M. Jean Desessard. Bien sûr !

M. François Pillet, corapporteur. … et de préserver les plus rentables.

Monsieur le ministre, je pense que ce mécanisme est dangereux pour le maillage territorial des officiers publics ou ministériels. Il est, à mon avis, contraire au principe d’une juste concurrence encadrée. Je souhaiterais que vous nous expliquiez pourquoi vous souhaitez préserver les transactions les plus rémunératrices et frapper, au contraire, celles qui assureront, compte tenu de la réévaluation des tarifs, la rentabilité économique des études. Si vous nous indiquiez tout à l’heure que vous nous avez parfaitement compris, monsieur le ministre, qu’il n’y aura plus de plafond et que nous ne débattrons que du plancher, ce serait déjà une avancée importante. Resterait alors à fixer le montant dudit plancher.

La commission a défendu un mécanisme beaucoup plus simple et plus juste consistant en une remise possible, sur les droits proportionnels, immobiliers ou non, pour un émolument supérieur à un seuil fixé par arrêté ministériel. Ainsi, vous aurez la main.

En outre, monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner les raisons de votre opposition au dispositif adopté par la commission spéciale autorisant les officiers publics ou ministériels à consentir des remises sans limite pour les prestations tarifées qu’ils accomplissent lorsque ces prestations sont identiques à celles que d’autres agents économiques effectuent en honoraires libres ? Votre amendement vise à supprimer les remises, ce qui reviendrait par exemple à interdire à un notaire, s'agissant de la rémunération sur les transactions immobilières, de procéder à des remises sur un champ d’activité dans lequel il est en concurrence avec d’autres professionnels qui, eux, peuvent fixer librement leur rémunération.

Monsieur le ministre, la parole sera bientôt à la défense, vous vous exprimerez en dernier ; je ne vous répondrai pas. Nous serons très attentifs aux réponses précises que vous nous apporterez à l’issue des explications de vote en vue de trouver un accord. Vous comprendrez que la commission spéciale émette un avis défavorable sur votre amendement, mais cet avis est expliqué et exprimé dans un climat singulièrement participatif.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.

M. Henri Tandonnet. Nous sommes, avec l’article 12, au cœur du problème de la réglementation des professions titulaires d’un office, dite « professions réglementées ».

Je relève trois problèmes essentiels : les tarifs, le fonds de péréquation et les remises. La situation a évolué, monsieur le ministre, avec votre amendement, mais je vous incite à vous rapprocher de la position de la commission spéciale, qui a réalisé un travail de fond important et présente une proposition équilibrée.

Les professions réglementées sont tout à fait prêtes à définir des tarifs de manière ouverte et transparente. Concernant la définition de ces tarifs, nous avons précisé que les critères sur la base desquels est définie la rémunération « prennent notamment en compte les sujétions auxquelles sont soumises les professions en cause ».

Pour prendre un exemple, les notaires ont des sujétions importantes en ce qui concerne la publication des actes aux hypothèques et il convient de reconnaître que la profession notariale a réalisé des efforts considérables à cet égard. Ils sont à la pointe en matière de transmission électronique des actes, faisant réaliser d’énormes économies au service de la publicité foncière qui inscrit en un clic dans ses tablettes les actes émanant des études. Cette sujétion, qui a fait l’objet d’un investissement continu, depuis de nombreuses années, de la part des notaires, doit obtenir une rémunération.

N’oublions pas non plus que les notaires sont solidaires entre eux, ce qui est rare dans une profession. Les maniements de fonds sont ainsi garantis par la profession et par les notaires entre eux.

Il convient d’ajouter, ce qui est rarement évoqué, que les notaires récupèrent 22 milliards d'euros d’impôts au profit de l’État et des collectivités territoriales sans que cela coûte un sou aux services de l’État et au ministère des finances. Je trouve que vous n’êtes guère reconnaissant envers les notaires en les traitant ainsi, monsieur le ministre.

Ces sujétions doivent donc être prises en compte dans cette tarification.

La profession de greffiers des tribunaux de commerce, que l’on montre du doigt, a tout de même mis en place, au fil des ans, un accès numérique facile au registre du commerce.

Je renvoie aussi à l’ensemble des informations concernant les procédures collectives. Lorsque l’on a besoin d’un renseignement, on s’aperçoit qu’il vaut mieux s’adresser aux greffes des tribunaux de commerce qu’aux greffes des tribunaux de grande instance. On le constate également outre-mer, où les tribunaux de grande instance n’ont pas pu installer de registre du commerce accessible, difficulté qui sera abordée ultérieurement dans le projet de loi.

Il faudra tenir compte de tous ces services dans les tarifs. En effet, ces professions réglementées ont souvent été à l’initiative de systèmes très performants.

Pour ce qui concerne le fonds de péréquation, monsieur le ministre, la proposition de la commission spéciale va dans le sens que vous souhaitez, qui est de favoriser l’installation des jeunes.

Vous ciblez ce fonds de péréquation vers le service de l’aide juridictionnelle. Vous taxez certains professionnels du droit. J’ai appris que vous alliez taxer les quelques émoluments perçus par les avocats postulants, après un à deux ans de procédure, sur quelques malheureuses saisies immobilières. Ce n’est pas cohérent !

Le dispositif que nous proposons est cohérent, lui, puisqu’il s’agit de la création d’un fonds de péréquation par profession destiné à favoriser l’installation des jeunes. Comment voulez-vous qu’un jeune élabore un projet d’entreprise, monsieur le ministre, s’il doit payer six ans plus tard à des confrères une indemnité résultant de sa compétence et de son travail, indemnité qu’il n’est pas en mesure de chiffrer initialement ? Aucune banque ne lui assurera les fonds nécessaires à la création de cette entreprise !

Nous vous proposons un fonds de péréquation destiné à ces jeunes, financé par la profession, qui permettra de rémunérer tous les petits actes accomplis par les professions réglementées comme les notaires. Je pense notamment aux actes d’échange faits en pure perte au profit des collectivités territoriales, par exemple lors du redressement des chemins ruraux.

Je terminerai mon propos par le problème des remises. Il faut savoir que les remises sont déjà possibles chez les notaires à partir d’un émolument de 80 000 euros. Il faudrait trouver le plafond qui permette d’appliquer une remise aux actes les plus importants tout en assurant une rémunération équitable.

Mme la présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole, mon cher collègue.

M. Henri Tandonnet. Puisque nous sommes samedi, une journée pendant laquelle les terrains de football et de rugby sont occupés, c'est comme si vous aviez, monsieur le ministre, une équipe de Ligue 1, avec beaucoup de libéros, et que vous vous présentiez face au Stade toulousain. Vous faites une OPA du ministère de l’économie sur le ministère de la justice. Vous pouvez comprendre que les spectateurs ne soient pas vraiment contents de voir arriver des joueurs de Ligue 1, même les meilleurs ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Tout d’abord, j’annonce la couleur : les écologistes ne voteront pas l’amendement proposé par le Gouvernement.

M. Charles Revet. Au moins, c’est tranché !

M. Jean Desessard. Même s’il reste un certain nombre de choses à revoir, le texte de la commission est plus proche de notre philosophie.

Monsieur le ministre, on ne comprend pas exactement où vous voulez en venir. Je ne sais pas si c'est une équipe de rugby ou de football (Sourires.), mais, pour le moment, la philosophie de votre texte n’apparaît pas clairement.

Vous voulez des remises pour les PME, pour les actes importants… Si l’on considère que c'est un service public, on met en place une péréquation qui permette un maillage territorial. On sait très bien que, s’agissant de la vente d’un bien en Île-de-France, plus on se rapproche de Paris, plus la commission du notaire est importante. Au lieu de prévoir une remise, il serait préférable que, au-delà d’un certain seuil, les notaires alimentent un fonds de péréquation permettant l’installation dans les territoires ruraux ou dans les zones défavorisées, que ce soit en région parisienne ou ailleurs.

Si vous estimez que la rémunération touchée est presque « abusive », pourquoi ne pas instaurer une telle péréquation ? C'est tout de même simple de faire de la solidarité territoriale ! On nous dit souvent que ce n’est pas possible, par manque de moyens. Mais, là, vous semblez dire que les moyens existent. Il est même envisageable d’aider à l’installation. Alors, pourquoi ne pas le faire ? Je le redis, nous sommes opposés au système des remises.

Vous avez également avancé l’argument selon lequel le système actuel de remises serait opaque.

Je rappelle d’abord que ces remises ne dépendent pas du seul notaire : il est obligé d’en référer à la chambre des notaires. Une autorisation de la corporation est donc au moins nécessaire.

Pour rendre les choses plus transparentes, il suffirait tout simplement de dire que la chambre des notaires doit déclarer les remises au ministère, qui les rendrait publiques. Je ne vois pas quel est le problème. Vous avez aujourd’hui tous les leviers pour agir dans le sens que vous prônez ; pourtant, le texte ne correspond pas tout à fait à vos objectifs. Qu’est-ce que cela signifie exactement ?

M. le rapporteur l’a dit, l’ouverture des études dépend du Gouvernement, plus précisément du ministère de la justice ; les tarifs dépendent aussi du Gouvernement, tout comme les mesures pour améliorer la transparence. Quant à la péréquation, on peut y travailler aujourd’hui. Les remises portent atteinte au principe du service public, alors que nous sommes un certain nombre ici au Sénat à vouloir conserver un service public du notariat.

Si vous trouvez que le service fourni est de mauvaise qualité, je suis prêt à en discuter avec vous. Même si je défends le principe d’un service public, les notaires doivent toujours être contrôlés. On peut leur faire confiance, mais la confiance, elle se mérite ! (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.) Je suis favorable à la mise en place d’un système de contrôle qualité de la profession. Les notaires reconnaissent qu’ils touchent de bonnes commissions sur certaines opérations, mais avancent qu’elles leur permettent de trouver un équilibre avec les petites affaires. On pourrait vérifier que les petites affaires sont bien suivies, que les notaires mettent autant d’application à traiter les petites que les grandes.

Je le redis, nous sommes prêts à discuter du rôle de service public que jouent les notaires et de la façon dont ils assument ce rôle. Nous sommes d’accord pour la péréquation pour l’installation territoriale. Nous sommes également d’accord pour le contrôle qualité. On peut revoir les tarifs, mais cela relève de vos attributions.

Pour toutes ces raisons, nous ne comprenons ni votre amendement ni le sens de la réforme. Nous voulons aller dans le sens d’une modernisation, d’une actualisation du service public du notariat, mais tel n’est pas l’objet de votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui se conçoit bien s’énonce clairement : j’aimerais y arriver, mais le sujet n’est pas simple.

Nous débattons de professionnels réglementés pour lesquels un tarif est fixé. La logique du tarif, c’est d’avoir des coûts pertinents et une rémunération raisonnable. C'est l’équilibre qu’il faut trouver par une péréquation interne à l’étude même, quelle que soit d’ailleurs la profession réglementée. Cet équilibre profite aux usagers, aux clients, parce que, je l’ai déjà dit, pour un certain nombre d’actes, le coût réel pour l’officier ministériel est bien plus important que ses émoluments.

La compensation doit s’effectuer par le biais de cette péréquation interne. Néanmoins, on le sait, vient un moment où cette dernière est largement profitable et, de ce point de vue, on peut considérer que la mise en concurrence des professionnels pourrait profiter aux consommateurs. Soyons clairs, les remises actuelles, ce n’est pas de la mise en concurrence, c'est un geste ponctuel, qui s’explique par des relations amicales ; cela peut éventuellement être une manière d’attirer un promoteur qui ramènera de la clientèle.

Alors, comment organiser la mise en concurrence ? Franchement, aucune des propositions – pas plus la vôtre, monsieur le ministre, que celle de l'Assemblée nationale ou celle du rapporteur – n’atteint cet objectif.

Une véritable mise en concurrence consisterait à faire la même chose que pour les avocats, en supprimant tout numerus clausus. Ce n’est pas ce qu’on veut et ce n’est pas ce que je souhaite parce que les officiers ministériels jouent un rôle particulier, protecteur. Il est important, me semble-t-il, que nous le maintenions dans notre pays.

Dans ce contexte, la seule solution serait de réfléchir à une péréquation externe.

M. Jacques Bigot. On vous organise une compensation, mais lorsque le gain est trop important, le surplus est reversé à un fonds de l’accès au droit, lequel sera, je n’en doute pas, inséré dans le code de l’action au droit que vous avez appelé tout à l’heure majoritairement de vos vœux. Ce fonds permettra d’abonder plusieurs actions, et pourquoi pas, effectivement, la compensation des conséquences défavorables pour quelques études notariales de la création de nouvelles études.

Il y a un point que je ne comprends pas dans la proposition gouvernementale, même si je suis prêt à m’y rallier s’il n’y a pas d’autre solution : le système plancher-plafond. Je sais que les notaires ne comprennent pas non plus la proposition de la commission sur la suppression du plafond. Ils craignent que seules les études qui ont les affaires les plus importantes, les plus « juteuses » si vous me permettez l’expression, puissent vraiment jouer le jeu de la concurrence et qu’elles se mettent à faire du dumping. C'est une conséquence qu’on ne mesure pas.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas capables d’organiser la concurrence dans cette profession. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé, au nom du groupe socialiste, un amendement à l’article 12 dont je regrette qu’il ne soit pas débattu en même temps que l’amendement du Gouvernement, car nous aurions peut-être pu trouver un accord.

Pour l’instant, j’avoue que je ne comprends pas comment fonctionnera la profession de notaire et comment nous assurerons le maintien de notaires dans des zones où les valeurs marchandes ne sont pas telles qu’ils puissent forcément gagner beaucoup d’argent.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, ce matin, lorsque j’ai évoqué le fait que vous alliez présenter un amendement de réécriture de l’article 12, vous m’avez répondu : j’ajuste, mais je ne réécris pas. Or les orateurs, même M. Bigot à l’instant, considèrent qu’à l’arrivée on ne sait plus où on est,…

M. Charles Revet. C’est un peu embêtant !

M. Roger Karoutchi. … car plus rien ne fonctionne.

Vous pouvez dire que vous souhaitez amender le texte de la commission spéciale sur tel ou tel élément, mais, en réalité, avec votre amendement n° 1664, vous sortez de la logique qu’elle a suivie. C'est le nom d’une bière, mais, en l’occurrence, vous essayez d’en faire un panaché (Rires.), un mélange entre le texte de l’Assemblée nationale et celui de la commission spéciale. Eh bien, le résultat est imbuvable ! (Nouveaux rires.)

D’un côté, il y a le texte de l'Assemblée nationale, rigide, contraignant et impraticable ; de l’autre, celui de la commission spéciale, qui relève d’une logique différente et que vous pouvez amender. Mais vous voulez faire un mélange des deux pour aboutir à un système auquel on ne comprend plus rien ! Comment survivront les études de notaire qui ne gagnent pas beaucoup d’argent ? Comment ferez-vous la péréquation ? Comment assurerez-vous le maillage ? Comment concilier votre système avec le fait que les notaires restent des officiers ministériels chargés d’une mission de service public ?

Au final, cela fait trois mois qu’on évoque ce sujet et que les professions réglementées s’inquiètent. Monsieur le ministre, vous avez évoqué, ce qui n’est pas très gentil pour nous, le fait que ces professions ont plus facilement accès aux parlementaires, car elles sont bien organisées. Certes, mais il y en a d’autres moins bien organisées et qui ont parfois plus encore l’écoute des parlementaires.

La vérité, c’est qu’il y a une inquiétude de la profession, qui a le sentiment d’une remise en cause globale. Vous prétendez que telle n’est pas du tout votre intention, mais en réalité, à la lecture de votre amendement, on se rend compte que c'est bien le cas.

M. Emmanuel Macron, ministre. Non !

M. Roger Karoutchi. Mais si ! Vous avez conservé la logique de l’Assemblée nationale, sur laquelle vous cherchez à plaquer quelques aménagements proposés par la commission spéciale : cela ne fonctionne pas !

Monsieur le ministre, si vous voulez garder le texte de l'Assemblée nationale, nous n’y serons pas favorables, parce qu’il prévoit une solution rigide et complètement absurde, mettant totalement sous couvert la profession. Certes, celle-ci doit être transformée et doit accepter un certain nombre d’évolutions, mais elle ne doit pas être remise en cause dans ses fondements. Cela n’a pas de sens, parce que c'est une profession qui fonctionne bien. Il y aurait bien d’autres secteurs de l’économie française à transformer et à faire évoluer...

Monsieur le ministre, le groupe UMP a demandé un scrutin public sur votre amendement, si vous le maintenez. (M. le ministre sourit.) Vous êtes un homme de raison. M. Bigot vous propose de débattre pour arriver à un accord et M. le rapporteur vous a posé un certain nombre de questions afin d’essayer de trouver un compromis. À votre place, pour trouver une porte de sortie, rassurer la profession et montrer que le Gouvernement est à l’écoute, je chercherai un accord avec le rapporteur, que nous voterions tous. Nous sommes parvenus à l’unanimité hier sur le gaspillage alimentaire ; il pourrait en aller de même sur cette question, si l’on trouve un système qui fonctionne, qui est logique et qui permet de faire évoluer le notariat sans le déstabiliser. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.

M. Pierre Médevielle. J’irai dans le même sens que M. Tandonnet, tout en complétant ses propos.

Monsieur le ministre, comme M. Karoutchi et l’ensemble de mes collègues dans cette assemblée, je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes intéressé aux notaires. Vous avez dit ce matin que vous n’aviez pas stigmatisé cette profession : je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. En effet, quand vous avez été auditionné par notre groupe, vous avez évoqué le fait que les notaires étaient des professionnels qu’on ne voyait jamais, car on était reçu par des clercs habilités.

M. Jean Desessard. C'est souvent vrai !

M. Pierre Médevielle. Je crois que cela peut arriver dans des études parisiennes.

M. Jean Desessard. Je le confirme !

M. Pierre Médevielle. Néanmoins, il y a plusieurs types d’offices. Je peux vous garantir qu’il est des offices, en milieu rural, où les notaires font un travail remarquable, rendent service à la population et souvent, donnent des consultations gratuites de droit rural, dont ils sont spécialistes.

Sur le plan financier, comme Henri Tandonnet l’a souligné, les notaires opèrent des levées de fonds de l’ordre de 22 milliards d’euros au profit de l’État et des collectivités territoriales. Il me semble que, dans le droit latin, l’acte notarié n’est pas un produit commercial. Je ne sais donc pas si l’Autorité de la concurrence est bien placée pour intervenir en la matière.

On sait très bien – nous en avons déjà parlé en commission – que la déréglementation crée des zones blanches et des zones suréquipées. Cette conséquence est logique ! Nous l’avons vu avec les médecins – je vous ai, d'ailleurs, présenté des comparaisons entre la situation des médecins et celle des pharmaciens. Et cela n’a rien à voir avec le numerus clausus, puisque nous sommes maintenant inondés de diplômés en médecine qui viennent de l’étranger, notamment d’autres pays européens.

Je crois que les notaires veulent continuer à exercer leur profession. Pour ce qui concerne la péréquation, ils ne veulent pas être assistés. Ils veulent s’assumer. Je pense qu’ils ne méritent pas le traitement qu’on veut leur infliger.

J’espère donc, monsieur le ministre, comme tous mes collègues, que vous vous en remettrez à la sagesse de la commission spéciale, qui a effectué un travail remarquable sur ce texte, et que vous retirerez cet amendement.

MM. Roger Karoutchi et Charles Revet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je serai bref. Monsieur le ministre, ce qui est remarquable dans nos débats de cet après-midi, c’est que vous êtes totalement isolé. Personne n’accepte votre amendement,…

M. Charles Revet. En effet ! Personne ne le comprend !

M. François Pillet, corapporteur. … hormis peut-être Mme Bricq, qui, exceptionnellement, ne s’est pas encore exprimée... (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. J’ai de bonnes lectures ! (Mme Nicole Bricq brandit un magazine.)

M. Jean Desessard. S’il n’en reste qu’une…

M. François Pillet, corapporteur. J’y insiste une dernière fois : ce n’est pas la réforme des tarifs des notaires qui relancera la machine économique de manière considérable dans les quinze jours qui suivront la promulgation de la loi.

Puisque tous les sénateurs semblent prêts à écouter, à travailler et à rechercher un texte avec vous et les membres de votre groupe et puisque vous avez montré une certaine ouverture lors des débats à l’Assemblée nationale, vous avez la possibilité de retirer votre amendement, ici, au Sénat. Nous pourrions alors rediscuter de ce sujet et auditionner de nouveau les professions concernées par le texte, auquel celles-ci doivent adhérer – je suis disponible pour m’y remettre rapidement –, de manière à aboutir à un résultat.

Vous avez été ouvert à l’Assemblée nationale. Vous pouvez l’être au Sénat, qui, vous l’avouerez, est particulièrement à l’écoute et objectif et où l’ambiance, vous l’avouerez tout autant, est particulièrement calme et agréable.

Pour terminer, je veux répondre à mon collègue au sujet des remises : la position que vous défendez – l’absence totale de remises – n’est pas du tout inaudible. Cela va, d'ailleurs, dans le sens de ce que je viens de vous dire.

Sachez toutefois que, si la commission spéciale a retenu cette rédaction sur les remises, c’est parce que les notaires n’y étaient pas du tout opposés. Bien au contraire ! Cela dit, peut-être les notaires accepteraient-ils finalement un système interdisant toute remise, si nous le leur proposions.

Je veux, sur ce dernier point, vous convaincre que le débat mériterait peut-être de mûrir. Avec le printemps et l’été, tout mûrit… (M. le ministre sourit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je veux répondre aux différents points soulevés par M. le rapporteur.

Permettez-moi toutefois de faire deux remarques liminaires.

Premièrement, monsieur Karoutchi, nous avons convergé. J’ai fait preuve d’esprit d’ouverture, parce que la commission a très largement repris les apports de la proposition du Gouvernement.

Je tiens à ce que l’on remette les choses à l’endroit : le maul d’idées, pour filer la métaphore rugbystique employée par certains (Sourires.), progresse bien vers la proposition du Gouvernement.

M. Roger Karoutchi. Pas du tout !

M. Emmanuel Macron, ministre. Au demeurant, si tout allait très bien, madame la marquise (Nouveaux sourires.), nous n’en serions pas là !

Je crois que, contrairement à ce que vous avez déclaré, la commission reconnaît que cela valait quand même la peine d’avancer.

M. Roger Karoutchi. Alors, restons-en là !

M. Emmanuel Macron, ministre. Deuxièmement, monsieur Médevielle, je veux rappeler que, y compris lorsque j’ai été auditionné par les membres de votre groupe, j’ai toujours montré le plus grand respect à l’égard de ces professionnels et toujours salué la qualité des prestations qu’ils fournissent. À aucun moment, je ne les ai stigmatisés ! (M. Pierre Médevielle s’exclame.)

Toutefois, il est vrai que, lorsque nous avons évoqué la pluralité des situations des offices, j’ai déclaré que, dans les grandes études, en particulier parisiennes, de nombreuses prestations étaient assurées sans que les clients concernés aient jamais vu un notaire ! En effet, il arrive souvent que ceux-ci aient uniquement affaire à un clerc habilité. Ce n’est pas manquer de respect que de décrire le réel. Au reste, je ne dis pas que c’est une généralité ! En particulier, cela n’arrive jamais dans les territoires les plus ruraux (M. Pierre Médevielle s’exclame de nouveau.), où les études sont beaucoup plus petites et n’emploient que rarement des clercs habilités.

Telle est réalité des choses. Elle justifie que les uns et les autres soient traités différemment et explique l’une des réformes contenues dans le texte du Gouvernement, concernant les clercs habilités.

Je veux maintenant revenir sur les différents points qui ont été soulevés par M. le rapporteur. Ils sont tous importants.

Premièrement, je veux évoquer la question du code de commerce. Vous le savez – j’ai déjà eu l’occasion de le dire –, je ne suis pas un fétichiste. Cela facilite nos débats ! La commission a proposé la création d’un nouveau code. Pour ma part, dans un souci de pragmatisme, j’ai essayé d’inscrire les dispositions relevant de l’article 12 dans un code existant. Il ne me semblait pas aberrant que l’inscription d’éléments relatifs à la réglementation des tarifs se fasse dans le code de commerce. À cet égard, la réaction qu’a suscitée ce choix est complètement disproportionnée, d’autant que plusieurs tarifs de certaines des professions concernées figurent déjà dans ce code, qui traite quand même de certaines professions réglementées, et pas seulement des commerçants ni du gouvernement d’entreprise ! Au demeurant, si le notaire est un officier public ministériel, il emploie aussi des secrétaires, des clercs habilités, des collaborateurs… Cela s’appelle bien une petite entreprise !

M. Emmanuel Macron, ministre. Les dispositions relatives aux tarifs ou encore aux procédures collectives trouvent aussi leur place dans le code de commerce. Il en va de même des dispositions afférentes aux ventes aux enchères publiques, qui touchent directement certaines de ces professions réglementées.

Deuxièmement, la coresponsabilité, dans la fixation des tarifs, du ministre de la justice et du ministre de l’économie relève de la même logique. En effet, il n’est pas aberrant que le ministre de l’économie, qui est responsable des tarifs, cosigne les tarifs de chaque prestation, comme il le fait, d'ailleurs, pour beaucoup d’autres biens et services. C’est pourquoi nous avions prévu une compétence conjointe. Mais en aucun cas celle-ci ne vaudra pouvoir disciplinaire du ministre de l’économie ni ne viendra empiéter sur le rôle pleinement reconnu au garde des sceaux en matière de liberté d’installation – nous y reviendrons – ou encore sur celui qu’il peut avoir notamment sur le plan disciplinaire ou sur les questions d’honorabilité. On ne parle que des tarifs ! Aussi, il me semble qu’il faut remettre les choses à leur place et qu’il n’y a pas d’aberration.

Troisièmement, sur le sujet du fonds de péréquation interprofessionnel, je tiens à remercier M. Desessard pour les propos qu’il a tenus.

Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement décrit la situation et démontré l’objectif du Gouvernement et la pertinence de son amendement. Les professions réglementées nous ont souvent dit que nous ne pouvions pas revenir sur leurs tarifs, une péréquation existant déjà entre les conseils gratuits qu’elles délivrent et les tarifs plus ou moins élevés des différentes prestations qu’elles fournissent, les tarifs plus élevés permettant de compenser les choses. En réalité, la compensation s’opère rarement au sein d’un seul et même office notarial. Il y a une péréquation macro-économique, mais elle n’avait pas de réalité jusqu’à présent.

Le fonds de péréquation que le Gouvernement veut créer permettra justement que des transferts soient opérés au sein de la profession, pour que les offices qui sont en meilleure santé puissent aider les plus petits. (M. Jean Desessard opine.) C’est même la première fonction de ce fonds.

Et pourquoi avons-nous prévu un plafond en matière de remises tarifaires ? Précisément pour que la péréquation se fasse sur la base des tarifs les plus hauts.