Mme Sophie Primas. Bien sûr que nous ne devons pas faire des lois trop bavardes ou qui changent tout le temps ! Simplement, mon cher collègue, nous sommes face à des situations inédites et à de nouveaux dangers. Nous sommes donc bien obligés – finalement, c’est notre travail – de faire évoluer la loi.

Pour ma part, j’apporte mon soutien plein et entier à ces deux amendements, même si j’ai bien entendu les réserves de Mme la rapporteur, car nous sommes en train d’être débordés. Dans mon territoire, c’est une situation que nous rencontrons très fréquemment. Il nous faut réagir et envoyer un signal à ces associations qui cherchent à dévoyer la loi.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je partage l’avis de M. Collombat : on fait trop de lois. Mais, de temps en temps, il faut faire la loi, la vraie.

Quand, d’une manière ou d’une autre, certaines personnes trouvent le moyen de détourner ou de contourner la loi et que les magistrats nous disent n’être ni armés ni équipés pour faire appliquer la loi, de deux choses l’une : soit on ne fait rien, mais, dans ce cas, il ne sert pas à grand-chose de voter des lois ; soit on les écoute. C’est dans ce sens que vont les deux amendements d’Anne Chain-Larché, qui reprennent d’ailleurs une proposition de Valérie Pécresse remontant à cinq ou six ans. Franchement, je ne vois pas en quoi adopter ces dispositions reviendrait à se mettre en difficulté.

Oui, monsieur Collombat, on est trop bavard, on fait trop de lois, il y a trop d’articles et trop d’amendements. Je pense à ces projets de loi qui ont vingt articles au départ et 110 à l’arrivée. Cependant, je le répète, si le législateur laisse détourner et contourner la loi sans rien faire et sans donner aux magistrats les armes pour faire appliquer la loi, à quoi cela sert-il de voter des lois ?

Par conséquent, je soutiens pleinement ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. L’amendement n° 1 rectifié quinquies a un objet à peu près similaire à celui qui vient d’être adopté. Quant à l’amendement n° 2 rectifié quater, il fait écho à des débats médiatiques que nous avons depuis longtemps.

Je ne pense pas que nous puissions par la contrainte donner le goût de la République, de la liberté et de l’égalité, à des gens qui en doutent. Cette conviction me conduit à ne pas voter ces dispositions. Je m’interroge d’ailleurs sur l’efficacité des mesures qui figurent déjà dans la loi à ce sujet. Il suffit de voir le résultat des récentes études sur l’islam en France et les Français musulmans, notamment concernant les plus jeunes et qui s’avère particulièrement préoccupant, pour constater que les effets de ce qui a déjà été voté…

Mme Sophie Primas. Et qui n’est pas appliqué !

M. Jean-Yves Leconte. … sont contre-productifs.

Finalement, à ceux qui doutent de la société, à ceux qui doutent de la République, on leur donne le mode d’emploi pour s’y opposer. Je ne crois pas que nous défendrons la République de cette façon. La République, ce n’est pas la contrainte qui l’imposera, c’est la conviction !

Mme Sophie Primas. Ce sont des organisations terroristes !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié quinquies.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié quater.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38 quater.

Articles additionnels après l’article 38 quater
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 39 bis (supprimé)

Article 39

L’article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :

« Art. 48-2. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts, de défendre les intérêts moraux et l’honneur de la Résistance ou des déportés, d’assister les victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité ou de défendre leur mémoire peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne :

« 1° L’apologie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des crimes ou délits de collaboration avec l’ennemi mentionnée au cinquième alinéa de l’article 24, lorsque ces crimes ou délits ont donné lieu à une ou plusieurs condamnations prononcées par une juridiction française ou internationale ;

« 2° L’infraction prévue à l’article 24 bis. » – (Adopté.)

Article 39
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Article 40

Article 39 bis

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 457, présenté par MM. Guillaume et Magner, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre V du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° Après l’article 225-1-1, il est inséré un article 225-1-2 ainsi rédigé :

« Art. 225-1-2. – Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de bizutage définis à l’article 225-16-1 ou témoigné de tels faits. » ;

2° L’article 225-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la référence : « et 225-1-1 » est remplacée par les références : « , 225-1 à 225-1-2 » ;

b) À la fin des 4° et 5°, la référence : « à l’article 225-1-1 » est remplacée par les références : « aux articles 225-1-1 ou 225-1-2 » ;

3° À l’article 225-16-1, après le mot : « scolaire », il est inséré le mot : « , sportif ».

La parole est à Mme Evelyne Yonnet.

Mme Evelyne Yonnet. Le présent amendement a pour objet de rétablir l’article 39 bis, introduit par l’Assemblée nationale et supprimé par la commission spéciale, qui tendait à lutter contre les discriminations liées au bizutage créées par la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs.

La clarification du cadre législatif ainsi que les actions de l’administration pour prévenir les dérives ont permis de faire reculer le bizutage dans la plupart des établissements d’enseignement supérieur. Toutefois, l’évolution des pratiques, d’un bizutage revendiqué au sein de l’institution vers une « intégration » organisée dans un cadre associatif, pose des difficultés nouvelles.

Les poursuites et les condamnations sur la base du délit de bizutage demeurent faibles, car les poursuites sont parfois engagées sur la base de délits connexes – violences, notamment – ou parce que persistent des pressions ou des discriminations à l’endroit des victimes ou des étudiants en faisant état. Il est fréquent que des pratiques discriminatoires se manifestent dans certains établissements à l’encontre des étudiants qui ont dénoncé, en tant que victimes, voire en qualité de témoins, des actes de bizutage réprimés par la loi. Or ces agissements ne sont pas susceptibles de recevoir une qualification pénale évidente.

Cet amendement tend donc à assimiler à une discrimination le fait de pénaliser une personne au motif qu’elle a apporté son concours à la disparition de ces pratiques interdites par la loi. Il complète ainsi le cadre législatif de prohibition du bizutage et permet une libération de la parole : les personnes qui ont subi ou qui refusent de subir le bizutage pourront désormais agir plus ouvertement.

Par ailleurs, l’amendement vise à étendre le délit de bizutage au domaine sportif. En effet, l’article 225-16-1 du code pénal ne concerne actuellement que les milieux scolaire et socio-éducatif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, ma chère collègue – nous en avons discuté en commission spéciale –, mais le bizutage est déjà sanctionné par le droit existant. La loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations considère comme une discrimination tout agissement à connotation sexuelle subi « par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». Une telle définition explicite parfaitement ce qu’est un bizutage.

De même, cette loi protège de tout traitement défavorable quiconque ayant dénoncé de bonne foi une telle discrimination. Pourront donc être poursuivis non seulement l’auteur des faits, mais aussi un éventuel complice, y compris par omission. Cet amendement apparaît donc superfétatoire.

Enfin, en qualifiant de discrimination toute distinction opérée, sans qu’il soit recherché le bien-fondé de celle-ci ou qu’il soit rapporté la preuve d’un traitement défavorable infligé à la personne, la définition de l’infraction proposée par votre amendement apparaît large et disproportionnée, sachant que le bizutage que vous visez est déjà sanctionné par la loi.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Il me semble, madame la rapporteur, que votre argumentation se fonde sur une loi civile, et non pénale. J’ajoute qu’il existe des bizutages violents qui n’ont aucun caractère sexuel.

Le Gouvernement est favorable au rétablissement de cette disposition très utile, car le bizutage constitue une forme de discrimination, même si celle-ci est liée non à la situation de la personne, mais à la qualité très temporaire d’un nouvel arrivant dans une université ou plutôt une grande école. Cette discrimination est la même que celle qui est prévue à l’article 225-1-1 du code pénal, créé par la loi du 6 août 2012, pour les personnes qui ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel.

Cet amendement vise également à étendre l’application de l’article 225-16-1 du code pénal au domaine sportif, au sein duquel des bizutages existent sans qu’ils soient réprimés par la loi.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Cette explication de vote me permet de préciser ma pensée : je ne suis pas du tout contre le fait que le Parlement élabore la loi ; il est même là pour ça ! Je suis contre le fait qu’on établisse des listes de délits, parce que si à chaque fois que la presse fait état d’une discrimination on change la loi, on n’est pas sorti de l’auberge !

M. Philippe Dallier. C’est sûr !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Personnellement, je soutiens très fortement cet amendement.

J’ai bien entendu les arguments avancés par Mme la rapporteur, mais je souscris pleinement aux propos de M. le ministre. Le bizutage a énormément évolué au cours des dernières décennies. Il y a quarante ans, quand les étudiants entraient dans certaines facultés – je pense à la faculté de médecine, parce qu’elle était caractéristique en la matière – ou dans les grandes écoles, c’était gentillet, si je puis dire.

M. Pierre-Yves Collombat. Mais oui, bien sûr…

Mme Catherine Génisson. À l’inverse, cette pratique entraîne aujourd’hui de véritables violences, des humiliations, des sévices physiques et psychologiques qui peuvent se révéler très lourds. Les dispositions de cet amendement sont donc tout à fait opportunes.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que le bizutage est déjà un délit.

En outre, mes chers collègues, une circulaire de l’éducation nationale datant de 1998 donne des instructions très claires au sujet du bizutage, dès lors qu’il revêt un caractère humiliant et dégradant. Ce texte précise que de tels agissements sont répréhensibles.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner, ministre. Madame la rapporteur, qu’il n’y ait aucune confusion : vous avez raison d’indiquer que le bizutage constitue déjà un délit. En revanche, tel n’est pas le cas de la discrimination liée à un bizutage. Les dispositions de cet amendement permettent ainsi de renforcer notre arsenal juridique pour protéger les jeunes qui entrent dans une nouvelle structure d’enseignement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 457.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 39 bis demeure supprimé.

Article 39 bis (supprimé)
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Article 40 bis

Article 40

(Supprimé)

Article 40
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Article 41

Article 40 bis

Sont homologuées, en application de l’article 21 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, les peines d’emprisonnement prévues en Polynésie française :

1° à l’article 5-1 de la délibération n° 84-1030 AT du 23 novembre 1984 portant approbation du drapeau et des armes de la Polynésie française, dans sa rédaction résultant de l’article LP 1ᵉʳ de la loi du pays n° 2016-14 du 11 mai 2016 relative à l’outrage public au drapeau, aux armes et à l’hymne de la Polynésie française ;

2° à l’article LP 2 de la délibération n° 93-60 AT du 10 juin 1993 portant adoption de l’hymne territorial de la Polynésie française, dans sa rédaction résultant de l’article LP 4 de la loi du pays n° 2016-14 du 11 mai 2016 relative à l’outrage public au drapeau, aux armes et à l’hymne de la Polynésie française. – (Adopté.)

Section 2

Dispositions modifiant la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

Article 40 bis
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Articles additionnels après l'article 41

Article 41

I. – La loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa de l’article 1er, les mots : « sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, son âge, sa perte d’autonomie, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence » sont remplacés par les mots : « à raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée, ou à raison de son origine, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de ses mœurs, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son âge, de son état de santé, de sa perte d’autonomie, de son handicap, de sa situation de famille, de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme ou de son lieu de résidence » ;

2° et 3° (Supprimés)

bis. – L’article 225-1 du code pénal est ainsi modifié :

1° Après les mots : « à raison de leur », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée, ou à raison de leur origine, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leurs mœurs, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leurs caractéristiques génétiques, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme ou de leur lieu de résidence. » ;

2° Après les mots : « à raison de », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée, ou à raison de l’origine, des opinions politiques, des activités syndicales, des mœurs, du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’âge, de l’état de santé, de la perte d’autonomie, du handicap, de la situation de famille, de la grossesse, des caractéristiques génétiques, de l’apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, du patronyme ou du lieu de résidence des membres ou de certains membres de ces personnes morales. ».

ter. – (Non modifié) Après la première occurrence des mots : « en raison de », la fin de l’article L. 1132-1 du code du travail est ainsi rédigée : « l’un des motifs énoncés à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 précitée. »

II. – (Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 659, présenté par M. Dantec, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Après les mots :

de ses activités syndicales

insérer les mots :

, de sa langue

II. – Alinéa 5

Après les mots :

de leurs activités syndicales

insérer les mots :

, de leur langue

III. – Alinéa 6

Après les mots :

des activités syndicales

insérer les mots :

, de la langue

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Cet amendement tend à inscrire la langue sur la liste des motifs de discrimination. Il vise ainsi à combler une lacune relative à l’interdiction de discrimination à l’égard des locuteurs de différentes langues, notamment de langues régionales, qui sont parfois considérés comme des « arriérés ». Or ces langues font partie du patrimoine régional de la France, de l’Europe et du monde.

Gardons à l’esprit que, à l’échelle internationale, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies a demandé à la France, le 27 juin 2016, de respecter les droits individuels et collectifs des locuteurs de langues régionales dans la vie publique et privée. C’est là un enjeu de reconnaissance des minorités : « Tout en prenant note que l’État partie considère que la reconnaissance de groupes minoritaires ou de droits collectifs est incompatible avec sa Constitution, le Comité réaffirme que le principe d’égalité des individus devant la loi et l’interdiction de la discrimination ne suffisent pas toujours à assurer l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels par des membres de groupes minoritaires. De plus, le Comité considère qu’une reconnaissance adéquate des minorités ethniques ou culturelles n’érode pas la cohésion ou l’unité nationale, mais au contraire les renforce.

« Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de revoir sa position à l’égard des minorités et de reconnaître officiellement la nécessité de protéger les droits culturels de tous les groupes minoritaires ».

Les élus du groupe écologiste estiment que nos sociétés s’enrichissent de leur diversité, à l’opposé de celles et ceux qui considèrent cette dernière comme une menace pour la cohésion sociale. En conséquence, le présent amendement vise à conférer un droit à la non-discrimination aux locuteurs de langues régionales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’objet de votre amendement, madame Archimbaud, contient un terme auquel j’attache beaucoup d’importance, à savoir le mot « plouc ».

L’expression « plouc » est fréquemment employée en Bretagne, notamment dans le pays gallo, c’est-à-dire là où l’on ne parle pas le breton. Cette épithète n’est pas des plus flatteuses… Cela étant, je vous invite à lire l’excellent livre intitulé Fils de ploucs : cet ouvrage montre toute la dignité, la fierté et la capacité de quelqu’un à devenir, quelle que soit sa situation sociale d’origine, un éminent citoyen.

Mon propos peut vous laisser espérer que j’émette un avis favorable, mais il n’en est rien.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. En tout et pour tout, la commission spéciale a retenu vingt et un critères de discrimination. Ce nombre est déjà significatif. Le présent amendement vise à en ajouter un vingt-deuxième, celui de la langue. Toutefois, il nous semble que le critère de l’origine suffit à sanctionner des discriminations pouvant se fonder sur un accent d’origine régionale.

Je sollicite donc le retrait de votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. En chti, « plouc » se dit « branque », mais chacun ses références… (Sourires.)

Nul ne peut le nier, notre système juridique présente des lacunes, notamment face aux discriminations. Le projet de loi a justement pour but de combler les lacunes existantes et d’apporter des réponses concrètes aux difficultés qui se font jour.

Pour autant, nous estimons que l’ajout d’un nouveau critère relatif à la langue serait une fausse bonne idée. Il créerait plus de problèmes qu’il n’en résoudrait. Il pourrait notamment mettre en difficulté un employeur, qui doit pouvoir exiger d’un candidat à l’embauche qu’il maîtrise une ou plusieurs langues, quelles qu’elles soient.

Aussi, madame la sénatrice, je vous demande à mon tour de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 659 est-il maintenu ?

Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 659 est retiré.

L'amendement n° 436, présenté par Mme D. Gillot, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

bis L’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La discrimination inclut le refus de mettre en place les aménagements raisonnables requis en faveur d’une personne handicapée. Constituent des aménagements raisonnables, les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales. »

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. En février 2010, la France a ratifié la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. En signant et en ratifiant ce texte, les États s’engagent à prendre, au niveau national, des mesures visant à garantir et à promouvoir le plein exercice de tous les droits fondamentaux des personnes en situation de handicap.

L’article 2 de la convention dispose que « la discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable ».

Mes chers collègues, je vous précise que je ne suis pas la seule à défendre cet amendement : plusieurs de mes collègues y avaient apporté leur soutien, mais, par suite d’un problème technique, leurs signatures n’ont pu être enregistrées. Il s’agit, en s’appuyant sur la définition de la discrimination inscrite à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008, de transposer en droit français le principe prévu par la convention selon lequel les États membres de l’Union européenne doivent prévoir des aménagements à l’égard des personnes handicapées en faisant « les modifications et ajustements nécessaires et appropriés […] pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales ».

Un aménagement raisonnable est une mesure concrète permettant de neutraliser, autant que possible, les barrières d’un environnement inadapté à la participation d’une personne handicapée à la vie en société. En d’autres termes, chaque situation fait l’objet d’une évaluation individuelle afin de trouver une solution à un obstacle handicapant auquel est confrontée une personne dans le cadre de sa vie quotidienne.

La reconnaissance par la loi de l’obligation d’aménagement raisonnable dans tous les domaines est une condition indispensable pour garantir l’effectivité des droits et le respect du principe de non-discrimination à l’égard des personnes handicapées.

Or un défaut de transposition par la France est susceptible de faire l’objet d’une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne. Par une décision du 4 juillet 2013, cette juridiction a en effet constaté le manquement de l’Italie à son obligation de transposition, au motif qu’elle n’avait pas institué « d’obligation pour tous les employeurs de mettre en place, en fonction des besoins dans des situations concrètes, des aménagements raisonnables pour toutes les personnes handicapées ».

N’attendons pas la condamnation de la France pour nous saisir de cette question ! Les personnes avec handicap et leurs familles attendent des mesures concrètes permettant l’égalité de traitement de tous et mettant fin aux discriminations inadmissibles fondées sur le handicap.

Au-delà d’une mise en conformité de notre droit avec les engagements internationaux, européens et communautaires de la France, cet amendement tend à promouvoir, à protéger et à assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes avec handicap, ainsi que la promotion et le respect de leur dignité intrinsèque.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Chère collègue, vous évoquez à nouveau un sujet majeur, celui du handicap. J’entends vos préoccupations, et je suis persuadée que, dans cet hémicycle, chacun y souscrit. Toutefois, il faut également noter les efforts considérables entrepris aujourd’hui par les collectivités territoriales et par les entreprises pour combler les retards inadmissibles que connaît notre pays en la matière. (Mme Dominique Gillot le concède.)

Par ailleurs, votre préoccupation me semble déjà totalement prise en compte par le droit en vigueur. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont les dispositions figurent principalement dans le code de l’action sociale et des familles, garantit dès à présent le droit à toute personne handicapée d’être accompagnée et de voir son handicap compensé.

Dès lors, tout refus de service par une personne publique ou privée assujettie à ces obligations est déjà sanctionné par des articles du code pénal. Des dispositions spécifiques figurent également dans le code du travail pour que les entreprises se sentent, elles aussi, concernées. Par exemple, un article de ce code sanctionne en tant que discrimination le fait de refuser de prendre les mesures appropriées dont les charges consécutives à leur mise en œuvre ne sont pas disproportionnées, pour permettre à un travailleur handicapé de conserver un emploi ou d’y accéder.

En outre, l’article 2 de la loi du 27 mai 2008 sanctionne toute discrimination indirecte fondée sur le handicap.

Sincèrement, votre légitime préoccupation me paraît satisfaite par le droit en vigueur. Je sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.