Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Vall, Requier et Hue, est ainsi libellé :

Alinéa 5, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Les médecins travaillent, agissent et délibèrent en fonction de leur code de déontologie, et non d’instructions extérieures. Dès lors, la dernière phrase de l’alinéa 5 – « Les médecins de l’office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. » – nous paraît superfétatoire et il convient donc de la supprimer.

Mme la présidente. L'amendement n° 73, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque l’avis du médecin est favorable, le préfet ne peut s’en écarter que pour des considérations autres que médicales.

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement de repli par rapport à notre amendement n° 74 vise à inscrire dans la loi le principe de la compétence liée de l’autorité administrative à l’égard de l’avis médical rendu dans le cadre d’une demande de titre de séjour pour soins.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur l’ensemble de ces amendements, la commission a émis un avis défavorable.

Les amendements nos 72 et 166 tendent à revenir sur le transfert de la compétence « étrangers malades » aux médecins de l’OFII. Or ces derniers sont les mieux à même d’exercer cette mission, car ils ont une expertise particulière en matière de santé des étrangers et sont présents sur tout le territoire.

L’indépendance des médecins de l’OFII ne peut pas être remise en cause, car ils obéissent aux règles déontologiques de leur profession et leur contrat de travail prévoit que leur hiérarchie administrative n’intervient pas dans leur expertise médicale.

Enfin, ces médecins remplissent déjà en toute indépendance une mission de santé publique en assurant la visite médicale des étrangers primo-arrivants.

La disposition que l’amendement n° 22 rectifié tend à supprimer a été insérée dans le texte pour assurer une certaine transition dans le transfert de la compétence « étrangers malades » des ARS vers l’OFII. Elle donne également des garanties aux opposants à ce transfert et ne remet pas en cause l’indépendance des médecins.

Les amendements nos 115 et 73 auraient pour conséquence de réduire le pouvoir d’appréciation du préfet, ce qui n’est pas souhaitable dans des dossiers aussi complexes que les procédures « étrangers malades ».

En effet, en pratique, les préfets suivent généralement l’avis médical, sauf en cas de fraude ou de menace à l’ordre public, comme l’a constaté le rapport de l’IGA et de l’IGAS de mars 2013 sur les étrangers malades. Lorsqu’ils concluent à un refus malgré un avis médical favorable, ils ne fondent pas leur décision sur des éléments médicaux.

J’ajoute que, lors du déplacement de la commission à Metz, nous avons pu constater que les préfets accordaient parfois des titres de séjour à des étrangers malades contre l’avis médical des ARS. Cet exemple montre bien qu’il convient de laisser aux préfets toute latitude pour apprécier les différents cas.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements nos 72 et 166, pour la raison suivante.

Nous avons demandé à l’IGA et à l’IGAS un rapport sur les conditions dans lesquelles étaient effectuées les visites médicales et dispensés les soins à destination des étrangers. Il a été constaté, à la faveur de ce rapport, que les conditions d’accès aux soins étaient différentes selon les zones et selon les ARS, ce qui posait un problème d’égalité d’accès aux soins des étrangers malades.

Nous voulions faire en sorte qu’il y ait un dispositif homogène, qui permette de prendre en compte, de façon identique sur l’ensemble du territoire, l’accès aux soins de ces personnes étrangères. Nous avons donc décidé de proposer le transfert de ce dispositif à l’OFII, de manière à garantir le principe d’égalité d’accès au service public.

Par ailleurs, l’OFII a une très bonne connaissance de ce que sont les situations sanitaires des différents pays de provenance et peut, de ce point de vue, apprécier plus exactement la situation des étrangers. C’est donc dans l’intérêt de ces derniers que cela a été fait.

Je comprends que ce choix gouvernemental puisse susciter un certain nombre d’interrogations, notamment dans le secteur associatif, dont les auteurs de ces amendements relaient les préoccupations. Que répondons-nous à ces interrogations ?

Premièrement, la déontologie est la même pour tous les médecins.

Deuxièmement, le travail effectué par les médecins de l’OFII se fait sur la base d’un cahier des charges, d’une grille d’intervention, sous le contrôle du ministère de la santé.

Troisièmement, aucun médecin de l’OFII ne reçoit jamais, de la part du ministère de l’intérieur ou de sa hiérarchie, d’instruction qui le conduirait à exercer sa profession en fonction de considérations autres que sanitaires. Je veux donc rassurer, aussi de ce point de vue, les auteurs de ces amendements.

S’agissant de l’amendement n° 22 rectifié, monsieur Collombat, si nous avons fait figurer dans le texte la précision que vous jugez inutile, c’est non dans un quelconque esprit de suspicion, mais parce que certaines interrogations justifiaient que nous levions toute ambiguïté.

La loi est aussi là pour répondre aux questions et figer un certain nombre de principes qui présideront au déploiement du service public. J’ai d’ailleurs accepté à l’Assemblée nationale un amendement tendant à préciser encore les dispositions du texte. Si je devais revenir aujourd’hui sur cette précision supplémentaire, je donnerais le sentiment que l’acceptation dudit amendement était de pure forme et que cet avis du Gouvernement tenait plus à l’opportunité qu’à la sincérité.

Je vous demande donc, monsieur Collombat, de bien vouloir retirer votre amendement.

Avec l’amendement n° 115, vous souhaitez, monsieur Kaltenbach, que le préfet ait une compétence liée. Pour ma part, je ne le souhaite pas, car les considérants sur la base desquels le préfet prend sa décision ne sont pas exclusivement de santé publique. Il peut y avoir d’autres éléments susceptibles de conduire le préfet à prendre une autre décision que celle que lui propose l’OFII.

Cela relève du pouvoir d’appréciation du préfet, lequel ne peut être, en droit, un pouvoir à compétence liée ; le Conseil d’État s’est d’ailleurs prononcé à plusieurs reprises sur ce sujet.

Je vous demande donc également, monsieur Kaltenbach, de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. Monsieur Kaltenbach, l’amendement n° 115 est-il maintenu ?

M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement tend à prévoir une compétence liée du préfet lorsque le collège de médecins conclut à l’impossibilité de l’éloignement de l’étranger en raison de son état de santé. Le préfet ne pourrait alors passer outre cet avis, sauf en cas de menace pour l’ordre public ou de fraude.

Bien évidemment, dans le cas où le collège de médecins conclut à la bonne santé de l’étranger et où le préfet préfère que celui-ci reste sur le territoire, le préfet a toujours la possibilité de délivrer un titre de séjour, pour d’autres motifs que médicaux.

Cet amendement tend à bien préciser les choses. Dès lors que l’on fait appel à des médecins pour donner un avis sur l’état de santé d’une personne, il me semble dangereux d’éloigner ensuite ladite personne pour des raisons autres que la menace à l’ordre public ou la fraude. Je ne suis pas certain qu’il soit judicieux de donner ce pouvoir au préfet.

Je suis donc enclin à maintenir mon amendement, dont la rédaction permet de répondre à l’argumentaire du rapporteur sur ce sujet.

Mme la présidente. Monsieur Collombat, l’amendement n° 22 rectifié est-il maintenu ?

M. Pierre-Yves Collombat. Non, madame la présidente, et je le retire d’autant plus volontiers que, si j’ai bien compris, il est satisfait.

Apparemment, il faut voir une garantie dans le fait que, selon la phrase visée, les médecins de l’OFII accomplissent leur mission dans le respect des orientations fixées par le ministre de la santé, et non pas selon des instructions du ministre de l’intérieur… On avouera qu’on peut être plus clair ! C’est pourquoi je continue de penser que, malgré tout, il aurait été préférable de ne pas faire figurer cette phrase.

Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 166.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 115.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Article 10
Dossier législatif : projet de loi relatif au droit des étrangers en France
Article 10 bis (interruption de la discussion)

Article 10 bis

L’article L. 311-12 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « à l’un des parents étrangers de l’étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l’article L. 313-11, sous réserve qu’il justifie » sont remplacés par les mots : « aux parents étrangers de l’étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l’article L. 313-11, ou à l’étranger titulaire d’un jugement lui ayant conféré l’exercice de l’autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu’ils justifient » ;

2° Les deux dernières phrases du second alinéa sont ainsi rédigées :

« Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l’étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. »

Mme la présidente. L’amendement n° 190, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

premier alinéa,

insérer les mots :

les mots : « sa présence » sont remplacés par les mots : « leur présence » et

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 190.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 105 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Laborde et M. Requier.

L’amendement n° 131 est présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel, Cartron et Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Après le mot :

alinéa,

insérer les mots :

les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » et

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 105 rectifié.

Mme Françoise Laborde. L’autorisation provisoire de séjour, ou APS, pour les parents de mineurs malades a été créée par un amendement de notre collègue Hugues Portelli en 2006. Il s’agissait « de donner un fondement législatif à une pratique issue de circulaires du ministère de l’intérieur qui consiste à admettre au séjour, à titre humanitaire, un des parents d’un mineur étranger malade ».

D’une durée de six mois, cette APS peut être délivrée par le préfet après avis de l’ARS.

L’Assemblée nationale a opportunément assoupli la rédaction du dispositif concerné en prévoyant une délivrance de plein droit, afin de le sécuriser.

Elle a également étendu le périmètre des bénéficiaires de cette APS en ajoutant les étrangers titulaires d’un jugement leur conférant l’exercice de l’autorité parentale sur le mineur malade – tuteur ou délégataire de l’autorité parentale – ainsi que le deuxième parent, le droit en vigueur ne prévoyant la délivrance de l’APS qu’à un seul parent. Cet élargissement du dispositif doit conduire à délivrer 1 000 APS supplémentaires chaque année, ce qui est un chiffre ridiculement bas.

Nous ne comprenons pas la modification de la commission des lois, qui manifeste une méfiance disproportionnée à l’égard de ce dispositif. La simplification introduite par l’Assemblée nationale est souhaitable en ce qu’elle prend en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, qui doit a fortiori prévaloir lorsque celui-ci est malade et qui commande de garantir dans la durée le séjour des parents.

Nous proposerons d’ailleurs, par l’amendement n°33 rectifié, qui viendra ultérieurement et que je présente d’ores et déjà, d’aller plus loin dans la simplification du droit des étrangers, en prévoyant d’accorder cette autorisation provisoire de séjour pour la durée des soins.

Le Défenseur des droits a en effet indiqué qu’il était régulièrement saisi par des parents d’enfants malades qui, en raison des durées extrêmement brèves des autorisations qui leur sont délivrées, sont contraints à des démarches longues et répétitives en préfecture.

Il apparaît de bon sens de caler la durée de ces APS sur celle des soins, comme cela a été fait par le projet de loi concernant les cartes de séjour pluriannuelles pour les étrangers malades.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour présenter l'amendement n° 131.

M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement vise à sécuriser la situation des parents étrangers d’enfants malades.

L’article 10 bis tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale modifie l’article L. 313-12 du CESEDA de telle sorte que le parent étranger qui accompagne un enfant malade bénéficie de plein droit d’une autorisation provisoire de séjour, renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge de l’enfant et permettant à son bénéficiaire de travailler, de manière à garantir la stabilité de son séjour.

Afin de respecter le droit au respect de la vie familiale et l’intérêt supérieur de l’enfant tel qu’il est garanti par les dispositions de la convention internationale relative aux droits de l’enfant, il est précisé que cette autorisation provisoire de séjour est délivrée aux deux parents, ainsi qu’à l’étranger titulaire d’un jugement lui ayant conféré l’exercice de l’autorité parentale sur cet enfant mineur.

La commission a souhaité supprimer le caractère de plein droit de la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour. Une réserve d’ordre public étant posée dans l’article, la position de la commission ne nous paraît pas justifiée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis est défavorable pour les raisons que nous avons déjà exposées : nous contestons le principe d’une délivrance de plein droit du titre de séjour ; comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, nous voulons à tout prix que le préfet conserve une liberté d’appréciation.

Je rappelle que l’article 10 bis du projet de loi conforte, à juste raison, l’autorisation de séjour créée par le Sénat en 2006 pour les parents d’enfants malades. L’autorisation provisoire serait ainsi délivrée aux deux parents, contre un seul actuellement, et donnerait droit à l’exercice d’une activité professionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ces amendements identiques visent à rétablir la délivrance de plein droit de l’autorisation provisoire de séjour aux parents d’enfants malades en vue de sécuriser la situation des parents, et ce dans l’intérêt même de l’enfant malade.

Le Gouvernement partage totalement ce souci de sécuriser le droit au séjour du parent de l’enfant mineur malade accueilli en France pour y recevoir des soins et regrette que cette disposition ait été supprimée par la commission des affaires sociales du Sénat.

L’attribution d’une autorisation provisoire de séjour – car il s’agit bien d’une autorisation provisoire – aux deux parents correspond au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant tel qu’il est garanti par les dispositions de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant.

J’ajoute que ces amendements identiques n’entament en rien le pouvoir d’appréciation du préfet : il lui revient de s’assurer, après avoir reçu l’avis médical émis sur l’état de santé de l’enfant, que l’étranger satisfait aux autres conditions énoncées à l’article L. 311-12 du CESEDA, notamment celles qui sont relatives à la résidence et à l’entretien habituel de l’enfant.

Franchement – je le dis sans aucun esprit polémique, mais avec conviction –, si la France n’est pas capable de réserver aux parents d’enfants étrangers malades qui ne peuvent pas bénéficier de soins ailleurs que dans notre pays un titre de séjour provisoire pour qu’ils puissent l’accompagner pendant la durée des soins, alors la France n’est plus la France !

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir voter ces amendements, qui renvoient à la tradition et aux valeurs de notre pays, et qui ne présentent aucun risque en termes de maîtrise des flux migratoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, il faut rappeler le droit en vigueur, qui prévoit l’attribution d’un titre de séjour aux parents d’enfants malades sous certaines conditions. Notre débat est circonscrit au point de savoir si nous devons écrire que le titre de séjour « peut être délivré » ou « est délivré », c'est-à-dire délivré obligatoirement.

J’aimerais savoir si, dans l’application que vos prédécesseurs ont faite et vous-même faites des dispositions actuelles de l’article L. 311-12, vous avez déjà refusé des titres de séjour à des parents d’enfants malades remplissant les conditions prévues par cet article.

Selon la réponse que vous nous ferez, nous saurons s’il est utile ou non accepter les amendements qui nous sont proposés. Si vous nous dites que vos préfets n’ont jamais refusé de titre de séjour, alors, je ne vois pas pourquoi nous ferions évoluer une législation qui donne à l’administration un pouvoir d’appréciation, pouvoir que vous avez vous-même revendiqué comme nécessaire en demandant le rejet de précédents amendements.

Telle est la question que je souhaitais poser avant que l’on passe au vote.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Effectivement, j’ai demandé que soit préservé le pouvoir d’appréciation du préfet, mais c’était à propos de mesures de police administrative relatives à des individus ayant commis des actes en infraction avec les valeurs de la République et avec notre droit. Si je ne l’avais pas fait, je n’aurais pas été dans mon rôle et je n’aurais pas fait preuve de responsabilité compte tenu des risques auquel notre pays est confronté.

En l’espèce, il ne s’agit pas de cela. Il s’agit non de conserver un pouvoir discrétionnaire face à un risque, mais de dire que notre pays doit accueillir les parents d’enfants qui ne peuvent être soignés ailleurs.

Je suis assez fier que, dans la loi de notre pays, il soit inscrit que celui-ci entend absolument, et sans y renoncer jamais, assumer ses responsabilités humanitaires lorsqu’il s’agit de permettre à des parents d’enfants malades d’accompagner leurs enfants, dès lors que ceux-ci ne peuvent bénéficier de soins ailleurs.

Oui, je pense qu’il est bon d’affirmer dans la loi française que notre pays n’entend pas déroger aux principes auxquels il s’est toujours conformé dans l’histoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, j’ai dû m’exprimer de manière obscure : je voulais simplement savoir si, avec les dispositions actuelles de l’article L. 311-12 qui permettent d’attribuer un titre de séjour aux parents d’enfants étrangers malades, il était arrivé que des préfets de la République n’accomplissent pas le devoir d’humanité que vous défendez à juste titre et que nous défendons également.

Nous le défendons d’autant plus que les dispositions de l’article L. 311-12 ont été introduites par le Sénat, sur l’initiative de notre collègue Hugues Portelli.

M. Jean-Yves Leconte. Alors, votez les amendements, ce sera plus clair !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui ou non, est-il nécessaire de changer la loi ?

Une modification de la loi est indispensable s’il arrive que les préfets de la République n’accordent pas de titres de séjour aux parents d’enfants étrangers malades ; en revanche, il n’est nul besoin de la changer si les préfets accordent généralement un titre de séjour.

M. Philippe Kaltenbach. Arrêtez ces arguties !

Mme Esther Benbassa. C’est de la casuistique !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il n’y a pas ici, d’un côté, ceux qui sont inspirés par des motifs d’humanité très nobles et, de l’autre, ceux qui ne le seraient pas. Nous sommes tous guidés par les mêmes motifs d’humanité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. J’ai l’impression que nous assistons à un dialogue de sourds entre le ministre de l’intérieur et le président de la commission des lois !

M. Bas a raison de réitérer sa question puisqu’il n’a pas eu de réponse. La seule réponse qu’il a obtenue de la part du ministre, c'est que, pour des raisons humanitaires, il y a lieu de permettre à des parents de venir auprès de leur enfant. Nous ne le contestons pas, nous partageons même ce point de vue, mais nous souhaitons simplement ne pas en faire un droit automatique : l’autorisation doit pouvoir n’être accordée qu’après analyse du dossier par l’autorité administrative. Il ne faut pas faire à la commission le procès d’avoir pris l’initiative de vouloir remplacer le mot « est » par « peut être » !

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous être sûr à 100 % que les parents qui accompagneront l’enfant malade ne présenteront aucun risque ? Par les temps qui courent, nous avons été suffisamment échaudés pour mieux prendre quelques précautions ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Chers collègues de la majorité sénatoriale, l’argument du président de la commission des lois est réversible : si les cas où le préfet refuse d’accorder un titre de séjour sont peu nombreux, autant mettre le droit en conformité avec la pratique. Du reste, comme M. le ministre l’a fort justement rappelé, la règle dans notre République veut que, a priori, on accueille les parents d’enfants malades qui ne peuvent être soignés ailleurs. Par conséquent, autant l’inscrire dans la loi.

Cela pose d’autant moins de problèmes qu’il est toujours possible de ne pas appliquer ce principe si l’intérêt national est en cause, ainsi que M. le ministre l’a expliqué.

Mais la règle doit être celle que j’ai indiquée. Dès lors que la pratique, d’après M. Philippe Bas, va plutôt dans ce sens, faisons en sorte que la loi française soit cohérente avec les principes de notre pays plutôt que timorée. Il ne s’agit, en fin de compte, que d’appliquer ce qu’on peut considérer comme des « droits de l’homme de base » et de se conformer notamment à la convention internationale relative aux droits de l’enfant.

M. Daniel Raoul. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, nous avons exactement le même débat que celui qui nous a occupés cet après-midi à propos de l’expression « de plein droit ». Le texte était extrêmement clair, mais la commission ne voulait pas que soit inscrite cette expression.

Ici, nous sommes tous d’accord pour que, dans le cas d’enfants malades, le droit applicable aux parents qui souhaitent l’accompagner soit clair, net et précis. Alors, pourquoi s’obliger à une sorte de restriction mentale perpétuelle en vertu de laquelle on fonderait un droit sans vraiment l’énoncer, en le diminuant ou en créant une incertitude ?

Il y a là quelque chose de singulier qui traduit, selon moi, un malaise de la part de ceux qui ne peuvent pas nous expliquer qu’il ne s’agit pas de fonder un droit clair, net et précis et qui trouvent une sorte de subterfuge stylistique sans aucun début de commencement de fondement…

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Puisque nous sommes tous d’accord, retenons la formulation la moins ambiguë ou celle qui prête le moins à interprétation !

Si l’on faisait une sorte d’étude sociologique de notre assemblée, on verrait que c'est davantage ce genre de partie de plaisir que les deux minutes et demie ou les trois minutes de discussion d’un amendement qui nous fait perdre du temps !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je voudrais faire part de la confusion dans laquelle je me trouve.

Je considère que les enfants malades qui ne peuvent être soignés dans leur pays doivent être accompagnés par leurs parents.

Je m’adresse donc au président de la commission des lois : les préfets ont-ils, dans ce cas-là, le droit d’autoriser les parents à venir ?

M. Alain Vasselle. Mais oui !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui, monsieur Chasseing, l’article L. 311-12 prévoit expressément que les parents peuvent se voir accorder un titre de séjour s’ils remplissent les conditions fixées par cet article.

Tout notre débat porte sur la question de savoir si nous devons écrire qu’ils « peuvent » ou qu’ils « doivent » obtenir ce titre de séjour.

J’ai demandé tout à l’heure au ministre de nous dire quelle était la pratique des préfets : arrive-t-il que, sous son autorité de ministre de l’intérieur, des préfets refusent des titres de séjour à des parents d’enfants étrangers malades en France ? Si le ministre nous répond que les instructions qu’il a données sont très fermes à cet égard et que la pratique des préfets de la République n’est jamais de refuser des titres de séjour, dès lors, je ne vois pas l’utilité de notre débat ni du changement de la loi. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

Telle est la question qui est au cœur de nos échanges.