potentiels.

Nous avons rencontré, avec le groupe de travail, des concessionnaires prêts à discuter, dès qu’un climat de sérénité et de confiance, ou tout au moins de respect, aura été rétabli. Les pistes les plus crédibles, puisque nous sommes à la recherche de solutions, semblent être un lissage des tarifs sur tout le territoire, avec par exemple des partages de bénéfices lors d’une augmentation de trafic, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Ne négligeons pas non plus l’autre piste, qui me semble la plus intéressante, à savoir l’augmentation de la durée de concession moyennant des contrats de plan, qui sont aussi créateurs de nombreux emplois, ce qui est très important par les temps qui courent, me semble-t-il.

Personne ne sort grandi de ce genre de couac, avec un rapport qui ne justifie jamais ce qu’il dit et une énième marche arrière du Gouvernement. Cet épisode aura prouvé une nouvelle fois, si besoin était, la nécessité du bicamérisme et du Sénat pour l’équilibre de nos débats républicains.

M. Pierre Médevielle. Au moment où les citoyens se détournent de plus en plus des élus et des formations politiques, évitons ce genre de spectacle et faisons preuve de plus de réalisme, ou nous irons vers de bien mauvaises surprises et désillusions.

Quant à l’Autorité de la concurrence, monsieur le ministre, après un couac pareil, je ne sais pas s’il est opportun de lui confier les professions réglementées, notamment le contrôle des installations ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne voudrais pas remuer le couteau dans la plaie. Toutefois, je constate que nos collègues du groupe CRC et du groupe socialiste, qui ont sans doute bien écouté le discours de notre collègue Rachline, n’auraient aucun mot à y retirer : celui-ci a exactement la même position qu’eux ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Évelyne Didier. Quel argument extraordinaire !

M. Éric Bocquet. Quelles conclusions en tirez-vous ?

M. Éric Doligé. Vous en tirerez vous-même les conclusions, cher collègue ! Du reste, vous m’avez bien compris. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

M. Jean-Jacques Filleul. Cela ne veut rien dire !

M. Éric Doligé. Sur le sujet des concessions autoroutières, qui font l’actualité, efforçons-nous de sortir du débat politicien dans lequel nous sommes engagés depuis des mois et qui a trouvé son origine avec le dossier de l’écotaxe et d’Ecomouv’. Soyons enfin pragmatiques.

L’affaire de l’écotaxe a été très dommageable pour beaucoup. Je pense aux contribuables, qui devront finalement compenser les 820 millions d’euros de la rupture du contrat avec Ecomouv’, mais aussi le milliard net d’euros de recettes attendus chaque année. Je pense également aux collectivités, qui attendaient des recettes. Dans le cas de mon département, il s’agit de neuf millions d’euros perdus par an, sans même prendre en compte l’usure importante des routes due aux poids lourds et l’impact sur la pollution.

Je n’oublie pas l’image qui a été portée à la qualité de la parole de l’État. Finalement, la fin de l’écotaxe est due à un 49-3 ! Après de multiples contrôles, réalisés entre autres par le Parlement, il n’a été relevé aucune anomalie dans le partenariat public-privé. Pourtant, celui-ci a été remis en cause.

Néanmoins, j’en reviens au débat d’aujourd’hui, qui est très lié au sujet que je viens d’évoquer. Le problème qui se pose à nous est le suivant : choisissons-nous comme priorité la politique politicienne consistant à remettre en cause les concessions ou encore à polémiquer à la suite de récentes annonces sur la fin de ces dernières ? Allons-nous polémiquer sur la renationalisation des autoroutes et suivre ces propositions qui fleurissent et qui sont fondées sur des éléments financiers pour le moins irréalistes ? J’aborderai ce sujet financier dans quelques instants.

Il semblerait que la reprise par l’État des concessions coûterait près de quarante milliards d’euros. M. Bertrand a évoqué la question, mais je pense que notre collègue Montgolfier y a largement répondu. En effet, qui payera ? Est-ce que cela conduirait à la gratuité ou à une augmentation des tarifs ? N’oublions pas que les sociétés d’autoroutes exercent leur activité dans un système totalement administré par le biais de la concession et du contrat.

Une autre solution serait de faire le choix d’une analyse économique. Pouvons-nous cesser de perdre notre temps à poser de faux problèmes qui bloquent l’économie dans une période où le chômage explose ?

Monsieur le ministre, il nous faut impérativement mener à terme, c’est-à-dire dans les dix jours, soit avant les élections départementales, les négociations du protocole d’accord en cours avec les sociétés d’autoroutes. Au-delà de ce délai, nous sommes repartis pour des mois de négociations et risquons d’aller à un échec.

M. Éric Doligé. Vous le verrez, chère collègue ! Je pense très sincèrement que la seconde formule, purement économique, est de loin la plus favorable à notre économie et à l’emploi.

Dès le début, sur ce dossier, les annonces ont fusé, en partant d’un chiffre qui a mis le feu aux poudres, à savoir celui qui a été donné par l’autorité de la concurrence dans son avis publié le 17 septembre 2014. Souvenez-vous, mes chers collègues, il était annoncé des niveaux de rentabilité se situant aux alentours de 24 %. Cela pouvait provoquer des réactions, notamment pour les personnes mal informées et sans relation avec la réalité de l’économie.

La réalité de la vraie vie est toute autre. Je citerai l’exemple de l’autoroute A19, la première qui a été réalisée sans adossement et qui relie Artenay à Courtenay dans le Loiret, pour laquelle nous venons de faire le bilan obligatoire après cinq ans de mise en œuvre.

Pour réaliser l’autoroute, le concessionnaire a emprunté des sommes considérables devant être remboursées avec un certain niveau de taux d’intérêt. La rentabilité se mesure en fonction du trafic, qui ne peut être qu’estimé et peut être perturbé par des facteurs externes. Actuellement, il baisse et les tarifs sont fixés par l’État dans le contrat.

Que constatons-nous après cinq ans ? Le bilan financier est toujours négatif et il mettra plusieurs années encore avant d’arriver à un premier résultat légèrement positif. La rentabilité progressera au fil du temps pour atteindre en fin de concession des niveaux qui pourraient être de l’ordre de 20 % à 24 %. C’est ce chiffre qui a choqué. Malheureusement, il a été mal exploité et nous en payons les conséquences.

La rentabilité doit être calculée en fonction de la durée de la concession, des sommes investies et des emprunts à rembourser, ce qui nous ramène à un résultat moyen variable pouvant être de l’ordre de 6 % à 7 %.

Ne l’oublions pas, à la différence d’un investisseur classique dans l’immobilier, la société d’autoroutes ne récupère pas la propriété du bien à la fin de la concession. Elle remet ce dernier à l’État, qui en tire tout le bénéfice sans aucun investissement et en outre après avoir soumis les sociétés d’autoroutes à divers impôts. Cela a été dit, sur 100 euros de péage, 39 euros vont à l’État : sans investir, ce dernier récupère ainsi près de 40 % de la somme versée.

Aussi, pourquoi faut-il aller très vite à la conclusion d’un protocole d’accord ? Notre économie va mal, l’emploi est dans une situation catastrophique et cela cache des millions de drames individuels. Or, pendant ce temps, l’on disserte sur la gratuité ou la renationalisation.

Vous le savez, mes chers collègues, depuis des mois nous attendons que le ministère accorde enfin le lancement de 3,2 milliards d’euros de travaux sur nos autoroutes grâce à l’allongement des concessions, et cela avec l’accord de Bruxelles. Les dossiers sont prêts, les travaux peuvent commencer rapidement, mais il semblerait que l’on se satisfasse d’un secteur des travaux publics en dépression et en préparation de licenciements.

Chaque jour compte : à la clef, il y a plus de 10 000 emplois à créer ou à maintenir. Et il faut compter aussi tous les emplois indirects liés aux travaux. Dans un pays où l’on atteint des sommets en matière de chômage, cela mérite attention !

Je vous donnerai un autre exemple local. Depuis environ dix ans, nous nous battons pour obtenir une sortie d’autoroute à Gidy en matière de sécurité, d’environnement, et de développement. Il s’agit là d’une occasion exceptionnelle et le dossier est enfin prêt.

J’ajoute un autre point qui devrait retenir votre attention, mes chers collègues : une entreprise étrangère située à proximité attend la bonne nouvelle pour créer plus de 1 150 nouveaux emplois. Il suffit simplement que je lui confirme l’ouverture de cette sortie d’autoroute ! Si je ne peux le faire, elle se développera à l’étranger. N’est-ce pas là un vrai sujet, d’autant que d’autres exemples similaires existent sans doute en France ?

Merci, monsieur le ministre, de nous entendre et de faire taire tous ceux qui sont contre l’économie et qui utilisent tous les mauvais prétextes. Merci d’écouter le Président de la République et de nous aider à inverser durablement la courbe du chômage ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Aubey.

M. François Aubey. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France compte aujourd’hui près de 12 000 km d’autoroutes, dont 9 000 sont exploitées sous le régime de la concession par dix-neuf sociétés concessionnaires d’autoroutes, les SCA. Parmi celles-ci, les sept SCA « historiques » représentent à elles seules 92 % du chiffre d’affaires du secteur.

Après la suspension de l’écotaxe et du péage de transit routier, et face aux besoins de financement des infrastructures de transport, les profits réalisés par les sociétés autoroutières attirent tous les regards. Dans un rapport rendu public en 2013, la Cour des comptes s’est penchée sur les relations entre les SCA et l’État. Elle a pointé toute une série de déséquilibres et de dysfonctionnements.

S’agissant, par exemple, des tarifs de péage, la Cour fait état de hausses de tarifs injustifiées et largement supérieures à l’inflation. Certes, la pratique du « foisonnement » a pris fin. Cependant, elle a permis aux SCA de faire d’énormes profits, qui n’ont été que très partiellement récupérés par l’État.

Concernant les contrats de plan, la Cour regrette que, depuis les privatisations de 2006, l’encadrement insuffisant des négociations « place le ministère chargé des transports dans un rapport qui ne lui est pas favorable, faute de pouvoir se référer à des instructions précises et d’obtenir un aval politique formel en cas d’inflexion dans la mise en œuvre de ces dernières ».

Tout aussi grave, concernant le suivi des opérations d’investissements et de la politique patrimoniale, la Cour déplore le manque d’information de la part des SCA. En effet, les données transmises ne permettent pas à l’État d’assurer un suivi financier dans de bonnes conditions.

L’État n’a pas non plus connaissance du budget consacré à l’entretien du patrimoine. Je rappelle que des audits ont démontré le mauvais état d’ouvrages d’art situés sur les concessions de la SAPN, c'est-à-dire de la Société des autoroutes Paris-Normandie, et, surtout, des ASF, les Autoroutes du Sud de la France, ainsi que la faiblesse du budget consacré à l’entretien.

Mme Évelyne Didier. C’est exact !

M. François Aubey. Saisie par la commission des finances de l’Assemblée nationale, l’Autorité de la concurrence, dans un avis publié en septembre dernier, critique, elle aussi, les sociétés d’autoroutes historiques. Elle remet notamment en cause le mode de fixation des tarifs de péage, indexés sur l’inflation dans le cadre des contrats de plan.

Par ailleurs, elle réfute les arguments le plus souvent avancés par les sociétés autoroutières pour justifier le régime très favorable qui leur est appliqué : le risque de baisse de trafic et la dette supportée. L’Autorité considère que les prévisions de trafic s’établissent en hausse de 0,7 % par an jusqu’en 2030. Quant à la dette pesant sur les SCA, l’autorité ne la juge pas risquée, surtout au vu des profits réalisés par ces sociétés.

Mme Évelyne Didier. Très juste !

M. François Aubey. D’un point de vue concurrentiel, l’autorité observe qu’une grande part des marchés de travaux des sociétés autoroutières est attribuée à des sociétés appartenant à leur propre filiale de BTP, relevant même des pratiques contestables de certaines SCA dans ces attributions.

Rappelons, enfin, que l’Autorité de la concurrence a émis un avis réservé sur le plan de relance autoroutier, validé depuis lors par la Commission européenne. Elle s’inquiète des effets de l’allongement des concessions et recommande de saisir l’occasion que constitue ce plan pour renégocier les contrats, les renégociations pouvant porter sur une nouvelle formule d’indexation des péages ou sur des clauses de réinvestissement et de partage des bénéfices.

Mes chers collègues, comme vous pouvez le constater, les rapports, avis et débats se succèdent, et les constats sont, à juste titre, toujours plus sévères. Preuve est faite désormais que la rentabilité exceptionnelle des sociétés concessionnaires n’est absolument pas justifiée, donc que la régulation a été jusqu’ici défaillante.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. François Aubey. Pourtant, nous le savons bien, dès lors que l’État confie un monopole à une entreprise privée, il est indispensable que celui-ci soit régulé, de façon à ne pas créer de rente injustifiée.

La rentabilité des sociétés d’autoroutes est aujourd’hui, et ce n’est pas nouveau, sans rapport avec leurs coûts et les risques inhérents à leur activité : leur chiffre d’affaires a augmenté de 26 % depuis 2006 ; leur rentabilité nette, après impôts et charges, a atteint un niveau exceptionnel en 2013, compris entre 20 % et 24 %.

À l’heure où nous manquons d’argent pour financer certaines infrastructures de transport, ces chiffres sont tout simplement indécents.

M. François Aubey. Que faire ? Comment nous dégager d’une telle situation ?

Ces derniers temps, nous avons entendu bien des propositions : taxation des bénéfices des sociétés d’autoroutes, gratuité des autoroutes le week-end, rachat des concessions, etc.

Déjà, il ne faut plus rééditer l’erreur qui a été commise en 2006, quand ont été privatisées de telles infrastructures. En tant que rapporteur pour avis de la commission du développement durable sur les crédits du programme « Transports aériens », je ne puis m’empêcher de penser, à l’instant présent, à nos aéroports…

L’État ne peut et ne doit plus faire preuve de naïveté en consentant de tels cadeaux à des consortiums d’acquéreurs. Monsieur le ministre, nous aurons l’occasion d’en reparler dans les prochaines semaines.

Aujourd’hui, la difficulté réside surtout dans le fait que les sociétés autoroutières sont liées à l’État par des contrats de concession extrêmement protecteurs, lesquels prévoient que, « en cas de modification substantielle ou de création d’impôts, de taxes ou de redevances spécifiques aux sociétés concessionnaires d’autoroutes, susceptibles de compromettre gravement l’équilibre de la concession, l’État et la société concessionnaire arrêteront d’un commun accord, dans l’intérêt de la continuité du service public, les compensations qui devront être envisagées. »

En clair, taxer les autoroutes n’est pas si simple et entraîne, selon les contrats, soit une hausse des tarifs de péage en leur faveur, soit un allongement de la durée des concessions, ce qui serait un comble.

Nous avons déjà discuté ici, au Sénat, notamment sur l’initiative du groupe CRC, de l’hypothèse d’une renationalisation des sociétés d’autoroutes. Si la privatisation de 2006 était une faute, il n’en convient pas moins de souligner que la renationalisation intégrale serait extrêmement coûteuse : entre 40 milliards d’euros et 50 milliards d’euros selon une estimation de la Cour des comptes.

M. Ladislas Poniatowski. C’est bien de le reconnaître !

M. François Aubey. Cela conduirait finalement l’État à racheter extrêmement cher tout ce qu’il a vendu en le sous-estimant.

M. François Aubey. La privatisation intervenue en 2006 a clairement privé l’État d’une manne financière considérable, de l’ordre de 2 milliards d’euros par an. Toutefois, en ces temps difficiles pour les finances publiques, il nous faut être certains de ne pas corriger une grave erreur de gestion du patrimoine de l’État par une nouvelle erreur. En la matière, seul le cas par cas, concession par concession, semble pertinent.

Surtout, comme l’a souligné l’excellent groupe de travail de la commission du développement durable du Sénat sur les concessions autoroutières, il faut à présent agir à plusieurs niveaux : améliorer la transparence pour rompre avec l’opacité du secteur ; renforcer les contrôles en mettant en place une véritable instance de régulation ; encadrer sévèrement, voire supprimer, les contrats de plan, afin d’éviter les dérives observées ces dernières années, tout en conservant l’option de la nationalisation.

En somme, il nous faut reprendre la main, à l’instar de notre gouvernement annonçant que les tarifs des péages autoroutiers, qui devaient augmenter de 0,57 % en moyenne au 1er février dernier, seraient gelés dans l’attente de l’aboutissement des travaux du groupe de travail parlementaire qu’il a constitué pour explorer les deux scénarios envisageables, à savoir une renégociation ou une résiliation de ces fameux contrats.

Monsieur le ministre, nous devons, tous ensemble, réfléchir à ce qu’il est possible et indispensable de faire dans le cadre du plan de relance autoroutier, non encore signé.

Personne ne pourrait comprendre que le Gouvernement permette un allongement de la durée des concessions des sociétés d’autoroutes en échange de travaux à hauteur de 3,2 milliards d’euros ou que l’on choisisse de prolonger le « système », car, si l’intérêt économique de ce plan est réel, notamment en termes de créations d’emplois – le syndicat patronal du secteur des travaux publics évoque le chiffre de 8 200 emplois créés –, il est important de souligner qu’il pèsera à long terme sur l’État concédant et sur les usagers, qui en ont légitimement assez de toujours et de trop payer.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. François Aubey. Même s’il est encore possible d’aller plus loin, nous pouvons d’ores et déjà nous satisfaire que votre projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, bientôt en discussion au Sénat, donne à la nouvelle ARAFER, Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, une compétence de contrôle sur les évolutions des tarifs des péages, ainsi qu’une compétence consultative sur les avenants aux cahiers des charges de concession ayant une incidence sur ces tarifs.

M. François Aubey. Nous nous réjouissons que les sociétés concessionnaires aient de nouvelles obligations et que le Parlement voie son rôle de contrôle renforcé. En effet, compte tenu des abus passés, quoi de plus normal que nous, parlementaires, soyons informés des projets de modification des conventions ou des cahiers des charges lorsque ceux-ci auront une incidence sur les tarifs des péages ou sur la durée des concessions ?

Nous avons aussi noté le coup de pouce donné à la mobilité durable, les tarifs des péages pouvant être différenciés de manière à favoriser les véhicules propres ou ceux qui sont utilisés régulièrement pour faire du covoiturage.

Mes chers collègues, nos discussions de ce jour le prouvent : les choses bougent du côté de la puissance publique !

Les usagers, eux aussi, s’organisent. Voilà quinze jours, nous apprenions qu’une action collective était menée contre les sociétés d’autoroutes, afin de contester les tarifs des péages sur cinq portions de voies : les autoroutes A1, A6, A7, A9 et A13 seraient concernées. Estimant les coûts de construction de ces autoroutes largement amortis, les automobilistes exigent des sociétés d’autoroutes le juste prix du ticket de péage, qui serait aujourd’hui supérieur d’au moins 20 % à ce qu’il devrait être.

L’autoroute A13, ouverte dans les années quarante pour relier à grande vitesse Paris à la Normandie, est notamment ciblée par l’action collective. Certains péages de cette voie font en effet régulièrement parler d’eux, comme celui d’Incarville, dans l’Eure, dont l’éventuel rachat n’a jamais pu se faire en raison des compensations financières exorbitantes demandées par la SAPN.

Compte tenu des tarifs prohibitifs de nos péages, qui, aujourd’hui, pourrait reprocher aux usagers réguliers de l’A13 de vouloir récupérer la partie surfacturée des 15,10 euros d’un Paris-Caen ou des 8,90 euros d’un Rouen-Caen ? Certainement pas moi ! Ainsi, vous le voyez, mes chers collègues, usagers et élus, chacun à notre niveau, nous travaillons à définir la mobilité de demain.

Au Sénat, la récente discussion sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte a été l’occasion de riches échanges en la matière. Le débat actuel sur le devenir des concessions autoroutières, s’il a nécessairement une dimension économique et financière, ne saurait être déconnecté des enjeux environnementaux, d’aménagement du territoire, de sécurité et de santé publique.

Dans les semaines et les mois à venir, les élus socialistes de la commission développement durable du Sénat seront particulièrement attentifs à ce que des mesures pérennes et soucieuses de l’intérêt général soient prises.

Rappelons que, dans un pays encore trop dépendant des hydrocarbures, où le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre, avec 27 % des émissions totales, et où la pollution atmosphérique par les particules serait à l’origine de 42 000 décès prématurés par an, l’avenir est certainement non pas au « tout automobile », mais plutôt à une combinaison de modes de transport à la fois rapides et lents, mécanisés et doux, individuels et collectifs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, aborder le dossier des concessions autoroutières revient à aborder les dossiers du financement des infrastructures et de l’aménagement du territoire, mais également ceux du report modal et de l’environnement.

Nos réflexions ne peuvent pas aboutir à la remise en cause du système des concessions, lequel a été inventé dans notre pays, car il s’agit d’un atout pour les entreprises françaises à l’étranger. Or nous devons toujours être attentifs à l’écho de nos débats nationaux au-delà de nos frontières.

En préambule, je ferai quelques rappels, car, à mon sens, ce débat doit nous inciter à beaucoup d’humilité au regard des épisodes passés.

J’évoquais au début de mon intervention le financement des infrastructures. Alors que ce dernier a longtemps été assuré par une fraction de la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, nous avons connu par la suite des systèmes plus élaborés, avec notamment, en 1993, le plan autoroutier Balladur, puis, en 1995, la mise en place du Fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, dans le cadre de la loi d’aménagement du territoire de Charles Pasqua. Ce dernier texte instituait d’ailleurs une taxe d’aménagement sur les sociétés autoroutières, en même temps qu’il affectait au FITTVN le produit de la redevance domaniale.

Ce fonds a fonctionné pendant quelques années, jusqu’à sa suppression par le gouvernement de Lionel Jospin, lequel organisait au même moment la première privatisation d’une société autoroutière, à savoir ASF-Escota, dans le cadre de loi de finances pour 2002. Je rappelle que cette société était à l’époque le premier concessionnaire en France, le deuxième en Europe et le troisième dans le monde. Les recettes devaient être affectées aux infrastructures, mais, en fait, elles ont été réparties ailleurs.

Cet exemple n’ayant pas suffi, quelques années plus tard, après que l’AFITF eut été créée et que Gilles de Robien eut envisagé d’affecter les dividendes des SEMCA à un financement durable des infrastructures, nous avons connu, en 2005, l’épisode, dont il a été abondamment question aujourd'hui, de la privatisation des sociétés autoroutières par le gouvernement de Dominique de Villepin. Celle-ci a eu lieu non pas dans des conditions confidentielles, comme je l’ai entendu dire tout à l’heure par Jean-Yves Roux, mais, au contraire, à l'occasion d’un débat très vif.

Je me souviens notamment, comme sans doute Marie-Hélène des Esgaulx, que la commission des finances de l’Assemblée nationale, sur l’initiative de Gilles Carrez, avait demandé de nombreuses expertises, ce qui avait d’ailleurs permis de relever le prix de 10,5 milliards d’euros à 14,8 milliards d’euros, évitant ainsi des conséquences encore plus lourdes que celles que nous constatons aujourd’hui.

Si je formule ce rappel, c’est non pas pour donner raison à ceux qui prétendent que la même politique aurait été menée par des majorités différentes, mais pour nous inciter à essayer de trouver des solutions stables pour le financement des infrastructures, et cela dans une plus grande transparence du système des concessions, singulièrement autoroutières.

Je ne reviens pas sur le rapport de la Cour des comptes de juillet 2013, sinon pour en citer trois extraits : « Le ministre chargé des transports ne négocie pas avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes dans un cadre lui permettant de disposer d’un rapport de forces favorable » ; « les contrats de plan signés pour cinq ans, qui permettent aux entreprises autoroutières de réaliser des investissements compensés par des hausses de péage ne sont pas publics et sont conclus dans des conditions peu transparentes » ; « le système des contrats de plan permet aux concessionnaires de compenser les investissements qu’ils réalisent par des augmentations de tarifs des péages routiers. Ce système, qui devait être l’exception est devenue la règle,…

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Eh oui !

M. Michel Bouvard. … et a conduit à des augmentations tarifaires supérieures à l’inflation, contrairement à la règle originelle des concessions. »

C’est à ces problèmes qu’il nous faut apporter des solutions. De ce point de vue, le débat ouvert par le Gouvernement me semble positif et nécessaire, dès lors qu’il n’aboutit pas à un certain nombre de conclusions tendant à la renationalisation des sociétés d’autoroutes et à la remise en cause de la signature de l’État, comme on a pu l’entendre dire.

Il est aussi nécessaire de lier ce débat à celui du report modal, à celui des nouveaux outils mis en place depuis 1995, à commencer par la directive Eurovignette. Nous avons également des problèmes de financement concernant les infrastructures autoroutières, le report modal et l’AFITF. À titre personnel, monsieur le ministre, je souhaite que ces débats ne soient pas déconnectés les uns des autres.

M. Michel Bouvard. Je mesure la difficulté de la tâche que représente la discussion avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes, mais il ne faut pas traiter cette affaire par compartiments.

Le fonctionnement de l’AFITF nous pose un problème, tout comme le financement du report modal. D’autres outils sont à notre disposition et ils sont complémentaires de la contribution que l’on pourra demander aux sociétés concessionnaires d’autoroutes, à commencer par l’eurovignette qui ouvre la possibilité de financer les externalités, de flécher les usages et de les lier à des investissements lisibles par nos concitoyens – ce qui représente un grand mérite, compte tenu du recul que nous avons pu prendre collectivement avec l’affaire de l’écotaxe. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté, aux côtés de Michel Destot, une mission confiée par le Gouvernement sur le financement d’une infrastructure dédiée, la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin.

Pour conclure, il convient d’organiser un débat d’ensemble et, à l’issue de ce débat, il faudra que nous puissions traiter ce dossier sous le triple aspect du financement durable des infrastructures, du report modal et d’une approche environnementale qui permette aussi de faire supporter le coût des externalités aux usagers, notamment aux plus polluants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le président de la commission du développement durable applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la publication, le 17 septembre 2014, de l’avis de l’Autorité de la concurrence sur les concessions d’autoroutes a engagé un débat pour le moins animé. Compte tenu de l’importance que revêt ce sujet et de l’intérêt qu’il suscite chez nos concitoyens, il était essentiel pour nous, élus de la nation, de nous pencher sur l’économie des concessions autoroutières.

Ainsi, à la suite de l’audition par la commission du développement durable de M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, celle-ci a décidé de constituer en son sein un groupe de travail, qui a pu mener de nombreuses auditions depuis le 22 octobre et formuler des propositions.

Ce sujet est d’autant plus sensible aujourd’hui que le Conseil d’État a été saisi par les concessionnaires d’autoroutes d’un recours contre la décision de l’État de bloquer l’application au 1er février des hausses tarifaires annuelles prévues.

Ce débat ne doit pas se résumer à un raisonnement binaire, pour ou contre la résiliation des contrats d’autoroutes.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Cyril Pellevat. Il procède d’ajustements plus complexes à engager dans une négociation entre l’État et les concessionnaires pour aboutir à des contrats plus équilibrés.

Le cadre juridique qui entoure cette question est bien évidemment très contraignant. Les contrats de concession courent jusqu’aux années 2030 et ne peuvent être remis en cause sans le versement de lourdes compensations, estimées à 20 milliards d’euros par un rapport d’étape de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport. À cette somme s’ajouteraient les dettes supportées par les concessions, de l’ordre de plusieurs milliards d’euros. Le rachat généralisé des concessions engendrerait donc un sérieux contentieux et de lourdes conséquences.

Parmi les propositions d’avenir soulevées au Sénat, je plaide pour une révision des contrats de plan qui devraient, en tout état de cause, s’accompagner d’un rééquilibrage total des relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes, notamment par une révision de la loi tarifaire, avec un gel des péages pendant deux ou trois ans ou, a minima, une évolution raisonnable des tarifs.

En effet, c’est bien le tarif des péages qui retient l’essentiel de mon attention dans les négociations que l’État doit entreprendre avec les concessions. Comme l’a relevé l’Autorité de la concurrence dans son avis, la formule d’indexation des péages sur l’inflation, qui est déconnectée des charges supportées par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, n’était pas pertinente. Cette formule crée une rente, de 20 % ou plus, qui n’est pas justifiée par le niveau de risque supporté par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, compte tenu de leur situation de monopole. En effet, le risque lié au trafic, avec une clientèle de fait captive, et le risque lié à la dette sont limités. Je peux moi-même en témoigner, au vu du cortège de bouchons que connaît mon département pendant les vacances de février.

M. Cyril Pellevat. Les mécanismes d’optimisation mis en œuvre par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, qui ont versé des dividendes exceptionnels à leurs actionnaires et privilégié l’endettement pour leurs investissements, le prouvent également. Bien sûr, les concessionnaires ont opposé à cette vision des choses la prise en considération de leur dette, à travers le taux de rentabilité interne.

Engager une vraie réflexion sur les tarifs de péages qui conduirait, dans l’idéal, à un gel des tarifs ou à une évolution raisonnable, c’est engager une réflexion sur le pouvoir d’achat des usagers, largement entamé, mais c’est aussi engager une réflexion sur l’aménagement du territoire.

Je prendrais pour exemple mon département, la Haute-Savoie. L’usager y est très fortement taxé par les concessions autoroutières. En effet, la Haute-Savoie est traversée par deux des dix autoroutes les plus chères de France. Quand la moyenne du prix au kilomètre est de 8 centimes d’euro, elle s’élève, sur l’A41 jusqu’à Genève, à 12,46 centimes d’euro et, sur l’A40 jusqu’à Saint-Gervais-les-Bains, à 10,74 centimes d’euro, avec plus de 24 000 véhicules par jour.

L’usager est donc fortement taxé, alors même que les concessions autoroutières ont de fortes garanties de fréquentation : la forte croissance de la population de ce département – une des plus importantes de la région Rhône-Alpes –, une bonne santé économique, l’attractivité de Genève, mais aussi le tourisme – la Haute-Savoie est le deuxième département de France pour la fréquentation touristique. D’ailleurs, chaque année, nous constatons une augmentation de trafic sur l’ensemble du réseau routier de l’ordre de 2 %, routes et autoroutes confondues. Cette augmentation est encore plus marquée sur le réseau autoroutier, de l’ordre de 4 % à 5 %, avec des tronçons où elle atteint plus de 10 %, comme sur l’A41.

La dynamique du territoire serait donc à prendre en considération dans les renégociations des contrats de plan, si elles étaient envisagées, d’autant plus lorsque les départements concernés, et c’est encore le cas de la Haute-Savoie, ne sont pas pris en considération dans le plan de relance autoroutier engagé par l’État en décembre 2014.

Le second aspect que je souhaitais évoquer concerne l’aménagement du territoire. Que constate-t-on, toujours dans mon département ? Sur les autoroutes, on observe une baisse du trafic des poids lourds de 0,6 %, sur l’A40 et sur la « Liane ». Cette baisse significative se traduit par l’engorgement du réseau départemental, avec une fréquentation en hausse de 2,4 %, s’ajoutant à l’augmentation de 1 % du trafic des automobilistes. Renégocier les tarifs des péages permettrait donc de désengorger des routes départementales de plus en plus encombrées, au bord de l’asphyxie. On peut imaginer que les transporteurs routiers pourraient réinvestir les autoroutes qu’ils n’empruntent plus aujourd’hui, du fait d’une hausse des tarifs qui engloutit leurs marges.

Il y a urgence, car ce phénomène ira en s’aggravant. En effet, si l’État a gelé l’augmentation tarifaire des sept sociétés concessionnaires, ce n’est pas le cas sur les tronçons d’autoroutes publiques que compte mon département. Par exemple, pour l’Autoroute du tunnel du Mont-Blanc, l’ATMB, l’augmentation moyenne est de 2,9 %. Sur son site internet, l’Autoroute blanche indique que les tarifs restent identiques à ceux de 2014 pour les véhicules légers, excepté au péage de Nangy, pour la section Scientrier-Gaillard où l’augmentation est de dix centimes d’euro. Or cette liaison est empruntée quotidiennement par des milliers d’automobilistes frontaliers travaillant en Suisse.

En conclusion, les usagers des autoroutes sont de plus en plus nombreux et paient toujours plus chaque année, les routes départementales sont saturées de poids lourds, le chiffre d’affaires des sociétés concessionnaires d’autoroutes progresse plus vite que leurs charges : il y a matière à rediscuter !

Cette réflexion n’est pas facile et les outils en faveur des concessions sont multiples, à commencer par le cadre juridique applicable aux concessions que l’État n’a nullement modifié lorsqu’il les a privatisées. La pratique des contrats de plan, quant à elle, est systématiquement à l’avantage des sociétés concessionnaires, en ce qui concerne tant le champ des travaux compensés que leur prix, comme l’a démontré la Cour des comptes. S’y ajoute l’augmentation de 50 % de la redevance domaniale que l’État impose aux sociétés d’autoroutes : convenue en 2013, elle est compensée par une hausse des tarifs de péage, de 1,5 % sur la période 2015–2018.

Il y a urgence pour la qualité de vie de nos concitoyens et pour leur pouvoir d’achat. Aussi, je demande au Gouvernement des mesures rapides et la reprise en main, de manière transparente et juridiquement solide, avec la consultation du Parlement, des contrats établis avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize.

M. Patrick Chaize. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’avis de l’Autorité de la concurrence qui a semé le trouble lors de sa parution ni sur les commentaires associés pour dénoncer une « rente » des sociétés concessionnaires d’autoroutes, à la suite de leur privatisation en 2006. Le contexte et la teneur de ce rapport ont été bien analysés par mes collègues avant moi, mais je veux relativiser son importance, eu égard à la situation qui nous occupe aujourd’hui. Je ne reviendrai pas non plus sur le rapport de la Cour des comptes.

Je voudrais vraiment m’attarder sur la question qui se pose aujourd’hui et qui consiste à savoir ce que l’on veut faire de ces contrats de concession : les résilier en vue d’une renationalisation ou les renégocier ?

Pour ce faire, il me semble également indispensable de revenir sur ce qui a été dit, à savoir que les privatisations opérées n’ont pas apporté les financements nécessaires. N’oublions pas que, à l’époque, l’État n’était pas propriétaire à 100 % du réseau. Outre la recette liée à l’achat, l’opération a aussi permis, par le truchement du transfert aux sociétés concessionnaires d’autoroutes, un désendettement à hauteur de 20 millions d’euros environ.

Au-delà des chiffres, force est de reconnaître que les privatisations ont indéniablement limité les marges de manœuvre de la puissance publique. En revanche, il ne me paraît pas légitime d’insinuer que ces privatisations se sont déroulées dans un cadre opaque. La question qui se pose aujourd’hui est ainsi plus celle de l’opportunité de la privatisation que celle de sa légalité. On pourrait aussi pérorer sur le fait de savoir si le juste prix a été négocié. Sur ce point, le débat reste ouvert. J’ajouterai même qu’il pourrait être sans fin, mais qu’apporterait-il au fond ?

De plus, s’il est légitime de se poser la question du sort des concessions, il faut aussi prendre conscience que le retour de celles-ci dans le giron de l’État ne pourrait se faire que si ce dernier disposait d’opérateurs aptes à prendre la relève. Pour rappel, tous les groupes gestionnaires d’autoroutes sont aujourd’hui privés.

M. Patrick Chaize. Cette opération qui serait par ailleurs très coûteuse apparaît donc aujourd’hui impossible, tant sur plan technique que sur le plan financier.

De ce point de vue, la dénonciation des contrats impose de prendre en considération, d’une part, le « reste à financer » au moment de la dénonciation et, d’autre part, le règlement d’indemnités lourdes prévues au contrat.

D’un point de vue technique, il est à noter que les contrats de concession en cours ne sont que la résultante des contrats initiaux, négociés et signés entre l’État et les sociétés publiques de l’époque, soit finalement « entre l’État et l’État ». On peut donc craindre qu’un certain nombre d’articles n’aient pas été bien encadrés, voire suffisamment précisés. Peut-on reprocher aujourd’hui à ces sociétés d’avoir exploité ces contrats en « épousant » leur forme, dans le but de leur insuffler une meilleure rentabilité ?

Pour clore ces différents rappels, je formulerai deux postulats. En premier lieu, les privatisations qui ont eu cours de 2002 à 2005 n’ont pas donné les résultats escomptés, mais ne doivent cependant pas être « diabolisées ». En second lieu, une réflexion approfondie doit être rapidement entamée avec les sociétés concessionnaires, pour que ces concessions soient renouvelées dans les meilleures conditions, pour l’État et pour les usagers.

Nous constatons aujourd’hui que le taux de rendement d’investissement, le fameux TRI, reste dans l’objectif, même si les prévisions de trafic ne sont pas à la hauteur des estimations. L’investissement peut ainsi être analysé comme rentable.

Une des questions est de savoir si les effets liés au contrat de plan, avec ses conséquences sur les tarifs, et/ou au plan de relance, avec une conséquence sur la durée, ne provoquent pas un « recalage » de la courbe permettant de retrouver une « rentabilité objectif ». J’insisterai sur le fait que c’est ce mécanisme qui perturbe l’usager, puisqu’il aboutit in fine à créer un sentiment négatif de « concession perpétuelle ».

À la lumière de ces développements, force est de constater qu’il est important de sortir de la situation actuelle, mais dans une logique « gagnant-gagnant ». À cette fin, il est donc primordial de mener une réflexion objective portant sur trois axes : la transparence des tarifs, la possibilité de dégager un échéancier eu égard à la durée du contrat de concession négocié et la modernisation des contrats et des relations entre l’État et les sociétés concessionnaires. Plus que tout, l’usager a besoin aujourd’hui d’une lisibilité à tous les niveaux. Or le sentiment négatif qui domine à l’heure actuelle recouvre deux réalités : l’opacité du tarif et l’échéance de fin de contrat non connue, du fait de la pratique de l’adossement.

De façon pragmatique, il faut pouvoir se rendre compte du bien-fondé du tarif qui est appliqué. En effet, à un moment donné, les autoroutes seront amorties : il est donc important de connaître, dès aujourd’hui, les incidences de cette situation sur la tarification. Or nous sommes contraints d’admettre que la mise en place des contrats de plan annihile cet éclairage et renforce l’impression de concessions illimitées. Il faut donc œuvrer pour sortir de cette impasse.

Une fois la notion de transparence rendue effective, la mise en place d’une perspective de tarifs devient de fait envisageable. Il apparaît en effet primordial de pouvoir garantir à l’usager que le tarif payé est bien conforme au service rendu. La lisibilité de la date de fin de contrat devient donc un élément important, sinon indispensable, afin de pouvoir mettre en place un échéancier et une perspective rationnelle d’évolution des tarifs.

Concernant la gestion des contrats de concession, il est aujourd’hui primordial de faire désormais prévaloir des relations équilibrées entre l’État et les sociétés. Les contrats de plan doivent donc s’inscrire dans une relation modernisée grâce à un renforcement des capacités de contrôle de l’État, comme l’a justement souligné notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Patrick Chaize. En outre, il faut aussi remettre à plat les contrats de concession. Il apparaît en effet opportun d’entamer une renégociation de ceux-ci par un dépoussiérage des articles et l’introduction, notamment, de notions telles que celle de « biens de reprise » qui permettrait la réalisation d’ouvrages nouveaux sans déséquilibrer les contrats en cours, comme cela a été fait voilà quelques années pour les concessions électriques. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup a été dit et je vais essayer de répondre aux questions qui ont été soulevées. Celles-ci sont fort légitimes dans un contexte que vous avez tous rappelé et eu égard à la forte attente de l’ensemble nos concitoyens sur ce sujet dont vous avez unanimement souligné l’impact tant sur l’activité économique que sur la démocratie.

Je veux, avant toute chose, excuser l’absence de Ségolène Royal, actuellement en déplacement. Le Gouvernement, qui, dans cette affaire, agit de manière parfaitement coordonnée, a pris, depuis plusieurs mois, à bras-le-corps ce sujet des contrats de concessions autoroutières.

Plusieurs rapports, conduits en toute indépendance, se sont accordés pour pointer les dysfonctionnements du système actuel. La Cour des comptes s’est penchée sur le sujet dès 2013. Elle a été suivie par l’Autorité de la concurrence, qui a remis son avis en 2014. La même année, les députés Pancher et Chanteguet ainsi que les sénateurs Filleul et de Nicolaÿ établissaient leurs rapports.

Même si les solutions proposées par les uns et les autres n’ont pas toujours été exactement les mêmes, une préoccupation commune et une véritable convergence se sont manifestées.

À partir de la fin de l’année dernière, le Gouvernement a choisi de se rapprocher des sociétés autoroutières, menant un premier travail lors de deux réunions que nous avons conduites avec Ségolène Royal. Puis, le Premier ministre a pris la décision de mettre à plat l’ensemble de ces initiatives et de lancer ce groupe de travail transpartisan associant plusieurs parlementaires auquel plusieurs d’entre vous ont déjà contribué.

Monsieur le président de la commission du développement durable, si mes services n’ont pas contribué à vos travaux, la raison en est simple. J’en porte la pleine responsabilité et vous prie de bien vouloir recevoir ici mes excuses. Au moment où vous avez formulé votre demande, nous étions en train d’organiser la mise à disposition de nos services pour ce groupe bipartisan. Cela ne justifie en rien que je n’aie pas accédé à votre sollicitation. Si cette collaboration n’a pas eu lieu, l’erreur m’est imputable. Je crois savoir que les services de ma collègue Ségolène Royal ont répondu à votre demande. L’ensemble des services de l’État, y compris ceux de mon ministère, ont été mis à la disposition du groupe bipartisan. Nous avons mandaté une inspectrice générale des finances pour piloter ce groupe de travail sur le plan technique et coordonner l’ensemble des informations fournies aux sénateurs et députés. La volonté du Gouvernement, que je tiens à rappeler ici, est de nous permettre d’effectuer de concert et dans la sérénité le travail le plus transparent possible.

Pour mener à bien ce travail collectif, nous ne devons stigmatiser personne, ni les sociétés concessionnaires d’autoroutes – tel n’est pas ici l’objectif – ni tel ou tel service de l’État, ni l’Autorité de la concurrence. Je dois le dire, chacune et chacun a fait son travail. L’Autorité de la concurrence a fait un travail utile – j’y reviendrai sur le plan technique – qui a permis un gain en matière de transparence.

Nous devons également nous garder de simplifier les situations. À ceux qui défendent ici l’écotaxe, je voudrais tout de même rappeler que la manne financière dont on nous parle était grevée chaque année d’un coût de gestion de plus de 200 millions d'euros ; il était apparu à l’ensemble des parlementaires, comme des services de contrôle qui l’avaient examinée, qu’elle n’était pas pleinement satisfaisante. (M. Jean-Yves Roux opine. – Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.) Donc, nous avons pris la décision de revenir sur cette disposition qui, il faut bien l’avouer sur un mode pleinement dépassionné, n’avait sans doute pas le plein soutien de la majorité précédente. Sinon, elle l’aurait sans doute prise plus tôt…

M. Emmanuel Macron, ministre. … et pas dans les dernières semaines ! Une remise à plat était justifiée.

M. Emmanuel Macron, ministre. Dans un tel contexte, aucune décision n’est pleinement satisfaisante et il faut simplement parler de moindre mal. Je voulais simplement éviter un raccourci entre le sujet de l’écotaxe et le travail que nous sommes en train de conduire sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Enfin, l’esprit qui doit nous animer privilégie la transparence et la responsabilité partagée.

Quelle est la situation actuelle et notre inconfort collectif ?

Le sujet des sociétés concessionnaires d’autoroutes doit être appréhendé de manière globale, en examinant les impacts économiques en termes d’activité, en étudiant l’impact sur les usagers, sur les infrastructures de transports – c’est un point sur lequel vous avez insisté avec raison, monsieur le sénateur – et en regardant ce qui, aujourd'hui, fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Il y a une grande variété de situations dans les différentes concessions d’autoroutes qui ont été passées. Certains contrats sont très profitables – jusqu’à un point déraisonnable ! D’autres ne le sont pas.

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. C’est vrai !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ces situations doivent être étudiées dans le détail, sans globaliser.

Par le passé, on a mis en place des systèmes de contraintes, par la fiscalité notamment, pour financer nos infrastructures de transports. Il s’agissait de traiter ce problème identifié comme un surprofit ou une situation de rente. À ce propos, monsieur le sénateur, je veux ici lever un malentendu : la rente n’est pas une insulte, c’est la caractérisation d’une situation économique qui peut ou non être justifiée. Et c’est toute la réflexion que nous devons avoir. La rente est justifiée quand un investisseur a pris un risque ou innové. Certaines rentes sont moins justifiées que d’autres. Quoi qu’il en soit, la rente, ce n’est pas un gros mot.

Un sénateur du groupe socialiste. C’est vrai !

M. Emmanuel Macron, ministre. Le mot de « rentier » peut être stigmatisant, mais la rente est une situation économique qui se caractérise et qui se définit – nous aurons l’occasion d’en reparler à plusieurs reprises à l’occasion de l’examen du projet de loi que je vous présenterai prochainement.

Je veux dissiper toute ambiguïté. En tout cas, il y a eu la volonté, en augmentant certaines fiscalités sur ces sociétés concessionnaires d’autoroutes, d’essayer d’apporter quelques corrections et de financer nos infrastructures de transports.

Le problème, c’est que l’équilibre contractuel dans lequel nous opérons aujourd'hui permet à ces sociétés concessionnaires de répercuter la fiscalité sur les usagers, ce qui est profondément insatisfaisant et participe au débat que nous devons avoir aujourd'hui au sujet d’un équilibre contractuel sans doute sur-contraint.

Par ailleurs, la situation actuelle est insatisfaisante parce qu’elle manque de transparence. L’Autorité de la concurrence a examiné, et vous avez eu raison de le citer à plusieurs reprises, non le taux de rendement, mais le ratio qu’on appelle l’excédent brut d’exploitation. Elle a regardé la profitabilité de l’exploitation des concessions, parce que c’était la question qui lui était posée.

Les conclusions de l’Autorité de la concurrence ont parfois donné lieu à des raccourcis ou ont été utilisées à mauvais escient. Il n’en demeure pas moins que sur la question qui lui était posée – celle de l’excédent brut de l’exploitation –, elle considère que cette profitabilité est excessive pour les concessions privatisées en 2006. L’Autorité de la concurrence n’a pas examiné la question de la rentabilité de l’investissement des groupes acquéreurs des concessions en 2006, qui doit nécessairement s’apprécier au regard du prix d’acquisition et s’analyse techniquement au travers du taux de rentabilité interne de l’investissement. En prenant en considération les différentes caractéristiques économiques de ce taux de rentabilité, plusieurs services de l’État sont parvenus à des conclusions plus nuancées.

La situation n’est pas pleinement satisfaisante. Certains contrats de concession établissent des surprofits de manière évidente. La régulation de ces contrats souffre d’un manque de transparence parce que la formule de prix prend en compte non seulement l’inflation et les aléas de trafic, mais également, au-delà des éléments de fiscalité que j’évoquais, les travaux effectués.

Voilà quelques années, il a été décidé de mettre en place le « plan vert » qui était, sur le principe, une bonne mesure, laquelle consistait à compenser un milliard de travaux par une année de concession supplémentaire. La Cour des comptes a alors très rapidement établi qu’il y avait eu des effets d’aubaine pour ces sociétés concessionnaires d’autoroutes. En effet, elles ont fait figurer dans ce plan vert des travaux d’équipement en télépéage qu’elles auraient faits de toute façon.

M. Jean-Yves Roux. Effectivement !

M. Emmanuel Macron, ministre. Depuis la privatisation, nous avons collectivement mis en place un système de régulation – je n’incrimine personne et surtout pas les services de l’État ! – qui est insatisfaisant car nous n’avons pas pu rendre compte à nos concitoyens des bons équilibres que nous voulions toutes et tous préserver et qui ont été ici rappelés.

Quels objectifs devons-nous poursuivre ? Premier objectif, préserver et renforcer la qualité de nos autoroutes et, plus largement, des infrastructures de transports. En effet, ces sociétés concessionnaires d’autoroutes réalisent des travaux qui dépassent la simple exploitation. Le financement des infrastructures de transports est un enjeu important, en particulier pour le désenclavement de certains territoires.

Deuxième objectif, protéger l’intérêt des usagers, garantir la transparence sur les prix, la bonne régulation des prix et des augmentations tarifaires qui ont parfois pu donner le sentiment qu’elles nous échappaient.

Troisième objectif, avoir une politique volontariste de travaux conformément au plan de relance autoroutier négocié à Bruxelles qui concourt à l’ambition largement partagée de relancer cette activité économique. Il faut le faire de manière pleinement transparente et satisfaisante, en ayant des critères extrêmement stricts de mise en concurrence des marchés. Le plan de relance que le Gouvernement a porté et négocié avec Bruxelles comportait pour la première fois des critères de mise en concurrence. Je pense, en particulier, à l’allocation de la majorité des lots à des PME et TPE qui n’avaient pas partie liée avec ces sociétés concessionnaires d’autoroutes, lesquelles, il est vrai, ont parfois des filiales en charge de travaux de construction.

Quatrième objectif que nous devons poursuivre à l’égard de ces contrats de concessions autoroutières, la transparence et la rentabilité raisonnable. C’est un des points extrêmement importants.

Au total, le maintien de la qualité des infrastructures et du service public, l’investissement et l’emploi ainsi que la transparence doivent être nos objectifs dans la réforme ici conduite.

C’est dans cet esprit que le Premier ministre a souhaité la réunion dès janvier d’un groupe de travail pour tracer le chemin qui sera le plus à même de nous conduire vers l’intérêt général. Ce groupe de travail, tel qu’il a été composé – de manière bipartisane –, vise à mettre à plat l’ensemble des données établies par les uns et par les autres en pleine transparence.

Le travail effectué ces derniers jours, en particulier entre les sociétés concessionnaires et l’Autorité de la concurrence, a permis une véritable analyse contradictoire qui n’avait pas été réalisée jusqu’à présent,…

M. Emmanuel Macron, ministre. … ce que, pour ma part, je regrettais. Il a permis d’étudier les éléments de rentabilité des entreprises autoroutières, l’impact sur les finances publiques de l’ensemble des scénarios, les conditions dans lesquelles la privatisation a été faite en 2005, les hausses de tarifs, les modalités de passation de marchés publics de travaux et leur nécessaire transparence, le contenu et les conditions du plan de relance tel que validé par la Commission en octobre dernier.

Enfin, pour que le débat soit le plus serein possible, le Gouvernement a pris la décision – en pleine conscience – de geler les tarifs de péages autoroutiers qui devaient augmenter de 0,57 % en moyenne au 1er février. Nous avions commencé une négociation, elle a été stoppée afin que le groupe bipartisan puisse rendre ses conclusions, ce qui sera fait le 10 mars prochain.

Il nous est apparu préférable de décider d’un gel plutôt que de procéder à une augmentation tarifaire qui relevait des équilibres passés. Cela ne préjuge en rien ce qui sera fait une fois les négociations abouties.

De la même façon, le plan de relance autoroutier qui a été négocié et validé par la Commission a été suspendu puisqu’il participe de l’ancienne économie des contrats. Cependant, il fait aussi partie de la négociation et des éléments sur lesquels le groupe bipartisan travaille.

Il me semble important de voir que les équilibres économiques des contrats existants, le plan de relance, l’ensemble de l’équation tarifaire, en particulier ces augmentations de péage de l’année 2015, font tous partie de l’équilibre que nous devons définir au cours des prochaines semaines et des prochains jours vis-à-vis des sociétés concessionnaires. On ne pouvait pas avancer sur un front en considérant que le reste pouvait être gelé ou négocié à part. C’est cette volonté du Gouvernement qui s’est manifestée par la décision de suspendre le plan de relance et par la décision de geler momentanément les tarifs.

Dans ce contexte, nous sommes parvenus à dégager d’importants points de convergence que je tiens à rappeler.

Le premier axe est la remise à plat de la régulation. Vous l’avez rappelé, et le groupe de travail sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes de votre commission du développement durable l’avait d’ores et déjà souligné dans ses conclusions rendues en décembre dernier : il est indispensable de renforcer la transparence et la régulation du secteur. À cet égard, le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – que je présenterai dans un instant à certains d’entre vous – procède à la remise à plat de la régulation de ce secteur.

Concrètement, comme le réclamait votre commission, l’économie et les marchés de travaux des concessions autoroutières ainsi que les règles de mise en concurrence seront désormais soumis à un contrôle transparent assuré par une autorité indépendante, l’ARAFER, qui a été dotée des pouvoirs d’investigation nécessaires au suivi des contrats.

Cette autorité ne se contentera pas d’atteindre des objectifs purement économiques, elle aura aussi pour mission de défendre les intérêts des usagers. En outre, elle pourra examiner les éléments économiques liés au péage, la nature des contrats et leur équilibre économique ainsi que les décisions de mise en travaux. En effet, il importait d’avoir un acteur unique, indépendant et doté de pouvoirs d’investigation, qui puisse regarder l’ensemble de ce qui constitue les termes économiques d’un contrat de concession.

Ainsi, des clauses de bonne fortune seront obligatoirement introduites dans les contrats des futures concessions, et ces clauses permettront de définir un seuil de rentabilité raisonnable et, au-delà de ce seuil, de prévoir des mécanismes correctifs. C’est, là encore, un élément important de la dynamique économique des contrats à venir. On le voit bien, il ne faut pas laisser s’installer des éléments de rentabilité non justifiés.

Est également prévu un principe de rémunération raisonnable de l’investissement en cas de hausse additionnelle des tarifs ou d’allongement de la durée de concession.

Enfin, le projet de loi prévoit de renforcer les règles de transparence pour les marchés des sous-concessions – ceux qui régissent, par exemple, les prestataires des aires d’autoroutes. C'est l’un des éléments de clarification que vous appeliez de vos vœux.

Le deuxième axe est une meilleure association et une meilleure information du Parlement – par le passé, cette dernière a été insuffisante. Toutes et tous, vous en avez rappelé la nécessité et, là encore, le projet de loi que je défends va dans ce sens. Ce texte prévoit en effet que le Parlement soit tenu informé avant la conclusion de tout contrat de plan, qu’il s’agisse d’un plan de relance ou d’un nouveau contrat de concession.

L’ensemble de ces dispositions pourront sans doute être encore améliorées lors de l’examen du projet de loi au Sénat – c'est du moins mon objectif pour les semaines qui viennent. À cette occasion, nous pourrons nous fonder sur les idées et les propositions formulées par le groupe parlementaire qui rendra ses conclusions le 10 mars prochain.

Il faut aller plus loin et, vous l’avez rappelé, le Président de la République a lui-même demandé un règlement global et définitif de ces questions dans les prochaines semaines. Notre objectif, sur lequel je veux insister, est donc bien de parvenir à une solution rapide dans la foulée des conclusions qui seront rendues sur ce sujet le 10 mars prochain par les parlementaires.

Certes, il ne m'appartient pas ici de trancher, de prendre une décision ou de faire des annonces ; en revanche, je peux rappeler l’ensemble des options existantes. Une première option, que vous avez rappelée, a été en particulier défendue par le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale, Jean-Paul Chanteguet : c'est la résiliation.

Cette option permet, de la manière la plus radicale, la simplification, l’absence de conflit d’intérêt et la plus grande transparence. Il n’en demeure pas moins que la résiliation pose des problèmes d’exécution, d'abord en termes de finances publiques, qu’il faut garder à l’esprit. En effet, elle appellerait la compensation des contrats restant à courir (M. Pierre Médevielle opine.) et l’indemnisation des sociétés concessionnaires. Elle porte un élément réputationnel qui n’est pas neutre et qu’il faut prendre en compte dans un contexte où nous souhaitons relancer l’investissement privé. Enfin, elle implique de s'interroger collectivement, si je puis me permettre d’employer cette formule, sur « le jour d’après ».

Car, une fois les contrats résiliés, il y a deux possibilités : soit on les repasse dans de meilleures conditions, soit on renationalise. Renationaliser suppose d’aller au bout de la démarche : on a indemnisé et on paiera les frais à venir. Là, les chiffrages excèdent en effet 40 milliards d’euros.

Si l’on décide de repasser des contrats dans un autre cadre, le contexte serait forcément différent de celui d’aujourd'hui. Quand on regarde les sociétés concessionnaires d’autoroutes, on retrouve l’essentiel des acteurs français. Alors soit l’on considère que ces sociétés accepteront, demain, après avoir été indemnisées par le contribuable, de repasser des contrats moins favorables, soit l’on fait le pari que l’on trouvera d’autres concessionnaires. (M. Gilbert Barbier s’exclame.) Mais dans ce dernier cas, pour avoir le souvenir cuisant de la réaction de nos concitoyens quand ledit concessionnaire n’est pas français, mais chinois – je pense à des sociétés de gestion d’aéroport dont les équilibres financiers n’ont rien à voir avec ceux des sociétés autoroutières, et j’aurai l’occasion de développer ce distinguo –, croyez-moi, la tâche ne sera pas facile.

Je pense que nous aurons ce débat, mais j’y insiste : aujourd'hui, nous avons l’intégralité des acteurs français de la concession et un acteur espagnol. Qui, demain, passera ces contrats de concession avec nous ? Des Chinois ? Des Indiens ? Des Britanniques ? Ce ne sera pas plus aisé, et ils n’accepteront pas des conditions forcément plus désavantageuses que les concessionnaires d’autoroutes actuels.

M. Jean-Jacques Filleul. Je suis d’accord !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne dis pas que cette solution doit être écartée, mais il faut bien prendre en compte l’ensemble des complications dont elle peut s'accompagner.

La seconde option, c’est la renégociation, la remise à plat des contrats. Au fond, c'est sur ce point que je voudrais insister. Quand on lit les rapports sur le sujet, et compte tenu de ce que vous disiez tout à l'heure, madame la sénatrice, la question est de savoir si, sans forcément indemniser, on peut réussir à remettre à plat les contrats existants, à retrouver les conditions de la transparence, à rééquilibrer les relations et, finalement, à construire le contrat de confiance, parce que c’est cela que nous devons appeler de nos vœux.

Il me semble que nous devons aussi travailler sur ce point, autour d’un rééquilibrage des contrats et, en particulier, de la relation entre l’État et les sociétés. Il convient de porter les objectifs environnementaux. À cet égard, ces sociétés sont prêtes à octroyer plusieurs mesures commerciales, par exemple en matière de covoiturage ou dans la perspective de déplacements plus propres – ce sont là des éléments importants que vous avez rappelés, monsieur le sénateur. Par ailleurs, il importe de trouver les équilibres en termes de financement des infrastructures. Quels équilibres en termes de fiscalité sur ses sociétés concessionnaires d’autoroutes et quels équilibres contractuels trouver dans cette remise à plat ? Ces sociétés doivent participer au financement de nos infrastructures, et en particulier de l’AFITF.

La question se pose encore de redéfinir les conditions pleinement transparentes et efficaces d’un plan de relance repensé et dont les cibles seraient revues dans ce cadre, plan qui me semble particulièrement important en termes d’activité. Je crois que nos concitoyens et les sociétés de travaux publics, notamment, attendent ce plan de relance.

Enfin, il faut assurer la stabilité du paysage fiscal pour ces sociétés concessionnaires d’autoroutes. Dès lors qu’elles doivent contribuer davantage au financement de nos infrastructures, nous devons en contrepartie leur octroyer une telle stabilité.

Cette remise à plat des contrats me semble constituer à la fois une alternative à la résiliation et la poursuite, par d’autres moyens, des mêmes finalités que celles du groupe de travail dont les travaux sont attendus le 10 mars prochain.

La remise à plat de la régulation, que j’évoquais, doit faire partie de notre solution de sortie. Sans doute faut-il encore améliorer le texte de loi que je vous présenterai dans quelques semaines, mais c’est un élément du dispositif. Le renforcement du rôle du Parlement est un élément clé pour que, de manière régulière, il y ait à la fois les garanties de la transparence et, surtout, des clauses de rendez-vous. En effet, sur ce sujet, on le voit bien, c’est finalement une forme d’échec relatif collectif que nous vivons : nous n’avons pas bien su réguler ces sociétés d’autoroutes. Sans stigmatiser personne, il convient de restaurer les conditions de la transparence, de la justice économique et sociale et d’un redémarrage économique de l’ensemble des activités de ce secteur, parce que l’attente est forte et parce que c’est nécessaire.

C'est dans cet équilibre, en suivant à la fois ces principes et ces pistes de méthode et de proposition, que le groupe de travail, assisté par les services de l’État et en particulier ceux de mon ministère, œuvrera dans les prochains jours. Le Gouvernement annoncera très rapidement après le 10 mars des décisions qui répondront et aux attentes et aux questions que vous avez posées. Nous aurons, début avril, le débat sur le texte de loi que je porte, à la lumière de ces annonces qui auront stabilisé et clarifié beaucoup de ces sujets, tout en prenant en compte l’ensemble des compléments que nous devrons apporter au système de régulation et à une clarification de ce paysage.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je pouvais apporter à ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – M. Michel Mercier applaudit également.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur les concessions autoroutières.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

6

Candidatures à deux commissions mixtes paritaires

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.

Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

J’informe également le Sénat que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l’enseignement supérieur.

Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

7

Retrait d’une question orale

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la question n° 1003 de M. Yves Daudigny est retirée de l’ordre du jour de la séance du mardi 10 mars, à la demande de son auteur.

8

Débat sur la situation des maternités

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur la situation des maternités en France, organisé à la demande de la commission des affaires sociales (rapport d’information n° 243 [2013–2014]).

La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sur l’initiative de Mme la présidente Annie David, la commission des affaires sociales avait demandé voilà deux ans à la Cour des comptes une enquête sur la situation des maternités en France.

Les conclusions de cette enquête ont été présentées devant la commission le 21 janvier dernier par le président de la sixième chambre de la Cour, M. Antoine Durrleman, lors d’une table ronde à laquelle participaient également, sur notre invitation, deux directeurs généraux d’agences régionales de santé et les représentants de la Fédération hospitalière de France.

L’étude conduite par la Cour a impliqué plusieurs chambres régionales des comptes, ce qui a permis d’affiner les analyses grâce aux éléments plus précis recueillis dans six régions de métropole et en Guyane.

Compte tenu de l’ampleur de ce travail, des nombreuses questions qu’il soulève et des enjeux de santé publique qu’il aborde, il nous a paru nécessaire de prolonger la discussion et d’échanger avec le Gouvernement sur ce volet tout à fait essentiel de notre organisation sanitaire.

Je vous remercie donc, madame la ministre, de participer à notre débat pour nous dire dans quelle mesure les constats et recommandations de la Cour des comptes rejoignent, ou non, l’analyse du Gouvernement et les actions qu’il envisage ou qu’il a déjà engagées.

Je voudrais dire d’emblée que ce rapport ne saurait se réduire à la seule question du maintien ou de la fermeture de certaines maternités, sur laquelle semble se focaliser l’intérêt des médias. Le document, je tiens à le préciser, ne comporte d’ailleurs aucune liste de sites dont la Cour préconiserait la cessation d’activité.

De la même manière, si la Cour, conformément à sa vocation, s’est livrée à une analyse économique et financière de l’activité hospitalière en maternité, elle ne s’est pas limitée, tant s’en faut, à cette seule dimension. Elle a également apporté des éclairages très approfondis sur les difficultés de recrutement des établissements dans les spécialités médicales liées à la périnatalité, le niveau des équipements techniques, les conditions d’accès aux soins ou le suivi médical des femmes enceintes.

Enfin, je ne crois pas que la Cour des comptes ait voulu dresser un tableau alarmiste de la situation des maternités en France, même si elle ne dissimule pas leurs difficultés et leurs fragilités.

Elle constate que la restructuration, d’une ampleur sans précédent, intervenue durant les quarante dernières années s’est opérée pour l’essentiel sans compromettre l’accès aux soins. Elle attire toutefois l’attention sur les zones isolées, l’efficacité inégale des réseaux de périnatalité et une articulation parfois mal assurée du suivi des grossesses.

Elle estime aussi que la sécurité de l’activité d’obstétrique s’est améliorée depuis quinze ans, mais elle insiste, à juste titre, sur le fait que les normes de sécurité et d’organisation fixées par les décrets de 1998 sont encore insuffisamment respectées.

Bref, cette enquête s’est efforcée d’évaluer la pertinence de notre organisation en termes d’accès à des soins de qualité, de cohérence réglementaire et de financement. Sur la base de constats objectifs, elle invite les pouvoirs publics à réfléchir aux voies d’amélioration possibles et à anticiper les évolutions nécessaires. Sinon, nous nous trouverions contraints de prendre, dans l’urgence, des décisions brutales, lorsque surviennent, malheureusement, des événements dramatiques, comme ce fut le cas à la maternité d’Orthez voilà quelques mois.

Madame la ministre, Jean-Marie Vanlerenberghe, notre rapporteur général, vous interrogera dans un instant sur les réponses qui peuvent être apportées aux observations ou propositions contenues dans ce rapport.

Pour ma part, je m’en tiendrai à quelques points essentiels.

J’évoquerai tout d’abord l’état des lieux des spécialités médicales présentes en maternité et leurs perspectives d’évolution démographique.

Face aux départs en retraite massifs qui s’annoncent, tant en obstétrique qu’en pédiatrie ou en anesthésie-réanimation, le flux de formation dans ces spécialités n’a été relevé que de manière limitée, et dans des proportions moindres que pour le numerus clausus global. Au-delà de cette situation générale préoccupante, la Cour met en évidence des disparités géographiques considérables et des difficultés de recrutement, tant en zones rurales que dans certaines zones urbaines, partiellement compensées par des solutions qu’elle juge précaires et onéreuses, comme le recours à l’intérim médical ou à des médecins ayant obtenu leur diplôme à l’étranger.

Il s’agit là bien évidemment d’un obstacle majeur à l’application uniforme sur le territoire national des normes d’encadrement médical et du principe de permanence des soins prévus par les décrets de 1998.

Vous nous communiquerez, madame la ministre, les solutions envisageables pour remédier à ces difficultés. Je pense toutefois que la question de l’attractivité des postes en maternité ne peut pas être traitée en faisant abstraction de l’aspiration de plus en plus affirmée des jeunes médecins à exercer en équipe et à disposer de plateaux techniques adaptés.

L’enquête de la Cour dresse aussi le bilan de la structuration des maternités selon les types de grossesses prises en charge, les niveaux de soins à apporter aux nouveau-nés et les moyens pouvant être mis en œuvre.

Ce principe directeur des décrets de 1998 n’a pas été mis en œuvre ex nihilo. Appliqué à l’équipement préexistant, il l’a fait évoluer sans totalement le bouleverser, ce qui permet d’expliquer des situations que la Cour juge parfois peu cohérentes par rapport à une couverture optimale des besoins sur l’ensemble du territoire et une prise en charge dans les structures les plus adaptées à chaque type de grossesse.

Face à ce constat, le Gouvernement considère-t-il possible et souhaitable d’aller plus loin, comme l’y invite la Cour des comptes, ce qui impliquerait à la fois une planification plus affirmée des équipements, une articulation ville-hôpital plus poussée et une orientation plus directive des patientes ?

Enfin, je souhaite insister sur la qualité et la sécurité des soins, qui me semblent constituer le véritable fil conducteur de cette enquête.

C’est en effet un point sur lequel la Cour revient à de multiples reprises, lorsqu’elle évoque les normes d’effectifs insuffisamment respectées, les retards dans la mise en conformité des locaux, la nécessité de systématiser les analyses des résultats de périnatalité en vue d’améliorer les pratiques médicales ou encore les précautions spécifiques à prendre pour les établissements fonctionnant selon des modalités dérogatoires.

La grossesse n’est pas une pathologie et, dans l’immense majorité des cas, elle se déroule heureusement sans anomalie. L’issue peut toutefois s’en révéler dramatique, lorsque les moyens nécessaires à une prise en charge adaptée font défaut.

Le débat sur le lien entre proximité et sécurité reste bien entendu très prégnant. On peut toutefois observer que le critère de la sécurité est souvent privilégié par nos concitoyennes. L’enquête le confirme en soulignant l’attraction exercée par les maternités de niveau II ou III et le « taux de fuite » affectant les maternités de niveau I, sauf lorsqu’elles se situent dans des zones très isolées n’offrant pas d’alternative.

La proposition de la Cour visant à mener une enquête épidémiologique pour préciser la relation entre l’éloignement des parturientes des maternités et les résultats de périnatalité a recueilli une large approbation au sein de notre commission.

Une telle étude serait de nature à clarifier un débat qui, en tout état de cause, ne doit pas occulter les nombreux autres enjeux liés à la prise en charge de la maternité.

Telles sont, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les remarques que je souhaitais formuler en introduction à un débat qui porte sur un sujet particulièrement sensible.

Je crois que l’enquête effectuée par la Cour des comptes apporte des éléments d’information utiles et comporte des réflexions stimulantes. Nous serons naturellement très attentifs aux réponses qu’apportera le Gouvernement aux constats et recommandations qu’elle a formulés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – Mme Françoise Laborde et M. François Fortassin applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a fort bien rappelé Alain Milon à l’instant, la natalité est l’une des forces de la France et un signe de confiance de nos concitoyens en l’avenir.

Un réseau efficace de maternités est donc nécessaire. Il doit répondre à deux objectifs : assurer la sécurité des mères et des enfants, d’une part, et permettre une prise en charge de proximité de qualité, d’autre part.

L’enquête que nous a remise la Cour des comptes démontre que, malgré plusieurs réformes successives, les résultats ne sont pas encore pleinement satisfaisants en matière de sécurité. Le classement de la France pour ce qui concerne la périnatalité – elle figure au dix-septième rang européen – doit être amélioré. Ce sera là, madame la ministre, ma première question : quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour améliorer nos résultats en termes de périnatalité ?

Je souligne le fait que la Cour ne préconise pas, Alain Milon vient de le rappeler, de fermer les maternités qui fonctionnent déjà en deçà des seuils fixés par la réglementation. Elle insiste sur la nécessité d’un contrôle sanitaire accru de ces établissements. Sinon, chacun le sait, c’est la vie des femmes et des enfants qui est mise en jeu.

C’est donc à tort que certains élus se sont émus à la lecture des dépêches de presse faussement alarmistes.

La Cour a examiné néanmoins à notre demande les questions qui nous ont été posées et nous avons reçu dans son ensemble confirmation de son jugement, sauf dans un cas, celui de la Guyane, que va certainement évoquer notre collègue Maurice Antiste.

La Cour constate que l’octroi de la dérogation n’est assorti d’aucun dispositif d’encadrement ou de suivi particulier. Madame la ministre, quelles mesures de contrôle le Gouvernement va-t-il mettre en place sur les maternités qui effectuent moins de 300 accouchements par an ?

La restructuration du secteur des maternités a été particulièrement importante puisque en quarante ans deux tiers d’entre elles ont disparu.

Par ailleurs, les contraintes normatives se sont considérablement accrues depuis les décrets de 1998, qui ont prévu trois niveaux de maternités selon la complexité de l’accouchement et le risque qui en découle pour la mère et le ou les enfants.

Mais les textes, principalement parce qu’ils imposent la présence de médecins spécialistes dont le recrutement s’avère de plus en plus difficile sur l’ensemble du territoire, ne sont pas uniformément appliqués ou entraînent la fermeture subite d’établissements répondant pourtant à des besoins locaux.

La démographie des spécialistes concernés – gynéco-obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs – est particulièrement dégradée dans les établissements hospitaliers et le phénomène va s’accentuer. La Cour relève que le nombre d’obstétriciens et d’anesthésistes baisse relativement aux autres spécialistes dans les postes qui seront ouverts à l’internat d’ici à 2019. Ne faut-il pas, madame la ministre, prendre des mesures visant à augmenter de manière plus importante le nombre de postes à pourvoir en internat ?

Les nouvelles règles applicables au temps de travail médical sont de nature à accroître les difficultés des établissements, même si elles contribuent à la sécurité des soignants et des soignés. Là où l’on pouvait faire assumer la permanence des soins par un nombre réduit de praticiens, des recrutements ou des vacations – et l’on sait les difficultés que cela pose – devront être organisés. Le projet de loi de santé comporte certaines dispositions sur l’intérim médical : parviendront-elles à répondre aux besoins des maternités ?

À l’heure actuelle, l’impact des mesures incitatives demeure limité. Il est de fait difficile de rendre attractives les petites maternités qui, en matière de recrutement, subissent la concurrence des établissements de plus grande taille, situés le plus souvent dans des villes plus importantes.

Même l’affectation des internes dans les zones sous-denses ne permet pas de répondre aux besoins des maternités les plus en difficulté, car la zone d’affectation est plus large que les territoires de santé où se trouvent ces maternités. Envisagez-vous, madame la ministre, de nouvelles mesures ? Si oui, lesquelles ?

Vous avez confié un rapport sur l’attractivité de la profession de praticien hospitalier à quelqu’un dont nous connaissons l’expertise, à savoir notre ancien collègue Jacky Le Menn. Nul doute que ses propositions seront de nature à favoriser les recrutements. Mais ne faut-il pas également aller plus loin, soit en prévoyant la présence d’équipes venant de structures plus importantes comme les CHU, soit à l’inverse en accompagnant la transformation des maternités qui ne peuvent pas recruter en centres de suivi des grossesses ?

La Cour déplore la lourdeur administrative de la mutualisation des personnels entre établissements malgré les nombreux exemples de bonnes pratiques. Un allégement des procédures serait de nature à encourager leur diffusion à l’ensemble du territoire.

Il faut également nous interroger sur la répartition des rôles entre médecins et sages-femmes. Des progrès importants ont été accomplis depuis la loi HPST. Mais cette question n’est pas encore totalement résolue dans les maternités. Qu’envisagez-vous sur ce point, madame la ministre ?

Nous avons aussi besoin d’améliorer nos connaissances. Comme l’a signalé le président Alain Milon, il n’existe pas d’étude épidémiologique précisant la relation entre l’éloignement des parturientes de la maternité et les résultats de périnatalité. Or celle-ci est nécessaire pour apprécier la pertinence des restructurations et permettre aux élus locaux, toujours placés en première ligne, de fonder leurs choix sur des données objectives.

En effet, si le temps de trajet médian entre le domicile et la maternité – dix-sept minutes – peut paraître a priori satisfaisant, les écarts sont particulièrement importants et la Cour elle-même documente des situations dans lesquelles des maternités se trouvent à plus d’une demi-heure de route, voire quarante-cinq minutes.

Vos services, madame la ministre, ont-ils prévu de financer une étude sur le lien entre distance et périnatalité par l’Institut de veille sanitaire ou un autre organisme compétent ?

Si l’éloignement est trop important, des solutions alternatives – hôtelières notamment – sont envisageables et d’ailleurs suggérées par la Cour des comptes. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ? Les difficultés pratiques me semblent importantes : même si l’accouchement est souvent provoqué, il n’est cependant pas une science exacte !

Il faut pourtant garantir une proximité des plateaux techniques avec les lieux d’accouchement, car tout ce qui débute comme un accouchement sans complication peut rapidement générer une situation d’urgence. La Cour des comptes préconise d’ailleurs de doter les maternités de niveau III d’un service de réanimation pour adultes, absent dans certains cas.

Il faut donc conduire une évaluation médico-économique des maternités et des maisons de naissance, dont l’expérimentation vient d’être lancée, afin de permettre de mesurer l’ampleur des services à fournir à la population et de sortir d’une gestion au fil de l’eau de l’évolution de ces établissements.

La Cour relève aussi que la structuration des maternités entre les niveaux I, II et III n’est pas toujours cohérente sur l’ensemble du territoire, notamment parce que les maternités de niveau III attirent une part trop importante de futures mères.

Ces niveaux sont-ils encore vraiment cohérents ? Ne faudrait-il pas raisonner à partir des besoins des territoires plutôt que des structures existantes, comme nous y invite d’ailleurs une note récente du Conseil d’analyse économique ?

J’en viens à un point essentiel, madame la ministre : le rapport de la Cour pointe le sous-financement structurel des maternités, qui ne peuvent trouver un équilibre qu’à partir de 1 100 à 1 200 accouchements par an en raison d’une déconnexion ancienne des tarifs et des coûts réels.

Malgré une évolution tendant à développer un tarif spécifique lié à la prise en charge du nouveau-né, il est permis de s’interroger sur l’adaptation de la tarification à l’activité – T2A – à ces établissements.

Il convient à tout le moins de prendre en compte le poids spécifique des normes dans les coûts réels et de trouver un moyen de le compenser, comme l’avait déjà souligné le rapport sur la tarification hospitalière établi en 2012 par la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat.

Que propose le Gouvernement pour remédier à cette situation ?

Je pense qu’une majorité d’entre nous pourrait accepter la réduction de la durée des séjours en maternité à condition qu’elle s’accompagne de l’accès de toutes les familles à une prise en charge à domicile. Mais elle ne saurait être simplement un moyen de réduire les déficits structurels des établissements.

Enfin, l’appui aux réseaux de périnatalité, en lien avec la protection maternelle et infantile pour l’aval, mais sans report sur cette dernière, est un point particulièrement important qui, parmi d’autres, pourra être conforté à l’occasion de l’examen du projet de loi de santé publique.

La Cour souligne à juste titre l’attention particulière qui doit être portée aux populations précaires, pour lesquelles le suivi des grossesses est souvent suffisant. Quelles sont, pour ces populations, les mesures que propose le Gouvernement ?

À partir du constat important dressé par la Cour, il est de notre devoir d’agir pour permettre partout en France la meilleure prise en charge des femmes enceintes. Tous les jours des professionnels de santé accompagnent au mieux de leurs compétences les mères et les nouveau-nés. À tous nous devons garantir les meilleures conditions d’exercice dans les maternités. C’est un défi qui doit nous réunir, vous, madame la ministre, et nous tous. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat sur la situation des maternités en France devrait permettre aux parlementaires que nous sommes d’avoir à leur disposition une vision relativement exhaustive et détaillée d’une réalité que nous vivons tous sur nos territoires.

Mais l’analyse de la Cour des comptes ressemble à un bilan comptable à charge qui traque les réductions de dépenses et qui me paraît quelque peu partial.

Quels sont les principaux enseignements que l’on peut tirer de cette étude menée pendant quatorze mois ?

Tout d’abord, les maternités constituent l’activité hospitalière qui a été la plus restructurée au cours des quinze dernières années. Ainsi, plus de cent cinquante maternités de niveau I ont fermé entre 2002 et 2012.

L’évolution du nombre d’accouchements par type d’établissement est elle aussi spectaculaire, puisque les maternités de niveau I ont réalisé 30 % d’accouchements en moins, au profit des maternités de niveaux II et III, qui en ont réalisé respectivement 28 % et 32 % de plus.

Cette constatation nous interroge. Pourquoi vouloir orienter vers des structures de haute technicité qui assurent une prise en charge très médicalisée, alors que la majorité des grossesses est physiologique et ne nécessite pas cette technicisation de l’accouchement ?

Pourquoi remettre en question la gradation des soins et l’organisation en réseau de périnatalité en fonction de l’état de santé de la mère et de l’enfant ?

Alors que des luttes ont fort justement permis de sauver des maternités de niveau I, établissements de proximité répondant aux besoins des populations, la Cour des comptes s’interroge fortement sur la pertinence des dérogations accordées à certains établissements, sans toutefois trancher de façon définitive sur le fameux seuil de 300 accouchements à réaliser annuellement. Elle suggère non seulement de relever ce seuil, mais encore de fermer ces établissements s’ils ne se mettent pas aux normes de façon immédiate. Comment pourraient-ils se mettre aux normes ? Avec quels moyens, quels accompagnements ? Le rapport ne le dit pas.

Ainsi, en quarante ans, plus des deux tiers des maternités ont été fermés et près de dix départements ne possèdent plus qu’une maternité, ce qui a profondément modifié le paysage hospitalier. Pourtant, d’après le rapport de la Cour des comptes, cette modification de la carte géographique des maternités n’aurait pas entraîné d’augmentation du temps d’accès médian à une maternité. Nous en serions toujours à dix-sept minutes en moyenne, avec des points préoccupants notamment dans le Gers, la Haute-Corse et le Lot, puisque le temps médian y est supérieur à trente-cinq minutes.

En commission, nous avons été plusieurs à réagir à ces données, mes chers collègues, tant il existe des disparités territoriales importantes au-delà des exemples cités.

Sinon comment expliquer qu’aujourd’hui des femmes accouchent sur les routes, dans des camions de pompiers ou aux urgences ? Mais pas de trace de ces faits dans le rapport des experts dont il est question !

La Cour des comptes relève un fait préoccupant, toutefois : la France se situe au dix-septième rang en Europe en matière de mortalité néonatale, alors qu’elle occupait auparavant le sixième rang.

Comment ne pas voir de lien entre ce classement, que l’on peut qualifier de médiocre, et la fermeture d’établissements ? Alors que l’on a misé sur des établissements de type III pour soi-disant plus de sécurité, notre pays connaît une hausse de sa mortalité néonatale.

Qu’en conclure, sinon qu’il est bien irresponsable de penser que la taille de l’établissement est un élément suffisant pour satisfaire aux conditions de sécurité ?

Le rapport de la Cour des comptes ne détaille d’ailleurs malheureusement pas le nombre d’incidents en fonction du type d’établissements. En ce sens, il paraît difficile d’en tirer des conclusions, qui ne seraient que hâtives ou tronquées.

Bien entendu, je ne nie pas les difficultés qui ont été recensées dans plusieurs petites maternités qui, faute de personnel ou faute de pratiquer suffisamment d’actes médicaux, ne remplissent pas les conditions de sécurité optimales pour la mère et l’enfant.

Mais faut-il pour autant s’entêter dans une politique de fermeture ou de regroupement d’établissements publics dont les résultats sont catastrophiques ?

Ne faut-il pas également réfléchir, comme le pointe le rapport, au recrutement du personnel ?

Il apparaît en effet que certains établissements, soit situés en zone rurale, soit accueillant des populations défavorisées, rencontrent des problèmes importants de recrutement et d’attractivité des praticiens.

À cela s’ajoute sans aucun doute un manque d’anticipation des départs à la retraite, qui met certains établissements en péril quant à la permanence des soins.

Et puis, comment ignorer le financement, ou plus exactement le sous-financement des maternités, ce que souligne la Cour des comptes ? Comment y remédier ? Ce questionnement fait écho aux propos de notre collègue rapporteur Jean-Marie Vanlerenberghe quand il dit qu’« il est permis de s’interroger sur l’adaptation de la tarification à l’activité – T2A – à ces établissements ».

Ce mode de financement apparaît complètement inadéquat pour les maternités, car les tarifs pratiqués sont largement inférieurs aux coûts, notamment si l’on veut du personnel qualifié et en nombre, et si l’on décide de faire face aux investissements nécessaires pour assurer une qualité d’accueil et de prise en charge.

Vous le savez, mes chers collègues, nous sommes très critiques à l’égard de la T2A, et ce depuis sa création, aussi bien pour les maternités que pour les hôpitaux. À nos yeux, ce financement purement comptable est parfaitement incompatible avec une activité de soins, quelle qu’elle soit.

Je me permets d’ailleurs de rappeler que, dans le rapport que vous aviez rédigé, monsieur le président Milon, au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, en 2012 et dont vous étiez le corapporteur avec notre ancien collègue Jacky le Menn, vous aviez émis des doutes sérieux sur l’efficacité de la T2A.

Il me paraît donc impératif et urgent de changer de mode de financement et de mettre en place, a minima, un financement mixte comme le propose la Cour des Comptes et tel qu’il est prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2015. Madame la ministre, je souhaiterais que vous puissiez nous apporter quelques précisions sur ce point.

Pour conclure, vous l’aurez compris, nous ne partageons absolument pas les recommandations de la Cour des comptes qui ne feraient qu’aggraver la situation, et nous déplorons que l’idée d’un moratoire sur les fermetures et les restructurations d’établissements ne soit même pas évoquée.

Chaque sénatrice et chaque sénateur défend sa maternité sur son territoire, mais laisse, hélas ! la logique des réductions des dépenses de santé prendre le pas sur toute autre logique.

On en arrive à des situations inacceptables. Ainsi, une primipare suivie dans la maternité d’un grand hôpital parisien est, au moment d’accoucher, dirigée faute de place vers la maternité d’un autre hôpital où elle ne connaît aucun membre de l’équipe soignante. Ce genre de mésaventure, qui peut se solder par des accidents graves, n’est-elle pas de nature à expliquer pour une part notre mauvais classement en termes de mortalité néonatale ?

Qui ici accepterait de telles conditions d’accouchement pour sa compagne ou sa fille ?

Pendant ce temps, il est prévu de fermer la maternité de Bégin qui vient de bénéficier de travaux de rénovation, tandis que celle de Vitry-le-François est fermée depuis la fin du mois de janvier, pour ne prendre que ces deux exemples.

Pendant ce temps, les personnels, les patients, les élus de la maternité des Lilas attendent une solution pérenne après quatre années de luttes, et leurs inquiétudes ne font que croître.

Pendant ce temps, on nous propose, éventuellement, de raccourcir le séjour en maternité. Il faut être un homme pour formuler ce genre de proposition ! (Exclamations sur plusieurs travées.)

Madame la ministre, mes chers collègues, on ne peut pas réduire les dépenses de santé impunément. Il est urgent de trouver de nouvelles recettes. C’est ce que nous nous employons à vous proposer avec mon groupe lors de chaque examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Au fond, ce rapport de la Cour des comptes montre en filigrane que, depuis des dizaines d’années, les choix politiques concernant les maternités sont mauvais. Selon le groupe CRC, une seule solution s’impose : il faut en changer sans plus attendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Chantal Deseyne et M. François Commeinhes applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pendant des millénaires, les femmes ont accouché à domicile, assistées par des matrones plus ou moins expertes qui se transmettaient leurs connaissances oralement. Les médecins n’étaient pas concernés par les grossesses ni par les accouchements,…

Mme Aline Archimbaud. C’est vrai !

Mme Françoise Laborde. … et la mortalité infantile et maternelle était particulièrement importante.

Il faudra attendre le XIXe siècle pour que se répande la naissance en milieu médicalisé. L’accouchement devient alors un acte médical et non plus un acte d’entraide.

Bien que, aujourd’hui, les accouchements à domicile tentent de plus en plus de futures mamans, il est important de rappeler que la mortalité infantile et maternelle a fortement diminué, notamment parce que le suivi de la grossesse, le déroulement de l’accouchement et le suivi post-natal ont été médicalisés.

Sollicitée voilà deux ans par la commission des affaires sociales, sur l’initiative de la présidente Annie David, la Cour des comptes a réalisé une enquête sur la situation de nos maternités. Rendu public le 23 janvier 2015, le rapport aboutit à un constat sans appel : une nouvelle phase de réorganisation du réseau des maternités est indispensable !

Les sages de la rue Cambon recommanderaient la fermeture de certains établissements, jugés trop dangereux ou trop coûteux. En Midi-Pyrénées, quatre établissements seraient concernés – j’emploie le conditionnel, puisque la Cour n’aurait pas ce pouvoir de décision.

Cette tendance à la fermeture des petites structures pour réduire les risques et les coûts n’est pas nouvelle. Dans les années quatre-vingt-dix, de nombreux services de maternité ont été contraints de fermer leurs portes au nom de la restructuration. En 1998, un décret a d’ailleurs fixé à 300 accouchements annuels le seuil minimal de maintien d’une maternité, sauf dérogation contraire, comme l’a dit mon collègue, pour des raisons d’éloignement géographique. Depuis cette date, un établissement sur cinq a tout de même fermé.

En dépit de cette réorganisation profonde de l’offre de soins afin d’améliorer la sécurité des naissances, notre pays continue de connaître des résultats médiocres en matière de périnatalité. Pourtant championne de natalité, avec deux enfants par femme, la France ne se situe qu’au dix-septième rang des pays européens et détient le taux le plus élevé de mortinatalité en Europe.

Si la sécurité des mères et des nouveau-nés est un critère incontestable qui doit être amélioré, je ne peux en revanche partager la vision comptable et budgétaire de la Cour des comptes. Il n’est pas concevable de fermer des petites maternités pour une question de rentabilité.

Ces structures, principalement situées en zone rurale, offrent des soins de qualité. Elles connaissent leurs limites, suivent des protocoles et travaillent en réseau. En cas de grossesse à risque, elles orientent les patientes vers les établissements compétents.

La fermeture des maternités de proximité inquiète fortement le monde rural. Elle risquerait d’aggraver la désertification médicale – et la désertification tout court – de nos territoires en décourageant peut-être les familles de s’y installer. Lieu privilégié de proximité et de qualité relationnelle, la maternité constitue parfois le dernier service public. Si les maternités sont tant plébiscitées par les usagers, les élus et les médecins, c’est aussi pour cette raison. Une maternité, ce n’est pas seulement un lieu de naissance ; c’est un partenaire au cœur du réseau de soins : un lieu de suivi gynécologique, de prévention auprès des femmes – notamment des plus jeunes – et d’accompagnement social et médical.

Bien sûr, nous ne pouvons pas occulter la question de l’éloignement géographique, sur laquelle aucune étude épidémiologique n’a véritablement été menée. Aussi, je me félicite du fait que la Cour des comptes demande la réalisation d’une enquête permettant de mesurer l’influence éventuelle de l’éloignement des parturientes de la maternité sur les résultats de la périnatalité.

Cette étude est indispensable pour apprécier la pertinence des restructurations. Si le temps de trajet médian entre le domicile et la maternité – dix-sept minutes – est satisfaisant, dans certaines zones rurales les maternités se trouvent à plus d’une demi-heure de route, voire quarante-cinq minutes. Or la Cour des comptes rappelle à juste titre que « le risque de naissances en dehors de l’hôpital est deux fois plus élevé pour les femmes vivant à trente kilomètres ou plus de la maternité la plus proche que pour celles vivant à moins de cinq kilomètres ». C’est logique, mais puisque c’est écrit, je me permets d’y insister !

Le Président de la République ne s’était-il d’ailleurs pas engagé à ce qu’aucun Français ne se trouve à plus de trente minutes de soins d’urgence ?

Mme Catherine Procaccia. Il a promis tant de choses !

Mme Françoise Laborde. Que se passera-t-il si les petites maternités sont fermées ? Les patientes devront parcourir plus d’une heure de route pour rejoindre leur objectif, ce qui me semble bien excessif. Je crains que leur sécurité ne soit remise en cause. En outre, même si la presse met parfois en avant de belles histoires de naissance dans une voiture grâce au sang-froid du papa, j’ai aussi en tête la mort tragique d’un nouveau-né dont la mère avait dû accoucher sur l’autoroute, en 2012.

La question que l’on doit se poser est surtout celle des moyens financiers et humains que nous pouvons mobiliser pour permettre à ces établissements de continuer à fonctionner en toute sécurité, assurant ainsi un service public de proximité qui contribue à faire vivre nos territoires et à accueillir toutes les populations, riches ou pauvres. Pour le syndicat national des gynécologues obstétriciens de France, le vrai problème concerne la pénurie de personnel qualifié. N’oublions pas qu’il existe aussi, malheureusement, des accidents dans les établissements de grande qualité ou de haute technicité. Peut-être faudrait-il, madame la ministre, envisager d’augmenter le numerus clausus et d’améliorer la formation des personnels ? Nous devons aussi inciter les professionnels à intégrer ces structures. Nous attendons que vous nous expliquiez comment y parvenir.

Telles sont, en substance, les interrogations du groupe RDSE sur ce vaste sujet. Nous nous retrouverons tous sur les mêmes questions, et il sera certainement difficile d’y apporter des réponses, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, étant donné le temps de parole très court qui m’est réservé, je devrai me contenter de formuler quelques brèves réflexions politiques, à partir de certaines citations tirées de vos travaux.

Je commencerai par l’importance du service public.

Cette importance est rappelée par le directeur général d’une agence régionale de santé, M. Lannelongue, qui déclare : « Ce rapport témoigne de […] la capacité de la puissance publique à promouvoir des améliorations significatives dans l’organisation des soins, contrairement à l’idée qui veut que seules les actions de marché, par les prix, soient efficaces. »

L’accueil de la vie relève du service public. « Service public » ne veut pas dire « service mal géré », au contraire, et il est capital de rationaliser les coûts et les structures. Toutefois, vos travaux montrent aussi les limites d’une règle abstraite où il faut tant d’accouchements par an pour qu’une structure fonctionne bien. En effet, vous constatez vous-mêmes que des dérogations sont nécessaires pour assurer un maillage équitable de nos territoires. Or si ces dérogations sont nécessaires, c’est bien qu’elles sont possibles.

La rentabilité ne saurait être l’alpha et l’oméga de l’accueil de la vie, d’autant que, comme le souligne Mme Aoustin, directrice générale de l’ARS du Languedoc-Roussillon, « les maternités privées à but lucratif abandonnent l’accouchement qu’elles avaient longtemps pratiqué dans une logique de fidélisation de la clientèle ». « Clientèle », le mot est lâché ! Les exemples abondent de cliniques qui ont fermé leur service d’obstétrique, comme à Istres, dans les Bouches-du-Rhône.

Il est aussi rappelé que, si l’on suit à la lettre les normes actuelles, ce sont les territoires déjà délaissés qui risquent de subir des fermetures supplémentaires d’établissement – jusqu’à une cinquantaine dans les années à venir, dites-vous.

J’évoquerai maintenant l’importance de maîtriser nos frontières.

À cet égard, la même directrice générale souligne « la particulière fragilité des populations précaires qui sont à l’origine de ces résultats décevants ». Toutefois, comme pour le classement PISA, l’on devine derrière le mot « précarité » les conséquences de l’immigration massive et continue de populations extra-européennes (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), d’autant que le fait d’accoucher en France est fondamental, du fait de notre absurde droit du sol. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Dominique Watrin. C’est lamentable !

M. Stéphane Ravier. Vous évoquez d’ailleurs la situation à Mayotte, et souvenons-nous que même François Baroin avait parlé de revenir sur le droit du sol quand il avait constaté ce qu’il se passe sur ce territoire... Mais il est très vite revenu sur cet accès de bon sens passager...

J’en viens aux incertitudes liées aux diplômes étrangers. Sur ce point, voici les propos de M. Durrleman, président de chambre à la Cour des comptes : « Si la démographie des professions médicales de santé du secteur est élevée, c’est parce que s’y concentre, plus que dans d’autres spécialités, l’apport de médecins à diplôme étranger,…

M. Stéphane Ravier. … dont rien ne garantit qu’il restera le même à l’avenir, tandis que le flux de formation en France n’a pas autant augmenté que dans d’autres spécialités médicales. »

Dans ce domaine, nous devons réexaminer notre système sans dogmatisme.

Nous payons cher pour assurer aux étudiants des cursus de qualité ; une fois diplômés, ils doivent être suffisamment nombreux à exercer en France pour satisfaire les besoins de nos populations. (Mme Annie Guillemot s’exclame.) Sur quels leviers faut-il agir ? Quel équilibre trouver entre les obligations à imposer et les avantages à offrir ? Il faut mener une réflexion concrète sur ce point capital.

Je terminerai par le souhait d’encourager l’accompagnement associatif des grossesses. Trop de femmes enceintes se retrouvent en situation d’isolement ou de conflit du fait de leur grossesse. C’est surtout le cas dans les couches les plus pauvres de la population.

L’État doit donc aider les associations qui soutiennent, voire accueillent les futures mamans.

Mme Catherine Génisson. Tout à fait !

M. Stéphane Ravier. Il y en a, mais ce mouvement, encore embryonnaire, doit être encouragé. Plutôt que de sacraliser l’avortement (Mme Françoise Laborde s’exclame.), il faut agir en priorité sur ses causes, qui sont souvent l’abandon des femmes enceintes par notre société devenue individualiste.

Mme Catherine Génisson. C’est un véritable condensé !

M. Stéphane Ravier. Si l’on votait, dans nos assemblées, un droit fondamental des femmes à être bien accompagnées durant leur grossesse, alors nous aurions un Parlement réellement humaniste, fidèle à sa mission première, qui est de protéger les plus faibles, comme les médecins doivent être fidèles au serment d’Hippocrate. (M. David Rachline applaudit.)

Mme Annie Guillemot. Les femmes ne sont pas des hommes comme les autres !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je me félicite de la tenue, aujourd’hui au Sénat, de ce débat sur la situation des maternités et je tiens à remercier Mme Annie David, qui, alors présidente de la commission des affaires sociale, avait demandé à la Cour des comptes un rapport sur ce sujet.

Ce débat est d’autant plus important que la quasi-totalité des naissances, 820 000 en tout en 2014, a lieu au sein de maternités – même si, comme Mme Laborde l’a souligné, l’on constate une demande croissante d’accouchements avec exigence de bien-être, dits « physiologiques ». Cela étant, un accouchement normal est, par définition, physiologique… (Mme Françoise Laborde acquiesce.)

Cette situation a d’ailleurs conduit certains à proposer la création de maisons de naissance. J’ai récemment rencontré les porte-parole du collectif relayant cette proposition. Ces demandes de prise en charge alternative sont intéressantes. L’évaluation de leur mode de fonctionnement devra permettre d’en affiner le concept. Le sujet de la sécurité de l’environnement est fondamental. De surcroît, celui de la rémunération reste, semble-t-il, à approfondir.

Ce rapport, comme tous ceux que rédige la Cour des comptes, se révèle intéressant pour les responsables politiques que nous sommes.

Tout en me félicitant de la méthodologie employée et en souscrivant à bon nombre des analyses développées, je tiens à insister, en ouvrant mon propos, sur une exigence fondamentale à respecter : l’impératif de santé publique.

J’entends les appels à la restructuration des maternités et à la rationalisation, mais l’exigence qualitative doit toujours primer sur l’exigence quantitative. C’est cette première qui définit le juste niveau de dépense sociale et sanitaire.

Lorsqu’il s’agit de la santé de nos concitoyens, il ne saurait être question de raisonner uniquement en termes d’économies à réaliser. Certes, ce n’est pas ce que fait la Cour des comptes dans son rapport, mais je veux mettre en garde contre une approche strictement économique.

Lorsque j’entends les annonces qui, pour le moins, interpellent, évoquant des économies de 3 milliards d’euros en trois ans au titre de l’hôpital public, je pense que la dépense publique pourrait certainement être plus opérationnelle. Mais, à mon sens, les propositions formulées vont à contre-courant. Je le répète, ce sont les exigences qualitatives qui doivent déterminer le bon niveau de dépenses, et non la volonté de faire entrer des économies dans des cases déterminées à l’avance.

En introduction à mon propos, je tiens à formuler une remarque connexe. La Cour des comptes évoque le secteur public des maternités, mais aussi le secteur privé. Ce constat me conduit, comme tous les ans, à souhaiter que la Cour des comptes puisse s’intéresser au secteur hospitalier privé lorsqu’elle remet son rapport annuel d’évaluation de la loi de financement de la sécurité sociale.

Ces quelques remarques étant faites, j’en viens au cœur de mon propos.

Comme le souligne la Cour des comptes, l’offre de soins en maternité a connu une profonde restructuration depuis 2002.

Ainsi, l’on constate que le nombre de maternités a baissé de 20 % entre 2002 et 2012, ces fermetures affectant en majorité les plus petits établissements. Pourtant, nous sommes au milieu du gué, les résultats en matière de prise en charge de la maternité et de la périnatalité n’étant pas pleinement satisfaisants.

Avec cette question, nous entrons véritablement dans le cœur du débat. Je souscris globalement à l’analyse de la Cour des comptes, sans doute par déformation professionnelle, mais aussi par expérience professionnelle. Lorsqu’une maternité se situe sous le seuil de 300 accouchements par an, les conditions d’accueil ne sont pas optimales, même si le chiffre de 300 peut parfois paraître arbitraire. L’égalité d’accès à des soins de qualité, le bien-être de la mère et de l’enfant ainsi que l’obligation absolue de sécurité sont des exigences incontournables.

Le plus souvent, une grossesse, une naissance sont des événements heureux et en aucun cas une maladie. Mais un accouchement normal peut évoluer défavorablement en quelques minutes. Dès lors, un plateau technique performant doit être immédiatement mis en place : deux vies sont en jeu.

Oui, dans ce domaine, je suis favorable à une logique sécuritaire. Les accouchements « à la roulotte », par exemple dans un camion de pompiers ou dans une voiture, correspondent beaucoup plus à une prise en charge non adaptée du suivi de la grossesse qu’à un problème d’implantation géographique des maternités.

Les patientes doivent faire l’objet d’un impératif de sécurité, d’autant plus que la France, si elle dispose du premier taux de natalité d’Europe avec deux enfants par femme, affiche de mauvais résultats quant aux indicateurs de périnatalité. Avec un taux de 2,3 pour 1 000, la France occupe le dix-septième rang européen pour la mortalité néonatale dans les vingt-sept jours suivant la naissance.

En conséquence, la sécurité de la naissance doit être améliorée. C’est un impératif de santé publique, dix-sept ans après les décrets de 1998, dont c’était l’objectif principal. Il faut donc mener des réformes, mais sans brutalité, sans dogmatisme.

Les structures de proximité en deçà des 300 accouchements par an ne doivent pas être fermées, car elles sont très importantes pour le maillage territorial dont doivent bénéficier nos concitoyens. Ces maternités de proximité peuvent être transformées en centres avancés de consultations, assurant le suivi des grossesses et des accouchements. Elles peuvent être animées par du personnel soignant de territoire, mais aussi par des personnels de maternités plus importantes.

Je suis très favorable à la première des neuf préconisations de la Cour des comptes : « Réaliser une enquête épidémiologique pour préciser la relation entre l’éloignement des parturientes des maternités et les résultats de périnatalité ». Là est la préconisation centrale qui nous permettra d’y voir plus clair, ce qui ne signifie en aucun cas qu’il ne faut pas réformer.

La précarité financière affectant les maternités est de plus en plus criante, du fait de prises en charge inadéquates : des réformes doivent être menées quant à la durée moyenne du séjour à l’hôpital, qui reste plus élevée en France qu’ailleurs. En 2011, elle s’établissait dans notre pays à 4,2 jours pour un accouchement normal, contre 3 jours en moyenne dans les pays de l’OCDE. Les taux d’occupation des lits doivent également faire l’objet d’une réforme.

De plus, il me paraît souhaitable de s’appuyer sur les réseaux de périnatalité et de mobiliser les acteurs du secteur libéral. Dans la lutte contre l’hospitalo-centrisme, souvent dénoncé, les acteurs du secteur libéral ont incontestablement un rôle à jouer.

Ainsi, le programme d’accompagnement au retour à domicile, le PRADO, mis en œuvre sur l’initiative de la sécurité sociale, peut non seulement contribuer à réduire en toute sécurité la durée d’hospitalisation, mais aussi permettre la reconversion de sages-femmes de la pratique hospitalière vers la pratique libérale. Surtout, ce programme peut garantir une meilleure qualité de prise en charge. Il y a là des cercles vertueux à amorcer.

Si je souscris globalement aux analyses développées par la Cour des comptes dans son rapport sur les maternités, certaines recommandations me laissent interrogative, voire dubitative.

Je songe notamment à la proposition d’instaurer des normes spécifiques pour les maternités qui effectuent plus de 4 000 accouchements par an. Je n’ai pas obtenu de réponse satisfaisante de la Cour à ce sujet.

Par ailleurs, est-il réaliste de penser que l’on pourra créer, dans les maternités de niveau III, des services de réanimation pour les adultes ? Est-il concevable de faire cohabiter des jeunes femmes qui viennent d’accoucher, et auxquelles il convient de confier le plus vite possible leur bébé, et d’autres adultes aux pathologies très lourdes, infectieuses en particulier ?

Enfin, la critique des pouvoirs publics, fondée sur leur supposée absence de vision à moyen terme, me paraît sévère.

Les pouvoirs publics ont la responsabilité d’être attentifs à la diversité géographique de nos territoires et à leur environnement socio-économique, tout en maintenant une sécurité optimale. Cela étant, j’adhère totalement à l’analyse de la Cour des comptes quant à la nécessité de nous pencher sur le suivi des populations précaires.

À ce titre, mes chers collègues, permettez-moi de citer l’exemple du Nord–Pas-de-Calais.

Les indicateurs sanitaires de cette région sont, globalement, les plus mauvais de France. Or le Nord–Pas-de-Calais présente des chiffres de périnatalité supérieurs à la moyenne nationale. Au cours de la période 2010–2012, le taux de mortalité infantile était de 3,2 pour 1 000 dans le Pas-de-Calais et de 3,4 pour 1 000 dans le Nord, alors qu’il s’élevait en moyenne à 3,5 pour 1 000 pour l’ensemble de la France.

En outre, au cours de la période 2007–2009, le taux de mortalité maternelle s’établissait à 5,2 pour 100 000 naissances. Il était nettement inférieur à la moyenne enregistrée en métropole, à savoir 9,4 pour 100 000 naissances.

La région du Nord–Pas-de-Calais présente une forte structuration de la périnatalité autour des réseaux existants. Le secteur public y occupe une place prépondérante. D’ailleurs, on observe un certain désengagement du secteur privé, ce qui, à terme, pourrait susciter des difficultés.

Au sujet du Nord–Pas-de-Calais, j’ajoute qu’il faut signaler une évolution notable : il n’y a pas ce que l’on appelle de « petites maternités ».

Comme l’indique la Cour des comptes, l’offre de soins dans cette région « répond globalement aux besoins de la population. Elle contribue à une amélioration de la sécurité de la naissance, bien que certaines parties du territoire rencontrent encore des difficultés ». À mon sens, c’est là le fruit d’un travail collectif, accompli par les acteurs politiques, les professionnels de santé, qu’ils appartiennent au public ou au privé, au réseau hospitalier ou à la médecine libérale, les usagers et l’Agence régionale de santé, l’ARS.

En conclusion, je souligne la nécessité de mener un nouvel effort de restructuration de l’offre de soins des maternités. Toutefois, je précise que l’exigence qualitative doit toujours primer sur l’exigence quantitative. Dans le domaine de la santé, comme dans beaucoup d’autres secteurs, il ne saurait être question de privilégier une vision purement comptable.

Madame la ministre, je tiens à saluer votre action : je sais que nous pouvons compter sur votre engagement et sur votre détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde et M. Jean Desessard applaudissent également.)

M. Didier Guillaume. Mme la ministre est très déterminée !

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, par son travail approfondi, la Cour des comptes nous livre une analyse précise de la situation des maternités en France. Aussi, je tiens avant tout à remercier les auteurs de ce rapport, ainsi que la commission des affaires sociales, qui avait prescrit cette étude.

En la matière, – les précédents orateurs l’ont rappelé – le débat entre proximité et sécurité est ancien. L’équilibre dont il s’agit n’a rien d’évident. Il exige – c’est manifeste – une vigilance permanente. À cet égard, je fais miennes les préoccupations exprimées à l’instant même par Catherine Génisson.

Le décret de 1998, qui a conduit à la fermeture de presque toutes les maternités procédant à moins de 300 accouchements par an, est assez largement accepté aujourd’hui. Toutefois, dans les localités où la proximité d’une structure adaptée aux besoins de la future mère n’est pas suffisante, il importe de continuer à déterminer les solutions les plus rassurantes, les plus sécurisées possible. Je songe notamment aux solutions d’accueil temporaire en fin de grossesse, si la prudence les exige, à proximité de l’hôpital destiné à accueillir la future mère.

En outre, la recherche de cet équilibre suppose d’améliorer les relations entre la ville et l’hôpital, d’activer, au sein d’un territoire, des réseaux variés et de les coordonner.

Madame la ministre, nous aurons sans doute à débattre de nouveau de ces enjeux lors de l’examen du projet de loi de santé.

Pour l’heure, dans le temps qui m’est imparti, j’insisterai sur deux points.

Premièrement, la Cour des comptes affirme que le suivi des populations en situation de précarité est mal assuré. Force est de constater que l’enquête nationale périnatale présente des constats particulièrement préoccupants : ainsi, l’on observe encore des différences sociales de prématurité et de petits poids de naissance selon le niveau d’études et le groupe social de la mère. Dans certains cas, ces inégalités tendent même à s’accroître.

En Île-de-France notamment, la précarité des femmes enceintes affecte négativement les résultats en matière de périnatalité, et ce, en premier lieu, dans un département que je connais bien : la Seine-Saint-Denis. Cette situation se traduit y compris en termes de surmortalité. Les études menées ont démontré que le défaut d’action périnatale, une consultation ou une césarienne trop tardive, une sous-estimation de la gravité de la situation, d’excessifs délais d’intervention, une absence de pédiatre ou de gynécologue, une faiblesse des moyens de diagnostic et de surveillance pouvaient expliquer jusqu’aux deux tiers de cette surmortalité.

Par ailleurs, il convient d’aborder la situation outre-mer. Je ne sais pas si certains de nos collègues ultramarins interviendront aujourd’hui sur ce sujet. Pour ma part, je suis cette situation de près en tant que membre de la délégation sénatoriale à l’outre-mer.

Dans les zones ultramarines, la situation est encore plus inquiétante qu’en France métropolitaine. La surmortalité infantile y persiste. Elle s’est même en partie aggravée au cours de la période récente, avec un taux qui, en 2012, variait de 4,1 à 9,9 pour 1 000 naissances, contre 3,3 en moyenne en métropole.

On le sait, à Mayotte, nombre d’accouchements ont lieu dans ce que l’on nomme des centres de référence, entièrement gérés par des sages-femmes. Pour l’heure, le fonctionnement de ces maternités périphériques ne respecte pas les conditions fixées par le code de la santé publique. L’activité de gynécologie-obstétrique et de néonatologie y est exercée sans autorisation. Aucun gynécologue-obstétricien, anesthésiste ou pédiatre n’est présent sur place. La permanence des soins n’est donc pas assurée.

Il faut également évoquer la situation de la Guyane : la maternité de Saint-Laurent-du-Maroni, installée dans un ancien bagne, est particulièrement vétuste. On y pratique 4 995 échographies de grossesse par an pour 6 000 accouchements environ, chiffres qui révèlent un suivi très incomplet des grossesses.

Bref, étant donné la gravité de la situation, un plan d’urgence devrait, à mon sens, être déclenché pour sécuriser la périnatalité dans les territoires d’outre-mer et, parallèlement, renforcer le suivi des femmes enceintes en situation de précarité. Cette seconde requête est déjà formulée par la Cour des comptes pour l’ensemble du territoire français.

Deuxièmement, – cette question n’est pas traitée dans ce rapport essentiellement financier – il me semble important d’insister sur la santé environnementale, qui, hélas ! n’est pas encore une priorité au sein des maternités.

Sous la pression de diverses associations, comme le Comité pour le développement durable en santé, le C2DS, ou le Centre national d’information indépendante sur les déchets, certains hôpitaux sont, par exemple, en train de réévaluer leur utilisation du PVC. Ce plastique est omniprésent dans les établissements de santé, aussi bien sous forme de matériaux de construction que de dispositifs médicaux ou de produits de consommation courante.

Dans nombre de ses applications, le PVC est plastifié au DEHP, un phtalate classé cancérogène, mutagène et reprotoxique de catégorie 2 par l’Union européenne, au point que, depuis quelques années, il est interdit dans les jouets destinés aux enfants de moins de trois ans. Toutefois, il entre actuellement pour plus de 50 % dans la composition des plastiques à usage médical. Or il est prouvé que le DEHP, n’étant pas lié chimiquement au PVC, s’en échappe en continu, qu’il est particulièrement bien absorbé par voie orale et pulmonaire et que sa distribution est rapide dans l’organisme. Madame la ministre, nous devons répondre à cette préoccupation !

En 2008, le rapport du comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux a d’ailleurs proposé une liste de procédures médicales à haut potentiel d’exposition au DEHP, et a fait état de risques particuliers d’intoxication aiguë en soins intensifs de néonatologie, où les nouveau-nés reçoivent des quantités de DEHP pouvant atteindre vingt fois la dose journalière tolérable.

Il nous semble qu’il y aurait matière à monter en urgence un programme de dépollution et de santé environnementale, dans les hôpitaux en général et, puisque c’est aujourd’hui notre sujet, dans les maternités en particulier. (MM. Jean Desessard et Didier Guillaume, ainsi que Mme Laurence Cohen applaudissent.)

(M. Claude Bérit-Débat remplace Mme Jacqueline Gourault au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la France est l’un des pays les plus natalistes de l’Union européenne grâce, notamment, à sa politique familiale. Celle-ci est une spécificité historique, instaurée dans une perspective nataliste pour faire face aux enjeux géopolitiques de son temps.

Aujourd’hui, l’objectif nataliste répond à des enjeux économiques, ne serait-ce que pour maintenir un ratio démographique suffisant qui assure notre système intergénérationnel de retraite.

Les maternités ont la lourde tâche de répondre aux attentes toujours plus fortes de notre société, de nos territoires et de leurs habitants.

Or l’équation est difficile à résoudre : il faut garantir la qualité et la sécurité des soins sans accroître les temps d’accès et donc proposer un maillage équilibré des établissements tout en assurant leur pérennité financière et l’attractivité des professions du secteur.

Telle est la problématique à laquelle sont confrontées nos maternités. Si l’opération est délicate, nous pouvons faire beaucoup mieux.

Je tiens à saluer la commission des affaires sociales et mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe qui se sont penchés sur la situation des maternités, car l’amélioration de nos connaissances en la matière est nécessaire à la définition d’un dispositif pérenne et efficient. Je salue donc l’important travail réalisé par la Cour des comptes pour élaborer ce rapport détaillé sur l’état des maternités aujourd’hui.

La sécurité des femmes et des enfants est une des attentes majeures. Pour lutter contre la mortalité liée à la périnatalité, les décrets du 9 octobre 1998 ont rendu plus strictes les normes de sécurité relatives aux personnels et aux locaux et ont introduit de nouvelles règles d’organisation. Seize ans après, les résultats ne sont pas à la hauteur.

Avec un taux de 2,3 ‰, la France est dix-septième au niveau européen en matière de mortalité néonatale. La sécurité de l’activité obstétrique s’est améliorée depuis 1998, mais dans des proportions moindres que dans les pays voisins. La France ne tient pas son rang !

Ces décrets ont, par ailleurs, donné lieu à une forte recomposition du secteur. Le nombre de maternités a chuté de 20 % entre 2002 et 2012. En quarante ans, près des deux tiers d’entre elles ont disparu. Les premières touchées ont été bien évidemment les plus petites.

Les maternités dont l’activité est satisfaisante occupent, désormais, une place majeure dans l’offre de soins. À l’inverse, le secteur privé lucratif s’est fortement retiré. Les maternités de niveau II et III se sont donc imposées, en raison de l’offre de soins plus pointue qu’elles proposent. Un effort de planification s’impose afin d’éviter une recomposition erratique.

Malgré ce phénomène, et la disparition des petites maternités, le rapport d’information ne signale pas de dégradation des conditions d’accès aux soins pour les femmes enceintes, puisque le temps d’accès médian aux établissements reste satisfaisant.

Je ne suis pourtant pas dupe : de nombreuses disparités existent. Le temps de trajet peut dépasser trente minutes dans certains territoires. Il y va donc de la sécurité des femmes et des enfants que le maillage territorial s’équilibre.

Il serait nécessaire – nous sommes sans doute tous d’accord sur ce point – que l’État commande une étude épidémiologique analysant plus en profondeur les questions liées à la morbidité et à la mortalité infantile, pour repérer plus précisément les fragilités de notre organisation.

L’équation de départ est rendue plus complexe par les difficultés humaines, matérielles et financières que rencontrent les maternités. Leur sécurité est fragilisée, notamment, par des problèmes de recrutement. À titre d’information, rappelons que le nombre de gynécologues a baissé de plus de 30 % entre 2013 et 2014, et que leur moyenne d’âge atteint soixante ans. La spécialité gynécologie-obstétrique est de moins en moins choisie, en raison de la pénibilité du métier, mais aussi du risque médico-légal majeur.

Qu’en est-il également de l’expérimentation des maisons de naissance ? Peuvent-elles être un maillon supplémentaire aux côtés des réseaux de santé et des centres périnatals de proximité ?

Par ailleurs, certaines infrastructures ne répondent pas aux normes actuelles. Le rapport de la Cour des comptes a relevé un déficit de contrôle, notamment dans les très petites maternités. Cependant, on le sait, la fermeture immédiate en cas de non-conformité mettrait en danger le maillage territorial.

Il est ainsi nécessaire de développer dans ce domaine un suivi plus fin des contrôles ainsi que des indicateurs. La Commission nationale de la naissance et de la santé de l’enfant, créée en 2009, pourrait-elle apporter son concours et son expertise à cette tâche ?

Je ne peux, enfin, faire l’impasse sur la situation financière des maternités. La Cour des comptes a noté le déficit chronique dans lequel se trouvait la quasi-totalité des établissements. Or la situation actuelle nous oblige à rationaliser les actes de soin, tout en améliorant la sécurité de la femme et de l’enfant. Un nouveau modèle économique doit donc émerger.

Nous devons nous interroger sur la durée de séjour en France – plus de quatre jours en moyenne – au regard de celle que connaissent les autres pays européens – trois jours seulement –, alors qu’ils offrent des niveaux de services similaires. Le faible taux d’occupation des lits est également problématique. Une rationalisation des moyens doit être entreprise, là encore avec l’appui, comme la Cour des comptes le préconise, de la Fédération hospitalière de France.

Il est temps que nous affirmions clairement nos objectifs prioritaires. La question des maternités en est un, comme la protection maternelle et infantile, ou PMI. Si nous éprouvons des difficultés en termes de démographie médicale dans le secteur des maternités, le constat est tout aussi alarmant dans le secteur de la PMI. Nous devons réfléchir aux moyens de développer les coopérations entre ces deux secteurs. Il est sans doute temps que les acteurs se réunissent autour d’une table pour définir conjointement un dispositif pérenne et cohérent. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Éric Jeansannetas et Mme Chantal Deseyne applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, lorsque la Cour des comptes a présenté devant la commission des affaires sociales du Sénat son rapport, en janvier 2015, je l’ai trouvé passionnant et je l’ai dit. On ne parle malheureusement des maternités que lorsque se produit un événement tragique, alors que plus de 800 000 femmes y accouchent chaque année avec beaucoup de bonheur et en étant très bien entourées.

Naturellement, comme tout bon élu, j’ai vérifié si certaines maternités de mon département du Val-de-Marne étaient l’objet de critiques. Aucune ! Les décrets de 1998 ont depuis longtemps porté leurs fruits, même si ce fut parfois un peu douloureux.

Je me souviens ainsi de la tristesse des habitants lorsque la clinique de ma ville, où naissaient les Vincennois, a fermé ses portes, comme de la déception de ceux de Bry-sur-Marne quand l’hôpital Saint-Camille, récemment, n’a pas obtenu l’autorisation d’ouvrir une maternité, malgré l’excellence de son pôle périnatal.

Sans que rien ne le laisse présager, sans même que des rumeurs parviennent à mes oreilles comme en 2012 lorsqu’il fut envisagé de fermer l’hôpital d’instruction des armées Bégin, la suppression très prochaine, dès fin juin, de son service maternité a été annoncée.

C’est pour moi, pour nous, et j’associe ma collègue Laurence Cohen, une désagréable impression de déjà-vu. À l’appui de cette décision a été invoquée la nouvelle restructuration du service de santé des armées – le SSA – à l’horizon 2020, qui veut se recentrer sur le soutien aux forces militaires.

Certes, madame la ministre, cette décision ne vous est pas imputable, mais elle concerne d’abord la population civile qui représente 80 % des 1 100 accouchements annuels. Il ne s’agit donc pas d’une petite maternité comptant 300 ou 500 naissances !

C’est une maternité flambant neuve de dix-huit lits, inaugurée en 2012 ; plus exactement qui s’est modernisée en 2012 car l’hôpital Bégin dispose d’une maternité depuis que l’impératrice Eugénie, femme de Napoléon III, a vu son vœu de grossesse exaucé après un passage sur ce site ! (Sourires.)

Aujourd’hui, Bégin est le seul hôpital militaire à disposer d’un pôle mère-enfant avec un service de maternité-pédiatrie et un service de gynécologie.

Madame la ministre, votre portefeuille recouvrant les affaires sociales, la santé et les droits des femmes, je souhaite que fassiez part à votre collègue Jean-Yves Le Drian, à quelques jours du 8 mars, du mauvais sort qui va être ainsi fait aux femmes et aux femmes militaires !

Mme Catherine Procaccia. La fermeture de la seule maternité de l’armée contredit la volonté de féminisation et d’ouverture, qui ne semble être qu’un affichage. L’armée est encore bien dirigée par des hommes, pour lesquels la grossesse est sans doute synonyme de perturbation du planning de leurs opérations ! (Sourires sur plusieurs travées. – Mme Chantal Deseyne applaudit.) Je constate que cela vous fait sourire.

Je voudrais savoir, madame la ministre, si l’Agence régionale de santé, l’ARS, a été informée en amont de cette décision et si elle a réalisé une étude de l’impact de cette fermeture sur les maternités du Val-de-Marne. Je souhaiterais également savoir comment l’Agence entend intervenir pour que les futures mères soient réorientées rapidement – le service ferme dans cinq mois et nous l’avons appris il y a quinze jours ou trois semaines ! – vers des maternités correspondant à leur attente ? Elles avaient en effet choisi d’accoucher en dehors du cadre hyper médicalisé des usines à bébés vers lesquelles on s’oriente pour des motifs de rentabilité et dont la suractivité n’est pas étrangère aux soixante-dix décès de mères enregistrés chaque année !

Bégin, naturellement, était une maternité de niveau I. Si des maisons de naissance sont ouvertes, c’est bien parce que les femmes dont la grossesse se déroule sans risque ne veulent pas de surmédicalisation.

J’entends parler d’une réorientation des patientes vers l’hôpital Tenon, à Paris, qui n’a absolument rien de commun avec Bégin et qui n’est pas une maternité de proximité, même avec une ambulance toutes sirènes hurlantes. À quinze heures trente ce mercredi après-midi, en pleine heure creuse donc, Google Maps évaluait à vingt-cinq minutes le temps nécessaire pour y arriver. L’autre établissement, plus proche, est la maternité des hôpitaux de Saint-Maurice. Elle ne pourra toutefois accueillir qu’une petite portion des 1 100 accouchements de Bégin.

Je ne veux pas être de ces élus qui appellent à des réformes, mais refusent celles qui concernent leur département. J’estime seulement que patients et personnels méritent un peu plus d’attention.

Je n’ai pas entièrement détourné ce débat en évoquant ainsi le Val-de-Marne, madame la ministre, parce que la question de la maternité de Bégin est aussi celle des restructurations médicales. La dialyse va ainsi également y être supprimée.

J’aimerais savoir s’il existe une procédure pour veiller à l’information et à la réalité de l’accompagnement des patients, dans ce cas, des futures mamans dont la maternité ferme aussi rapidement. Je n’oublie pas non plus les personnels médicaux, qui méritent une attention toute particulière, puisque leur avenir professionnel dans leur spécialité ne pourra plus s’exercer dans le cadre des hôpitaux militaires. (M. Didier Guillaume applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à remercier le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, ainsi que notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, d’avoir permis l’organisation de ce débat. La qualité et la précision des rapports publiés nous éclairent sur les choix à opérer en matière de politique de santé publique. La nouvelle sénatrice que je suis appréhendait une approche uniquement comptable et financière. Je suis rassurée de constater que la Cour des comptes, comme vous-mêmes, mes chers collègues, a abordé le sujet avec humanisme, en privilégiant un égal accès à des soins de qualité.

Il faut le redire, c’est une grande chance pour la France d’avoir aujourd’hui un taux de natalité parmi les tout premiers d’Europe. Sur ce vieux continent, où de nombreuses femmes travaillent, où l’organisation familiale devient plus complexe et où la politique nataliste est parfois malmenée, les Françaises sont fort heureusement encore nombreuses à vouloir enfanter : 811 000 naissances ont été enregistrées en 2013 par l’INSEE, soit un taux de fécondité de plus de 2 enfants par femme, quand la moyenne européenne atteint péniblement 1,58 enfant. Il est donc primordial de renforcer les politiques natalistes et l’accompagnement adapté des femmes enceintes.

Les restructurations engagées dès 1998 ont été difficiles – le mot est faible ! – sur les territoires, mais elles étaient nécessaires pour mieux maîtriser les coûts et, surtout, assurer une meilleure sécurité des patients.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des enseignements apportés par le rapport de la Cour des comptes et le rapport d’information de notre collègue – les précédents intervenants les ont très bien exposés –, me contentant d’évoquer plus particulièrement deux sujets, notamment les réseaux d’accompagnement.

À la suite des restructurations, les réseaux d’accompagnement se sont développés et ont, me semble-t-il, fait la preuve de leur adaptabilité et de leur capacité à répondre aux difficultés, notamment à celles qui sont liées à l’éloignement en zones rurales isolées. Le rapport de la Cour des comptes met en évidence tout l’intérêt des réseaux de périnatalité et des centres périnatals de proximité, qui ont permis une modernisation de la prise en charge des patientes, au sens où ils offrent un suivi personnalisé attentif et continu de la future maman, de sa grossesse aux premiers mois après la naissance. À cet égard, je reprendrai l’exemple de la Bourgogne, citée dans le rapport de la Cour des comptes pour ses résultats.

Malgré la fermeture de près d’une maternité sur trois entre 1998 et 2003, cette région affiche aujourd’hui des résultats remarquables, inférieurs à la moyenne nationale en matière de mortalité maternelle, périnatale et infantile. L’offre de soins s’appuie sur un maillage régional exemplaire assuré par le réseau périnatal de Bourgogne et, localement, par l’ouverture de sept centres périnatals de proximité.

Créé en 1992, le réseau périnatal, qui s’est déployé pour associer tous les professionnels de la périnatalité, organise des rencontres de praticiens, des échanges réguliers sur des analyses de cas et des dysfonctionnements éventuels survenus dans la région. Un dossier obstétrico-pédiatrique commun à tout le département permet d’optimiser la prise en charge et de traiter le cas de la parturiente ou du nouveau-né dans les plus brefs délais. Au-delà des échanges, des portails d’accès pour usagers et professionnels permettent de collecter les informations relatives à l’ensemble des 18 000 grossesses annuelles.

De l’avis de tous, ces réseaux constituent une prise en charge souple, adaptée aux besoins et, au final, plutôt économe. C’est pourquoi j’invite le Gouvernement à déployer autant que possible ces réseaux et à soutenir leur développement sur l’ensemble du territoire.

Le second point majeur, qui a déjà été évoqué et sur lequel j’aimerais revenir, concerne la présence des professionnels compétents sur le terrain.

Comment assurer un fonctionnement sécurisé des maternités ou des réseaux de proximité alors que les professionnels désertent nos campagnes ? Pourtant, selon la Cour des comptes, les effectifs globaux des spécialités médicales de la naissance et des sages-femmes n’ont jamais été aussi nombreux. Alors soit le nombre des professionnels formés n’est plus suffisant au regard des besoins, soit les diplômés ne s’installent pas là où ils sont attendus : ces deux hypothèses sont certainement vraies. Dans un cas comme dans l’autre, l’État a déjà agi, mais il doit poursuivre et intensifier son action, car la réalité empire : le phénomène des zones médicales blanches s’accroît.

Il est de plus en plus difficile de recruter des gynécologues-obstétriciens, des pédiatres et des anesthésistes-réanimateurs dans les maternités rurales notamment, où leur présence est systématiquement et nettement inférieure à la densité nationale. Or ce problème de démographie médicale pourrait entraîner de nouvelles fermetures de maternités alors même que la distance entre les établissements rend aujourd'hui nécessaire a minima un statu quo.

Renouveler les professionnels existants, attirer de nouvelles générations de spécialistes, tel est le véritable défi à relever et l’une des questions centrales soulevées dans ces rapports.

Administration, professionnels et élus doivent travailler ensemble pour anticiper les départs à la retraite et mieux ventiler les effectifs sur l’ensemble du territoire, mutualiser autant que possible le personnel existant et accompagner les professionnels et praticiens qui se retrouvent souvent seuls confrontés à de lourdes responsabilités.

Ainsi, et malgré les difficultés financières auxquelles les maternités doivent faire face, des pistes d’action émergent pour, comme le préconise le rapport de la Cour des comptes, « éviter qu’une série de fermetures ponctuelles, soudaines et mal anticipées ne provoque une recomposition subie de l’offre de soins qui ne ferait qu’aggraver les multiples dysfonctionnements déjà constatés ».

Au-delà d’un nouveau schéma cible d’organisation des maternités, il me semble important, notamment, de développer les prises en charges alternatives et attractives assurées par les réseaux de proximité, de manière à diminuer autant que possible le séjour en maternité et de favoriser les dynamiques locales de partenariat public-privé avec les groupements de professionnels de santé locaux, les maisons de santé pluridisciplinaires, les contrats locaux de santé, autant d’outils de nature à redonner de l’attractivité à l’exercice médical en milieu rural ou défavorisé.

Pour conclure, je tiens à rendre hommage à ces professionnels de santé qui exercent aujourd’hui dans les zones isolées et donnent chaque jour le meilleur au service de nos concitoyens. Je veux saluer le sens des responsabilités et du service, le dévouement, voire l’abnégation qui les anime au quotidien. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert.

Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier le président Milon et la commission des affaires sociales de nous permettre d’aborder aujourd'hui la question de la situation des maternités en France, un sujet particulièrement important pour la sécurité des enfants qui naissent et de leur mère, pour les équipes soignantes et pour l’aménagement du territoire. Ce sujet représente de multiples enjeux à la fois sanitaires et structurels.

Le rapport de la Cour des comptes de décembre 2014 et le rapport d’information de notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, ont tous deux pointé du doigt des anomalies en termes de répartition et de fonctionnement des maternités en France.

Si le réseau des maternités est à ce jour encore assez dense, bien qu’un certain nombre de structures aient été supprimées ou transformées au cours de ces dernières années, de nombreux centres sont aujourd’hui menacés pour des questions de rationalité et de sécurité, et ce malgré la restructuration du secteur opérée depuis de nombreuses années.

La Cour des comptes souligne que la France ne se situe qu’au dix-septième rang européen en termes de périnatalité, un positionnement qu’il faut incontestablement améliorer.

Depuis 1998, deux décrets visant à introduire des normes de sécurité plus strictes ont défini le maintien ou non d’une unité de maternité en fonction du nombre d’accouchements annuel, ce dernier devant être au minimum de 300 accouchements. Cependant, par dérogation, certaines maternités ont la possibilité de rester ouvertes si elles n’atteignent pas le seuil précité, afin que la distance soit suffisamment raisonnable entre le lieu de résidence des parents et la maternité. C’est actuellement le cas de 13 établissements en France.

La question du maintien des maternités devient tout aussi délicate dès lors qu’il s’agit d’un établissement effectuant un nombre d’accouchements légèrement supérieur à ce seuil, des établissements qu’il est convenu d’appeler « à faible activité ». C’est le cas, par exemple, de l’unité située à Saint-Jean-d’Angély, dans le département de la Charente-Maritime, aujourd’hui indirectement menacée de fermeture. J’interrogerai le Gouvernement sur ce sujet mardi prochain, car la question du maintien d’autres services hospitaliers est une condition invariable à la pérennité des maternités. Si l’unité de chirurgie de nuit de cet établissement venait à fermer ses portes, comme cela est sérieusement envisagé, cela condamnerait de fait la maternité.

C’est pourquoi il est impératif de mener une réflexion globale et non pas uniquement centrée sur les maternités, car celles-ci sont très dépendantes d’autres services hospitaliers, qui sont eux-mêmes aujourd’hui menacés. En mutualisant et en optimisant les services à la fois en termes de coûts, de personnels, de services et de juste répartition territoriale, le cercle pourrait être vertueux, mais il pourrait se révéler vicieux s’il n’était qu’un prétexte à une stricte fermeture.

La situation dans la région de Poitou-Charentes est parfaitement détaillée dans le rapport d’information de notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe : nous avons un centre hospitalier universitaire très excentré, situé au nord de la région, à Poitiers, ce qui conduit certains patients, pour des raisons de distance, à se tourner vers les établissements de Nantes ou de Bordeaux. On le voit donc bien, l’équation de juste répartition territoriale est complexe à résoudre, surtout dans un contexte financier contraint.

Cela est aussi particulièrement vrai avec la baisse des parts de marché du secteur privé dans la région : la part du secteur privé est passée de 37 % des accouchements à 24 %, les cliniques, par souci de rentabilité, se désengageant progressivement de ces offres de soins.

Le secteur public a les mêmes préoccupations en termes d’équilibre financier. Considérant que l’acte d’accouchement est peu rémunérateur au regard de la politique de la tarification à l’activité en hôpital public, la nécessité du maintien de ces structures est posée. Le rapport de la Cour des comptes pointe clairement le sous-financement de l’acte d’accouchement.

Toutefois, compte tenu de l’état de nos finances publiques, il est difficile d’espérer des jours meilleurs. Les politiques de rationalisation des budgets de fonctionnement des hôpitaux sont légitimes. Malgré tout, reste évidemment posée la question essentielle de l’encadrement de la sécurité de la naissance, une préoccupation prioritaire partagée par tous.

Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes met en avant une couverture territoriale correcte, mais relève un mouvement de restructuration national inégalement traité, ainsi qu’une réorganisation inaboutie. Il serait donc nécessaire que l’administration centrale diligente une étude à ce sujet, afin d’analyser de manière plus approfondie les questions liées à la sécurité et au temps d’accès aux maternités.

Enfin, ce rapport évoque la durée moyenne de séjour en maternité. Outre la nécessité d’un repos et d’un accompagnement des jeunes mamans, abaisser la durée moyenne de séjour en maternité, malgré le programme d’accompagnement du retour à domicile, qui, je le rappelle, n’est pas mis en place sur l’ensemble du territoire, risque d’avoir un impact direct sur les services de protection maternelle et infantile.

Ce débat est aujourd’hui une première étape – nécessaire – du processus de réflexion que nous devons engager au travers d’états généraux ou en décrétant un moratoire national. En effet, en vue de recueillir l’ensemble des éléments nécessaires à la conduite de cette réflexion, il serait peut-être plus cohérent d’examiner la possibilité de geler toute fermeture de maternité en France, en attendant l’examen, par le Parlement, du projet de loi relatif à la santé, hormis, bien entendu, les établissements qui ne répondraient pas aux normes de sécurité requises. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis dix ans, la France a la chance d’avoir un taux de fécondité important, l’un des plus élevés au niveau européen, avec plus de 800 000 naissances chaque année. Ce chiffre a un sens, car la natalité assure l’avenir de notre pays, sa stabilité sociale.

Malgré la grave crise que traverse l’Europe, le succès de la natalité française est sans aucun doute le résultat de la conjugaison de plusieurs facteurs, notamment une politique familiale ambitieuse et un maillage territorial des services publics. Depuis 2012, des réformes ont été entreprises pour rendre plus égalitaire la politique familiale et améliorer la prise en charge de la petite enfance, afin d’assurer la pérennité de notre natalité.

La situation des maternités est un sujet important : avec autant de naissances chaque année, celles-ci sont une exigence pour un pays comme le nôtre. Le réseau des maternités, qui est au cœur de notre capacité à assurer l’avenir, a, comme l’ont souligné les précédents orateurs, un double objectif : assurer la sécurité de la mère et de l’enfant, avec la meilleure prise en charge possible, et une proximité de qualité, selon les choix des futurs parents. L’équilibre de ces deux objectifs doit être notre priorité. C’est d’ailleurs le sens de la politique que vous menez depuis 2012, madame la ministre. Le pacte territoire-santé met en avant la proximité, qui permet d’assurer un égal accès de tous au service public, et la sécurité, qui est une exigence pour chacun. Vous avez pris des engagements forts avec ce pacte, qui donne déjà des résultats positifs concernant la situation des maternités et la périnatalité.

La sécurité sanitaire est une évidence – vous la mettez d’ailleurs toujours en avant – : il est hors de question de mettre en danger les nouveau-nés et leur mère. Elle a été renforcée depuis vingt ans, avec une acuité particulière au cours de ces dernières années. Malgré cela, la France reste au dix-septième rang européen en termes de mortalité néonatale, ce que nous ne pouvons accepter. Des efforts restent donc encore à faire en la matière.

Je voudrais évoquer l’importance de l’installation et du recrutement des nouveaux médecins.

Aujourd’hui, ce sont les départs à la retraite qui sont les plus nombreux dans certains territoires. Je regrette d’ailleurs que la Cour des comptes, qui pointe ce problème, ne développe pas le sujet de l’installation et ne prenne pas en compte les dispositions que vous avez prises depuis deux ans et demi pour lutter contre les déserts médicaux. Cette situation est en effet préoccupante. Sans suivi des grossesses, sans suivi des nouveau-nés après la sortie de la maternité, les risques sont aggravés.

Le choix a été fait – il est assumé – de privilégier dans le pacte de 2012 l’incitation dans la répartition de l’installation des médecins. L’accompagnement de l’installation dans les territoires désertés par les praticiens, libéraux ou en établissement, est la bonne solution. Il faut poursuivre la mise en place progressive de ce pacte.

Reste que les déserts médicaux ne pourront se résorber durablement sans une transformation des conditions d’exercice des professionnels de santé. C’est pourquoi la mise en place de maisons de santé pluridisciplinaires va dans le bon sens. En 2015, elles atteindront le nombre de 1 000 sur notre territoire. Le soutien à ces initiatives doit être pérennisé. C’est d’ailleurs ce que vous faites, madame la ministre. Je salue donc votre travail et votre engagement sur ce sujet. Sachez que le groupe socialiste vous soutient et vous soutiendra lorsque votre projet de loi viendra en discussion au Sénat.

J’en viens à la question de la précarité. Nous savons que les soins et la prévention servent de variable d’ajustement dans le budget de certaines familles. Certaines femmes ne peuvent pas faire les visites nécessaires avant ou après l’accouchement. Elles mettent ainsi leur santé en danger. C’est la raison pour laquelle je souhaite réaffirmer le besoin d’une mesure radicale, forte, pour lutter contre la précarité des patients : la généralisation du tiers payant. Le Premier ministre et vous-même l’avez évoquée. C’est une mesure indispensable que nous soutenons. La pauvreté est encore un critère discriminant de l’accès aux soins.

Le deuxième objectif du réseau des maternités, c’est la proximité. Ce n’est pas un slogan, c’est une nécessité. Depuis une dizaine d’années, voire plus, les services publics ont fui les territoires, notamment les territoires ruraux. Les directions départementales de l’équipement sont parties, les classes uniques ont été supprimées, les tribunaux ont fermé et les gendarmeries ont disparu. Le ministère de la santé n’est certes pas un aménageur du territoire, mais si nous devions également fermer les maternités, le sentiment de déclassement et d’abandon de nos concitoyens dans les zones rurales et de montagne serait encore plus fort. Si la Cour des comptes s’interroge sur le lien entre l’éloignement des maternités et les risques encourus, il convient aussi de s’interroger sur l’éloignement entre les citoyens et la République.

Vous connaissez bien, madame la ministre, la situation de la maternité de Die, dans la Drôme. Grâce à vous, elle a obtenu un sursis de deux ans et demi, ce dont toute la population vous remercie. Supprimer cette maternité, qui pratique certes moins de 300 accouchements par an, mais qui se trouve à une heure quinze voire à une heure trente de route du principal centre hospitalier – à quoi il faut ajouter trois quarts d’heure de trajet pour les habitants des zones de montagne –, ce serait mettre en danger la population de ces territoires. Il faut sans aucun doute faire de la sécurité un axe prioritaire, mais il faut aussi donner les moyens aux maternités situées en zone rurale ou de montagne de continuer à exister. Il est essentiel de pérenniser quelques exceptions pour les territoires isolés. Si l’on veut que leur avenir soit assuré, ces maternités doivent recevoir des moyens et pouvoir embaucher, notamment des pédiatres.

Pour conclure, je voudrais dire que nous devons dépasser les préconisations de la Cour des comptes, que la commission des affaires sociales a fait siennes. En tant que parlementaires, nous devons dépasser la logique comptable, certes indispensable, mais dont on nous rebat les oreilles tous les jours, et réaffirmer la nécessaire présence des services sanitaires en zone rurale comme dans les quartiers difficiles. Pour ce faire, il est indispensable de pérenniser les budgets de la santé et des hôpitaux et de recruter de nouveaux personnels. Il y va de la survie des petites maternités et des territoires sur lesquels elles sont implantées.

Notre volonté doit être de voir nos concitoyens qui se sentent déclassés et abandonnés retrouver les chemins de la République. Face aux déserts médicaux, la République doit réaffirmer des valeurs, parmi lesquelles celle de la santé pour tous. Il est indispensable de pouvoir dire à nos concitoyens que la santé est une priorité du Gouvernement et que, à ce titre, elle sera accessible dans tous les territoires, en zone urbaine comme en zone rurale, en centre-ville comme en zone de montagne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question de la survie des maternités nous concerne tous sur ces travées, en particulier ceux d’entre nous qui représentent les territoires ruraux ou hyper-ruraux. Nous sommes en effet inquiets à l’idée de voir disparaître un service de proximité, non pas seulement utile, mais également indispensable pour les habitants de ces territoires.

Certes, comme la plupart de mes collègues dans cet hémicycle, j’ai parfaitement conscience de la réalité budgétaire, en particulier du sous-financement structurel des maternités, qui ne peuvent trouver un équilibre qu’à partir de 1 000 à 1 200 accouchements par an. En tant que médecin, je sais également combien il est nécessaire d’assurer la totale sécurité de la mère et de l’enfant lors de l’accouchement et, à cet effet, de garantir les effectifs en mutualisant les équipes, avec les maternités de niveau III, qui ont une équipe de réanimation néonatale et adulte.

De toutes les structures dont on déplore la progressive et inéluctable disparition dans nos territoires ruraux, tels les bureaux de poste, les écoles, les perceptions – la liste n’est, hélas, pas exhaustive –, les maternités symbolisent sans doute plus que d’autres le maintien de la vie, par le fait même qu’y naissent ceux qui, à l’avenir, auront la mission d’animer ces territoires. Il s’agit donc là de l’un des plus essentiels services publics territoriaux. J’ajoute que le numerus clausus, tant pour les médecins généralistes que pour les obstétriciens, me semble beaucoup trop faible si l’on veut garantir un avenir serein et normal à l’offre de soins, notamment en milieu rural. Ce problème n’est d’ailleurs pas récent.

Je voudrais dire un mot de la maternité d’Ussel, dans mon département. Outre ses activités normales, elle travaille en étroite relation avec Tulle et avec le CHU de Limoges pour les grossesses à risque. Si la maternité d’Ussel devait disparaître, cela créerait une situation de danger pour les parturientes, puisque celles du secteur qu’elle couvre sont domiciliées à plus d’une heure de voiture d’une structure de rechange : Limoges, Clermont-Ferrand ou Tulle. En effet, Ussel, deuxième sous-préfecture de la Corrèze, est peuplé de quelque 10 000 habitants, mais occupe une situation tout à fait stratégique, sur le plan non seulement géographique, mais aussi économique ; elle regroupe ainsi quelque 50 000 habitants dans ses environs.

Le directeur de l’Agence régionale de santé, avec qui j’ai eu récemment l’occasion de m’entretenir sur le sujet, a reconnu cette situation particulière, même si le nombre d’accouchements annuel y est inférieur au seuil fixé par la Cour des comptes. Je note, du reste, que cette dernière, qui a fait un travail très sérieux et approfondi, indique que les maternités isolées dont le maintien est jugé nécessaire dans le territoire doivent bénéficier d’un financement adéquat et de dispositifs de mutualisation d’équipes appropriés. Cela est précisément le cas d’Ussel, maternité de niveau I, qui, à la moindre détection de grossesse pathologique, envoie ses patientes à Tulle ou à Limoges, Ussel ayant consenti d’importants efforts ces dernières années en matière d’organisation des urgences.

Dans un débat antérieur, madame la ministre, j’ai évoqué ce point avec vous, mais je me permets de réitérer ma question, car votre réponse – ne vous offensez surtout pas de cette remarque, tout à fait respectueuse – ne fut pas totalement claire, à moins que j’aie mal compris. Vous avez bien voulu répondre le 18 février 2015 à ma lettre en indiquant que vous aviez prescrit un examen attentif de ce dossier. Vous m’indiquiez que vous donneriez une réponse dans les meilleurs délais. C’est pourquoi je vous remercie de répondre, si possible, à la question suivante : la maternité d’Ussel, en Corrèze, est-elle menacée à plus ou moins brève échéance ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Madame la ministre, je connais bien votre engagement en faveur des femmes, en particulier de leur santé. C’est pourquoi je ne peux que saluer cette initiative de la commission des affaires sociales d’aborder le sujet épineux des maternités en France.

Je conviens tout à fait qu’une nouvelle recomposition de l’offre de soins est à la fois inévitable et nécessaire, non seulement pour des raisons de sécurité et d’efficience, mais aussi au regard du constat dramatique de la quasi-totalité des structures déficitaires en France. Cela est d’autant plus vrai pour celles qui ont comme activité unique la naissance. Il est donc fort logique que le Gouvernement ait saisi ce brûlot à bras-le-corps dans le but de définir un nouveau cadre pour assurer sécurité sanitaire et équilibre financier.

S’agissant de la Martinique, que je représente, cette redistribution de l’offre hospitalière a conduit à la fermeture depuis 2010 de l’une des trois maternités publiques, celle du Lamentin. Malgré cette fermeture, la Martinique dispose d’une offre de soins hospitalière graduée et assez complète, avec l’existence d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal et un centre agréé pour l’aide médicale à la procréation, ces deux organismes étant très utiles à notre population.

Bien que l’offre de soins soit globalement satisfaisante en Martinique, il reste néanmoins beaucoup à faire. En effet, il convient de déplorer une mortalité infantile très élevée dans tous les outre-mer, y compris en Martinique. Par exemple, en 2012, le nombre de décès a été estimé à 2 976, soit 532 de plus que l’année précédente. Le taux de mortalité infantile est ainsi le plus élevé après celui de la Guyane : avec 8,7 pour mille décès d’enfants de moins d’un an, soit une augmentation de 0,3 par rapport à l’année précédente. Notre territoire présente un niveau de mortalité infantile plus de deux fois supérieur au niveau national. Celle-ci est surtout imputable à la mortalité néonatale.

Tous les indicateurs de mortalité autour de la naissance sont élevés et en augmentation sans qu’on puisse en déterminer l’origine, ni la fiabilité statistique. Ainsi, en 2010, dans le service de néonatologie du centre hospitalier universitaire de la Martinique, treize décès sur vingt-trois concernaient des prématurés de moins de trente-deux semaines et huit de moins de vingt-huit semaines. Les complications infectieuses jouent un rôle important dans ces décès, qu’il s’agisse d’infections nosocomiales ou d’infections ayant déclenché l’accouchement.

Cette situation est d’autant plus grave que, dès 2009, le conseil interministériel de l’outre-mer avait érigé en objectif prioritaire la réduction de moitié entre 2010 et 2013 de l’écart enregistré entre 2007 et 2009 entre les taux de mortalité des enfants de moins d’un an en outre-mer et en métropole. Cet objectif a été repris en 2010 dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens de chacune des ARS des DOM, ainsi que dans un document d’orientation adressé à celles-ci en 2011 par la direction générale de la santé. Or, à l’heure actuelle, cet objectif n’est pas encore atteint, en raison notamment d’une insuffisante prise en considération de la situation défavorable des DOM.

Tout aussi préoccupant est le taux de naissances prématurées en Martinique, de deux à quatre fois plus élevé qu’en métropole alors que ce territoire souffre d’un déficit de médecins gynéco-obstétriciens et, semble-t-il, d’un problème d’accès aux centres de planification familiale.

Il faut se représenter aussi que seules les deux maternités publiques, celle de La Trinité et la Maison de la femme, de la mère et de l’enfant, respectivement de niveaux II et III, prennent en charge les grossesses à risque ; les deux maternités privées prennent seulement en charge les grossesses normales, compte tenu des investissements humains et matériels très importants que suppose l’accompagnement des grossesses à risque.

Enfin, un plan de retour à l’équilibre est mis en œuvre au sein du CHU de Martinique, destiné principalement à faire face aux difficultés financières. Certaines décisions prises dans ce cadre vont à l’encontre des intérêts de la population du point de vue de l’accès aux soins. Ainsi, les urgences pédiatriques de nuit doivent être fermées cette année – il est vrai qu’elles n’existent déjà plus dans les faits, compte tenu de la pénurie de pédiatres –, de même que le service de néonatalogie.

Ces fermetures devant entraîner le passage de la maternité de La Trinité du niveau II au niveau I, la Maison de la femme, de la mère et de l’enfant deviendra la seule structure prenant en charge les grossesses à risque dans toute la Martinique. Sans compter que la possible désaffection des parturientes et du personnel médical pourrait faire redescendre la maternité de La Trinité sous le seuil des 300 accouchements par an, au risque d’entraîner sa fermeture.

Ce tableau prouve combien la situation demeure préoccupante sur notre île, ce que confirme l’analyse des indicateurs régionaux : la Martinique se classe au troisième rang des régions françaises pour la fréquence des grossesses chez les mineures et au deuxième rang pour les grossesses après trente-huit ans, au premier rang pour les accouchements prématurés, au deuxième rang pour les enfants de moins de 2,5 kilos à la naissance et au premier pour les enfants de 2 à 2,5 kilos et au premier rang, en France comme en Europe, pour la mortalité périnatale.

Dans ces conditions, l’ARS de la Martinique a fait de la périnatalité la priorité de son plan régional de santé, qui fixe les objectifs suivants : développer une politique de dépistage et de prise en charge précoce et proximale des enfants handicapés, parvenir à une meilleure connaissance des facteurs de risque défavorables à la périnatalité, en particulier la contraception, les infections sexuellement transmissibles, l’IVG, la prématurité et la mortalité périnatale, repérer les grossesses à risque au moyen d’une approche multidisciplinaire et organisationnelle basée sur les territoires de proximité et promouvoir l’éducation à la sexualité dans l’école et au-dehors.

Madame la ministre, l’action de l’ARS de la Martinique mérite d’être vigoureusement soutenue. Je compte sur votre implication pour que l’on remédie aux maux majeurs que je viens de décrire et aux autres dont souffre la Martinique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Michel Mercier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après avoir écouté les différents orateurs, je trouve que nous aurions pu nous en tenir aux interventions liminaires de MM. Milon et Vanlerenberghe, qui, en quinze minutes chacun, ont réussi à soulever l’ensemble des questions au sujet desquelles nous souhaitons interpeller le Gouvernement.

Mme Laurence Cohen. L’approche du débat aurait été un peu réductrice !

M. Alain Vasselle. Évidemment, nos autres collègues auraient été privés de la possibilité de plaider pour leur chapelle – je veux dire pour les maternités de leur département…

Sans aucun doute, les difficultés que rencontrent les uns et les autres sur leur territoire justifiaient que Mme Touraine soit interpellée sur le sort des maternités où l’on pratique moins de 300 accouchements par an : seront-elles maintenues sans risque sanitaire pour les mères de famille qui viennent y accoucher ? Répondre par l’affirmative serait peut-être possible, mais supposerait, comme la Cour des comptes l’a signalé, que des moyens financiers, humains et techniques soient mobilisés partout où ils sont nécessaires pour que la sécurité sanitaire soit assurée. Est-ce la volonté du Gouvernement ? Est-il prêt à maintenir un service de proximité tout en garantissant la sécurité de l’offre de soins ?

Constatant que ce débat avait été inscrit à l’ordre du jour de nos travaux, j’ai réfléchi, madame le ministre, à plusieurs questions que je désire vous poser, en vous priant de m’excuser si elles ont déjà été formulées par certains de mes collègues, en particulier par le président et le rapporteur de la commission des affaires sociales.

Premièrement, nous devons nous demander à quel niveau fixer le seuil d’activité qu’une maternité doit atteindre pour que soient assurées à la fois sa viabilité économique et la sécurité sanitaire des patients. Le seuil de 300 accouchements par an est-il le bon ?

M. Didier Guillaume. Il est trop élevé !

M. Alain Vasselle. Nous voyons bien que le secteur privé s’est très largement réformé dans un souci de viabilité, au point qu’aujourd’hui aucune de ses maternités ne réalise moins de 1 000 accouchements par an. Peut-être convient-il, comme certains orateurs l’ont suggéré, de distinguer la situation des maternités selon le niveau dont elles relèvent. Toujours est-il que le secteur privé a considéré 1 000 accouchements comme le seuil de viabilité.

Deuxièmement, de quel réseau de proximité notre pays doit-il se doter pour permettre à nos concitoyens d’accéder à un service de santé sécurisé ?

Troisièmement, la sécurité sanitaire d’une maternité dépend-elle, au-delà des normes qui s’imposent à elle, de son adossement à un service hospitalier disposant d’un plateau technique ?

Quatrièmement, la viabilité économique des maternités dépendant de leur volume d’activité, mais aussi des tarifs de leurs actes, les tarifs pratiqués tant dans le secteur public que dans le secteur privé permettent-ils le maintien d’un réseau de proximité assurant une qualité de soins incontestable, en intégrant le coût des services ?

Les établissements de santé doivent être habilités et certifiés pour chaque discipline active en leur sein. La Haute Autorité de santé ne pourrait-elle pas être saisie pour définir les critères objectifs d’ordre technique, sanitaire et économique en considération desquels le pouvoir politique prendrait les décisions pertinentes en matière d’ouverture, de fermeture et de maintien de maternités ? De ce point de vue, j’appuie l’observation présentée par M. le rapporteur en ce qui concerne le « médico-économique ».

Cinquièmement, la France dispose-t-elle d’une ressource humaine suffisante en quantité et en qualité pour assurer le fonctionnement, avec un niveau de sécurité sanitaire élevé, de l’ensemble des maternités de son territoire,…

M. Didier Guillaume. Il n’y a qu’à tout fermer !

M. Alain Vasselle. … dont la répartition doit tenir compte de la densité démographique et des délais d’accès à l’offre de soins ?

Sixièmement, enfin, quelle action les agences régionales de santé mènent-elles sur le territoire national au service de la nécessaire mutualisation des moyens et des ressources, dans la perspective de la création éventuelle de groupes sanitaires ? Et où en sommes-nous de l’évaluation de leur action en matière d’offre de soins sur l’ensemble du territoire, en particulier pour ce qui est des maternités ?

En définitive, je fais miennes les conclusions présentées par M. le rapporteur de la commission des affaires sociales dans le rapport d’information qui a inspiré ce débat. Il convient en particulier que le Gouvernement élabore, comme le recommande notre collègue, « un schéma cible d’organisation à moyen terme des maternités », en « redéfinissant selon une stratégie globale le dimensionnement des établissements, leur maillage, leur articulation et leur modèle économique pour répondre en termes de répartition géographique comme de qualité des soins aux exigences de sécurité, à l’urgence d’une amélioration des indicateurs de périnatalité et aux demandes des parturientes qui évoluent ».

Madame le ministre, nous attendons avec intérêt les réponses aux questions que nous vous avons posées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative prise par Annie David en 2012, alors qu’elle présidait la commission des affaires sociales, de commander à la Cour des comptes une enquête sur la situation des maternités dans notre pays ; je salue également la suite que son successeur, Alain Milon, a donnée à cette enquête.

J’accueille avec une grande satisfaction la méthode consistant à dresser un véritable bilan d’un secteur qui n’a eu de cesse d’évoluer au cours des quinze dernières années. Un bilan des réformes mises en place : voilà ce que nous attendons, et que les élus locaux attendent ! L’analyse du passé, des réussites obtenues comme des erreurs commises, doit être, selon moi, le fondement de nos réflexions pour l’avenir de notre pays. Au demeurant, cette méthode devrait être un exemple, car nombreuses sont les réformes dont nous attendons un vrai bilan.

La Cour des comptes a accompli un travail de qualité, auquel elle a associé plusieurs chambres régionales des comptes. Le principal constat négatif qu’elle dresse est que, après plusieurs décennies de mesures destinées à garantir la sécurité des soins, la France n’occupe que le dix-septième rang européen en matière de mortalité néonatale, résultat très médiocre pour le pays d’Europe qui dépense le plus pour son système de santé. En effet, depuis 1970, la tendance est à la fermeture des petites maternités, au nom de la réduction des coûts et des risques. Le décret du 9 octobre 1998, qui prévoit la fermeture des maternités pratiquant moins de 300 accouchements par an, a relancé la politique de regroupement des maternités, sous l’effet de laquelle les deux tiers des établissements qui existaient en 1972 ont été fermés.

Je ne reviendrai pas sur le contenu et les conclusions du rapport de la Cour des comptes, qui ont déjà été largement commentés par mes collègues. Je profiterai plutôt de ce débat pour vous informer de la situation plus que préoccupante de la Haute-Normandie, en particulier du département de l’Eure, que je représente, en matière de démographie médicale.

Des sept maternités que mon département comptait dans les années 2000, il n’en reste plus aujourd’hui que quatre, ce qui est bien peu pour une population de 600 000 habitants. Songez que la densité de médecins généralistes et spécialistes dans l’Eure est la plus faible de métropole ! Quant à la Haute-Normandie dans son ensemble, elle est la vingtième région sur vingt-deux pour la démographie médicale.

L’Agence régionale de santé dresse un bilan alarmant en ce qui concerne la densité des professionnels de santé : elle comptabilise quinze gynécologues médicaux pour 100 000 femmes de vingt à quarante-cinq ans, quand la moyenne nationale est à vingt et un, et dix-sept obstétriciens pour un nombre un peu inférieur de femmes de vingt-cinq à quarante-cinq ans, contre vingt-neuf en moyenne dans notre pays. Une vingtaine de bassins de vie de Haute-Normandie présentent une densité de médecins généralistes libéraux inférieure à la moyenne nationale, et le constat est identique pour les spécialistes. C’est dire si la situation est inquiétante !

Madame la ministre, notre collègue Hervé Maurey a publié en 2013, à l’issue des travaux d’un groupe présidé par notre ancien collègue Jean-Luc Fichet, un rapport d’information relatif à la présence médicale sur l’ensemble du territoire. Vous avez partagé son constat, notamment en ce qui concerne le département de l’Eure. En 2015, la situation s’est encore dégradée, et je constate un manque de courage du Gouvernement pour mettre en place des mesures adaptées à la gravité de la situation. Le département de l’Eure est un désert médical, et la situation ne cesse d’empirer : nous manquons de gynécologues, d’obstétriciens et nous n’avons plus de pédiatres.

Difficultés dans l’accès aux soins, inégalités dans la répartition territoriale de l’offre de soins et baisse significative de la démographie médicale : telles étaient les conclusions du rapport de 2013. La situation n’a toujours pas changé, elle a empiré, ce qui est inacceptable.

Au mois de décembre 2012, vous avez lancé un pacte territoire-santé pour lutter contre les déserts médicaux. Dans mon département, plus généralement, dans la région de Haute-Normandie, nous ne pouvons que constater l’insuffisance de ces dispositions. Ces mesures incitatives n’ont pas été décisives, alors même qu’elles ont été coûteuses. Il est temps de mettre en place des mesures volontaristes à l’échelon national.

L’ARS de Haute-Normandie indique qu’il n’y a pas de problème de formation dans notre région. Un important centre hospitalier universitaire se trouve à Rouen, lequel fonctionne parfaitement. Non, le problème, c’est notamment l’évasion des professionnels de santé vers le secteur privé !

Madame la ministre, nous attendons de vraies réponses et non pas un accord sur le constat. Je vous serai reconnaissante de me faire part des mesures que vous souhaitez mettre en place pour répondre à la situation préoccupante des maternités de Haute-Normandie. Comment comptez-vous rendre attractifs les postes hospitaliers, qui, de plus en plus, restent vacants, notamment ceux de gynécologues et d’obstétriciens ? Ni vous, ni les habitants, ni les professionnels de santé, ni moi, personne ne souhaite que la Haute-Normandie reste dans cette inquiétante situation.

Le maintien des maternités, une offre de soins adaptée sont essentiels pour lutter contre la désertification de nos territoires. L’État doit abandonner les seules logiques comptables pour s’intéresser enfin aux citoyens ruraux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’évidence, la question des maternités passionne l’opinion et les élus. Il faut dire que c’est un sujet sensible. Vos interventions l’ont montré, tant vous avez mis d’engagement à défendre vos territoires et les maternités qui s’y trouvent, que ce soit en France métropolitaine ou outre-mer.

Il s’agit de savoir dans quelles conditions on donne la vie dans notre pays et comment les femmes sont prises en charge, accompagnées et ramenées à leur domicile.

Chaque année, près de 800 000 bébés naissent en France. C’est considérable ! Au-delà du chiffre, ce sont 800 000 aventures humaines qui commencent dans les maternités. Le lieu de naissance n’est pas seulement le nom d’une ville inscrite sur une carte d’identité ou un passeport, il est attaché à des souvenirs, le plus souvent heureux, qui permettent d’écrire l’histoire familiale.

Tout cela crée un attachement réel à des établissements, à des équipes soignantes. Ainsi, dans mon département où certains établissements réalisent la quasi-totalité des accouchements de ce territoire, sur le papier, tout le monde est né au même endroit. Cela donne l’occasion d’échanger des souvenirs, de se raconter des histoires. Sur le modèle des souvenirs d’écoliers, où l’on se demande si l’on a eu telle maîtresse ou tel maître, on se demande quelle sage-femme, quel médecin nous a accompagnés, pris en charge, comment était le service au moment de notre séjour.

Si cet attachement mémoriel reste intact, la carte de nos maternités, elle, a considérablement changé au cours des dernières décennies. En effet, notre pays s’est beaucoup transformé, de grands progrès médicaux ont été réalisés, qui ont accru le niveau d’exigence dans la qualité de prise en charge des parturientes.

La carte des maternités de 2015 n’a donc plus rien à voir avec celle des décennies précédentes. Depuis un demi-siècle, un certain nombre des maternités de notre pays ont fermé et nous vivons un vaste mouvement de restructuration de nos établissements. Pour autant, nous ne pouvons considérer que cette restructuration s’est traduite par une dégradation de la prise en charge de la naissance, bien au contraire. Un double mouvement s’est engagé avec, d’une part, une concentration des maternités autour d’un seuil minimum d’activité et, d’autre part, la définition d’une organisation graduée des prises en charge en trois niveaux : maternités de niveau I, II ou III. Ce changement a constitué un progrès réel. J’y reviendrai dans un instant, mais je tiens à dire d’emblée que ce mouvement n’est pas contradictoire avec l’affirmation d’un principe de proximité qui répond à des attentes, à des besoins et à des préoccupations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez souligné, le fil conducteur de cette restructuration est clair, c’est celui de la sécurité. Si la sécurité est une exigence, elle est surtout la clef de la confiance. Ne nous y trompons pas : notre population est à la fois attachée à des maternités de proximité et absolument intraitable sur le niveau de sécurité que les femmes et les bébés sont en droit d’y trouver.

Vous l’avez souligné, notre pays s’enorgueillit d’avoir des niveaux de fécondité parmi les plus élevés d’Europe. Les femmes, mais aussi les hommes, ont confiance dans la prise en charge des accouchements. Or la confiance ne se décrète pas. C’est pourquoi nous devons de façon régulière réactualiser l’état de nos connaissances. C’est tout l’enjeu du rapport demandé à la Cour des comptes par l’ancienne présidente de la commission des affaires sociales du Sénat, Annie David. Ce document, qui, comme l’a souligné l’actuel président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, est d’une subtilité beaucoup plus grande que ce que certains ont laissé croire, dresse un constat qui doit nous interpeller, au-delà de la question même de la localisation des maternités.

Ce rapport souligne en effet que notre pays présente encore des indicateurs de périnatalité qui ne sont pas à la hauteur des ambitions et de la qualité de notre système de santé. Qu’il s’agisse du nombre d’enfants qui naissent sans vie, de ceux qui décèdent après l’accouchement ou des mères qui décèdent en donnant la vie, la France a encore beaucoup de progrès à réaliser. S’il existe un débat sur la pertinence des comparaisons européennes ou internationales qui sont établies sur la base de ces indicateurs, pour des raisons de méthode sur lesquelles je ne m’étendrai pas, il n’en demeure pas moins qu’il nous faut agir.

Agir, c’est d’abord regarder la réalité en face. L’attention médiatique qui a accompagné la publication du rapport de la Cour des comptes s’est très largement focalisée sur les quelques situations locales qui y sont mentionnées, et tous les intervenants ont évoqué la précipitation avec laquelle ils ont lu ce rapport pour savoir ce qu’il en était de leur propre département. Si ces situations méritent une attention particulière, je veux dire avec la plus grande fermeté qu’elles ne sont pas à l’origine de la faiblesse de nos indicateurs en périnatalité. Les défis qui sont aujourd’hui devant nous sont évidemment ceux du temps d’accès et de la démographie médicale, mais aussi et surtout ceux de la prévention, du suivi prénatal pour repérer les grossesses à risque et de l’accompagnement du retour à domicile.

Sur ces points, de très fortes inégalités sociales demeurent. Je prendrai pour seul exemple la recommandation faite aux femmes enceintes de bénéficier de sept consultations prénatales au moins. On observe que la part de femmes ayant eu moins de sept visites prénatales reste inversement proportionnelle au niveau d’études : 17 % des femmes ayant un faible niveau d’études n’y ont pas recours, contre moins de 5 % des femmes ayant un diplôme supérieur ou égal au baccalauréat. Il y a donc là des marges de progression. La question des conditions d’accès aux soins, qui, ainsi que l’a souligné Didier Guillaume, est l’un des enjeux de la mise en place du tiers payant, ne peut laisser indifférent.

Le premier objectif, c’est celui de la prévention et du suivi des femmes enceintes. La prévention regroupe tout un ensemble de mesures et d’attentions à des situations médicales et sociales qui ont un impact direct sur la mortalité néonatale.

J’évoquerai d’abord la question du tabac. J’ai eu l’occasion de rappeler une douloureuse réalité : la France est le pays d’Europe où les femmes enceintes fument le plus. Ainsi, 17 % de nos concitoyennes continuent de fumer pendant leur grossesse, même lorsqu’elles sont proches du terme. Or nous savons que le tabagisme augmente le risque de prématurité et de mort subite du nourrisson. C'est la raison pour laquelle j’ai annoncé la mise en place d’un nouveau pictogramme « femme enceinte » sur les paquets de cigarettes dès le mois d’août prochain, à l’instar de ce qui a été décidé pour l’alcool voilà plusieurs années. Il s’agit de sensibiliser les femmes au danger du tabac pendant leur grossesse.

L’obésité et le surpoids constituent également un important facteur de risque pour la santé des mères et des nouveau-nés. Le projet de loi relatif à la santé contient là aussi des mesures fortes de prévention, notamment la mise en place d’une information nutritionnelle claire et uniformisée sur les aliments.

Promouvoir cette politique de santé publique au plus près des patients est l’une des grandes missions du médecin généraliste. Depuis trois ans, j’ai considérablement revalorisé la rémunération du médecin traitant pour les actes de santé publique, et pas seulement pour les soins et les prises en charge sanitaires. Son rôle sera encore renforcé dans le cadre de ce texte.

Plusieurs d’entre vous, en particulier Didier Guillaume, ont évoqué le pacte territoire-santé qui a été mis en place et qui donne des résultats, y compris en Haute-Normandie où je me suis rendue voilà quelques jours. J’y ai visité un établissement de santé comptant l’une des rares maternités bénéficiant du label « ami des bébés », qui est très prisé à l’échelon tant national qu’international et qui est considéré comme une réussite en France. Madame Duranton, la région Haute-Normandie répond donc très bien aux besoins et aux attentes de ses habitantes.

Les enjeux d’attractivité sont clairement posés. C’est la raison pour laquelle j’ai confié une mission à Jacky Le Menn afin qu’il formule des propositions pour que les praticiens hospitaliers aient envie de s’installer dans ces établissements. L’installation de la médecine libérale, la présence des hôpitaux de proximité, ces deux facteurs sont liés, parce qu’il n’y a d’hôpitaux que là où il y a des territoires vivants et il n’y a de médecine libérale que là où les hôpitaux de proximité demeurent. C’est cette politique que je défends.

Vous avez été peu nombreux à évoquer la coercition à l’égard des médecins libéraux : les propos en faveur d’une telle mesure émanaient de la majorité sénatoriale, c’est-à-dire de l’opposition nationale. Les professionnels de santé entendront. Ce n’est en tout cas pas la position du Gouvernement.

Le deuxième objectif, c’est celui de la coordination et des parcours.

Pour lutter contre la prématurité évitable, il nous faut renforcer la coordination des acteurs impliqués dans la périnatalité et harmoniser leurs pratiques. Pour assurer la fluidité des parcours, éviter les ruptures et garantir ainsi à toutes les femmes une offre de qualité, les réseaux régionaux de périnatalité constituent un acteur incontournable. Ils assurent des formations pluridisciplinaires aux professionnels et offrent un appui méthodologique aux établissements pour améliorer leur organisation et leurs pratiques. Je donnerai très prochainement aux directeurs généraux des agences régionales de santé l’objectif de consolider ces réseaux de santé en périnatalité et de mobiliser tous les acteurs concernés pour couvrir l’ensemble du territoire régional.

Vous m’avez demandé, mesdames, messieurs les sénateurs, si les actions sanitaires des agences régionales de santé étaient vérifiées, contrôlées. Je tiens à vous rassurer : le ministère de la santé s’assure bien entendu que les objectifs fixés à chacune des agences régionales de santé, qu’il s’agisse de la mise en place d’actions de prévention, d’actions de réseau ou du suivi des établissements, sont respectés et mis en œuvre conformément aux exigences que nous posons.

La mise en place des réseaux de soins n’est pas tant un enjeu organisationnel qu’un enjeu social. Cela a déjà été dit, les femmes en situation de précarité sont les plus exposées aux risques de complications. Nous devons donc faire en sorte que toutes les femmes soient bien accompagnées au cours de leur grossesse. J’insiste sur ce point, car qui ne mesure pas que nos mauvais indicateurs de périnatalité sont dus à un défaut de prévention et d’accompagnement de certaines catégories de la population n’a pas compris les véritables défis posés à notre système de santé.

Nous devons donc développer le suivi en amont en favorisant par exemple les consultations avant même le début de la grossesse afin d’évaluer d’éventuels facteurs de risque. Nous devons également améliorer le suivi pendant la grossesse pour dépister ces facteurs et, le cas échéant, orienter les patientes concernées vers un professionnel ou une structure adaptée.

Dans certains départements – vous les reconnaîtrez aisément –, des femmes se présentent le jour de leur accouchement sans avoir vu un seul professionnel au cours de leur grossesse. Comment peut-on imaginer que la santé de ces femmes et de leurs enfants puisse être de la même qualité que celle des femmes ayant vu un médecin tous les mois au cours de leur grossesse ? Nous devons prendre en compte cette réalité, laquelle est concentrée dans quelques territoires et dans quelques départements.

Nous devons aussi garantir un bon suivi après la grossesse en organisant mieux l’accompagnement des femmes à leur retour à domicile, en lien avec les professionnels de santé. Le dispositif PRADO mis en place par l’assurance maladie constitue un élément important.

De même, nous devons diversifier l’offre de prise en charge des naissances. Les maisons de naissance, que vous connaissez, car elles résultent d’une proposition de loi sénatoriale, seront prochainement expérimentées. Il s’agit de permettre à des femmes d’accoucher dans des structures où les prises en charge sont assurées par des sages-femmes, dans une logique physiologique et de moindre médicalisation, mais qui sont adossées à des établissements totalement sécurisés.

Le troisième objectif, c’est l’accès aux maternités dans la proximité et la sécurité. Les 13 maternités – sur un total de 544 – dont le nombre annuel d’accouchements ne dépasse pas 300 ont été abondamment évoquées. La Cour des comptes estime qu’il est nécessaire d’organiser un suivi spécifique de ces établissements. Je tiens à vous rassurer : ces 13 maternités sont suivies attentivement, et dès lors qu’elles respectent les règles de sécurité, elles pourront poursuivre leur activité. Ce chiffre signifie aussi que la plus grande partie des recompositions a été faite dans de bonnes conditions.

La question qui se pose est de savoir dans quelles conditions les femmes peuvent accoucher à proximité de leur domicile et en toute sécurité. Proximité et sécurité sont non pas de simples objectifs qui peuvent être opposés ou mis en balance, mais deux exigences essentielles. Depuis que je suis aux responsabilités, j’ai constaté que, à chaque fois que des doutes ou des inquiétudes se sont manifestés sur des situations locales, c’est bien à l’aune de ces deux critères que les agences régionales de santé ont pris les décisions qui s’imposaient.

En 2016 – je réponds en particulier à une question de M. Milon, reprise ensuite par M. Vanlerenberghe –, nous disposerons des données nécessaires pour évaluer les effets de l’éloignement des maternités sur les indicateurs de périnatalité. Sans revenir sur le raisonnement que j’ai déjà tenu, je ne pense pas que l’éloignement soit le facteur principal expliquant nos mauvais résultats. Les enjeux de santé publique que j’ai évoqués sont bien plus importants.

Pour garantir des conditions d’accouchement absolument sûres, nous devons être intraitables sur le respect des normes d’organisation et de fonctionnement dans les établissements de santé. La Cour des comptes a fait des préconisations en ce sens, en particulier sur la présence de personnels qualifiés, mais aussi sur la disponibilité d’un plateau technique adapté.

La présence de sages-femmes, d’anesthésistes, d’obstétriciens et de pédiatres est évidemment indispensable. Je le dis, car, alors que chacun déclare ici qu’elle est évidemment indispensable, il arrive que, sur le terrain, alors que l’un ou l’autre manque, on voudrait faire comme si l’on pouvait s’en passer. On ne peut pas se passer de sages-femmes, d’anesthésistes, d’obstétriciens et de pédiatres dans les maternités !

Dans certains établissements, le recrutement de ces personnels se révèle difficile et la stabilité des équipes est complexe à préserver. Maintenir l’attractivité des professions médicales dans tous les établissements de santé est pour moi un enjeu majeur. À cet égard, je serai évidemment très attentive aux conclusions du rapport que me remettra prochainement votre ancien collègue Jacky Le Menn.

Quand les conditions de sécurité ne sont pas réunies, nous devons assumer de dire que la solution est non pas dans le maintien à tout prix d’une maternité, mais dans la définition de réponses nouvelles et mieux adaptées à un territoire, par exemple la mise en place de centres périnatals de proximité. Ces structures médicales assurent des consultations prénatales et post-natales au plus près des patientes. Les sages-femmes y jouent un rôle essentiel. Elles s’insèrent pleinement dans les réseaux de santé périnatals.

Je tiens à profiter de cette occasion pour rappeler la grande avancée que constitue la création d’un statut médical de sage-femme des hôpitaux au sein de la fonction publique hospitalière. Ce nouveau statut reconnaît leur place essentielle à l’hôpital et leur participation en ville à la définition des projets de prévention, de soins et de recherche relevant de leurs compétences.

Parfois, néanmoins, il est vrai que la distance peut faire peser un risque sur l’accouchement des femmes, même si je ne pense pas que l’on puisse dire que, dans notre pays, le nombre de femmes accouchant sur les routes soit très élevé. Si la diminution du nombre de maternités n’a pas dégradé le temps d’accès moyen – dix-sept minutes entre le domicile et la maternité, selon la Cour des comptes –, il existe incontestablement des disparités fortes. Malgré un faible niveau d’activité, certaines maternités sont donc maintenues dès lors qu’elles répondent à une exigence territoriale et que la sécurité y est assurée.

Le Gouvernement soutient les établissements de proximité. Agir en faveur des soins de proximité, tel est le sens de mon action, car je pense fortement que la présence d’établissements de santé dans nos territoires est un facteur d’égalité et d’efficacité. En tant qu’élue d’un territoire à la fois urbain et rural, je sais l’importance des établissements de proximité en milieu rural.

Nous devons renforcer les liens avec les maternités voisines et les professionnels de santé du territoire. Tel est le sens des groupements hospitaliers de territoires que prévoit le projet de loi relatif à la santé. Ils doivent permettent d’insérer chaque établissement, dont les établissements de proximité, dans un réseau d’établissements, dont certains ont un niveau de technicité plus élevé. Ces groupements hospitaliers de territoires renforceront les coopérations entre hôpitaux d’un même territoire. Leur rôle sera en particulier important pour les maternités.

Pour limiter les effets du faible nombre d’actes sur la situation financière de certains établissements, j’ai décidé de leur apporter un soutien financier. J’ai ainsi mis en place un dispositif permettant de compléter la tarification à l’activité, dont nous savons qu’elle est partiellement inadaptée aux établissements isolés, qui ont, par construction, une faible activité. En 2014, trente-quatre maternités ont ainsi bénéficié d’importantes aides financières en raison de leur isolement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la France dispose d’un système de santé envié dans le monde entier. L’excellence de nos pratiques, la mobilisation de nos professionnels, la garantie de l’accès de tous nos concitoyens aux structures de soins sont autant de raisons d’avoir confiance dans l’avenir de notre système.

Le rapport de la Cour des comptes nous rappelle que, en matière de naissances, notre pays peut et doit encore progresser. Mieux prévenir, mieux coordonner et mieux sécuriser : telles sont les ambitions de la politique que je porte pour les maternités, pour nos établissements de santé et pour l’offre de soins de manière plus générale. Ces ambitions trouveront une traduction dans le projet de loi relatif à la santé, que vous examinerez très prochainement.

Ma détermination en faveur de la qualité de l’offre de soins, de l’accessibilité, de la proximité et de la sécurité est absolument intacte, et je sais pouvoir compter sur la vôtre, ainsi que sur votre vigilance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Michel Mercier applaudit également.)

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la situation des maternités en France.

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Nomination de membres de deux commissions mixtes paritaires

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.

La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Philippe Bas, Bernard Saugey, Jean-Jacques Hyest, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean Pierre Sueur, Alain Anziani et Mme Cécile Cukierman ;

Suppléants : MM. François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Yves Détraigne, Mme Catherine Troendlé et M. René Vandierendonck.

Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l’enseignement supérieur.

La liste des candidats établie par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : Mme Catherine Morin-Desailly, M. Jacques Grosperrin, Mme Colette Mélot, M. Michel Savin, Mme Dominique Gillot, MM. Maurice Antiste, Patrick Abate ;

Suppléants : Mme Maryvonne Blondin, MM. Jean-Claude Carle, Claude Kern, Mme Françoise Laborde, M. Jean-Pierre Leleux, Mmes Vivette Lopez, Marie-Pierre Monier.

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Dossier législatif : proposition de loi relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes
Discussion générale (suite)

Amélioration du régime de la commune nouvelle

Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes (texte de la commission n° 249, rapport n° 248).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Mercier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec ce petit texte, veillons à distinguer clairement commune nouvelle et établissement public de coopération intercommunale, car la différence entre les deux n’est pas seulement une différence de degré, mais de nature. Il s’agit de créer une vraie commune par la « réunion volontaire » – j’évite à dessein d’employer le terme « fusion », qui rappelle par trop la loi Marcellin – de communes existantes.

Si cette formule suscite l’intérêt des maires et des élus municipaux – ce qui m’a valu d’être invité en Bretagne par deux fois, en Savoie, en Corrèze, en Lozère et dans la Loire pour la présenter (Sourires.) –, elle ne rencontre pas encore, il est vrai, de véritable succès ; à peine une vingtaine de communes nouvelles ont été créées. Elles seront sûrement plus nombreuses demain. Beaucoup attendent que la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, leur fasse connaître le montant des dotations que l’État leur versera. Elles devraient en avoir connaissance autour du 2 avril, juste après les élections... Vous avez bien raison, monsieur le secrétaire d’État, évitons l’affolement ! (Sourires.) Je pense toutefois que chaque collectivité a déjà calculé à peu près le montant de sa dotation et que personne ne devrait être trop surpris.

Attention à ne pas créer une commune nouvelle uniquement pour bénéficier d’une dotation supérieure, ce serait une grave erreur, même si, reconnaissons-le, dans un premier temps, ces crédits peuvent permettre de répondre à des situations difficiles. Il faut vraiment en avoir envie !

La proposition de loi que nous avons examinée émanait de Jacques Pélissard, alors président de l’AMF, l’Association des maires de France. Une proposition de loi identique a également été déposée par Christine Pires Beaune et le groupe socialiste à l’Assemblée nationale. Un accord a été facilement trouvé à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

Qu’apporte ce texte par rapport à la loi de 2010, qui créait la commune nouvelle ?

Tout d’abord, il renforce les communes déléguées et les maires délégués. C’est un point essentiel, parce que, quand on veut réformer les communes, la première crainte qui s’exprime est celle de la perte de son identité – je n’aime pas trop ce mot, je préfère celui de « personnalité ». L’intérêt de la commune nouvelle est de conserver les communes historiques au travers de la notion de commune déléguée et de conférer aux maires délégués un véritable rôle d’intermédiaire de la population entre la commune nouvelle et la commune déléguée, c’est-à-dire l’ancienne commune. Les maires délégués seront adjoints, hors quota, de la commune nouvelle. C’est donc une véritable équipe municipale composée du maire, des maires délégués et des adjoints aux maires qui se trouve ainsi instituée.

Ensuite, le texte comporte des garanties financières extrêmement importantes, puisque les communes de moins de 10 000 habitants qui se constitueront avant le 1er janvier 2016 bénéficieront, durant trois exercices, de la garantie du maintien de leur dotation. Si je calcule bien, la période de baisse des dotations devrait s’arrêter juste avant, mais peut-être avez-vous l’espoir, monsieur le secrétaire d’État, de poursuivre la baisse ? (M. le secrétaire d’État opine.) Il me semblait bien que ce n’était pas encore fini… Alors, disons que vos successeurs ne passeront pas à la hausse. Cette garantie financière s’accompagne également d’une augmentation de 5 % de la dotation forfaitaire prévue pour ces mêmes communes.

Le Sénat, comme toujours, a apporté sa contribution. Ainsi, nous avons ajouté des dispositions relatives à la préservation de l’existence des communes déléguées en cas de fusion de la commune nouvelle avec une ou plusieurs autres communes, sauf décision contraire des conseils municipaux concernés.

Nous avons également institué, sur l’initiative du Gouvernement, une procédure de changement de nom spécifique en cas de suppression de communes associées lors de fusions opérées dans le cadre de la loi Marcellin.

Plus important encore, nous avons limité l’application de la loi Littoral du 3 janvier 1986 au territoire des seules communes déléguées soumises à cette loi lors de la création de la commune nouvelle.

Nous avons rétabli la prise en compte des spécificités urbanistiques, architecturales, paysagères et environnementales dans les projets d’aménagement et de développement durable, et non au travers des plans de secteur, solution retenue par l’Assemblée nationale.

Enfin, nous avons essayé de régler les cas particuliers, notamment s’agissant des syndicats d’agglomération nouvelle, pour leur permettre, s’ils le souhaitaient, de se transformer facilement en commune nouvelle.

À cela, nous avons ajouté quelques dispositions financières supplémentaires, notamment des précisions relatives au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, destinées à ne pas pénaliser les communes nouvelles issues de la transformation d’un EPCI.

Les débats en commission mixte paritaire ont été rapides, le texte du Sénat étant proche de celui de l’Assemblée nationale. La CMP a repris en grande partie le texte adopté par le Sénat et s’est essentiellement attachée à régler des différences d’appréciation entre les deux assemblées sur des points qui ne sont pas capitaux. Parmi ceux-ci, on relèvera que, en cas de dissolution du conseil municipal, la modification de sa composition interviendrait lors de son prochain renouvellement, quel qu’en soit le motif, sans attendre le renouvellement général des conseils municipaux. De même, l’adhésion d’une ou de plusieurs nouvelles communes à une commune nouvelle préexistante est considérée comme une extension de cette commune nouvelle et non comme la création d’une nouvelle commune nouvelle. Ce cas n’avait pas été prévu dans la loi de 2010. De plus, le texte fixe un mode de consultation spécifique sur la question du nom de la commune nouvelle.

Les travaux en CMP ont permis de conforter les positions du Sénat sur trois points : la limitation de l’extension des dispositions littorales au sein des communes nouvelles ; l’abandon des plans de secteur au sein des plans locaux d’urbanisme pour la prise en compte des spécificités urbanistiques des communes déléguées ; l’organisation de la transition des trois syndicats d’agglomération nouvelle qui subsistent en grande couronne francilienne en commune nouvelle.

En revanche, la disposition adoptée par le Sénat pour la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale a été supprimée par souci de coordination avec le projet de loi NOTRe – projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République –, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, qui reviendra bientôt devant notre assemblée.

Comme vous le voyez, mes chers collègues, il n’y a pas là de modification substantielle par rapport aux travaux du Sénat. C’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’Assemblée nationale il y a quelques semaines, et après un bref report, la Haute Assemblée examine enfin les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle.

Vous le savez mieux que personne, plus de la moitié de nos communes comptent moins de 500 habitants, 86 % moins de 2 000 habitants, plus de 92 % moins de 3 500 habitants et plus de 97 % moins de 10 000 habitants. Comment pourraient-elles relever les défis nombreux que pose la gestion des services de la vie quotidienne, alors que nos concitoyens sont devenus aussi exigeants dans les petites communes que dans les grandes villes – d’ailleurs, pourquoi ne le seraient-ils pas ?

Depuis la loi de 2010, les fusions de communes ont été remises à l’ordre du jour – il est vrai, monsieur le rapporteur, que le mot « fusion » rappelle la loi Marcellin de 1971, qui n’avait pas connu le succès escompté. Toutefois, la loi de 2010 n’a pas non plus rencontré un grand succès, puisque, à ce jour, très peu de communes nouvelles ont été créées.

Le Gouvernement a donc apporté son soutien aux deux propositions de loi, déposées respectivement par Christine Pires Beaune et Jacques Pélissard. Je précise qu’elles n’étaient pas identiques,…

M. Michel Mercier, rapporteur. À quelques virgules près !

M. André Vallini, secrétaire d'État. … mais, à l’issue de la navette parlementaire, elles ne font désormais plus qu’une.

Cet essor des communes nouvelles que nous souhaitons impulser avec vous n’est pas contradictoire avec le développement et l’élargissement des intercommunalités. Je rappelle que le projet de loi NOTRe prévoyait initialement un seuil de 20 000 habitants pour créer une intercommunalité. Je ne sais pas quel sera le seuil finalement retenu – l’Assemblée nationale en discute actuellement –, mais il est certain que la plupart des intercommunalités vont s’agrandir au cours des prochaines années et monter en puissance. C’est un mouvement irréversible, c’est le sens de l’histoire.

Arrivant directement de l’Assemblée nationale, je peux vous donner des nouvelles toutes fraîches : le projet de loi NOTRe a été largement amendé cet après-midi et, lorsqu’il reviendra devant le Sénat dans quelques semaines, vous verrez qu’il a été considérablement enrichi puisque, sur l’initiative du Gouvernent, les députés ont voté le transfert obligatoire aux communautés de communes de nombreuses compétences : l’eau, l’assainissement, les déchets, l’électricité – j’ai quitté la séance pour vous rejoindre au moment où l’on discutait de ce sujet –, le tourisme.

Le texte continue donc d’être modifié dans le sens d’un renforcement des communautés de communes et des communautés d’agglomération. L’essor de l’intercommunalité, l’élargissement de leur périmètre et le renforcement de leurs compétences se poursuivront au cours des prochaines années.

Pour autant, et ce ne sont pas les sénatrices et les sénateurs qui me démentiront, l’échelon communal doit rester l’échelon indispensable de la démocratie de proximité. Les Français sont attachés à leur commune. Lieu de la naissance, de la famille, de la maison, de l’école des enfants, de la mémoire, les communes demeurent les cellules de base de notre démocratie, mais aussi de notre vie sociale. Ce n’est pas seulement parce qu’elles plongent leurs racines dans notre histoire, depuis l’Ancien Régime et ses paroisses jusqu’à la IIIe République et la loi de 1884, en passant par la Révolution française, c’est aussi parce qu’elles font partie de l’identité française. Comme Michel Mercier n’aime pas trop ce mot, parlons de la personnalité française ou du patrimoine historique de notre pays, que personne ne songe à remettre en cause.

Les communes nouvelles, là où elles existent, ont déjà permis de rationaliser le fonctionnement communal, de mutualiser les dépenses, de renforcer et même de développer les services à la population, voire d’endiguer la hausse de la fiscalité locale jusqu’à amorcer parfois une diminution des impôts locaux. Ainsi, dans le centre de la France, la commune nouvelle a permis la baisse des taux de fiscalité des communes qui se sont « mariées ». Michel Mercier peut en témoigner, lui qui, dans la commune nouvelle de Thizy-lès-Bourg située dans le Rhône, a réalisé, au 1er janvier 2013, une fusion qui se résume en quelques mots : augmentation de la DGF, taux d’imposition unique, mutualisation des services et des équipements et gains budgétaires sur les polices d’assurance.

M. Michel Mercier, rapporteur. Exactement !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Pour encourager les maires, nombreux, il est vrai, qui hésitent encore à s’engager dans cette voie, notamment en raison de ce que pourraient penser leurs concitoyens de ce mariage avec une ou deux communes voisines, il faut leur dire que l’avenir est là. Loin de faire disparaître sa commune, il lui donnera au contraire une vie nouvelle et restera sans doute dans l’histoire de celle-ci comme celui qui lui aura fait épouser son siècle, le XXIe siècle.

Cette proposition de loi est un texte d’avenir qui va permettre aux communes de France d’assurer, plus que jamais, la solidité de notre édifice républicain. C’est pourquoi, au nom du Gouvernement, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de voter ce texte certes petit par la taille, mais grand parce qu’il fera date dans l’histoire de notre démocratie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi qu’au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous nous apprêtons à adopter marquera-t-il une rupture dans le processus resté jusqu’à présent embryonnaire de la fusion des communes ? Nous l’espérons, même si nous restons lucides sur l’efficacité de ce dispositif.

Depuis le vote de la loi Marcellin en 1971, la fusion des communes n’a pas été un franc succès, alors même que deux modifications législatives avaient tenté de la rendre plus attractive. De 1971 à 2009, ont été prononcées 943 fusions, mais aussi 243 « défusions », ou « démariages », soit finalement un total de 1 100 communes supprimées sur plus de 36 000. Dans la période récente, de 2000 à 2009, ce sont quinze fusions pour dix-huit « défusions » qui ont été prononcées, soit finalement cinq créations de communes nouvelles. Nous considérons d’ailleurs que, contrairement à ce qui est souvent avancé pour justifier la commune nouvelle, il est plus facile de créer une commune nouvelle en périphérie d’une ville-centre ou d’un bourg-centre que dans le cadre de communes peu peuplées situées à plusieurs kilomètres de ce bourg-centre…

L’avenir du fait communal dépend aujourd’hui de sa capacité à se rénover.

Nombreux et bien connus sont les avantages de la commune nouvelle, face à l’émiettement communal français et aux contraintes budgétaires pesant de plus en plus sur les collectivités. Faut-il rappeler ici que la baisse des dotations versées par l’État s’élèvera à 11 milliards d’euros entre 2015 et 2017 ?

La création d’une commune nouvelle permettra de nombreuses économies, par la rationalisation du fonctionnement, par la baisse du nombre d’élus et des indemnités à verser, par la mutualisation des moyens financiers, humains et immobiliers. Dans certains cas, la commune nouvelle engendrera même des ressources supplémentaires, grâce au changement du seuil de population, et donc de dotations.

Sur ce point, la navette parlementaire a permis de dégager un accord sur un pacte financier très incitatif, qui maintient pendant trois ans le niveau des dotations de l’État aux communes fusionnant avant le 1er janvier 2016 au sein de communes nouvelles de moins de 10 000 habitants. Les communes nouvelles seront ainsi à la fois exonérées de la participation à la contribution au redressement des finances publiques et verront les montants de la dotation forfaitaire et des dotations de péréquation verticale garantis.

Si ces dispositions encourageront inévitablement les fusions – ce point a été récemment confirmé par l’Association des maires de France, qui a reçu de nombreuses demandes en ce sens –, nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’il y a là une contradiction intellectuelle évidente : puisque la commune nouvelle correspond à un objectif de rationalisation et d’économie, il est peu cohérent d’augmenter la dotation globale des communes fusionnées, lesquelles, contrairement à ce qui s’est passé lors de la création des intercommunalités avec la loi Chevènement de 1999, ne procurent pas de nouveaux services à la population.

En réalité, il semble que les communes nouvelles s’inscrivent dans une logique bien arrêtée entre les grandes régions que nous avons créées et les très grandes intercommunalités, dont le seuil démographique fixé par le Gouvernement dans la réforme territoriale, et rétabli voilà quelques heures par les députés, se situe à 20 000 habitants.

C’est seulement dans l’hypothèse où l’intercommunalité perd sa taille humaine et sa capacité à s’adapter à des territoires aux histoires et peuplements différents que la commune nouvelle constitue une réponse pertinente. Cependant, il nous faut souligner ici que la commune nouvelle ne bénéficie pas des mêmes prérogatives que l’intercommunalité.

Une réflexion sur l’évolution de l’intercommunalité en lien avec la commune nouvelle doit être initiée. Quelle va être l’articulation avec les plus petites intercommunalités ? Dès lors que des communes nouvelles atteindront une taille de 5 000 habitants, quel sera l’intérêt d’opérer des transferts étendus de compétences telles que l’école, la voirie ou les équipements sportifs ? Ces compétences pourront parfaitement être gérées à l’échelle de la commune nouvelle. Dans le même temps, le périmètre de ces deux structures n’est pas le même, les intercommunalités disposant d’un certain nombre de compétences obligatoires avec un dispositif fiscal bonifiant la mutualisation.

En termes d’organisation, le présent texte opère, dans le processus de fusion, une meilleure prise en compte des anciennes communes, notamment par l’assouplissement des modalités de composition du conseil municipal de la commune nouvelle durant une période transitoire courant jusqu’au deuxième renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle, et par l’institution d’une conférence municipale présidée par le maire et composée des maires délégués.

À ce titre, nous saluons tout particulièrement la clarification du choix du nom de la commune nouvelle par le présent texte. La dénomination est une chose éminemment affective – on peut le constater actuellement lorsqu’il s’agit de rechercher un nom pour les nouveaux cantons – et elle a pu, à l’instar du sentiment d’abandon des territoires, jouer un rôle de frein psychologique dans la fusion de communes aux identités bien affirmées. Comme le remarquait le rapporteur à l’Assemblée nationale, nommer la commune nouvelle « relève davantage du projet politique et de l’identité que les élus veulent attribuer à la commune nouvelle » que d’une pure procédure administrative – il s’agit, en d’autres termes, d’un patriotisme local parfois exacerbé !

Enfin, sur le long terme, si cette loi a les effets attendus sur la création de communes nouvelles, la question de la représentation de chacune des anciennes communes au sein du conseil municipal de la commune nouvelle va surgir avec force, du fait de la suppression du sectionnement électoral intervenu en 2013.

Sous réserve de ces quelques remarques, le groupe du RDSE apportera son soutien au texte issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UMP. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud.

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici donc au terme de la procédure parlementaire qui va nous conduire à adopter cette proposition de loi de Jacques Pélissard, améliorant ainsi le régime de la commune nouvelle.

Notre rapporteur, Michel Mercier, a largement explicité ce que le texte issu de la CMP va apporter à toutes celles de nos communes désireuses de se regrouper, qui seront désormais réellement encouragées à s’unir pour agir plus efficacement, tout en maintenant l’importance de la cellule communale. Je tiens donc, en cette dernière occasion, à rendre hommage à ce qu’il convient de considérer comme le legs parlementaire de Jacques Pélissard, inlassable artisan du dynamisme de nos communes.

Puisque j’ai moi-même déjà eu l’occasion, lors de son examen au Sénat, de préciser à cette même tribune les raisons qui fondent l’attachement de nos collègues du groupe UMP et de moi-même à cette proposition de loi, je profiterai de cette ultime étape de la procédure parlementaire pour tirer deux enseignements.

Premièrement, le fait que ce texte procède d’une initiative parlementaire a joué un rôle déterminant dans le résultat positif dont nous nous réjouissons aujourd’hui. Non pas que le Gouvernement n’aurait pas vocation à prendre l’initiative de légiférer en matière de collectivités territoriales, mais force est de reconnaître que cette proposition de loi, parce qu’elle partait des problématiques vécues par nos élus locaux, a su éviter les écueils sur lesquels une vision par trop schématique aurait pu la conduire à aller se fracasser. Je pense notamment à l’article 5 A, que le Sénat a introduit, et qui évite de rigidifier l’application de la loi Littoral, en étendant son application à l’ensemble de la commune nouvelle. Certes, vous en conviendrez, mes chers collègues, ce n’est pas dans le département de l’Ardèche que ce problème se posera avec le maximum d’acuité, mais je pense également aux dispositions de l’article 5 du texte, qui permettront aux anciennes communes, grâce aux plans de secteur, de maintenir une identité forte liée à leur patrimoine et à leurs paysages, sans pour autant créer des sujétions superflues pour le PLU de la commune nouvelle.

Deuxièmement, en offrant aux parlementaires, appuyés sur l’expertise des maires, la possibilité de bâtir eux-mêmes un texte solide, cohérent et applicable, on a sans doute fait moins de politique que de pragmatisme. Nos assemblées n’ont pas eu à se prononcer sur une sorte de grand dessein élaboré au sommet de l’État, destiné à laisser son empreinte dans la grande épopée décentralisatrice, pour au final s’essouffler dans la navette parlementaire et se cogner contre le mur des réalités. Au contraire, en s’emparant du sujet, le Sénat et l’Assemblée nationale ont montré qu’un texte de bon sens pouvait prospérer, sans battage, ni a priori, ni déni, et permettre aux parlementaires de travailler sur un socle de bonnes propositions, de les enrichir et de parvenir à une réforme intelligente et applicable.

Je tiens à souligner le rôle qu’a tenu la Haute Assemblée dans l’élaboration du texte, notamment grâce au savoir-faire et à l’expérience de notre rapporteur, qui a œuvré avec le talent que nous lui connaissons pour faire aboutir un texte aussi satisfaisant que consensuel. D’ailleurs, puisque vous nous avez apporté des nouvelles fraîches du projet de loi NOTRe, monsieur le secrétaire d’État, nous espérons que certaines décisions prises ici au Sénat seront suivies par nos collègues députés. Puisqu’il semble que les structures de coopération intercommunale soient appelées à voir leurs prérogatives s’étendre à l’avenir, nous souhaiterions que les préconisations effectuées par le Sénat, notamment concernant le seuil des intercommunalités, puissent être entendues à l’Assemblée nationale.

Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !

M. Mathieu Darnaud. Plus que jamais, nous ne devons pas faire de ces sujets des terrains d’affrontements, en ayant à l’esprit que la loi votée au Parlement aura des conséquences directes pour les maires et les élus municipaux, citoyens dévoués et le plus souvent bénévoles, qui ne demandent qu’une chose : se sentir soutenus dans l’exercice de leur mandat.

La meilleure manière de les accompagner dans leur mission et de leur rendre hommage est encore, me semble-t-il, de nous interroger en priorité sur ce qui favorisera leur action et, en conséquence, le dynamisme de nos communes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le rapporteur et M. René Vandierendonck applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi a en effet été préparée par Jacques Pélissard lorsqu’il était président de l’Association des maires de France. Une proposition de loi rédigée dans les mêmes termes a également été présentée par M. Le Roux et plusieurs de ses collègues à l’Assemblée nationale : cela montre que, dès le départ, il y a eu volonté de bâtir une œuvre consensuelle, ce dont je me réjouis.

De multiples débats ont eu lieu sur le nombre de communes en France. Je ne sais combien de discours ont été prononcés sur cette particularité qui a conduit notre pays, au fil de son histoire, à compter 36 700 communes. On a prétendu que ce chiffre était bien trop élevé, qu’il n’était nullement rationnel.

Pour ma part, j’ai toujours défendu la réalité communale, comme l’ont fait ceux qui se sont exprimés précédemment, et comme le feront, j’en suis sûr, ceux qui s’exprimeront après moi. En effet, ces communes nées il y a deux cent vingt ans, les Françaises et les Français les portent dans leur cœur. À un moment où, parfois, et même souvent, un certain détachement à l’égard de la classe politique et, plus largement, de la politique, se fait jour, nos concitoyens se rattachent à cette réalité qu’est la commune.

Ce n’est pas du tout un discours conservateur que je tiens. Pourquoi ? Parce que j’ai présenté, il y a quelque temps déjà – en 1992 –, le texte qui a créé les communautés de communes. À cette époque, on m’avait fait de nombreux procès, ici même, au Sénat, mais aussi à l’Assemblée nationale.

M. Michel Mercier, rapporteur. Le texte a été adopté à l’unanimité !

M. Jean-Pierre Sueur. Le texte a en effet été voté dans de bonnes conditions. Certains soutenaient pourtant que notre souhait de créer des communautés de communes était la preuve que nous voulions effacer les communes. J’avais répondu que les communautés de communes seraient créées par la libre volonté des communes ; c’est ce qui s’est passé pour 94 % ou 95 % d’entre elles. J’avais ajouté que les communautés de communes seraient au service des communes, et que c’était seulement si nous renoncions à créer des intercommunalités fortes que les communes seraient menacées, parce que leur taille les empêcherait d’exercer certaines compétences.

Nous respectons la commune. Je pense que toute autre démarche ne serait pas comprise de nos concitoyens. En même temps, les communes doivent pouvoir librement s’unir. Si la loi Marcellin ainsi que d’autres tentatives ont été mal perçues, c’est parce qu’on cherchait à inciter de manière trop forte à la fusion, en présentant les fusions de communes comme une panacée, en présupposant, sans le dire, que la réalité communale était dépassée. Cela n’a pas fonctionné.

Avec la présente proposition de loi, il ne s’agit pas de remettre en cause les communes, ni d’affirmer que, dans un laps de temps rapproché, toutes les communes se transformeront en communes nouvelles. Je ne crois pas que cela se réalisera. Je crois que, ce qui se réalisera, monsieur le secrétaire d'État, c’est votre projet – vous avez eu raison de nous le rappeler – de donner la force nécessaire aux intercommunalités.

Les intercommunalités ne feront pas tout, mais elles feront ce que l’on peut mieux faire ensemble. Certaines compétences sont mieux exercées au niveau communal, parce qu’elles exigent de la proximité. Il revient à la sagesse des élus, sous le contrôle des citoyens, de décider de ce qui revient naturellement à la communauté de communes ou d’agglomération et de ce qui doit rester l’apanage de la commune.

La présente proposition de loi vise à permettre à des communes de s’unir de manière facile et pragmatique. Je me suis rendu l’autre jour dans une commune de 48 habitants. Je la respecte infiniment, mais, si elle souhaite s’unir à une autre commune comptant quelques dizaines d’habitants, ainsi qu’à une troisième ou à une quatrième commune, il faut lui faciliter les choses.

L’idée de cette proposition de loi, qui est une idée très pragmatique, est d’autoriser les conseils municipaux à s’unir sans organiser d’élections partielles, cette procédure suscitant évidemment des réticences parmi les élus, puisqu’elle implique le renouvellement de tous les conseils municipaux concernés. Il s’agit d’une solution pratique, qui aboutira peut-être, dans quelques cas, à la constitution de conseils municipaux très importants pendant quelques années ou quelques mois – ce ne serait pas un grand dommage –, mais permettra aux communes qui le souhaitent de s’unir pragmatiquement et facilement.

De plus, la proposition de loi prévoit quelques avantages en matière de dotations, qui ne sont pas négligeables. Cependant, soyons sûrs d’une chose, mes chers collègues. Nous avons expérimenté, les uns et les autres, dans de nombreuses fonctions, la théorie, la stratégie, ou disons plus simplement la tactique de la carotte, qui consiste à promettre une dotation en échange, par exemple, de la création d’une intercommunalité. Nous connaissons cela par cœur. Que la proposition de loi prévoie de tels avantages, c’est très bien – nous n’allons pas nous y opposer –, mais, le point essentiel, c’est qu’on ne peut s’unir pour créer une commune nouvelle que si on en a la volonté.

M. Michel Mercier, rapporteur. Eh oui !

M. Jean-Pierre Sueur. Si on a cette volonté, cela fonctionne, mais, si on ne l’a pas, cela ne fonctionne pas.

Voilà donc un pas un avant. Je ne sais pas s’il est petit ou grand, mais il est utile. C'est la raison pour laquelle je remercie M. le rapporteur, M. le secrétaire d’État, qui a apporté son soutien à l’initiative parlementaire, et les auteurs de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, nous avons à nous prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle. Nous arrivons donc au terme d’un débat qui, pour nous, n’a pas vraiment eu lieu.

Nous regrettons encore une fois la volonté de faire croire à un consensus généralisé sur cette question. Les interventions des uns et des autres montrent qu’il existe un certain consensus, mais nous ne nous y associons pas. Non, il n’existe pas de consensus, surtout parmi nos concitoyens, sur la nécessité de réduire le nombre de communes dans notre pays ! Non, il n’existe pas de consensus sur l’idée que le nombre d’élus locaux et de municipalités serait un obstacle aux évolutions contemporaines ! Non, enfin, il n’existe pas de consensus sur ce texte, qui n’est qu’une réédition de tentatives infructueuses engagées par la loi Marcellin ou, plus récemment, par M. Sarkozy !

Le rapport de la commission mixte paritaire et le texte qui en est issu attestent, il est vrai, d’une convergence entre la majorité du Sénat et celle de l’Assemblée nationale. Rappelons d’ailleurs que le texte est le résultat de deux propositions de loi, l’une de Jacques Pélissard et l’autre du groupe socialiste, républicain et citoyen. En somme, cette dernière étape n’aura été que l’occasion de finaliser les points de détails d’un texte sur lequel la droite et les élus socialistes n’ont aucun désaccord de fond. Comme le soulignent les rapporteurs de la commission mixte paritaire, Christine Pires Beaune pour l’Assemblée nationale et Michel Mercier pour le Sénat, « il n’existe pas de difficultés particulières entre les deux chambres sur ce texte ».

Permettez-moi cependant de soulever quelques « difficultés » et de montrer que nous avons affaire à un sujet éminemment politique, qui n’a rien d’un enjeu purement « pratique et pragmatique » – ces deux adjectifs viennent encore d’être employés –, contrairement à ce qu’on aimerait nous faire croire.

La première remarque, c’est que ce texte qui prétend défendre l’intérêt des communes est pourtant en total décalage avec leurs attentes réelles. Je rappelle à mon tour que la loi Marcellin n’a abouti qu’à une diminution de 5 % du nombre de communes ; certaines communes ont même « défusionné » depuis. Aujourd’hui, cinq ans après la réforme territoriale voulue par Nicolas Sarkozy, qui entendait approfondir cette logique, seules treize communes nouvelles ont vu le jour. Le constat est là : les communes de notre pays ne manifestent aucune volonté de se dissoudre dans des fusions. Cela ne signifie pas qu’elles rejettent les logiques de coopération, au contraire : pour coopérer, il faut exister.

Ce que souhaitent nos collectivités locales, et ce dont elles ont réellement besoin, c’est de travailler ensemble au service des populations, et non de disparaître dans des entités de plus en plus déconnectées de la proximité avec nos concitoyens. Ce que l’on entend dans les congrès de l’Association des maires de France – ce n’est sûrement pas son président, François Baroin, qui me contredira –, c’est l’attachement de nos concitoyens à leurs communes.

Les difficultés existent, c’est vrai. Je pense évidemment à la baisse de la dotation globale de fonctionnement, sur laquelle il faut revenir pour resituer notre débat. Après une ponction de 1,5 milliard d’euros en 2014, un prélèvement supplémentaire de 3,7 milliards d’euros sera opéré en 2015. Vous savez ce que de telles coupes impliquent. Je me permets de citer le président de l’AMF : « En l’état, cette baisse implique une accentuation de l’effet de ciseaux qui a d’ores et déjà des impacts sur le financement de l’investissement public et sur les services de proximité. Elle risque de contraindre les collectivités territoriales à faire des arbitrages douloureux quant à leurs investissements futurs et les services publics offerts à leurs administrés […]. »

Voilà le vrai fléau auquel il faut s’attaquer ! Si le détour par la question budgétaire est inévitable, c’est parce qu’il s’agit de l’argument phare pour justifier le regroupement des communes. « En fusionnant », promet-on, « vous éviterez pendant trois ans la baisse de votre DGF ». Comment peut-on parler d’une mesure « incitative » ? Il s’agit en réalité d’un chantage pur et simple pour des élus locaux pris à la gorge par les politiques d’austérité. Et qu’en sera-t-il une fois expiré le délai des trois années ? Par ailleurs, l’enveloppe globale étant fermée, la DGF diminuera forcément ailleurs.

Enfin, je ne peux conclure sans dire un mot du récent rapport du Commissariat général à l’égalité des territoires, qui prône purement et simplement la disparition des communes, en proposant de transférer la clause de compétence générale des communes vers les établissements publics de coopération intercommunale et en situant à la fois les politiques publiques et les outils de financement et de péréquation, comme la DGF, à ce niveau. Ce n’est ni plus ni moins que la mort des communes.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce rapport n’engage que ses auteurs ! Il n’engage ni le Gouvernement ni le Parlement !

M. Jean-Pierre Bosino. C’est dans ce cadre que s’inscrit la présente proposition de loi. Elle participe de cette logique que nous refusons, car elle conduit à vouloir toujours éloigner les citoyens des centres de décision, en oubliant que la proximité est le meilleur rempart contre l’exclusion, l’isolement et le déclassement. Ces derniers jours, nous apprenions d’ailleurs que le Gouvernement envisageait même d’attribuer les dotations directement aux intercommunalités dans le cadre d’une réforme de la DGF.

C’est parce que nous ne partageons pas l’idée qu’il faudrait se résoudre à une bonne gestion de la pénurie organisée, quelles qu’en soient les conséquences sociales et démocratiques, que nous ne voterons pas cette proposition de loi.

M. Jean-Pierre Sueur. Les rapports n’engagent que ceux qui les écrivent !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici donc au terme de l’examen de la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, qui vise à renouer avec un mouvement de rapprochement de communes existantes, sur la base – je le répète, compte tenu de ce qui vient d’être dit – du volontariat et de l’expérience du travail en commun, ainsi que l’ont indiqué M. le rapporteur, lors de son intervention, et Christine Pires Beaune, rapporteur pour l’Assemblée nationale.

Je veux souligner le rôle de Michel Mercier. C’est lui qui a été à l’origine, en 2010, alors qu’il était ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, de la loi qui a donné aux communes la faculté de se constituer en communes nouvelles. Comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, Michel Mercier a d'ailleurs utilisé cette faculté en créant la commune nouvelle de Thizy-les-Bourgs.

La présente proposition de loi, issue de deux textes initiaux, tend à améliorer le dispositif. Je veux dire – comme vous le savez, j’ai été vice-présidente de l’AMF – combien Jacques Pélissard s’est battu pour que nous revenions sur la question des communes nouvelles, afin d’en faciliter la création. J’insiste, en parallèle, sur le texte cosigné par plusieurs députés tels que Mme Christine Pires Beaune, M. Bruno Le Roux, ou encore M. Olivier Dussopt, qui est le rapporteur engagé sur les collectivités territoriales à l’Assemblée nationale.

Quelles sont les avancées du présent texte par rapport à la loi de 2010 ?

Sans être exhaustive, je vais souligner les points qui me semblent essentiels. D’abord, les auteurs de la proposition de loi se sont attachés à traiter les périodes transitoires, c’est-à-dire qu’ils pérennisent les mandats des conseillers municipaux dans la commune nouvelle jusqu’à leur terme normal. Cette mesure me semble très importante, presque autant que la garantie offerte aux anciens maires d’être maires délégués dans les communes nouvelles, comme Michel Mercier l’a rappelé tout à l’heure.

Ensuite, je me félicite des ajustements relatifs aux règles d’urbanisme. Je n’y reviens pas, mais ce point me paraît aussi très important, notamment pour ce qui concerne les plans de secteur.

Par ailleurs, le texte rappelle également qu’une commune nouvelle peut être créée aussi bien entre quelques communes à l’intérieur d’une communauté qu’à l’échelle d’une communauté tout entière, même s’il est évident que le fait de créer une commune nouvelle n’exonère pas de l’obligation de faire partie d’une intercommunalité. Naturellement, la commune nouvelle disposera d’un délai de vingt-quatre mois, à compter de sa création, pour rejoindre une nouvelle intercommunalité.

On le constate donc bien, la coopération intercommunale se développe en parallèle à la création des communes nouvelles.

Enfin, on notera – je crois que personne n’en a encore parlé – que le texte prévoit aussi des dispositions ad hoc pour les derniers syndicats d’agglomération nouvelle, dont les communes membres devront décider de se transformer soit en communes nouvelles, soit en communautés d’agglomération de droit commun.

Au-delà du fait qu’elle se base sur le volontariat, je pense que cette proposition de loi a pour vocation d’assurer aux communes concernées un passage en douceur vers une commune nouvelle en train de se créer. En effet, elle introduit de la souplesse par rapport au dispositif de 2010.

Bien sûr, il faut citer l’incitation financière, qui n’est pas négligeable dans une période de baisse inédite des dotations aux collectivités. Il est ainsi prévu un pacte financier garantissant pendant trois ans le niveau des dotations budgétaires des communes qui se lanceraient en 2015 ou en 2016 dans la création d’une commune nouvelle regroupant moins de 10 000 habitants ou de toutes les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Toutefois, comme un certain nombre des orateurs précédents l’ont rappelé, cette incitation ne peut pas être la motivation principale, car, d’une part, elle ne dure que trois ans, et, d’autre part, il est clair qu’il faut une volonté des élus pour créer une telle collectivité.

Je ne sais pas, mes chers collègues, comment vous percevez la création de communes nouvelles sur le terrain. Michel Mercier, pour sa part, est appelé à présenter la commune nouvelle, qu’il pratique lui-même, dans beaucoup d’endroits. Quant à moi, il m’arrive également d’être sollicitée, et je sens, sur le territoire, un frémissement, voire un intérêt certain pour la commune nouvelle.

Pour terminer, je vais m’efforcer de répondre à la question suivante : à quoi cela sert-il de créer une commune nouvelle ? Il y a plusieurs cas de figure.

Tout d’abord, il peut s’agir tout simplement de renforcer la capacité d’action des communes en mutualisant, donc en faisant des économies. Un tel regroupement permet de réaliser des projets d’investissement importants et d’apporter des services à la population. J’ai pu constater une prise de conscience des élus des plus petites communes de la complexité d’un monde où l’on vit dans des bassins de vie, avec des déplacements permanents. La population est de plus en plus exigeante, souhaitant retrouver à la campagne des services qu’elle a connus en ville. Évidemment, lorsqu’elles comptent cinquante ou quatre-vingts habitants, les communes ont parfois du mal à répondre aux besoins de ceux-ci.

Ensuite, des petites communautés de communes vont être amenées à rejoindre des intercommunalités plus grandes à la suite du vote de la loi NOTRe. J’ai pu noter, dans mon département, que les représentants de certaines de ces intercommunalités, qui sont parfois au-dessus du seuil des 5 000 habitants, font le constat suivant : pour que leur territoire ait une chance d’être clairement défendu, il lui faut être constitué en commune nouvelle au moment d’intégrer la communauté de communes plus grande qu’il est appelé à rejoindre.

L’idée de la commune nouvelle peut aussi procéder de la volonté de renforcer un bourg-centre. J’ai pu le constater récemment, alors que j’avais été appelée à Amboise, dans un département voisin du mien, pour faire une intervention sur les communes nouvelles. J’y ai bien senti ce désir de renforcement du rôle d’Amboise, même si son château donne déjà à cette ville une grande renommée.

Enfin, un certain nombre de maires se rendent bien compte que la sauvegarde de leur commune passe tout simplement par la création d’une commune nouvelle, car ces collectivités sont si petites qu’elles n’ont plus de moyens d’action.

Alors, certes, dans certains départements, la sensibilité à ce problème est peut-être moins grande, parce qu’ils comprennent de nombreuses villes comptant plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’habitants, mais, quand on vit dans des départements très ruraux, on voit bien la nécessité de telles collectivités.

En conclusion, le groupe UDI-UC votera bien évidemment en faveur du texte élaboré par la commission mixte paritaire. À notre sens, adopter ce texte est une manière de renforcer le rôle des communes.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

Mme Jacqueline Gourault. C’est très important !

Nous le savons, le projet de loi NOTRe, que nous allons examiner en deuxième lecture après son passage à l’Assemblée nationale, a tendance à étouffer le rôle de la commune sous le débat département-région. D’ailleurs au Sénat, nous côtoyons des départementalistes, qui bloquent le débat sur le département et la région…

Quoi qu’il en soit, voter ce texte revient à valoriser le bloc communal ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE. – Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois, et M. le rapporteur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.

M. René Vandierendonck. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si nous faisons la synthèse, à ce stade, nous voyons bien que la commune nouvelle ne doit être conçue ni comme un mécanisme concurrent de l’intercommunalité ni même, d’ailleurs, comme l’aboutissement de la démarche intercommunale.

Loin de s’opposer à cette dernière, les dispositions relatives aux communes nouvelles – Dominique Perben, rapporteur de loi de réforme des collectivités territoriales de 2010, le faisait alors remarquer – apparaissent comme étant un complément nécessaire : elles permettent de réduire le nombre des communes d’un EPCI, afin, non pas de substituer la commune nouvelle à l’établissement public, mais d’en améliorer le fonctionnement.

Nous sommes un certain nombre à suivre, comme vous, monsieur le secrétaire d’État, les débats enflammés sur les seuils pertinents pour la constitution des intercommunalités, les bassins de vie, j’en passe et des meilleurs. J’observe d’ailleurs avec intérêt que le rapporteur du projet de loi NOTRe à l’Assemblée nationale a introduit toute une série de dérogations parfaitement argumentées au seuil de 20 000 habitants.

Comme la progression des schémas départementaux de coopération intercommunale se fera en faveur de ces bassins de vie par un renforcement de l’intercommunalité, j’en déduis, en ce qui me concerne, que ce texte aura pour principal mérite de permettre à des communes, notamment rurales, d’exister, de se faire entendre, de renforcer leur cohésion.

Par ailleurs, l’aspect financier n’est pas anodin. Nous n’allons pas le minimiser, après nous être battus sur ce point.

Cependant, lorsqu’il n’y avait pas d’incitation financière, force est de constater que l’intérêt général y trouvait quand même son compte, puisque les communes nouvelles qui se sont constituées ont réalisé des économies de frais de fonctionnement de l’ordre de 8 %, ce qui n’est pas négligeable.

Si, en plus, afin de favoriser, à un moment clé de l’histoire intercommunale en France, la constitution sur une base volontaire de communes nouvelles, le texte prévoit d’importants moyens d’incitation financière, il faut le saluer comme une condition sinon suffisante, du moins nécessaire. À cet égard, je remercie le Gouvernement d’avoir accepté ce mécanisme.

Surtout, je voudrais saluer le savoir-faire inimitable de M. le rapporteur. En effet, le dépassement du clivage manichéen gauche-droite est plutôt un bon signe avant-coureur de la réussite et de la pérennisation d’une réforme territoriale.

Par ailleurs, lorsque l’on a cru faire quelque chose de bien, mais que l’on s’aperçoit que le succès n’est pas au rendez-vous – très peu de communes nouvelles ont été créées depuis 2010 –, il faut faire exactement comme M. Pélissard, Mme Pires Beaune ou vous-même, monsieur le rapporteur, c’est-à-dire redonner la parole aux élus.

Pour avoir assisté à des réunions de l’AMF sur le sujet – moins souvent que vous, monsieur Mercier –, et Mme Gourault en a été le témoin, je crois pouvoir dire que vous avez su trouver de manière pragmatique les vraies garanties d’un fonctionnement harmonieux, en jouant sur le nombre des élus et en donnant aux maires délégués des fonctions d’adjoint, ce qui les amènera, dans un premier temps, à être bien sûr les représentants des territoires regroupés, mais aussi à s’intéresser à une stratégie à l’échelle de la commune nouvelle.

À mon sens, ces dispositions donnent de véritables garanties et vont dans le bon sens.

Vendredi prochain se tiendra le fameux comité interministériel à l’égalité des territoires. En regardant mes collègues du RDSE, je pense à Alain Bertrand et à son rapport sur la ruralité,…

M. Jean-Claude Requier. L’hyper-ruralité ! (Sourires.)

M. René Vandierendonck. … qui met très clairement en exergue les problèmes de taille au regard des enjeux de développement dans les territoires hyper-ruraux. La commune nouvelle est l’une des réponses possibles.

C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste est très heureux de voter un texte pragmatique et utile. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE. – Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois, et M. le rapporteur applaudissent également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes

Section 1

Le conseil municipal de la commune nouvelle

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes
Article 1er bis

Article 1er

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’article L. 2113-7 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2113-7. – I. – Jusqu’au prochain renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, le conseil municipal est composé :

« 1° De l’ensemble des membres des conseils municipaux des anciennes communes, si les conseils municipaux des communes concernées le décident par délibérations concordantes prises avant la création de la commune nouvelle ;

« 2° À défaut, des maires, des adjoints, ainsi que de conseillers municipaux des anciennes communes, dans les conditions prévues au II du présent article.

« L’arrêté du représentant de l’État dans le département prononçant la création de la commune nouvelle détermine la composition du conseil municipal, le cas échéant en attribuant les sièges aux membres des anciens conseils municipaux dans l’ordre du tableau fixé par l’article L. 2121-1.

« Dans tous les cas, le montant cumulé des indemnités des membres du conseil municipal de la commune nouvelle ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales auxquelles auraient droit les membres du conseil municipal composé dans les conditions prévues au même II.

« II. – Lorsqu’il est fait application du 2° du I, l’arrêté du représentant de l’État dans le département attribue à chaque ancienne commune un nombre de sièges en application de la représentation proportionnelle au plus fort reste des populations municipales.

« Il ne peut être attribué à une ancienne commune un nombre de sièges supérieur au nombre de ses conseillers municipaux en exercice et inférieur au nombre de son maire et de ses adjoints en exercice.

« L’effectif total du conseil ne peut dépasser soixante-neuf membres, sauf dans le cas où la désignation des maires et adjoints des anciennes communes rend nécessaire l’attribution de sièges supplémentaires. »

2° L’article L. 2113-8 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2113-8. – Lors du premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, le conseil municipal comporte un nombre de membres égal au nombre prévu à l’article L. 2121-2 pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure.

« Le montant cumulé des indemnités des membres du conseil municipal de la commune nouvelle ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales auxquelles auraient droit les membres du conseil municipal d’une commune appartenant à la même strate démographique. »

3° L’article L. 2114-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les références : « par les articles L. 2113-7 et L. 2113-8 » sont remplacées par la référence : « au chapitre III du présent titre Ier » et le mot : « leurs » est remplacé par le mot : « ces » ;

b) Le deuxième alinéa est supprimé.

Article 1er
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Article 2

Article 1er bis

I. – L’article L. 2113-6 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au début, il est ajouté un I ainsi rédigé :

« I. – En l’absence d’accord des conseils municipaux sur le nom de la commune nouvelle par délibérations concordantes prises en application de l’article L. 2113-2, le représentant de l’État dans le département leur soumet pour avis une proposition de nom. À compter de sa notification, le conseil municipal dispose d’un délai d’un mois pour émettre un avis sur cette proposition. A défaut de délibération dans ce délai, son avis est réputé favorable. » ;

2° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, est ajoutée la mention : « II. – » ;

b) Les mots : « en détermine la date » sont remplacés par les mots : « détermine le nom de la commune nouvelle, le cas échéant au vu des avis émis par les conseils municipaux, fixe la date de création ».

II. – Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 2111-1 du code général des collectivités territoriales, lorsqu’il a été fait application de l’article L. 2113-16 du même code, dans sa rédaction issue du I de l’article 25 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, le conseil municipal dispose d’un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi pour prendre une délibération demandant le changement de nom de la commune. Après consultation du conseil général qui dispose d’un délai de trois mois pour se prononcer, le représentant de l’État dans le département arrête le changement de nom de la commune par arrêté préfectoral.

Article 1er bis
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Article 4

Article 2

I A. – Après le mot : « délégué », la fin du 1° de l’article L. 2113-11 du même code est supprimée.

I B. – Après l’article L. 2113-12 du même code, il est inséré un article L. 2113-12-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2113-12-1. – Le maire délégué est élu par le conseil municipal de la commune nouvelle parmi ses membres, dans les conditions fixées à l’article L. 2122-7.

« Par dérogation, le maire de l’ancienne commune en fonction au moment de la création de la commune nouvelle devient de droit maire délégué jusqu’au prochain renouvellement du conseil municipal.

« Les fonctions de maire de la commune nouvelle et de maire délégué sont incompatibles, sauf lorsqu’il est fait application du deuxième alinéa du présent article. »

I. – Le second alinéa de l’article L. 2113-13 du même code est ainsi rédigé :

« Le maire délégué exerce également les fonctions d’adjoint au maire de la commune nouvelle, sans être comptabilisé au titre de la limite fixée à l’article L. 2122-2. »

II. – Le second alinéa de l’article L. 2113-16 du même code est supprimé.

III. – Le second alinéa de l’article L. 2113-19 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le montant cumulé des indemnités des adjoints de la commune nouvelle et des maires délégués ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales susceptibles d’être allouées aux adjoints d’une commune appartenant à la même strate démographique que la commune nouvelle et des indemnités maximales susceptibles d’être allouées aux maires de communes appartenant aux mêmes strates démographiques que les communes déléguées. »

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Article 2
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Article 5 A

Article 4

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

I A (nouveau). – Après l’article L. 2113-9, il est inséré un article L. 2113-9-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2113-9-1. – Les articles L. 2113-2 à L. 2113-9 sont applicables à l’extension d’une commune nouvelle à une ou plusieurs communes. » ;

I. – L’article L. 2113-10 est ainsi modifié :

A. – Le premier alinéa est ainsi modifié :

1° La première phrase est ainsi modifiée :

a) Au début, les mots : « Dans un délai de six mois à compter de la création de la commune nouvelle, » sont supprimés ;

b) À la fin, les mots : « délibération contraire du conseil municipal de la commune nouvelle » sont remplacés par les mots : « lorsque les délibérations concordantes des conseils municipaux prises en application de l’article L. 2113-2 ont exclu leur création » ;

2° Au début de la seconde phrase, les mots : « Ce conseil municipal » sont remplacés par les mots : « Le conseil municipal de la commune nouvelle » ;

B. – Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lors de l’extension d’une commune nouvelle à une ou plusieurs communes, les communes déléguées préexistantes sont maintenues, sauf décision contraire des conseils municipaux ou du conseil municipal de la commune nouvelle dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article. ».

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Section 2

Mieux prendre en compte les spécificités de la commune nouvelle dans les documents d’urbanisme

Article 4
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Article 5

Article 5 A

L’article L. 321-2 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de création d’une commune nouvelle en application de l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, les règles relatives aux communes littorales s’appliquent au seul territoire des anciennes communes la composant précédemment considérées comme communes littorales. Le conseil municipal peut cependant demander à ce que l’ensemble du territoire de la commune nouvelle soit soumis aux règles relatives aux communes littorales. »

Article 5 A
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Article 7

Article 5

L’article L. 123-1-3 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut prendre en compte les spécificités des anciennes communes notamment paysagères, architecturales, patrimoniales et environnementales, lorsqu’il existe une ou plusieurs communes nouvelles. »

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Section 3

Commune nouvelle et intercommunalité

Article 5
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Article 8

Article 7

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

I. – L’article L. 2113-9 est ainsi modifié :

1° Après les trois premières occurrences du mot : « intercommunale », sont insérés les mots : « à fiscalité propre » ;

2° Les mots : « peut adhérer » sont remplacés par le mot : « adhère » ;

3° À la fin, les mots : « à compter du 1er janvier de la deuxième année suivant celle de sa création » sont remplacés par les mots : « avant le prochain renouvellement général des conseils municipaux et au plus tard vingt-quatre mois après la date de sa création ».

II. – Le I de l’article L. 2113-5 est ainsi modifié :

1° Le début du premier alinéa est ainsi rédigé :

« En cas de création d’une commune nouvelle regroupant toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, l’arrêté... (le reste sans changement) » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre supprimé » sont remplacés par les mots : « du ou des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre supprimés » ;

3° Au troisième alinéa, les mots : « l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre supprimé » sont remplacés par les mots : « le ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre supprimés » ;

4° À la dernière phrase du quatrième alinéa, les mots : « l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre supprimé » sont remplacés par les mots : « le ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre supprimés » ;

5° À l’avant-dernier alinéa, le début de la première phrase est ainsi rédigé : « L’ensemble des personnels du ou des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre supprimés... (le reste sans changement) » ;

6° Au dernier alinéa, les mots : « l’établissement public de coopération intercommunale supprimé » sont remplacés par les mots : « le ou les établissements publics de coopération intercommunale supprimés ».

Article 7
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Article 8 bis

Article 8

La seconde phrase du troisième alinéa du II et la seconde phrase du premier alinéa du III de l’article L. 2113-5 du code général des collectivités territoriales sont ainsi modifiées :

1° Après le mot : « Jusqu’à », sont insérés les mots : « l’entrée en vigueur de » ;

1° bis Après le mot : « arrêté », sont insérés les mots : «, par dérogation à l’article L. 5210-2 » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Jusqu’à l’entrée en vigueur de cet arrêté, les conseillers communautaires représentant les anciennes communes en fonction à la date de création de la commune nouvelle restent membres de l’organe délibérant de l’établissement public et les taux de fiscalité votés par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels les anciennes communes appartenaient continuent de s’appliquer sur le territoire de celles-ci. »

Article 8
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Article 8 ter

Article 8 bis

(Supprimé)

Article 8 bis
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Article 9 A

Article 8 ter

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi et par dérogation aux articles L. 2113-3 et L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales, les conseils municipaux des communes membres d’un syndicat d’agglomération nouvelle dont le siège est situé dans l’un des départements mentionnés au VII de l’article L. 5210-1-1 dudit code sont consultés par le représentant de l’État dans le département sur l’évolution du syndicat :

1° Soit par création d’une commune nouvelle regroupant toutes les communes membres ;

2° Soit par transformation du syndicat en communauté d’agglomération.

À défaut de délibération dans un délai de trois mois à compter de la saisine du représentant de l’État dans le département, la décision du conseil municipal est réputée favorable à ces deux formes d’évolution.

Si les conseils municipaux intéressés se prononcent par des délibérations concordantes en faveur de la création d’une commune nouvelle ou, dans le cas contraire, si après une consultation organisée en application des premier et dernier alinéas de l’article L. 2113-3 dudit code, une majorité des électeurs de chaque commune membre se prononce en faveur d’une telle création, une commune nouvelle regroupant toutes les communes membres est créée en application de l’article L. 2113-5 du même code.

Si la majorité prévue à l’alinéa précédent n’est pas réunie, le syndicat d’agglomération nouvelle est transformé en communauté d’agglomération visée au 2° du présent article.

Section 4

Dispositions fiscales et incitations financières

Article 8 ter
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Article 9

Article 9 A

(Supprimé)

Article 9 A
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Article 10

Article 9

(Suppression maintenue)

Article 9
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Article 11

Article 10

L’article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du premier alinéa du I est supprimée ;

1° bis Le même I est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours des trois premières années suivant leur création, l’article L. 2334-7-3 ne s’applique pas à la dotation forfaitaire des communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant soit une population inférieure ou égale à 10 000 habitants, soit toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2014, le même article L. 2334-7-3 ne s’applique pas à la dotation forfaitaire des communes nouvelles créées avant le renouvellement général des conseils municipaux de 2014. » ;

2° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours des trois premières années suivant leur création, les communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant soit une population inférieure ou égale à 10 000 habitants, soit toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, perçoivent une attribution au titre de la dotation forfaitaire prévue au même article L. 2334-7 au moins égale à la somme des dotations perçues par chacune des anciennes communes l’année précédant la création de la commune nouvelle. En 2015 et en 2016, les communes nouvelles créées avant le renouvellement général des conseils municipaux de 2014 perçoivent une attribution au titre de la dotation forfaitaire prévue audit article L. 2334-7 au moins égale à celle perçue en 2014. » ;

2° bis Après le même II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis. – Au cours des trois premières années suivant leur création, les communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant une population comprise entre 1 000 et 10 000 habitants bénéficient, en outre, d’une majoration de 5 % de leur dotation forfaitaire calculée dès la première année dans les conditions prévues aux I et II du présent article. » ;

3° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours des trois premières années suivant leur création, les communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre perçoivent une part “compensation” au moins égale à la somme des montants de la dotation de compensation prévue à l’article L. 5211-28-1 et perçus par le ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre l’année précédant la création de la commune nouvelle. » ;

4° Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours des trois premières années suivant leur création, les communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre perçoivent une dotation de consolidation au moins égale à la somme des montants de la dotation d’intercommunalité perçus par le ou les établissements publics de coopération intercommunale l’année précédant la création de la commune nouvelle. »

Article 10
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Article 11 bis

Article 11

Le dernier alinéa de l’article L. 2113-22 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Au cours des trois années suivant leur création, les communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant soit une population inférieure ou égale à 10 000 habitants, soit toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, perçoivent des attributions au titre des deux parts de la dotation nationale de péréquation, de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et de la dotation de solidarité rurale au moins égales aux attributions perçues au titre de chacune de ces dotations par les anciennes communes l’année précédant la création de la commune nouvelle. En 2015 et en 2016, les communes nouvelles créées avant le renouvellement général des conseils municipaux de 2014 perçoivent des attributions au titre des deux parts de la dotation nationale de péréquation, de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et de la dotation de solidarité rurale au moins égales aux attributions perçues au titre de chacune de ces dotations en 2014. »

Article 11
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Article 12 A (début)

Article 11 bis

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa du IV de l’article L. 2334-4 est complétée par les mots : « et hors le montant correspondant à la dotation de consolidation prévue au IV de l’article L. 2113-20 » ;

2° La première phrase du troisième alinéa du 5° du I de l’article L. 2336-2 est complétée par les mots : « et hors le montant correspondant à la dotation de consolidation prévue au IV de l’article L. 2113-20 ».

Section 5

Application outre-mer

Article 11 bis
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Article 12 A (fin)

Article 12 A

Au I de l’article L. 2573-3 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « de l’article L. 2113-26 » sont insérés les mots : « , dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, ».

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M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Personne ne demande la parole pour explication de vote sur l’ensemble ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

(La proposition de loi est définitivement adoptée.)

Article 12 A (début)
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11

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 5 mars 2015 :

À dix heures trente : débat sur le thème « Service civil : volontaire ou obligatoire ? ».

À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART