M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas dire que le fait d’investir humainement dans la formation de 500 000 demandeurs d’emploi soit une recette libérale.

M. Didier Guillaume. Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Au moment où l’on constate une reprise de l’activité économique et où l’on peut dire que la croissance sera meilleure en 2016 qu’elle ne l’a été en 2015 (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), alors que le Président de la République a annoncé la semaine dernière 3 milliards d’euros d’investissements publics, notamment dans la rénovation thermique, l’investissement humain en direction de ces personnes, pour qu’elles ne restent pas au bord du chemin en retrouvant un emploi, est un élément déterminant pour notre pays. Former des demandeurs d’emploi, c’est également bon pour la compétitivité de notre économie.

Nous sommes actuellement en train de parler du compte personnel d’activité, qui est une mesure de progrès social.

M. Didier Guillaume. C’est une grande avancée sociale !

Mme Myriam El Khomri, ministre. En effet, aujourd’hui, on n’entre plus dans une entreprise à l’âge de dix-huit ans pour en sortir à soixante ans. Notre expérience professionnelle sera constituée de ruptures. L’enjeu est aussi d’attacher les droits, non pas seulement aux statuts, mais aux personnes. C’est aussi cela construire un nouveau modèle social : le statu quo n’est plus possible dans notre pays.

L’enjeu n’est pas d’idéaliser le passé, c’est d’être capables, tous ensemble, de construire l’avenir.

M. Thierry Foucaud. C’est de la tricherie !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Quand nous prévoyons d’accompagner les demandeurs d’emploi en vue de la création d’entreprises, c’est une chance pour eux, car nous savons que le taux de fragilité, derrière, sera bien moindre.

Les mesures qui ont été prises, à savoir le pacte de responsabilité, le CICE, ne sont pas des cadeaux aux entreprises,…

M. Luc Carvounas. C’est vrai !

Mme Myriam El Khomri, ministre. … mais un moyen de mettre en œuvre un écosystème.

La loi « Travail » que je porterai visera justement à introduire plus de négociation collective, car je crois au dialogue social et à la force des syndicats pour nouer des compromis au niveau des entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Bosino. Madame la ministre, vous ne nous ferez pas dire que l’investissement dans l’humain ne nous intéresse pas. Il ne s’agit pas de cela. Votre plan ne bénéficiera ni aux salariés ni aux chômeurs : il répond à un certain nombre d’exigences du patronat et de l’actionnariat.

Un sondage vient de paraître aujourd’hui même, selon lequel les Français ne sont pas dupes : 75 % d’entre eux estiment que votre politique ne sert pas les intérêts des travailleurs.

M. le président. Il vous faut conclure !

M. Jean-Pierre Bosino. Il est grand temps de mettre en œuvre les promesses qui ont été faites en 2012 par François Hollande. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

grippe aviaire

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Louis Carrère. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

La France est en présence d’une épizootie d’influenza aviaire. Cette dernière ne concerne que les oiseaux, mais elle frappe dix-huit départements métropolitains, dont les cinq départements d’Aquitaine.

Pour éviter que le virus ne subsiste et ne se réactive à l’avenir, nous devons organiser un dépeuplement complet de la zone touchée. L’objectif est l’absence totale de palmipèdes dans ce territoire pendant au moins un mois. C’est là l’approche pratiquée dans tous les pays où des cas d’influenza aviaire ont été constatés.

M. Bruno Sido. Elle est salutaire !

M. Jean-Louis Carrère. Ce dépeuplement doit être opéré dans le respect du rythme des oiseaux. Les trois quarts de la production de canards IGP du sud-ouest sont concernés. Rendez-vous compte, mes chers collègues : en volume, cela représente 28 millions d’animaux, dont tous les effectifs du département dont je suis l’élu !

La profession s’oppose à l’euthanasie immédiate des volailles présentes dans cette zone. Elle préfère des mesures de dépeuplement, pour que les animaux terminent leur cycle à leur rythme. Elle semble avoir été entendue.

En outre, les risques de pertes ou de manque à gagner se situeraient, pour la filière, entre 250 et 400 millions d’euros.

Monsieur le ministre, à cet égard plusieurs problèmes subsistent. Je vous les communique en style télégraphique :…

M. Bruno Sido. De fait, il ne vous reste que vingt secondes !

M. Jean-Louis Carrère. … les prises en charge par l’État, les aides de minimis – quelle sera la règle en la matière ? – ou encore l’absence certaine de compensation des pertes par les marchés.

L’agriculture est une part essentielle de notre ADN. Elle témoigne de notre exemplarité et de notre excellence. Aidez-nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous évoquez l’épizootie dite « influenza aviaire ». Il n’est jamais facile de répondre à une question comme celle que vous posez : faut-il prendre des décisions qui ont de lourdes conséquences ou bien faut-il les différer, au risque que ces conséquences se révèlent encore plus lourdes pour l’ensemble de la filière ?

Au lieu d’abattre les animaux des élevages actuels, j’ai effectivement choisi de mettre en œuvre un processus inédit en France, consistant à faire un vide sanitaire au fur et à mesure que les bandes mises en production atteindront leur issue. Ce vide sanitaire commencera début avril. Suivront des mesures de biosécurité assurant l’éradication du virus. Le but est de permettre la reprise de la production dès la fin du premier semestre de 2016. Ainsi, cette filière pourra repartir sur des bases saines.

Vous l’avez rappelé, à juste titre, le virus est là, et il peut muter. Nous ne pouvions pas prendre ce risque. Il fallait donc agir. Dès lors, vous l’avez parfaitement souligné, il faut tenir compte des conséquences économiques.

Le commissaire européen à la santé l’a annoncé la semaine dernière : l’Europe soutient le plan élaboré par la France, et elle sera à ses côtés pour apporter les aides dont auront besoin tous les producteurs, petits, moyens et grands. J’insiste sur ce point : j’ai cru entendre parler de discrimination. Ce n’est absolument pas le cas !

L’interruption de la production va logiquement entraîner celle des abattages. Il va falloir trouver des solutions pour faire face à cette situation. Mme El Khomri et moi-même avons déjà ouvert la possibilité du chômage partiel pour les employés de ces abattoirs. Ces derniers seront en outre inclus dans le plan d’aide, destiné à faire face à la perte de revenus causée par ce vide sanitaire.

La semaine prochaine, je rencontrerai les représentants de tous les professionnels de la filière pour parachever avec eux l’ensemble de ce plan d’aide.

Monsieur le sénateur, aujourd’hui même, l’Assemblée nationale débat de la question du gavage, en présence de grandes vedettes venues d’outre-Atlantique. Je connais de surcroît la position d’un certain nombre de sénatrices sur ce sujet. Je suis là pour défendre la filière avicole, et je tiens à préciser que je vous réponds en tant que ministre de l’agriculture ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

lenteur du processus parlementaire

M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Pillet. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.

En présentant ses vœux aux corps constitués, le Président de la République a évoqué le problème de la lenteur législative. Certes, chacun doit prendre ses responsabilités. Mais, comme notre collègue Philippe Bas l’a fait observer dans une lettre adressée au chef de l’État, quelques éclaircissements s’imposent sur ce point.

Nous sommes soumis par l’actuel gouvernement à une inflation législative qui nous paraît sans précédent. On nous somme de nous exprimer sur des textes dont la surcharge et la complexité dénoncent la précipitation dans laquelle ils ont été imaginés. Ce fut le cas, par exemple, de la loi de transition énergétique, avec ses 215 articles.

Outre l’inflation législative engendrée par ses initiatives, le Gouvernement engage presque systématiquement la procédure accélérée, qui, paradoxalement, participe de la lenteur législative, dans la mesure où elle laisse parfois s’écouler plus de six mois de délai entre l’examen des textes par les deux assemblées du Parlement. Ce fut le cas de la fameuse loi dite « Macron », qui, nonobstant l’article 49-3 de la Constitution, a occupé toute une année de débats. Le texte, présentant à l’origine 106 articles, en comptait finalement 300.

La lenteur législative vient également du fait que les textes de loi pléthoriques impliquent des décrets d’application pléthoriques. Là encore, les délais dépassent la logique politique. Pour ce qui concerne cette même loi dite « Macron », une très large part des quatre-vingt-quatre décrets d’application est encore en attente de publication.

Monsieur le secrétaire d’État, afin que les parlementaires puissent soutenir au mieux une action gouvernementale qui s’inscrit de plus en plus dans l’urgence, ne croyez-vous pas que des textes plus réfléchis, donc plus aboutis, seraient de nature à accélérer considérablement cet itinéraire législatif ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Bien entendu, nous sommes tous concernés par la réflexion actuelle portant sur l’efficacité des politiques publiques, notamment sur la capacité de notre pays à légiférer dans les meilleures conditions et de manière plus réactive. J’en veux pour preuve le fait que les deux assemblées du Parlement se sont penchées sur ces questions et ont adopté, à ce titre, un certain nombre de mesures. Je tiens à saluer les mesures suggérées par M. le président du Sénat, par exemple pour assurer l’application de l’article 41 de la Constitution, qui n’a jamais été véritablement mis en œuvre. De telles dispositions sont effectivement de nature à alléger le travail parlementaire.

En veillant à ne réduire en rien la qualité du travail parlementaire, nous devons continuer à réfléchir au temps de l’action, même si les résultats que nous avons obtenus en termes de production législative au cours des deux dernières années se révèlent satisfaisants : la plupart des textes de loi ont été adoptés en moins de 150 jours. Cependant, d’autres textes prennent plus de 300 jours, ce qui pose question. À l’opposé, la loi prorogeant l’application de la loi relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions a été adoptée en quelques jours seulement, ce qui était normal compte tenu des attentes de nos concitoyens.

Vous noterez avec moi, monsieur le sénateur, qu’un certain nombre de modes de fonctionnement de nos assemblées ne correspondent plus véritablement à une nécessité, voire peuvent aboutir à une forme d’usure du travail parlementaire. Malgré la révision constitutionnelle de 2008, une redondance persiste entre les travaux en commission et en séance plénière. En résultent de nombreux inconvénients, non seulement pour ce qui concerne le temps que les uns et les autres consacrent à ces discussions, mais aussi pour la qualité et la spontanéité du débat. Cette solennité répétitive n’est pas positive.

Nous devons, ensemble, continuer à réfléchir. C’est ce à quoi nous a invités le Président de la République, tout en fixant un certain nombre de sauvegardes, pour l’intensité de l’action de réforme dans ce pays !

M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour la réplique.

M. François Pillet. Sans vouloir faire polémique, je constate que, lorsqu’on compare, d’un côté, la durée d’examen des projets de loi et, de l’autre, la durée d’élaboration des ordonnances et des décrets d’application, le résultat est toujours à l’avantage du Parlement.

J’ajoute que les réformes dites « sociétales », qui ont largement occupé la première moitié du quinquennat du Président de la République, ont toutes connu une application presque immédiate, alors que les dispositions d’ordre économique sont encore un peu à la traîne… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

emploi

M. le président. La parole est à M. Claude Nougein, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Claude Nougein. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La bonne nouvelle est arrivée : le chômage est tombé à 6 %, atteignant son taux le plus bas depuis vingt-cinq ans !

Ne rêvez pas mes chers collègues, il s’agit de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Dans le même temps, l’Espagne amorce une décrue. Mais la France est l’un des seuls pays d’Europe où le chômage progresse. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous récoltons ce que ce gouvernement a semé.

M. Claude Nougein. Selon l’OCDE, nos recettes fiscales atteignent désormais 45 % du PIB, soit 10 points de plus que la moyenne des pays riches. La France est vice-championne du monde en matière d’impôts. Est-ce un hasard ? J’en doute, car la folie fiscale de 2012, frappant les entreprises et les ménages, a totalement paralysé l’économie française.

Par des artifices coûteux, via des emplois publics financés à crédit, la courbe du chômage va probablement s’inverser en 2016. J’ai confiance en l’habileté politique du Président de la République – nous avons été, de nombreuses années durant, élus du même département… Mais, hélas, son habileté ne résoudra rien à long terme.

Pourquoi investir en France, choisir de construire une usine en France quand le taux d’impôt sur les sociétés y est de 33 %, contre 25 % en moyenne en Europe ? Quand le taux d’impôt sur les revenus des capitaux, agrémenté de la CSG, est le plus élevé d’Europe ? Quand l’ISF, prélèvement unique au monde visant les capitaux des actionnaires non dirigeants d’entreprises familiales, pousse chaque jour à vendre nos entreprises à des groupes étrangers ? Quand l’interprétation du code du travail est plus aléatoire encore que le code du travail lui-même ?

M. Simon Sutour. C’est laborieux…

M. Claude Nougein. Les mesures annoncées hier matin par le Président de la République ne sont que des demi-mesures qui continuent de contourner la réalité.

Monsieur le Premier ministre, il est urgent d’agir. Aussi, ma question est précise : quand prendrez-vous des mesures structurelles…

M. Didier Guillaume. Vous allez voir !

M. Claude Nougein. … identiques à celles que mettent en œuvre les autres pays européens, pour que la France soit à armes égales avec ses voisins et qu’elle revienne dans le peloton de tête des économies mondiales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, vous évoquez essentiellement la question de la fiscalité. À cet égard, il est bon de rappeler un certain nombre de réalités.

Certains s’en plaignent, d’autres la jugent insuffisante, mais la baisse de la pression fiscale et sociale exercée sur les entreprises est bel et bien une réalité pour ce gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Même si certains le critiquent, le CICE assure une réduction de l’imposition des entreprises de l’ordre de 18 milliards d’euros par an.

Dans le cadre du pacte de responsabilité, par une première tranche en 2015, puis par une seconde en 2016, le Gouvernement garantira une réduction des contributions sociales des employeurs de l’ordre de 7 milliards d’euros.

Nous avons allégé les cotisations sociales des travailleurs indépendants de 1 milliard d’euros. Nous avons mis fin à la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises, créée d’ailleurs, sauf erreur de ma part, par M. Fillon, pour un montant d’environ 2,5 milliards d’euros. Nous avons modifié les seuils applicables aux PME pour l’application d’un certain nombre de contributions pour plusieurs centaines de millions d’euros. Nous avons allégé l’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui investissent par le suramortissement, pour environ 500 millions d’euros par an.

M. Jean-Pierre Bosino. Et pour quel résultat !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Alors ça suffit ! Ça suffit d’affirmer que ce gouvernement écraserait les entreprises d’impôts ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Je pèse mes mots : en faveur des entreprises, ce gouvernement a engagé une réduction d’impôts inégalée depuis une décennie. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Didier Guillaume. Exactement !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, si j’ai bien compté, il vous reste une vingtaine de secondes pour nous décrire les mesures structurelles que vous souhaitez présenter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Nougein, pour la réplique.

M. Claude Nougein. Aucun des pays où l’on constate une importante baisse du chômage n’a créé un dispositif équivalent au CICE. Aucun d’eux n’a pris les mesures que ce gouvernement a adoptées. Ces États ont tous appliqué la même méthode : ils ont tout simplement allégé les contraintes pesant sur les entreprises et réduit l’impôt sur les sociétés ! (C’est fini ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Louis Carrère. Le temps de parole est épuisé !

M. François Marc. Et où sont les mesures structurelles ?

M. Claude Nougein. Cela suffit ! Il ne faut pas inventer n’importe quoi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

rentrée scolaire en guadeloupe et martinique

M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Jacques Cornano. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Madame la ministre, dans votre présentation de la répartition des 6 639 postes d’enseignants pour la rentrée scolaire 2016, vous annonciez « un effort sans précédent au service de tous les élèves ». Vous affirmiez également que « tous les territoires » bénéficieraient de « marges de manœuvre exceptionnelles ». Or nous déplorons qu’aucun poste ne soit créé dans l’académie de la Guadeloupe dans le premier degré et que trente-cinq soient supprimés dans le second degré.

Cette situation est tout à fait incompréhensible eu égard au contexte. La Guadeloupe accuse en effet un taux d’illettrisme dépassant les 25 %, alors que, chaque année, plus de 1 000 élèves se trouvent en décrochage scolaire et quittent le système éducatif sans diplôme. À cela s’ajoute une situation socio-économique catastrophique, avec un taux de chômage qui dépasse 65 % chez les jeunes de moins de vingt-cinq ans.

Vous n’avez pas tenu compte du contexte archipélagique, qui requiert pourtant un contrat d’objectifs spécifique, prenant en compte les caractéristiques sociales et territoriales. Dès lors, vous comprendrez notre malaise. Les syndicats enseignants et les parents d’élèves nous ont fait part de leur profonde inquiétude et préparent des grèves.

Ainsi, madame la ministre, nous souhaitons connaître vos intentions quant à la prise en compte de la situation de l’académie de la Guadeloupe. Quels sont les moyens supplémentaires que vous lui allouerez sans doute afin de rétablir l’équilibre en faveur d’une jeunesse guadeloupéenne au potentiel formidable, qui ne demande qu’à croire en l’avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir rappelé que ce gouvernement déploie des efforts considérables pour l’éducation depuis 2012. Je profite de votre question pour confirmer que les 60 000 nouveaux postes dans l’éducation que nous avions annoncés seront bien créés d’ici à la fin du quinquennat. À la rentrée prochaine, nous en aurons déjà créé 47 000 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cette promesse confirmée, je souhaite vous répondre, car des interrogations demeurent sur la répartition de ces moyens.

Ce n’est pas parce que l’on crée toujours plus d’emplois qu’il ne faut pas tenir compte de la démographie. Monsieur Cornano, vous le savez bien, premier et second degrés confondus, la Guadeloupe perd, pour la rentrée 2016, 2 336 élèves et la Martinique, 1 639. Le nombre de trente-cinq postes supprimés est en réalité très inférieur à ce qui aurait résulté de la seule prise en compte de cette baisse démographique.

En vérité, les académies que vous évoquez ont pleinement bénéficié de notre politique volontariste visant à apporter des moyens, y compris là où la démographie était en baisse. Nous l’avons fait en respectant deux principes.

Le premier est la priorité accordée au primaire. Dans ces académies, comme ailleurs, parce que nous estimons qu’il faut créer plus de maîtres que de classes en école primaire et qu’il importe de préscolariser les enfants avant l’âge de trois ans, nous ne supprimons aucun poste dans le premier degré, alors même, je le répète, que nous attendons 1 920 élèves de moins en Guadeloupe et 1 135 en Martinique.

Le second principe, qui explique également que ces deux académies perdent moins de postes qu’elles n’auraient pu le craindre, est l’allocation progressive des moyens. Vous savez que j’ai souhaité, au-delà de la démographie, accorder des moyens aux établissements scolaires en fonction de la difficulté sociale. C’est le cas dans les deux académies que vous évoquez.

Pour conclure, je vous rappelle que l’éducation prioritaire, réformée cette année, leur profite très largement. Ainsi, la Guadeloupe compte désormais trois établissements en REP+ et treize en REP, et la Martinique neuf en REP+ et treize en REP. Cela signifie notamment que les indemnités des enseignants y sont plus élevées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 28 janvier, de quinze heures à seize heures, et seront retransmises sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)