M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, corapporteur. L’avis de la commission est défavorable sur cet amendement et sur le suivant, l’amendement n° 100 rectifié bis. Ces amendements procèdent du même esprit que les amendements nos 99 rectifié bis et 98 rectifié bis évoqués précédemment.

Dans le cadre de l’exécution d’une peine, il appartient au juge de l’application des peines et au tribunal d’en décider les conditions de façon très précise.

Au-delà de l’objet de ces amendements, qui relève d’ailleurs d’une juste préoccupation, l’enjeu véritable me semble être la réalité et la rapidité de l’exécution des peines dès lors que celles-ci sont prononcées, notamment, par le tribunal correctionnel.

C’est ce que recherchent les auteurs du texte, en un sens ; c’est en tout cas ce que souhaite la commission des lois : pour que les victimes, mais aussi, de manière générale, nos concitoyens, aient parfaitement confiance dans notre dispositif judiciaire, il faut que les peines prononcées par les tribunaux puissent être exécutées rapidement et dans les meilleures conditions possibles.

Nous pensons que c’est là la ligne de force qu’il faut suivre. C’est la raison pour laquelle, sur ces deux amendements, la commission a émis un avis défavorable.

Article additionnel après l'article 26 - Amendement n° 101 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Article additionnel après l'article 26 - Amendement n° 230

M. le président. J’appelle en discussion l’amendement n° 100 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Joyandet, Charon, Panunzi et Grosdidier, Mmes Vermeillet et Giudicelli, MM. Meurant, Paccaud, Laménie, Mandelli et Fouché, Mme Deromedi et MM. Sol, Houpert et Revet, et ainsi libellé :

Après l’article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 712-11, après les mots : « et par le procureur général, » sont insérés les mots : « ainsi que par la partie civile » ;

2° L’article 712-12 est complété par les mots : « ainsi que celles de la partie civile ».

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 101 rectifié bis et 100 rectifié bis ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. Monsieur Leroy, les amendements nos 101 rectifié bis et 100 rectifié bis sont-ils maintenus ?

M. Henri Leroy. Comme il y a quelques instants, puisque la commission des lois et Mme la garde des sceaux émettent un avis défavorable sur ces amendements, je les retire, monsieur le président.

Article additionnel après l'article 26 - Amendement n° 100 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Article 27

M. le président. Les amendements nos 101 rectifié bis et 100 rectifié bis sont retirés.

L’amendement n° 230, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre VII du titre Ier du livre II du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée une section 1 comprenant les articles L. 217-1 à L. 217-4 et intitulée : « Les parquets spécialisés près le tribunal de grande instance de Paris » ;

2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« L’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme

« Art. L. 217-5. – Le tribunal de grande instance de Paris a compétence exclusive pour connaître, en matière civile :

« 1° Des demandes formées par les victimes mentionnées à l’article L. 126-1 du code des assurances contre le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, après saisine de ce dernier et relatives :

« - à la reconnaissance de leur droit à indemnisation ;

« - au versement d’une provision ;

« - à l’organisation d’une expertise judiciaire en cas de contestation de l’examen médical pratiqué en application de l’article L. 422-2 du code des assurances ou en cas de refus du fonds de garantie de désigner un médecin à cette fin ;

« - à l’offre d’indemnisation qui leur est faite ;

« 2° Des recours subrogatoires du fonds de garantie en remboursement des indemnités ou provisions mentionnées au 1° ;

« 3° Des demandes formées contre toute personne, autre que le fonds de garantie, en réparation du dommage résultant d’un acte de terrorisme. »

II. – Le titre XV du livre II du code de procédure pénale est complété par des articles 706-16-1 et 706-16-2 ainsi rédigés :

« Art. 706-16-1. – Lorsqu’elle est exercée devant les juridictions répressives, l’action civile portant sur une infraction qui constitue un acte de terrorisme ne peut avoir pour objet que de mettre en mouvement l’action publique ou de soutenir cette action. Elle ne peut tendre à la réparation du dommage causé par cette infraction.

« L’action civile en réparation de ce dommage ne peut être exercée que devant une juridiction civile, séparément de l’action publique. L’article 5 n’est alors pas applicable.

« Lorsque la juridiction répressive est saisie d’une demande tendant à la réparation du dommage causé par cette infraction, elle renvoie l’affaire, par une décision non susceptible de recours, devant la juridiction civile compétente en application de l’article L. 217-5 du code de l’organisation judiciaire qui l’examine d’urgence selon une procédure simplifiée déterminée par décret en Conseil d’État.

« Art. 706-16-2. – La juridiction civile compétente en application de l’article L. 217-5 du code de l’organisation judiciaire peut procéder ou faire procéder à toutes auditions et investigations utiles, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. Elle peut notamment se faire communiquer, par le procureur de la République ou le juge d’instruction, copie des procès-verbaux constatant l’infraction ou de toutes autres pièces de la procédure pénale, même en cours.

« Elle peut également requérir :

« 1° De toute personne ou administration, la communication de renseignements sur la situation professionnelle, financière, fiscale ou sociale des personnes ayant à répondre du dommage causé par l’infraction ou du requérant ;

« 2° De tout service de l’État, collectivité publique, organisme de sécurité sociale, organisme assurant la gestion des prestations sociales ou compagnies d’assurance susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la communication des renseignements relatifs à l’exécution de leurs obligations éventuelles.

« Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction de la demande d’indemnité et leur divulgation est interdite. »

III. – Le code des assurances est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 422-1, il est inséré un article L. 422-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 422-1-1. – Le fonds de garantie peut requérir de toute administration ou service de l’État et des collectivités publiques, organisme de sécurité sociale, organisme assurant la gestion des prestations sociales, établissements financiers ou entreprises d’assurance susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la réunion et la communication des renseignements dont il dispose ou peut disposer et relatifs à l’exécution de ses obligations éventuelles, sans que ne puisse lui être opposé le secret professionnel.

« Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction du dossier d’indemnisation et leur divulgation est interdite. Les personnes qui ont à connaître des documents et informations fournis au fonds de garantie sont tenues au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. » ;

2° L’article L. 422-2 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour procéder à l’examen médical de la victime mentionnée à l’article L. 126-1, le fonds de garantie choisit un médecin spécialisé en dommage corporel inscrit sur les listes des experts judiciaires dressées par les cours d’appel. » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article s’applique lorsque la juridiction reconnaît le droit à indemnisation de la victime. En ce cas, le délai mentionné au troisième alinéa court à compter du jour où la décision de la juridiction est exécutoire. »

IV. – Le présent article, à l’exception du a du 2° du III, entre en vigueur le premier jour du mois suivant la publication de la présente loi. À cette date, les procédures en cours devant les juridictions civiles sont transférées en l’état au tribunal de grande instance de Paris.

Les affaires peuvent être renvoyées par la juridiction initialement saisie avant la date d’entrée en vigueur de cet article pour une audience postérieure à cette date devant le tribunal de grande instance de Paris.

Il n’y a pas lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus avant le transfert des procédures. Les parties sont informées par la juridiction antérieurement compétente qu’il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure devant le tribunal de grande instance de Paris. Les archives et les minutes du secrétariat de la juridiction antérieurement compétente sont transférées au greffe du tribunal de grande instance de Paris.

Le a du 2° du III entre en vigueur le premier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, c’est un amendement important que je vous présente. Il vise à accélérer l’indemnisation des victimes d’attentats terroristes. Ces victimes, qui ont évidemment vécu des situations dramatiques, très douloureuses, sont aujourd’hui confrontées à un parcours procédural extrêmement complexe lorsqu’elles sollicitent la réparation des préjudices subis, ce parcours s’inscrivant aujourd’hui dans le sillage de la procédure pénale.

En effet, de multiples acteurs sont susceptibles d’intervenir pour assurer cette indemnisation en fonction de l’état de la victime et également de l’avancement des investigations. Interviennent ainsi le fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme, le juge d’instruction, le juge civil statuant en référé ou au fond, la juridiction pénale de jugement.

Je souhaite que cette complexité procédurale ne vienne pas s’ajouter à l’épreuve qu’ont déjà subie ces victimes. C’est pourquoi j’ai demandé à Mme Chantal Bussière d’évaluer les dispositifs existants et d’identifier les améliorations susceptibles d’être apportées au parcours procédural des victimes. Mme Bussière, magistrate, m’a rendu ses conclusions il y a quelque temps, et ce sont ces conclusions, qu’elle a pu établir à la suite d’un très large processus de dialogue et de consultation, qui conduisent le Gouvernement à vous proposer l’amendement dont il est ici question.

Prenant, donc, appui sur ces travaux, je vous propose de simplifier le parcours des victimes d’actes de terrorisme, d’accélérer leur indemnisation et de favoriser l’égalité de traitement entre elles. Tels sont les trois objectifs que je poursuis : simplification, accélération de l’indemnisation et égalité dans le traitement.

Il ne s’agit évidemment pas ici de remettre en cause le dispositif amiable de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, qui est assuré par le FGTI, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions. Il s’agit au contraire de renforcer son efficacité, d’y adosser un recours juridictionnel unifié et spécialisé et de veiller à une meilleure articulation avec la procédure judiciaire.

Ainsi, outre le choix du médecin sur une liste d’experts, qui est prévu par le présent amendement, je vous indique dès à présent que les mesures réglementaires viendront renforcer les garanties offertes aux victimes pendant le déroulement de l’examen médical qui est pratiqué de manière systématique à la demande du FGTI, pour les rapprocher de celles qui sont offertes par la procédure civile – je pense notamment à la remise d’un prérapport ou au renforcement du contradictoire.

S’agissant donc du présent amendement, afin de favoriser un traitement plus rapide et plus juste sur l’ensemble du territoire, un juge civil sera spécialisé au tribunal de grande instance de Paris dans l’indemnisation des victimes de terrorisme. Il s’agit donc d’un juge civil unique et spécialisé, qui siégera à Paris. Il s’appellera JIVAT, pour « juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme ».

Notre intention n’est absolument pas, évidemment, d’éloigner les victimes de leur juge, bien au contraire, puisque – je vous le rappelle – le juge pénal qui est compétent en matière de terrorisme se trouve déjà à Paris. Il s’agit au contraire de donner aux victimes un accès à un juge civil spécialisé, suivant en cela les recommandations qui ont été formulées par le Défenseur des droits.

L’accès à ce juge se fera selon une procédure adaptée à la complexité des demandes liées à la réparation de ces préjudices très particuliers, et le traitement de ces demandes, ainsi conçu, ne retardera plus le déroulement de l’information judiciaire et la tenue du procès, qui constituent très souvent une étape indispensable dans le parcours de reconstruction de ces victimes.

Cette compétence exclusive donnée au JIVAT aura pour corollaire l’incompétence des juridictions pénales pour connaître de l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction résultant d’un acte de terrorisme. Mais je tiens à souligner avec force que cette incompétence matérielle ne retirera aucun droit aux victimes d’actes de terrorisme : celles-ci conserveront bien entendu toute leur place dans le procès pénal, se constituant partie civile afin soit de mettre en mouvement, soit de soutenir l’action publique.

Les victimes continueront ainsi d’avoir accès au dossier de la procédure et, bien entendu, elles pourront formuler toute demande d’acte utile à la manifestation de la vérité afin de soutenir l’action publique. Il est évidemment impensable – et il n’est en aucun cas envisagé – que la parole publique ne puisse pas être portée devant le juge pénal, tant par leur témoignage direct que par la voix de leur avocat.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, cet amendement, avec la création du JIVAT, a en réalité pour objet d’accélérer l’indemnisation des victimes, cette rapidité étant évidemment liée au fait que l’indemnisation sera décorrélée du procès pénal, qui est souvent extrêmement long.

Par ailleurs, cette disposition permettra l’égalité dans le traitement des victimes, puisque la solution résultera d’un juge qui, à Paris, prendra des décisions identiques dans tous les cas similaires. Il me semble qu’il y aurait là un appui considérable offert à ces victimes très durement frappées par les actes de terrorisme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, corapporteur. Sur cette proposition du Gouvernement – je le dis très clairement –, nous nous sommes interrogés.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui ! Nous avons beaucoup hésité.

M. François-Noël Buffet, corapporteur. Nous nous sommes fortement interrogés sur l’opportunité de mettre en place ce juge national de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, muni d’un nouvel acronyme : le JIVAT.

Finalement, madame la ministre – je ne souhaite pas faire durer le suspense –, nous avons émis un avis favorable, ce matin, sur cet amendement.

Je voudrais m’en expliquer.

Le droit applicable aujourd’hui prévoit que les victimes de tels actes disposent d’un délai de dix ans pour demander une indemnisation de leurs préjudices corporels auprès du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, le FGTI, dans le cadre d’une indemnisation au caractère amiable, prise en charge au titre de la solidarité nationale.

Sans créer de nouvelle juridiction, l’amendement tend, en premier lieu, à attribuer compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris pour connaître des demandes formées en matière de réparation du dommage corporel subi par les victimes d’actes de terrorisme. Seraient concernés tous les recours formés contre une décision du FGTI : refus de provision, refus d’indemnisation, contestation du montant de l’indemnisation, contestation de l’examen médical – seraient y compris concernés, d’ailleurs, des recours subrogatoires en remboursement des indemnités ou provisions versées à la victime.

Seul le TGI de Paris serait compétent. Aujourd’hui, quel est le droit positif ? Ce fonds spécialisé existe déjà, chacun l’a bien compris ; en cas de désaccord de la victime avec ce qui est proposé, deux voies de recours s’offrent à elle : soit devant le TGI de Créteil, qui correspond au tribunal compétent du lieu du siège du fonds, soit devant le tribunal de grande instance du lieu de l’attentat.

De surcroît, cet amendement vise à mettre fin aux compétences concurrentes du juge civil et du juge pénal pour apprécier l’indemnisation du préjudice résultant d’une infraction constituant un acte de terrorisme. Le juge pénal ne pourrait donc plus être saisi d’une demande en réparation d’un préjudice résultant d’une infraction de cette nature, puisque seul le nouveau JIVAT serait compétent pour examiner les demandes.

Ce dispositif, par ses objectifs, nous paraît intéressant : il rendra plus lisible et peut-être – nous l’espérons, naturellement – plus efficace l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme.

Il faut le dire : certaines associations de victimes ou d’avocats spécialisés…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous les avons auditionnées.

M. François-Noël Buffet, corapporteur. … s’inquiètent de la disparition d’une forme de proximité. Or – il faut dire les choses telles qu’elles sont – il existe déjà un point d’entrée unique pour l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, puisqu’il s’agit d’une procédure amiable traitée par le FGTI, qui est installé à Vincennes et qui dispose d’une antenne à Marseille.

En outre, le TGI compétent n’est pas forcément le tribunal le plus proche du lieu de résidence de la victime, laquelle ne réside d’ailleurs pas forcément dans la ville où se trouve le tribunal dans le ressort duquel est situé le lieu de l’attentat.

Par ailleurs, le parquet de Paris disposant d’une compétence concurrente en matière de terrorisme, il est fort probable que le procès de l’auteur de l’infraction se déroule à Paris. Que l’indemnisation en matière civile soit aussi traitée par un juge affecté au TGI de Paris aurait alors, dans ces conditions, toute sa cohérence.

De plus, le tribunal de grande instance de Paris dispose déjà – il faut le signaler – d’un pôle spécialisé dans la réparation des préjudices corporels, contentieux particulièrement technique auquel serait rattaché le nouveau JIVAT.

La procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme consiste essentiellement – il faut le rappeler, c’est important – dans des expertises destinées à évaluer les préjudices. La centralisation de la juridiction ne serait donc pas en elle-même un problème, dès lors que les victimes auraient accès à un expert proche de chez elles ou que l’expert, fût-il parisien, lyonnais, marseillais, bordelais, strasbourgeois, pourrait se déplacer auprès de la victime sur le territoire national – c’est d’ailleurs ce que préconise le rapport de Mme Bussière.

L’incompétence des juridictions pénales pour statuer sur les demandes indemnitaires nous semble également opportune. En effet, actuellement, les juridictions pénales sont compétentes pour connaître de l’action en réparation des dommages causés par une infraction qui constitue un acte de terrorisme. Or, en raison des nombreuses victimes d’un même acte terroriste, le déroulement des informations judiciaires est retardé.

Selon les éléments dont nous avons pu avoir connaissance, la déconnexion entre les actions pénale et civile devrait permettre de désengorger les cabinets d’instruction en les déchargeant des aspects purement indemnitaires – le système actuel peut conduire à submerger l’instruction au préjudice de la manifestation de la vérité –, et pourrait redonner à l’instruction des marges de manœuvre pour d’autres dossiers également importants.

En outre, la création du JIVAT devrait permettre de spécialiser des juges dans l’indemnisation de ces préjudices et, sans doute, d’unifier la jurisprudence en vue d’un surcroît d’équité entre les victimes.

Ce qui nous importe, au total, c’est que le dispositif soit efficace, au service d’une réparation équitable et juste pour les victimes d’infractions terroristes.

En revanche, madame la ministre, nous serons attentifs à ce que le Gouvernement mette en œuvre les moyens nécessaires afin de faciliter autant que possible l’accès à ce nouveau juge civil tout en organisant les fameuses expertises d’évaluation des préjudices corporels au plus près de ceux et celles qui ont souffert de tels attentats.

Pour toutes ces raisons – je le redis –, la commission des lois a, ce matin, émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Nous sommes dans une situation tout à fait particulière : il n’y a aucune corrélation – cela vient d’être dit – entre l’indemnisation des victimes, qui est faite par un fonds, et la procédure pénale avec constitution de partie civile. Vous maintenez d’ailleurs dans la procédure pénale, madame la ministre, la possibilité pour la victime de se constituer partie civile pour intervenir au procès. Mais l’indemnisation, elle, est assurée par un fonds.

Le cas est analogue à celui que rencontrent d’autres victimes de délits, qui peuvent saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions. En l’occurrence, il ne faut pas se faire d’illusions : les terroristes n’auront pas les moyens d’indemniser ! C’est donc bien le fonds qui doit indemniser.

Nous sommes donc dans le cadre d’une procédure tout à fait spécifique et particulière – je vous le concède.

La difficulté, madame la ministre, vient de ce que vous avez déposé cet amendement il y a huit jours ; les rapporteurs, en commission, nous ont dit qu’il leur fallait du temps pour l’étudier, et nous ont annoncé, ce matin, qu’ils inclinaient plutôt à le soutenir. J’avoue avoir, à cette occasion, émis des réserves, reprenant d’ailleurs des arguments qui nous ont été exposés par des associations.

Madame la ministre, je vous demande d’aller plus loin sur les dispositions réglementaires. Si vous voulez véritablement accélérer le processus d’indemnisation, il faut d’abord imposer au fonds des délais et des obligations, comme il en existe en matière d’assurance depuis la loi Badinter de 1985 – dans un temps donné, la compagnie d’assurance doit faire à la victime une offre au moins provisionnelle.

En outre, puisque la situation est particulière, il faudrait presque que ce juge spécialisé puisse intervenir selon une procédure particulière. Dans de telles circonstances, on ne saurait exiger de la victime, par exemple, qu’elle procède par voie d’assignation. Il faut un mode de saisine qui facilite les choses – mais de telles questions relèvent de la compétence réglementaire, et je pense que vous les réglerez.

Il faut quand même être conscient du risque – un certain nombre d’associations d’avocats de victimes l’ont pointé : celui d’une uniformisation de la procédure. Le fait qu’il existe une commission d’indemnisation des victimes d’infractions, ou CIVI, auprès de chaque tribunal de grande instance permet de faire évoluer la jurisprudence. En effet, chaque situation de victime est très particulière. L’indemnisation du préjudice moral peut être uniformisée ; mais l’indemnisation du préjudice matériel, du préjudice professionnel, des pertes de chance, etc. doit être très individualisée – de telles procédures, d’ailleurs, sont toujours longues.

Pour ces raisons, j’ai exprimé ce matin des réserves. Je pense néanmoins qu’il y a là un vrai problème, et que la volonté des uns et des autres va dans le sens de l’intérêt des victimes. Nous voterons donc cet amendement, avec un seul regret : sur un tel sujet, vous procédez par amendement au lieu d’insérer votre proposition dans le texte déposé ; il n’y a, en outre, qu’une seule lecture, la procédure accélérée ayant été engagée ; tout un aspect de cette question, de surcroît, relève du domaine réglementaire ; tout cela, on le voit bien, ne nous permet pas d’approfondir le dossier.

En définitive, madame la ministre, nous vous faisons confiance, dans l’intérêt des victimes. (Mme Catherine Conconne et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, ce sujet est un peu exceptionnel ; je vous invite néanmoins à rester synthétiques.

La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

M. Marc Daunis. Monsieur le président, je suis loin d’avoir abusé du temps de parole. En outre, le sujet traité – vous l’avez dit vous-même – mérite que nous prenions quelques instants pour en discuter.

Je remercie d’abord mes collègues du groupe socialiste et républicain d’avoir été sensibles à l’idée que nous partagions, dans cet hémicycle, la volonté d’accélérer une procédure qui est aujourd’hui insoutenable. La ville de Nice, et à travers elle tout notre pays, a été profondément atteinte par l’atrocité de ce qui s’y est passé. Le lendemain des événements, j’accompagnais le Président de la République François Hollande qui rendait hommage et visite aux victimes dans un hôpital. La nature même des blessures, qui étaient totalement différentes de blessures par balle – on voyait des corps brisés, fracassés –, était en elle-même profondément traumatisante.

Dans un tel contexte, comment expliquer à des victimes que les indemnisations prennent autant de temps ? Quelle que soit la volonté des exécutifs successifs, il semblait impossible de régler ce problème. Et je rends hommage à votre volonté, madame la ministre, de dénouer enfin, par le biais de cet amendement, une situation qui est incompréhensible eu égard à ce que vivent nos concitoyens.

Par ailleurs, notre collègue Jacques Bigot a fort justement pointé les éventuels problèmes soulevés par l’adoption de cet amendement et par la création du JIVAT. Nous ne les méconnaissons pas ; nous mesurons, aussi, la difficulté dans laquelle nous place l’engagement de la procédure accélérée, qui ne donne pas du temps au temps pour régler au mieux ce type de situations limites et extrêmes.

Néanmoins, nous devons faire ce pas. Je voterai donc cet amendement, comme mes collègues du groupe socialiste, avec l’espoir – Jacques Bigot l’a dit – que nous pourrons ainsi mettre fin à une situation intolérable.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Il m’est moi-même arrivé, comme avocat, d’intervenir dans ce genre d’affaires. Aujourd’hui, on constate que les délais sont très longs, et que les procédures d’indemnisation n’en finissent pas. Pour les victimes, c’est intolérable. La justice est lente ; pour une fois qu’on propose d’accélérer les procédures, je trouve que c’est tout à fait justifié.

C’est une bonne mesure : un juge spécialisé aura l’occasion de traiter de tous les dossiers, formant ainsi une sorte de jurisprudence. Je considère donc, au nom de mon groupe, que cette mesure va simplifier les choses.

Sachez que, quoi qu’on fasse, qui que soit le ministre de l’intérieur, il y aura d’autres attentats ; cette disposition permettra de régler les choses, pour les victimes, d’une manière beaucoup plus rapide et beaucoup plus satisfaisante.

Nous voterons cet amendement.