Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir dit que le nucléaire n’était pas un sujet tabou, car je veux précisément souligner, au moment où nous abordons l’article 1er, que, si la montée en puissance des énergies renouvelables est nécessaire, la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires au-delà de quarante ans reste la meilleure solution sur les plans écologique, industriel et économique.

D’un point de vue environnemental, d'abord, ce n’est que par cette prolongation que nous pourrons mettre en œuvre une diversification du mix suffisamment progressive pour éviter l’écueil auquel sont aujourd'hui confrontés nos voisins allemands. À vouloir basculer brutalement du nucléaire vers le renouvelable, nous serions contraints de recourir à davantage de moyens thermiques et donc d’accroître d’autant nos émissions de gaz à effet de serre. À cet égard, la prolongation au-delà de quarante ans permettra de lisser l’effort sans risquer de dégrader, ne serait-ce que transitoirement, notre bilan carbone.

Sur le plan industriel, ensuite, cette extension est parfaitement réalisable en toute sûreté. Les deux parties non remplaçables d’une centrale que sont la cuve et l’enceinte de confinement sont capables de fonctionner au-delà de quarante ans et tous les autres composants peuvent être remplacés, y compris pour atteindre un niveau de sûreté comparable à celui des réacteurs de dernière génération, comme l’Autorité de sûreté nucléaire le demande.

D’un point de vue économique, enfin, cette prolongation est encore le moyen le plus compétitif de produire de l’électricité, même lorsqu’on intègre le coût du grand carénage. Au reste, ce sont plusieurs dizaines de milliards d’euros qui seront investis sur la durée dans tous nos territoires, créant ou préservant ainsi des dizaines de milliers d’emplois qualifiés et très localisés.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.

M. Michel Le Scouarnec. À l’occasion de l’examen de l’article 1er, je souhaite rappeler que le secteur de l’énergie est le bien commun de tous. J’espère que nos discussions nous permettront de réaffirmer qu’aucune transition énergétique ne sera possible sans que nos concitoyens puissent y jouer un rôle majeur. En effet, nous devons prendre collectivement conscience de l’état dans lequel se trouve le secteur public de l’énergie. Certes, celui-ci n’est pas encore complètement démantelé, comme peuvent l’être d’autres services publics, mais le risque est réel. Peut-être l’ouverture ou la libéralisation du marché fera-t-elle gagner quelques euros sur les factures de nos concitoyens, mais affaiblir le service public de l’énergie ne permet d’avoir aucune certitude sur l’avenir dans ce domaine.

Le projet de loi tend, entre autres dispositions, à développer l’éolien et l’hydroélectricité. C’est positif, tant que cette transition s’effectue dans le cadre du service public. Une transition énergétique ambitieuse ne peut se réaliser qu’en faveur du bien commun, et non sous le seul prisme de la concurrence comme unique solution pour une énergie moins chère. Échapper aux pratiques spéculatives et fixer un cadre juridique aux nouvelles filières industrielles de l’énergie sont des nécessités absolues.

Le cap que souhaitent tracer cet article et, au-delà, l’ensemble du projet de loi est louable, puisqu’il s’agit de développer les énergies renouvelables, de réduire les consommations et le gaspillage par l’essor de l’économie circulaire et, enfin, de faire adopter par le plus grand nombre des comportements éco-responsables. Consommer, se déplacer, se divertir, rénover ou construire autrement : autant de gestes qui comptent pour préserver la planète et ses habitants et pour construire un avenir durable pour tous. Cependant, tout cela ne pourra être réalisé sans un service public fort. Cela veut dire non pas « étatisation », mais « contrôle ». C’est à cette seule condition que l’on pourra parler d’avenir énergétique serein, maîtrisé et ambitieux.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l'article.

M. Didier Guillaume. Avant que nous ne commencions l’examen des amendements déposés sur l’article 1er, je voudrais revenir sur la genèse des événements.

Certains intervenants ont mis en cause l’honnêteté intellectuelle et même, parfois, les capacités de réflexion des membres de notre groupe, ainsi que du Président de la République et du Gouvernement.

Quand on fait de la politique, on prend des engagements et, quand on prend des engagements, on doit les respecter !

M. Ronan Dantec. Très bien !

M. Didier Guillaume. Celui qui respecte ses engagements ne saurait être critiqué !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Didier Guillaume. Le Président de la République a annoncé, lors de sa campagne électorale, et a répété, au travers du projet de loi présenté par Mme Royal, que notre mix énergétique devait évoluer et que la part du nucléaire devait baisser, en se donnant pour horizon l’année 2025. De grâce, ne mettez pas en cause l’honnêteté intellectuelle du chef de l’État ni celle des sénateurs socialistes !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Didier Guillaume. Comme Mme la ministre l’a indiqué sur plusieurs sujets, en prenant de la hauteur, lorsque l’on fixe des orientations, il faut aussi fixer un cap. En l’occurrence, le cap a été fixé.

Je me rappelle que, lors du Grenelle de l’environnement, il était interdit de parler du nucléaire, pour ne pas prendre le risque de fâcher certains… Et, de fait, le Grenelle n’a pas traité du nucléaire !

M. Roland Courteau. Tout à fait !

M. Didier Guillaume. Par ailleurs, nous avons essayé de discuter, et d'abord avec vous, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires économiques, notamment en séance. Nous avons également rencontré le président du Sénat et le président du groupe UMP. Je me permets de vous rappeler que c’est vous qui avez refusé les propositions de consensus que nous vous avions soumises dès la première lecture !

Bien évidemment, en commission mixte paritaire, le choc a eu lieu : les deux textes étaient très éloignés. J’entends que certains en font grief au président de la commission mixte paritaire. Je ne développerai pas ce sujet n’étant pas membre de la CMP. Je veux simplement dire ici que la volonté des sénateurs du groupe socialiste et républicain qui suivent ces questions est de continuer à affirmer nos convictions avec force. Ces convictions sont très simples : nous pensons, comme Mme la ministre, que le nucléaire est une filière d’avenir, qu’il permet de développer beaucoup d’emplois sans impacter le bilan carbone de notre pays, mais que, parallèlement, une évolution est absolument nécessaire. Nous ne pouvons en rester aux schémas des années soixante, soixante-dix ou quatre-vingt ! Nous détaillerons ces positions tout au long du débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. L'amendement n° 138, présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

« 1° A Réaffirme le besoin d’une maîtrise publique du secteur de l’énergie ;

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Avec cet amendement, nous souhaitons réaffirmer que la maîtrise publique du secteur de l’énergie doit être un élément incontournable de la politique énergétique et qu’elle doit, à ce titre, être inscrite dans le texte.

Il nous a été répondu, en première lecture, que l’État actionnaire détenait une part importante du capital des grandes entreprises du secteur – 84 % d’EDF, 36 % d’Engie, ex-GDF-Suez, et 87 % d’Areva – et que le présent projet de loi démontrait le maintien du rôle de stratège dévolu à l’État en matière de politique énergétique, en lui assignant des objectifs ambitieux et en renforçant les outils de pilotage et de gouvernance à sa disposition.

Dès lors, pourquoi ne pas mettre le droit en accord avec les faits ? Sans doute parce que, derrière la notion de « maîtrise publique », nous souhaitons, nous, inscrire dans la loi un impératif, à l’opposé de la récente cession d’actifs de l’État dans GDF, mais aussi des dispositions du projet de loi Macron facilitant les cessions d’actifs publics, et, surtout, parce que la maîtrise publique sous-entend une remise en cause du « tout-concurrence », qui ne fonctionne pas.

Ainsi, le Médiateur national de l’énergie dresse un bilan des plus nuancés : outre la multiplication des litiges avec les fournisseurs alternatifs, il souligne que, « si la concurrence devait apporter une baisse des prix, celle-ci est loin d’être au rendez-vous ». Et de continuer en rappelant que la facture a augmenté de « 33 % depuis 2007 pour un client au chauffage électrique » et de « 35 % pour un client avec un autre mode de chauffage ». Concernant les prix de l’électricité, ils sont, selon l’INSEE, restés dynamiques, avec une hausse de 5,7 % en 2014.

Pour toutes ces raisons, nous considérons aujourd’hui que la France a plus que jamais besoin d’un nouvel élan industriel et économique, lequel ne pourra évidemment se faire sans prise en compte de l’exigence écologique. C’est pourquoi nous considérons qu’il faut un secteur public de l’énergie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Mon cher collègue, de très nombreux amendements que vous avez déposés en nouvelle lecture, à l’instar de celui-ci, sont identiques au mot près, dans leur texte comme dans leur objet, à des amendements que vous aviez déposés en première lecture, en commission, puis en séance – conformément à votre droit le plus strict –, et représentés, en nouvelle lecture, en commission. À chaque fois, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, et le Gouvernement a fait de même lors de leur examen en séance en première lecture.

Bien entendu, la commission s’en tiendra à cet avis défavorable. Vous comprendrez donc que je sois assez bref à leur sujet dans la suite du débat.

Pour ce qui concerne le présent amendement, je veux simplement vous rappeler que l’énergie est et reste un secteur stratégique. C’est d'ailleurs pourquoi l’État actionnaire détient toujours aujourd’hui une part importante du capital des grandes entreprises du secteur énergétique – 84,49 % d’EDF, 36,7 % d’Engie et 87 % d’Areva –, comme je vous l’ai dit en première lecture.

En outre, le projet de loi démontre que l’État conserve son rôle de stratège en matière de politique énergétique, en fixant les grands objectifs et en renforçant les outils de pilotage et de gouvernance à sa disposition, qui font l’objet de la moitié des articles de ce texte. C'est la raison pour laquelle la commission a considéré que la maîtrise publique du secteur de l’énergie était plus que jamais effective et qu’il n’était pas utile de le repréciser une énième fois.

Je crains que la France ne meure quelque peu de la loi bavarde. Il en va des articles de loi comme des communes : notre pays compte autant de communes que l’ensemble de nos voisins européens et nos codes autant d’articles que l’ensemble des autres codes européens ! Nous sommes certes très bons – je n’irai pas jusqu’à dire les meilleurs –, nous sommes très productifs, mais nous sommes aussi un peu trop bavards. Répéter dans ce texte des choses déjà présentes dans d’autres textes n’est pas forcément utile. C'est la raison pour laquelle je me suis permis, cette fois un peu longuement, d’exprimer l’avis défavorable de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le sénateur, vous dites qu’il faut affirmer un principe de maîtrise publique du secteur de l’énergie. Il s’agit donc, en quelque sorte, de donner aux pouvoirs publics des outils de pilotage de la politique de l’énergie. Or c’est ce que nous faisons : le Parlement fait partie des pouvoirs publics. Nous sommes précisément en train de redonner aux pouvoirs publics la maîtrise de l’énergie.

Par ailleurs, plusieurs articles de ce texte de loi renforcent le principe de maîtrise publique : l’article 48, par exemple, prévoit la stratégie bas-carbone et l’article 49 la programmation pluriannuelle de l’énergie… C’est la première fois qu’un document de planification va regrouper l’ensemble des enjeux énergétiques.

Enfin, la maîtrise publique s’applique aussi par les tarifs réglementés de vente de l’électricité aux particuliers qui sont confortés par le projet de loi. Ce texte prévoit également les contrats de service public avec nos grands énergéticiens et les opérateurs de réseaux.

Sur le fond, votre demande me semble satisfaite, raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bosino. Oui, monsieur le rapporteur, nous avons redéposé un certain nombre d’amendements dont nous avons déjà débattu en première lecture !

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. C’est votre droit !

M. Jean-Pierre Bosino. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, nous souhaitons revenir sur un certain nombre d’aspects fondamentaux, au nombre desquels figure la question de la maîtrise publique d’un secteur public de l’énergie.

J’ai bien entendu vos arguments, mais, à l’instar de nos amendements, vos explications sont les mêmes. Nous sommes manifestement en désaccord total sur la notion de « secteur public de l’énergie ».

Madame la ministre, vous nous dites que notre amendement est satisfait par ce texte. Je ne partage pas ce point de vue : quand nous parlons d’une maîtrise publique d’un secteur public de l’énergie, nous faisons référence à la mise en place d’un certain nombre d’outils, à travers de grandes entreprises, comme ce fut le cas, par exemple, à la Libération. On pouvait alors véritablement parler d’une maîtrise publique du secteur de l’énergie. Aujourd’hui, même si l’État demeure majoritaire dans un certain nombre de ces entreprises, cette maîtrise est bradée, ce qui entraîne non seulement des hausses de tarifs pour nos concitoyens, mais aussi des pertes de compétence et de savoir-faire.

Il a beaucoup été question du nucléaire. Peut-être faudrait-il évoquer également ce qui est en train de se passer à Flamanville avec Areva.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 138.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 137, présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

1° Remplacer les mots :

au plan

par les mots :

aux plans national et

2° Après le mot :

international

insérer les mots :

, maintient des tarifs réglementés pour l'électricité et le gaz naturel

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Encore une fois, par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer le principe d’une fixation des prix de vente de la fourniture d’énergies par la puissance publique. Eh oui, nous insistons !

La libre concurrence, qualifiée de « logique » au sein d’un marché européen ouvert, ne peut être considérée comme une bonne chose ni pour les PME-PMI ni pour les collectivités locales, qui, elles aussi, vont quitter les tarifs réglementés.

Enfin, il nous a été dit que la disparition progressive, entre le 19 juin 2014 et le 1er janvier 2016, des tarifs réglementés de vente de gaz naturel et d’électricité pour les consommateurs professionnels est justifiée par la nécessité de nous conformer au droit européen et qu’il faudrait simplement en prendre acte. Nous pensons au contraire – l’actualité nous donne peut-être raison – qu’il faut résister à la manière de voir prônée au niveau européen.

La France peut proposer d’autres alternatives. Ce secteur est trop stratégique, tant pour les particuliers que pour les activités économiques, pour être placé sous la pression des marchés avec les risques inhérents aux fluctuations excessives des prix de ces énergies. Tel est le sens de cet amendement.

Par ailleurs, nous savons bien que la productivité s’accroît toujours au détriment de la sécurité et des salaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Le 1° de cet amendement a déjà été présenté en première lecture au Sénat et rejeté après les demandes de retrait de la commission et du Gouvernement, au motif que l’attractivité s’entend nécessairement par comparaison avec d’autres pays et donc nécessairement sur le plan international.

Le 2° de l’amendement avait également été présenté, mais d’une manière différente, en première lecture dans un autre amendement. Je vous ferai donc la même réponse : votre demande est satisfaite par le droit actuel et notamment les articles L. 337-4 et L. 445-1 du code de l’énergie.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Madame Didier, s’agissant des tarifs réglementés de vente aux particuliers, vous avez satisfaction. Ils sont même confortés par l’article 41 du projet de loi.

Il est vrai que le Gouvernement, tenu d’appliquer les décisions de la Commission européenne en la matière, a engagé la suppression progressive des tarifs réglementés de vente aux moyens et grands consommateurs dès le 31 décembre 2014 pour le gaz et à compter du 31 décembre 2015 pour l’électricité. Le retour sur expérience montre que cette suppression s’est faite dans l’intérêt du consommateur, les tarifs du gaz ayant baissé.

Par ailleurs, nous avons mis en place des mesures transitoires pour accompagner les acteurs dans ce changement. Les dispositions du titre VII, par exemple, permettent de maintenir et de renforcer la compétitivité des électro-intensifs. Nous avons mis en place un juste équilibre entre protection des consommateurs et compétitivité des entreprises.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je ne voterai pas cet amendement, dont la rédaction ne me convainc pas, mais il pose une véritable question sur l’évolution des prix.

Depuis le débat national et le début de l’examen du projet de loi, les choses ont beaucoup évolué. Je ne suis pas sûr que l’on ait pris la mesure de l’échéance de 2016.

Notre système est historiquement basé sur une péréquation forte et des tarifs extrêmement encadrés et maîtrisés. Je l’ai déjà dit – à la surprise de certains de mes camarades –, je suis pour un tarif maîtrisé, une péréquation nationale, une solidarité forte.

Pour le patron d’EDF, M. Lévy, le coût réel du nucléaire est de 55 euros. Or un certain nombre de prestataires arrivent sur le marché – je pense, par exemple, à Énergie Coop, entreprise venant du même monde idéologique que le mien – et annoncent qu’ils vont être moins cher. Pour ce faire, ils vont adosser leur offre à un certain nombre de productions renouvelables très maîtrisées.

Tout va aujourd’hui très vite. Notre système ne marche plus à un moment où la dimension européenne va prendre toute son importance : nous trouverons en Europe de l’électricité à un coût inférieur aux 55 euros dont parle M. Lévy. Le nucléaire, quoi qu’on en dise, n’est donc plus concurrentiel.

Par ailleurs, certaines entreprises commencent à proposer des solutions de stockage individuel. Les premières batteries Tesla arrivent sur le marché, tout comme Bolloré, qui s’appuie sur le photovoltaïque dont les coûts baissent très rapidement. Ceux qui auront les moyens d’investir vont donc peut-être choisir de sortir du réseau.

Le système évolue à une vitesse supersonique sans qu’on ait su l’anticiper. Nous devons mener une vraie réflexion pour maintenir la solidarité. Il ne faut pas que, demain, seuls les clients captifs modestes payent le réseau. Or cela peut très bien arriver d’ici à dix ans.

Je ne soutiens pas cet amendement en l’état, mais je reconnais qu’il s’agit là d’une véritable question. Je pense que la solidarité doit rester au cœur du système français, mais que ce dernier ne tiendra pas face aux évolutions en cours.

J’ajouterai enfin que l’une des raisons de la déstabilisation du système, c’est le nucléaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Le groupe socialiste a toujours été favorable aux tarifs réglementés et c’est la loi NOME, que nous n’avons pas votée, qui a prévu de les supprimer pour certains professionnels – je crois qu’il s’agit des sites supérieurs à 36 kVA de puissance souscrite.

Le Gouvernement a pris, dans ce projet de loi, un certain nombre de mesures particulièrement appréciables visant à conforter les tarifs réglementés, ce dont nous nous réjouissons. Ces tarifs ont été jusqu’à présent préservés pour les ménages. Cela étant dit, rien n’est jamais définitivement acquis et Bruxelles pourrait voir dans cette réglementation un obstacle à la libre concurrence. C'est la raison pour laquelle nous devons être vigilants.

Toujours est-il que les tarifs réglementés permettent de protéger les consommateurs contre les fluctuations du marché. À cet égard, je rappelle que le groupe socialiste avait déposé une proposition de loi visant au maintien des tarifs réglementés pour l’électricité et le gaz naturel. Les propos de Mme la ministre nous ont toutefois rassurés et confortés, raison pour laquelle nous ne voterons pas cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Un certain nombre d’interventions me conduisent à rappeler ce qu’il en est des tarifs réglementés.

Ces tarifs sont proposés depuis la nuit des temps – c’est-à-dire depuis la Libération – à tous les consommateurs. Il s’agit d’un prix fixé par le Gouvernement.

La loi du 10 février 2000 a ouvert les marchés aux gros consommateurs et aux industriels, les tarifs réglementés étant maintenus pour les professionnels et les particuliers.

En février 2002, un sommet important s’est tenu à Barcelone. Y ont participé le Président de la République et le Premier ministre de l’époque, Jacques Chirac et Lionel Jospin. Une déclaration commune a alors été adoptée par l’ensemble des participants annonçant une extinction progressive des tarifs réglementés, y compris pour les particuliers. Dès lors, la machine s’est mise en route.

M. Jean-Pierre Bosino. C’est bien ce que nous disons !

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Nous n’avons eu de cesse ensuite, les uns et les autres – plus les uns que les autres, c’est-à-dire les majorités de droite –, de ralentir, voire de modifier le cours des choses. Nous nous sommes notamment efforcés, Ladislas Poniatowski et moi-même, lorsque nous étions tous deux rapporteurs de la loi autorisant les petits consommateurs domestiques et non domestiques d’électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé, lui au Sénat et moi à l’Assemblée nationale, de protéger le consommateur.

Quelle est la situation aujourd’hui ? Ne faisons pas peur aux consommateurs : les tarifs réglementés ne vont pas disparaître pour les particuliers. Ceux qui disent le contraire n’ont aucun argument à faire valoir, ils ne se basent sur rien ! En revanche, les tarifs réglementés n’existeront plus pour les professionnels, lesquels vont être soumis à la loi du marché tant pour l'électricité que le gaz. Il serait faux de rendre la loi NOME responsable de cette situation, alors qu’elle n’a fait que transposer une directive du début des années 2000 s’appliquant à l’ensemble des États membres.

Rendons grâce et justice à ceux qui ont tout fait pour protéger le consommateur-particulier de la manière dont il l’est aujourd’hui.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 137.

(L'amendement n'est pas adopté.)

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Dossier législatif : projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
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