M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je ne suis pas, tant s’en faut, un partisan effréné de la repentance. Du fait de ma formation d’historien, je sais trop bien qu’il est très difficile de juger aujourd’hui des faits qui remontent à plusieurs décennies ou à plusieurs siècles et d’apprécier les événements avec les mêmes critères de jugement.

J’entends bien les objections d’ordre juridique et constitutionnel formulées par Mme la rapporteur. Je rappelle simplement que, lorsque le Président de la République Jacques Chirac a reconnu, en 1995, la responsabilité de l’État français, de Vichy, le Parlement, les juristes, les constitutionnalistes avaient estimé qu’il ne leur appartenait pas de juger l’Histoire. Pourtant, cette reconnaissance a été un acte fort de la République.

Ici, nous sommes au Parlement ; nous ne sommes pas au Conseil d’État ni au Conseil constitutionnel. Nous avons une responsabilité, tout en restant dans le cadre de la Constitution, c’est d’être l’expression de la République et de l’unité de la nation.

On nous dit qu’on ne pourrait pas voter ces amendements pour des raisons de droit et constitutionnelles – même si la rédaction proposée pour cet article ne me semble plus poser de problème en la matière. Je veux simplement dire qu’il y a des moments dans l’Histoire où il faut envoyer des signes, poser des actes, dire au peuple français qu’il est un. Et pour être un, il faut être reconnu dans sa plénitude. C’est pour cette raison que j’ai cosigné l’amendement de mon collègue Hervé Marseille.

Je ne nourris aucune opposition particulière à l’encontre de l’État turc, mais la franchise m’oblige à dire que j’ai regretté que les importants travaux réalisés par un groupe d’historiens réunis à Istanbul voilà une dizaine d’années sur la reconnaissance du génocide arménien aient été mis de côté et n’aient pas abouti.

Aujourd’hui, le Parlement français s’honorerait à reconnaître un certain nombre de choses. Il y a l’Histoire, il y a le droit, il y a la Constitution, et puis il y a la République et le peuple français !

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.

M. Philippe Kaltenbach. Ce n’est pas la première fois que nous avons un débat sur la négation des génocides. À chaque fois, nous avons des échanges de juristes très pointus pour nous demander si la liberté d’expression est préservée, s’il appartient au Parlement d’écrire l’Histoire, si le Conseil constitutionnel ne va pas censurer notre texte.

Après dix années de débats sur ce sujet, nous sommes parvenus à un équilibre avec l’amendement introduisant l’article 38 ter, qui a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Ce texte est solide, il apporte toutes les garanties juridiques et, comme l’a rappelé le ministre, il a été travaillé.

Nous devons nous interroger sur notre rôle en tant que parlementaires. Nous avons des devoirs, au premier rang desquels celui de justice, notamment vis-à-vis des victimes de crimes contre l’humanité. J’ai toujours en tête cette très belle formule d’Elie Wiesel, qui écrivait ceci : « Tolérer le négationnisme, c’est tuer une seconde fois les victimes. »

Mes chers collègues, nous devons avoir cette phrase en mémoire. En 2016, en France, continuer à tolérer des propos négationnistes sur les crimes contre l’humanité et les génocides, c’est inacceptable !

Nous avons également un devoir de protection de certains de nos concitoyens. Pourquoi ? Parce que lorsque les négationnistes bafouent la mémoire des victimes, en définitive, ils offensent aussi gravement leurs descendants. Cela aussi est inacceptable ! Il faut permettre à tous nos concitoyens, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur histoire, quel que soit leur parcours, de vivre sereinement en France sans être sous la pression de propos ou d’actions négationnistes des crimes contre l’humanité.

Enfin, nous avons un troisième devoir, essentiel, qu’a rappelé notre collègue Karoutchi : favoriser le vivre ensemble. Pour favoriser le vivre ensemble, il faut faire de la prévention contre toutes les incitations à la haine qui sont induites par le négationnisme.

Depuis 2006, différents projets de loi ou différentes propositions de loi, soutenues parfois par le gouvernement, et émanant alternativement de parlementaires de l’opposition et de la majorité, ont été examinés et des leaders politiques de gauche comme de droite ont pris des engagements forts. Le Président de la République, quant à lui, a rappelé à plusieurs reprises qu’il souhaitait que nous puissions faire aboutir ce dossier. Nous avons l’occasion aujourd’hui de clore ce chapitre, de sanctionner le négationnisme et de répondre à une forte attente de nos concitoyens sur ce sujet.

M. le président. Il faut conclure !

M. Philippe Kaltenbach. Il y aura toujours des débats juridiques. Pour ma part, je considère que les dispositions introduites par ces amendements ne devraient pas être censurées par le Conseil constitutionnel. À tout le moins, nous ne pouvons pas nous autocensurer en anticipant une éventuelle censure. Je suis confiant, je sais que ces amendements sont attendus, et j’espère qu’ils seront adoptés.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je suis gêné par ce débat tel qu’il est organisé. Autant l’amendement présenté par notre collègue Hervé Marseille me paraît être l’expression de convictions fortes telles que les a relayées avec beaucoup d’autorité Roger Karoutchi, autant les deux amendements identiques précédents me posent problème : il y est question de « minoration » – sans autre adjectif – et de « banalisation » des crimes visés. Or le devoir de connaissance est essentiel, et je ne voudrais pas qu’à un moment ou à un autre nous puissions ouvrir des procès en sorcellerie à l’égard de tel ou tel universitaire qui s’efforcerait de connaître tel ou tel sujet dans sa profondeur et sa complexité.

Comprendre les siècles précédents n’est pas fondamentalement inutile, ne serait-ce que pour éviter de reproduire les mêmes erreurs. Dans l’article de son Encyclopédie consacré à l’esclavage, Diderot, qui condamne évidemment celui-ci, rappelle que pour certains, à cette époque, cette pratique représentait un avantage par rapport à la situation antérieure, à savoir l’extermination des combattants vaincus. Il est donc toujours intéressant de comprendre le contexte.

À tout moment, nous avons un devoir de compréhension. Je ne voudrais donc pas que la référence à la « minoration » et à la « banalisation » devienne un butoir qui interdirait d’approfondir tel ou tel sujet.

Nous savons qu’il y a eu un esclavage transatlantique et nous savons qu’il y a eu un esclavage Nord-Sud. On peut considérer qu’évoquer l’esclavage Nord-Sud a pour objet de minorer l’esclavage transatlantique... Les deux sont condamnables, mais, chers collègues du groupe socialiste et républicain, chers collègues du groupe communiste républicain et citoyen, on peut condamner, mais au moins faut-il connaître et comprendre. C’est la raison pour laquelle je suivrai la commission, dont le jugement me paraît plus raisonnable. Surtout, j’aimerais pouvoir voter l’amendement de M. Marseille, qui tombera si nous adoptons les deux amendements identiques précédents.

Chacun prendra sa part de responsabilité, mais savoir et connaître, comprendre pour éviter me paraissent une obligation absolue.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Le but de ces amendements, qui ont l’accord du Gouvernement, est de montrer sa sollicitude – totalement désintéressée, évidemment – envers la communauté arménienne en créant un délit de « négation, minoration ou banalisation » de crimes de génocide et d’autres crimes contre l’humanité étendu à toutes les victimes de notre histoire sanglante, pour contourner les décisions du Conseil constitutionnel de 2012 et de 2016.

Ce débat, cela a été rappelé, nous l’avons déjà eu plusieurs fois au Sénat. Le premier auquel j’ai participé, c’était en mai 2011, portait sur une proposition de loi mémorielle tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien. Robert Badinter était alors intervenu, au nom du groupe socialiste, dans le cadre de la discussion générale.

Après avoir rappelé toutes les raisons, intellectuelles, humaines et personnelles, qu’il aurait de soutenir le texte de la proposition de loi, toute l’horreur que lui inspiraient les génocides et les crimes contre l’humanité, véritables flétrissures de celle-ci, Robert Badinter n’en déclarait pas moins qu’il voterait la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, parce que, disait-il, ce texte était non conforme à la Constitution – ce qui fut confirmé par la suite. Il indiquait en outre : « Il n’est pas bon, il n’est pas conforme à notre vocation nationale que nous ayons des lois qui disent l’histoire et, pis encore, sous peine de prison… Cet apanage, nous devons le refuser ! Cela ne saurait relever de notre convenance ni, moins encore, de notre compétence. » Il poursuivait : « Des actions sont possibles au pénal, sur le fondement de la loi de 1881, de la non-discrimination, de l’appel à la haine, etc. »

Robert Badinter rappelait que, ayant été confronté à des révisionnistes, il avait obtenu leur condamnation, « parce qu’ils avaient manqué aux devoirs de l’historien, c’est-à-dire la bonne foi, l’étude approfondie des sources, la confrontation des documents, bref, la démarche d’un esprit libre et d’une science qui avance ! ».

Mes chers collègues, de telles lois ne sont pas seulement une atteinte disproportionnée au principe fondamental de la liberté d’expression ; elles sont devenues de précieux atouts dans la « concurrence des victimes » – je reprends là l’expression de notre collègue Esther Benbassa – et un puissant stimulant du communautarisme, que, par ailleurs, le Gouvernement prétend vouloir combattre sans relâche.

Je ne suis pas certain que ceux qui soutiennent ce texte aient bien mesuré ses conséquences. On nous présente cela comme une initiative devant renforcer la paix sociale ; je crains que ce ne soit exactement l’inverse et que vous n’ayez ouvert une sacrée boîte de Pandore. C’est pour cette raison que, dans sa grande majorité, le groupe du RDSE ne votera pas ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Ces amendements ont été soutenus avec cœur et passion par leurs auteurs. Nous sommes face à un dilemme qui n’est pas simple à trancher dans nos consciences respectives. Je rejoins les propos de Gérard Longuet et j’aurais volontiers voté l’amendement de notre collègue Hervé Marseille. Mais je suis sensible à l’avis défavorable de la commission, exposée avec pédagogie par Mme le rapporteur, même si le Gouvernement a, quant à lui, émis un avis favorable.

En tant que législateur, nous essayons de nous poser les bonnes questions. Nous ne devons pas oublier l’Histoire et tous les drames vécus. Je suivrai l’avis de la commission spéciale.

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.

M. Hervé Marseille. J’ai écouté les interventions des uns et des autres, j’ai entendu les arguments de la commission exposés par Mme Gatel. Je fais miennes les conclusions de Roger Karoutchi, je n’ai pas un mot à retirer à ses propos. Je remercie également Gérard Longuet de son intervention.

Le sujet est récurrent et très sensible. Chaque fois se pose la question de savoir s’il appartient ou non au Parlement de s’exprimer sur l’Histoire. Comme l’a indiqué Roger Karoutchi, il appartient à la représentation nationale de poser des marqueurs.

L’Histoire, nous l’avons déjà traitée ici quand nous avons parlé du 19 mars 1962. Même si nos avis ont divergé, ce qui est tout à fait normal, il y a eu un vote, et le Parlement s’est prononcé.

Sur des sujets aussi sensibles que ceux que nous abordons, après tant d’années et quand tant de propos de haine s’expriment, il nous appartient à nous, parlementaires, de dire ce que nous ressentons, même si j’ai conscience des problèmes juridiques extrêmement complexes que cela pose. Reste que je ne vais pas relancer le débat sur la position que pourrait adopter le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’État.

Pour ce qui me concerne, après avoir entendu Mme la rapporteur et de M. le ministre, que je remercie de ses propos, je vais retirer mon amendement ; je tiens néanmoins à remercier ceux qui l’ont soutenu. Chacun pourra ainsi s’exprimer en conscience sur les deux amendements identiques.

Mon amendement me semblait meilleur sur le plan juridique, puisqu’il tenait compte des observations de la commission spéciale et des décisions qui étaient déjà intervenues en la matière. Néanmoins, je le retire dans un souci d’apaisement et pour ne pas compliquer le débat sur un sujet de conscience, un sujet d’histoire qui concerne beaucoup de monde dans notre pays.

M. Philippe Kaltenbach. Cette décision vous honore !

M. le président. L’amendement n° 253 rectifié nonies est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner, ministre. Je me réjouis de la qualité et de la sérénité des débats, qui nous permettent d’avancer de façon positive.

Le rapport entre le législateur et l’Histoire est un débat ancien qui suscite des craintes légitimes. Il ne s’agit évidemment pas dans l’esprit du législateur de réprimer la négation d’un crime contre l’humanité qui n’aurait pas été historiquement constaté. Nul historien sérieux ne conteste, par exemple, la traite négrière. Chaque fois que le législateur a souhaité intervenir, il s’est fondé sur des travaux historiques largement partagés et qui ne souffraient d’aucune contestation solide.

Comme l’ont dit plusieurs d’entre vous, le législateur est légitime pour évoquer ces questions. Il appartient aux historiens de dire l’Histoire – nul ne le conteste –, mais il appartient au législateur de veiller à la cohésion nationale, à la paix sociale, à garantir les conditions de la vie commune. Lorsque l’on conteste, lorsque l’on banalise l’existence de la Shoah, par exemple, on met en péril la paix sociale. Il en est de même chaque fois que l’on conteste l’esclavage.

Votre légitimité est là, mesdames, messieurs les sénateurs. Il ne s’agit pas de qualifier de crimes contre l’humanité des faits qui n’auraient pas été scientifiquement constatés par les historiens. Il s’agit, en tant que garants de l’avenir de notre société, d’affirmer que les faits de banalisation, de négation sont répréhensibles en ce qu’ils constituent une incitation à la haine et à la violence raciales.

Le débat historique reste libre, mais vous assumez votre responsabilité en tant que telle. C’est pour cela que le Gouvernement a décidé de soutenir ces amendements. Je tiens ainsi à saluer la décision que vient de prendre M. Marseille pour nous permettre d’avancer en ce sens.

À l’heure où certains voudraient écrire un roman national qui exclut plus qu’il ne rassemble (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. Philippe Dallier. Était-ce bien nécessaire ?

M. Patrick Kanner, ministre. … le législateur fait œuvre utile, tout en laissant l’historien libre de ses appréciations.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 330 et 455 rectifié ter.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 31 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 302
Pour l’adoption 156
Contre 146

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

En conséquence, l'article 38 ter est rétabli dans cette rédaction.

Article 38 ter (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Articles additionnels après l’article 38 quater

Article 38 quater

(Supprimé)

Article 38 quater
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 39

Articles additionnels après l’article 38 quater

M. le président. L'amendement n° 672 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 38 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifié :

1° Les mots : « , en matière criminelle et correctionnelle, ainsi qu’une transaction prévue à l’article 529-3 du code de procédure pénale » sont remplacés par les mots : « , des amendes forfaitaires, des amendes de composition pénale ou des sommes dues au titre des transactions prévues par le code de procédure pénale ou par l'article 28 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d’annoncer publiquement la prise en charge financière des amendes, frais, dommages-intérêts et autres sommes mentionnés à l’alinéa précédent est sanctionné des mêmes peines. »

La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner, ministre. Je résumerai l’esprit de cet amendement par une phrase forte : la loi ne s’achète pas ! Le droit doit être plus fort que l’argent.

Jusqu’en mars 2016, seul le fait d’ouvrir ou d’annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d’indemniser des amendes prononcées en matière correctionnelle et criminelle était réprimé par l’article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La loi du 22 mars 2016 a étendu les dispositions de l’article 40 aux sommes versées dans le cadre de transactions conclues pour éteindre l’action publique lors de la commission de contraventions à la police des services publics de transports ferroviaires et des services de transports publics de personnes.

Cette rédaction n’est pas suffisante, car elle ne réprime pas les annonces publiques de souscriptions pour toutes les autres formes de contraventions. En particulier, il existe des sites internet ayant pour objet de collecter des fonds en vue de prendre en charge le paiement d’amendes contraventionnelles.

Le présent amendement a pour objet de compléter l’article 40 de la loi du 29 juillet 1881, afin de sanctionner l’ouverture ou l’annonce publique de souscriptions ayant pour objet d’indemniser les amendes, frais, dommages et intérêts et toute autre somme prononcée par des condamnations judiciaires en matière contraventionnelle, comme tel est déjà le cas en matière criminelle et correctionnelle. Nous étendons ainsi les dispositions aux contraventions faisant l’objet d’une procédure d’amende forfaitaire, comme tel est également le cas pour le mécanisme de transaction existant pour certaines infractions en matière de services de transports depuis la loi du 22 mars 2016.

L’amendement vient aussi compléter l’article 40 en prévoyant de sanctionner le fait d’annoncer publiquement la prise en charge des amendes, frais, dommages et intérêts, et autres sommes.

Chacun aura bien compris dans quel cadre se situe cette proposition du Gouvernement. Je le répète, la loi ne s’achète pas ; nous devons être plus forts que certaines forces d’argent qui veulent mettre en péril l’équilibre sociétal de notre pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Comme l’a dit M. le ministre, cet amendement tend à compléter l’article 40 de la loi de 1881, en prévoyant de sanctionner le fait d’annoncer publiquement la prise en charge des amendes, frais, dommages et intérêts et autres sommes.

L’absence de précision de la loi rend possible ce type de dévoiement inacceptable. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur cet amendement, qui répond à un amendement similaire de Mme Chain-Larché visant à soulever le même problème.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 672 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38 quater.

L'amendement n° 1 rectifié quinquies, présenté par Mme Chain-Larché, MM. Bouchet, Carle, de Legge, Doligé et Dufaut, Mme Hummel, MM. Joyandet et Kennel, Mme Lopez, M. Mandelli, Mme Micouleau, M. Milon, Mmes Primas et Procaccia, MM. Reichardt, Retailleau, Vaspart et Chaize, Mme Deroche et MM. Vasselle, Houel et Poniatowski, est ainsi libellé :

Après l’article 38 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 2 du chapitre IV du titre III du livre IV du code pénal est complétée par un article 434-23-… ainsi rédigé :

« Art. 434-23-... – Le fait pour une personne physique ou morale d’entraver l’application de la loi en mettant en place des stratégies visant à vider de leur contenu les sanctions prononcées par la justice est puni de trois ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. »

La parole est à Mme Anne Chain-Larché.

Mme Anne Chain-Larché. Face aux problèmes posés pour l’ordre public par le port de tenues destinées à dissimuler le visage, et donc l’identité des personnes, et au regard des principes fondamentaux de la République, le Parlement a décidé de légiférer.

Aux termes de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010, la dissimulation du visage dans l’espace public est punie d’une amende correspondant à une contravention de deuxième classe d’un montant maximum de 150 euros, amende qui peut être assortie de l’obligation d’accomplir un stage de citoyenneté. Or nous déplorons le fait que les dispositions de cette loi soient sciemment détournées par certains individus dans le but revendiqué de défier les institutions de la République en vidant la loi de son contenu. C’est en particulier le cas de l’association Touche Pas à Ma Constitution, créée par M. Rachid Nekkaz, dont l’objet est de payer les amendes des femmes verbalisées pour le port du niqab dans l’espace public.

Compte tenu du caractère revendicatif autoproclamé de cette action ainsi que du nombre et du montant des amendes ainsi acquittées, on se trouve ici clairement dans une situation d’entrave manifeste et volontaire à la loi. Le législateur ne peut pas laisser ainsi bafouer aussi ouvertement une loi de la République validée par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme.

L’amendement que je propose a pour objet de créer dans le code pénal un nouveau délit d’entrave à l’application de la loi, afin que les personnes qui mettent volontairement en place des stratégies visant à vider les sanctions prévues par la loi de leur effet soient punies de trois ans d’emprisonnement et d’une amende dont le montant doit être élevé pour être dissuasif, raison pour laquelle il a été fixé à 100 000 euros.

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié quater, présenté par Mme Chain-Larché, MM. Bouchet, Carle, Chaize, de Legge, Doligé et Dufaut, Mme Hummel, MM. Joyandet et Kennel, Mme Lopez, M. Mandelli, Mme Micouleau, M. Milon, Mmes Primas et Procaccia, MM. Reichardt et Retailleau, Mme Deroche et MM. Vasselle, Vaspart, Houel et Poniatowski, et ainsi libellé :

Après l’article 38 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l’article 3 de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public est ainsi modifié :

1° Les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« L’intégralité du coût inhérent au stage est entièrement à la charge de la personne verbalisée. »

La parole est à Mme Anne Chain-Larché.

Mme Anne Chain-Larché. Cet amendement vise à ce que les personnes verbalisées s’acquittent effectivement du coût du stage de citoyenneté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je comprends bien votre intention, ma chère collègue. Néanmoins, l’infraction que vous proposez d’établir n’est ni suffisamment précise ni définie en des termes objectifs et non subjectifs. De plus, l’infraction ferait référence à une intention de la personne fautive de « vider de leur contenu les sanctions prononcées », ce qui est assez difficile à prouver. L’amendement n° 672 rectifié bis du Gouvernement, que nous venons d’adopter, répond à votre préoccupation. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement n° 1 rectifié quinquies ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement n° 2 rectifié quater vise à rendre obligatoire le prononcé du stage de citoyenneté. Je comprends, là aussi, l’intention qui vous anime. Toutefois, cette disposition pose une réelle difficulté d’ordre constitutionnel, car aucune peine complémentaire ne peut être prononcée de manière automatique, sans possibilité pour le juge d’en moduler la sanction ou même de ne pas la prononcer.

Par ailleurs, le stage peut d’ores et déjà être financé par la personne responsable. Aux termes de l’article 131-5-1 du code pénal, « la juridiction précise si ce stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la 3e classe, doit être effectué aux frais du condamné ».

Par conséquent, je vous demande également de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement sollicite lui aussi le retrait de ces amendements, pour les mêmes raisons que la commission ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Chain-Larché, les amendements nos 1 rectifié quinquies et 2 rectifié quater sont-ils maintenus ?

Mme Anne Chain-Larché. Oui, je les maintiens, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne voterai pas ces amendements, même si, moi aussi, je comprends parfaitement l’intention. Franchement, à quoi ça ressemble de faire une loi ou de transformer celles qui existent déjà à chaque fois qu’on découvre un problème ? En plus, l’amendement du Gouvernement que l’on vient d’adopter permet de répondre assez largement au cas d’espèce.

On se plaint des lois bavardes, du fait que le Parlement légifère en permanence, mais, si on alimente la mécanique, jusqu’où ira-t-on ? Peut-être faudrait-il – je sais que c’est un vœu pieux – élaborer des lois d’une généralité telle qu’elles puissent continuer à s’appliquer dans le temps. Je rêve de lois comme celles de 1901, de 1905…. Je sais que je radote et que je suis totalement archaïque, mais elles avaient au moins dû être pensées, puisqu’elles continuent à exister.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.