Sommaire

Présidence de M. Jean-Marc Gabouty

Secrétaires :

Mme Mireille Jouve, M. Dominique de Legge.

1. Procès-verbal

2. Démission et remplacement d’une vice-présidente du Sénat

3. Conseils d’administration des SDIS. Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Texte élaboré par la commission

Vote sur l’ensemble

M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois

M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur

M. Cyril Pellevat

M. Arnaud de Belenet

M. Pierre-Yves Collombat

M. Patrick Kanner

Mme Josiane Costes

Mme Françoise Gatel

M. Dany Wattebled

M. Laurent Nunez, secrétaire d’État

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

4. Questions d’actualité au Gouvernement

conséquences de la sécheresse

Mme Josiane Costes ; M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Josiane Costes.

réforme de l’état

Mme Cécile Cukierman ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Cécile Cukierman.

pouvoir d’achat

M. Martial Bourquin ; M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Martial Bourquin.

lutte contre l’antisémitisme

M. Jean-Pierre Decool ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur.

politique étrangère du gouvernement

Mme Sophie Primas ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; Mme Sophie Primas.

interprètes afghans non accueillis en france

M. Jacques Le Nay ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

allocation logement accession en outre-mer

M. Michel Dennemont ; M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.

pénurie de médicaments

M. Éric Gold ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

fiscalité verte

M. Jacques Genest ; M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Jacques Genest.

chiffres du chômage et chômeurs longue durée

Mme Frédérique Puissat ; M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.

suppression de postes à l’afpa

Mme Maryvonne Blondin ; Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; Mme Maryvonne Blondin.

information sur les modes d’abattage des animaux

Mme Claudine Kauffmann ; M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Claudine Kauffmann.

Suspension et reprise de la séance

5. La crise migratoire : quelle gestion européenne ? – Débat organisé à la demande de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

Débat interactif

M. Richard Yung ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Pierre Laurent ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Leconte ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Noël Guérini ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Stéphane Ravier ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

M. Jean-Marie Bockel ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Jean-Marie Bockel.

M. Claude Malhuret ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Roger Karoutchi ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Roger Karoutchi.

M. François-Noël Buffet ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. François-Noël Buffet.

M. David Assouline ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. David Assouline.

M. Philippe Bonnecarrère ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Philippe Bonnecarrère.

M. Dominique de Legge ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Dominique de Legge.

M. Jacques-Bernard Magner ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-François Rapin ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Henri Leroy ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Henri Leroy.

M. François Bonhomme ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Conclusion du débat

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

Secrétaires :

Mme Mireille Jouve,

M. Dominique de Legge.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mle président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 25 octobre 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Démission et remplacement d’une vice-présidente du Sénat

Mle président. J’informe le Sénat que le groupe socialiste et républicain a fait connaître à la présidence le nom de la candidate qu’il propose pour remplacer, en qualité de vice-présidente du Sénat, Mme Marie-Noëlle Lienemann, qui, par lettre en date du 16 octobre dernier, a informé la présidence qu’elle souhaitait démissionner de cette fonction à compter du 1er novembre prochain.

La candidature de Mme Hélène Conway-Mouret a été publiée et la désignation aura lieu conformément à l’article 3 du règlement.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la représentation des personnels administratifs, techniques et spécialisés au sein des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours
Article unique

Conseils d’administration des SDIS

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mle président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi relative à la représentation des personnels administratifs, techniques et spécialisés au sein des conseils d’administration des services départementaux d’incendie et de secours (proposition n° 601 [2017–2018], texte de la commission n° 72, rapport n° 71).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

proposition de loi relative à la représentation des personnels administratifs, techniques et spécialisés au sein des conseils d’administration des services départementaux d’incendie et de secours

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi relative à la représentation des personnels administratifs, techniques et spécialisés au sein des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au 3° de l’article L. 1424-24-5, les mots : « et un sapeur-pompier volontaire non officier » sont remplacés par les mots : « , un sapeur-pompier volontaire non officier et un représentant des fonctionnaires territoriaux du service départemental d’incendie et de secours n’ayant pas la qualité de sapeur-pompier professionnel » ;

2° Le troisième alinéa de l’article L. 1424-31 est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« La commission administrative et technique des services d’incendie et de secours comprend :

« 1° Des représentants des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, élus dans les quatre mois suivant le renouvellement général des conseils municipaux par l’ensemble des sapeurs-pompiers en service dans le département ;

« 2° Des représentants des fonctionnaires territoriaux du service départemental d’incendie et de secours n’ayant pas la qualité de sapeur-pompier professionnel, élus dans les quatre mois suivant le renouvellement général des conseils municipaux par l’ensemble des fonctionnaires territoriaux du service départemental d’incendie et de secours n’ayant pas la qualité de sapeur-pompier professionnel ;

« 3° Le médecin-chef du service de santé et de secours médical des sapeurs-pompiers.

« Cette commission est présidée par le directeur départemental des services d’incendie et de secours. » ;

3° L’article L. 1424-75 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1424-75. – La commission administrative et technique des services d’incendie et de secours comprend :

« 1° Des représentants des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, élus dans les quatre mois suivant le renouvellement général des conseils municipaux par l’ensemble des sapeurs-pompiers en service dans le département du Rhône et dans la métropole de Lyon ;

« 2° Des représentants des fonctionnaires territoriaux du service départemental-métropolitain d’incendie et de secours n’ayant pas la qualité de sapeur-pompier professionnel, élus dans les quatre mois suivant le renouvellement général des conseils municipaux par l’ensemble des fonctionnaires territoriaux du service départemental-métropolitain d’incendie et de secours n’ayant pas la qualité de sapeur-pompier professionnel ;

« 3° Le médecin-chef du service de santé et de secours médical des sapeurs-pompiers.

« Cette commission est présidée par le directeur départemental et métropolitain des services d’incendie et de secours. »

Vote sur l’ensemble

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi relative à la représentation des personnels administratifs, techniques et spécialisés au sein des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mle président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au rapporteur de la commission, pour sept minutes, puis au Gouvernement, et enfin à un représentant par groupe, pour cinq minutes.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je tiens, en premier lieu, à remercier Catherine Troendlé, auteur de cette proposition de loi, qui a su nous ouvrir les yeux sur une situation qu’il convenait de modifier. Car si les sapeurs-pompiers volontaires et professionnels sont au cœur de l’action en matière de sécurité civile, ils ne sont pas seuls !

Ils sont accompagnés de plus de 11 000 personnels administratifs, techniques et spécialisés, les « PATS » dans le jargon de la sécurité civile, qui représentent plus de 20 % des effectifs salariés des services départementaux d’incendie et de secours.

Ces PATS, fonctionnaires territoriaux pour la très grande majorité d’entre eux, assurent au quotidien l’ensemble des fonctions support nécessaires aux services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, parfois à un très haut niveau de responsabilité et de technicité. Sans eux, les SDIS ne pourraient pas fonctionner.

Certains d’entre eux ont la vie de leurs collègues sapeurs-pompiers entre leurs mains : par exemple, le technicien qui assure le maintien en condition opérationnelle d’un appareil respiratoire isolant est de facto responsable de la sécurité du pompier qui en aura l’usage sur le terrain.

Or les PATS ne sont pas représentés au conseil d’administration des SDIS, à l’inverse des sapeurs-pompiers, volontaires ou professionnels. C’est précisément cette injustice que la proposition de loi déposée par Catherine Troendlé vise à réparer.

Dans sa rédaction initiale, l’article unique de la proposition de loi tendait à prévoir l’élection par les fonctionnaires territoriaux n’ayant pas la qualité de sapeur-pompier professionnel d’un représentant doté d’une voix consultative au conseil d’administration du SDIS, au même titre que les représentants des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.

Lors des travaux que j’ai menés pour l’examen de ce texte, cette initiative a été unanimement saluée, tant par les nombreux syndicats qui ont été entendus que par l’ensemble des acteurs institutionnels. Le Gouvernement lui-même a montré son intérêt en engageant la procédure accélérée le 5 octobre dernier.

Sur ma proposition, la commission des lois a donc approuvé cette heureuse initiative et a même souhaité aller plus loin dans la reconnaissance des PATS.

Ainsi, mes chers collègues, le texte qui vous est soumis aujourd’hui tend à prévoir la représentation des fonctionnaires territoriaux du SDIS qui ne sont pas sapeurs-pompiers professionnels, à l’instar des sapeurs-pompiers, non seulement au conseil d’administration des services départementaux d’incendie et de secours, mais également au sein de la commission administrative et technique des services d’incendie et de secours, la CATSIS. C’est important, car cette commission est consultée sur toutes les questions d’ordre technique et opérationnel – en règle générale, auprès du directeur du SDIS.

Le nombre des représentants des PATS au sein de la commission administrative et technique des services d’incendie et de secours serait fixé par voie réglementaire. Il devrait s’élever à deux, comme vous nous l’avez confirmé la semaine dernière en commission, monsieur le secrétaire d’État.

Ainsi que le prévoyait déjà la proposition de loi initiale, les PATS disposeraient d’un seul représentant avec voix consultative au conseil d’administration du SDIS, contre deux pour les sapeurs-pompiers professionnels.

Comme ceux des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, ce représentant au conseil d’administration du SDIS serait désigné parmi les représentants des personnels administratifs, techniques et spécialisés élus au sein de la commission administrative et technique des services d’incendie et de secours. C’est une sorte de parallélisme des formes entre les dispositifs existants et celui qui est proposé.

Ce dispositif permettrait, si vous me passez cette expression, de ne plus laisser les PATS en bas de l’échelle. (Sourires. – Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et au banc des commissions. – MM. Pierre-Yves Collombat, François Pillet et Jean-Marie Morisset applaudissent également.)

Mle président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Nunez, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de revenir devant vous, afin que le Sénat puisse adopter en première lecture la proposition de loi défendue par le rapporteur Loïc Hervé et par la sénatrice Catherine Troendlé, qui vise à permettre la participation d’un représentant des personnels des filières administratives, techniques ou spécialisées, les PATS, des services d’incendie et de secours au sein du conseil d’administration, avec voix consultative.

Ainsi que je le rappelais en commission la semaine dernière, on estime que les services d’incendie et de secours comptaient dans leurs rangs 11 217 personnels des filières administratives, techniques et spécialisées en 2017. Ils représentent près de 22 % des personnels salariés des SDIS.

Ces personnels administratifs et techniques, comme M. le rapporteur l’a souligné, ont un rôle essentiel pour le bon fonctionnement des services d’incendie et de secours. Les fonctions support leur reviennent, y compris dans la préparation opérationnelle des interventions des sapeurs-pompiers. En effet, outre les fonctions administratives et financières, ils maintiennent en condition opérationnelle les engins de secours, les matériels de transmission ou encore, M. le rapporteur a cité un exemple, les équipements de sécurité.

Comme l’ont souligné les sénateurs qui se sont exprimés en commission, ces personnels ont souvent la vie de leurs collègues sapeurs-pompiers entre les mains. C’est dire si leur rôle est essentiel !

Cela justifie pleinement que la voix des personnels des filières administratives, techniques ou spécialisées soit entendue au sein des conseils d’administration des services d’incendie et de secours, et que leur représentativité soit encore mieux établie, afin qu’ils soient mieux reconnus.

Jusqu’à aujourd’hui, ce n’est pas le cas : ils ne sont pas représentés au sein des conseils d’administration des SDIS. Cette injustice devait être réparée ; je remercie la sénatrice Catherine Troendlé d’avoir travaillé à la rédaction de cette proposition de loi.

Les auditions et le travail mené par l’auteur du texte, le rapporteur et les sénateurs de la commission des lois ont permis d’aboutir à la rédaction d’une proposition de loi qui satisfait l’ensemble des groupes.

Un amendement déposé en commission par le rapporteur et voté par l’ensemble des sénateurs présents a permis d’intégrer les PATS aux commissions administratives et techniques des services d’incendie et de secours, où ils ont toute leur place également.

Le texte ainsi amendé répond aux attentes d’une meilleure intégration des personnels administratifs, techniques et spécialisés au sein des différentes instances des services d’incendie et de secours.

Ainsi que plusieurs sénateurs l’ont rappelé, le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée sur ce texte, afin qu’il soit adopté au plus vite et qu’il entre en vigueur dans les meilleurs délais. Je ne doute pas qu’il sera inscrit rapidement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Je sais que ce texte est également l’occasion pour les sénateurs d’évoquer d’autres préoccupations : vous l’avez largement fait en commission. Je tiens à vous garantir l’implication totale du Gouvernement auprès des sapeurs-pompiers, qu’ils soient professionnels ou volontaires.

Nous savons ce qui fait la force du modèle français de sécurité civile, que nous envient tous nos voisins. Nous prendrons une initiative européenne pour préserver le statut des sapeurs-pompiers volontaires dans notre dispositif de secours et leur permettre de concilier leur vie professionnelle et leur engagement citoyen. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Josiane Costes applaudit également.)

Mle président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour explication de vote.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, comme cela a été rappelé, cette proposition de loi vise à pallier un manquement concernant les personnels administratifs, techniques et spécialisés, les PATS, qui ne sont pas représentés au sein des conseils d’administration des SDIS. Leur rôle clé et leur nombre justifient que leur voix soit entendue au sein des conseils d’administration des SDIS. Je voterai bien évidemment ce texte.

La commission des lois a ajouté une disposition importante, permettant, d’une part, que les personnels administratifs, techniques et spécialisés disposent de représentants à la commission administrative et technique des services d’incendie et de secours, et, d’autre part, que les PATS disposent d’un représentant doté d’une voix consultative au conseil d’administration du SDIS, en qualité de membre élu de la CATSIS, au même titre que les représentants des sapeurs-pompiers.

Je salue là le travail de mon collègue rapporteur Loïc Hervé.

Je profite de cette intervention pour aborder l’incertitude relative à la transposition de la directive du 4 novembre 2003 dite DETT, à la suite de l’arrêt Matzak de la Cour de justice de l’Union européenne.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué à mon collègue Cédric Perrin la semaine dernière que vous alliez proposer dans les prochaines semaines une initiative européenne de nature à garantir que les sapeurs-pompiers volontaires, les SPV, puissent continuer à concilier librement leur engagement et leur activité professionnelle. Vos mots nous rassurent quelque peu.

Nous le savons, l’application de la directive impliquerait, notamment, le plafonnement de l’activité cumulée entre travail et volontariat à quarante-huit heures par semaine, l’application du repos de sécurité quotidien entre le travail et l’activité en tant que volontaire, ainsi que le paiement des charges salariales. Autant dire que l’on tuerait le statut de sapeur-pompier volontaire, et donc notre modèle de sécurité civile.

Alors qu’ils représentent près de 80 % des effectifs du corps des sapeurs-pompiers, une exemption des SPV du champ d’application de la directive européenne est fondamentale.

La revendication au sein de notre hémicycle est forte : la motion de mes collègues Catherine Troendlé et Olivier Cigolotti, adressée au président de la Commission européenne, demandant le rejet de la reconnaissance des volontaires en tant que « travailleurs » au sens de la directive de 2003 dite DETT, a été cosignée par 252 sénateurs. Nous comptons sur votre détermination.

Aussi, je tiens à faire remonter une revendication des SDIS concernant les conventions de disponibilité.

Les SDIS, et notamment celui de mon département, la Haute-Savoie, soutiennent le développement du volontariat chez les sapeurs-pompiers à travers ces conventions de disponibilité.

Elles permettent à un employeur, public ou privé, de contractualiser avec le SDIS pour une mise à disposition à la carte du salarié, que ce soit pour des interventions, des gardes ou des formations. Cette mise à disposition se fait avec option de subrogation, c’est-à-dire que le SDIS verse à l’employeur le montant des indemnités correspondant au temps de travail non réalisé.

Ce dispositif est très performant et assez développé sur notre département, où un label employeur a été mis en place. Il pourrait être judicieux que les employeurs qui contribuent à cet engagement citoyen puissent bénéficier de certains avantages, fiscaux par exemple.

Enfin, je soulèverai les difficultés de logement des SPV dans les zones à forte pression immobilière. Ce problème est prégnant en Haute-Savoie. Les jeunes SPV ne parviennent plus à se loger dans les zones très prisées telles que les stations de ski ou la zone transfrontalière. Or c’est justement sur ces bassins que nous avons besoin de maintenir les SPV en astreinte pour couvrir les risques.

Les préfectures, conseils départementaux et mairies doivent donc travailler de concert pour trouver des solutions afin de faciliter l’accès au logement local, en contrepartie d’un engagement en qualité de SPV au profit d’un territoire. Je vous remercie pour votre soutien. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mle président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes appelés à légiférer sur une proposition de loi relative à la représentation des PATS au sein des conseils d’administration des services départementaux d’incendie et de secours.

Mes chers collègues, comment ne pas s’associer à un texte qui, dans son approche méthodologique – mêlant la procédure accélérée d’initiative gouvernementale à la procédure sénatoriale de législation en commission – comme dans ses nécessaires déclinaisons législatives, met à l’honneur notre Haute Assemblée ? Le groupe La République En Marche, pour sa part, souscrit pleinement aux objectifs assignés par ce texte. Comment ne pas les approuver ?

Il importe ici de résorber une rupture d’égalité : alors qu’ils représentent près de 22 % des effectifs salariés des services départementaux d’incendie et de secours et que chacun s’accorde sur le degré d’importance de leurs fonctions institutionnelles, les personnels administratifs, techniques et spécialisés ne disposent pas à ce jour de représentant au sein du conseil d’administration des SDIS, à l’inverse des sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires.

Tant et si bien que l’article unique de la proposition de loi tend à prévoir la présence d’un représentant des PATS au sein du conseil d’administration des SDIS, avec voix consultative, au même titre que les quatre représentants des sapeurs-pompiers.

En outre, sur l’initiative de son rapporteur, Loïc Hervé, la commission des lois a également prévu que les fonctionnaires territoriaux des SDIS qui ne sont pas sapeurs-pompiers professionnels, mais sont très majoritairement des fonctionnaires territoriaux des catégories A, B et C, soient représentés, à l’instar des sapeurs-pompiers et en vertu d’une légitime logique représentative, non seulement au sein du conseil d’administration des SDIS, mais également au sein de la commission administrative et technique des services d’incendie et de secours.

L’application de ce principe homothétique dérive directement de la complémentarité fonctionnelle reconnue entre PATS et SDIS, et, comme chacun le sait, de l’importance fondamentale du support administratif dans l’opérationnalité des capacités de projection des SDIS. Les précédents orateurs ont souligné l’importance de leurs fonctions.

Le chemin est donc tout tracé : ayons l’assurance que cette initiative, à laquelle notre rapporteur a su apporter des gages de crédibilité supplémentaires, ira à son terme.

Reste la problématique, soulevée en commission, du principe de répartition des compétences entre l’État et les conseils départementaux : l’échelon départemental assure – nous le savons bien ici – le financement budgétaire, en lien avec les communes, d’une politique publique d’obédience étatique et de nature régalienne. Les transferts de charges doivent-ils se traduire, en bout de course, par une participation départementale accrue, non pas financièrement, mais dans le processus décisionnaire ?

La réflexion mérite de se poursuivre dans ce domaine, comme dans tant d’autres, où demeurent quelques éléments d’insatisfaction. Cyril Pellevat a évoqué à l’instant, avec le talent qu’on lui connaît,…

M. Arnaud de Belenet. … toute la problématique des volontaires.

Dans cette attente, les sénateurs du groupe La République En Marche apportent leur concours absolu au dispositif contenu dans la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – Mme Michèle Vullien et M. Jean-François Longeot applaudissent également.)

MPhilippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Excellent discours !

M. Loïc Hervé, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, cette proposition de loi de bon sens ne peut que recevoir notre approbation, d’autant que les modifications introduites par la commission des lois permettant la représentation des PATS à la commission administrative et technique des SDIS, laquelle débat de questions essentielles d’organisation des services impliquant justement ces personnels administratifs, techniques et spécialisés, complètent heureusement le dispositif – nous en sommes tous convaincus ici.

Inutile d’en dire plus sur le sujet. En revanche, puisque l’occasion m’en est donnée, je rappelle, comme je l’ai fait en commission après Catherine Troendlé, qu’il serait peut-être temps que la concertation, ouverte depuis des années entre le ministère de la santé, en principe responsable des secours sanitaires, et le ministère de l’intérieur, tutelle des SDIS, qu’il ne finance pas mais utilise, accouche d’autres souris que des souriceaux habituels. (Sourires sur plusieurs travées.)

M. Loïc Hervé, rapporteur. Joli !

M. Pierre-Yves Collombat. Je rappelle en effet que les intervenants juridiquement occasionnels que sont les SDIS sont devenus les principaux acteurs du secours aux personnes, aux frais des collectivités territoriales, ce qui pourrait d’ailleurs expliquer le peu d’empressement des gouvernements successifs à modifier un statu quo aussi intéressant pour lui.

Les pompiers refusent d’autant moins de faire le travail que, sur une grande partie du territoire, ils sont les mieux placés et les mieux équipés pour l’accomplir. Ce qu’ils demandent, en revanche, soutenus en cela par les élus, c’est d’être au moins correctement défrayés pour le service rendu. Or ce n’est pas le cas, loin de là !

Non seulement ils sont insuffisamment défrayés, mais ils sont pénalisés lorsqu’ils agissent pour autrui. La promesse faite, par exemple, d’être exonérés du péage des autoroutes n’est toujours pas honorée. Cerise sur le gâteau, les SDIS, comme les autres organismes territoriaux dont le budget est important, devront diminuer leurs dépenses de fonctionnement de 1,2 %. Plus ils feront le travail des autres, plus ils devront faire des économies ! Je ne sais pas s’ils vont y parvenir…

Quant à la généralisation des plateformes de régulation des interventions sanitaire communes au SAMU, au SDIS et à la police, et autres préconisations que Catherine Troendlé et moi-même formulons depuis quelques années,…

M. Pierre-Yves Collombat. … on attend toujours !

Sans doute faudra-t-il un prochain scandale, comme celui de Strasbourg il y a quelques mois, pour que les choses bougent un peu.

Avec un « gouvernement start-up », tous les espoirs sont permis ! En attendant, nous nous contenterons de voter cette proposition de loi, et ce d’autant plus volontiers que nous nous étonnons d’avoir dû attendre autant de temps pour parvenir à une si heureuse issue, tout à fait normale compte tenu du cours des choses. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

Mle président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’objet de la présente proposition de loi ne soulève aucune difficulté. Les organisations syndicales ont plusieurs fois signalé cette situation incompréhensible que nous allons réparer aujourd’hui.

Les personnels administratifs, techniques et spécialisés, les PATS, sont une catégorie professionnelle souvent méconnue, mais qui concourt au service public des sapeurs-pompiers, même s’ils sont cantonnés dans leur bureau ou leur atelier.

Ils sont pourtant des membres à part entière de la communauté. Apparus à la faveur de la départementalisation, ces personnels participent au bon fonctionnement des SDIS pour faciliter leur activité opérationnelle et contribuer à l’efficacité ainsi qu’à la permanence des missions de secours.

Au même titre que les sapeurs-pompiers, ils montrent un engagement au service de la communauté et de leurs concitoyens. D’ailleurs, il faut le souligner, nombre d’entre eux assurent un service de sapeur-pompier volontaire.

La présente proposition de loi répond avant tout à un objectif de reconnaissance : celui du rôle important que jouent les PATS dans le fonctionnement des SDIS.

Je remercie Mme Catherine Troendlé d’avoir formalisé ce texte, fruit d’une réflexion engagée lors des dernières séances de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, et auquel le groupe socialiste et républicain souscrit entièrement.

En commission des lois, j’ai défendu, au nom de mon groupe, deux amendements qui ont connu des sorts opposés.

Je me réjouis de notre communauté de vues avec le rapporteur au sujet de ce premier amendement. Cela a permis d’étendre l’esprit de ce texte aux commissions administratives et techniques des services d’incendie et de secours.

Le second amendement visait l’inclusion des PATS dans le corps départemental des sapeurs-pompiers. Je l’ai retiré, conformément aux demandes de M. le rapporteur et du Gouvernement pour des questions de mises en œuvre et de technicité. J’espère que cette bouteille à la mer que j’ai lancée ne voguera pas trop longtemps, et que le sujet sera traité avec le sérieux et la rapidité qu’il mérite.

Si nous légiférons aujourd’hui, c’est aussi du fait de l’évolution du métier de sapeur-pompier, car les sapeurs-pompiers sont de plus en plus confrontés aux soins d’urgence. Mme Catherine Troendlé et M. Collombat qui avaient planché sur ce sujet en 2016 ont appelé à une meilleure rationalisation des services d’urgence. Ici, c’est l’État qui devra prendre toute sa part et penser à la suite à donner à la départementalisation des SDIS, en particulier sur ce sujet.

Nous attendons également une réponse de l’État aux questions soulevées par la directive européenne qui reconnaît les volontaires comme travailleurs. Je salue ici l’interpellation faite par Mme Troendlé et plusieurs de nos collègues sur ce point. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous porter à la connaissance du Parlement les conclusions de l’étude des impacts réels pour les services d’incendie et de secours qui est en cours par les services compétents du ministère de l’intérieur, en lien avec le secrétariat général aux affaires européennes ?

Il faut protéger l’engagement volontaire des sapeurs-pompiers.

M. Patrick Kanner. L’extension de l’application de cette jurisprudence aux sapeurs-pompiers français tendrait à remettre totalement en cause notre modèle de secours territorial.

M. Patrick Kanner. Quelles initiatives prendrez-vous pour préserver ce modèle ?

Il ne s’agit pas de nous recroqueviller sur un particularisme local. Nous n’agissons pas par conservatisme. Bien au contraire, protéger la notion d’engagement, c’est promouvoir une valeur qui est consubstantielle à la République.

Vous ne serez pas surpris que de tels propos soient tenus par un ancien ministre de la vie associative et de l’engagement. À ce titre, j’avais promu au sein de la loi de janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, si chère au cœur de Mme Gatel (Mmes Catherine Troendlé et Françoise Gatel sourient.), la possibilité d’effectuer une mission de service civique auprès d’un service d’incendie et de secours, et de bénéficier de la formation de sapeur-pompier volontaire. Cela a été voté à l’unanimité par la Haute Assemblée.

Mme Catherine Troendlé. Et cela fonctionne bien !

M. Patrick Kanner. Préserver notre modèle de volontariat, c’est conforter l’engagement civique, une valeur essentielle pour une citoyenneté active et responsable.

Enfin, il faut également lever les freins potentiels à ce don de soi et protéger ceux qui nous protègent.

M. Patrick Kanner. À cette fin, je viens de déposer au nom de mon groupe une proposition de loi relative au renforcement de la sécurité des sapeurs-pompiers. Elle vise, selon quelques conditions, à la mise en place d’un anonymat dans le cadre d’une procédure pénale pour inciter les sapeurs-pompiers à déposer plainte lorsqu’ils sont victimes d’agression durant leurs missions. Nous le devons à ces personnes qui nous protègent. Pardon, mes chers collègues, pour la diversité de mes propos, mais tous ces éléments convergent : il faut protéger nos protecteurs !

M. Patrick Kanner. Aujourd’hui, nous sommes heureux de soutenir la pierre ajoutée à l’édifice par Mme Catherine Troendlé. Le groupe socialiste et républicain votera donc cette proposition de loi, et continuera à travailler au développement de notre modèle si particulier de secours. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Josiane Costes, ainsi que MM. Pierre-Yves Collombat et M. Dany Wattebled applaudissent également.)

Mle président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour explication de vote.

Mme Josiane Costes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me félicite du fait que cette proposition de loi, enrichie par le rapporteur, ait reçu un bon accueil sur le terrain, où elle apparaît comme utile au bon fonctionnement du service.

Eu égard à l’importance de ces personnels, aussi bien en effectifs qu’au regard de leur mission de maintien du matériel qui est centrale, notre groupe a considéré qu’il était indispensable qu’ils puissent être représentés au sein du conseil d’administration des SDIS.

Dès lors, il nous paraît pertinent que ces personnels soient également présents au sein des commissions administratives et techniques des services d’incendie et de secours, puisqu’ils ont à connaître, au quotidien, des enjeux techniques du service.

Plus globalement, notre débat doit aussi être l’occasion d’affirmer nos convictions sur l’organisation de nos SDIS. Il nous semble tout d’abord vital et urgent de faire évoluer l’architecture du système de lutte contre les incendies et du secours à la personne dans son ensemble, comme le préconisaient déjà nos collègues Pierre-Yves Collombat et Catherine Troendlé en 2016.

Représentante du conseil départemental au sein du SDIS depuis 2015, je fais le même constat depuis plusieurs années, alors que les SDIS sont parfois, malheureusement, le dernier service public dans certaines communes. C’est particulièrement vrai dans le Cantal.

Face à la croissance continuelle de leurs charges et à la baisse de leurs recettes, compte tenu du désengagement de l’État et des contraintes budgétaires des départements, les marges de manœuvre des SDIS se tarissent. Ces derniers ont bien essayé, depuis plusieurs années, d’optimiser leurs moyens, mais cela ne peut suffire ! Le vieillissement démographique et la désertification médicale, avec la fermeture progressive de certains services dans les hôpitaux de proximité, impactent considérablement l’activité des SDIS. Pour illustration, toujours dans le Cantal, le nombre total d’interventions du SDIS a crû de 7 %, tandis que la proportion des secours à la personne a explosé, représentant 79 % des interventions, entre 2016 et 2017.

L’appel à l’engagement citoyen de pompiers bénévoles apparaît comme la pierre angulaire d’un système dont le coup d’arrêt pourrait néanmoins bientôt tomber.

En France, 79 % des sapeurs-pompiers sont volontaires. Leur présence est au cœur même de notre organisation. Sur les 37 centres de secours du Cantal, les 760 pompiers volontaires permettent d’assurer une bonne partie des interventions dans le département, en complément des 100 pompiers professionnels.

Le modèle de secours français, fondé sur le volontariat, est pourtant menacé par la Cour de justice de l’Union européenne qui a estimé, dans un arrêt en date du 21 février dernier, que la directive de 2003 sur le temps de travail devait s’appliquer aux sapeurs-pompiers volontaires belges. Bien sûr, cette décision est théoriquement circonscrite au cas belge et ne s’applique pas de plein droit en France. Toutefois, nous sommes à la merci d’un recours (M. Guy-Dominique Kennel opine.)

Mme Josiane Costes. … devant une juridiction française, qui viendrait totalement remettre en cause notre modèle de secours.

Or l’alternative de la professionnalisation à temps partiel du volontariat manque encore de crédibilité, notamment en cas de crise, comme le souligne le rapport de la mission pour la relance du volontariat remis au ministre de l’intérieur le 23 mai 2018.

Par conséquent, l’ensemble des membres du groupe du RDSE ont cosigné la motion de nos collègues Catherine Troendlé et Olivier Cigolotti demandant la mise en chantier d’une directive préservant l’engagement volontaire des forces de sécurité et de secours d’urgence. Je veux réaffirmer ici notre soutien plein et entier à cette initiative.

Peut-être pourrez-vous nous en dire plus, monsieur le secrétaire d’État, sur l’appréciation que porte le Gouvernement sur cette situation critique pour notre modèle français des secours.

Mme Josiane Costes. Vous l’aurez compris, le groupe du RDSE, attentif au bon fonctionnement du service public de lutte contre les incendies et de secours, votera ce texte, dans sa très grande majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Pierre Sueur et Yannick Vaugrenard applaudissent également.)

Mle président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Françoise Gatel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de Mme Catherine Troendlé a donné au Sénat l’occasion d’utiliser une nouvelle fois avec succès la procédure de législation en commission. L’objet du texte s’y prêtait parfaitement.

Le groupe Union Centriste affirme son intérêt pour cette procédure moderne et efficace, qui valorise la qualité du travail de commission. N’oublions pas qu’il s’agit là d’une spécificité du Sénat. Elle montre la voie de la modernité et de l’efficacité et pourrait inspirer d’autres assemblées… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Françoise Gatel. La proposition de loi permet de réaffirmer la qualité de nos services départementaux d’incendie et de secours, mobilisés sans relâche, avec dévouement et professionnalisme, pour venir en aide, tout au long de l’année, à nos concitoyens, comme nous l’avons encore vu très récemment, dans des circonstances difficiles. Gardons à l’esprit qu’ils effectuent, en moyenne, une intervention toutes les sept secondes !

L’examen de ce texte nous donne aussi l’occasion de réaffirmer l’originalité et la très grande valeur du modèle français qui repose sur des sapeurs-pompiers volontaires. Le dernier congrès national des sapeurs-pompiers a d’ailleurs fourni au Gouvernement l’occasion de présenter son plan d’action pour le volontariat, visant à consolider ce modèle altruiste et citoyen et à diversifier le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires. C’est une excellente chose.

Mais il faudra sans doute aller plus loin pour assurer la pérennité de notre modèle. Tous mes collègues l’ont rappelé : nos sapeurs-pompiers volontaires sont visés, voire menacés par une directive européenne relative au temps de travail, dont l’éventuelle transposition en droit interne pourrait remettre en cause notre modèle de secours français.

Comme notre collègue Olivier Cigolotti l’a rappelé à la fin du mois de septembre dernier, une initiative forte auprès des instances de l’Union européenne – vous l’avez évoquée, monsieur le secrétaire d’État – est urgente et indispensable pour exempter le volontariat de cette directive ou obtenir des dérogations. Le Président de la République avait d’ailleurs pris l’engagement de « défendre farouchement le modèle reposant sur le volontariat des sapeurs-pompiers qui n’est ni du salariat ni du bénévolat ».

Le Sénat s’est mobilisé, en cosignant à la très grande majorité de ses membres une motion adressée à Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne.

S’il faut, bien sûr, saluer l’engagement de nos sapeurs-pompiers, la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé permet d’évoquer ceux qui sont dans l’ombre, mais sans qui les missions ne pourraient pas être assurées : les personnels administratifs, techniques et spécialisés. Reconnaissons que l’on en parle moins ! Certaines de leurs missions sont très techniques. Or de la fiabilité des matériels qu’ils entretiennent dépend parfois directement la vie des sapeurs-pompiers. Leur rôle est donc essentiel. Dès lors, qu’ils puissent être représentés au sein du conseil d’administration paraît légitime.

Cependant, la présente proposition de loi est aussi l’occasion de s’interroger sur l’évolution très importante des SDIS.

En effet, le secours à la personne représente aujourd’hui plus de 85 % de l’activité de sapeur-pompier. Cette mission de santé doit être connectée à l’organisation territoriale des soins. La réflexion menée par la ministre des solidarités et de la santé sur la présence médicale dans les territoires ne pourra pas faire abstraction d’une nécessaire articulation entre les services de santé et d’urgence et les missions des SDIS.

Plus globalement, le sujet des SDIS pose aussi la question du rapport « dominant », si je puis dire, entre l’État et les collectivités, autrement dit du rapport entre celui qui décide, l’État, et celui qui paie, le département. J’ai évoqué ce point en commission des lois, à la suite des propos du président Kanner, qui allait même plus loin, évoquant la possibilité que l’État récupère cette compétence régalienne. Je ne sais si nous devons aller jusque-là. Pour autant, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes encore fort éloignés de l’excellent principe du décideur-payeur, et cela pose problème.

Pour revenir plus directement à la proposition de loi, et en guise de conclusion, les membres du groupe Union Centriste remercient très sincèrement et très chaleureusement notre collègue Catherine Troendlé de son excellente initiative. Nous remercions également notre rapporteur, Loïc Hervé, qui a contribué à l’excellence du travail réalisé sur ce texte.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, notre groupe apportera son soutien au texte ainsi proposé par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Arnaud de Belenet, Patrick Kanner et Christian Manable applaudissent également.)

Mle président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour explication de vote.

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en juin dernier, nous avons examiné, dans cet hémicycle, une proposition de loi visant à étendre l’utilisation des caméras mobiles à deux nouvelles catégories d’agents publics, dont les sapeurs-pompiers.

Le débat de ce jour concerne la filière administrative et technique des services d’incendie et de secours.

Une nouvelle fois, le Parlement se met à l’écoute attentive de ces hommes et de ces femmes qui, au péril de la leur, sauvent, chaque jour, des vies humaines. Il se met aussi au chevet de tous ces sauveteurs, professionnels ou volontaires, personnels administratifs, techniques et spécialisés, qui contribuent à rendre notre société plus sûre, sans toujours en recueillir les lauriers.

Rappelons-nous les événements dramatiques de ces derniers mois : ils ont mis en exergue, si besoin était, le rôle éminent des acteurs de la sécurité et du secours, qu’ils soient sapeurs-pompiers professionnels ou qu’ils relèvent de la filière des personnels administratifs, techniques et spécialisés. Tous font vivre quotidiennement les mots « mobilisation », « engagement », « entraide », « solidarité ».

Les médias nous rapportent régulièrement le récit d’agressions de pompiers. Oui, du nord au sud et de l’est à l’ouest, nos pompiers sont agressés, caillassés et quelquefois pris à partie par des personnes violentes.

En tant qu’élus de la République, nous avons un devoir envers ces personnels. Ce devoir commence par la reconnaissance de tous, y compris des personnels administratifs, techniques et spécialisés, qui représentent un maillon essentiel de la chaîne d’action des soldats du feu. Aujourd’hui, ils sont un élément indispensable des services de lutte contre le feu. En 2016, ils étaient 11 200, pour 40 600 sapeurs-pompiers professionnels. Ils occupent des tâches centrales dans la gestion des ressources humaines ou dans le suivi des affaires juridiques. Ils sont aux pompiers ce que les fondations sont à une maison (Mme Catherine Troendlé opine.) : l’élément solide sur lequel repose tout un édifice, toute une institution.

Pourtant, ils ne sont pas reconnus. Au sein des services départements d’incendie et de secours, ils n’ont pas voix au chapitre, alors que les sapeurs-pompiers, volontaires comme professionnels, disposent de deux représentants, avec voix consultative.

Le dialogue social doit prendre une nouvelle dimension au sein des commissions administratives et des conseils d’administration des SDIS, permettant de lever les éventuelles incompréhensions et de prévenir les conflits.

Sur l’initiative de notre collègue Catherine Troendlé, nous entendons aujourd’hui répondre à l’injustice qui touche les personnels administratifs, techniques et spécialisés et reconnaître leur rôle stratégique, en leur accordant une place au sein des conseils d’administration des services départementaux d’incendie et de secours.

Plus qu’une reconnaissance professionnelle, il s’agit d’une reconnaissance de leur rôle technique. Leur connaissance du terrain – connaissance des capacités opérationnelles, maîtrise technique du matériel radio et d’intervention – serait un véritable atout pour le fonctionnement des SDIS.

Au sein des instances de ces services départementaux et des commissions administratives et techniques des services d’incendie et de secours, ils pourront alors faire entendre la voix de ces milliers d’hommes et de femmes ayant des missions d’appui dans le cadre de la sureté de notre pays à qui nous devons tant, notamment l’assurance d’être protégés en cas de danger.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants s’associe pleinement et sans réserve, comme vous tous, à une telle évolution législative. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – Mmes Josiane Costes et Martine Filleul applaudissent également.)

MPhilippe Bas, président de la commission des lois. Nous voilà réconfortés !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Nunez, secrétaire dÉtat. Monsieur le président, si vous le permettez, je souhaite apporter quelques éléments de réponse complémentaires.

D’abord, je veux rappeler l’attachement du Gouvernement à notre système de sécurité civile, qui démontre chaque jour sa solidité et sa robustesse – je salue, à cet égard, les hommes et les femmes qui le composent. Loin de nous l’idée de nous départir de ce modèle ! Nous allons, au contraire, tout faire pour le consolider.

Je veux faire trois brèves remarques. Concernant le secours aux personnes, qui représente 84 % des interventions des SDIS, monsieur le sénateur Pierre-Yves Collombat, je puis vous assurer que nous allons veiller à ce que le rapport de l’Inspection générale de l’administration, l’IGA, et de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, n’accouche pas de souriceaux et à ce que les propositions qu’il contient débouchent sur des solutions extrêmement concrètes, dans la mesure où, comme vous le savez, ce pourcentage va croissant. Soyez assuré que nous y serons très attentifs.

Nous sommes tout aussi vigilants sur la question de la sécurité des interventions des sapeurs-pompiers, lesquels sont effectivement victimes d’agressions assez violentes dans certains départements, au-delà des violences urbaines. Le ministre de l’intérieur a rappelé à tous les préfets la nécessité d’appliquer les dispositifs de convention opérationnelle existants, qui visent à renforcer l’échange d’informations, à permettre des interventions conjointes avec les forces de l’ordre dans les secteurs les plus sensibles et à faciliter le dépôt de plainte en cas d’agressions. Cet élément est extrêmement important.

Pour ce qui concerne les caméras mobiles ou caméras-piétons, un texte a effectivement été voté à l’été 2018. L’utilisation de ces caméras sera expérimentée dès le début de l’année 2019 dans une quinzaine de départements, en vue, sans doute, d’une généralisation.

Pour terminer sur la question des agressions des sapeurs-pompiers, je répète que les dispositions de la loi de février 2017, qui ont renforcé les sanctions pénales, sont très régulièrement appliquées. Les auteurs des agressions sont très souvent condamnés à des peines de prison ferme.

Monsieur Kanner, comme je l’ai déjà dit en commission, je ne peux pour le moment répondre avec exactitude à la question des conséquences de la directive. Nous sommes en train d’y travailler, en lien avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises et le secrétariat général des affaires européennes, le SGAE. Cependant, je puis vous confirmer que nous prendrons bien évidemment une initiative à l’échelle européenne pour éviter que cette directive ne remette en cause le système du volontariat chez les sapeurs-pompiers.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici parvenus à la fin d’une procédure moderne et efficace, pour paraphraser l’une de nos intervenantes.

Je mets donc aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, dans le texte de la commission.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)

Mle président. Je constate que ce texte a été adopté à l’unanimité des présents.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quinze, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la représentation des personnels administratifs, techniques et spécialisés au sein des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours
 

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Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

J’appelle chacun à respecter le temps de parole – et je ne veux pas que ce soit un vœu pieux ! – et à faire preuve de courtoisie.

conséquences de la sécheresse

Mle président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Mme Josiane Costes. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Si l’épisode de grande sécheresse qui sévit sur notre territoire depuis le printemps dernier commence tout juste à se clore, nous savons en revanche que ses conséquences risquent, hélas, de fragiliser encore nos agriculteurs dans les mois qui viennent. En effet, cet événement climatique a été d’une telle ampleur qu’il a rapidement plongé de nombreuses exploitations dans la difficulté, avec, en particulier, un effet domino pour les producteurs de fromages.

Dans le Cantal, la sécheresse a eu pour premier effet d’obliger les éleveurs à acheter prématurément du foin, dont le coût pèse très lourdement sur les trésoreries. Malgré cette charge, la plupart des exploitants se sont approvisionnés en fourrages pour faire face à leurs besoins. Néanmoins, beaucoup d’entre eux doivent maintenant renoncer à leur niveau habituel de production de fromages, faute d’un bon pâturage au cours de l’été. Je pense au Salers, notamment, dont le cahier des charges impose une herbe de qualité pour la nourriture des vaches.

Monsieur le ministre, je salue les annonces que vous avez faites la semaine dernière ici, au Sénat, sur les aides nationales qui viendront en complément des dispositifs européens destinés à alléger les charges des exploitants.

Nos exploitants ont vraiment besoin d’un soutien rapide et efficace.

Je souhaitais toutefois vous interroger sur ce qui pourrait être fait en amont pour limiter les effets de ces sécheresses, qui, on le sait, risquent d’être récurrentes en raison du réchauffement climatique. Je pense, en particulier, à la question du développement des retenues d’eau, que certains agriculteurs aimeraient voir encouragées. Quel regard portez-vous sur ces dispositifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – MM. Bernard Cazeau et Arnaud de Belenet applaudissent également.)

Mle président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de lagriculture et de lalimentation. Madame la sénatrice, je voudrais tout d’abord vous remercier pour le travail que vous effectuez au sein de la Haute Assemblée sur ces sujets.

Je me suis déjà exprimé la semaine dernière. Comme je l’avais dit, l’État est au rendez-vous de la sécheresse que subissent les agriculteurs. Des mesures ont été annoncées, notamment l’exonération de la taxe foncière. Des aides seront accordées et trois comités de calamités agricoles se réuniront, l’un en décembre, l’autre en janvier, le troisième en février, afin de répondre aux situations de détresse de toutes les exploitations.

Cette sécheresse est en effet terrible. Mais votre question portait aussi, plus largement, sur l’eau.

Nous ne pouvons pas continuer à regarder l’eau tomber pendant six mois, et à chercher de l’eau pendant les six mois suivants. Lors d’un déplacement dans la Meuse et dans les Vosges, la semaine dernière, nous avons pu observer la situation. Avec M. le ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy, et Mme la secrétaire d’État Emmanuelle Wargon, nous travaillons de concert sur les projets de territoire.

Dès janvier 2019, des études très précises seront faites, territoire par territoire, afin de savoir où en est la ressource en eau et quelles réserves il convient de constituer.

Lors des prochains mois, dans le cadre de la deuxième phase des Assises de l’eau, nous mènerons une large concertation réunissant nos deux ministères, mais aussi le Gouvernement dans son ensemble et les territoires, durant laquelle nous étudierons, avec l’aide des agences de l’eau, le moyen de répondre à ce défi qui est aujourd’hui majeur pour notre agriculture.

Le réchauffement climatique et la dérégulation du climat sont là ; il nous faut donc nous soucier de la ressource en eau.

Vous avez eu raison, madame la sénatrice, de poser cette question. Nous allons essayer d’apporter une réponse concrète et pragmatique, territoire par territoire, microterritoire par microterritoire. L’ère des grandes retenues d’eau est terminée : il n’y en aura plus. Il est possible, en revanche, de voir quelles sont les solutions au niveau des exploitations. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mle président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour la réplique, en dix-sept secondes.

Mme Josiane Costes. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Vous le savez, les agriculteurs souffrent. Ils ont déjà subi la crise des prix en 2015. Il ne faudrait pas que la sécheresse entraîne la destruction de centaines de fermes, et donc de productions qui sont le fleuron de notre gastronomie. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)

réforme de l’état

Mle président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, qui a malgré tout réussi à rejoindre le Sénat ce matin.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, vous venez de présenter un vaste plan de destruction de la fonction publique (MM. Roger Karoutchi et Christian Cambon sourient.) par la baisse des effectifs et la fragilisation du statut.

Ce plan poursuit le vieux rêve d’un État faible face au jeu des intérêts privés. Que proposez-vous ? Cinquante mille fonctionnaires d’État en moins, après une baisse de 11 % depuis vingt ans, une casse du statut avec un appel massif aux contractuels.

Monsieur le Premier ministre, la France ne peut se gérer comme une start-up, les règles du service public et le sens de l’intérêt général ne sont pas compatibles avec l’objectif de rentabilité.

Votre plan impose aussi une réduction de 70 000 postes dans la fonction publique territoriale. C’est un non-sens : chacun sait que la défaillance du service public d’État est prise en charge par les collectivités locales. D’ailleurs, les points de contact que vous annoncez existent déjà, ce sont les mairies !

Monsieur le Premier ministre, votre plan libéral est en totale contradiction avec les besoins de notre société. Quand admettrez-vous que la casse du service public, de ce qui ne se marchandise pas, brise le trait d’union, la solidarité sociale territoriale au sein de notre République ?

Monsieur le Premier ministre, la voie que vous avez choisie est sans issue, et elle interroge sur l’avenir de notre pays et de l’Europe. Nous attendons de votre part un sursaut républicain pour stopper la saignée que vous imposez aux services publics nationaux et locaux. Allez-vous y mettre fin ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mle président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains. Un poids lourd ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

MOlivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Madame la sénatrice Cukierman, comme l’a dit M. le président du Sénat, vous avez réussi à rejoindre Paris malgré un épisode neigeux, qui nous donne, aux uns et aux autres, l’occasion de saluer le travail des fonctionnaires.

Je saisis cette opportunité pour rappeler notre attachement, à la fois, au service public et aux fonctionnaires. (Exclamations sur plusieurs travées.) C’est justement parce que nous y sommes attachés que nous menons une réforme de transformation.

Cette réforme a pour objectif de simplifier le dialogue social, tout en garantissant la totalité des droits des agents. Nous sommes en effet convaincus qu’en simplifiant ce dialogue, nous pourrons donner plus d’opportunités de mobilité, plus de réactivité à l’administration, et rendre celle-ci plus performante pour faire face aux défis qui nous attendent et aux besoins de la population.

Nous ferons en sorte que soit mieux reconnu l’engagement de chacun des agents publics de ce pays en permettant une individualisation, un intéressement, individuel ou collectif. Nous pourrons ainsi mieux accompagner les agents publics dans la tâche qui est la leur au quotidien.

Nous donnerons aux employeurs publics plus de marge de manœuvre et plus de liberté pour choisir celles et ceux qu’ils doivent recruter pour mener à bien leur mission. Il s’agit ainsi de permettre l’élargissement des conditions de recrutement des contractuels, sans remettre en cause le principe général de l’occupation des emplois permanents par des agents titulaires.

Nous ferons en sorte, aussi, de mieux accompagner les transitions professionnelles et les mobilités, et de garantir une plus grande transparence des emplois publics.

Parce que les services et les besoins évoluent, parce que le numérique s’impose à la fonction publique comme à l’ensemble du pays, notre objectif est de former et d’accompagner les agents publics afin qu’ils aient un avenir et des perspectives d’emploi dans la fonction publique, et afin que ceux d’entre eux qui le souhaitent puissent rejoindre, sur la base du volontariat, le secteur privé.

Nous accompagnerons ces transformations d’une réorganisation du réseau territorial. Le Premier ministre nous a donné une consigne : privilégier l’échelon départemental comme moyen d’action. Vous le savez, à la suite d’interventions de nombreux élus de la Loire, nous avons notamment pris la décision de maintenir les trésoreries de Bourg-Argental et de Renaison. Nous savons en effet que la proximité compte, et c’est dans cet esprit que nous voulons travailler. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mle président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.

Mme Cécile Cukierman. Vous l’avez évoqué, monsieur le secrétaire d’État, cette nuit, nous avons manqué de fonctionnaires dans mon département. Cette nuit, des femmes et des hommes qui sont restés bloqués dans leur voiture n’ont vu personne venir à leur secours ou se soucier de la situation dans laquelle ils étaient.

Cette nuit, nous avons manqué de fonctionnaires d’État et de fonctionnaires départementaux. Voilà quelle est la réalité !

Avec votre réforme, vous voulez faire une fonction publique sans fonctionnaires, de même que vous voulez un Parlement sans parlementaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Des sénateurs du groupe Les Républicains frappent sur leur pupitre.)

pouvoir d’achat

Mle président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre de l’action et des comptes publics, les augmentations des taxes sur le gazole, le fioul, l’essence, le gaz, ajoutées à la hausse du pétrole brut, entament dramatiquement le pouvoir d’achat des familles.

M. Martial Bourquin. Ces taxations sont violentes, aveugles, et représentent un poison pour leur pouvoir d’achat.

M. Julien Bargeton. C’est le diesel, le poison !

M. Martial Bourquin. Les taxes sur l’énergie rapportent 23 milliards d’euros au budget de l’État, mais, si l’on y regarde de plus près, elles sont bien loin de servir à mettre en place une fiscalité écologique ; il y a même des désengagements dans ce domaine. Elles servent plutôt à boucher les trous des cadeaux fiscaux donnés, dans la première année du quinquennat, aux plus riches. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

La fiscalité que vous déployez est injuste, elle est punitive. Ces taxes frappent indistinctement les plus fragiles. Or, souvent, ces personnes n’ont pas d’autre choix pour se déplacer que de se servir de leur voiture.

Monsieur le ministre, je vous poserai deux questions. Tout d’abord, renoncerez-vous aux futures augmentations de taxes qui sont prévues en janvier ? (M. Jackie Pierre applaudit.) Ensuite, avez-vous mis à l’étude une TICPE flottante, comme cela s’est fait il y a quelques années ? (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Michel Raison et Jackie Pierre applaudissent également.)

Mle président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Je croyais, monsieur le sénateur Bourquin, que lorsque l’on avait votre sensibilité politique, la mienne ou celle de nombreux parlementaires siégeant au Sénat et à l’Assemblée nationale (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) – sensibilités partagées par les Français qui, à travers les élus locaux de France, vous ont élu –, on voulait agir contre le dérèglement climatique,…

MFrançois Grosdidier. Mais pas comme cela !

M. François de Rugy, ministre dÉtat. … avec constance et détermination, y compris face aux difficultés. Car cette action est difficile à mener !

M. François Grosdidier. Vous ne faites pas payer le transit international !

M. François de Rugy, ministre dÉtat. J’ai reçu vendredi dernier au ministère de la transition écologique et solidaire M. Jean Jouzel, un grand climatologue, qui était venu me présenter son livre intitulé Planète, climat, réveillez-vous ! Il m’a expliqué, comme il le fera bien volontiers pour d’autres, comment se dégraderaient concrètement nos conditions de vie si nous ne faisions rien, et quelle serait la destruction de valeur pour l’agriculture, dont nous venons de parler à propos de la sécheresse et des fortes précipitations (Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.), et pour nos infrastructures si des événements climatiques exceptionnels devaient se produire.

Quand on a dit qu’il fallait agir pour le climat, tout le monde était d’accord avec le principe d’une fiscalité écologique.

M. François Grosdidier. La taxe poids lourds, faites-la !

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Et lorsque nous la mettons en œuvre, monsieur le sénateur, je reprends vos mots parce que vous n’avez pas parlé à la légère, vous dites : c’est violent et c’est du poison. (Oui ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Vous rendez-vous compte des mots que vous utilisez ?

Ne trouvez-vous pas que le dérèglement climatique, lui, est violent (Mme Cécile Cukierman proteste.) et que c’est un poison pour les Françaises et les Français et pour toutes celles et tous ceux qui en subissent directement les conséquences ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mle président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour la réplique.

M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre d’État, ce n’est pas parce que l’on peint un matraquage fiscal en vert qu’il devient écologiste ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.) Car c’est un matraquage fiscal !

Nous n’avons pas de leçons à recevoir concernant l’écologie ! Quand on regarde ce qui revient à la transition écologique sur ces 23 milliards d’euros, on se rend compte qu’il n’y a pas grand-chose…

Un sénateur du groupe Les Républicains. Une misère !

M. Martial Bourquin. … et qu’il y a même des reculs considérables.

Que représentent 2 000 euros pour quelqu’un qui n’est pas imposable, qui doit racheter une voiture et qui devra pour cela dépenser 10 000 ou 20 000 euros ?

M. le président. Il faut conclure.

M. Martial Bourquin. C’est du matraquage fiscal, monsieur le ministre d’État, ce n’est pas une fiscalité écologique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

lutte contre l’antisémitisme

Mle président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Samedi 27 octobre, à Pittsburgh, un terroriste est entré dans la synagogue Tree of Life et a vidé les chargeurs de sa kalachnikov en criant : « Tous les juifs doivent mourir », perpétrant le pire attentat antisémite de l’histoire américaine.

Deux jours plus tard, à Paris, une élève de médecine portait plainte contre un certain nombre de ses camarades qui, au nom d’un humour répugnant, voulaient baptiser leur week-end d’intégration « Auschwitz 2019 » ou encore « Rafle 2019 ». Ils illustraient leur proposition d’une photo d’un étudiant juif brûlant dans les flammes.

Rappelons-nous aussi les meurtres ignobles de Mireille Knoll et Sarah Halimi, l’attaque sanglante de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, l’insoutenable tuerie de l’école Ozar Hatorah à Toulouse, l’assassinat atroce d’Ilan Halimi en banlieue parisienne. Tous furent assassinés parce qu’ils portaient dans leur cœur l’étoile de David.

Les mots nous manquent pour répondre à la haine meurtrière qui se déverse sur le sol de la République et fait trembler les remparts de la démocratie. Il est pourtant de notre devoir de prendre la parole et d’alerter la société tout entière contre la recrudescence d’un antisémitisme sanguinaire, dont la Shoah, ignominie de l’histoire de l’Humanité, reste le plus terrible témoignage.

Depuis plus de dix ans, une nouvelle vague d’antisémitisme sévit en France, et la France, trop souvent, reste impuissante. Les marches blanches ne suffisent plus, les manifestes restent sans portée, le devoir de mémoire s’essouffle…

Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour combattre l’antisémitisme rampant qui sème la honte, le deuil et l’horreur au pays des droits de l’homme ? (Applaudissements sur lensemble des travées.)

Mle président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, comme vous venez de le souligner, l’antisémitisme n’a pas de frontières, et l’antisémitisme tue. L’attaque abjecte – je ne sais même pas comment nous pouvons la qualifier – à Pittsburgh en est la preuve tragique.

À la demande du Premier ministre, je me rendrai ce soir à la cérémonie d’hommage aux victimes qui se déroulera à la grande synagogue de la Victoire, et Laurent Nunez ira, quant à lui, à la synagogue du Mouvement juif libéral de France, où nous représenterons le Gouvernement.

Il nous faut en effet, d’abord, apporter le soutien du Gouvernement et de la représentation nationale aux proches des victimes, à ceux qui sont meurtris par ces attaques insupportables.

Personne ici, personne, n’oublie les attentats, les violences et les insultes dont le seul motif était l’antisémitisme.

Personne ici n’oublie les attaques que vous avez évoquées.

Personne ici n’oublie le gang des barbares, si bien nommé, qui a assassiné et torturé Ilan Halimi.

Pour reprendre les propos du Président de la République, nous sentons ces vents mauvais qui continuent à souffler sur la France.

Dès samedi soir, j’ai demandé à l’ensemble des préfets de mobiliser des moyens forts pour protéger plus encore les synagogues, les lieux de culte, mais aussi pour sécuriser les différentes manifestations qui étaient organisées le week-end dernier.

Ce qui s’est passé à Paris-XIII est totalement inacceptable. Ma collègue Frédérique Vidal a reçu dès hier le président de cette université, une plainte a été déposée et l’instruction a démarré.

Nous savons tous que, trop souvent, les victimes ne veulent pas forcément porter plainte, alors même que l’objectif du combat contre l’antisémitisme passe par une condamnation forte, rapide, puissante.

Nous avons donc décidé, et c’est une première réponse, de mettre en place le dépôt des préplaintes en ligne pour les infractions discriminantes de ce type. Dans le même esprit, nous allons doubler les effectifs de la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements, dite PHAROS, pour la cellule de lutte contre les discours de haine et de discrimination.

Vous pouvez, monsieur le sénateur, compter sur l’engagement total du Gouvernement, des services de l’État, des services de police et des services de la gendarmerie pour lutter contre l’antisémitisme.

Si, pour citer Hannah Arendt, « De tous les maux qui ont ravagé le XXsiècle, l’antisémitisme est le seul qui, au fond, demeure incurable », notre combat permanent contre ce mal permettra de le faire reculer. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

politique étrangère du gouvernement

Mle président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, vous le savez mieux que quiconque, dans une Europe et un monde pleins de tensions, la diplomatie est l’art de jeter des ponts qui permettent le dialogue au-delà des différences. Voilà qui devrait conduire à bannir toute forme de propos inutilement blessants pour nos interlocuteurs dont la légitimité démocratique n’est pas contestable, même si le résultat ne nous plaît pas.

Malheureusement, quand j’écoute certaines déclarations du Président de la République, je doute de notre capacité à être ceux qui maintiennent le lien et qui unissent. C’est pourtant le rôle que la France a toujours assigné à sa diplomatie.

Est-il constructif de déclarer à propos de deux dirigeants européens : « Ils ont raison de me voir comme leur principal opposant » ? Est-ce le rôle du chef de l’État de parler de certains de ses collègues européens en ces termes : « Que font ces esprits fous » ? Un Président ne devrait pas dire ça !

Le combat contre le nationalisme est un vrai combat. C’est un combat exigeant. Il s’agit de mettre toutes nos forces dans la reconstruction d’une Europe exigeante sur les valeurs, qui doit à la fois panser les plaies d’un divorce douloureux, écouter les peuples et se consacrer aux grands projets.

Depuis quelques mois, nos relations avec nos voisins européens se sont dégradées.

Au-delà de l’Europe, les tensions demeurent avec la Russie, et après un départ en fanfare aux côtés de Donald Trump, la réalité aujourd’hui est bien différente.

Monsieur le ministre, vous êtes connu pour votre sens de la mesure et pour votre habileté. Le Breton que vous êtes sait qu’il faut contrôler ses émotions si l’on veut être respecté et efficace.

Ne croyez-vous pas que la voix de la France a beaucoup à perdre si elle se laisse trop souvent aller à l’anathème de la bouche même de son Président ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mle président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Madame la présidente, alors que je me trouvais à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre dernier, il y a eu deux grands discours.

Le premier était celui du Président Trump, qui a expliqué comment il fallait progressivement détruire l’ensemble des éléments du multilatéralisme et comment le rapport de force bilatérale devait régenter les relations internationales.

Le second était le discours du Président Macron, qui a dit devant l’Assemblée générale qu’il fallait refonder le multilatéralisme pour retrouver l’esprit de coopération, et privilégier la coopération par rapport à la confrontation. Ce discours a été très applaudi par l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement présents.

Non, madame la présidente, la diplomatie française n’est pas isolée.

C’est sur l’initiative du Président Macron que s’est tenu le sommet sur la prolongation de l’Accord de Paris sur le climat. Et lors de ce One Planet Summit, il a été approuvé et applaudi par l’ensemble de nos partenaires.

C’est sur l’initiative du Président Macron, dont le discours a été approuvé par l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement présents, et du Président Macky Sall que s’est tenu à Dakar le sommet du Partenariat mondial pour l’éducation.

Quant au discours de la Sorbonne, il sert de base aux propositions de refondation de l’Europe qui sont aujourd’hui en débat,…

MBruno Retailleau. Des discours, toujours des discours !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … dans le respect des fondamentaux de la construction européenne.

C’est aussi sur l’initiative du Président de la République (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) que se tiendra le forum de la Paix, lequel réunira dans quelques jours à Paris plus de 70 chefs d’État et de gouvernement pour reconstruire la paix ensemble.

C’est enfin sur l’initiative du Président de la République (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) que se sont tenues les conférences et les initiatives pour lutter contre le blanchiment utilisé par le terrorisme.

Le Président de la République…

Mle président. Il va falloir conclure.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … a également été sollicité par le Président Poutine et par le Président Erdogan samedi dernier, à Istanbul, pour mettre en œuvre la feuille de route destinée à faire la paix en Syrie.

M. Marc-Philippe Daubresse. Belle réponse, mais ce n’est pas la question !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Non, madame la présidente, la France n’est pas isolée dans ses démarches.

M. le président. Il faut conclure.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Elle est écoutée, elle est entendue, elle est respectée ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mle président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.

Mme Sophie Primas. Monsieur le ministre, les discours sont l’apanage du Président de la République.

Il est très fort pour faire des discours et pour recueillir l’approbation des auditoires auxquels il les délivre. Mais où sont les actes ? Que va devenir notre Europe ? Nous ne pouvons pas opposer le nationalisme et le fédéralisme.

Il faudra des actes pour reconstruire cette Europe, et beaucoup plus que des paroles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

interprètes afghans non accueillis en France

Mle président. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

MJacques Le Nay. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question, à laquelle j’associe notre collègue Nathalie Goulet, à qui ce sujet tient à cœur, s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Le 20 octobre dernier, Qader Daoudzai a été tué dans une attaque suicide à Kaboul. C’était un ancien interprète de l’armée, du temps de sa présence en Afghanistan.

La victime s’apprêtait à demander un visa pour la France, après un premier refus en 2015. En effet, lui et toute sa famille étaient menacés de mort par les talibans du fait de son travail pour la France. Il ne pouvait ni retourner dans son village ni sortir de Kaboul. Ses proches ont rapporté qu’il répétait souvent : « Si je ne vais pas en France, je vais mourir dans une attaque ou quelqu’un me tuera ».

En 2015, il avait fait état de ces menaces dans sa demande de visa pour la France, qui lui avait été refusée, comme ce fut aussi le cas pour 151 autres personnes faisant partie des personnels civils de recrutement local.

Avant sa mort, Qader préparait son dossier pour une nouvelle demande de visa dans le cadre de la procédure dite de « relocalisation » récemment ouverte. Aujourd’hui, ses enfants âgés de deux, trois et quatre ans, désormais orphelins, se trouvent dans un pays en guerre.

Plus de 600 auxiliaires de nos forces armées dans le monde risquent ainsi leur vie pour la France. En Afghanistan, ils étaient les intermédiaires indispensables des militaires français auprès des populations. Avant de quitter le pays, la France s’était engagée à les protéger. Elle avait promis de ne pas les oublier.

Or force est de constater que la France les a, à l’évidence, oubliés. Il a fallu un mort de plus pour que nous les fassions sortir de cet oubli.

Monsieur le ministre, je vous poserai donc deux questions très simples. Quand allez-vous enfin accueillir la famille de Qader Daoudzai ? Que comptez-vous faire pour protéger les auxiliaires locaux de nos armées ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mle président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Je vous remercie, monsieur le sénateur Le Nay d’avoir posé cette question et rappelé que Qader Daoudzai a été tué dans un attentat suicide, et qu’il était un ancien interprète des forces françaises. Mais il fut aussi, et pendant beaucoup plus longtemps, un interprète des forces américaines.

Il n’a pas été ciblé personnellement, mais a succombé lors d’une attaque terroriste visant l’ensemble des opérations électorales qui se déroulaient à Kaboul.

Il faut dire les choses très clairement : en 2015, la France a mis en place un dispositif spécifique pour rendre hommage au travail des interprètes afghans qui avaient aidé à sa présence. Un certain nombre d’entre eux ont ainsi pu rejoindre la France après que leur demande a été légitimée.

La demande de Qader Daoudzai a été rejetée, à l’instar d’un certain nombre d’autres, pour des raisons de sûreté nationale. Je connais bien le sujet en raison de mes fonctions antérieures… Toutefois, comme vous l’avez souligné, le Président de la République a décidé récemment de rouvrir une procédure de relocalisation. À ce titre, la demande de Qader Daoudzai devait donc être réexaminée. Nous instruirons cette nouvelle procédure pour ses enfants et sa famille, afin de leur permettre de bénéficier, si toutes les conditions sont remplies, de l’aide que nous devons aux personnes ayant mis leur vie en jeu pour la défense d’intérêts communs et au service des forces françaises.

La situation nouvelle entraînée par le décès de Qader Daoudzai devrait nous permettre d’accélérer la procédure si tous les critères sont respectés. (Lamentable ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

allocation logement accession en outre-mer

Mle président. La parole est à M. Michel Dennemont, pour le groupe La République En Marche.

M. Michel Dennemont. Ma question s’adressait à Mme la ministre des outre-mer.

Mme la ministre a annoncé, le 23 octobre dernier, lors de son audition sur les crédits de la mission outre-mer, à l’Assemblée nationale, des mesures concernant l’allocation logement accession. Ces mesures ont suscité de grandes espérances au sein de la population réunionnaise et auprès des élus réunionnais, tous unis autour de cet enjeu essentiel pour La Réunion.

Premièrement, la ministre a annoncé que tous les dossiers d’accession logement qui avaient été validés, mais qui n’ont pu être menés à terme du fait de la suppression des allocations logement en 2018, vont être soldés.

Deuxièmement, elle a précisé qu’un dispositif au moins équivalent – j’insiste sur les termes « au moins équivalent » financera, à partir de 2020, l’accession sociale à la propriété et la rénovation des logements des propriétaires occupants sous condition de ressources.

Mme la ministre est venue à La Réunion la semaine dernière. Elle a pu constater à quel point la question du logement est essentielle et nécessite des solutions innovantes et concrètes. C’est pourquoi je la félicite tout particulièrement d’avoir intégré la rénovation dans cette mesure.

Mme la ministre a bâti son action en outre-mer sur le dialogue et sur la confiance avec les élus. Aussi, quels gages peut-elle nous donner quant au rétablissement de l’allocation logement accession ?

Peut-elle nous assurer aujourd’hui que tous les dossiers suspendus seront repris ?

Peut-elle éclaircir la mention « sous condition de ressources » pour ce qui concerne le nouveau dispositif ? Quelle différence entraîne-t-elle avec le mécanisme précédent ? Le seuil de ressources sera-t-il identique ou la ministre compte-t-elle l’abaisser dans la mesure où elle souhaite un dispositif « au moins équivalent » ?

Au nom de tous les parlementaires réunionnais, je remercie le Gouvernement de nous apporter une réponse claire. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

Mle président. La parole est à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question.

Je tiens tout d’abord à saluer votre engagement en faveur des territoires ultramarins, en particulier sur le sujet de la réhabilitation du logement.

Nous avons passé de longues heures, au sein de la Haute Assemblée, à débattre de la question du logement, et notamment de la façon dont nous pouvions favoriser le développement de celui-ci dans un certain nombre de territoires ultramarins.

Nous avons eu de nombreux échanges sur ces points. Je tiens à saluer la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, et Mme le rapporteur, Dominique Estrosi-Sassone, pour la qualité de nos discussions qui ont abouti au texte que le Sénat a finalement voté voilà une quinzaine de jours. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur Dennemont, votre question appelle une réponse claire et précise.

Premier engagement : oui, l’ensemble des dossiers aujourd’hui en souffrance – soit environ un millier – seront repris dans le cadre du dispositif APL accession qui permet de lutter contre l’habitat insalubre dans les territoires ultramarins.

Second engagement : nous savons collégialement qu’il nous faut trouver des mécanismes plus pérennes, plus efficaces. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé au Conseil général de l’environnement et du développement durable de mener une mission d’expertise, à laquelle nous allons vous associer, pour trouver un dispositif satisfaisant.

In fine, nous partageons tous la volonté de trouver des solutions innovantes, pour reprendre vos propos, et efficaces en faveur de l’habitat, notamment dans nos territoires ultramarins. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

pénurie de médicaments

Mle président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Éric Gold. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Depuis quelques jours, la pénurie de médicaments et de vaccins fait la une des journaux. Des associations de malades de Parkinson ont en effet lancé un cri d’alerte, le 28 octobre dernier, pour dénoncer les ruptures de stock qui se multiplient et réclamer un « plan d’action urgent ».

Malheureusement, le problème n’est ni nouveau ni circonscrit aux traitements contre la maladie de Parkinson.

En 2017, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a reçu 530 signalements de rupture de stock ou de difficulté d’approvisionnement pour des traitements dits « essentiels », comme les anticancéreux. En dix ans, ce chiffre a été multiplié par dix. Les difficultés touchent aussi bien les médicaments d’intérêt majeur que ceux d’usage quotidien ou les vaccins.

J’ai pu discuter directement avec un pharmacien de mon département, qui dépeint une situation difficile. Il est souvent contraint de recourir à des traitements alternatifs pour répondre aux besoins urgents des patients.

Un rapport du Sénat, publié le 27 septembre dernier, a mis en lumière l’ampleur du phénomène ; trente propositions ont été formulées en son sein.

Parmi les premières causes de ces ruptures de stock se trouvent les difficultés d’approvisionnement en matières premières, liées à la perte d’indépendance sanitaire française et européenne : 40 % des médicaments commercialisés dans l’Union européenne proviennent de pays tiers et, surtout, 80 % des fabricants de matières premières sont situés en dehors de l’Union.

Ces chaînes de production sont fragiles, notamment dans un contexte de demande exponentielle en technologie de haut niveau. La production française, de son côté, fait face à des difficultés majeures liées à la baisse des prix et à la lenteur du processus d’autorisation de mise sur le marché.

La gestion des pénuries déstabilise l’organisation des soins et génère des coûts financiers élevés. Elle met également en danger la santé des patients et leur confiance dans notre système de santé.

Aussi, compte tenu de l’expertise de pointe de la France en matière d’innovation médicale et pharmaceutique, pouvez-vous me dire quelles mesures envisage le Gouvernement pour recouvrer une indépendance et une stabilité dans la chaîne du médicament en France et en Europe ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

Mle président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur.

Depuis plusieurs années, un nombre croissant de pays, dont la France, est régulièrement touché par des ruptures d’approvisionnement en médicaments.

En France, le nombre de ruptures de stock ou de risques de rupture a été multiplié par dix, comme vous l’avez souligné : en 2008, 44 signalements ont été effectués, contre 453 en 2013. Ces signalements concernent de façon équivalente les différents circuits de distribution, en ville et à l’hôpital.

Les causes des ruptures de stock de médicaments, ainsi que les tensions d’approvisionnement, ont des origines multifactorielles susceptibles d’intervenir tout au long de la chaîne de production et de distribution. Pour ce qui concerne le Sinemet, il s’agit de la fermeture du site de production de produits finis aux États-Unis pour une mise en conformité à la fois du produit et du site.

Pour faire face à ce phénomène, la France a mis en place un arsenal juridique et a engagé des actions, y compris à l’échelon européen.

Depuis 2016, un cadre juridique a été élaboré pour lutter contre les ruptures d’approvisionnement à l’échelle nationale et garantir l’accès de tous les patients à leur traitement, grâce à la mise en œuvre de nouvelles obligations incombant aux acteurs du circuit de fabrication et de distribution.

Néanmoins, et vous avez raison de le souligner, on ne peut se satisfaire de la situation actuelle. Il faut avancer vers la mise en place d’un plan d’action pour lutter contre ces ruptures.

Nous souhaitons nous appuyer sur le rapport sénatorial issu des travaux de la mission d’information sur la pénurie de médicaments et de vaccins, publié le 2 octobre dernier

Il faut notamment agir sur trois axes : renforcer la coordination nationale et la coopération européenne ; rétablir la confiance entre tous les acteurs de la chaîne pharmaceutique et les usagers par des mesures de transparence et d’information ; enfin, travailler avec les autres ministères et les industriels pour avancer sur la question du désengagement des laboratoires à l’égard des médicaments essentiels et peu rémunérateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

fiscalité verte

Mle président. La parole est à M. Jacques Genest, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

MJacques Genest. Ma question s’adressait à M. Griveaux, porte-parole du Gouvernement, mais je vois que ce n’est pas lui qui me répondra… Courage, fuyons !

Je serai très bref et poserai une simple devinette.

Je roule au diesel tant que je peux payer le plein – voilà trois ans, on nous encourageait à acheter un véhicule diesel… Je fume des Gauloises. Je me chauffe au fioul tant que je peux payer le remplissage de ma cuve. Je ne peux plus me faire soigner. Je vais bientôt payer plus cher les marchandises à cause de la taxe sur les poids lourds que le Gouvernement veut instaurer, sachant que la route est le seul moyen d’approvisionnement près de chez moi. Un dernier indice : j’habite à la campagne.

En conclusion, je paie, je paie encore et je paie toujours. Qui suis-je ? (Rires et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mle président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, étant donné que vous n’avez pas utilisé tout votre temps de parole, je ne doute pas que vous répondrez vous-même à votre devinette dans quelques instants…

J’avoue avoir du mal à voir qui peut à la fois payer la taxe sur les poids lourds et celle sur les voitures… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. Il faut sortir de son bureau !

M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser M. le ministre d’État s’exprimer.

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Monsieur Genest, vous avez eu le mérite de poser votre question sur le ton de l’humour, ce qui est toujours appréciable. Il s’agit toutefois de sujets très sérieux.

Soyons concrets : la taxe sur le carburant des poids lourds n’est pas du tout au même niveau que celle qui concerne les voitures. Encore une fois, il me semble étonnant qu’une même personne fasse le plein d’une voiture et d’un camion, même si cela peut arriver… (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je vous remercie d’avoir fait le parallèle avec la cigarette. Je crois que nous voulons tous lutter contre le tabagisme, à l’instar des actions menées par les différents gouvernements qui se sont succédé ces dernières années. Il s’agit d’un problème de santé publique à l’encontre duquel il faut agir dans la durée, avec constance, en s’appuyant notamment sur le prix des cigarettes.

Nous voulons faire preuve de la même constance et de la même détermination face au dérèglement climatique. Il s’agit d’un véritable changement, d’une transformation, et je ne connais pas de changement facile, de transformation sans difficulté !

Nous voulons accompagner les Français et leur donner les moyens de s’adapter à ce changement. (Lesquels ? sur les travées du groupe Les Républicains – Vives protestations sur les mêmes travées.)

MAlain Fouché. C’est du racket !

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Si vous ne les connaissez pas déjà, vous pourrez les faire connaître autour de vous : 30 % de subventions pour changer sa cuve de fioul. C’est du concret ! Il ne s’agit pas d’annuler quelques taxes pendant quelques mois, mais d’économiser du fioul, de l’argent et, surtout, les ressources de notre planète ! (Vives exclamations et huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mle président. La parole est à M. Jacques Genest, pour la réplique.

M. Jacques Genest. Vous n’avez pas trouvé, monsieur le ministre. La réponse à ma devinette était pourtant facile, je m’étais contenté de citer M. Griveaux.

Je fais partie de la France qui fume et qui roule au diesel et qui n’est pas celle du XXIe siècle que souhaite M. Griveaux.

Quelle insulte, quelle arrogance à l’égard du peuple dans la bouche d’un « techno » devenu ministre. Nous n’avons jamais vu cela ! Que devons-nous faire ? Partir dans un pays où les droits et les devoirs sont les mêmes pour tous et où les gouvernants respectent le peuple ou aller dans une banlieue déshéritée d’une métropole rejoindre les autres oubliés de la Macronie ?

Nous vivons dans la nature. Nous respectons, nous aimons et nous faisons tout pour défendre l’environnement. Mais ne nous prenez pas pour des imbéciles : seule une infime partie des taxes sur les carburants est dévolue à la défense de l’écologie.

Arrêtez de nous prendre pour des culs-terreux et des Français de deuxième zone. Arrêtez de nous faire les poches pour remplir celles des super-riches. (Exclamations amusées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Éliane Assassi. Qu’avez-vous fait pendant des décennies ?

M. Jacques Genest. Surtout, n’oubliez jamais que la révolte en 1789 est venue des campagnes ! Nous vous donnons tous rendez-vous le 17 novembre avec le tiers état. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

chiffres du chômage et chômeurs longue durée

Mle président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Frédérique Puissat. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Au risque de décevoir M. le ministre d’État, je ferai preuve de moins d’humour dans ma question…

Le nombre de demandeurs d’emploi a encore augmenté au troisième trimestre. Les catégories A, B et C cumulées, 6,6 millions de nos concitoyens sont inscrits à Pôle emploi dont 47 % depuis plus d’un an.

Ce sont 2,8 millions de Français qui sont tombés dans le chômage de longue durée. Difficile de croire qu’il s’agirait d’un chômage volontaire, contrairement à ce que l’on peut parfois entendre. On trouve de la souffrance et des ruptures de vie derrière le chômage.

Cette situation est d’autant plus préoccupante que la France, depuis un an, est le seul pays européen à ne pas voir diminuer le nombre de ses demandeurs d’emploi.

En Espagne, par exemple, le chômage a baissé de 44 % depuis 2014 et continue de décroître. Sur vingt-huit pays européens, la France est vingt-quatrième pour le taux de chômage.

Monsieur le Premier ministre, les chiffres sont têtus et le Président de la République, après dix-huit mois de mandat, ne saurait camper sur une politique qui ne porte pas ses fruits. Pour s’attaquer au chômage, il faut retrouver notre compétitivité économique.

La dépense publique est trop élevée dans notre pays. Or, dans la lignée de votre prédécesseur, vous continuez de la faire croître. C’est pourtant bien cette dépense publique hors norme qui plombe durablement notre capacité à revenir au plein-emploi.

La hauteur de la dépense publique n’obéit à aucune loi universelle et intangible. Elle indique un choix de société, donc un choix politique.

Le Président de la République s’était fixé pour objectif un taux de chômage de 7 % en fin de quinquennat ; nous en sommes aujourd’hui à 9,2 %. Monsieur le Premier ministre, au vu de ces résultats, ne croyez-vous pas qu’il soit temps de changer de cap ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mle président. La parole est à M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, le chômage de longue durée est un problème auquel le Gouvernement apporte une attention toute particulière. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je veux d’abord rappeler quelques chiffres : depuis plus d’un an, le taux de chômage de longue durée est passé de 4,3 % à 3,6 % de la population active. La tendance est donc structurellement à la baisse, même si l’on ne peut s’en satisfaire. En effet, comme vous l’avez souligné, le chômage de longue durée concerne environ 47 % des chômeurs en France.

Lutter contre ce type de chômage est un travail difficile. Il faut casser un véritable cercle vicieux : quand on est au chômage depuis plus d’un an, le découragement gagne, les compétences reculent et le sentiment de déclassement progresse. Bien souvent, les employeurs eux-mêmes perçoivent cette situation comme un signal négatif et ne proposent pas d’offres d’emploi, ce qui alimente ces spirales.

Il ne faut pas se tromper, ce problème est d’ordre structurel : même lorsque la croissance repart et que les entreprises cherchent à recruter, une part significative de nos concitoyens ne parvient pas à retrouver un emploi.

À ce problème structurel, nous apportons une réponse structurelle, basée sur les compétences et la qualification.

Le plan d’investissement dans les compétences va ainsi permettre de former 1 million de chômeurs non qualifiés d’ici à la fin du quinquennat, dont beaucoup sont enfermés dans le chômage de longue durée depuis longtemps.

Lutter contre le chômage de longue durée, c’est aussi apporter des réponses innovantes aux personnes les plus en difficulté, notamment les bénéficiaires du RSA.

Pour cette raison, dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté, nous allons mettre en œuvre une garantie d’activité qui permettra d’apporter des réponses adaptées aux situations de chacun.

D’ici à la fin du quinquennat, 100 000 personnes supplémentaires bénéficieront des aides au titre de l’insertion par l’activité économique.

Enfin, ces réponses passeront également par l’appel à projets 100 % inclusion que nous avons lancé et dont les premiers lauréats seront dévoilés dans quelques jours. Là aussi, l’enjeu consiste à trouver des solutions qui prennent en compte la diversité des personnes et des parcours en faisant confiance aux acteurs et aux territoires.

Parce que personne n’est inemployable, nous faisons le pari de l’investissement social. C’est par ces réponses innovantes et par des transformations profondes…

Mle président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. que nous gagnerons le combat contre le chômage de masse et, en particulier, contre le chômage de longue durée. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

suppression de postes à l’afpa

Mle président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Maryvonne Blondin. Ma question s’adressait à Mme la ministre du travail.

Avec une baisse de crédits de plus de 2 milliards d’euros, le ministère du travail est le grand perdant du budget pour 2019.

La formation professionnelle semble être la première victime de ce désengagement de l’État. Faute de moyens et de soutien suffisants, l’AFPA – l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – a ainsi dû annoncer un vaste plan social : suppression nette de 938 postes à la fin de l’année 2020 et fermeture de 38 centres sur les 206 existants.

Mme la ministre a déclaré, le 24 septembre dernier, faire le choix d’un budget qui « ne subventionne pas l’emploi, mais investit dans les compétences et l’insertion des plus vulnérables ». Curieuse manière d’investir dans les compétences lorsque l’on décide de sacrifier le plus gros organisme de formation français…

Malgré quelques points à améliorer, un récent audit en a souligné les nombreux atouts : un service ouvert à tous, une prise en charge individualisée, un savoir-faire élevé en matière d’ingénierie de formation et un fort taux de retour à l’emploi, en particulier dans l’industrie et le BTP.

En 2016, le gouvernement précédent avait voulu ancrer cette structure dans le service public de l’emploi en la transformant en Agence nationale pour la formation professionnelle, avec un statut d’EPIC.

Aujourd’hui, force est de constater que l’actuel gouvernement ne semble pas vouloir poursuivre dans cette voie.

Quelle est la cohérence entre les paroles et les actes lorsque le Gouvernement prétend vouloir faire de la lutte contre le chômage sa priorité et décide, dans le même temps, de démanteler le service public de la formation professionnelle ?

Que compte faire Mme la ministre du travail pour assurer la pérennité de l’AFPA et lui permettre de mener à bien ses missions ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mle président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Madame la sénatrice, vous le savez mieux que moi, l’AFPA traverse depuis plusieurs années de grandes difficultés.

Je vous renvoie aux chiffres du rapport de l’Inspection générale des finances, l’IGF, et de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, qui a mis en évidence une perte de 700 millions d’euros entre 2012 et 2016. En 2018, la perte de l’AFPA s’élève à 70 millions d’euros.

Ces difficultés s’expliquent par la perte de parts de marché par l’AFPA, notamment auprès des régions : 20 % des heures de formation ont été perdues en six ans. Il semblerait donc qu’il y ait des choses à faire… Vous avez évoqué les demandeurs d’emploi dans l’industrie et le bâtiment : l’année dernière, en Pays de la Loire, l’AFPA a perdu toute la formation concernant cette catégorie de personnes.

De même, au Puy-en-Velay, pour 23 formateurs, il y a 8 stagiaires… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Oui, la direction de l’AFPA s’est engagée dans un plan de transformation ambitieux visant à mettre en place de nouveaux services qui correspondent aux besoins des entreprises, des demandeurs d’emploi et des territoires, et à préserver ses missions de service public.

L’objectif est d’assurer l’avenir de l’AFPA en la transformant et en perpétuant ses missions de service public. C’est ainsi qu’elle accompagnera chaque année 1 000 réfugiés dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences et 30 000 demandeurs d’emploi parmi les plus fragiles pour accéder à une première formation, ce que personne d’autre ne peut faire.

Comme vous l’avez souligné, la mise en œuvre de ce plan de transformation entraîne la suppression de 1 541 postes, ce que la direction de l’AFPA s’est engagée à réaliser de manière exemplaire : plan négocié avec les organisations syndicales, dispositif d’accompagnement à la mobilité interne et externe – 600 postes seront créés et proposés en priorité aux personnes concernées par ce plan…

La fermeture de 13 centres et de 25 centres associés sur 206 sites vise à aller au-devant des demandeurs et à être plus mobile et plus innovant. Il ne s’agit pas de faire venir les gens dans les centres, mais de suivre une logique d’innovation et d’efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mle président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour la réplique.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la secrétaire d’État, la formation professionnelle est un droit et non une variable d’ajustement.

Ne vous en déplaise, il ne suffit pas de traverser la rue pour trouver un emploi : il faut être bien formé et bien accompagné. C’est justement ce que fait l’AFPA et ce qui est mis en péril aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

information sur les modes d’abattage des animaux

Mle président. La parole est à Mme Claudine Kauffmann, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe politique.

Mme Claudine Kauffmann. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Notre pays s’est toujours distingué par l’application rigoureuse d’une juste information visant à protéger sa population. Pour autant, la santé de tous nos compatriotes est aujourd’hui singulièrement mise en danger.

En effet, vous ne pouvez ignorer que les cas de contamination par la bactérie Escherichia coli sont en constante augmentation.

Ces contaminations sont principalement induites par certaines pratiques d’abattage rituel lors desquelles l’animal, dont la gorge est tranchée sans étourdissement préalable, régurgite son contenu stomacal et, dans un instinct de survie, le réingère puis le régurgite de nouveau. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Éliane Assassi. Il y avait longtemps !

Mme Claudine Kauffmann. Bien évidemment, le poste d’abattage ainsi totalement souillé n’est pas désinfecté après chaque opération.

Je souligne que les individus les plus fragiles – enfants et personnes âgées – sont les principales victimes d’Escherichia coli.

Cette affection se traduit au mieux par des vomissements et des diarrhées sanglantes, au pire dégénère en un syndrome hémolytique et urinaire pouvant conduire au décès de la personne atteinte.

Cependant, malgré les risques avérés, les consommateurs sont tenus dans l’ignorance du mode d’abattage de l’animal dont ils se proposent d’acquérir une pièce de viande.

Je ne puis omettre dans mon propos d’évoquer également les risques encourus par tous les maires du territoire s’il advenait qu’une cantine scolaire dont ils ont la charge serve un produit carné infecté. Leur responsabilité pénale serait alors dramatiquement engagée.

Aujourd’hui, quiconque achète de la viande court le risque de mettre sa santé gravement en danger, les pouvoirs publics se refusant toujours à délivrer une information pourtant légitime.

Dans cet unique souci de transparence et de sécurité pour les consommateurs, le Gouvernement envisage-t-il de rendre enfin obligatoire l’indication du mode d’abattage, afin que nos compatriotes disposent de l’information nécessaire lors de leurs achats ? (M. Stéphane Ravier applaudit.)

Mle président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de lagriculture et de lalimentation. Madame la sénatrice, je constate que votre question n’est absolument pas polémique, mais seulement inspirée par le souci de la santé de nos concitoyens, que nous partageons tous… (Sourires.)

Pour autant, j’ai cru comprendre que vous visiez particulièrement une certaine forme d’abattage rituel, une certaine catégorie de population, voire une certaine religion… Je ne peux que vous rassurer : les abattoirs sont surveillés par les services de l’État, notamment durant les périodes d’abattage rituel lorsque des abattoirs peuvent être ouverts pour répondre à la demande. L’État effectue des contrôles, c’est une réalité.

Vous dites qu’il y a de plus en plus d’infections liées à ce type d’abattage, mais je ne dispose d’aucune donnée sur cette question. Je pense toutefois que vos propos versent quelque peu dans l’exagération : les services de l’État sont au contact de tous les abattoirs et effectuent toujours plus de contrôles.

Nous prenons beaucoup de mesures pour assurer la sécurité sanitaire des abattoirs. La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous répond à ce souci et prévoit de nombreux contrôles inopinés, réguliers et approfondis. Jamais les abattoirs n’ont été autant contrôlés.

M. Alain Fouché. Pas suffisamment !

M. Didier Guillaume, ministre. Si le moindre abus venait à être constaté, madame la sénatrice, soyez assurée que le Gouvernement prendrait immédiatement les mesures nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mle président. La parole est à Mme Claudine Kauffmann, pour la réplique.

Mme Claudine Kauffmann. Je m’attendais à ce genre de réponse.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

La prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu jeudi 8 novembre.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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La crise migratoire : quelle gestion européenne ?

Débat organisé à la demande de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes

Mle président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission des affaires européennes, sur le thème « La crise migratoire : quelle gestion européenne ? »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur du débat disposera d’un temps de parole de huit minutes ; puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.

Je vais tout d’abord donner la parole aux orateurs des deux commissions qui ont demandé ce débat.

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères, auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

MChristian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question migratoire est aujourd’hui au cœur des difficultés que traverse l’Europe.

C’est dire l’importance du présent débat, sollicité par plusieurs groupes de la commission des affaires étrangères. Je remercie la conférence des présidents, et tout particulièrement M. le président du Sénat et M. le président de la commission des affaires européennes, d’avoir permis la tenue de ce débat.

L’afflux des réfugiés vers l’Europe a des causes bien connues : la pauvreté et l’absence d’espérance d’une vie décente en sont l’une des raisons. Mais les crises politiques et les persécutions infligées par des régimes dictatoriaux ont, hélas, aggravé ce phénomène.

Ainsi, la situation en Syrie, pays martyr aux 400 000 morts et aux 6 millions de réfugiés, a poussé des centaines de milliers de personnes hors de chez elles.

Samedi dernier, j’étais, avec un certain nombre de mes collègues, au Sud-Liban, dans le camp d’Azzieh, auprès de réfugiés syriens de la région d’Idlib. Ces familles ont tout perdu : leur maison, leur terre, leurs proches. Elles survivent grâce à la générosité du Liban, grâce au Haut-Commissariat pour les réfugiés. Elles ne veulent qu’une seule chose : rentrer chez elles. Mais comment imaginer un tel retour aujourd’hui ? La guerre en Syrie est à la croisée des chemins. Souhaitons que le dernier sommet d’Istanbul concrétise enfin un premier pas vers la paix.

Dans le même temps, le chaos en Libye a permis à des filières de migration massive de s’installer en Méditerranée, pour faire du trafic d’êtres humains, mêlant réfugiés et migrants, broyant des milliers de vies dans la misère.

L’ampleur de cette crise migratoire a remis en cause les principes européens les plus essentiels, comme la solidarité entre États membres ou la liberté de circulation au sein de l’espace Schengen. Depuis trois ans, l’Union européenne a réagi en renforçant les moyens d’action de FRONTEX et les contrôles aux frontières extérieures. La coopération avec les pays tiers, illustrée par l’accord passé en 2016 avec la Turquie, et développée, depuis le sommet de La Valette, avec les pays africains et du pourtour méditerranéen, a progressé. Toutefois, les résultats sont inégaux.

Ces mesures ont certes porté leurs fruits : les arrivées en Europe par la Méditerranée sont passées de plus d’un million en 2015 à 172 000 en 2017. Les flux ont diminué de 40 % par rapport à 2017. N’allons pas croire pour autant que le problème des migrations est derrière nous. Il n’en est rien, c’est même tout le contraire.

Tout d’abord, on le sait, les passeurs trouvent de nouvelles routes. Depuis la relative fermeture de la voie libyenne, on constate une reprise des traversées entre le Maroc et l’Espagne, alors que cette route dite « de Méditerranée occidentale » était délaissée depuis plusieurs années. Ce flux, endigué par l’action résolue des autorités marocaines, aujourd’hui en première ligne, représente désormais la moitié des traversées vers l’Union européenne. En outre, on constate aussi une augmentation des traversées en Méditerranée orientale, où nous sommes tributaires de la bonne volonté des autorités turques.

Car l’Europe, espace de paix et de prospérité, reste une destination de prédilection pour de nombreux candidats à l’émigration économique, particulièrement en Afrique de l’Ouest ou au Sahel.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, l’Union européenne doit agir !

Pour agir à la source, nous devons aider les pays d’origine et de transit à mieux contrôler la gestion de leurs frontières et à lutter efficacement contre les trafiquants. L’exemple réussi du Niger illustre les résultats qu’il est possible d’obtenir. Ce pays consacre 20 % de ses dépenses budgétaires à la sécurité. La France et l’Union européenne ont raison de le soutenir !

En revanche, j’avoue mon scepticisme s’agissant des plateformes de débarquement mises en avant lors du Conseil européen de juin dernier. Pensons-nous vraiment pouvoir les imposer à nos voisins, qui n’en veulent pas ?

Il est vital, par ailleurs, de soutenir le développement économique des pays d’origine. La commission des affaires étrangères le dit et le répète, il faut mieux cibler l’aide au développement sur les pays très pauvres, sur l’éducation et sur l’agriculture.

Enfin, l’accent doit être mis sur l’amélioration de nos politiques en matière de renvoi des migrants déboutés en situation irrégulière. Comment se satisfaire d’un taux d’exécution des mesures d’éloignement de 36 % à l’échelle européenne et de 14 % seulement au plan national ? S’attaquer sérieusement à ce problème, c’est envoyer un message de fermeté et asseoir la crédibilité de notre politique migratoire.

Nous avons des leviers. Je pense en particulier aux visas. Ayons le courage d’un dialogue ferme et exigeant avec les pays sources, qui ont, eux aussi, besoin de garder leur jeunesse, laquelle constitue leur avenir.

Monsieur le ministre, sur ces sujets essentiels, nos concitoyens attendent des réponses fermes, à la fois du Gouvernement français et de l’Union européenne. De grâce, ne les décevons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mle président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes, auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

MJean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les flux migratoires vers l’Europe sont sensiblement moins importants qu’il y a trois ans, même si la vigilance s’impose sur la route de la Méditerranée occidentale, les arrivées en mer par l’Espagne ayant nettement augmenté au cours des derniers mois.

Pour autant, jamais les États membres n’ont paru aussi divisés sur la façon d’y faire face. Les États les plus solides sont eux-mêmes confrontés à des tensions politiques internes, on le voit en Allemagne. La crise migratoire, latente, qui avait déjà failli emporter Schengen à la fin de l’année 2015 s’est amplifiée avec l’affaire de l’Aquarius. La réforme du règlement Dublin est bloquée, le Conseil européen ne parvenant pas à trouver un accord s’agissant de l’équilibre entre solidarité et responsabilité.

Pourtant, seule une action coordonnée à l’échelon de l’Union européenne peut apporter une réponse globale à la crise migratoire, par nature transfrontalière. Dans la mesure où ses motivations poursuivent généralement des objectifs de politique intérieure à très court terme, toute option exclusivement nationale est vouée à l’échec.

Depuis le pic de la crise, nous avons indéniablement progressé, mais l’Union européenne a trop souvent réagi dans l’urgence. Une vision d’ensemble lui a manqué.

Le Conseil européen du 28 juin dernier, pour surmonter les divisions européennes, s’est entendu sur deux concepts : celui des « plateformes régionales de débarquement » et celui des « centres contrôlés », envisagés comme des instruments complémentaires de la solidarité européenne, à la fois entre les États membres et à l’égard des migrants.

L’indispensable respect du droit international dans leur mise en place ne saurait s’affranchir d’une distinction entre les réfugiés et les migrants motivés par des considérations économiques. Ces derniers se trouvent généralement en situation irrégulière. Ils doivent donc être reconduits dans leur pays. Telle est la position que la commission des affaires européennes a exprimée récemment, en adoptant une proposition de résolution européenne sur les réformes de l’espace Schengen qu’il convient de poursuivre.

Les conclusions du Conseil européen du 18 octobre dernier ne faisant mention ni des plateformes de débarquement ni des centres contrôlés, je m’interroge, monsieur le ministre, sur le devenir de ceux-ci. Il est vrai que les candidats ne sont pas nombreux, au sud de la Méditerranée, pour les accueillir… Par ailleurs, notre commission a considéré avec intérêt l’orientation des travaux de la Commission européenne, laquelle, dans le cadre de ses dernières propositions, cherche à établir un lien entre le renforcement du contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, notamment via FRONTEX, et les politiques d’asile, d’immigration et d’intégration.

Ces questions doivent faire l’objet d’une approche intégrée. À cet égard, je me réjouis de l’annonce de la création d’une task force conjointe auprès du Centre européen pour la lutte contre le trafic de migrants mise en place au sein d’Europol. Les activités de cette agence font du reste l’objet d’un contrôle politique, auquel notre commission contribue activement au sein du groupe de contrôle parlementaire conjoint. Nous y sommes en effet représentés par nos collègues Jacques Bigot et Sophie Joissains.

Par ailleurs, l’Union européenne ne réussira pas à répondre durablement à la crise migratoire sans contribuer de façon plus ambitieuse au développement du continent africain. Le dialogue et la coopération avec les pays d’origine et de transit des migrants doivent constituer un volet fondamental de la réponse européenne. À cet égard, je ne saurais trop appuyer les propos de M. le président Christian Cambon, qui a mentionné le taux d’exécution européen des mesures d’éloignement, lequel s’établit à 36 %, ce qui est tout à fait insuffisant, et le taux d’exécution français, de 14 %, ce qui est extrêmement faible.

Enfin, la politique de partenariat avec certains pays a commencé à se mettre en place après le sommet de La Valette, en 2015. Elle s’est traduite par un partenariat global entre l’Union européenne et l’Afrique et par le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique. Une telle réponse, qui vise forcément le long terme, doit être amplifiée. À cet égard, quels sont, monsieur le ministre, les objectifs que l’on peut raisonnablement fixer au sommet prévu entre l’Union européenne et la Ligue arabe, qui sera organisé par l’Égypte en février prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mle président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président Cambon, monsieur le président Bizet, mesdames, messieurs les sénateurs, parce qu’elle engage nos principes et nos valeurs, mais aussi la stabilité de nos sociétés et de nos économies, la question des migrations est au cœur des objectifs de notre politique en matière de construction européenne et des préoccupations que nous partageons avec nos partenaires européens.

En 2015, 1,8 million de personnes avaient franchi de manière irrégulière les frontières extérieures de l’Union. Depuis lors, la situation a considérablement évolué, les franchissements irréguliers ayant fortement décru. Les initiatives prises à l’échelon européen ont donc porté leurs fruits, puisque, entre le 1er janvier et le 21 octobre derniers, il n’y a eu que 115 400 migrations irrégulières.

L’Europe n’est par conséquent plus confrontée à une crise migratoire aiguë. Toutefois, malgré sa nette diminution, le flux d’arrivées reste continu. Construire une politique migratoire commune pérenne et résiliente est donc une nécessité.

Les orientations du Conseil européen de juin, qui constituaient un compromis que beaucoup disaient impossible et qui ont été confirmées par le Conseil européen du 18 octobre dernier, sont pour nous une feuille de route qui nous engage tous. Ce plan d’action repose sur une démarche globale, couvrant l’ensemble de la chaîne migratoire, depuis les pays d’origine jusqu’à l’action sur le territoire même des États membres. Seule une démarche globale de ce type est à même de fonder une nouvelle politique migratoire, harmonisée et cohérente. Elle repose sur trois piliers : un meilleur contrôle des frontières extérieures de l’Union, le renforcement de nos règles internes et le renforcement de notre action extérieure.

Tout d’abord, la réponse européenne à la crise migratoire s’appuie sur un effort significatif, réalisé ces dernières années et qui doit être amplifié, pour renforcer le contrôle des frontières extérieures de l’Union.

Nous disposons aujourd’hui, pour la gestion de nos frontières extérieures, de systèmes d’information opérationnels. Le système d’information Schengen vient d’être considérablement renforcé. Le règlement sur l’interopérabilité, en discussion avec le Parlement européen, devrait faciliter la consultation des six fichiers centraux de l’Union et, partant, l’amélioration des contrôles. Le système d’entrée et de sortie devrait être opérationnel en 2020 et le système d’information et d’autorisation concernant les voyages, ETIAS, en 2021.

En vue d’améliorer notre gestion commune des frontières extérieures, la Commission européenne a présenté, le 12 septembre dernier, une nouvelle proposition, que la France a accueillie favorablement, à l’instar de la majorité des États membres. Il s’agit, comme le Président de la République l’avait proposé voilà un an, de faire de l’agence FRONTEX une véritable police des frontières européenne, forte de 10 000 agents d’ici à 2020. Celle-ci serait en mesure à la fois d’apporter son soutien aux États membres subissant une forte pression migratoire et de coopérer avec les pays tiers.

Le renforcement de nos moyens de gestion des frontières sera également un point important des négociations sur le futur cadre financier pluriannuel, pour lequel nous soutenons la priorité donnée à la politique migratoire dans son ensemble. Il est proposé par la Commission plus de 30 milliards d’euros sur la période 2021-2027 pour le programme « Migrations et gestion des frontières », ce qui revient à multiplier par trois les crédits affectés à la gestion des frontières.

Le deuxième pilier de la réponse européenne à la crise migratoire est le renforcement des règles internes, c’est-à-dire applicables aux migrants sur le territoire de l’Union.

Comme vous le savez, la Commission a proposé au printemps 2016 une révision des sept textes constituant l’architecture du régime d’asile européen commun, dont la crise migratoire de 2015 avait mis en lumière les insuffisances. Les discussions achoppent encore sur certains points, en particulier l’équilibre entre responsabilité et solidarité, si bien que la réforme progresse de façon inégale.

Deux textes sont encore en discussion au Conseil : d’une part, le règlement Dublin, qui détermine l’État membre responsable du traitement d’une demande d’asile ; d’autre part, le règlement Procédures, qui porte sur les garanties procédurales pour le traitement des demandes d’asile, l’examen technique de ce dossier se poursuivant au niveau des experts.

En attendant qu’un compromis soit trouvé, nous continuons à faire notre part et à participer au mécanisme temporaire ad hoc mis en place cet été, qui a permis une répartition, sur une base volontaire entre États membres, des migrants ayant besoin de protection secourus en mer.

Nous continuons également à travailler avec nos partenaires à Bruxelles, dans le respect du droit international et du principe de non-refoulement, à la définition des concepts de « centres contrôlés » et – je reviendrai sans doute sur ce point dans le cadre des questions – non pas de « plateformes de débarquement », mais d’« arrangements de débarquement » avec les pays tiers, proposés par le Conseil européen en juin.

L’approche migratoire globale inclut également le volet important des migrations légales. Nous sommes favorables à des voies de migrations sûres et légales, ainsi qu’à une politique européenne concertée à cet égard.

Quant au troisième pilier sur lequel repose la réponse européenne à la crise migratoire, il s’agit du renforcement de notre action extérieure dans ce domaine.

Il est essentiel de maintenir une coopération étroite et exigeante avec les pays d’origine et de transit des migrants, notamment au sud de la Méditerranée.

À l’échelon régional, plusieurs forums de dialogue existent : les processus de Rabat, de Khartoum et de La Valette nous permettent d’échanger avec un certain nombre de pays africains.

Ce dialogue stratégique, nous le menons aussi nous-mêmes, à l’échelle bilatérale, avec chacun des pays partenaires.

Permettez-moi d’évoquer plus en détail les principaux chantiers sur lesquels nous devons encore avancer avec les pays tiers.

Le premier chantier est celui du renforcement capacitaire.

Il s’agit de renforcer les moyens des pays d’origine pour que ceux-ci puissent mieux gérer les flux migratoires. C’est ce que nous faisons au niveau européen. Par exemple, le Maroc et la Tunisie viennent de recevoir de l’Union européenne 55 millions d’euros pour des projets de renforcement capacitaire de leurs garde-côtes ; et nous assurons nous-mêmes, à titre bilatéral, la formation des garde-côtes.

Deuxième priorité : la lutte contre les trafics.

Il faut intensifier la lutte contre les réseaux de passeurs et contre les trafics de migrants et d’êtres humains en général. Et nous avons, à cet égard, engagé des processus.

Monsieur le président Cambon, vous avez fait référence à l’expérience nigérienne. Je me suis déjà rendu à deux reprises et à Niamey et à Agadez pour vérifier le dispositif dont il est question ; c’est un mécanisme très performant, qui permet une bonne collaboration entre les acteurs, ainsi qu’un renforcement des capacités et de la lutte contre les trafics.

Un dispositif à peu près similaire, quoiqu’il ne soit pas exactement construit selon les mêmes termes, a été mis en place de manière bilatérale à Dakar, au Sénégal. Et nous poursuivons dans cette logique, qu’il nous faut renforcer : c’est une logique très pertinente, qui donne de très bons résultats dans la lutte contre les migrations illégales et surtout dans l’identification des passeurs.

Par ailleurs, nous avons pris l’initiative, en Libye, d’un régime de sanctions qui a permis au Conseil de sécurité des Nations unies de prendre des mesures fortes et spectaculaires contre plusieurs passeurs, mesures dont un comité des sanctions garantit l’application. Nous souhaitons qu’un régime horizontal permettant de sanctionner les passeurs, quelle que soit la route sur laquelle ils opèrent, soit adopté à l’échelon européen.

Troisième point : la réinstallation.

Nous entendons poursuivre, en étroite collaboration avec l’OIM, l’Organisation internationale pour les migrations, et le HCR, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, les réinstallations de réfugiés. La France prend toute sa part de ce travail.

Quatrième point : les retours. Il s’agit là, selon nous, d’une condition sine qua non de l’acceptation de ces nouveaux outils par les Européens.

Il faut faire en sorte que les retours de migrants irréguliers vers leur pays d’origine et les réadmissions soient mis en œuvre de manière efficace. À cet égard, l’Union européenne a conclu des arrangements sur les procédures de réadmission avec de nombreux pays, le dernier en date étant la Côte d’Ivoire – un accord a été conclu la semaine dernière, lors d’un déplacement que j’ai effectué sur ce thème.

Il nous faut utiliser tous les leviers à notre disposition pour améliorer et accélérer les retours – j’ai entendu les observations des deux présidents de commission tout à l’heure ; je les partage –, y compris la politique des visas, qui nous permet de peser sur les décisions relatives aux dispositifs de retour et sur leur mise en œuvre.

Dernier point, qui a également été mis en valeur par les deux présidents de commission : le développement.

C’est par le biais de notre action de développement que nous apporterons les réponses de long terme qu’exigent les défis démographique, sécuritaire, économique, voire climatique, qui sont les causes profondes des migrations.

Tel est notamment l’objet du Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique, le FFU, doté de 4 milliards d’euros, qui a déjà permis de financer de nombreux programmes. C’est aussi dans cette perspective que le Président de la République a souhaité prendre l’initiative de l’Alliance pour le Sahel, dont la mise en œuvre opérationnelle commencera lors d’une rencontre au sommet qui aura lieu au début du mois de décembre à Nouakchott, en Mauritanie.

Messieurs les présidents de commission, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, contrairement à ceux qui ne cherchent qu’à entretenir cette question pour mieux l’instrumentaliser, nous agissons pour trouver, avec nos partenaires en Europe, des solutions à la fois efficaces, dignes et respectueuses des droits fondamentaux et de nos valeurs.

Le phénomène des migrations est appelé à durer ; c’est en mettant en place un partenariat global fondé sur les principes que je viens d’évoquer et en incitant chaque acteur concerné à prendre ses responsabilités que nous parviendrons à maîtriser l’ensemble de cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. le président de la commission des affaires européennes, M. le président de la commission des affaires étrangères et M. Jean-Noël Guérini applaudissent également.)

Débat interactif

Mle président. Mes chers collègues, monsieur le ministre, je rappelle que chaque orateur dispose au maximum de deux minutes pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition toutefois qu’il ait scrupuleusement respecté le temps de parole de deux minutes imparti pour présenter sa question.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Je me félicite de l’organisation de ce débat. La question migratoire reste au cœur des vies politiques de chacun de nos pays – pensez à l’Allemagne, à l’Italie, à la France, à la Suède, et j’en passe. Mais il s’agit aussi d’une question européenne, dont la solution – nous le sentons tous – ne peut être qu’européenne. Il n’y a pas de solution nationale au problème des migrations.

Trois questions, monsieur le ministre.

Première question, sur le paquet Asile : pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la révision du règlement Dublin ? Un débat assez ferme, si j’ai bien compris, est en cours entre l’Autriche, la France et d’autres pays sur le caractère obligatoire ou non de la solidarité et donc du partage des migrants illégaux.

Je pense aussi que nous devrions avancer sur le problème du concept de « pays tiers sûr ». Il y a là, de nouveau, un débat sur lequel nous ne progressons pas, qui est celui de la réadmission d’un migrant dans un pays tiers sûr : en particulier, cette réadmission devrait-elle être obligatoire ou optionnelle ?

J’évoquerai enfin la question, qui a déjà été citée, de la création de centres contrôlés ou de plateformes régionales de débarquement, soit dans les pays membres – l’Espagne et l’Italie n’ont pas montré un très grand enthousiasme pour défendre cette idée –, soit, par exemple, dans les pays d’Afrique du Nord.

J’étais il y a dix jours en Tunisie ; je peux vous dire que les Tunisiens ne sont pas, eux non plus, d’un enthousiasme débordant à l’idée de la création de telles plateformes. Ils n’ont pas de droit d’asile, et posent la question de savoir ce qu’ils feraient des personnes qui seraient accueillies dans ces camps, sachant que nous n’avons pas nous-mêmes les ressources nécessaires à l’organisation d’un tel accueil.

Par ailleurs, en quoi ce dispositif est-il différent de celui des hotspots proposé par l’Europe il y a un certain temps ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Merci de ces questions qui sont au centre des débats – je sais que d’autres sénateurs vont intervenir sur les mêmes sujets.

Sur le paquet Asile – je l’ai dit dans mon propos introductif –, la discussion se poursuit autour de l’articulation entre l’exigence de solidarité, l’exigence de responsabilité et la nécessité de partager. Une proposition autrichienne vient d’être mise sur la table ; elle nous paraît aller dans le bon sens, et nous espérons, à cet égard, parvenir à la révision du règlement Dublin III. Mais il s’agit d’un travail de longue haleine, sur une question extrêmement sensible ; il faut aboutir à un accord, et il y a là, peut-être, une piste de consensus, qu’il nous semble éminemment souhaitable d’explorer.

S’agissant des centres contrôlés et des plateformes, nous n’avons jamais donné notre accord, pour notre part, à la création de plateformes de débarquement dans les États tiers. Nous ne devons pas nous défausser de nos responsabilités sur les pays tiers ni créer des sortes de centres de refoulement sur la rive sud de la Méditerranée ; il faut plutôt faire en sorte – c’est l’option que nous choisissons – que les pays de la rive sud assument pleinement leurs responsabilités en matière de surveillance de leurs côtes et de sauvetage dans les zones dites SAR, Search and Rescue, prévues par le droit international – il y va de l’application stricte du droit de la mer.

C’est pourquoi nous sommes favorables – je l’ai dit – au concept d’« arrangements de débarquement » avec les pays concernés plutôt qu’à celui de « plateformes de débarquement ».

Ce dernier concept pourrait en effet donner le sentiment, ce que nous ne souhaitons pas du tout, que nous projetons de créer des centres de refoulement. De tels arrangements de débarquement peuvent être ponctuels, et ils peuvent différer selon les États concernés, l’enjeu étant, tout simplement, de sauver des vies, celles de migrants qui seraient repêchés en mer et reconduits vers le territoire d’où ils viennent.

J’étais moi aussi en Tunisie il y a quelques jours, monsieur le sénateur, le lendemain de votre déplacement. Et j’ai abordé cette question, très franchement, avec le Premier ministre, M. Chahed, et avec le Président de la République, M. Essebsi. La réflexion sur ce sujet doit être menée, mais elle suppose de bien articuler l’idée d’un arrangement de débarquement avec l’impératif de sécurité.

En revanche, les centres contrôlés, sujet majeur, font consensus.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous en reparlerons peut-être tout à l’heure ; cette avancée a été actée lors du Conseil européen de juin dernier. On pensait qu’aucun accord européen n’était possible sur ce principe ; or, désormais, accord européen il y a. Reste à le mettre en œuvre techniquement. J’aurai l’occasion d’y revenir dans un instant.

M. le président. Je demande à chacun de respecter les deux minutes qui lui sont imparties.

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, ce débat est nécessaire, car la gestion de la crise migratoire a été et demeure, à nos yeux, calamiteuse et indigne, avec des conséquences humaines et politiques qui sont chaque jour plus inquiétantes en Europe.

Ni les urgences ni les problèmes d’avenir ne sont traités. Les urgences humanitaires ne sont toujours pas prises en charge dignement, ni en mer Méditerranée, où 15 000 migrants sont morts depuis 2014, ni aux frontières, qu’elles soient intra-européennes ou extra-européennes. Et c’est le rejet, la haine, le racisme, la répression qui continuent de progresser dans toute l’Europe.

La France est-elle prête à prendre de nouveau des initiatives importantes, non seulement sur la question sécuritaire, mais surtout sur la question de l’accueil des migrants ? Est-elle prête à sortir d’un discours qui entretient des peurs hors de proportion, comme lorsqu’on prétend que la seule solution est de tenir à distance les migrants dans des centres fermés à l’extérieur de l’Union européenne ?

Vous l’avez dit vous-même : nous sommes passés d’un million à 115 000 entrées. Nous savons donc aujourd’hui que le pic de 2015 a déformé notre vision du problème dans la durée. Allons-nous enfin ouvrir un débat responsable sur l’avenir de la question des migrations ? Ce sujet, nous ne pouvons pas le traiter uniquement sur le terrain sécuritaire ; cette cécité, en effet, va se payer politiquement : elle nourrit les Salvini en Italie, les AfD en Allemagne, et bien d’autres.

Les insécurités du monde, de toute nature, ne se régleront demain que dans l’interdépendance. Et nous avons besoin d’aborder la question des migrations sous un autre angle. Les migrations sont aussi une interpellation, nous invitant à inventer les nouvelles conditions, qui restent à créer, d’un développement partagé du monde.

Une réflexion est menée à l’ONU sur un pacte mondial pour les migrations. La France est-elle prête, en Europe et dans le monde, à engager une nouvelle réflexion, offensive et conquérante, sur la question des migrations, et à sortir, en la matière, de l’impasse que représente le discours exclusivement sécuritaire que vous venez de nouveau de nous proposer, monsieur le ministre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur Laurent, je n’ai pas parlé suffisamment clairement : je n’ai pas l’impression d’avoir fait, il y a un instant, un discours sécuritaire ! J’ai au contraire démontré, me semble-t-il – peut-être faudra-t-il que je recommence –, comment il fallait en permanence articuler solidarité et responsabilité. La France doit être à l’avant-garde pour promouvoir ces principes, et pour défendre y compris le respect du droit humanitaire et du droit d’asile.

Je ne m’inscris donc absolument pas dans la logique d’exclusivité sécuritaire que vous me prêtez.

De ce point de vue, nous nous sommes toujours opposés à la création de centres fermés à l’extérieur de l’Union européenne. Je viens de le dire – sans doute ne m’avez-vous pas entendu, monsieur le sénateur. Je vous renvoie donc au compte rendu analytique des débats du Sénat ; vous y lirez ce que j’ai dit sur ce sujet, qui est très clair : nous avons toujours été opposés à cette initiative.

Pour le reste, merci d’avoir souligné l’intérêt du pacte mondial pour les migrations. Ce pacte doit normalement être adopté les 10 et 11 décembre prochain à Marrakech, via une déclaration qui devra ensuite être validée par l’ensemble des États membres de l’Organisation des Nations unies.

C’est une avancée considérable. Et le texte qui va être proposé pour une meilleure gouvernance internationale des migrations est soutenu sans réserve par la France. Cette initiative émane du Mexique et de la Suisse ; nous avons accompagné ce mouvement, et nous entendons contribuer aux démarches visant à la bonne mise en œuvre du pacte.

Cet accord prévoit notamment la création d’un mécanisme international de suivi dont le secrétariat sera assuré par l’Organisation internationale pour les migrations. Nous travaillons en permanence avec l’OIM et avec le HCR, comme le montrent les exemples que j’ai donnés, ceux de Niamey et d’Agadez, qui sont des exemples de partenariats avec ces deux institutions. De telles opérations ne se font donc pas, quoi que vous en disiez, dans une logique exclusivement sécuritaire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. L’évolution à la baisse du nombre d’entrées irrégulières dans l’Union européenne constatée depuis 2015 montre que la coopération européenne n’est pas une contrainte : elle est la solution à ce défi.

Monsieur le ministre, les tribunaux administratifs de Melun et de Pau ont récemment annulé le renvoi vers l’Italie de demandeurs d’asile qui avaient fait une demande en France, au regard de la politique menée par les autorités italiennes en la matière.

Dans le cadre des négociations actuellement menées par la Commission européenne, la mise en œuvre de la notion de « pays tiers sûr », qui figure déjà dans les directives, est envisagée. La position de la France, aujourd’hui, est que cette mise en œuvre devrait être optionnelle, réservée aux seuls pays européens souhaitant utiliser cette possibilité.

Cela étant, au regard des décisions de tribunaux administratifs que j’ai citées et, plus encore, de l’avis rendu par l’assemblée générale du Conseil d’État le 16 mai dernier, mais aussi, tout simplement, au regard de nos valeurs et de nos engagements, je doute que notre pays puisse envisager la possibilité de renvoyer une personne qui aurait fait chez nous une demande d’asile vers un autre pays de l’Union européenne dont il y aurait lieu de penser qu’il pourrait décider d’éloigner cette personne vers un troisième pays où elle pourrait subir des traitements inhumains ou dégradants – tel est le risque inhérent au dispositif des « pays tiers sûrs ».

Monsieur le ministre, comment maintenir et renforcer la coopération européenne si, parmi les propositions qui circulent aujourd’hui, certaines sont à l’évidence contraires à nos exigences constitutionnelles et à nos engagements conventionnels, auxquels il est hors de question que nous dérogions ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Leconte, vous évoquez la notion de « pays tiers sûr », et vous avez raison de mettre en avant la difficulté que vous exposez.

Le concept de « pays tiers sûr » se heurte, pour la France, à une double contrainte constitutionnelle : d’une part, le quatrième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 fait obligation à notre pays d’examiner au fond les demandes d’asile des personnes se disant persécutées en raison de leur action en faveur de la liberté et, si elles relèvent de cette définition, de leur accorder une protection ; d’autre part, l’article 53-1 de la Constitution consacre le droit souverain des autorités françaises d’accorder l’asile à toute personne qui sollicite la protection de la France, y compris pour d’autres motifs que son action en faveur de la liberté.

Cette double exigence constitutionnelle nous rend très perplexes s’agissant du concept de « pays tiers sûr ». Nous souhaitons donc que l’utilisation de cette notion soit rendue facultative, afin de permettre à la France d’examiner au fond toute demande d’asile et, le cas échéant, d’accorder une protection aux « combattants pour la liberté », expression conforme au préambule de la Constitution de 1946, dans les conditions prévues par le droit national.

Notre objectif, par ailleurs, est d’essayer de rapprocher autant que possible les régimes nationaux d’asile, comme le Président de la République en a exprimé le souhait dans son discours de la Sorbonne. Le renforcement en cours du Bureau européen d’appui en matière d’asile doit permettre d’y contribuer.

Sur l’interrogation quant au concept de « pays tiers sûr », je pense que nous sommes en phase, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour la réplique.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions utiles. Nous partageons votre préoccupation.

Toutefois, je suis très perplexe sur notre capacité à poursuivre une coopération européenne en la matière si nous ne parvenons pas à faire respecter ces exigences, qui sont des exigences constitutionnelles, mais aussi des exigences conventionnelles, par l’ensemble de nos partenaires européens. Si notre manière de concevoir l’asile n’est pas partagée par nos partenaires européens, la convergence des politiques d’asile, qui est pourtant indispensable, posera un réel problème.

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini.

M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le ministre, en m’approchant de ce micro pour aborder ces sujets difficiles que sont la sécurité, l’immigration et les frontières, j’avais en tête la formule combien célèbre de Lampedusa dans Le Guépard, roman qui donna lieu à un film fameux : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».

M. Jean-Noël Guérini. Je vous l’avoue, j’ai la très désagréable impression, en prononçant ces mots, qu’ils sont d’une actualité redoutable dès lors qu’on les applique à ces thèmes qui font polémique – il y va de l’Europe et de la démocratie.

Depuis le 9 mai dernier, jour où nous avons débattu de ces questions complexes devant lesquelles les opinions publiques s’irritent – je le dis avec rudesse –, bien des choses ont changé, mais nous en sommes toujours au même point.

Les populismes, de l’autre côté des Alpes, en Europe centrale, en Allemagne, sans parler du Brésil, ont progressé, en six mois, à pas de géant. Même si la pression migratoire a reculé, le bras de fer entre le gouvernement italien et certaines organisations non gouvernementales a éclairé d’une cruelle lumière l’incapacité de l’Europe à parler d’une voix claire, forte et concordante sur cette question.

De réunions de travail en rencontres bilatérales et en sommets européens entre chefs de gouvernement, rien n’a réellement émergé, si ce n’est que chaque État membre concerné a défendu ses positions, les uns refusant le système des quotas, d’autres proposant des sanctions financières, d’autres encore souhaitant renforcer le dispositif humain FRONTEX.

Monsieur le ministre, pouvons-nous espérer qu’une initiative forte de la France émerge du constat de l’échec de Dublin III, afin d’éviter que cette question ne devienne le sujet central des prochaines élections européennes ?

MM. Jean-Claude Requier et Raymond Vall. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. J’ai déjà en partie répondu, me semble-t-il, aux observations de M. Guérini.

Lorsque le Conseil européen s’est réuni au mois de juin, nous étions pris dans des contradictions extrêmement fortes, les différentes déclarations d’intention laissant à penser qu’il n’y aurait jamais d’accord européen. Or accord il y a eu, au mois de juin, sur les trois principes que j’ai évoqués dans mon propos liminaire : sur le renforcement des dispositifs de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, renforcement confirmé par les propositions faites par la Commission européenne au mois de septembre ; sur la nécessité d’adopter des règles internes communes ; sur le renforcement de l’action extérieure.

Ces trois principes, qui engagent concrètement l’ensemble des États membres, ont été validés ; ils ont été validés de nouveau lors de la rencontre informelle de Salzbourg, et viennent de l’être encore à l’occasion du dernier Conseil européen. Il reste des questions à régler. Celle du règlement Dublin est évidemment essentielle ; il est normal qu’elle prenne un peu de temps, mais je dois constater que la présidence autrichienne, en proposant de travailler sur une solidarité obligatoire selon un certain nombre de modalités, a fait une proposition intéressante, qui pourrait débloquer la négociation. Je pense donc que l’on avance beaucoup.

On avance également au chapitre des relations bilatérales. J’en ai évoqué quelques-unes : elles donnent des résultats, y compris en Libye, où nous discutons avec les autorités. On avance aussi sur les projets coordonnés par FRONTEX, que je viens d’évoquer.

Concernant les élections européennes, je constate aujourd’hui une forme de paradoxe : depuis un an, l’Union européenne a beaucoup avancé sur de nombreux sujets, y compris sur celui des migrations ; mais on reste figé sur de simples déclarations ou sur des incidents ponctuels. Une prise de conscience, pourtant, a eu lieu, y compris en matière migratoire, et des avancées significatives ont été accomplies, en attendant les conclusions du processus de révision du règlement Dublin.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre ans après le début de la déferlante, nous sommes toujours en train de nous demander comment cette Europe, votre Europe, pourrait bien gérer la crise migratoire. C’est révélateur et terriblement consternant !

La politique, c’est d’abord la sémantique : l’utilisation du vocable « gérer », c’est-à-dire faire face, administrer démontre que votre Europe « accepte » cette déferlante permanente, et ce contre l’avis même des peuples !

Mais que pèse aujourd’hui la volonté des peuples face aux exigences du trafic d’êtres humains et de la finance En Marche ? C’est la lutte du pot de terre enraciné contre le pot de fric nomadisé.

Car – je le dis de nouveau ici – la politique d’immigration, qu’elle soit de crise ou régulière, n’est aucunement motivée par un souci humanitaire, encore moins humaniste.

L’immigration n’est qu’un outil économique : le réfugié n’est de plus en plus qu’une marchandise pour les mafias de passeurs ; l’immigré légal, quant à lui, n’est qu’un moyen, jamais une fin, au service d’un certain patronat qui trouve là le moyen d’exploiter des populations fragilisées et donc peu revendicatives pour en tirer toujours plus de profits, au détriment des peuples qui sont victimes de ce phénomène, c’est-à-dire de tous les peuples européens.

L’immigration ne sert que des intérêts privés et l’idéologie chère à M. Soros, qui rêve de voir disparaître les identités nationales dans un melting-pot généralisé.

Quatre ans, donc, que votre Europe est incapable de faire cesser cette crise née d’un triple chaos : chaos libyen, dont Nicolas Sarkozy est largement responsable ; chaos syrien, auquel François Hollande et Emmanuel Macron ont participé ; chaos africain, résultat de décennies de dictatures, de guerres tribales sans fin et d’une explosion démographique qui ne fait que commencer.

En Italie, pays frappé de plein fouet par cette crise migratoire, l’orientation politique a changé ; elle est tournée désormais vers l’intérêt des Italiens avant tout, et les premiers résultats ne se sont pas fait attendre : les demandes d’asile y ont chuté de près de 70 % depuis que Matteo Salvini occupe le poste de ministre de l’intérieur.

C’est dans cet esprit-là que mon Europe, celle du Rassemblement national et de ses alliés, agira, comme le font les gouvernements italien, autrichien, hongrois et polonais.

Ma question est la suivante, monsieur le ministre : êtes-vous disposé à quitter la table de l’idéologie pour rejoindre celle de la liberté des peuples qui, partout en Europe, clament leur volonté, et vous réclament, d’en finir avec cette folle politique d’immigration, qu’elle soit de crise ou régulière ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. J’ai entendu récemment beaucoup de déclarations tonitruantes de la part de M. Salvini, convaincu de sa capacité à obtenir de pays voisins, la Hongrie en particulier, mais d’autres pays également, qu’ils se montrent solidaires et partagent la difficulté. On allait voir, bon Dieu, ce qu’on allait voir ! Et on n’a rien vu.

Je vous invite donc, monsieur le sénateur, à revoir un peu l’histoire récente, y compris l’histoire italienne très récente. Ce n’est pas avec des propos de matamore qu’on réglera la question migratoire.

M. Richard Yung. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Toute réponse sérieuse à la question migratoire ne peut se faire qu’à l’échelon européen, dans un partenariat avec des pays tiers. Toute autre hypothèse aboutit à l’échec, comme M. Salvini a pu le constater.

Pour le reste, sans reprendre vos propos, je constate qu’il y a quatre ans, 1,8 million de migrants étaient venus en Europe, dans des conditions humanitaires et de sécurité épouvantables ; aujourd’hui, les migrants sont 110 000 ou 120 000. Les flux ont changé ; les voies ont changé. Mais il reste un flux, et il faut le gérer, de manière sereine, de manière constructive. Beaucoup d’efforts ont été effectués par les uns et par les autres – je les ai en partie évoqués tout à l’heure.

Si l’on ne prend pas à bras-le-corps la question du nécessaire partenariat entre le Sud et l’Union européenne pour construire une gestion pérenne de l’ensemble des flux, alors nous aurons, demain ou après-demain, d’autres difficultés et d’autres tragédies. Nous travaillons dans un esprit de coopération, animés d’une volonté d’aller de l’avant avec l’ensemble des acteurs. C’est difficile – je l’ai rappelé –, mais ma conviction est que nous allons aboutir, après les trois sommets européens qui y ont été consacrés, à un dispositif satisfaisant pour l’avenir.

(M. Jean-Marc Gabouty remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

Mle président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Le fonctionnement de l’Union repose sur la confiance entre les États membres. Or cette confiance est aujourd’hui mise à mal par la montée des mouvements populistes et nationalistes, qui se nourrissent du sentiment que l’Europe ne dispose plus de la maîtrise de ses frontières. La réforme nécessaire du règlement Dublin III, qui est perçu comme inégalitaire par les principaux pays d’entrée, reste à ce jour sans perspective d’aboutir, en raison du blocage de certains pays.

La semaine dernière, le Parlement européen a regretté que tous les efforts déployés jusqu’à présent pour mettre en place un régime de migration équitable et humain à l’échelle de l’Union aient échoué. Il a d’ailleurs décidé d’orienter une partie du budget vers la définition de solutions aux « causes profondes de la migration dans le voisinage immédiat et plus lointain de l’Union européenne ». C’est bien, mais ce n’est pas suffisant.

Un tel manque de solidarité entre États, ainsi que les critiques persistantes de certains gouvernements, comme celui de l’Italie, s’inscrivent à rebours d’une démarche européenne équilibrée entre respect de nos valeurs et capacité d’édicter une règle du jeu applicable par tous.

Monsieur le ministre, comment surmonter un tel blocage et fédérer tout ou partie des Européens autour d’une vraie politique migratoire commune ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, ainsi que je l’ai déjà indiqué, de deux choses l’une : soit on prend à bras-le-corps l’ensemble des questions que j’ai évoquées, c’est-à-dire les frontières extérieures, les règles internes et la relation avec des partenaires, soit on échouera ! Et ceux qui ont essayé d’agir en solo ont échoué.

Certes, il est plus compliqué d’agir à « vingt-sept plus un ». Mais c’est la condition indispensable pour aboutir à une politique migratoire de longue durée. C’est ce à quoi nous nous employons, même s’il est un peu difficile de décliner en permanence solidarité et responsabilité.

Nous avons trouvé pendant l’été des solutions provisoires ad hoc à la question humanitaire. C’est la preuve que nous pouvons avancer. Nous passons beaucoup de temps à convaincre, à expliquer et à valider. Mais je suis optimiste. Et je le suis par raison : il n’y a pas d’alternative ! Ceux qui se voilent aujourd’hui la face devant cette réalité seront demain les perdants.

Le rôle de la France est de faire en sorte que les solutions concertées et appliquées en commun à l’échelon européen finissent par l’emporter. Les accords qui ont été conclus au mois de juin, puis confirmés à Salzbourg et lors du dernier conseil européen voilà quelques jours en constituent la base. Il faut désormais passer à la mise en application. Mais je reste optimiste.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour la réplique.

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le ministre, comme toujours, j’apprécie le sérieux et la qualité de vos réponses. Nous sommes nombreux, sur beaucoup de travées, à partager l’engagement européen qui est le vôtre de longue date. C’est pourquoi la crise que l’Europe connaît aujourd’hui nous préoccupe particulièrement.

À mon sens, dans le contexte préélectoral actuel, face aux risques de retour de boomerang, nous devons faire passer un message : vouloir, comme certains seraient peut-être tentés de le faire, organiser le débat autour d’un clivage un peu forcé entre « progressistes » et « populistes » – ou « nationalistes » ne me paraît pas de bonne pédagogie à l’égard de nos concitoyens. Ces derniers attendent des réponses sérieuses, construites et crédibles de notre part et de la part de l’Union européenne, et non des réponses démagogiques. Tout ce qui ressemblerait à une réponse artificielle de politique politicienne inutilement clivante irait, me semble-t-il, à l’encontre de l’objectif qui nous est commun. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit.)

Mle président. La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Monsieur le ministre, le problème des migrations à destination de l’Europe ne se joue pas que sur la Méditerranée ; d’ailleurs, lorsque les migrants ont atteint la Méditerranée, c’est qu’il est déjà bien tard !

La solution européenne réside aussi dans l’engagement des pays d’origine à attaquer à la racine les causes des migrations : la pauvreté, la misère, la faim, le manque de perspectives, la peur et, demain, les problèmes climatiques.

L’Union européenne a pris conscience d’un tel impératif, sous l’empire de l’urgence. Elle a lancé les processus de Rabat et de Khartoum pour engager les États situés sur les routes migratoires. Elle a inclus une clause de conditionnalité dans les accords de Cotonou. En 2015, avec le sommet de La Valette, elle a établi un véritable partenariat euro-africain pour maîtriser les flux migratoires et créé le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique, doté de 1,8 milliard d’euros. Vous avez évoqué ces initiatives dans votre intervention liminaire, monsieur le ministre.

Néanmoins, ces politiques font encore figure de rustines et d’expédients. Leur efficacité est discutable, faute d’évaluation. Et elles demeurent prisonnières d’une logique d’aide au développement, qui a démontré sa fragilité. Il convient de considérer l’Afrique comme un partenaire économique stratégique. Comme l’a dit le Président de la République à Ouagadougou en novembre 2017, il faut soutenir les entreprises africaines, créer de l’emploi, de l’activité industrielle, du commerce, et non remplir les poches d’intermédiaires ou de responsables corrompus et prédateurs.

Monsieur le ministre, quelles nouvelles initiatives l’Union européenne peut-elle mettre en place ou contribuer à mettre en place pour attaquer efficacement à la racine les causes profondes des migrations ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous posez bien le problème sur la relation avec nos partenaires du Sud. Nous devons passer d’un type de développement que je qualifierais de « caritatif », sans aucune intention critique de ma part, à un modèle de partenariat d’une nouvelle génération permettant le développement interne des pays concernés.

M. Charles Revet. Il reste beaucoup de travail !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Comme vous l’avez évoqué, cette priorité a été esquissée lors du sommet de La Valette. Il importe à présent de conforter cette démarche. Faire en sorte qu’il s’agisse de codéveloppement, et non d’assistance sous une forme ou une autre, a été la préoccupation au cœur du sommet entre l’Union africaine et l’Union européenne à Abidjan l’année dernière.

Dans un tel schéma, la formation est un enjeu essentiel ; l’Union européenne en est consciente, et la France est aux avant-postes. J’étais voilà peu en Côte d’Ivoire ; j’ai pu constater la création d’un hub de formation universitaire, avec des diplômes communs, entre ce pays et le nôtre, pour des Français qui étudieraient en Côte d’Ivoire – il y en a –, ou inversement. Nous sommes également à l’initiative du concept d’« université franco-sénégalaise », qui a la même ambition.

L’éducation et la formation, notamment la formation professionnelle, doivent favoriser le maintien sur leur territoire des éléments les mieux formés, afin qu’ils ne fuient pas leur pays, ce qui aurait pour effet de renforcer la dimension uniquement caritative de l’action menée. Il faut une nouvelle logique, un nouveau partenariat, en particulier avec l’Afrique. Nous y consacrons beaucoup de temps, et cela commence à être perçu et compris.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Parallèlement, il faut aussi mener un combat vigoureux – dire cela n’a rien de « sécuritaire » contre tous les passeurs, en partenariat avec les pays concernés.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, nous sommes évidemment favorables à une plus grande maîtrise de l’immigration, mais également à des partenariats en Afrique et ailleurs, ce qui permet d’assécher les mouvements migratoires.

Mais, voilà quatre ou cinq ans, l’Europe a été surprise par l’importance des mouvements migratoires arrivant sur le continent. Nous avons aujourd’hui des besoins de prospective, au-delà des mesures qui peuvent être prises. Vous avez bien fait de rappeler que nous sommes passés d’un peu plus d’un million de migrants en 2015 à quelque 115 000 ou 120 000 migrants en 2018.

Mais il faut entendre la Grèce, qui s’inquiète de voir M. Erdogan utiliser les migrants comme une arme politique. Et il y a toujours 2 millions de Syriens en Turquie. L’une des sources d’inquiétude pour le futur, c’est effectivement la politique très utilitariste de M. Erdogan, qui se sert des migrants comme d’une arme vis-à-vis de l’Europe. Avons-nous avancé sur ce dossier ? De quelles garanties disposons-nous ?

Faisons aussi un peu de prospective. J’ai entendu les déclarations d’un certain nombre d’intellectuels algériens qui s’inquiètent d’un éventuel mouvement migratoire vers la France après l’élection présidentielle de 2019 de la part de personnes ne souhaitant pas rester dans un régime pouvant favoriser les militaires. L’Europe et la France ont-elles travaillé sur ce dossier ?

M. Charles Revet. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, le triptyque que j’ai évoqué tout à l’heure vaut pour toutes les situations, qu’il s’agisse d’anticiper des crises ou des fragilités potentielles.

Je ne porterai pas de jugement sur la situation algérienne. J’ai reçu hier soir mon collègue algérien pour faire le point sur notre coopération économique, comme nous le faisons depuis plusieurs années. Nous entretenons des relations confiantes avec ce pays majeur pour nous.

Vous avez évoqué la Turquie et la Grèce. Il y a un accord entre l’Union européenne et la Turquie, qui accueille aujourd’hui 3,6 millions de réfugiés, en provenance essentiellement du Moyen-Orient. Cet accord doit être respecté. Pour cela, nous avons un dispositif financier : la facilité en faveur des réfugiés en Turquie. La première tranche, soit 3 milliards d’euros, a déjà été mobilisée. La deuxième tranche va l’être également ; la décision a été prise au conseil européen du mois de juin. Je reconnais qu’il y a eu un moment de flottement.

Je me suis rendu en Grèce pour évoquer les difficultés des cinq hotspots des îles grecques ; c’est plus compliqué à gérer qu’ailleurs. J’ai pu constater un niveau de saturation très préoccupant. Je pense qu’il faut apporter un soutien significatif aujourd’hui à la Grèce dans le cadre européen pour aider à la relocalisation et au « traitement » des personnes présentes dans ces hotspots, dont l’effectif dépasse largement le nombre de places disponibles, qu’il serait souhaitable de respecter.

Il peut y avoir des risques de migration entre la Turquie et la Grèce, voire directement entre les côtes syriennes et la Grèce. Il faut faire preuve de vigilance. Cela passe par le respect de la parole donnée et de nos engagements. Mais il y a eu des améliorations par rapport à la situation que vous évoquiez.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, je me doute bien que la parole de la France et de l’Europe est crédible et respectée. Mais la parole de certains, autour de la Méditerranée, ne varie-t-elle pas en fonction des circonstances et de leurs intérêts ? Oui, il faut une Europe forte pour savoir négocier, discuter et planifier ! Mais il faut aussi une Europe forte pour dire à ces pays qu’un accord est un accord et doit être respecté de part et d’autre !

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Monsieur le ministre, vous avez indiqué tout à l’heure que les flux migratoires irréguliers avaient baissé depuis 2015, et de manière substantielle. C’est exact.

Pour autant, les flux migratoires continuent d’arriver en Europe, et la voie nouvelle est celle de l’Espagne. Depuis deux ans, les passages par Ceuta et Melilla augmentent fortement. Très récemment, plus de 200 personnes ont mené une attaque sur la frontière établie à Ceuta, qui sépare l’Espagne du Maroc. On a cru comprendre que le gouvernement espagnol voulait modifier l’organisation de cette frontière ; des déclarations ont été faites pendant l’été.

En prenant ses fonctions, le ministre français de l’intérieur a indiqué que 50 000 personnes étaient arrivées sur le territoire espagnol depuis le début de l’année. On a un peu le sentiment que l’Espagne veut gérer ou préserver ses relations bilatérales avec le Maroc et ne souhaite pas trop voir l’Europe présente dans ses discussions et sa gestion de la migration. Mais l’Afrique de l’Ouest francophone en réalité souhaite venir sur notre territoire national ; nos policiers à la frontière franco-espagnole le savent. Il y a des passages importants.

Comment la France continue-t-elle d’exercer son influence au sein de l’Europe pour que l’Espagne ne reste pas seule dans la gestion des flux migratoires aboutissant à la frontière franco-espagnole, soit en passant par Ceuta ou Melilla, soit en débarquant directement sur les plages d’Andalousie ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner l’évolution des flux migratoires. À côté des voies orientale et centrale, la voie occidentale se renforce considérablement ; aujourd’hui, 43 % des flux migratoires en proviennent. C’est une nouveauté, peut-être indirectement liée au fait que les autres voies sont mieux maîtrisées. Le mouvement est très important, et nous sommes en relation étroite avec les Espagnols.

M. le ministre de l’intérieur serait sans doute plus compétent que moi pour évoquer ses discussions avec son homologue espagnol. Mais, en ce qui concerne les affaires étrangères, nous sommes en contact permanent, y compris sur la manière d’articuler nos relations avec le Maroc. L’enjeu est d’avoir un partenariat offensif avec ce pays pour l’aider à sécuriser ses propres frontières, faire en sorte que les flux migratoires en provenance d’autres pays ne perturbent pas son fonctionnement et lui permettre de disposer de l’accompagnement technique et financier nécessaire pour maîtriser les flux migratoires.

Je rencontrerai demain mon homologue marocain, en bonne articulation avec les autorités espagnoles. Le défi est plus compliqué pour cette frontière, en raison des enclaves de Ceuta et de Melilla, avec un phénomène que nous n’avions pas perçu avec autant de force s’agissant des voies orientale et centrale, à savoir le nombre de mineurs, non accompagnés et à la dérive, qui viennent par la voix espagnole.

M. Bruno Sido. Et ce sont les départements qui les récupèrent !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En effet, monsieur le sénateur ; cela relève de la responsabilité sociale des conseils départementaux.

C’est un sujet important. Les ministres français concernés par cette jeunesse particulière vont prendre des mesures face à une telle situation, qui devient indigne et dangereuse. C’est une partie de la problématique des flux migratoires passant par l’Espagne.

Je vous remercie de vos observations, monsieur le sénateur. Nous sommes face à une nouvelle donne qu’il faut maîtriser, avec beaucoup de concertation. C’est ce à quoi nous nous employons.

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.

M. François-Noël Buffet. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos. Je souhaite que l’Union européenne et, singulièrement, la France interviennent fortement auprès de l’Espagne face à une telle situation ; nous le savons, les relations hispano-marocaines sont particulières. Il est absolument nécessaire de soutenir l’Espagne dans la politique de fermeté qui a été la sienne voilà quelques années ; il semble qu’elle soit en train d’en changer… C’est un enjeu pour l’Europe, mais aussi pour la France.

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Depuis la fin de l’opération Mare Nostrum en 2014 et son remplacement par l’opération Triton de FRONTEX, l’aide humanitaire aux migrants en mer est passée au second plan, derrière la volonté de fermer les frontières.

Le sommet européen du mois de juin 2018 s’est ainsi terminé sur une décision aussi baroque qu’incroyable pour tout humaniste : désormais, les Libyens sont responsables de la recherche et du sauvetage dans les eaux comprises entre leur pays et l’Italie ! La gestion humanitaire est donc déléguée à un pays qui ne respecte pas les droits humains ; ceux qui le fuient disent préférer « mourir en mer que vivre en Libye ».

Faute de mieux, des associations ont pris le relais du sauvetage en mer depuis 2014, dont SOS Méditerranée et son navire, l’Aquarius. Ils patrouillent, dans le respect du droit maritime, sur la mer devenue cimetière pour des dizaines de milliers d’êtres humains qui fuient les guerres et les persécutions. Dernièrement encore, 2 583 disparus en 2017, et déjà 1 565 morts en 2018. Cette association a permis de sauver 15 078 personnes en mer en 2017.

Au lieu de saluer et de remercier infiniment ces bénévoles pour leur bravoure, leur héroïsme et leur générosité qui honorent l’humanité entière et mettent en pratique les valeurs de notre République, on bloque le bateau à Marseille !

Depuis hier, à vingt-trois heures cinquante-neuf, la décision du Panama, prise sous la pression des nationaux populistes européens, de retirer son pavillon à l’Aquarius entrerait définitivement en vigueur. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Je ne méconnais pas les règles du droit maritime français, comme celle selon laquelle le bateau serait trop vieux pour que le pavillon de notre pays lui soit accordé. Mais la solution est aussi politique, au sens noble du terme. Monsieur le ministre, la France est-elle prête à accorder son pavillon à l’Aquarius ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mle président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. J’ai un désaccord de fond avec vous, monsieur Assouline : être humanitaire, ce n’est pas encourager des migrations irrégulières ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.) Il ne s’agit pas de dire aux migrants irréguliers d’aller voir les passeurs, qui leur permettront d’avoir un bateau en caoutchouc, en vue d’être un jour récupérés par des humanitaires, dont je respecte tout à fait les motivations ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

MDavid Assouline. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur Assouline, je suis allé voir les camps en Libye. Le problème, ce sont les trafiquants. Vous comptez les morts en Méditerranée ? Il faut aussi compter les morts du Sahara ! Ce sont ces trafiquants que nous combattons avec l’Union africaine. Nous avons engagé des retours dans le pays d’origine de plusieurs milliers d’Africains qui étaient dans des camps gérés et dirigés par les passeurs, les mêmes qui allaient ensuite les envoyer en bordure de Méditerranée. Voilà la réalité de la situation !

Cela ne signifie pas que je condamne les associations humanitaires, y compris celle qui pilote l’Aquarius. Je dis que ce n’est pas la solution. La solution passe par le partenariat ; je l’ai évoqué tout à l’heure.

Je conçois que vous vous souciiez de l’Aquarius ; nous n’avons pas eu de demande de sa part.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Non ! Je sais qu’il y a des demandes qui ont été faites ailleurs. Vous aurez peut-être une réponse dans quelques heures pour savoir quel pays veut bien accorder son pavillon à l’Aquarius.

Pour nous, il y a des règles. Les règles du pavillon bis, c’est un certain nombre de dispositions sur les équipages et la structure du bateau. Cela fait partie des règles de sécurité que nous imposons à notre propre pavillon. Pour l’instant, à ma connaissance, il n’y a pas eu de demande de l’Aquarius. Et s’il y en avait une, il faudrait respecter ces règles.

Il serait tout de même stupéfiant, monsieur Assouline, que les règles de sécurité que nous imposons à nos flottes fassent l’objet d’une dérogation, précisément pour une action sécuritaire ! Ce serait une contradiction totale !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour la réplique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

MRoger Karoutchi. Pourquoi ? Il a déjà utilisé tout son temps de parole !

M. David Assouline. Je suis dans mon droit ! (M. Roger Karoutchi le conteste.) Ce n’est pas vous qui présidez, monsieur Karoutchi !

M. le président. M. David Assouline dispose de trente secondes !

M. Roger Karoutchi. Par dérogation !

M. le président. Un peu de calme, je vous prie, monsieur Karoutchi.

Veuillez poursuivre, monsieur Assouline, pour trente secondes.

M. David Assouline. Monsieur le ministre, je suis très déçu. Dans la première partie de votre réponse, vous me faites dire ce que je n’ai pas dit, comme si j’étais contre toute règle ou partisan de laisser les trafiquants agir à leur guise ! Ce n’est pas ma question !

L’aide humanitaire en mer a été confiée aux Libyens, qui ne respectent pas les principes fondamentaux de l’Union européenne en matière de droits de l’homme. Et on dit à un tel pays qu’il a la charge de récupérer des réfugiés qui le fuient précisément parce qu’il ne respecte pas les droits humains ?... (Vives marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mle président. Veuillez conclure, monsieur Assouline. (M. David Assouline se rassied.)

MJean-Marie Bockel. C’est vrai que cela nous aurait manqué de ne pas entendre cela… (Sourires sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mle président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. La politique migratoire nécessite une vision d’ensemble : le traitement de la situation dans les pays d’origine, dans les pays de transfert, la gestion des frontières au sein de l’espace Schengen, Dublin III, la question des centres dits « contrôlés » ou des plateformes de débarquement, la gestion des demandes d’asile, les mesures d’éloignement pour les personnes ayant une réponse négative ou l’intégration pour ceux qui méritent protection… autant de sujets qu’il est peu crédible de traiter en deux minutes.

Ma question se concentrera donc sur le droit d’asile et la nécessité d’éviter les mouvements dits « secondaires ».

Pourquoi y a-t-il de telles difficultés pour harmoniser le traitement du droit d’asile en Europe tant sur la forme que sur le fond ? Je ne méconnais pas les difficultés de négociations à vingt-huit, même si, à ma connaissance, il faut une majorité qualifiée sur le droit d’asile. Mais pourquoi notre pays n’arrive-t-il pas à trouver des accords bilatéraux, plus faciles à négocier, de reconnaissance mutuelle, par exemple avec l’Allemagne ou les pays du Benelux ? (M. Jean-Marie Bockel applaudit.)

Mle président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, l’un n’empêche pas l’autre ! Nous sommes aujourd’hui en discussion avec l’Allemagne pour que nous soyons complètement harmonisés dans nos procédures, indépendamment de l’action que nous menons ensemble pour aboutir à un résultat le plus rapide possible sur la modification du règlement de Dublin.

Simplement, avec l’Allemagne, il y a une différence que nous devons essayer de lever. Alors que, chez nous, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, est indépendant, en Allemagne, c’est le ministère de l’intérieur qui traite le droit d’asile. Cela limite les possibilités d’harmonisation complète de la gestion des demandes d’asile.

Mais notre objectif est de parvenir à aligner les transpositions entre Berlin et Paris sur l’asile, comme sur l’ensemble des problématiques européennes relatives à l’immigration. Cela contribuera au rapprochement de nos systèmes juridiques. Nous avons une occasion d’avancer sur ce dossier.

L’harmonisation des procédures d’asile fait partie des propositions qu’a formulées le Président de la République, lorsqu’il a plaidé pour un office européen de l’asile. Cela avance, parce qu’il est moralement inacceptable que les chances d’obtenir une protection soient sensiblement différentes selon l’endroit où l’on se trouve en Europe. Cela conduit aux mouvements secondaires que vous avez identifiés, monsieur le sénateur, et qui sont difficilement gérables. Voilà qui explique la difficulté du processus et celle d’aboutir à un résultat rapidement.

Reste qu’il ne faut pas désespérer. Comme je le disais, nous sommes déterminés et optimistes sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.

M. Philippe Bonnecarrère. L’un n’empêche pas l’autre, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Je suis très sensible à cette réponse et souhaite que ces négociations puissent aller à leur terme, ne serait-ce que pour être certain que nous n’aurons pas de difficultés constitutionnelles soit du côté français, soit du côté allemand, point sur lequel j’ai encore un doute.

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, depuis notre dernier débat sur la question migratoire, le 9 mai dernier, et deux Conseils européens plus tard, force est de constater qu’une gestion européenne de la crise migratoire peine à se mettre en place.

Certes, les discours expriment une prise de conscience. Une approche globale des migrations, incluant les contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne et une coopération avec les pays d’origine et de transit, ainsi qu’une nécessaire solidarité entre les États membres dans la prise en charge des flux constituent les bases d’une politique migratoire européenne intéressante et efficace.

Tous les États membres s’accordent aujourd’hui sur la nécessité d’agir en amont, en faisant d’abord porter l’effort sur la lutte contre les passeurs opérant en particulier à partir de la Libye, afin de décourager les trafics et d’éviter les voyages périlleux entrepris par les clandestins.

Or les activités illicites de l’Aquarius – chacun comprendra ici que je ne partage pas la position de David Assouline –,…

MChristian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Ah !

M. Dominique de Legge. … dont les sauvetages médiatisés surfent sur l’émotion,…

MDavid Assouline. Quelle honte ! Ce sont 15 000 personnes qui sont mortes !

M. Dominique de Legge. … illustrent bien notre impuissance. Naviguant au plus près des côtes libyennes, ce bateau sans pavillon suscite les départs, jouant ainsi le jeu des passeurs, et met paradoxalement en péril la vie de malheureux, dont, rappelons-le, plus de 730 ont déjà péri en mer cette année.

Aussi ma question porte-t-elle sur la pénalisation de ces filières clandestines hors-la-loi et sur leur éradication. Au-delà même de la politique européenne, l’article 3 du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée est entré en vigueur en 2004, c’est-à-dire il y a plus de quatorze ans. Des investigations permettent-elles aujourd’hui de connaître l’origine du financement de ces filières et de déférer les coupables à la justice ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Dominique de Legge, il y a plusieurs questions dans vos observations.

La lutte contre les passeurs est une nécessité absolue. On n’en parle pas assez, parce que cela n’attire pas automatiquement les médias, mais c’est essentiel, en Libye comme pour tous les flux, en particulier dans le Sahel. Il faut lutter contre les passeurs qui provoquent des embarquements, mais aussi contre les passeurs qui font des accompagnements à travers le Sahara.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai évoqué dans mon propos inaugural l’initiative que nous avons prise au Niger. À Agadez, nous essayons d’identifier les passeurs du Sahara, car beaucoup de ceux qui ont traversé le désert sont morts sans pouvoir atteindre la Libye.

Cette action que nous menons a constitué une grande première : sur notre initiative, le comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies a identifié six passeurs, contre lesquels nous menons une véritable guerre, avec les moyens que cela implique, y compris des dispositifs d’intervention des services de renseignement, et qui font maintenant l’objet d’une pénalisation internationale. Nous devons avoir un régime de sanctions transversales à l’échelon européen, je l’ai déjà évoqué.

Monsieur le sénateur, je ne partage pas votre avis sur les ONG, pas plus que celui de M. Assouline ; il ne s’agit pas pour autant d’une position médiane. Je ne pense pas qu’il faille pénaliser les ONG en les assimilant à des organisations mafieuses ; je n’ai jamais dit cela et ce n’est pas du tout mon propos.

M. Dominique de Legge. Ce n’est pas non plus ce que j’ai dit !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En revanche, je tiens à dire qu’elles doivent respecter le droit de la mer.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Or, monsieur Assouline, le dispositif SAR, Search And Rescue, convention internationale qui date de 1979 et est antérieure à la convention de Montego Bay, définit le droit en matière de sauvetage. Dans les zones identifiées dans le cadre de cette convention, les zones de gestion disposent toutes d’un centre de coordination et de recherche opérationnelle. Il y en a un à Tripoli. C’est pourquoi la Libye doit assumer ses responsabilités et les bateaux qui circulent dans la zone concernée doivent répondre aux ordres de ce centre. Cela fait partie du droit de la mer, auquel nous sommes extrêmement attachés.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En revanche, quand une association ou une ONG ne respecte pas le droit de la mer, il faut la poursuivre. C’est ce qui s’est passé pour le capitaine du Lifeline, qui est accusé par les autorités de Malte, où existe également une zone de contrôle, d’avoir agi contre les lois internationales et ignoré les directives des autorités. Le droit de la mer s’applique à tout le monde.

M. David Assouline. Et le droit humanitaire ?

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.

M. Dominique de Legge. Une fois n’est pas coutume, comme le ministre a dépassé son temps de parole, je lui offre bien volontiers les quelques minutes qui me restaient.

M. David Assouline. Alors qu’à moi, vous avez voulu les enlever !

M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.

M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre, si les sommets européens se succèdent, les pays européens sont jusqu’à présent restés incapables d’adopter une position commune face aux flux migratoires. Pourtant, l’immigration devrait être synonyme d’opportunités et de défis à relever pour l’Europe.

Depuis le début de cette crise, les négociations butent sur le niveau de solidarité que les uns et les autres sont prêts à mettre en œuvre à l’égard des réfugiés entrés sur le territoire européen.

Ainsi, la crise des migrants a mis en lumière les faiblesses du système d’asile européen. Pis, le poison du nationalisme se propage insidieusement dans l’Union européenne. De plus en plus, les partis hostiles à l’immigration gagnent du terrain et sèment la confusion.

Cependant, le phénomène de migration n’est pas nouveau : ce qui l’est, c’est l’écho des mouvements nationaux populistes qui agitent les peurs. En Europe, ce sont « 50 nuances de brun », selon la ministre chargée des affaires européennes.

Ces dernières années, la France a dû faire face à l’arrivée de plusieurs centaines de milliers de migrants. Notre pays a fait de son mieux pour donner des conditions de vie décentes à ces personnes et il faut remercier particulièrement tous les maires et les associations qui ont répondu présent à l’appel des pouvoirs publics.

Je tiens à saluer l’Agence du service civique, qui a établi un programme permettant à au moins mille jeunes volontaires d’effectuer un service civique sur l’accompagnement des réfugiés, en complément de l’action des travailleurs sociaux, soit auprès d’une collectivité engagée dans l’accueil de réfugiés, soit auprès d’associations spécialisées et d’établissements publics. Il est, en effet, apparu nécessaire d’accompagner les réfugiés dès leur arrivée sur notre territoire et indispensable de les aider dans leurs démarches administratives.

Monsieur le ministre, les besoins sont immenses et, afin de remplir notre mission d’accueil et de solidarité, il importe de compléter le dispositif existant, avec un système d’asile plus juste, plus simple et plus efficace : quelles solutions et quels moyens proposez-vous pour accélérer la prise en charge des dossiers des migrants ? Comment l’Europe peut-elle y participer ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Jacques-Bernard Magner, je commencerai par une observation un peu politique, mais je ne voudrais pas que vous la preniez de manière agressive. Vous avez tenu deux propos qui me paraissent contradictoires : l’Europe n’a pas avancé, d’une part ; il faut se méfier de ceux qui agitent les peurs, d’autre part. Plus on répète que l’Europe n’a pas avancé, alors que ce n’est pas vrai, plus on aide ceux qui agitent les peurs.

En réalité, les choses ont avancé sur l’ensemble du paquet lié aux migrations ; ce qui bloque, c’est uniquement la modification du règlement de Dublin. Je pense au projet de renforcement du bureau européen d’appui en matière d’asile, qui n’est pas véritablement une agence – si c’était le cas, il faudrait en harmoniser totalement les règles – : les travaux préparatoires sont terminés et le projet va s’appliquer. Il en est de même du règlement Eurodac et des directives Qualification, Réinstallation et Accueil.

Par conséquent, de nombreux progrès ont été accomplis. Il faut le dire, tout en restant exigeant sur le reste. Autrement, M. Salvini pourra dire que cela n’avance pas et qu’il faut agir seul. Or ce n’est pas la logique que nous défendons.

Sur le droit d’asile, je partage votre sentiment, monsieur le sénateur : la rapidité du traitement est essentielle. C’est la raison pour laquelle les moyens de l’OFPRA ont été considérablement renforcés : l’office a vu ses moyens doubler depuis 2013 pour permettre un raccourcissement des délais, ceux-ci passant, ces dix-huit derniers mois, de huit mois à cent jours. Il est tout à fait essentiel que cela aille vite.

La création de centres « contrôlés » a aussi pour but de permettre aux offices de migration de remplir leurs missions et d’accélérer le dispositif. La maîtrise des délais est aussi une condition du respect du droit d’asile.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin.

M. Jean-François Rapin. Monsieur le ministre, le 3 octobre dernier, Theresa May annonçait avoir présenté un projet de loi visant à mettre fin à la libre circulation des Européens au Royaume-Uni, s’engageant résolument vers une immigration choisie. Qu’en est-il des migrants non européens ?

À titre de rappel, Theresa May s’était engagée, dans le programme présenté pour les élections législatives de 2017, à réduire le solde migratoire à moins de 100 000 personnes par an, contre 273 000 en 2016.

Cette annonce alimente la question des négociations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni sur la gestion de la crise migratoire dans le cadre du Brexit. Par ailleurs, elle fait écho à la question de la frontière territoriale entre le continent et le Royaume-Uni, qui représente un coût non négligeable pour les parties prenantes, notamment pour la région des Hauts-de-France.

Aujourd’hui, nous sommes toujours en attente d’un accord sur le Brexit, avec le risque d’une absence d’accord qui s’accroît chaque jour.

Parallèlement, récemment, nos forces de l’ordre ont de nouveau été contraintes de démanteler le camp de Grande-Synthe, afin d’enrayer les réseaux de passeurs qui organisent illégalement des traversées de migrants vers le Royaume-Uni.

Je vous rappelle que, au mois de janvier dernier, Emmanuel Macron, en visite à Calais, a annoncé que les intérêts de la région seraient pleinement pris en considération dans le cadre des discussions et des négociations que la France mènera.

Dans une interview accordée la semaine dernière sur la question du Brexit, Mme Loiseau déclarait que tout avait été exploré d’un point de vue technique. Néanmoins, elle ajoutait, s’agissant des consultations citoyennes sur l’Europe, que le sujet des migrations n’était pas au cœur des préoccupations des Français. Permettez-moi d’être sceptique quant à l’avis des habitants des Hauts-de-France sur le sujet.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer une fois encore, même si vous avez répondu partiellement à cette question au cours du débat, que les négociations portant sur le Brexit intègrent le volet sur la gestion de la crise migratoire entre la France et l’Angleterre ? Quelle est votre position sur les accords du Touquet ?

Pouvez-vous nous détailler les mesures concrètes qui sont actuellement évoquées et sur lesquelles la France se fait entendre, concernant cette gestion de la crise migratoire ?

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Jean-François Rapin, la question du Brexit et celle du Calaisis ne sont pas à proprement parler liées. Il faut déconnecter ces deux sujets. La situation à la frontière avec le Royaume-Uni est liée à la non-appartenance de celui-ci à l’espace Schengen. Par conséquent, son retrait de l’Union européenne n’aura pas de conséquence directe, en termes de droit, par rapport à la situation actuelle : il n’y a donc pas de spécificité à mettre en œuvre sur les migrations. Le retrait du Royaume-Uni n’emportera pas de conséquence sur ce point.

Comme vous le savez, au mois de janvier dernier, à Sandhurst, lors d’une rencontre à laquelle j’ai eu l’honneur de participer, la France et le Royaume-Uni se sont accordés sur un protocole additionnel aux accords du Touquet, qui prévoit notamment un centre conjoint d’information et de coordination visant à faciliter les échanges d’informations entre les services de police et de renseignement dans la lutte contre les filières d’immigration irrégulières. Par ailleurs a été mis au point un dispositif pour accélérer les transferts vers le Royaume-Uni, en particulier pour les mineurs isolés. Enfin, un accord a été trouvé sur des actions conjointes en direction des pays d’origine et de transit, sur le modèle de ce que nous faisons au Niger.

Ces principes-là seront poursuivis, quelle que soit la décision britannique. Ils sont en effet indépendants du dispositif et de l’accord du mois de juin dernier et des perspectives renforcées du dernier Conseil européen.

Par ailleurs, les modifications des accords du Touquet, qu’il faut mettre en œuvre de manière très concrète, ont été accompagnées d’un versement britannique pour financer la sécurisation des infrastructures de transport, l’hébergement et la prise en charge des personnes vulnérables, ainsi que l’éloignement des migrants en situation irrégulière. La mise en œuvre de ces engagements est réelle : elle progresse à un rythme qui nous paraît satisfaisant, même si l’ensemble de ces dispositifs n’a pas permis de régler l’existence de lieux de campement provisoires et d’attente que vous avez évoqués. Récemment, une intervention policière a eu lieu pour évacuer le camp de Grande-Synthe.

M. le président. La parole est à M. Henri Leroy.

M. Henri Leroy. Monsieur le ministre, depuis la dernière élection présidentielle, le Président de la République et son gouvernement ont pour le moins fait preuve de laxisme en matière d’immigration. Plusieurs raisons, que je ne développerai pas, peuvent motiver ce comportement.

Monsieur le ministre, ma question est précise et appelle une réponse précise.

Lors du Conseil européen du mois de juin dernier, les chefs d’État et de gouvernement ont demandé à la Commission européenne d’étudier la faisabilité de plateformes régionales de débarquement. Celles-ci prendraient la forme de hotspots financés et supervisés par l’Union européenne, et établis dans des pays tiers pour étudier la situation des migrants secourus dans les eaux internationales.

À ce stade, les pays tiers privilégiés par les États membres pour accueillir ces plateformes, tels que la Tunisie, le Maroc et l’Albanie, ont tous catégoriquement refusé une telle coopération dans la gestion du phénomène migratoire.

L’Union européenne va donc devoir engager une négociation compliquée. Il est vrai que vous êtes un spécialiste des négociations compliquées, monsieur le ministre, mais, concrètement, quelles seront les armes dont vous disposerez dans la négociation pour inciter ou contraindre ces pays à coopérer ? Il y a urgence à agir. Les Français attendent de vous des actions concrètes pour endiguer cette immigration incontrôlée et combien préoccupante.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez mentionné deux concepts.

Il y a d’abord le concept de « centres contrôlés ». Ce n’est pas l’objet de votre intervention, mais il faut quand même le rappeler : nous sommes favorables à ce dispositif, car ces centres, contrairement à des propos qui ont été tenus, permettent d’accélérer les procédures relatives aux demandeurs d’asile.

Ce type de dispositif contribue aussi à favoriser l’intégration des migrants susceptibles de bénéficier du droit d’asile, ce qui est quand même le cas d’un certain nombre d’entre eux. Nous sommes donc favorables à l’existence, dans ces centres contrôlés, d’un traitement en amont de l’ensemble des personnes qui pourraient obtenir le droit d’asile, ou d’un traitement humanitaire de celles ou ceux qui se trouvent en situation irrégulière et qui doivent faire l’objet d’un retour.

Ensuite, et je crois l’avoir évoqué dans mon propos liminaire, le concept de « plateformes de débarquement » ne convient pas, d’abord parce qu’il n’est pas suffisamment explicité et, ensuite, parce qu’il fait l’objet – une réunion s’est tenue à Genève sur le sujet – d’un blocage et d’un refus de l’ensemble des acteurs susceptibles de recevoir des personnes secourues, qui considèrent que ces plateformes constituent un transfert de responsabilité.

Il faut penser à une autre solution. C’est pourquoi j’ai évoqué des « arrangements de débarquement », concept qui doit faire l’objet d’une discussion avec chacun des pays concernés, en relation avec le HCR, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, et avec l’OIM, l’Organisation internationale pour les migrations, parce que ce sont ces deux organismes qui ont lancé le concept à l’origine.

Il faut l’adapter en fonction des différents pays et ne pas avoir une posture trop stricte et arrêtée sur le sujet. Nous travaillons à ces dispositions avec chacun des pays concernés et, surtout, avec le HCR et l’OIM qui jouent le rôle de gestionnaires potentiels de ces arrangements de débarquement, et qui ont une relation plus directe avec les autorités étatiques concernées.

M. le président. La parole est à M. Henri Leroy, pour la réplique.

M. Henri Leroy. Monsieur le ministre, si je comprends bien, vous n’irez pas plus loin avec les plateformes régionales de débarquement et vous essayerez de traiter avec chaque pays pour trouver une solution ? (M. le ministre acquiesce.)

Mle président. La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, je souhaiterais vous interroger sur la question des mineurs non accompagnés qui, je vous le rappelle, constitue un chantier prioritaire pour les élus départementaux, qui se sont exprimés par la voix de l’Assemblée des départements de France.

En effet, l’augmentation très importante du nombre de mineurs étrangers isolés – on les appelle depuis des mineurs non accompagnés – arrivant dans nos territoires ne peut que nous interpeller.

En France, le nombre de mineurs non accompagnés est passé de 5 590 en 2015 à près de 15 000 en 2017. En conséquence, les départements métropolitains font aujourd’hui part de l’état de saturation de leurs dispositifs de protection de l’enfance. À l’échelle européenne, plus de 31 000 demandeurs d’asile sollicitant une protection internationale dans les États membres de l’Union européenne étaient considérés comme des mineurs non accompagnés en 2017.

Cette situation pèse lourdement sur nos départements, tant d’un point de vue administratif que du point de vue de la gestion sociale et de la charge financière qu’elle représente.

Je rappelle que les mineurs non accompagnés, une fois reconnus comme mineurs isolés par les autorités, sont placés sous la protection de l’aide sociale à l’enfance et ne sont donc plus considérés comme relevant du droit des étrangers.

Nos départements font actuellement face à l’accroissement du phénomène des « faux mineurs », qui n’épargne pas non plus les autres membres de l’Union européenne.

Certes, la Commission européenne a affirmé que la gestion de l’asile et des migrations faisait partie de ses grandes priorités dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027, mais je regrette que la question des mineurs non accompagnés et, notamment, des « faux mineurs » non accompagnés soit traitée de façon épisodique, pour ne pas dire parfois anecdotique.

Dès lors, monsieur le ministre, alors que nous sommes toujours en attente du plan d’action national visant à améliorer l’accueil et la prise en charge des mineurs non accompagnés et des personnes se présentant comme tels, mes questions sont les suivantes : l’Europe entend-elle apporter une réponse européenne à cette problématique spécifique ? À quand une harmonisation des pratiques européennes en la matière ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je ne vais pas répondre à la partie de votre intervention qui concerne en réalité les relations directes entre un autre ministère que le mien et les collectivités locales.

Cela ne relève en effet pas directement de ma compétence, même si je connais bien le sujet et les préoccupations des présidents de conseil départemental en matière d’accueil des mineurs non accompagnés dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance. Cette question est prise en compte par le Gouvernement, et les ministres concernés sont tout à fait avertis et alertés de l’ampleur du problème.

En réalité, on comptabilise 63 000 demandes d’asile émanant d’enfants isolés en Europe. Ce chiffre est près de cinq fois supérieur à la moyenne annuelle relevée au cours de la période 2008-2013. D’où viennent ces enfants isolés ? Ils sont souvent originaires d’Afghanistan, de Syrie et d’Irak et se trouvent fréquemment dans des situations de détresse.

L’Allemagne a enregistré à elle seule plus de la moitié des demandes d’asile déposées par des mineurs non accompagnés dans les États membres de l’Union européenne, soit 35 000 demandes. L’Italie arrive loin derrière, la France aussi. Cela étant, il s’agit d’une question européenne et nous pensons nécessaire de la poser au niveau européen, y compris dans le cadre financier pluriannuel que vous avez évoqué.

Nous pensons également qu’il est nécessaire d’harmoniser les procédures au niveau européen, s’agissant de l’identification des mineurs, de leur âge, des relations qu’ils ont avec le pays d’accueil, avec l’éventualité d’un regroupement familial pour ceux qui peuvent en bénéficier, ou de l’existence ou non d’un tuteur. Plusieurs pays le souhaitent et je pense que cette harmonisation sera possible dans le cadre de la politique migratoire que j’évoquais.

Conclusion du débat

Mle président. Pour conclure le débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, qui a montré tout son intérêt, je crois que l’on peut retenir quelques lignes de force.

Tout d’abord, les différents intervenants, que je remercie de leur participation à ce débat, se sont fait l’écho des inquiétudes que ressentent nos concitoyens et, d’une manière générale, les populations du continent européen.

Ces inquiétudes sont nombreuses et multiples, que ce soit au niveau des collectivités locales, au niveau des territoires et, d’une façon plus générale, pour l’avenir de notre continent. De telles inquiétudes peuvent évidemment faire l’objet d’une instrumentalisation politique. Comme l’ont rappelé plusieurs de nos collègues, le résultat des élections auxquelles on a assisté, notamment en Italie ou en Suède, et les événements politiques qui se déroulent sous nos yeux en Allemagne montrent bien que la question des migrations et le défi que celles-ci représentent ont maintenant des conséquences sur la vie politique de notre continent, avec tous les dangers que cela peut entraîner.

À partir de là, tout le monde souhaite que cette politique migratoire fasse l’objet d’une régulation. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Cela signifie d’abord qu’il faut réaffirmer le droit d’asile. Il s’agit d’un droit fondamental, d’une tradition très importante, qui a été pratiquée par tous les gouvernements. Peut-être devrions-nous – vous avez avancé un certain nombre d’idées dans ce domaine, monsieur le ministre – faire en sorte de mieux harmoniser ce droit d’asile au sein des pays européens, car tous ne pratiquent pas les mêmes règles.

Nous vous encourageons évidemment à rappeler à leur devoir certains pays européens, qui en prennent à leur aise s’agissant d’un certain nombre de règles, dont celles du droit d’asile. En effet, quand on adhère à l’Union européenne, on en prend les avantages et on en supporte aussi les contraintes.

Au-delà du droit d’asile – là aussi, les interventions l’ont bien montré –, il est ensuite absolument nécessaire de protéger nos frontières, notamment face à l’immigration économique, non pas parce que l’on vise particulièrement cette immigration, mais parce que l’on ne peut pas accueillir, comme cela a été dit bien des fois, toutes les misères du monde.

Sur ce sujet, monsieur le ministre, vous avez évoqué un certain nombre d’instruments : le contrôle aux frontières, les efforts réalisés autour de FRONTEX notamment, et la politique des visas, afin d’instaurer une réciprocité avec les pays concernés.

Toutefois, quelles que soient les mesures de protection que l’on prendra concernant le continent européen, nous avons évidemment le sentiment que l’on ne pourra pas arrêter ces migrations par la seule contrainte.

C’est pourquoi il me semble qu’il y a deux combats à mener, qui relèvent de surcroît de votre autorité, monsieur le ministre.

C’est d’abord le combat pour la paix. Lorsqu’on visite ces camps de réfugiés, comme j’ai eu l’occasion de le faire, comme un certain nombre d’entre vous l’ont fait également, on voit bien que ces pauvres gens n’ont qu’une seule envie, c’est de retourner là où ils habitaient, dans leur maison, dans leurs champs, dans leurs commerces.

Simplement, ils ne peuvent y retourner que si la sécurité est rétablie. Il faut donc que la France prenne toute sa part dans les processus de paix. Je connais les nombreux efforts que vous mettez en œuvre dans ce domaine, mais c’est en tous les cas dans ce sens qu’il faut aller.

C’est ensuite le combat pour l’aide au développement. Nous le disons, nous le redisons : il n’y aura de solution pérenne ou forte que si l’on s’attaque à la pauvreté et au manque d’espérance.

Certains d’entre vous ont cité l’exemple de l’Aquarius. Pour ma part, au Vatican, j’ai entendu le Président de la République rappeler que, à bord de l’Aquarius, il y avait 60 % de personnes originaires d’un grand pays du sud de la Méditerranée, qui nous fait face. Ce pays n’est pas identifié comme étant en guerre. Comme d’autres pays, c’est simplement un pays où il n’y a pas d’espérance. Les jeunes utilisent donc tous les moyens pour fuir, parfois au mépris de leur propre vie. C’est pourquoi il faut absolument conduire une politique volontariste d’aide au développement.

Le Président de la République a annoncé – et nous soutenons cette mesure – la hausse de près de un milliard d’euros des crédits consacrés à l’aide au développement, notamment par une politique de dons. Il faut aider les pays les plus pauvres, c’est vraiment fondamental. Nous pensons véritablement qu’il s’agit de l’une des actions de fond et de l’une des priorités que nous devons poursuivre pour mettre un terme à ces migrations, faute de quoi tous les moyens coercitifs ne permettront certainement pas de maîtriser ce phénomène.

Autant dire, monsieur le ministre, que nos commissions – je salue le travail qui a été fait par le président Jean Bizet et la commission des affaires européennes, ainsi que par la commission que j’ai l’honneur de présider, sur cette problématique concernant les pays européens – continueront à vous accompagner. Ce genre de débat est utile, car il nous sensibilise à ces problématiques et permet de faire connaître au Gouvernement la manière dont nous vivons ces sujets dans nos territoires. Ces phénomènes ont des conséquences dans nos départements et dans nos communes, ce qu’ont bien rappelé les uns et les autres.

Chaque fois qu’il vous faudra prendre des décisions courageuses, dans le cadre de la lutte contre les passeurs par exemple, nous serons là pour vous accompagner et vous inciter à mettre la plus grande ardeur – vous avez cette ardeur, mais nous souhaitons que vous en ayez encore davantage ! – pour faire bouger les lignes. En effet, il y a manifestement des choses qui ne vont pas en Europe.

Espérons que, avec l’action que nous menons tous de façon concertée, la France se trouvera en première ligne pour mener cette belle politique visant à réguler les migrations et à faire en sorte qu’un peu moins de douleur, de souffrance, ne règne dans ces pays et qu’un peu moins de personnes ne soient obligées de quitter leur mère patrie pour en rejoindre une autre, qui n’est pas fatalement celle qui leur accorde la meilleure part de bonheur.

Monsieur le ministre, on vous encouragera, on vous aidera et on vous soutiendra quand il le faudra ! Merci d’avoir accepté ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Hélène Conway-Mouret applaudit également.)

Mle président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème « La crise migratoire : quelle gestion européenne ? ».

6

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 31 octobre 2018, à quatorze heures trente :

Désignation des vingt-neuf membres de la mission commune d’information sur les politiques publiques de prévention, de détection, d’organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles susceptibles d’être commises par des personnes en contact avec des mineurs dans le cadre de l’exercice de leur métier ou de leurs fonctions.

Débat sur le préjudice représenté, pour les entreprises françaises, par la surtransposition du droit européen en droit interne.

Débat sur le financement de l’accompagnement médico-social des personnes handicapées.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD