M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, sur un rythme de deux minutes… (Sourires.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Guerriau, je vous remercie de cette question, qui me permet de prolonger ma réponse précédente.

Permettez-moi de vous dire que la situation que vous avez décrite n’est pas celle d’un risque futur : c’est la situation passée, celle que j’ai trouvée quand je suis arrivé à mon poste. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. François Patriat. C’est pourtant vrai !

M. Roger Karoutchi. Il a raison !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’ai trouvé une situation d’inégalité profonde, entre des communes qui avaient parfaitement pris le rythme de 4 jours et demi, en organisant des activités de grande valeur, et d’autres qui se trouvaient dans une situation totalement désespérée. C’est pourquoi plus de 40 % d'entre elles ont saisi l’occasion de ce décret pour passer à 4 jours. Personne ne les a obligées, et, comme je l’ai dit précédemment, le fonds n’est que pour celles qui restent à 4 jours et demi. Même avec cette incitation, les communes ont donc malgré tout choisi 4 jours.

C’est une philosophie. Jules Ferry, que vous avez cité, disait que le principe d’autorité est ce qui est à l’opposé de l’humanisme et de la République. Justement, nous ne sommes pas dans le principe d’autorité, ni dans l’argument d’autorité ; nous sommes dans l’argument de liberté. Il appartient aux communautés éducatives de choisir ce qui leur va.

Tout à l'heure, la question de Mme Françoise Cartron nous montrait que l’on pouvait désormais se tourner vers l’avenir, mais pas pour rejouer sans cesse un conflit entre 4 jours et 4 jours et demi.

À cet égard, puisque vous parlez d’évaluation, quand j’ai pris mes fonctions au ministère, j’avais sur mon bureau un rapport épais de l’ADEP, l’association « Les amis de l'école publique », qui est considérée comme l’entité ayant la plus grande expertise sur ce sujet. Ce document montrait tout simplement qu’il n’y avait aucun effet sur la performance scolaire des élèves, selon que l’on était à 4 jours ou à 4 jours et demi.

M. David Assouline. Évidemment, un an après !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande aujourd’hui de sortir d’une polémique qui, désormais, est dépassée, et de vous intéresser à la qualité, c’est-à-dire au contenu qualitatif de ces fameux PEDT, les projets éducatifs territoriaux, au contenu qualitatif de ce qui se passe le soir et le mercredi. Certaines communes s’en sortiront bien à 4 jours, d’autres à 4 jours et demi. C’est cela le pragmatisme, c’est cela la liberté ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

mesures du gouvernement sur le logement

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe Les Républicains.

M. Marc-Philippe Daubresse. Ma question s’adresse à M. le ministre de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, en septembre dernier, le Gouvernement a annoncé, à grand renfort de publicité, un choc sur l’offre de logements. Or les mesures que vous venez de faire voter à l’Assemblée nationale dans la loi de finances vont provoquer un contre-choc sur cette offre.

Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu’en décidant, notamment, de recentrer le prêt à taux zéro, qui concerne en priorité les primo-accédants à la propriété, particulièrement les jeunes couples de condition modeste, vous allez mettre à l’écart 70 % du territoire national, représentant toutes les villes moyennes et toute la ruralité de notre belle France. C’est une décision tout à fait funeste.

J’y insiste, parce que cette mesure a provoqué de l’émoi. Vous aviez d’abord prévu de supprimer le PTZ, le prêt à taux zéro ; maintenant, il s’agit non plus de le supprimer, mais de le dégrader, en passant d’une quotité de 40 % à 20 % d’aide de l’État sur la primo-accession, laquelle représentait, je le rappelle, presque 50 000 PTZ l’an dernier.

Même en faisant cela, monsieur le ministre, pour un ménage qui gagne deux à trois SMIC, vous allez faire passer le taux d’effort d’environ 35 % à 41 %, ce qui veut dire que nombre de jeunes ménages vont devoir abandonner leur projet d’accession à la propriété dans les villes moyennes et dans les zones rurales. Cela provoquera bien évidemment l’arrêt de l’activité d’un certain nombre de professionnels intervenant dans les domaines du logement et du bâtiment. Cela aura donc un impact sur l’emploi.

De plus, au moment où les taux d’intérêt sont à 1,6 %, il était possible d’instituer un prêt à taux réduit, ce qui aurait permis d’économiser 600 millions d’euros pour le budget de l’État sans toucher aux zones non tendues.

Monsieur le ministre, allez-vous arrêter ce funeste projet ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Daubresse connaît bien ce secteur, pour en avoir eu la charge.

Monsieur Daubresse, je crois que vous faites une présentation un peu négative, si vous me permettez l’expression,...

M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n’est pas mon genre ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Mézard, ministre. … car nous vous avons largement entendu !

Le PTZ, tel que nous l’avons fléché aujourd’hui, comprend d’abord le maintien à 40 % sur l’ancien sur toutes les zones B2 et C, ce qui est significatif, car c’est là où il y a le plus besoin d’accession dans le bâti ancien. Sur le neuf, nous l’avons prévu sur 2 ans, à 20 % effectivement, mais je crois qu’il s’agit d’un équilibre tout à fait opportun, qui ne va pas susciter les conséquences que vous nous avez indiquées.

M. Jacques Mézard, ministre. Il est important de relever que le Gouvernement a prévu d’inscrire 110 millions d’euros pour l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, dans le budget 2018. Par ailleurs, dans le grand plan d’investissement, 1,2 milliard d’euros de crédits sont fléchés vers l’ANAH et vers les rénovations des passoires énergétiques.

J’ajoute, et je pense que vous y serez tout à fait sensible, que nous présenterons dans les prochains mois le plan « villes moyennes », sur lequel Action Logement interviendra de manière assez importante, une fois que la convention sera signée. Ces trois éléments représentent donc un réel effort pour la construction dans les zones détendues.

Monsieur le sénateur, pas de catastrophisme : je vous assure que tout ira bien ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

situation en outre-mer

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour le groupe Union Centriste.

M. Yves Détraigne. Ma question s'adresse à Mme la ministre des outre-mer.

Madame la ministre, le Président de la République a témoigné, en notre nom à tous, de la solidarité nationale, voilà quelques semaines, à l’égard des habitants de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Il vient également d’effectuer une visite en Guyane, où il a pu mesurer de nouveau l’ampleur des difficultés et des urgences.

L’année 2018 verra se dérouler deux scrutins cruciaux en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Les acteurs calédoniens sont d’ailleurs à Paris cette semaine, et je souhaite une issue positive à la réunion du Comité des signataires de l’accord de Nouméa, ce jeudi.

Nous le savons, madame la ministre, vous mesurez à quel point la situation est explosive, pour ne pas dire plus, à Mayotte. Plus que jamais, l’outre-mer est un sujet d’attention positive, mais aussi de préoccupation pour notre pays.

Dans ces contextes localement compliqués, dans une période de disette budgétaire et de volonté de refondation de nos politiques publiques à l’échelle nationale, le Président de la République a défini, à l’occasion de son déplacement en Guyane, ce que la politique gouvernementale ultra-marine ne sera pas ou ne sera plus, en déclarant : « L’État n’est pas un père Noël ».

M. Marc-Philippe Daubresse. Il a plutôt tout d’un père Fouettard ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Yves Détraigne. C’est clair et cela peut être entendu sous certaines conditions. En revanche, cela ne définit pas positivement ce qu’est la vision de l’outre-mer aux yeux du Gouvernement.

Madame la ministre, alors que les assises des outre-mer s’annoncent, pouvez-vous nous éclairer sur cette question ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Détraigne, le Président de la République s’est effectivement rendu en Guyane cette fin de semaine. Et c’est un geste fort qu’un déplacement dans ce territoire, la Guyane, qui a connu l’an dernier, je vous le rappelle, une crise politique très importante, suivie d’une crise économique. Ses habitants étaient en attente non pas obligatoirement de plus d’État, mais de mieux d’État. C’est la réponse que le Président de la République a apportée.

Vous vous souvenez des 194 mesures sur lesquelles le précédent gouvernement s’était engagé. Nous avions dit dès notre arrivée aux responsabilités que ces engagements seraient tenus. Aujourd’hui, 100 % des mesures d’urgence ont été mises en œuvre et les trois quarts des mesures sectorielles sont engagés.

Il reste un dernier étage, constitué de 35 mesures, qui avaient été pensées unilatéralement par les membres du collectif, et sur lesquelles il faut travailler, projet par projet, mais avec les collectivités territoriales. Tel est le nouveau message du Président de la République.

Il nous faut coconstruire sur les territoires des réponses à leurs difficultés, qui sont spécifiques. Coconstruire en Guyane, cela veut dire donner à la collectivité territoriale les moyens de répondre elle-même au développement économique du territoire.

Par exemple, j’ai signé samedi dernier une convention avec le conseil territorial de 100 millions d’euros, qui permettra à la collectivité, mais aussi aux mairies, d’assumer leur part de responsabilité. Il s’agit d’apporter une réponse sur chaque territoire. C’est cela ne plus être un père Noël ! Cette expression a pu choquer, mais je vous rappelle que, à Mayotte, voilà quelques mois, j’ai utilisé moi-même l’expression « mère Noël ». En effet, je suis moi-même ultramarine et cela fait des années que l’on répond aux besoins des outre-mer, qui sont des problèmes structurels forts, par un certain nombre de cadeaux. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Non, tel n’est pas le choix du gouvernement dont je fais partie. En tant qu’Ultramarine, à la tête de ce ministère, je souhaite que, à travers les assises des outre-mer, nous coconstruisions avec les politiques, avec les associations,…

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre. … avec les citoyens eux-mêmes.

C’est cette nouvelle méthode que je propose aux outre-mer. C’est avec cette mission que je m’investis dans le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. Merci, madame la ministre. Je suis tendre avec les outre-mer, comme vous pouvez le constater… (Sourires.)

lévothyrox

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Yvon Collin. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, ma question s’adressait à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Plusieurs centaines de plaintes viennent d’être déposées par les utilisateurs du Lévothyrox dans le cadre de l’enquête sur la nouvelle formule. Une perquisition a été menée au siège de l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé.

Cette affaire prend donc aujourd’hui une tournure judiciaire. Nous en connaissons les contours depuis sa forte médiatisation l’été dernier. Je les rappelle : plus de trois millions de Français, dont 2,5 millions de femmes, sous prescription ; un changement de formule en mars 2017 par le laboratoire Merck ; plusieurs milliers de patients gênés, voire handicapés, parfois gravement, par la nouvelle formule.

Face à ces problèmes et à la demande pressante des patients pour un retour à l’ancienne formule, la ministre des solidarités et de la santé a récemment annoncé que cinq nouveaux médicaments seraient disponibles. C’est une bonne nouvelle, mais que de temps perdu pour les patients, qui ont donné l’alerte sur les inconvénients de la nouvelle formule alors que ce problème aurait dû, me semble-t-il, surgir des instances de pharmacovigilance.

Monsieur le secrétaire d’État, à ce stade, sans vouloir préjuger des résultats de l’enquête, que savons-nous des responsabilités des acteurs impliqués dans la chaîne de surveillance des produits de santé ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Collin, comme vous l’avez dit, ce sujet prête non pas à la polémique, mais à la transparence. Celle-ci s’est manifestée tant dans le choix du Gouvernement de réagir dans le calendrier le plus resserré possible que dans le traitement des plaintes déposées et de l’enquête menée aujourd’hui.

Vous l’avez indiqué, c’est au mois de mars dernier que le principe actif a été considéré comme devant faire l’objet d'un changement et que le nouveau produit a été proposé à la vente.

Près de 15 000 personnes ont été identifiées comme ayant présenté des souffrances graves, lesquelles se sont exprimées à partir du début du mois de juillet, jusqu’au mois d’août dernier. La ministre a très vite diligenté une enquête, une inspection, un contrôle, compte tenu des premiers symptômes, tels qu’ils étaient apparus.

Cette enquête a permis de montrer qu’il y avait effectivement des dysfonctionnements – je m’exprime de manière prudente s’agissant d’une enquête en cours –, et il a fallu trouver d’abord des produits de substitution.

La ministre des solidarités et de la santé vient d’annoncer que cinq produits de substitution avaient été mis en production et que 180 000 boîtes de l’ancienne version du Lévothyrox avaient été récupérées et mises sur le marché. Finalement, tout cela s’est fait dans des délais relativement brefs, du moins par rapport au temps administratif, et non pour les patientes et patients qui ont souffert de ce problème.

Depuis la semaine dernière, 220 000 boîtes de Thyroxin, un nouveau produit, ont été aussi remises sur le marché. En outre, la ministre, qui est actuellement à l’Assemblée nationale pour l’adoption du PLFSS, ce qui explique que je réponde à sa place, a demandé que d’autres produits soient disponibles sur le marché. D’ici à quelques jours, quelques semaines au maximum, cinq produits seront en place.

Aujourd’hui, il importe de comprendre et d’analyser tout dysfonctionnement qui aurait pu conduire à ce changement de produit sur le marché, mais aussi tout dysfonctionnement dans la réactivité, de sorte que nous puissions améliorer notre système, car nous devons toujours avoir ce souci à l’esprit.

Il faut faire en sorte que, très vite, le plus vite possible, les patientes et les patients concernés aient une solution médicale pour diminuer leur douleur, et que, demain, notre système de mise sur le marché et notre réactivité soient plus performants encore. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

sélection à l'université

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe Les Républicains.

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a suscité beaucoup d’espoir chez tous ceux qui déplorent que l’université française n’arrive plus à se hisser au même niveau que ses homologues à l’étranger.

Le taux d’échec des étudiants grandissant – ils sont moins d’un tiers à réussir leur licence en trois ans –, le Président de la République n’a-t-il pas déclaré : « Il faut arrêter de croire que l'université est la solution pour tout le monde » ?

Les Français, à plus de 66 %, sont conscients également de l’absurdité d’un système éducatif qui tourne le dos au mérite. Ils sont prêts à entendre la vérité. Aussi, pourquoi éviter les mots « prérequis » et « sélection » ? Nos compatriotes sont prêts à entendre, monsieur le Premier ministre, que l’université n’est pas la solution pour tout le monde, car la pire des sélections est la sélection sociale.

M. Jean-Claude Carle. C’est vrai !

M. Jacques Grosperrin. Votre idée, c’est vous qui le dites, n’est pas de dire « oui ou non », mais de dire « oui ou oui si » et de donner le dernier mot aux étudiants. Bel exercice sémantique qui fleure bon la prudence, peut-être même le compromis…

Ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, que le mérite, que je qualifie de républicain, doit être le critère déterminant pour orienter les étudiants et assurer l’égalité entre les citoyens ? Ne pensez-vous pas qu’en euphémisant votre projet initial et en cédant devant ceux dont l’idéologie a mis à mal notre système éducatif depuis de trop longues années,…

M. David Assouline. C’est vous qui l’avez mis à mal !

M. Jacques Grosperrin. … vous risquez de faire rater à la France, à l’université et à ses étudiants une belle occasion de réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Grosperrin, j’ai le sentiment que, pendant très longtemps, on s’est demandé avant tout si c’était les mots ou la réalité qui comptait le plus. Et l’on tranchait souvent la question en disant que c’était les mots, les principes, et en examinant peut-être moins qu’il ne le fallait la réalité de l’enseignement supérieur.

La réalité de l’enseignement supérieur, quelle est-elle aujourd’hui ? Elle est une sélection massive par l’échec ; elle est une sélection injuste par le tirage au sort. En disant cela, je décris une réalité qui n’est pas satisfaisante et qui même, à certains égards – pardon d’employer ce terme –, n’est pas glorieuse.

Elle n’est pas glorieuse collectivement, s’agissant d’un dispositif qui est pourtant essentiel à l’avenir de notre pays, à la formation de sa jeunesse, au relèvement du défi de l’intelligence collective, au relèvement du défi individuel de l’épanouissement par l'intelligence. Au total, nous obtenons des résultats qui ne sont pas glorieux.

Certes, il y a encore de remarquables résultats à l’université et dans l’ensemble de l’enseignement supérieur français, bien entendu, mais 60 % de ceux qui entrent à l’université n’obtiennent pas leur licence au bout de quatre ans. C’est cela la sélection par l’échec, avec en outre un système de tirage au sort qui est évidemment d’une très grande injustice.

J’ai voulu, avec la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et avec le ministre de l’éducation nationale, concevoir un système qui permettrait d’apporter des réponses crédibles à ces dysfonctionnements, en faisant le pari de l’orientation et de l’association des enseignants du second degré et des enseignants du supérieur à la définition de ce qui est nécessaire pour que l’étudiant réussisse. Nous avons fait le pari de la réussite pour les étudiants !

Cela passe par une meilleure orientation lors du second cycle et par une meilleure information sur la réalité des filières, sur leurs succès et sur ce qui est attendu d’un étudiant. Ainsi celui-ci aura-t-il les meilleures chances de réussir dans la filière qu’il aura choisie.

Vous l’avez dit à juste titre, monsieur le sénateur, le dispositif que nous proposons prévoit que l'étudiant aura le dernier mot dans le choix de la filière, mais que l'établissement aura le dernier mot en matière de définition du parcours de l'étudiant.

Mme Esther Benbassa. Cela s’appelle de la sélection !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Cela signifie que, lorsqu’un étudiant a un projet, lorsqu’il est motivé pour s’inscrire dans une filière, il pourra le faire, mais il sera accompagné si l’établissement, qui fera une analyse individuelle de chacun des dossiers, considère qu’il n’a pas suffisamment d’éléments pour dire de façon crédible qu’il va réussir dans cette filière.

Mme Esther Benbassa. Cela s’appelle de la sélection !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C’est donc de l’orientation, de l’accompagnement, des moyens supplémentaires aussi, à savoir un milliard d’euros si l’on additionne les fonds au titre du grand plan d’investissement et les crédits budgétaires mis à disposition des établissements d’enseignement supérieur dans les cinq années qui viennent.

À côté de ce pari de l’orientation, nous avons la volonté d’améliorer la situation matérielle des étudiants, de transférer vers eux du pouvoir d’achat, pour faire en sorte que leur parcours s’effectue dans de meilleures conditions. C’est le sens de la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante et du rattachement de l’ensemble des étudiants au régime général de la sécurité sociale, pour rendre un meilleur service, pour avoir de moindres frais de gestion et pour récupérer du pouvoir d’achat au bénéfice des étudiants. Il s’agit donc d’un vaste plan d’ensemble.

Comme j’ai dépassé mon temps de parole et que je sens le président Larcher bouillir derrière moi (Sourires.), je ne peux pas aller beaucoup plus loin, mais sachez, monsieur le sénateur, que ce qui est en jeu, dans cette réforme, c’est la réussite des étudiants.

Il ne s’agit pas de grands mots ou de grands principes ; il s'agit, tout simplement, de la réussite de chaque étudiant. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. Merci, monsieur le Premier ministre. Je maîtrise ma température… (Sourires.)

La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le Premier ministre, derrière les mots, il y a parfois aussi des maux. À mon sens, il est important de dire les choses. « Prérequis » et « sélection » signifient aussi que, à un moment donné, des lycéens doivent se rendre compte qu’il est compliqué d’entrer à l’université, qu’il leur faut travailler et qu’il y a un certain niveau d’exigence à respecter.

Enfin, il est important de prêter attention aux signaux que l’on envoie. Ainsi, on entend beaucoup dire que le Président de la République voudrait célébrer Mai 68… Ce serait à mon sens catastrophique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. David Assouline. Quel est le rapport ?

gestion du retour des djihadistes

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laure Darcos. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, l’État islamique a perdu une bataille. De ses fiefs de Raqqa en Syrie et Mossoul en Irak, il ne reste plus que des villes ravagées et des populations anéanties. Mais les terroristes n’ont pas dit leur dernier mot.

Le pire est sans doute à venir : partis en Syrie pour combattre aux côtés de Daesh, un couple et ses trois enfants souhaitent être rapatriés en France après avoir été capturés par les Kurdes du PKK à Raqqa. Plusieurs dizaines de combattants seraient déjà revenus sur notre territoire, peut-être prêts à commettre l’irréparable, une horreur que nous ne voulons pourtant plus revoir.

Combien sont-ils, monsieur le ministre ? Comment sont-ils revenus ? Sont-ils bien surveillés par nos services de renseignement ? Comptez-vous mettre en œuvre tous les moyens dont nous disposons pour traduire les djihadistes français en justice et les mettre hors d’état de nuire ?

Que comptez-vous faire de ces enfants et adolescents, partis avec leur famille ou nés au Moyen-Orient, qui ont connu l’horreur ou parfois commis les pires atrocités ?

Souvenons-nous que près de 240 de nos compatriotes ont déjà perdu la vie dans les attentats commis sur notre propre sol. Vous devez aux Français la protection à laquelle ils aspirent légitimement. Vous devez aux Français une action résolue, impitoyable et sans merci.

L’avenir de notre civilisation est en jeu. N’attendons pas le pire pour agir !

Je vous remercie, monsieur le ministre d’État, de nous éclairer sur les actions que le Gouvernement entend mener pour lutter avec la plus grande efficacité face à cette nouvelle étape de notre guerre contre le terrorisme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub et M. Pierre Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l’intérieur.

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Oui, vous avez raison, madame la sénatrice Darcos, le combat contre le terrorisme est notre priorité. Il est la priorité du Gouvernement, mais il est notre priorité commune.

Aujourd’hui, vient d’entrer en vigueur la loi que nous avons adoptée ensemble pour combattre le terrorisme. Je veux remercier les sénateurs d’avoir permis la réussite de la commission mixte paritaire, qui a débouché sur l’adoption de cette loi. Nous avons ainsi manifesté notre volonté commune, quelle que soit notre sensibilité politique, de lutter contre le terrorisme.

Pour ce qui concerne les « returnees », nous en dénombrons aujourd'hui 244 – très exactement 178 hommes et 66 femmes –, 58 mineurs. La plupart des majeurs sont sous main de justice. Très exactement, 120 hommes, sur les 178, ont été écroués et sont aujourd'hui en prison. Les autres sont suivis par la DGSI, la Direction générale de la sécurité intérieure. Ils font bien sûr l’objet d’une extrême attention de notre part.

Pour ce qui est des femmes, sur les 66 « returnees », 14 sont aujourd'hui écrouées. Les autres sont, elles aussi, suivies par la DGSI.

Quant aux 58 enfants, la plupart ont moins de douze ans. Nous les suivons évidemment avec la justice, de manière à leur redonner un autre horizon.

Vous avez raison, il s’agit d’un combat global, d’un combat de civilisation. Nous, nous sommes pour la liberté, la liberté des femmes et des hommes dans le monde ; nous ne sommes pas pour le retour à des théories barbares et primitives. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)