Séance du 30 novembre 2018 (compte rendu intégral des débats)
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Sommaire
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
Secrétaires :
M. Éric Bocquet, Mme Catherine Deroche.
2. Mise au point au sujet d’un vote
3. Loi de finances pour 2019. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances
M. Jérôme Bascher ; M. le président.
Amendement n° II-293 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Amendement n° II-287 de Mme Frédérique Espagnac. – Adoption.
Amendement n° II-222 de M. Emmanuel Capus. – Retrait.
Amendement n° II-202 rectifié ter de M. Michel Raison. – Retrait.
Amendement n° II-250 de M. Fabien Gay. – Retrait.
Amendement n° II-284 rectifié de M. Yvon Collin. – Retrait.
Amendement n° II-64 rectifié bis de M. Patrick Chaize. – Adoption.
Amendement n° II-253 de M. Jean-Luc Fichet. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-68 rectifié de M. Patrick Chaize. – Adoption.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B, modifiés.
Amendement n° II-41 de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-42 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 76 septies (nouveau) – Adoption.
compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Amendement n° II-249 rectifié bis de Mme Valérie Létard. – Adoption.
Amendement n° II-294 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Vote sur les crédits du compte spécial
Adoption des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D, modifiés.
Amendement n° II-83 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
Remboursements et dégrèvements
Engagements financiers de l’État
Compte d’affectation spéciale : Participation de la France au désendettement de la Grèce
Compte d’affectation spéciale : Participations financières de l’État
Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux
remboursements et dégrèvements
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l’état B.
engagements financiers de l’état
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », figurant à l’état B.
compte d’affectation spéciale : participation de la france au désendettement de la grèce
Vote sur les crédits du compte spécial
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », figurant à l’état D.
compte d’affectation spéciale : participations financières de l’état
Amendement n° II-70 de la commission. – Adoption.
Vote sur les crédits du compte spécial
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », figurant à l’état D, modifiés.
compte de concours financiers : accords monétaires internationaux
Vote sur les crédits du compte spécial
Adoption des crédits du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », figurant à l’état D.
Vote sur les crédits du compte spécial
Adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », figurant à l’état D.
Amendement n° II-231 de M. Emmanuel Capus. – Retrait.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Investissement d’avenir », figurant à l’état B.
Amendement n° II-255 de Mme Annie Guillemot. – Rejet.
Amendement n° II-257 rectifié de Mme Annie Guillemot. – Rejet.
Amendement n° II-272 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° II-44 de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-258 de Mme Annie Guillemot. – Retrait.
Amendement n° II-256 de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Amendement n° II-259 de M. Jean-Michel Houllegatte. – Retrait.
Amendement n° II-291 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° II-48 de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-220 de M. Emmanuel Capus. – Retrait.
Amendement n° II-261 de M. Jean-Michel Houllegatte. – Retrait.
Amendement n° II-262 de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Amendement n° II-263 de Mme Catherine Conconne. – Adoption.
Amendement n° II-264 de Mme Catherine Conconne. – Retrait.
Amendement n° II-158 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.
Vote sur les crédits de la mission
Rejet des crédits de la mission « Cohésions des territoires », figurant à l’état B, modifiés.
M. Jean-François Husson, vice-président de la commission des finances
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
Article additionnel avant l’article 74
Amendement n° II-190 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Non soutenu.
M. Julien Denormandie, ministre
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 74
Amendement n° II-247 rectifié bis de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-286 rectifié bis de Mme Françoise Gatel. – Retrait.
Amendements identiques nos II-230 rectifié de M. Michel Canevet et II-392 rectifié bis de Mme Maryvonne Blondin. – Non soutenus.
Amendement n° II-290 rectifié de Mme Valérie Létard. – Retrait.
Amendement n° II-46 de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-45 de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-265 de M. Jean-Claude Tissot. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 74 bis
Amendement n° II-174 rectifié bis de M. Alain Joyandet. – Retrait.
Articles 74 ter et 74 quater (nouveaux) – Adoption.
Article 74 quinquies (nouveau)
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° II-47 de la commission. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Article additionnel après l’article 74 sexies
Amendement n° II-260 de M. Xavier Iacovelli. – Retrait.
M. Julien Denormandie, ministre
Administration générale et territoriale de l’État
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur
Amendement n° II-444 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° II-289 rectifié bis de M. Éric Kerrouche. – Adoption.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B, modifiés.
Amendement n° II-73 de la commission. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
Mme Catherine Deroche.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, lors du scrutin n° 30 tenu hier soir sur la première partie du projet de loi de finances pour 2019, M. Richard Yung a été considéré comme ne prenant pas part au vote, alors qu’il souhaitait évidemment s’abstenir, comme tous les membres du groupe La République En Marche.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Loi de finances pour 2019
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 146, rapport général n° 147, avis nos 148 à 153).
Nous en sommes parvenus aux dispositions de la seconde partie du projet de loi de finances.
SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
M. le président. Nous allons maintenant entamer l’examen des différentes missions.
Économie
Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Économie » (et articles 76 sexies et 76 septies) et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » (et article 85).
La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les dispositifs de soutien aux entreprises inclus dans la mission « Économie » sont tellement hétérogènes que les gouvernements successifs semblaient s’être résolus, année après année, à une simple logique de rabot. Il faut reconnaître, madame la secrétaire d’État, que le vôtre n’a pas fait le choix du rabot : il a fait le choix du super-rabot…
Il suffit de considérer quelques chiffres : hors plan France Très haut débit, sur lequel je reviendrai, les crédits de la mission s’établissent à 1,8 milliard d’euros, en baisse, inédite, de 5,8 %, soit 100 millions d’euros. Cette baisse est très concentrée sur les dispositifs d’intervention en faveur des entreprises du programme 134, dont le montant global recule de 18 %, soit 632 millions d’euros, en un an.
Au demeurant, madame la secrétaire d’État, « super-rabot » n’est pas forcément une critique, car il est nécessaire de mettre de l’ordre parmi les multiples aides directes ou indirectes, prêts, garanties, actions collectives de formation, de promotion ou encore de mutualisation – sans même parler des crédits d’impôt et autres dépenses fiscales. En effet, leur accumulation progressive, leur sédimentation et leur gestion en silos avaient fini par les rendre illisibles et impropres à incarner les priorités politiques d’un gouvernement, quel qu’il soit.
Une partie de la baisse des crédits s’explique aussi par la suppression de la dotation de 40 millions d’euros à Bpifrance Garantie. Non que l’État se désengage, mais Bpifrance dispose, au moins pour l’instant, de la trésorerie nécessaire pour assurer cette mission. Je me félicite toutefois qu’une ligne de crédits, certes symbolique – 10 000 euros –, ait été rétablie par l’Assemblée nationale, sur l’initiative d’Olivia Grégoire, pour préserver le lien entre le Parlement et Bpifrance.
Mais tout de même, madame la secrétaire d’État : depuis 2014, le montant global des dispositifs d’aide aux entreprises est passé de 235 à 65 milliards d’euros, soit une réduction, considérable, de 73 % !
L’exemple le plus significatif est sans aucun doute celui du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, qui sera placé en gestion extinctive à partir de l’année prochaine, après avoir vu sa dotation fondre de 80 % entre 2010 et 2018. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.
Ce que nous percevons entre les lignes, c’est un désengagement progressif et délibéré de l’État, comme une manière de dire aux collectivités territoriales, et d’abord aux communes et aux régions : c’est maintenant votre travail !
Or les choses ne sont pas aussi simples. Dans un contexte budgétaire contraint pour les collectivités territoriales, le maintien de dispositifs ponctuels, au demeurant très modestes, constitue une forme de soutien complémentaire : pour ainsi dire, un « plan B », lorsqu’il n’existe pas de « plan A » au niveau local. Ce n’est pas grand-chose pour l’État, mais c’est beaucoup pour les territoires.
J’ajoute que, du simple fait de la recomposition de la carte intercommunale, de nombreuses communes rurales sortent des classements en zone de revitalisation rurale, ou ZRR, à la suite de quoi leurs entreprises perdent le bénéfice des exonérations correspondantes.
Ce qui vaut pour les dispositifs vaut aussi pour les acteurs. Pour eux aussi, l’effort budgétaire est inédit : 264 postes seront supprimés l’année prochaine dans le cadre du recentrage, sur certaines actions prioritaires, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de la direction générale des entreprises et de la direction générale du Trésor. En pratique, ce recentrage est surtout un resserrement des réseaux dans les territoires, avec notamment une suppression d’effectifs importante dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE.
La même remarque vaut pour les chambres de commerce et d’industrie. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le signaler lors de l’examen de la première partie, alors que la revue de leurs missions se poursuit et que les mesures d’accompagnement du projet de loi PACTE ne sont pas encore votées, les CCI font face à une nouvelle baisse de leur taxe affectée : 100 millions d’euros en moins l’année prochaine, 400 millions d’euros sur le quinquennat. C’est pourtant l’inverse qui avait été annoncé l’an dernier. Résultat : elles doivent se préparer à supprimer 2 000 postes.
Madame la secrétaire d’État, il ne faudrait pas que la mission « Économie » devienne la mission « Économies », au risque d’abandonner sa vocation première !
Je terminerai par quelques mots sur le plan France Très haut débit. Le programme 343 représente la participation de l’État, soit 3,3 milliards d’euros, à cette opération destinée à assurer la couverture de 100 % du territoire en très haut débit d’ici à 2022.
Madame la secrétaire d’État, toutes les autorisations d’engagement ont aujourd’hui été consommées, et seuls des crédits de paiement seront débloqués en 2019. Or il est aujourd’hui clair que les sommes prévues ne suffiront pas.
Elles ne suffiront pas, d’abord, à résoudre les problèmes que nous constatons tous dans nos territoires. Seuls 10 % des locaux situés dans la zone d’initiative publique sont, à ce jour, éligibles à la fibre optique, contre 56 % des locaux de la zone d’initiative privée, plus dense, donc plus rentable.
La possibilité de demander des engagements contraignants aux opérateurs, les fameux appels à manifestation d’engagements locaux, ou AMEL, ne résoudra pas tous les problèmes. L’ouverture d’un guichet de cohésion numérique pour financer des technologies alternatives – 4G fixe et satellite – dans les zones reculées va dans le bon sens, mais ce guichet ne représente que 100 millions d’euros, sous forme de subventions individuelles de 150 euros par équipement, sans engagement des opérateurs à maintenir un tarif attractif au-delà d’un certain délai.
Surtout, si les crédits actuels permettent de financer la couverture du territoire à 100 % en très haut débit, ce qui compte, à terme, c’est bien l’objectif d’une couverture à 100 % en fibre optique. Il faut dès aujourd’hui se poser la question de l’après-2022. Je ne parle pas seulement du déploiement des réseaux, mais aussi de leur maintenance à long terme.
Demain, plusieurs réseaux coexisteront en France, ce qui constituera une rupture avec l’époque du monopole d’Orange sur le réseau cuivre. C’est un défi majeur.
M. le président. Il vous faut conclure, ma chère collègue.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Le ministre chargé de la ville et du logement, Julien Denormandie, a confirmé que l’État continuerait à accompagner les collectivités territoriales via les crédits du Grand Plan d’investissement. On évoque un montant total de 700 millions d’euros, dont 200 millions dès 2020. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer ces chiffres ?
En matière de très haut débit, il n’y a rien de plus urgent que le long terme. Nous espérons que l’État saura relever ce défi ! (Mme Annie Guillemot applaudit.)
M. Patrick Chaize. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil national de l’industrie, réuni par le Premier ministre le 22 novembre dernier, s’est ouvert sur une excellente nouvelle : pour la première fois depuis dix ans, les entreprises recréent des emplois industriels en France, notamment dans les 124 territoires d’industrie identifiés par le Gouvernement.
Répartis dans tout le pays – chose assez extraordinaire – et souvent éloignés des métropoles, ces territoires rassemblent nombre de TPE, PME et PMI. Le potentiel industriel des territoires français est immense : c’est une vérité que nous devons tous partager !
Pourtant, madame la secrétaire d’État, la situation de notre commerce extérieur reste alarmante : l’année dernière, le déficit commercial de la France était de 61,7 milliards d’euros, et il continue malheureusement à se creuser. Si l’on se fie au Canard enchaîné, il semblerait même que l’administration ait quelques petits problèmes sur les méthodes statistiques : le déficit serait en réalité plus important encore. Mais tenons-nous-en à la statistique officielle.
Pourquoi en sommes-nous là ? Avant tout parce que nos TPE et nos PME, ne disposant pas des mêmes moyens que les grands groupes, sont trop peu nombreuses à se lancer à l’international : 125 000 entreprises exportatrices en France, contre 360 000 en Allemagne et 200 000 en Italie.
Mais, heureusement, les choses changent. Comme vous le savez, depuis 2015, Business France rassemble au sein d’une même agence les missions d’accompagnement à l’export et de promotion des investissements étrangers en France.
Principal opérateur rattaché à la mission « Économie », Business France n’a pas à rougir de son bilan : ses objectifs pour la période 2015-2017 ont tous été atteints, et avec des crédits budgétaires en baisse. Preuve que, lorsqu’on additionne talents, compétences et volonté, on peut obtenir des résultats avec un argent public restreint.
Reste que l’efficacité de cette politique publique était jusqu’à présent entravée par l’éclatement des acteurs et la superposition des compétences.
Le cœur du problème réside paradoxalement en France, dans ces territoires d’industrie dont j’ai parlé il y a quelques instants. Jusqu’ici, Business France n’avait pas de présence opérationnelle sur le territoire, mais seulement à l’international. Or, avec une volonté affirmée de se réinsérer dans nos territoires, Business France a la possibilité, avec ses 100 conseillers qui s’ajouteront aux 400 conseillers des chambres de commerce et d’industrie, de couvrir, hélas très partiellement, le territoire français.
Dans ce contexte, madame la secrétaire d’État, le Gouvernement a lancé en février dernier une vaste réforme du dispositif d’accompagnement des entreprises à l’international. Cette réforme consiste à faire travailler ensemble Business France, les chambres de commerce et d’industrie et les régions au sein de la « Team France Export », dont la porte d’entrée serait une « plateforme des solutions ».
Contrairement à la première tentative, en 2015, les choses ont l’air de très bien se passer. Tout en apportant notre soutien enthousiaste à cette réforme, nous pensons, madame la secrétaire d’État, qu’il faut aller encore plus loin. C’est le sens de la proposition que nous avons soumise à la commission des finances, qui l’a retenue : créer un dispositif permettant aux entreprises de bénéficier, pour une durée déterminée et, le cas échéant, en temps partagé, des compétences d’un étudiant ou d’un jeune diplômé qui se consacrerait spécifiquement à leur développement international.
Tout en devenant familier des métiers et du savoir-faire de l’entreprise, cet étudiant ou ce jeune diplômé resterait tout entier mobilisé pour sa mission de projection à l’international. Il assurerait le lien avec la « Team France Export » via la plateforme des solutions.
Ce dispositif pourrait être calqué sur celui du volontariat international en entreprise, le VIE, qui connaît un grand succès. Une autre solution serait de le faire entrer dans un cursus de type apprentissage. L’une n’empêche pas l’autre.
Bien entendu, ce dispositif demandera quelques financements publics, mais il serait possible de le mettre en œuvre à coût constant, ou presque. C’est avant tout une question de priorités.
Quant au VIE en France, il pourrait être éligible aux aides actuelles versées par les régions. Il entre déjà dans les critères des prêts de Bpifrance Assurance Export.
Madame la secrétaire d’État, nous n’en sommes qu’au début de cette réflexion, mais il nous semble que l’enjeu mérite toute votre, toute notre attention !
M. le président. Mes chers collègues, j’invite les orateurs à respecter leur temps de parole. Nous avons un agenda très chargé pour l’examen des différentes missions, et même quelques secondes comptent…
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a observé avec inquiétude la forte baisse des crédits d’interventions en faveur des entreprises du programme 134 de la mission « Économie », d’autant qu’il est concomitant du désengagement forcé d’autres acteurs de l’accompagnement des entreprises, les chambres de commerce et d’industrie.
Dans ce cadre, elle a porté son attention sur trois sujets particuliers.
Le premier est la disparition annoncée du FISAC. Alors que le Gouvernement clame sa volonté de redynamiser les centres-villes, il fait disparaître ce fonds destiné au maintien des commerces de proximité, notamment en milieu rural.
Or l’enjeu de revitalisation commerciale ne concerne pas seulement les 222 lauréats du plan « Action cœur de ville ». Il est donc impensable de supprimer totalement le FISAC, même si on l’étouffe à petit feu depuis cinq ans. C’est pourquoi la commission a adopté un amendement tendant à maintenir les capacités d’intervention de ce fonds l’année prochaine.
La commission s’est également penchée sur l’évolution des DIRECCTE envisagée par le Gouvernement.
Une évolution du rôle économique de ces directions est effectivement devenue nécessaire, du fait de la montée en puissance de la compétence économique des régions et du rôle joué par les opérateurs spécialisés de l’État, Bpifrance et Business France. Toutefois, il importe que cette évolution n’aboutisse pas à l’abandon pur et simple par l’État de toute action micro-économique.
Il faut au contraire un recentrage fondé sur les principes de subsidiarité et de garantie des équilibres économiques nationaux, car l’État est le seul à même d’avoir une vision du développement économique qui dépasse l’échelle régionale. L’État déconcentré doit jouer le rôle de coordinateur des acteurs publics et parapublics dans la mise en œuvre d’une stratégie d’équilibre économique des territoires, en favorisant les synergies entre acteurs.
Il faut également conserver des capacités d’intervention ponctuelle ciblée, complémentaires de celles des autres acteurs.
Le troisième sujet sur lequel nous entendons insister est l’organisation des acteurs du monde consumériste.
Alors que le projet de loi de finances poursuit la réduction des crédits d’intervention en faveur des acteurs du monde de la consommation, la modicité et la réduction constante des moyens financiers mis en œuvre par l’État en faveur de la protection du consommateur doivent incontestablement conduire à une réflexion d’ensemble sur l’architecture du système de protection des consommateurs.
Or, plutôt que de s’engager dans cette voie, le Gouvernement mène malheureusement une politique de rabot continue, qui paralyse progressivement l’action des acteurs sans les engager dans un modèle d’organisation alternatif.
La commission a donc décidé de se saisir de cette question et de réfléchir au positionnement des différents acteurs pour proposer des pistes d’évolution. Dans l’attente de ses conclusions, elle vous proposera de ne pas obérer les capacités d’action des acteurs en 2019, en adoptant son amendement tendant à maintenir les crédits d’intervention en faveur du monde de la consommation à leur niveau actuel de 8,5 millions d’euros.
Sous réserve de l’adoption de ses deux amendements, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie ».
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ma contribution portera sur le volet numérique et postal.
En ce qui concerne la mission de transport de presse par La Poste, il conviendrait, à l’avenir, d’associer davantage les représentants du secteur de la presse à la définition des trajectoires de compensation de La Poste et des tarifs postaux.
Il faudrait également que cette compensation soit inscrite au sein non plus de la mission « Économie », mais de la mission « Médias, livre et industries culturelles », pour une meilleure lisibilité des aides à la presse.
L’Agence nationale des fréquences, l’ANFR, et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, sont correctement dotées, mais il faudra veiller à l’adéquation entre la nouvelle dotation de l’ANFR, destinée à financer le dispositif de mesure des ondes, et les besoins croissants de mesure qui se dessinent, notamment avec l’arrivée de la 5G.
Sur cette question des ondes, il me semble également qu’un travail renforcé de pédagogie auprès du grand public s’impose, afin que chacun soit en mesure d’apprécier correctement les risques et connaisse mieux les bonnes pratiques.
S’agissant du plan France Très haut débit, il est nécessaire d’amplifier l’accélération en cours dans les zones moins denses pour atteindre le rythme de 4 millions de prises par an. Le Gouvernement devra également définir d’ores et déjà les nouvelles orientations de l’après-2022, afin d’offrir une meilleure lisibilité aux acteurs et investisseurs.
Pour ce qui est du guichet de cohésion numérique, il conviendra de s’assurer de la bonne articulation entre les aides octroyées par ce guichet et celles versées par les collectivités territoriales afin de développer les technologies alternatives à la fibre, notamment l’Internet par satellite.
À propos du mobile, je salue l’exonération d’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau, ou IFER, pour les nouveaux déploiements opérés dans le cadre du dispositif de couverture ciblée, même si celle-ci est rédigée a minima. Une réflexion sur la fiscalité applicable aux opérateurs de communications électroniques s’impose aujourd’hui, s’agissant notamment de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, la TOCE, qui a perdu sa raison d’être : le financement de France Télévisions.
Enfin, le Gouvernement n’a pas jugé nécessaire de dresser un bilan de l’action de l’Agence du numérique avant de décider sa suppression et le transfert de son personnel à l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT. Seul le pôle French Tech restera à Bercy.
Globalement, l’Agence du numérique a su mener à bien des missions diverses et particulièrement évolutives. Le pôle chargé de l’inclusion numérique ne dispose toutefois pas des moyens de ses ambitions, même en prenant en compte les dernières mesures rendues publiques en septembre dernier. Il s’agit pourtant d’un enjeu majeur, qui concerne 14 millions de nos concitoyens, soit 28 % de la population.
L’Agence nationale de la cohésion des territoires devra mener à bien la mise en œuvre du plan France Très haut débit et du plan pour l’inclusion numérique. La plus-value à attendre de cette absorption reste encore à démontrer, car l’ANCT devra être aussi agile et souple que le fut l’Agence du numérique. L’enjeu est d’éviter les pertes d’expérience et la démobilisation des agents lors de l’intégration, tout en accélérant le plan France Très haut débit.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’industrie est de nouveau la grande absente des choix budgétaires du Gouvernement : alors que nos entreprises industrielles restent fragilisées et que la balance commerciale française est largement déficitaire, les moyens de la mission « Économie » se détournent peu à peu de l’industrie.
Mes chers collègues, le symbole est fort : la ligne Action en faveur des entreprises industrielles est tout simplement supprimée ! Ses crédits sont absorbés par une nouvelle action, Industrie et services, dont le champ très large complique grandement le travail de contrôle budgétaire du Parlement.
Certes, les crédits de paiement de la mission sont en légère hausse, mais les autorisations d’engagement chutent de 17 %. Dès lors, comment l’État entend-il s’engager dans une politique industrielle de long terme aux côtés de nos entreprises ? Moins d’un euro sur trois de la mission « Économie » est désormais alloué à des dépenses d’intervention…
Pour justifier l’extinction des crédits consacrés aux actions pilotées en centrale au profit des filières et des PME, l’État nous dit que les régions sont là pour cela, qu’elles deviennent un acteur de plus en plus important du développement économique. Tout de même, nous ne devons pas mettre un terme brutal au soutien de l’État !
La commission des affaires économiques a donc déposé un amendement tendant à maintenir le niveau actuel de dotation globale pour les actions de soutien à la compétitivité des entreprises : 3,2 millions d’euros de dotation seront ainsi préservés.
Alors que les taxes pèsent toujours plus sur les entreprises industrielles, avec la double peine de la fiscalité énergétique et de la fiscalité de production, le Gouvernement entend, de surcroît, étrangler le financement des centres techniques industriels, les CTI. La commission des affaires économiques propose de maintenir leur dotation à son niveau actuel.
En effet, ces centres jouent un rôle fondamental dans la diffusion du progrès technique et l’accompagnement des PME industrielles. Le Sénat a décidé hier, dans le cadre de l’examen de la première partie, de maintenir les plafonds actuels des taxes affectées. Je remercie toutes les sénatrices et tous les sénateurs qui ont voté cet amendement. Il faut maintenant nous opposer fermement à la réduction des dotations des CTI !
Sous réserve de l’adoption de ces deux importants amendements, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Économie ».
Madame la secrétaire d’État, le budget n’est pas à la hauteur des enjeux industriels du moment. Il n’y a même pas de ministre de l’industrie dans ce gouvernement : tout un symbole…
M. Julien Bargeton. Ce n’est pas le problème !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Mais, si le Gouvernement a jeté la politique industrielle aux oubliettes, le Sénat, lui, la défendra avec conviction ! (M. Julien Bargeton s’exclame.)
L’industrie mérite un ministre de plein exercice !
M. Julien Bargeton. Voulez-vous un gouvernement de cinquante ministres ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des lois a examiné les crédits du programme « Développement des entreprises et régulations » au titre de ses compétences propres en matière de droit des entreprises et de droit de la consommation.
Le projet de loi de finances pour 2019 prévoyait initialement une diminution très forte des crédits de ce programme : 7,8 % de crédits de paiement en moins, pour un périmètre quasiment inchangé par rapport à celui de 2018. Même ramenée par l’Assemblée nationale à 6,35 %, la réduction reste importante.
Elle est justifiée, nous explique-t-on, par la nécessité de réduire les déficits publics et de réorganiser les services de l’État, pour qu’ils interviennent plus efficacement et à moindre coût. La commission des lois souscrit globalement à cette tendance.
J’évoquerai rapidement les trois principales administrations auxquelles incombe la mise en œuvre de ce programme budgétaire.
La première est l’Autorité de la concurrence, qui serait la seule à voir sa situation préservée. Ses crédits de paiement seraient même en hausse de 4,55 %, retrouvant en 2019 leur niveau de 2017.
En application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, l’Autorité de la concurrence a rendu deux avis en matière de liberté d’installation des notaires. Dans le second avis, rendu le 31 juillet dernier, elle a proposé la nomination de 700 nouveaux notaires d’ici à 2020. Dans la mesure où 1 620 notaires viennent d’être nommés, au terme d’un lourd processus de tirage au sort, la question se pose de l’urgence, voire de l’utilité, pour le Gouvernement, de prendre un nouvel arrêté pour mettre en œuvre cette dernière proposition.
La deuxième administration concernée est la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. La DGCCRF connaîtra l’année prochaine une baisse de 2,22 % de ses crédits de paiement et la suppression de quarante-cinq emplois. Pour que cette administration assure pleinement sa mission de contrôle et de protection des consommateurs, il importe de recentrer ses activités et de réorganiser ses services déconcentrés. Madame la secrétaire d’État, ce chantier reste, à ce jour, largement ouvert. Je vous invite à être ambitieuse en la matière.
La troisième administration compétente est la direction générale des entreprises. Elle aussi connaîtra une nouvelle diminution de ses effectifs en 2019, dans des proportions bien plus fortes que les années précédentes : son plafond d’emplois sera diminué, passant de 1 514 à 1 418, la réduction portant essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, sur les services déconcentrés.
Une telle évolution tire les conséquences du manque de moyens de l’État et de la montée en puissance des régions dans le domaine du développement économique local. Nous souscrivons à une telle démarche : il faut rationaliser le travail des acteurs chargés du soutien aux entreprises et du développement de celles-ci. Madame la secrétaire d’État, ne peut-on aller plus loin dans la restructuration des services déconcentrés, pour améliorer davantage encore la cohérence des politiques d’accompagnement des entreprises dans les territoires, sous l’égide des régions ?
Sur le terrain, sous l’effet des contraintes budgétaires, l’articulation entre les différents acteurs s’améliore, notamment entre les régions et les chambres de commerce et d’industrie dans le cadre de la mise en œuvre des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, les SRDEII.
Compte tenu de l’ensemble de ces observations et de ces évolutions pour nous plutôt positives, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Développement des entreprises et régulations ».
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je pourrais vous faire cinq minutes sur le désengagement de l’État sur cette mission, qui a vocation à soutenir les PME et l’industrie. Mais je préfère laisser la parole aux centaines de personnes qui m’écrivent sur les réseaux sociaux. Comme Laurie, elles rêvent, madame la secrétaire d’État, de pouvoir vous raconter leur vie en direct.
Je ne veux pas être leur porte-parole, je n’ai pas cette prétention. Je serai simplement leur voix ici, en lisant leur message.
Et ils ont beaucoup à vous dire de leur souffrance, de leur colère, de leurs espoirs, qu’ils portent des gilets jaunes ou pas, qu’ils luttent ou qu’ils ne le puissent pas, en raison de leurs petits salaires ou de leur isolement.
Par exemple, Amadou a un avis sur la mission que nous examinons aujourd’hui : « Ils ont donné 5 milliards aux riches en supprimant l’ISF, ils ont dilapidé 100 milliards d’euros de CICE, ils ont même accordé des exonérations fiscales aux traders londoniens, et ils laissent 80 milliards d’euros échapper au fisc ! Et ils disent qu’ils soutiennent les PME, les artisans et les petits ? »
JM, lui, veut nous parler de la valeur travail : « Je suis un papa seul avec mon fils de treize ans, je suis boucher de métier et je bosse 45 heures par semaine pour 1 998 euros par mois. Vous voyez, ce mois-ci, on est le 15 et je suis déjà à découvert. On va finir le mois en mangeant des produits du magasin où je bosse et dont la date de consommation est dépassée. Alors, je ne me plains pas, mais, voilà, c’est une réalité, le travail ne paie plus. »
Claire ajoute, sur le commerce et l’artisanat : « Trouvez-vous normal que moi, qui ai un petit magasin de vêtements, je sois moins aidée proportionnellement que l’hypermarché à 30 kilomètres ? Je travaille 50 heures par semaine, j’élève seule mon enfant et je ne m’en sors pas. Il ne reste plus que deux magasins dans ma petite ville des Landes. Si je ferme, c’est du lien social qui se perdra et une ville qui se mourra. » Madame la secrétaire d’État, il faudra expliquer à Claire pourquoi le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, diminue cette année encore.
Pour parler d’industrie et d’emploi, je cède volontiers la parole à Fabrice : « Je suis chez PagesJaunes Solocal depuis dix-neuf ans. Depuis quelques années, je vois les profits de l’entreprise s’envoler, et les dirigeants se servir l’un après l’autre sur l’exécution sociale des salariés. Jour après jour depuis l’année passée, je vois les salariés partir en arrêt maladie, faire des tentatives de suicide, mourir à petit feu, comme mon entreprise, ce fleuron du digital français. Et je la vois abandonnée par l’État. Je la vois sombrer lentement vers les mains rapaces d’entreprises étrangères qui s’apprêtent à tuer le savoir-faire et les vies françaises qui y sont liées. Et je vois mon pays qui ne fait rien, qui nous laisse mourir, au nom du sacro-saint profit de quelques dirigeants ! Je vois la mort et l’État n’est pas là. C’est ça, la start-up nation ? Pour servir seulement quelques dirigeants ? Le profit individuel au détriment de l’économie d’un pays est comme la pollution environnementale : c’est une intoxication. »
Boris veut vous parler lui aussi de son entreprise, Alstom : « Je bosse comme ingénieur chez Alstom depuis décembre 2005. Nous concevons et fabriquons les trains et les équipements ferroviaires pour la mobilité efficace, sûre et peu polluante, tant pour les personnes que les marchandises. Et ce gouvernement laisse nos patrons donner l’entreprise au groupe Siemens, avec uniquement l’objectif de sortir du pognon ! Cette opération entraînera la braderie de nombreux sites, puis, comme ils disent, des “rationalisations”, avec suppressions de capacités et d’effectifs. Quand l’État français fera-t-il arrêter cette opération et développera-t-il une vraie stratégie industrielle pérenne pour la filière ferroviaire ? »
Enfin, pour conclure, je souhaite vous lire un mot de Sandra, qui nous interpelle toutes et tous : « Sachez que, du haut de mes vingt-quatre ans, j’ai peur pour mon avenir… Que vais-je devenir ? Mes futurs enfants vont-ils encore pouvoir vivre ? Je me permets de vous écrire aujourd’hui, après ma longue journée de travail, pour vous poser une question toute simple : que puis-je faire à ma petite échelle pour essayer de changer tout ce qui se passe en ce moment ? »
Eh bien, Sarah, indignez-vous ! Engagez-vous ! Nous avons besoin de toutes et tous pour bousculer l’ordre établi, faire en sorte que cette économie soit au service de l’humain et de notre planète, et non l’inverse.
Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, avec Laurie, Thomas, Amadou et tous les autres et avec l’ensemble des membres de mon groupe, nous voterons contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, sans chercher à paraphraser les propos des rapporteurs, je reviendrai sur les principaux points de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », qui lui est associé.
Les crédits de la mission « Économie » s’élèveront, en 2019, à 1,7 milliard d’euros en autorisations d’engagement et à 1,9 milliard d’euros en crédits de paiement. Cette mission reste donc un des « petits » postes budgétaires de l’État, en comparaison avec les budgets, par exemple, de l’éducation ou de la défense, et son périmètre change peu par rapport à 2018.
Avec le léger ralentissement de la croissance économique constaté cette année et de fortes incertitudes pesant en particulier sur le commerce international l’an prochain, on voit le bien-fondé d’une telle politique publique et, en même temps, l’ampleur des défis auxquels elle doit répondre.
La réduction des crédits l’an prochain correspond notamment à une rationalisation des dépenses d’intervention, soit environ 18 % des crédits de la mission, avec la diminution des aides aux PME du commerce et de l’artisanat. Pour ma part, je soutiens l’idée des rapporteurs spéciaux selon laquelle le transfert de compétences aux collectivités, en particulier aux régions, qui est tout à fait légitime, doit s’accompagner du maintien d’outils d’intervention spécifiques, lesquels constituent un filet de sécurité pour les acteurs économiques dans les territoires.
Concernant le FISAC, mon groupe s’associe à la proposition des rapporteurs spéciaux de rétablir ses crédits à 30 millions d’euros. Nous allons même un peu plus loin dans la volonté de refinancement, en proposant d’augmenter ces crédits à 36 millions d’euros, en cohérence, en particulier, avec notre proposition de loi, adoptée par le Sénat le 21 novembre dernier, visant à lutter contre la désertification bancaire dans les territoires ruraux.
Je ne souhaite toutefois pas céder à un certain misérabilisme et j’en profite pour saluer des programmes tels qu’« Action cœur de ville », qui me paraît une excellente initiative gouvernementale pour revitaliser les centres-villes et centres-bourgs.
En matière de politique commerciale, nos entreprises ont toujours un besoin criant de soutien à l’export. Nous devons beaucoup plus nous inspirer de l’exemple de nos voisins allemand et italien, qui comptent de nombreuses entreprises exportatrices, avec une balance commerciale nettement plus positive que la nôtre. La mise en place de « Team France Export », visant à mieux coordonner les actions de Business France, des chambres consulaires et des régions, est un pas dans la bonne direction. Encore faudra-t-il renforcer notre tissu industriel, structurellement relativement affaibli par rapport à celui de pays comme l’Allemagne et même l’Italie, dont la production industrielle est supérieure à la nôtre.
Le devenir des chambres de commerce et d’industrie, ou CCI, a déjà été évoqué hier, à la fin de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. À propos de la réforme en cours, il aurait été souhaitable d’accorder un délai de restriction budgétaire plus long, afin que les CCI puissent mieux préparer leur mutation.
J’en viens maintenant au très haut débit. La couverture du territoire en très haut débit, dans le cadre du programme 343, reste un point d’attention. En la matière, nous faisons face à un véritable enjeu d’aménagement du territoire, qui doit être plus étroitement associé à d’autres dimensions, comme la politique des transports, qui sera abordée prochainement, au travers du projet de loi d’orientation des mobilités, ou encore la politique du logement.
Avec la première superficie d’Europe de l’Ouest, la France est un grand pays – pas seulement par la surface, d’ailleurs –, avec une population fortement concentrée en Île-de-France et dans les autres grands centres urbains, raison pour laquelle les questions d’aménagement, notamment d’aménagement du territoire, y sont plus aiguës qu’ailleurs.
Enfin, en ce qui concerne la reprise d’entreprises, il paraît important de donner au Fonds de développement économique et social, le FDES, des marges de manœuvre plus importantes, sans nécessairement recourir à la loi de finances. En effet, la rapidité des décisions est déterminante dans ce domaine. Les avances attribuées par l’État à des entreprises comme Presstalis ou Ascoval, même si elles ne représentent qu’une part limitée du financement de la reprise, peuvent constituer le « coup de pouce » nécessaire au succès de l’opération. C’est pourquoi le FDES doit avoir les moyens de se montrer le plus réactif possible. À cet égard, je ne suis pas favorable à ce que l’on réduise sa marge de manœuvre, en la faisant passer de 10 millions à 5 millions d’euros, sans intervention législative.
En conclusion, le groupe du RDSE apporte son soutien à l’adoption des crédits de la mission, en espérant que ses amendements seront adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Économie » rassemble les programmes et les administrations qui ont pour objet d’encourager l’emploi, la compétitivité, les exportations, la concurrence et la protection des consommateurs. Elle est composée de quatre programmes, dont le récent programme « Plan France Très haut débit », qui devrait financer la couverture intégrale du territoire en internet fixe à très haut débit d’ici à 2022.
Cette mission est stratégique à plus d’un titre.
D’abord, elle doit être accompagnée d’une vraie réflexion sur le rôle de l’État dans l’économie. Un État stratège, dans une économie mondialisée, doit savoir associer volontarisme politique et libération des énergies. Il doit accompagner les mutations du monde du travail, sans laisser un seul travailleur au bord du chemin.
Nous ne pouvons pas nous résigner à la chute vertigineuse de l’emploi industriel que nous connaissons depuis quelques années. À cet égard, cette mission devrait être une mission de reconquête : je crois profondément que, sans tissu industriel robuste, il n’est pas de puissance commerciale. Par exemple, les excédents titanesques de l’Allemagne sont le fruit de politiques de long terme pour renforcer le Mittelstand, le puissant réseau de petites et moyennes entreprises – les PME – et d’entreprises de taille intermédiaire – les ETI – allemandes.
Si la France est encore le sixième exportateur mondial de biens et de services, pour un moment équivalent à près de 30 % de son produit intérieur brut, les chiffres du commerce extérieur ne sont pas à la hauteur des attentes depuis quelques années. Le solde des échanges de biens a baissé de près de 30 % en quatre ans. Le déficit commercial de la France s’est creusé continûment depuis le début de l’année et atteint 48 milliards d’euros sur neuf mois. Comme l’année dernière, le chiffre est abyssal et extrêmement inquiétant.
Dans ce contexte, nous ne pouvons que regretter que les ajustements budgétaires relatifs à la mission « Économie » portent, une fois encore, sur le soutien aux PME. Entre 2015 et 2017, les aides concernées affichent, après retraitement, une baisse de près de 20 %. Cette évolution est surprenante dans le contexte dégradé que je vous ai décrit.
Je rappelle que la France ne compte que 125 000 entreprises exportatrices, la plupart étant de grands groupes et des ETI. En Allemagne, ce chiffre atteint 350 000, avec une majorité de PME. Nous devons prendre en compte ce retard criant, dont le comblement devrait être une priorité. Ce sont les grosses PME et les ETI qui peuvent nous faire gagner des parts de marché à l’international. Je vous proposerai donc d’adopter un amendement visant à soutenir l’activité d’accompagnement de nos PME par Bpifrance, qui est cruciale pour l’avenir.
J’en viens à la question de l’État actionnaire. Nous devrions là aussi avoir un vrai débat, sur le rôle et les missions qu’il doit avoir aujourd’hui.
Nous rejoignons le Gouvernement quant à sa volonté de mettre le patrimoine de l’État au service de la reconquête industrielle et de l’innovation, mais nous serons vigilants sur le suivi des cessions d’Aéroports de Paris et de la Française des jeux. Nous ne voulons pas d’un bradage des intérêts patrimoniaux de l’État. Il faudra que les sommes levées abondent réellement le fonds pour l’innovation et l’industrie et que celui-ci soit utilisé à bon escient.
Pour terminer, je m’attarderai sur le plan France Très haut débit.
Lors de la Conférence nationale des territoires du 17 juillet 2017, le Président de la République s’est engagé sur l’objectif d’une couverture du territoire en haut débit d’ici à 2020 et en très haut débit d’ici à 2022.
Aujourd’hui, soit un an et demi plus tard, il semble que nous sommes assez loin du compte pour la France rurale : seuls 31,2 % des ménages et locaux professionnels ont accès au très haut débit en zone rurale. La réussite du plan est pourtant essentielle pour nos concitoyens, pour nos entreprises et pour l’accès à des services publics de plus en plus dématérialisés.
Pour conclure, l’effort sur les crédits de cette mission stratégique pourrait être plus important. Nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut mieux évaluer les aides aux entreprises et ne pas les saupoudrer, mais les crédits attestent d’un manque d’ambition pour nos PME.
C’est la raison pour laquelle notre groupe s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 82 %, c’est la proportion d’entreprises étrangères qui jugent que la France est un pays où il faut investir en 2018, contre 23 % en 2014.
Non seulement l’opinion des investisseurs étrangers sur la France s’améliore, mais, en plus, leurs intentions se concrétisent. Il faut le dire, les chiffres de l’attractivité et des investissements étrangers en France sont les meilleurs depuis deux quinquennats : le nombre d’investissements industriels étrangers en France a bondi de 52 %.
Pourtant, il reste beaucoup à faire pour renforcer la compétitivité de notre pays.
Quand je dis « compétitivité », il ne faudrait pas que les plus interventionnistes d’entre nous entendent « thatchérisme » ou pensent au scénario d’un film de Ken Loach. « Compétitivité » ne signifie pas dérégulation, abandon du politique au profit de l’économie, services publics vendus. J’en veux pour preuve que les classements mondiaux placent la France après la Finlande ou la Suède, pays dont on ne peut pas dire qu’ils aient des services publics déficients.
Les mesures qui constituent la stratégie économique du Gouvernement dessinent un modèle plus durable, plus efficace, plus attractif – en fait, plus en phase avec l’économie du XXIe siècle.
Il s’agit tout d’abord de transformer notre modèle fiscal, en diminuant la fiscalité du capital et celle qui pèse sur les entreprises. Ce sujet a été abandonné par la majorité sénatoriale, qui n’en parle jamais, mais les prélèvements obligatoires sur les entreprises baissent, cette année, de 19 milliards d’euros. Le crédit d’impôt recherche est sanctuarisé, des suramortissements sont mis en place pour les dépenses d’innovation, la fiscalité du capital est allégée. Ces décisions s’expliquent par une raison simple : nous sommes dans l’économie du numérique, et celle-ci a besoin de capital. Or on compte 133 robots en moyenne par habitant en France, contre 190 en Italie et plus de 300 en Allemagne !
Cependant, pour renforcer la compétitivité des entreprises, il faut aussi des efforts de rationalisation, car il n’y aura pas de croissance durable sans réduction des dépenses publiques. C’est le sens de la trajectoire de baisse de la fiscalité affectée aux chambres de commerce et d’industrie. En concentrant celles-ci sur leur cœur de mission – l’appui aux entreprises, la formation initiale et la représentation des entreprises –, cette transformation donne de la visibilité aux chambres plutôt qu’aux coups de rabot antérieurs. En parallèle, on baisse la fiscalité sur les entreprises. Cela est cohérent.
Mieux faire, c’est aussi réformer la présence de l’État. Le programme 134 présente une refonte de la présence territoriale et des missions des conseils, directions et autorités administratives indépendantes, à l’image de la présence de la direction générale des entreprises en région, dont la mission est clarifiée : elle se voit chargée de l’accompagnement des entreprises en difficulté, du développement des filières stratégiques et du soutien à l’innovation.
La stratégie économique du Gouvernement marque aussi un tournant. Il est temps de prendre des décisions claires et de les expliquer. Les décisions sont acceptées si elles sont justes ! Les Français ne veulent pas moins de services publics lorsqu’ils demandent moins d’impôts : ils demandent la suppression de dispositifs inefficaces ou qui n’ont plus leur place dans l’économie d’un pays comme la France au XXIe siècle.
Quel modèle se dessine derrière ces mesures ? C’est un modèle qui repose sur la conviction que le pays se portera mieux si les entreprises créent de la valeur et de l’emploi. C’est aussi un modèle dans lequel la création d’emploi est considérée comme le meilleur moyen de sortir les Français de la pauvreté, alors que le taux de pauvreté s’établit à 37 % chez les chômeurs, ce qui est inacceptable. Je suis d’avis, comme Gilles Saint-Paul, que le chômage de masse de ces dernières décennies correspondait à un équilibre politique : si le chômage a persisté à des niveaux élevés, c’est qu’il n’y avait pas de majorité politique pour une réforme du marché du travail.
Que fait le Gouvernement ? Il agit sur le marché du travail. Il engage une révolution copernicienne avec l’activation des dépenses d’emploi : 2,5 milliards d’euros seront ainsi investis dans les compétences pour traiter en profondeur les causes du chômage et sortir de la logique de guichet.
M. Philippe Dallier. Attendons les résultats !
M. Julien Bargeton. On ne réforme pas en un an et demi ce qui aurait dû être réformé depuis vingt ans !
M. Philippe Dallier. Certes, mais le temps passe !
M. Julien Bargeton. Réduire les trappes à chômage et à pauvreté, c’est aussi valoriser le travail. Avec l’augmentation de la prime d’activité, c’est un budget de 6 milliards d’euros qui est sanctuarisé.
Enfin, la compétitivité ne signifie pas des services publics au rabais. Elle implique, au contraire, des « services publics du XXIe siècle » ! Les décors de la salle des conférences du Palais du Luxembourg, où siège le Sénat, nous rappellent les progrès du XIXe siècle, notamment l’électrification du territoire. Aujourd’hui, l’enjeu n’est pas d’installer des lignes électriques sur l’ensemble du territoire ; il est de connecter tous les foyers au haut débit. De fait, l’inégal accès au haut débit est la première des injustices, et elle est territoriale.
Le programme 343 de la mission « Économie » porte la couverture du territoire en très haut débit à 100 % d’ici à 2022. Ce plan est couplé à une accélération du déploiement de la 4G. Malgré les critiques sur les plans successifs, le manque de moyens ou la stratégie menée, qui ne correspondait pas aux réalités des territoires, il a fallu attendre 2018 pour que l’État engage, avec les opérateurs téléphoniques, une démarche visant à mettre fin aux zones blanches. Les opérateurs vont ainsi investir 3 milliards d’euros pour mettre un terme à ce qui constituait la plus grande des injustices territoriales.
Mes chers collègues, si l’avenir est imprévisible, il se prépare. Il se prépare avec une stratégie claire, cohérente, tournée vers la création de valeurs et vers l’emploi. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais utiliser les quatre petites minutes qui m’ont été allouées pour aborder la question importante de la stratégie industrielle de l’État, qui devrait être au cœur des crédits de la mission « Économie », et je vais le faire en évoquant une opération à 10 milliards d’euros.
Dans leur récent rapport d’information, nos collègues Martial Bourquin et Alain Chatillon appellent l’État à renouveler sa vision stratégique en faveur de l’industrie. Nous souhaitons, avec eux, la redynamisation de l’outil actionnarial de l’État.
Dans ce cadre, la vente d’Aéroports de Paris, d’Engie et de la Française des jeux nous paraît un mauvais choix, dont la performance sera médiocre pour financer le soutien de l’innovation qui fera l’économie de demain. Au demeurant, madame la secrétaire d’État, nous souscrivons au constat que ce financement est nécessaire et urgent.
Cependant, cette opération est opaque et aucune explication fournie jusqu’ici par les membres du Gouvernement interrogés n’a été de nature à nous convaincre de sa pertinence. Contrairement à ce qui a été annoncé au départ, ce ne sont pas 10 milliards d’euros qui vont être affectés au soutien à l’innovation, mais le produit des dividendes générés par le placement des actions que vous allez vendre.
Madame la secrétaire d’État, comment justifiez-vous que le placement de ces 10 milliards d’euros produira, au mieux, un rendement de 250 millions d’euros, alors que, aujourd’hui, en prenant appui sur les chiffres les plus bas des années passées, les actions publiques des trois entreprises concernées ont rapporté à l’État de 850 millions d’euros, comme en 2017, à 1,5 milliard d’euros, comme en 2012, soit autour de 1 milliard d’euros en moyenne, ce qui en fait des placements exceptionnellement profitables ?
Certes, vous allez réintégrer immédiatement 10 milliards d’euros, ce qui vous évitera peut-être de passer le cap symbolique des 100 % de PIB de dette publique. Mais quelle est la vraie logique de cette opération de vente et d’abandon de fleurons nationaux ? À qui profite-t-elle vraiment ?
Dans ces conditions d’incertitude et de risques, nous ne sommes pas favorables à ces privatisations. Pour éviter de revivre la calamiteuse opération de 2005 concernant les autoroutes, il faut que le produit des ventes de ces trois entreprises soit au moins égal à la somme, actualisée sur la très longue période, du produit des dividendes auxquels l’État va renoncer.
À cet égard, comment comptez-vous procéder et quels sont vos objectifs ? Rien dans les crédits de la mission ne nous permet de l’appréhender.
Toujours sur ce sujet des privatisations, vous avez annoncé envisager de monter au capital d’EDF dans le cadre de la donne nouvelle qu’induit la programmation pluriannuelle de l’énergie et la montée en charge indispensable des énergies renouvelables. La grande entreprise qu’est EDF ne doit pas être sacrifiée comme l’ont été d’autres secteurs de la production industrielle française dans le passé.
Ce qui s’est passé avec Alstom et AREVA, par exemple, nous fait craindre l’amorce d’un démantèlement de la filière nucléaire intégrée française.
Il y va de notre souveraineté nationale, du rôle et de la place géopolitique de la France en Europe et dans le monde de l’énergie. Il y va aussi du savoir-faire de très haut niveau des titulaires de centaines de milliers d’emplois directs et indirects.
Faute, à ce stade, de clarté dans votre stratégie, les inquiétudes sont fortes. Va-t-on vers un démantèlement de l’entreprise, aujourd’hui intégrée, et une revente à la découpe ? Je pense, par exemple, à RTE. Quelle place reviendra aux énergies renouvelables, à côté du nucléaire et de l’hydraulique ? Et, en lien direct avec le budget pour 2019, quel sera le niveau des nouvelles prises de participation et comment seront-elles financées dans le contexte que nous constatons, celui d’un endettement fort qui continue à s’accroître tendanciellement ?
Les réponses que vous apporterez à ces différentes questions, madame la secrétaire d’État, et le sort qui sera réservé à nos amendements détermineront le vote de notre groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme la plupart des pays développés, la France a été confrontée, ces dernières décennies, à la désindustrialisation de son économie, la part de l’industrie dans le produit intérieur brut passant de 24 % en 1980 à 12,6 % en 2016. Depuis l’an 2000, 25 % de l’emploi industriel a disparu.
Si ce phénomène a plusieurs origines, l’État doit se donner les moyens d’accompagner efficacement son industrie et les territoires et se comporter en véritable stratège.
À cet égard, la mission « Économie » de ce projet de loi de finances a de quoi nous laisser dubitatifs. Sous couvert de rationalisation des aides aux entreprises, la tendance constatée par l’ensemble de nos rapporteurs est celle d’un désengagement de l’État. En effet, si les engagements du plan France Très haut débit sont à saluer, ils doivent néanmoins être accélérés, et de nombreuses inquiétudes perdurent par ailleurs.
Les autorisations d’engagement chutent de 17 % par rapport à 2018. Près de la moitié des crédits de la mission sont désormais consacrés à des dépenses de personnel. Moins d’un euro sur trois est réellement dédié à des dépenses d’intervention.
Ce projet de loi de finances obère très nettement la stabilité du réseau des chambres de commerce et d’industrie, acteurs majeurs de l’accompagnement de proximité des entreprises, alors que le Gouvernement s’était engagé à garantir la stabilité de leurs ressources affectées. Le débat a eu lieu dans notre assemblée lors de l’examen de l’article 29. Je salue le vote du Sénat, qui a supprimé la baisse des ressources affectées aux CCI.
Que comprendre de la gestion extinctive du FISAC, alors même que celui-ci constitue un outil d’intervention ponctuelle et ciblée, dans un objectif de rééquilibrage et de complémentarité avec les actions locales ? À ce titre, nous saluons bien évidemment la position de la commission des affaires économiques et soutiendrons l’amendement tendant à abonder les crédits du FISAC de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Derrière ces éléments, il y a bien la crainte que l’État stratège ne soit pas au rendez-vous. Or notre stratégie industrielle en dépend. Nous devons marcher sur nos deux jambes, à savoir l’investissement et le fonctionnement, auxquelles s’ajoute l’accompagnement. Nous devons définir une stratégie industrielle à déployer dans les territoires.
D’ailleurs, alors que M. le Premier ministre a lancé un plan en faveur des « Territoires d’industrie », je ne comprends pas la logique du Gouvernement, qui propose, dans le même temps, une diminution drastique – de 50 millions d’euros – des moyens dédiés au FDES. Pour être venue nous rendre visite dans le Valenciennois, vous comprenez ce que cela veut dire, madame la secrétaire d’État !
Mes chers collègues, je vous proposerai d’adopter un amendement visant à abonder ce fonds, qui est un outil complet, permettant, dans le cadre de l’aménagement du territoire, de favoriser le développement économique et social d’une aire géographique et de soutenir des projets modernes, innovants et préparant la restructuration industrielle de la filière de l’acier. Ascoval en est un exemple. M. le ministre Bruno Le Maire a d’ailleurs eu l’occasion de visiter cette entreprise, dont il a pu constater qu’elle était pleinement entrée dans le XXIe siècle.
Nous devons garantir les moyens d’intervention lorsqu’il y a un projet économique.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement affirme que sa stratégie industrielle vise à maintenir une industrie d’avenir en état de marche, organisée, innovante, capable de se transformer et de prendre en compte la nécessité de la numérisation et tous les enjeux de la mondialisation. Il ne faut pas, pour autant, faire fi de tout un pan de notre industrie ! On doit produire dans les territoires de notre pays, et il faut s’en donner les moyens.
Les collègues qui m’ont précédée dans la discussion générale ont bien montré que l’ambition d’une stratégie industrielle forte avec les territoires était réaliste, à condition que l’État soit aux côtés de ces derniers, notamment des régions. Il ne s’agit pas de leur déléguer les financements !
C’est parce que l’État sera au rendez-vous budgétaire, aux côtés des régions et de l’Europe, que nous y arriverons. Il ne faudrait pas jouer aux chaises musicales ! L’État ne peut, à la fois, définir des « territoires d’industrie » et demander aux présidentes et aux présidents de région de reprendre le flambeau financier. C’est l’addition des outils et des moyens, sous-tendue par une vision stratégique, qui fera la réussite de nos politiques industrielles.
M. Martial Bourquin. Très juste !
Mme Valérie Létard. C’est main dans la main qu’il nous faut avancer.
Enfin, nous soutiendrons l’amendement de nos rapporteurs visant à maintenir le niveau actuel de dotation globale pour les actions de soutien à la compétitivité des entreprises, déposé par nos rapporteurs.
Pour terminer, je salue le travail de l’ensemble de nos rapporteurs, qui nous donnent la possibilité de voter un budget beaucoup plus conforme à une ambition économique et industrielle réellement accompagnée par l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (M. Patrick Chaize applaudit.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer le travail réalisé par les rapporteurs sur la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2019.
J’entrerai rapidement dans le vif du sujet : comment examiner ce projet de budget sans le relier à l’actualité, sans faire le lien avec ce qui se passe dans nos départements ?
Si l’on peut se réjouir de l’augmentation des crédits de paiement affectés au programme « Plan France Très haut débit », qui sont, toutefois, bien insuffisants pour nous permettre de rattraper le retard dans ce domaine, comment ne pas dénoncer la baisse de 7,3 % des autres crédits inscrits à ce budget ?
Élue d’un territoire rural et de montagne, les Hautes-Alpes, comment pourrais-je ne pas revenir sur le désengagement de l’État dans les actions territoriales qu’il devrait conduire en faveur des entreprises et des consommateurs ? C’est aussi pour cette raison que nos concitoyens manifestent : parce que la spécificité des territoires n’est pas prise en compte et que, notamment, en zone rurale, aucune réponse n’est apportée, aucune solution n’est trouvée.
Prenons l’exemple du FISAC. Ce dispositif a été créé en 1985 pour soutenir les services de proximité, menacés ou fragilisés par la désertification dans les espaces ruraux et pour remédier aussi à la dévitalisation des centres-villes.
En 2019, seuls 6,1 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus au bénéfice d’opérations ayant fait l’objet de décisions de subventions au cours des années précédentes.
Malgré la réforme de 2014 censée relancer le dispositif, les montants engagés n’ont cessé de diminuer, de 80 % entre 2010 et 2018. Si la mise en œuvre de la loi NOTRe, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, doit nous conduire à nous interroger sur certains dispositifs eu égard aux compétences désormais dévolues aux collectivités territoriales, l’État ne doit pas, pour autant, se désengager des actions économiques de proximité.
En effet, je crois, au contraire, que l’État doit s’assurer d’un rééquilibrage économique territorial. C’est pourquoi il doit maintenir des interventions ciblées. C’est d’ailleurs l’objet principal du FISAC, qui a non pas vocation à se substituer aux régions, mais plutôt à agir en complément, voire en dernier recours.
Ce dispositif porté par l’État est d’autant plus nécessaire que de nombreuses communes rurales voient leurs dotations baisser du fait de la recomposition de la carte intercommunale, ce qui limite considérablement leur capacité d’intervention.
Si l’on peut se réjouir de la mise en œuvre du plan « Action cœur de ville », il ne peut être l’unique réponse à l’ensemble des problèmes de dévitalisation, puisqu’il ne vise pas les mêmes opérations que le FISAC : 64 % des subventions accordées en 2017 l’ont été au titre des opérations territoriales, pour des opérations rurales, principalement situées dans des zones de revitalisation rurale, des ZRR.
La suppression du FISAC vient également remettre en cause les engagements pris par le Gouvernement en faveur des stations-service de proximité, sans qu’il soit proposé de solution alternative. Au travers de l’actualité, on mesure à quel point il s’agit pourtant d’un enjeu crucial pour la cohésion de nos territoires ruraux.
Enfin, je voudrais revenir aussi sur la compétitivité des entreprises et l’ambition annoncée par le Gouvernement de favoriser un environnement économique propice à la croissance et à l’emploi.
En effet, les risques de voir disparaître les chambres de commerce et d’industrie hyper-rurales sont importants, puisque la réduction de la taxe affectée au réseau CCI France est une réalité.
S’il appartient aux CCI de région de procéder annuellement à la répartition de la taxe pour frais de chambre consulaire et d’ajuster le montant attribué à chacune des CCI, la situation de celles qui sont situées en zone hyper-rurale doit faire l’objet d’une attention particulière. Leur rôle est essentiel pour le tissu économique local, car elles assurent un accompagnement de qualité que les petites entreprises, voire les très petites entreprises, ne pourraient se payer.
Dans ce contexte et au regard de leurs spécificités, de leurs besoins et de leur dépendance à la ressource fiscale, il me paraît indispensable qu’un régime dérogatoire puisse être étudié au bénéfice des CCIT, les chambres de commerce et d’industrie territoriales, hyper-rurales, reposant sur l’octroi d’une dotation minimale.
Vous l’aurez compris, beaucoup d’interrogations demeurent à ce stade. J’espère que nos discussions seront de nature à répondre aux attentes des entreprises, notamment dans les territoires ruraux.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. Madame la secrétaire d’État, vous n’étiez pas encore en poste, mais quelque chose de formidable s’est passé ici il y a quelques semaines.
D’un bord à l’autre de l’assemblée, une proposition de loi portée par mon collègue Martial Bouquin, membre, lui aussi, du groupe socialiste et républicain, et Rémy Pointereau, notre questeur, a été cosignée par la majeure partie de nos collègues et a été adoptée à une écrasante majorité, une loi destinée à sauver nos centres-bourgs et nos centres-villes d’un péril, d’un désastre. Le Sénat, cette assemblée des territoires, était légitime à le faire.
Voyez en notre voix celle de ceux qui n’en ont pas, hélas ! Voyez en notre voix celle des maires de villes, de toutes les villes, car aucune n’est épargnée ! Voyez aussi en notre voix celle des milliers de commerçants ! Il est temps d’agir.
De quoi s’agit-il en fait ?
Ce que l’on peut considérer comme un outil de progrès, internet, – et je partage cet avis – programme une cyberéconomie, qui est devenue un péril pour le commerce des villes. Ne voyez surtout pas en moi une ringarde qui vivrait sur une autre planète ! Des magasins sont condamnés à fermer ; des rues entières sont réduites à un no man’s land. Pis, le vivre-ensemble, ces rencontres souvent heureuses entre générations, au hasard d’un parc, d’un jardin public, d’une boutique, se meurt. Dans le confort du canapé, avec la facilité d’un clic, de la touche « Validez votre commande », le commerce se fait ailleurs : ailleurs, autrement, on ne sait même pas où…
En attendant chez nos compatriotes une véritable prise de conscience autour d’un acte d’achat conscient, doit-on accepter la facilité du pot de terre contre le pot de fer ? Doit-on accepter sans sourciller que ce qu’il est convenu d’appeler les GAFA – Google, Amazon, Facebook Apple –, auxquels on rajoute maintenant un « M » pour Microsoft, tuent à petit feu tous les jours ce qui fait notre humanité ?
Ces grands groupes, à la santé insolente et aux profits qui grimpent à une vitesse vertigineuse, doivent contribuer au maintien tout simplement de la vie – oui, de la vie ! – et au maintien de l’emploi dans les villes, à tous ces métiers : il faut redonner de la lumière bienfaisante à nos vitrines, de la chalandise et de l’activité. Ces grands groupes, au moyen de toute espèce d’astuces fiscales, y compris d’odieux chantages aux États, se doivent de contribuer au retour de la vie. Il est urgent d’agir. Il sera courageux d’agir. Vous le savez, le courage est d’ailleurs cette belle valeur, cette inestimable valeur qui doit sous-tendre toute action politique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, ce projet de loi suit le cap fixé par le Gouvernement : construire une prospérité qui doit bénéficier à tous les Français et à tous les territoires, une prospérité qui doit reposer non pas sur plus de dépense publique et, par conséquent, plus d’impôts, mais sur plus d’activité et, par conséquent, plus d’emplois pour les Français et pour leur entreprise.
Je dois dire que cet objectif me semble d’une brûlante actualité. Je suis d’accord pour dire qu’il faut aussi du courage pour mener cette baisse des dépenses publiques et essayer de soutenir nos entreprises,…
M. Jérôme Bascher. Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas ce que vous faites !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. … un courage qui a peut-être manqué ces vingt dernières années. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.) Je savais que mes propos feraient leur effet…
M. Martial Bourquin. C’est incroyable !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. D’une part, nous entendons rétablir durablement nos finances publiques. Nos engagements tiennent en trois chiffres : 5 points de PIB de baisse de la dette publique, 3 points de baisse de la dépense publique et 1 point de baisse des prélèvements obligatoires d’ici à la fin du quinquennat.
M. Philippe Dallier. Des promesses, des promesses, toujours des promesses ! On attend des résultats !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. D’autre part, nous voulons retrouver un esprit de conquête, une conquête économique, technologique, industrielle – on parlera de politique industrielle – et à l’export.
Si les résultats sont là depuis mai 2017, ils ne sont pas suffisants, nous en sommes d’accord. Nous devons accélérer la transformation économique que nous menons. Certes, plus de 200 000 emplois ont été créés en un an. Les chiffres de la croissance au troisième trimestre sont conformes à nos prévisions et sont plutôt solides.
M. Philippe Dallier. Oh !
M. Martial Bourquin. Et ceux de la zone euro ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Vous le savez, l’économie française continue à croître moins vite que la moyenne des pays de la zone euro. L’économie française a notamment du retard dans deux domaines, comme vous l’avez souligné, la robotisation et la numérisation, et elle n’est pas en pole position en matière d’innovation de rupture.
Notre mission, au travers des crédits débattus aujourd’hui, est de faire croître nos entreprises et de les transformer, tout en poursuivant la transformation de l’action publique. Pour ce faire, le projet de loi de finances décline, sur le plan fiscal, les mesures du projet de loi PACTE, le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises : la transmission d’entreprise notamment sera assouplie et simplifiée. Voilà une mesure qui concerne directement les PME.
Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit également une profonde transformation des chambres de commerce et d’industrie, qui se traduit budgétairement, comme vous l’avez souligné, par une baisse de 100 millions d’euros de la taxe affectée aux chambres et par une trajectoire de baisse de 400 millions d’euros à l’horizon de 2022. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle sera complétée à partir de 2020 par une baisse des taux. Là encore, cette mesure bénéficiera aux entreprises.
Cette réforme vise, d’une part, à mettre en place un nouveau modèle pour les CCI afin que celles-ci se concentrent sur leur cœur de mission : assurer l’appui aux entreprises, la formation initiale et la représentation des entreprises. Elle tend, d’autre part, à alléger les impôts pesant sur la compétitivité des entreprises.
Dans ce cadre, des mesures d’accompagnement importantes sont d’ores et déjà prévues par la loi PACTE : on ne laisse pas les chambres de commerce et d’industrie sans rien.
Mme Nathalie Goulet. Trop sympa !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. D’autres mesures contribuent à la baisse de la pression fiscale dans le projet de loi de finances pour 2019.
Ainsi, le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, est transformé en allégement de charges pérennes, une mesure dont vont bénéficier les PME et les ETI, les entreprises de taille intermédiaire. La baisse de l’impôt sur les sociétés doit libérer des marges de manœuvre au profit de nos entreprises, une mesure, là encore, dont vont bénéficier les PME et les ETI, avec des montants considérables.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. La réduction du plafond des taxes affectées au CTI, les centres techniques industriels, et aux CPDE, les comités professionnels de développement économique, va également dans ce sens. Quant à la réduction des dotations budgétaires restantes pour les CTI et les CPDE, sachez qu’elle résulte essentiellement du basculement d’un financement par crédit budgétaire à un financement par taxe affectée pour le CTI de la fonderie. Il ne faut donc pas surinterpréter les chiffres.
En matière industrielle, nous souhaitons également nous attaquer aux impôts de production, qui minent la compétitivité de nos entreprises. D’importantes décisions ont déjà été prises par le Gouvernement, lesquelles conduiront à des baisses d’impôt sur la production ; cette mesure concerne clairement les entreprises industrielles.
Au total, l’ensemble de ces mesures réduira les impôts de production de plus de 1,5 milliard d’euros d’ici à la fin du quinquennat. C’est une première réponse à votre préoccupation en matière industrielle, monsieur Bourquin.
Au-delà des mesures qui ont déjà été décidées, sachez que nous continuons à explorer le sujet, car il faut effectivement aller plus loin. Cela ne suffit évidemment pas. Nous devons en parallèle, par comparaison avec nos voisins européens, améliorer notre compétitivité hors coûts. Pour ce faire, nous devons impérativement miser sur l’amélioration de notre appareil productif. C’est pourquoi nous investissons massivement dans l’innovation.
Nous avons sanctuarisé le crédit d’impôt recherche. Nous avons également augmenté les crédits en faveur du dispositif « Jeune entreprise innovante », dont l’efficacité économique a été largement démontrée.
Par ailleurs, nous avons instauré un fonds pour l’innovation et l’industrie, qui est doté de 10 milliards d’euros et permet de dégager chaque année une marge de manœuvre à hauteur de 250 millions d’euros. Mais, monsieur Montaugé, 250 millions d’euros, c’est la rémunération d’une OAT, une obligation assimilable du Trésor, à cinquante ans, qui est quasi certaine, tandis que les trajectoires de dividendes sont beaucoup plus risquées. Il me paraît donc difficile de comparer une rémunération quasi sans risque à une rémunération tout à fait risquée. On garantit ici la capacité d’investir 250 millions d’euros dans des innovations de rupture, l’intelligence artificielle et le stockage des énergies renouvelables, par exemple.
Investir, c’est également numériser et robotiser les PME industrielles. Le dispositif de suramortissement que nous mettons en place répond à cet enjeu. Concrètement, cela représentera une baisse pouvant aller jusqu’à 11 % du coût de l’investissement, par exemple dans des imprimantes 3D, des capteurs connectés ou encore des robots.
De manière plus générale, je veux faire observer que la politique industrielle ne se résume pas à la mission « Économie » ni au service de la DGE. En témoigne le dispositif « Territoires d’industrie », qui mobilise plus de 1,3 milliard d’euros de crédits dédiés. Le FDES n’est pas l’unique instrument pour conduire une politique industrielle ; il consent d’ailleurs des prêts. Je peux vous le garantir, un prêt ne suffit pas à mener une politique industrielle.
Mme Valérie Létard. Il peut y contribuer !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Il y a aussi des sujets de compétence, d’innovation, sur lesquels on pourra revenir.
Enfin, pour la première fois, la mission « Économie » alloue 175 millions d’euros de crédits de paiement au programme « Plan France Très haut débit », manifestant notre engagement sur ce sujet. Le projet de loi de finances pour 2019 est bien compatible avec le respect de l’objectif que nous nous sommes fixé et nous ne dérogerons pas à cet objectif clé, plusieurs d’entre vous l’ont souligné, notamment Mme Espagnac. Ce sera un sujet qu’il faudra effectivement clarifier dans la trajectoire des finances publiques à partir de 2020 pour ce qui concerne le montant complémentaire.
Je note, madame Loisier, vos points de vigilance, et je les partage. Il faut construire un plan très haut débit pour l’après-2022. Il faut effectivement décider de la pérennisation de l’Agence du numérique – la décision n’est pas encore prise. En tout cas, il conviendra d’assurer la permanence de ce dispositif en termes d’efficacité, quel que soit le pilote.
L’action publique doit aussi être plus efficiente et plus proche du terrain ; je ne pense pas que vous me contredirez… Le ministère de l’économie et des finances se doit évidemment d’être exemplaire sur ce point. Nous avons donc décidé de transférer ou de fusionner les dispositifs qui ne relèvent plus de l’État et qui ne sont plus portés aujourd’hui par des acteurs les mieux placés pour être efficaces. Le FISAC, auquel le Sénat est, je le sais, très attaché, ne financera plus de nouveaux projets. Cette décision nous semble cohérente avec la compétence donnée aux régions en matière de développement économique… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Non !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. … depuis la loi NOTRe. Elle s’inscrit dans l’application de la loi et va dans le sens d’un renforcement des compétences des régions et des collectivités, qu’un certain nombre d’entre vous appellent de leurs vœux. Cela ne signifie pas la fin d’un accompagnement ; ce sera la mission de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
Dans cette même logique d’efficacité et de dialogue entre l’État et les collectivités territoriales, nous allons engager, vous l’avez souligné, une réforme ambitieuse de la direction générale des entreprises, qui sera recentrée sur ses missions stratégiques : accompagnement des entreprises en difficulté, au premier rang desquelles les PME industrielles ; développement des filières stratégiques et de l’innovation, avec, notamment, la participation aux instances de gouvernance des écosystèmes d’innovation. Cette évolution impliquera de réduire les effectifs du réseau déconcentré de la DGE de 330 ETP, ou équivalents temps plein, une baisse qui s’étalera sur trois ans, avec un accompagnement particulier.
Nous avons par ailleurs entamé, comme vous l’avez souligné, monsieur Lalande, une réforme du dispositif de soutien à l’export : elle vise à rationaliser l’action des divers acteurs publics concernés afin de renforcer la lisibilité et l’efficacité du dispositif d’accompagnement. En France, un guichet unique « Team France Export » sera mis en place dans chaque région, réunissant Business France et les chambres de commerce et d’industrie, dont la mission est d’identifier et de préparer les entreprises à l’export. En parallèle, les correspondants uniques de « Team France Export » seront mis en place à l’étranger. Cette réforme s’achèvera au début de 2019.
Concernant l’accompagnement des PME à l’exportation par des VIE, des volontaires internationaux en entreprise, ou des apprentis, je partage tout à fait votre intérêt pour ce dispositif. Vous le savez, le projet de loi PACTE prévoit l’augmentation de la durée de séjour à 182 jours, soit la moitié de l’année sur le territoire national pour les VIE ; ce premier pas va dans votre sens. Il me semble difficile de faire moins, car il importe d’être aussi présent sur les marchés étrangers pour être légitime dans l’accompagnement des PME à l’export. En revanche, de manière plus générale, ce besoin d’accompagnement des PME industrielles est assuré par de jeunes diplômés, dans le cadre de l’apprentissage ou d’autres dispositifs. À cet égard, il convient de créer quelque chose d’innovant, je partage complètement votre point de vue, pour ce qui concerne non pas seulement l’export d’ailleurs, mais aussi la numérisation des PME.
Pour conclure, les crédits de paiement de la mission « Économie » passent de 1,624 milliard d’euros à 1,706 milliard, alors même que nous consacrons 175 millions d’euros au plan France Très haut débit. Cette stabilité des crédits traduit notre volonté de mieux cibler les aides et de les rendre plus efficaces, afin d’améliorer l’efficience de notre gestion publique.
Rappel au règlement
M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, je tiens à faire ce rappel au règlement alors même que nous commençons à examiner les missions et donc les dépenses du budget.
Hier soir, nous avons terminé l’examen de la première partie du projet de loi de finances avec l’adoption, en seconde délibération, d’un amendement tendant à revenir sur une mesure adoptée la semaine dernière qui a suscité les événements que l’on sait en dehors du Parlement. Nous avions conclu en disant : arrêtons les mensonges ; arrêtons les fake news et travaillons au Parlement !
Or, ce matin, pour votre première prise de parole, vous commencez par un énorme mensonge, madame la secrétaire d’État.
M. Jérôme Bascher. Ce n’est pas tolérable ni appréciable pour le Sénat. Vous ne pouvez pas dire que le projet de budget participe de la baisse de la dépense publique, alors que tous les chiffres – les vôtres ! – montrent que la dépense publique, en particulier la dépense de l’État, continue d’augmenter !
M. Julien Bargeton. Très peu !
M. Jérôme Bascher. Ne commencez pas votre propos par des provocations à l’encontre du Sénat. Nous sommes plutôt dans l’apaisement, c’est ce que nous avons montré.
M. Julien Bargeton. C’est relatif !
M. Jérôme Bascher. Chacun a exprimé des points de vue différents ; vous en avez un autre, soit. On ne commence pas par proférer un mensonge clair et net devant les sénatrices et les sénateurs ; on commence par un peu plus de pondération ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – MM. Martial Bourquin et Fabien Gay applaudissent également.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Économie |
1 773 247 147 |
1 939 622 528 |
Développement des entreprises et régulations |
899 634 095 |
913 667 352 |
Dont titre 2 |
390 835 907 |
390 835 907 |
Plan “France Très haut débit” |
5 000 000 |
163 367 510 |
Statistiques et études économiques |
441 626 865 |
440 101 479 |
Dont titre 2 |
370 168 574 |
370 168 574 |
Stratégie économique et fiscale |
426 986 187 |
422 486 187 |
Dont titre 2 |
153 219 031 |
153 219 031 |
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-293 rectifié, présenté par MM. Requier, Mézard, Gold, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Vall et Roux, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
36 000 000 |
30 000 000 |
||
Plan France Très haut débit |
||||
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
18 000 000 |
15 000 000 |
||
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
18 000 000 |
15 000 000 |
||
TOTAL |
36 000 000 |
36 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement va plus loin que la proposition des rapporteurs spéciaux, que nous soutenons par ailleurs, en rétablissant les crédits du FISAC à hauteur de 36 millions d’euros en autorisations d’engagement, et 30 millions d’euros en crédits de paiement.
Entre 2010 et 2018, la dotation du FISAC est passée de 64 millions d’euros à 16 millions d’euros, soit une baisse de 80 %. En moins de dix ans, le nombre d’opérations conduites a été divisé par dix.
Le FISAC est même placé en « gestion extinctive » à partir de 2019 : seuls 6,1 millions d’euros sont prévus en crédits de paiement afin de financer les opérations déjà décidées. Malgré la mobilisation de parlementaires issus de tous les groupes politiques l’année dernière pour préserver cet outil précieux afin de lutter contre la désertification des territoires, le Gouvernement a décidé de le supprimer.
Ce désengagement de l’État arrive à un moment où de nombreuses communes rurales voient, par ailleurs, leurs dotations diminuer du simple fait de la recomposition de la carte intercommunale.
Surtout, cet amendement s’inscrit dans la démarche du groupe du RDSE pour donner les financements nécessaires au dispositif de la proposition de loi, portée par Éric Gold, adoptée par le Sénat le 21 novembre 2018, visant à lutter contre la désertification bancaire dans les territoires ruraux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° II-27 est présenté par Mme Lamure, au nom de la commission des affaires économiques.
L’amendement n° II-40 rectifié est présenté par Mme Espagnac et M. Lalande, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-251 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° II-292 rectifié est présenté par MM. Requier, Mézard, Gold, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Vall et Roux.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
30 000 000 |
23 900 000 |
||
Plan France Très haut débit |
||||
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
15 000 000 |
11 950 000 |
||
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
15 000 000 |
11 950 000 |
||
TOTAL |
30 000 000 |
30 000 000 |
23 900 000 |
23 900 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-27.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet d’abonder les crédits du FISAC pour lui permettre d’atteindre 30 millions d’euros en crédits de paiement et en autorisation d’engagements, alors que le projet de loi prévoit seulement des crédits de paiement à hauteur de 6,1 millions d’euros et aucune autorisation d’engagement. Sur ces 30 millions, 5 millions d’euros seraient réservés au financement des stations-service indépendantes.
En effet, le maintien du FISAC, doté d’un montant suffisant, est indispensable à l’heure où le Gouvernement entend faire de la redynamisation commerciale une priorité. La situation des stations-service de proximité doit, quant à elle, faire l’objet d’une attention particulière.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-40 rectifié.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Cet amendement vise à rétablir les crédits du FISAC à hauteur de 30 millions d’euros.
Comme cela a été dit précédemment, entre 2010 et 2018, les dotations du FISAC sont passées de 64 millions d’euros à 16 millions d’euros, soit une baisse de 80 %.
Cela a été souligné par mon collègue, ce sujet a fait ici l’an dernier l’objet d’une bataille, tous groupes confondus, pour rétablir ces fonds. Madame la secrétaire d’État, j’entends ce que vous avez dit, mais on ne peut pas aujourd’hui se défausser sur les régions, à un moment où nos territoires ont plus que jamais besoin de vivre en retrouvant potentiellement le commerce de proximité, avec le maintien d’un café, d’un bar, de stations-service de proximité. Beaucoup de petites communes se trouvent aujourd’hui privées, à la faveur de la fusion d’intercommunalités, des avantages fiscaux des ZRR pour les commerces et les entreprises. Plus que jamais ces fonds sont indispensables.
Voilà pourquoi nous avons décidé d’en revenir à notre première proposition à 30 millions d’euros.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° II-251.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement identique a pour objet d’abonder les crédits du FISAC pour atteindre 30 millions d’euros en crédits de paiement et en autorisations d’engagement, alors que le projet de loi prévoit seulement des crédits de paiement à hauteur de 6,1 millions d’euros et aucune autorisation d’engagement.
Entre 2010 et 2018, la dotation de ce fonds est passée de 64 millions d’euros à 16 millions d’euros, soit une baisse de 80 %. Pourtant, nous sommes nombreux ici et sur toutes les travées à nous accorder à dire que le FISAC est l’un des outils, de moins en moins nombreux, dont disposent encore les élus locaux pour redynamiser les centres-villes et les centres-bourgs.
Cela étant, cette redynamisation doit être globale et exige que l’on mette en place, dans le même temps, d’autres actions, en particulier en ce qui concerne l’habitat et l’accueil de nouvelles populations. Le FISAC existe maintenant depuis près de trente ans et il ne doit pas être un simple outil d’accompagnement de l’austérité dans nos territoires ruraux. Au contraire, il joue un rôle essentiel pour préserver et développer le tissu des entreprises de proximité, qu’elles agissent dans le domaine du commerce, des services ou de l’artisanat. Il participe également pleinement à l’objectif fondamental de lutte contre la désertification commerciale des zones rurales, à laquelle nous sommes ici toutes et tous attachés et il doit être – j’ai même envie de dire : il doit rester – l’un des leviers permettant de faire République, un des leviers permettant de garantir l’égalité républicaine pour tous nos territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° II-292 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Il s’agit d’un amendement de repli. Je pensais qu’il aurait été examiné après le premier que nous avons déposé. On demande 30 millions d’euros pour le FISAC. Un autre amendement déposé par Mme Espagnac en son nom propre et M. Montaugé prévoit 30 millions en autorisations d’engagement et 30 millions de crédits de paiement. Bien sûr, inutile de vous dire qu’on est plus d’accord pour 60 millions que pour 30 !
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Merci !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Demande de retrait pour l’amendement n° II-293 rectifié et, évidemment, avis favorable sur les quatre amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Il s’agit là de l’un des éléments un peu structurants de la mission « Économie ». Je ne développerai pas de nouveau les arguments, car nos positions divergent.
Je tiens simplement à préciser que le FISAC ne nous paraît plus être un outil adapté, compte tenu des montants alloués et de la manière dont il est géré, eu égard aux autres dispositifs qui sont en train d’être mis en place, notamment l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
Par ailleurs, il faut aussi tenir compte – cela ne témoigne pas d’une volonté de se désengager, il s’agit tout simplement de la volonté d’éviter les doublons et de fonctionner main dans la main avec les régions – des nouvelles missions économiques des régions.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Madame la secrétaire d’État, je comprends vos arguments de rationalisation : une seule tête, un seul décideur. Nous comprenons bien que vont être mis en place le plan « Action cœur de ville » et les ORT, les opérations de revitalisation du territoire. Mais, vous savez, il y a de petites communes rurales, des communes de petite taille, qui ne veulent pas faire d’ORT. Elles veulent simplement sauver une station-service, un commerce de proximité, une boulangerie, un café, le seul endroit où les gens se retrouvent. Pour cela, elles n’ont pas besoin d’entrer dans la lourdeur du processus d’une opération de revitalisation territoriale.
Je sais bien que cette conception est orthogonale à votre volonté politique : mettre tout dans la même boîte, avec un seul modèle. Mais la France est faite de diversités, elle comprend un très grand nombre de communes de petite taille, avec des équipes relativement modestes, même si elles sont au sein d’une intercommunalité. Il faut donc garder de la flexibilité. Les maires savent parfaitement utiliser le FISAC, y compris dans les petites communes. C’était un soutien très important. Évidemment, 30 millions, ce n’est pas 200 millions, ni 600 millions, ni des milliards, comme on les manie ici dans le budget, mais, pour les maires des petites communes, ce sont des soutiens extrêmement efficaces à des actions extrêmement modestes, mais qui sont structurantes pour notre tissu rural. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.
Mme Anne Chain-Larché. Madame la secrétaire d’État, vous nous avez provoqués, mais quelle expérience avez-vous des territoires ? (Mme la secrétaire d’État fait la moue.) Quelle expérience avez-vous de ce que vit un maire lorsqu’il cherche tout simplement à sauver l’économie de son village ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
On nous a déjà supprimé la réserve parlementaire. C’est vrai qu’il s’agit de petites sommes, que le sujet n’est pas très médiatique et que vous avez du mal à nous comprendre quand on vous explique qu’on n’a pas envie que l’on parle de nous. En fait, on n’a qu’une seule envie, c’est de sauver nos territoires et de faire en sorte que nos communes ne soient pas des villages-dortoirs ou des villages avec des friches industrielles et des friches commerciales.
Heureusement que les petites communes avaient plusieurs cordes à leur arc ! Vous l’avez dit vous-même, madame la secrétaire d’État, on ne peut pas se défausser sur les régions. Vous savez très bien que les régions sont courageuses aujourd’hui : pour prendre l’exemple de l’Île-de-France, ce sont près de 9 millions d’euros qui ont été consacrés au commerce de proximité. C’est important ! Quand on voit le nombre de demandes et de dossiers, on voit bien que cela correspond à une réalité.
On sait bien que l’on ne peut pas toujours compter sur le FISAC, mais, quand c’est le cas, son aide vient s’additionner à la volonté des maires, à la réserve parlementaire quand les communes en bénéficiaient, et aux politiques contractuelles menées par les départements et les régions. En attendant, de grâce, faites en sorte de laisser les maires avoir l’initiative et de laisser ces territoires continuer à vivre, même si cela ne va pas dans votre sens, puisque nous avons bien compris la vision extrêmement recentralisatrice de votre politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme Valérie Létard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Je voudrais d’abord apporter tout mon soutien à cette série d’amendements en discussion commune.
Très franchement, ce que l’on entend est en décalage complet avec la réalité des territoires ! On ne peut pas dire que le FISAC est un outil qui n’est plus adapté et qu’il faut le supprimer. Qu’il soit nécessaire de le faire évoluer, de le moderniser, de le revisiter, peut-être ! Mais, en tout cas, il ne faut pas le supprimer.
Je veux apporter mon témoignage d’élu d’un département très rural : dans cette ruralité, le FISAC joue aujourd’hui un rôle important et rend des services considérables. Il a un effet de levier et un effet déclencheur pour de petits commerces et de petits artisans dans de petites communes rurales. Ce maillage de commerçants et d’artisans joue un rôle primordial dans la ruralité, pas seulement sur le plan économique, mais aussi en termes de services ! On est en effet dans le cadre de services au public, de services privés certes, mais qui se rapprochent des services publics de proximité.
Je pourrais démontrer à travers des exemples très concrets que l’intervention du FISAC permet de réaliser des opérations qui ne se réaliseraient pas sans cela, souvent en complément d’autres financements, comme vient de le dire notre collègue. Alors, ne mettons pas fin au FISAC avant d’avoir trouvé un dispositif qui pourrait s’y substituer, si toutefois un tel dispositif devait se révéler plus efficace.
Pour ce qui me concerne, je suis favorable à l’amendement qui vise à porter les crédits du FISAC à hauteur de 60 millions d’euros parce que, franchement, l’enjeu financier n’est pas considérable à l’échelle du budget de l’État. On sait aujourd’hui que ces 60 millions d’euros ont un effet de levier de première importance dans la ruralité. (Mme Anne Chain-Larché applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Je me joins à mes collègues pour dire combien je partage leurs propos : c’est tout simplement la voix du bon sens et du terrain.
Il suffit d’être présent dans les territoires pour l’entendre et le comprendre. Il suffit d’être présent dans les territoires pour savoir que le déploiement de la géographie prioritaire des cœurs de ville est une bonne chose, et d’y regarder de plus près pour savoir que ces cœurs de ville sont en réalité les villes chefs-lieux d’arrondissement.
Une fois que la ville chef-lieu d’arrondissement a été servie et dotée d’un outil pour continuer à remplir sa fonction de centralité, on sait bien, que l’on se situe dans l’urbain ou dans le rural, dans des territoires denses ou moins denses, qu’il reste autour de cette ville toute une série de territoires ou de communes regroupées, qui ont besoin de pôles de centralité et de services de proximité. Dans la grande ruralité, il s’agit d’une impérative nécessité !
Je suis élue dans l’un des départements les plus peuplés de France, mais dans lequel il y a des territoires ruraux, des territoires désertés par les services, sans pôle, sans relais faisant fonction de service public, sans services commerciaux, sans services de santé.
Madame la secrétaire d’État, dire que tout est réglé grâce au plan « Action cœur de ville » et à l’ANCT, c’est totalement méconnaître l’aménagement du territoire et la réalité ! Comment pourrions-nous accompagner nos populations, qui nous disent aujourd’hui qu’elles n’ont plus de services de proximité, alors que nous manquons d’un outil qui ne cible pas un territoire au détriment des autres ?
Car, aujourd’hui, la géographie prioritaire exclut ! Ce n’est pas du tout la cerise sur le gâteau. Avant, la politique de la ville ou les politiques de redynamisation des territoires, pour ne prendre que cet exemple, venaient s’additionner au droit commun. Là, c’est le contraire : on supprime le droit commun partout et on le concentre dans des zones prioritaires ! Mais sans le filet de sécurité du droit commun, que reste-t-il à ces territoires ?
Nos collègues l’ont bien dit, madame la secrétaire d’État, ce qui fait la force des territoires, ce sont les maires et les présidents d’agglomération, qui ont une vision et un projet pour leur territoire, ainsi que toute une série de partenaires institutionnels qui viennent s’agréger. Quand un partenaire vient à manquer, votre plan de financement ne tient plus, madame la secrétaire d’État !
Avec la suppression du FISAC, vous abandonnez les territoires et créez un trou dans la raquette, car l’addition des efforts que j’évoquais au sujet du plan « Territoires d’industrie » n’est plus au rendez-vous. Alors, n’abandonnez pas le FISAC ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain – Mme la rapporteur spécial applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d’État, je ne vous fais pas grief de ne pas connaître les territoires. Je n’ai moi-même été élue nulle part et n’ai même jamais eu de mandat municipal, puisque je suis arrivée directement au Sénat.
En revanche, je peux vous dire que les territoires sont exaspérés. Vous le savez très bien depuis le congrès des maires, les maires sont exaspérés : plus de 50 % d’entre eux ne se représenteront pas. Vous devez absolument maintenir tous ces outils de proximité. D’ailleurs, le mot que tout le monde a en tête ici, aujourd’hui, c’est celui-là : la « proximité », celle des projets et des aides.
Le FISAC est un instrument important. Peu importe si on le dote de 30 millions ou de 60 millions d’euros : le sujet n’est pas là. Je le répète, les territoires sont exaspérés des schémas sur tout et sur rien ; les maires passent leurs journées à contractualiser sans que l’État apporte ensuite les contributions nécessaires. Il est vraiment extrêmement important de revoir la façon dont vous envisagez les aides aux territoires. Tout le monde l’a dit : il doit absolument s’agir d’aides de proximité et non d’aides concentrées.
Ce n’est pas un combat d’arrière-garde. Le FISAC est un outil extrêmement important. Qu’on le modernise, qu’on le revisite, soit ! Mais il ne faut surtout pas que les aides soient concentrées. C’est exactement le contraire de ce qu’il faut faire.
Grâce au FISAC, certains maires ont pu obtenir une pompe à essence communale dans des coins totalement isolés, par exemple. Cela n’a l’air de rien, mais, dans des territoires où on en a besoin, c’est extrêmement important. Pensez à toutes ces petites opérations qui ont pu être montées par des élus territoriaux et ruraux grâce au FISAC.
La réserve parlementaire n’existe plus ; la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, est devenue beaucoup plus rare et beaucoup plus complexe. Franchement, le combat que nous menons aujourd’hui sur ces travées pour conserver le FISAC est extrêmement utile. Ce serait une bonne chose de débattre et de continuer à travailler sur les aides aux territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Le FISAC est un fonds parfaitement adapté à nos territoires.
Aujourd’hui, si votre objectif est de parvenir à une certaine rationalisation, de réorganiser les outils de l’État pour rendre son intervention plus efficace, madame la secrétaire d’État, je ne peux que vous approuver. En revanche, lorsque vous nous dites que l’Agence nationale de la cohésion des territoires va se substituer aux interventions du FISAC, je ne comprends pas bien, parce que cette agence ne dispose pour l’instant d’aucun fonds d’intervention.
Mme Nathalie Goulet. Exactement !
M. Jean-Marc Gabouty. Il serait donc tout à fait préférable de laisser ses crédits au FISAC, quitte à ce que vous nous disiez demain, dans une logique de rationalisation visant à rendre le dispositif plus opérationnel, qu’il faut confier la gestion de ces fonds à l’Agence nationale de la cohésion des territoires, ou qu’il faut les transférer à un fonds d’intervention lié à cette agence. Ainsi, on assurerait la continuité de l’intervention de l’État et l’accompagnement des collectivités.
En fait, vous coupez ces crédits sans que l’on sache bien ce qui sera mis en place, sous quel délai. Ce n’est pas la bonne méthode quand on veut garantir le soutien et les interventions de l’État dans les territoires. Ce n’est même pas un bon signal envoyé aux régions, dans la mesure où celles-ci vont désormais considérer qu’elles ne peuvent pas faire davantage, puisque l’État ne prend plus sa part dans ce domaine.
Je pense que vous devriez réviser votre position, madame la secrétaire d’État. Je soutiens globalement la politique du Gouvernement, mais, sur ce sujet, vous faites fausse route.
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Madame la secrétaire d’État, vous nous avez dit que vous saviez que vous alliez produire votre effet. Vous aviez raison, on a réagi, mais je crois que vous feriez bien de faire preuve d’un peu plus d’humilité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Viviane Artigalas et M. Martial Bourquin applaudissent également.)
Vous savez, j’ai été maire il y a trente ans. J’ai été la première femme élue maire d’une commune de plus de 30 000 habitants dans le Rhône. Et si on n’avait pas mené ce combat pour les femmes, vous ne seriez peut-être même pas ici aujourd’hui ! (Applaudissements sur les mêmes travées.) Il faut parfois regarder aussi tout ce qui s’est passé avant.
Pour en revenir au débat, que j’aurai d’ailleurs l’occasion de prolonger cet après-midi en tant que rapporteur pour avis de la mission « Cohésion des territoires », je m’associe évidemment aux propos de mes collègues.
Si vous pouviez un peu m’écouter, vous comprendriez qu’avec la disparition du FISAC et la fusion de l’EPARECA – dont j’ai été la présidente pendant quatre ans – dans l’usine à gaz de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, c’est encore deux ans et demi que l’on va perdre ! Pardonnez-moi, j’ai été maire d’une grande ville, mais je suis aussi élue d’un département, le Rhône, qui comprend énormément de territoires ruraux.
Comme pour d’autres secteurs, vous mettez fin à des dispositifs sans rien proposer à la place. Ce budget signifie l’interruption des aides dans les territoires pendant deux à trois ans ! Excusez du peu…
Vous nous avez dit, au sujet du FISAC : « Il nous apparaît que… » Qui se cache derrière ce tour impersonnel ? Est-ce Bercy ? Sur quel bilan, sur quelle étude d’impact vous appuyez-vous ? Il en va de même pour l’EPARECA : sur quoi vous appuyez-vous ? L’EPARECA est sans doute l’une des agences qui tournent le mieux ! Pourquoi la fusionner ?
On va perdre trois ans et tout le monde va en pâtir, alors que l’Agence nationale de la cohésion des territoires aurait dû être, comme l’ANRU, l’agence des territoires ruraux, dotée de la force de frappe nécessaire pour ces territoires.
Mme Valérie Létard. Bien sûr !
Mme Annie Guillemot. J’en viens au second point : où est passé le droit commun ?
Mme Valérie Létard. On n’en a plus !
Mme Annie Guillemot. Valérie Létard l’a évoqué, nous l’avons également fait dans notre rapport : ce droit commun a disparu. Il faut arrêter à la fois de raconter des mensonges et de penser que ce que nous disons ne s’appuie sur aucune expérience ou validation sur le terrain !
C’est un peu comme pour les emplois aidés : on nous a répété que ce type d’emplois ne servait à rien. Alors, quand j’entends Mme Girardin annoncer hier soir que le Gouvernement va remettre 1 000 emplois aidés à La Réunion d’ici à la fin de 2018, excusez-moi, mais ça me fait quand même beaucoup rire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Cécile Cukierman, Valérie Létard et Anne Chain-Larché applaudissent également.)
Mme Anne Chain-Larché. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Vous nous avez dit, madame la secrétaire d’État, que le plan « Action cœur de ville » rendait quasi inutile le FISAC. Sachez que 222 villes ont été retenues dans ce programme, alors que l’on compte 700 villes en difficulté, pas 222 !
Surtout, l’ensemble des bourgs ruraux est exclu de ce programme. Lorsqu’un centre-bourg ou une ville moyenne signera une convention ORT, la question des financements se posera donc inévitablement. Or l’Agence nationale de la cohésion des territoires n’a pas de moyens. Il n’y aura plus que les crédits de l’ANAH. Heureusement, d’ailleurs, que l’amendement de notre collègue Dallier a été voté hier, parce que ce financement de l’ANAH aurait cruellement fait défaut.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Martial Bourquin. Une opération de revitalisation des territoires, je le rappelle, s’appuie sur le logement, les services, les espaces publics et le commerce : c’est un ensemble, une action globale et il ne peut pas y avoir d’action coupée des autres. L’intervention du FISAC serait tout à fait bienvenue dans ce cadre avec évidemment les crédits suffisants pour mener ces opérations de revitalisation.
Dans la commune où j’ai été maire, on a construit un marché couvert grâce aux aides du FISAC. Vous croyez qu’un marché couvert, c’est inutile ? Grâce à cette opération, la commune a pu garder son caractère de centralité et une trentaine de commerçants indépendants ont eu la possibilité de vendre leurs produits. C’est ainsi que l’on arrivera à travailler, à revitaliser et à redonner des couleurs à nos villes.
Surtout, je le répète, le programme « Action cœur de ville » ne peut pas concerner seulement 222 villes. Il y a aussi 700 villes en difficulté et tous ces centres-bourgs essentiels à l’armature de nos territoires. Demander le maintien du FISAC et l’augmentation substantielle de ses crédits est donc une revendication tout à fait juste. Les amendements que nous examinons vont dans le bon sens.
Madame la secrétaire d’État, écoutez les élus de temps en temps ! Si on est là, c’est parce qu’on a une expérience et qu’on sait comment tout cela fonctionne. On sait très bien qu’il y a de moins en moins de moyens pour travailler à la revitalisation des centres de quartiers, des centres-villes ou des centres-bourgs depuis que les crédits du FISAC ont diminué.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Martial Bourquin. Nous voterons ces amendements qui vont dans la bonne direction. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Valérie Létard et M. Gérard Longuet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Cette question importante du FISAC illustre et symbolise en quelque sorte l’absence de pensée politique sur la place que les territoires ruraux devraient avoir dans notre pays.
On fait beaucoup de choses pour les métropoles et on continue à concentrer l’action publique. Je ne suis pas contre les métropoles, parce qu’elles tirent en grande partie la croissance du pays, mais je crois en même temps que les « ruralités françaises » – il faut en parler au pluriel – sont une chance pour la France, pour son développement et pour sa population.
Nous sommes les porte-parole de maires qui sont en désespérance et qui se battent au quotidien pour sauver ce qui peut l’être et faire peut-être un peu mieux pour garder leur population et attirer du monde sur leur territoire.
Cela passe par les démarches dont on a parlé. J’en ai une spécifique en tête, celle des schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services publics. Les départements s’en sont dotés : à un moment donné, il faut bien leur donner un sens, un contenu, et faire en sorte que les besoins exprimés par les populations se traduisent dans les faits. Le FISAC, lui, est un outil qui permet de répondre aux attentes des populations en matière d’accès aux commerces de première nécessité.
Ce sujet est symbolique des politiques menées en matière de ruralité. Mes collègues du groupe socialiste et républicain et moi-même sommes favorables aux amendements dont nous débattons, et même au développement du FISAC.
Je terminerai en abordant la question de l’artisanat. L’économie française, ce ne sont pas seulement les grandes entreprises ou les PME. Ce sont aussi un grand nombre d’artisans qui participent à l’équipement des territoires. Or on sait que la plupart des projets financés par le FISAC ou d’autres dispositifs sont réalisés concrètement par des artisans. J’ai aussi une pensée pour eux, car ils font partie de l’écosystème national, territorial, et rural plus particulièrement.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Madame la secrétaire d’État, ce n’est pas la première fois que nous attirons votre attention sur ce point : les sénatrices et les sénateurs de tous bords qui s’expriment devant vous, même s’ils s’opposent parfois sur certains sujets politiques, comme cela a pu être le cas au cours de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, sont unis pour présenter ces amendements, qui ne sont ni des amendements de façade ni des amendements de posture, mais des amendements de réalité.
Au quotidien, dans l’exercice même de notre mandat de parlementaire, nous vivons tout au long de l’année auprès de nos collègues maires et sommes amenés à participer à des inaugurations et à accompagner des opérations, qui ont parfois bénéficié des aides du FISAC et qui, à défaut, n’auraient pas vu le jour.
Ces opérations ne sont pas là pour « faire joli » dans un bilan de mandat communal : elles servent, premièrement, à conserver des populations dans les territoires ruraux, deuxièmement, à faciliter l’accueil de nouvelles populations et, troisièmement, à maintenir, créer et développer l’emploi local dans ces territoires.
Finalement, la réponse que vous avez faite aux auteurs des différents amendements, madame la secrétaire d’État, est une réponse de posture. J’ai même envie de parler de réponse très dogmatique. En fait, vous nous dites : « C’est ainsi, c’est l’architecture du budget, et même si je suis obligée de passer devant le Sénat ce vendredi matin, quoi que vous fassiez, quoi que vous disiez, cela n’a pas d’importance, parce que je repartirai et les choses ne changeront pas pour autant ».
Ce qui est en train de se passer dans le pays, au-delà même des mobilisations, c’est que les femmes et les hommes qui vivent dans ces territoires ruraux, qui y travaillent, qui y sont retraités, qui s’y forment, ont de plus en plus le sentiment d’être déclassés. Il y a parfois, non pas des symboliques, mais des gestes à adresser à nos concitoyens…
Mme Valérie Létard. Il faut être à l’écoute !
Mme Cécile Cukierman. Il faut des actes. Il ne suffit pas de leur dire qu’on les a écoutés, puis d’annoncer qu’on ne fera rien. Il faut prendre en compte ces réalités, prendre en compte ce que nous sommes en train de vous rapporter ici, dans notre diversité, madame la secrétaire d’État, ce que nous vous faisons remonter des territoires pour que l’on puisse y vivre, y vivre dignement, y vivre en n’ayant pas le sentiment d’être des déclassés de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Létard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Le groupe La République En Marche s’abstiendra sur ces amendements.
Hier soir, à l’issue des débats sur la première partie du projet de loi de finances, on a voté ici en faveur d’une aggravation du déficit public de 4,7 milliards d’euros. Je sais que ce montant est contesté, mais, sans revenir sur la bataille des chiffres, on observe une aggravation du déficit.
Alors, hier, on a tenté de me rassurer en me disant : « Vous allez voir ce que vous allez voir, on va faire plein d’économies en deuxième partie ! » Ça commence bien ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Attendez un peu, ce n’est que la première mission !
M. Julien Bargeton. Oui, c’est sûrement le hasard, il se trouve simplement que l’on commence par la mission « Économie ».
M. Philippe Dallier. Oui !
M. Julien Bargeton. On verra bien, puisque je vais de toute façon suivre la discussion budgétaire au fur et à mesure.
Si je m’abstiens, c’est aussi parce que j’attends l’avis du rapporteur général de la commission des finances sur ce sujet. Il travaille beaucoup, mais j’aimerais bien savoir ce qu’il en pense parce que, quand on s’est vu, il m’a dit avoir une idée pour réaliser des économies : supprimer toutes les dispositifs redondants et les superpositions entre l’État et les collectivités locales. Alors, peut-être que cela ne s’applique pas à ce dossier… Après tout, je ne suis pas comme vous tous un spécialiste, et pour cause, du FISAC, mais ce que j’observe, c’est que cette première tentative est un échec.
Par ailleurs, sans être spécialiste de la question, j’ai plutôt lu dans les rapports que ces dispositifs présentaient des redondances, que leur efficacité n’était pas toujours évaluée. (Marques d’impatience sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
La réforme est un art difficile, mais j’ai très souvent lu des propositions en vue de regrouper les différents outils, des propositions de simplification, y compris en matière d’action territoriale de l’État. C’est quand même l’un des sujets sur lesquels il y a peut-être le plus de propositions à faire !
Je sais bien que ces réformes consomment de l’énergie ; je comprends bien que le risque est de passer du temps à réformer sans mettre à disposition d’instruments alternatifs. Seulement, je trouve que cette discussion témoigne un peu de la déconnexion de nos débats entre la première partie et la deuxième partie de la loi de finances (Protestations sur les mêmes travées.), entre la dépense publique, en général, et les dépenses publiques, en particulier.
M. Philippe Dallier. Je ne sais pas qui est le plus déconnecté !
M. Julien Bargeton. Encore une fois, sur ce sujet-là précisément, mon groupe veut s’abstenir. À un moment, il faut quand même faire preuve d’un minimum de cohérence entre ce que l’on dit sur l’évaluation des dépenses publiques et la nécessité de réformer.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Beaucoup de choses ont été dites sur le fond et je les partage totalement.
Je veux revenir à la méthode. Dans le contexte actuel, vous ne pouvez pas dire, madame la secrétaire d’État, alors que tout le monde s’exprime dans le même sens, que vous écoutez, que vous comprenez et, en même temps, ne pas argumenter et ne pas bouger. Vous ne pouvez pas dire que le FISAC est inadapté sans nous en donner les raisons.
Puisque vous nous dites que le FISAC est inadapté, allez jusqu’au bout : inadapté à quoi ? Inadapté à la ruralité ? Inadapté aux communes rurales ? Inadapté aux services de proximité ? Allez jusqu’au bout, dites carrément qu’il faut supprimer les communes et ne pas s’occuper de la ruralité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Martial Bourquin et Mme Cécile Cukierman applaudissent également.)
Et puis, il faudrait quand même que vous vous posiez une question, madame la secrétaire d’État, que tout le Gouvernement se la pose : même si je sais bien que le Sénat, par définition, c’est l’ancien monde, croyez-vous vraiment, alors que des élus d’opinions politiques aussi différentes, issus de territoires géographiques aussi différents, vous disent tous la même chose, que vous pourrez longtemps avoir raison toute seule, au nom d’une expertise sur laquelle vous n’êtes même pas capable de vous exprimer ?
Quand M. Bargeton nous annonce qu’il va s’abstenir, cela signifie qu’il n’est lui-même pas convaincu,…
M. Roger Karoutchi. Alors !
M. Dominique de Legge. … et Dieu sait qu’il est courageux, cet homme-là ! (Rires.) D’habitude, il vous soutient contre vents et marées !
M. Philippe Dallier. Pas toujours !
M. Dominique de Legge. On a même dit à l’instant que ce débat était déconnecté de la réalité. Mais qui est déconnecté, madame la secrétaire d’État, si ce n’est le Gouvernement, qui n’écoute que les experts et jamais les élus ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je commencerai par conseiller à notre collègue Julien Bargeton d’attendre la fin de nos débats, parce que nous n’en sommes qu’à la première mission.
M. Julien Bargeton. Vous dites ça à chaque fois !
M. Philippe Dallier. Attendez la fin pour juger de ce que le Sénat aura fait comme économies, mon cher collègue !
M. Julien Bargeton. Sur l’asile et l’immigration ?
M. Philippe Dallier. Oui, mais on l’assume ! Après, on peut ne pas être d’accord sur les postes budgétaires sur lesquels les économies sont possibles…
M. Julien Bargeton. Sur l’aide médicale de l’État ?
M. Philippe Dallier. Oui ! On ne va pas relancer Roger Karoutchi sur le sujet, même s’il en meurt d’envie (Sourires.),…
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
M. Philippe Dallier. … mais sur un milliard d’euros, et peut-être plus, il y a certainement quelque chose à revoir ! On fera les comptes à la fin de l’examen complet du budget.
M. Julien Bargeton. Moi aussi, je ferai les comptes !
M. Philippe Dallier. Un mot, maintenant, sur la déconnexion. S’il y a des gens déconnectés dans ce pays, c’est plutôt du côté de Bercy et du Gouvernement qu’il faut regarder ! Et toute l’actualité nous le démontre !
Bercy, que ce soit sous ce gouvernement ou les précédents, cherche des économies – on peut le comprendre –, mais il ne jure aujourd’hui que par le big is beautiful. Par définition, les services de Bercy pensent que plus on supprimera d’organismes, plus on constituera de grosses entités, plus on sera efficace et on fera des économies.
Pour nous, cela n’est pas nécessairement le cas : nous pensons que cette logique a parfois des conséquences malheureuses. Big is beautiful : des communautés de communes, des communautés d’agglomérations toujours plus grosses, des agences toujours plus grosses !
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Et vous pensez qu’au bout du compte, cette politique sera efficace ? Moi, je ne pense pas que la suppression du FISAC sera efficace. Je ne suis pas non plus persuadé que la fusion de l’EPARECA au sein de l’ANCT sera efficace, moi qui connais bien la politique de la ville.
Alors, nous verrons, mais, franchement, utiliser le terme de déconnexion en parlant du Sénat, en parlant de ceux qui siègent ici, alors que nous avons tous exercé des responsabilités à l’échelon local, dans la ruralité ou dans les banlieues, est malvenu ! Ceux qui sont déconnectés aujourd’hui, ce sont ceux qui sont aux manettes, et les Français vous le disent tous les jours ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Catherine Conconne et M. Martial Bourquin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. À tout pécheur miséricorde !
M. Roger Karoutchi. Pas toujours ! (Sourires.)
M. Jérôme Bascher. Comme vous le savez, j’ai travaillé quelques années au 139 rue de Bercy !
M. Julien Bargeton. Ah ! (Sourires.)
M. Jérôme Bascher. À cette époque, quand on cherchait des économies, car ce n’est pas nouveau, madame la secrétaire d’État, on regardait déjà en direction du FISAC.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Jérôme Bascher. Voilà la martingale, pensait-on déjà ! En réalité, vous commencez comme par hasard par le plus difficile, madame la secrétaire d’État, parce que l’opposition la plus dure à la disparition du FISAC, c’est au Sénat qu’on la trouve chaque année ! Vous le constatez, je peux aussi avoir des paroles aimables, même si je m’exprime toujours avec courtoisie.
M. Roger Karoutchi. J’espère ! (Sourires.)
M. Jérôme Bascher. Mais si cette aide a été maintenue depuis ce temps-là, c’est qu’il y a de bonnes raisons.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Jérôme Bascher. Dans les modèles macroéconomiques, c’est vrai que le FISAC, ça ne tourne pas : effectivement, on mesure mal l’efficacité de l’épicerie de quartier. Que dis-je, ce n’est pas le quartier, c’est la rue, le village, c’est le centre-bourg, c’est l’ancien chef-lieu de canton – bien qu’on ne sache plus très bien ce que sont les chefs-lieux de canton, mais ça existait et c’était extrêmement important.
Alors, c’est certain : on ne mesure pas la contribution du FISAC et de ces quelques millions d’euros à l’équilibre du territoire. Pourtant, je peux vous assurer, pour l’avoir vécu, que dans mon département de l’Oise qui, comme le département de Philippe Dallier, comprend à la fois des villes, des banlieues un peu compliquées et des villages, on a pu sauver une supérette, dont le maintien a lui-même contribué à faire venir une pharmacie, etc. Le FISAC est en réalité vecteur d’une petite dynamique.
Madame la secrétaire d’État, je suis obligé de reconnaître que je me suis trompé par le passé. Vous voyez, en disant cela, je vous fais gagner quelques années pour que vous rentriez directement dans l’ancien monde, dès aujourd’hui ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais préciser plusieurs points.
Premier point, ce que je viens de dire sur la trajectoire des finances publiques et sur les vingt dernières années n’est pas un simple effet d’annonce, c’est une conviction profonde ! D’ailleurs, je pense que si je vous interrogeais individuellement autour d’un café, on partagerait cette conviction.
M. Franck Montaugé. Non !
Mme Annie Guillemot. Pourquoi autour d’un café ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Aujourd’hui, la situation est quand même le fruit d’une histoire – qu’elle remonte plutôt à vingt ans ou à trente ans m’est égal, car je suis transcourant –, d’une évolution qui pèse aujourd’hui sur notre capacité à retrouver une trajectoire des finances publiques qui soit soutenable.
Deuxième point, je n’ai pas votre expérience des territoires ; je ne prétends pas l’avoir.
M. Martial Bourquin. Écoutez-nous, alors !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je vous écoute ! Mais il se trouve aussi que j’ai appartenu à une entreprise – je l’ai même dirigée – qui comptait 4 700 salariés. Si on enlève les 200 salariés présents dans des villes, les 4 500 autres travaillaient dans des territoires – pas uniquement français, d’ailleurs, car nous étions également implantés en Belgique, aux Pays-Bas ou encore en Suisse.
Ces employés étaient confrontés, au quotidien, à des problématiques d’école, de pharmacie, de médecins, etc. et je passais 40 % de mon temps – deux jours par semaine – sur le terrain. J’ai rencontré des élus, des maires, qui partageaient ces difficultés.
J’entends donc l’argument de la déconnexion, mais attention à ne pas trop opposer les uns aux autres ! Je ne suis pas certaine que ce soit la manière la plus constructive d’avancer !
Mme Sophie Primas. C’est votre positionnement !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Troisième point, si nous prenons cette décision, c’est précisément en lien avec une démarche de décentralisation, et non de centralisation.
M. Patrice Joly. Donnez des moyens à la décentralisation !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. D’accord, c’est perturbant ! Dès lors que l’on décentralise, les crédits ne transitent plus par l’État ; leur répartition repose sur un principe d’appels d’offres… Mais à quoi doit servir l’Agence nationale de la cohésion des territoires ?
Mme Cécile Cukierman. C’est la question !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. À cela ! On ne sait pas, dites-vous… Très bien ! Parlons-en ! Mais c’est bien à cela que doit servir l’Agence nationale de la cohésion des territoires !
Je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement n’a pas une préoccupation pour les territoires. Toute la démarche des territoires d’industrie, qui est complète, consiste à laisser la main aux régions et aux EPCI, et, nous, nous mettons les crédits pour les accompagner.
M. Patrice Joly. Lesquels ?
Mme Sophie Primas. On ne parle pas d’industrie, on parle de la boulangerie !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Ce que nous faisons, c’est la traduction de la décentralisation !
Mme Élisabeth Lamure. Transférez les moyens !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Est-ce que le FISAC, qui est centralisé au niveau de l’État, est un instrument de décentralisation ? Je ne peux pas partager une telle affirmation !
Ensuite, mesdames, messieurs les sénateurs, jugez-nous sur les actes ! Jugez-nous sur les actes ! Si, dans un an, l’Agence nationale de la cohésion des territoires ne fait pas le boulot, vous aurez raison de nous interpeller !
Mme Cécile Cukierman. La décentralisation, ce sont des moyens !
M. le président. Monsieur Jean-Marc Gabouty, l’amendement n° II-293 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Gabouty. Non, monsieur le président. Nous acceptons de le retirer au bénéfice des quatre amendements identiques.
M. le président. L’amendement n° II-293 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos II-27, II-40 rectifié, II-251 et II-292 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.) (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. L’amendement n° II-287, présenté par Mme Espagnac et M. Montaugé, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
30 000 000 |
|
30 000 000 |
|
Plan France Très haut débit |
|
|
|
|
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
|
15 000 000 |
|
15 000 000 |
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
|
15 000 000 |
|
15 000 000 |
TOTAL |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Cet amendement, que je présente à titre personnel, vient compléter les quatre amendements adoptés à l’instant – et je vous remercie tous de ce vote, mes chers collègues.
Nous vous l’avons rappelé, madame la secrétaire d’État, et je crois que vous le savez, cette maison est plutôt respectueuse et tout à fait prête à coopérer quand les idées sont bonnes. Si, comme vous nous le dites, l’Agence nationale de la cohésion des territoires est censée remplir la mission jusqu’à présent assumée par le FISAC, avec des crédits alloués pour cela, alors stabilisons les crédits !
Je remercie Jérôme Bascher de son honnêteté. Moi, je ne suis membre de cette assemblée que depuis 2011, mais, depuis 2011, ce sujet est ma marotte. Avant même que je sois nommée rapporteur spécial sur la mission, Bercy cherchait déjà à vider le FISAC ! Il faut se dire les choses !
Je ne demande qu’à vous croire, madame la secrétaire d’État. Ne vous connaissant pas, je vous fais, par principe, confiance. Vous nous annoncez un rendez-vous dans un an – en tout cas, je le souhaite. Soyez assurée que nous serons, les uns et les autres, présents à ce rendez-vous. Mais, de grâce, – je vais reprendre l’expression d’un de mes collègues –, si cette mission entre dans le périmètre de la future Agence nationale de la cohésion des territoires, pourquoi anéantir ces crédits ?
Vous voudrez bien m’excuser, mes chers collègues, mais je vais prendre l’exemple de mon département. Dans les Pyrénées-Atlantiques, l’opération « Action cœur de ville » a ciblé la préfecture et la sous-préfecture, Pau et Bayonne, soit deux communes de, respectivement, 80 000 habitants et 45 000 habitants. Mon département compte 547 communes ! Que font les autres ?
La remarque concernant l’accumulation des aides est très juste, mais celles-ci – et la réserve parlementaire en faisait partie – sont indispensables. Elles peuvent permettre de maintenir ou rouvrir un commerce de proximité, souvent le seul dans le village, et même de créer un point Poste, en partenariat avec La Poste.
Je suis très fière, pour ma part, d’avoir ouvert au fin fond des montagnes, dans un petit village dénommé Aydius, un commerce qui fait boulangerie, presse, restaurant, et qui est aussi un relais Poste. Il n’y avait plus rien ! Le village était en train de devenir un village fantôme ! Ce commerce lui a redonné vie, en relançant un peu d’activité, notamment touristique.
Je ne tomberai pas dans la facilité en évoquant les « gilets jaunes », mais vous savez, madame la secrétaire d’État, à quel point nos territoires se sentent oubliés.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir voter cet amendement, tendant à ajouter 30 millions d’euros au budget du FISAC. Nos territoires en ont besoin !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Il est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Primas. Pourquoi ?
M. Roger Karoutchi. Parce que !
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Je soutiens l’amendement n° II-287. J’ajouterai, pour compléter mes précédents propos, qu’on ne peut pas analyser l’intérêt du FISAC par le seul prisme du FISAC ! Cela a été très bien dit par certains de nos collègues.
Je peux citer un exemple très concret dans lequel, grâce au FISAC, il a été possible de mobiliser des fonds européens. Aujourd’hui, les aides versées aux commerçants et aux artisans sont, pour 20 %, issues de ce fonds et, pour 80 %, issues du programme LEADER – Liaison entre actions de développement de l’économie rurale.
Donc, il faut aussi mesurer l’intérêt du FISAC à travers l’effet de levier qu’il peut offrir s’agissant des aides apportées à la ruralité. (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je soutiens évidemment cette proposition et je veux vous dire, madame la secrétaire d’État, que je peine à comprendre votre raisonnement.
Qu’on veuille faire des économies, soit, et, pour répondre à Julien Bargeton, je partage assez largement la trajectoire financière du Gouvernement. Mais les économies doivent être recherchées au niveau des coûts de fonctionnement.
Prenons un exemple : la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement – ou DREAL – de la région Nouvelle-Aquitaine compte 1 100 agents ; si j’en crois certains préfets et sous-préfets, on doit pouvoir assurer la même mission avec, à peu près, la moitié de cet effectif. Voilà où il faut rechercher les économies, pas dans les crédits d’intervention, surtout si vous n’assurez pas la jonction avec la future Agence nationale de la cohésion des territoires !
Dites-nous que vous allez maintenir le FISAC jusqu’à la fin de l’année 2019 et la mise en place, dans le cadre de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, d’un autre dispositif. Pourquoi pas ?
Dites-nous que le FISAC a peut-être été mal cadré, qu’il aurait peut-être fallu modifier ses types d’intervention en direction des territoires ruraux pour éviter un peu d’éparpillement. C’est une critique que l’on peut entendre !
Dites-nous que le prochain dispositif sera plus opérationnel, plus rationnel, qu’il favorisera la décentralisation dès lors que les portes d’entrée de l’agence dans les départements seront les préfets.
Mais ne dites pas que vous entendez « couper », sans savoir ce que vous allez faire ensuite, qu’un dispositif se mettra certainement en place, mais qu’entre-temps, vous n’avez rien à nous proposer !
C’est la critique qu’on peut vous adresser, madame la secrétaire d’État, et c’est pour cette raison que je soutiens l’amendement de notre collègue Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Merci !
M. le président. L’amendement n° II–222, présenté par MM. Capus, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
29 800 000 |
|
29 800 000 |
|
Plan France Très haut débit |
|
|
|
|
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
|
|
|
|
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
|
29 800 000 |
|
29 800 000 |
TOTAL |
29 800 000 |
29 800 000 |
29 800 000 |
29 800 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Avant de présenter cet amendement, et puisque je ne suis pas intervenu dans les débats précédents, je souhaiterais vous confirmer, madame la secrétaire d’État, qu’il y a ici des gens de bonne volonté – souvent –, qui connaissent bien le terrain et possèdent une réelle expérience des territoires. N’hésitez pas à mettre cette expérience à votre service !
M. Jérôme Bascher. En amont !
M. Emmanuel Capus. Cela ne peut qu’être utile au Gouvernement !
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Emmanuel Capus. Cet amendement porte sur un tout autre sujet, l’activité de garantie de Bpifrance.
Celle-ci faisait traditionnellement l’objet d’un financement par le biais d’une dotation de l’action n° 20, Financement des entreprises, du programme 134. Cette action était abondée de 48 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement en 2018.
Or, dans la première version du projet de loi de finances pour 2019, le Gouvernement a, dans un premier temps, supprimé cette action, avant de proposer un amendement à l’Assemblée nationale visant à « rétablir une ligne symbolique de crédits au sein du programme 134 afin de maintenir un […] cordon ombilical reliant cette institution financière à la représentation nationale ».
Ce rôle de Bpifrance mérite plus qu’un cordon ombilical ! Il est d’autant plus essentiel que, si la distribution du crédit bancaire aux PME est satisfaisante, le taux d’accès au crédit des TPE reste toujours plus difficile, faute de garanties suffisantes à présenter par ces dernières.
Même si un contexte économique à nouveau plus porteur permet d’envisager que les banques acceptent de prêter à l’avenir, en réduisant quelque peu le niveau de leur garantie, l’existence d’un mécanisme de garantie de masse sur fonds publics relativement robuste reste essentielle pour porter une économie en croissance.
Il importe donc que Bpifrance conserve de réelles capacités d’action, en particulier à l’égard des TPE et PME. Entre 2013 et 2016, grâce à son activité de garantie, la banque a effectivement contribué à la mise en place de 24,2 milliards d’euros de financement, soutenant près de 640 000 emplois.
Compte tenu des contraintes de transferts de crédits, cet amendement tend donc à minorer l’action n° 02, Développement international de l’économie française, du programme 305 de 29,8 millions d’euros, pour ramener l’action n° 20 du programme 134 à hauteur des crédits effectivement consacrés en 2018 à cette activité, soit 39,8 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Chaque année, l’État verse une subvention à Bpifrance au titre de ses activités de garantie. Si cette subvention est supprimée en 2019, c’est, non pas parce que l’État se désengage de cette mission, mais parce que Bpifrance dispose, pour cette année, des fonds propres nécessaires au financement des garanties.
Bien évidemment, nous veillerons à ce que l’État continue d’intervenir dans l’hypothèse où Bpifrance n’aurait pas les moyens nécessaires pour ses activités de garantie, mais, dès lors qu’elle en dispose, l’amendement n’apparaît pas nécessaire.
La commission en demande donc le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être exposées – nous ne nous désengageons pas vis-à-vis de l’activité de garantie de Bpifrance ; nous constatons simplement que la banque dispose des crédits pour maintenir cette action en 2019 –, l’avis est défavorable.
M. le président. Monsieur Capus, l’amendement n° II-222 est-il maintenu ?
M. Emmanuel Capus. Au regard de ces explications, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-222 est retiré.
L’amendement n° II-202 rectifié ter, présenté par MM. Raison et Milon, Mme Morhet-Richaud, M. Mouiller, Mme M. Mercier, MM. Kern et Cornu, Mmes Procaccia et Vullien, MM. Longeot, Vaspart et Détraigne, Mme Gruny, MM. Bonhomme et Gilles, Mme Deromedi, M. Morisset, Mme Micouleau, MM. Daubresse, Le Gleut, Henno, Louault et Panunzi, Mme Bruguière, MM. Pierre et B. Fournier, Mmes Sollogoub, Imbert, Thomas et Chain-Larché, MM. Charon, Revet et Poniatowski, Mme Deroche, MM. Rapin, Longuet, Bonne, Savary et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. L. Hervé, Luche, Gremillet, Moga et Priou, Mme Lanfranchi Dorgal et MM. Darnaud, Pellevat et Genest, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
Plan France Très haut débit |
|
|
|
|
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Le présent amendement a pour objet d’augmenter les crédits du programme « Développement des entreprises et régulations », dans le but de revaloriser les crédits pouvant être attribués par le ministère de l’économie en faveur du développement du tourisme, en diminuant d’un montant équivalent les crédits de l’action n° 01, Infrastructure statistique, du programme « Statistiques et études économiques ».
Il consacre ainsi l’objectif du Gouvernement, rappelé lors de l’installation du conseil interministériel du tourisme, le 26 juillet 2017, de conforter la France dans sa place de première destination touristique mondiale, en portant le nombre d’arrivées touristiques à 100 millions de touristes internationaux à l’horizon de 2020.
Cette ambition – partagée par les signataires de l’amendement – impose naturellement une politique d’investissement ambitieuse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Cet amendement vise à débloquer 5 millions d’euros pour le développement du tourisme.
Le soutien de l’État au développement du tourisme et de l’activité est, bien évidemment, un objectif que nous partageons tous. Mais les crédits relatifs au secteur du tourisme ont été transférés, à partir de 2014, au ministère de l’Europe et des affaires étrangères et ne relèvent plus de la mission.
Je vous propose donc, ma chère collègue, de retirer votre amendement. Ce débat pourra avoir lieu, lors de l’examen en séance de la mission « Action extérieure de l’État ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je compléterai les propos de M. le rapporteur spécial en indiquant que la direction générale des entreprises, dont la mission est transversale, intervient bien auprès des entreprises du tourisme, notamment sur les sujets de numérisation, qui sont particulièrement prégnants dans ce secteur.
M. le président. Madame Morhet-Richaud, l’amendement n° II-202 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire… non sans regret ! Ce secteur a effectivement besoin d’être « boosté ».
M. le président. L’amendement n° II-202 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° II-146, présenté par M. M. Bourquin, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
3 200 000 |
|
3 200 000 |
|
Plan France Très haut débit |
|
|
|
|
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
|
|
|
|
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
|
3 200 000 |
|
3 200 000 |
TOTAL |
3 200 000 |
3 200 000 |
3 200 000 |
3 200 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Cet amendement de la commission des affaires économiques tend à maintenir le niveau actuel de la dotation budgétaire consacrée au soutien à la compétitivité des entreprises industrielles.
Le projet de loi de finances pour 2019 éteint les actions pilotées, en central, par le ministère, actions visant les filières et, tout particulièrement, les PME pour 3,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 4,98 millions d’euros en crédits de paiement.
Le choix de privilégier des actions menées en partenariat avec les régions et les CCI est louable, mais il ne peut avoir pour effet de diminuer l’enveloppe globale des moyens consacrés à la compétitivité des entreprises industrielles.
Par exemple, l’enjeu des pôles de compétitivité est essentiel. Le Gouvernement entend pourtant réduire fortement leur financement d’ici à 2022, ce qui conduirait à leur disparition.
L’amendement de la commission vise donc à augmenter la dotation budgétaire consacrée aux actions pilotées de manière décentralisée, en y reportant le montant dédié, en 2018, aux actions pilotées en central. Ainsi, l’enveloppe globale des actions menées restera inchangée par rapport à l’exercice 2018.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Les actions de soutien aux entreprises industrielles sont traditionnellement pilotées à un double niveau : en administration centrale via l’aide aux filières et au niveau déconcentré par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, en lien avec les régions et les pôles de compétitivité.
La réorganisation des services de l’État a conduit le Gouvernement à supprimer la ligne budgétaire de 3,2 millions d’euros consacrée aux opérations pilotées en central.
Une réorganisation des services n’implique pas forcément une diminution des crédits. Cet amendement vise donc à rétablir 3,2 millions d’euros de budget, en les affectant aux actions menées par les DIRECCTE, au niveau déconcentré. La commission y est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Il est défavorable, non pas parce que ces 5 millions d’euros seraient inutiles à la politique industrielle, mais pour deux raisons précises.
D’une part, des rapports d’évaluation de ces actions ont montré que celles-ci étaient assez peu efficaces.
D’autre part, nous utilisons d’autres leviers en matière de politique industrielle – je ne reviendrai pas sur la numérisation des PME, la démarche des territoires d’industrie ou encore toutes les actions qui seront pilotées au niveau de la direction générale des entreprises, en lien avec le Grand Plan d’investissement –, mais sans passer par le présent dispositif.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-250, présenté par M. Gay, Mmes Cukierman, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
1 400 000 |
|
1 400 000 |
|
Plan France Très haut débit |
|
|
|
|
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
|
|
|
|
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
|
1 400 000 |
|
1 400 000 |
TOTAL |
1 400 000 |
1 400 000 |
1 400 000 |
1 400 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Le présent amendement, travaillé et défendu par notre groupe à l’Assemblée nationale, reprend une proposition portée par les associations de protection des consommateurs.
Les crédits d’intervention concernant la protection des consommateurs, gérés par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, passent de 8,5 millions d’euros en 2018 à 7,5 millions d’euros dans ce projet de loi de finances pour 2019. Cette diminution de plus de 10 % des crédits, justifiée par un objectif global de maîtrise des dépenses publiques, remet en cause l’indépendance de ces associations.
Nous proposons donc d’augmenter légèrement les crédits d’intervention pour la protection économique du consommateur, dans le but de les remettre au niveau de 2017.
Pour ce faire, nous souhaitons majorer les crédits de l’action n° 24 du programme 134, « Développement des entreprises et régulations », de 1,4 million d’euros, somme qui serait transférée de l’action n° 01 du programme 305, « Stratégie économique et fiscale ».
Pour rappel, cette action n° 24 du programme 134 concerne les dépenses d’intervention à destination de l’Institut national de la consommation, l’INC, de quinze associations de consommateurs, du Centre européen des consommateurs France et du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie.
L’indépendance de ces organismes de protection des consommateurs vis-à-vis du monde économique est fondamentale. Elle leur permet d’informer, de conseiller et d’aider les consommateurs, dont elle représente les intérêts.
Or, cette indépendance est garantie par les financements publics. C’est pour cette raison, mes chers collègues, que nous vous proposons cette majoration.
M. le président. L’amendement n° II-26, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
1 000 000 |
1 000 000 |
||
Plan France Très haut débit |
|
|
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|
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
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|
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Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
1 000 000 |
1 000 000 |
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TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement tend à maintenir les dépenses d’intervention au profit des acteurs du monde de la consommation à leur niveau de 2018.
En effet, avant d’envisager une nouvelle réduction du montant des subventions disponibles pour l’écosystème de la consommation, il convient de procéder à un réexamen global de son organisation et du rôle respectif de chacun des intervenants.
Dans l’attente des résultats de ce réexamen, auquel la commission des affaires économiques entend procéder prochainement, il est proposé, par cet amendement, non pas d’augmenter, comme dans l’amendement du groupe CRCE, mais de maintenir le montant des crédits aux acteurs de la consommation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Nous partageons, bien évidemment, la proposition de maintien des subventions versées à l’écosystème de la protection du consommateur, qui sont en baisse depuis plusieurs années. La commission demande donc le retrait de l’amendement n° II-250, au profit de l’amendement n° II-26, sur lequel elle émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. L’action conduite par les associations de consommateurs est essentielle à la protection des consommateurs – nous sommes d’accord sur ce point. Toutefois, elle est aujourd’hui trop dispersée, entre quinze associations nationales et le Centre européen des consommateurs.
Cela emporte deux conséquences majeures. Il y a redondance dans les activités conduites par ces acteurs, notamment en matière d’information du consommateur, puisque tous ont un site internet et la plupart des publications papier, et en termes de formation des personnels, employés, salariés et bénévoles. Par ailleurs, peu d’associations disposent d’une surface suffisante pour contribuer concrètement, sur le terrain, à des actions de conseils et de représentation des consommateurs.
Ces différents éléments étaient à l’origine d’une utilisation des crédits publics, qui, insatisfaisante, ne pouvait pas perdurer, alors qu’il existe des gisements de synergies dans les territoires dont les subventions ont été préservées.
Cette démarche a été comprise des associations de consommateurs les plus modestes, puisque trois d’entre elles préparent pour 2019 leur fusion et la création d’une nouvelle association les regroupant, ce qui leur permettra d’optimiser la mutualisation de leurs moyens et, surtout, d’améliorer leur présence sur le territoire.
Parallèlement, la subvention de l’INC, dont les missions de service public ne sont plus totalement adaptées aux besoins des associations de consommateurs, ainsi que l’a constaté la Cour des comptes dans son rapport de 2016, a été réduite de façon plus importante.
Que faisons-nous, en fait ? Nous renforçons les subventions aux associations les plus présentes sur le territoire – elles augmentent de 5 % – et nous réduisons les subventions aux associations qui ne sont pas réellement présentes sur les territoires et dont nous estimons qu’elles doivent évoluer dans leur manière d’accompagner les consommateurs.
Par conséquent, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Plus nous avançons, et plus j’ai le sentiment que le débat budgétaire ne sert à rien !
Je ne vous vise pas particulièrement, madame la secrétaire d’État, mais les ministres se succèdent, et aucun n’a la moindre marge de manœuvre ! On leur a dit en sortant du bureau de ne pas lâcher un centime. Ils se présentent ici pleins de bonne volonté, mais ils ne lâchent pas un centime ! Même quand ils reconnaissent le caractère absolument admirable des propos tenus, ils disent non !
Alors il ne nous reste plus qu’à constater ce fait : nous disons oui ; ils disent non ; on vote, puis on s’en va ; on est contents d’avoir voté ; ils sont contents de n’avoir rien lâché… C’est surréaliste, mes chers collègues ! Nous devons retrouver un débat budgétaire qui offre un peu plus de marges de manœuvre !
Dans le cas présent, madame la secrétaire d’État, il n’est pas question de milliards d’euros. On demande simplement que les associations de consommateurs conservent les mêmes crédits que l’année dernière. Rien de plus, rien de moins !
Vous nous expliquez qu’il faut les regrouper et que certaines, d’ailleurs, s’apprêtent à fusionner… Tant mieux ! Qu’elles se regroupent ! Qu’elles fusionnent ! Qu’elles améliorent leurs services ! Mais leur annoncer dès le départ que l’on va réduire leurs crédits, même si, selon vous, cette baisse de crédits ne concerne que les acteurs les moins présents sur le territoire – ils s’empresseront de dire le contraire –, c’est, comme toujours, mettre la charrue avant les bœufs.
Il y a une exception, madame la secrétaire d’État : le secteur sur lequel je devrai rapporter dans quelques jours, l’audiovisuel public. Là, on m’explique que le périmètre va être totalement revu dans le cadre d’une grande loi à venir, mais que l’on ne touche pas à un centime d’un budget de 4 milliards d’euros.
Sincèrement, madame la secrétaire d’État, que les associations de consommateurs se regroupent, qu’elles s’attachent à mieux informer, c’est essentiel ! Combien de drames auraient pu être évités si les consommateurs avaient été plus et mieux informés ? Combien de difficultés avons-nous rencontrées dans bien des secteurs, alors que les associations de consommateurs avaient parfois tiré la sonnette d’alarme sans avoir forcément été entendues ?
Donc, maintenons les crédits en l’état ! Si les associations améliorent leur fonctionnement, nous ne pourrons que nous en féliciter. Mais n’envoyons pas ce signal, détestable pour les consommateurs, d’un niveau moindre de crédits affectés à leur information. Cela me paraît aberrant ! (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Mes chers collègues, à onze heures cinquante-six, ce vendredi 30 novembre 2018, je suis d’accord avec M. Roger Karoutchi ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Loïc Hervé. Il se passe des choses au Sénat !
M. Fabien Gay. Nous vivons de grands moments ! (Nouveaux sourires.)
M. Julien Bargeton. Accord historique en Île-de-France !
M. Fabien Gay. Je vais souscrire à la demande de M. le rapporteur spécial et retirer mon amendement.
Toutefois, madame la secrétaire d’État, vous demandez aux associations d’être plus présentes et vous allez leur retirer 1,4 million d’euros de crédits… Comment est-ce possible ? Je sais que vous et vos collègues êtes des magiciens, que vous demandez en permanence de faire plus, mieux, autrement avec moins de moyens – on l’a vu sur le logement. Mais, dans la vraie vie, cela ne fonctionne pas !
Par ailleurs, nos discussions budgétaires ne sont jamais coupées de la réalité. Nous avons connu, cette année, quelques scandales : celui du groupe Lactalis, par exemple. Et c’est au moment où cette question est posée sur la table que nous choisirions, en fin d’année, de réduire le budget des associations œuvrant pour la protection des consommateurs… Franchement, ce serait un mauvais signal !
Je retire l’amendement n° II-250, et je voterai – des deux mains – celui de Mme Élisabeth Lamure.
M. le président. L’amendement n° II-250 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° II-26.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° II-145, présenté par M. M. Bourquin, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
1 000 000 |
|
1 000 000 |
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Plan France Très haut débit |
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Statistiques et études économiques dont titre 2 |
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Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
|
1 000 000 |
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1 000 000 |
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Mme la secrétaire d’État a indiqué, dans une intervention précédente, que la baisse des crédits des CTI était liée à une hausse du financement du centre technique des industries de la fonderie par les taxes affectées. Je tiens à lui rappeler que la dotation budgétaire concerne différents CTI, notamment dans les secteurs forêt et filière du bois, construction, teinture, mode et textile. Certes, une hausse est prévue pour la fonderie, mais tous ces CTI, qui travaillent auprès de centaines d’entreprises, méritent d’être soutenus.
Notre amendement est simple : il vise à maintenir le niveau actuel de dotations budgétaires des centres techniques industriels et des organismes assimilés.
Le projet de loi de finances pour 2019 mène une double attaque contre les financements des CTI.
D’une part, il réduit de 1 million d’euros la dotation budgétaire des centres prévue au programme 134 de la mission « Économie ». Cette dotation, d’un montant de 8,95 millions d’euros pour 2019, a baissé de 40 % depuis 2017.
D’autre part, l’article 29 de la première partie réduisait le plafond des taxes affectées sectorielles, qui sont le principal mode de financement des CTI.
Hier, nous avons rejeté cette baisse de plafond.
Vous nous dites, madame la secrétaire d’État, que ces actions sont discutées : donnez-nous les éléments ! Nous n’avons rien à ce sujet. Nous devons maintenir la dotation budgétaire des CTI ; leur action est, selon nous, cruciale pour les PME industrielles. Ils diffusent, comme cela a été dit hier, le progrès technique et l’innovation auprès des entreprises de leur branche et les accompagnent dans la mise en œuvre de leur modernisation.
L’étranglement de leur financement serait lourd de conséquences pour le développement de nos entreprises, en particulier dans les territoires, y compris dans les territoires ruraux. Nous sommes donc convaincus qu’il est nécessaire – c’est l’objet de cet amendement – de conserver la dotation budgétaire des CTI à leur niveau de 2018, c’est-à-dire 9,95 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Cet amendement tend à majorer de 1 million d’euros les subventions aux centres techniques industriels et aux comités professionnels de développement économique.
Comme vous l’avez dit, mon cher collègue, il existe une quinzaine de CTI et de CPDE, dont l’utilité est véritablement importante pour le tissu économique et les filières, composés presque exclusivement de TPE et de PME.
Vous proposez donc de rétablir ce financement au même niveau que celui de l’an passé, à savoir 9,95 millions d’euros. Cependant, l’outil budgétaire n’est pas forcément le bon vecteur dans la mesure où le financement des CTI et des CPDE par subvention budgétaire a été progressivement remplacé par un financement au moyen de taxes affectées, suivant en cela la préconisation formulée en 2014 dans un rapport de Claudine Valter. Aujourd’hui, ces taxes représentent 90 % de leur financement. Une réflexion est par ailleurs en cours pour faire évoluer leurs missions et leurs modalités de financement.
Compte tenu de ces éléments, la commission émet un avis de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Sans doute n’ai-je pas été suffisamment claire.
Votre amendement vise à augmenter les crédits disponibles pour les CTI. Or, comme je vous l’ai indiqué, les crédits affectés au CTI fonderie ont en effet été réduits d’environ 800 000 euros, mais cette baisse a été compensée par un transfert de taxes. En réalité, l’opération est neutre. Cela ne signifie aucunement que le CTI fonderie aurait disposé de plus de moyens, tandis que les autres auraient vu les leurs diminuer.
Avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° II-284 rectifié, présenté par MM. Collin, Chaize et Delcros, Mme M. Filleul, M. Manable et Mme Morhet-Richaud, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
1 000 000 |
|
1 000 000 |
|
Plan France Très haut débit |
|
|
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|
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
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1 000 000 |
|
1 000 000 |
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Le Président de la République a lancé un grand chantier de la transformation numérique de notre pays afin de rendre accessible le numérique à tous nos concitoyens et de couvrir l’ensemble de nos territoires. Nous disposons de plusieurs leviers pour porter cette politique publique.
La Commission supérieure du numérique et des postes, ou CSNP, initiée par le président Larcher en 1990, fait partie de ces outils. Parmi ses missions, la commission veille au bon déploiement de la couverture mobile et du très haut débit, ainsi qu’au développement de la cybersécurité.
Elle exerce aussi un contrôle sur les opérateurs s’agissant de ses missions de service public.
Composée de sept députés, de sept sénateurs et de trois personnalités qualifiées, la commission est placée auprès du Gouvernement. Elle est ainsi l’autorité politique du secteur du numérique et des postes. Ses moyens de fonctionnement, alloués par le ministère de l’économie et des finances, sont aujourd’hui éparpillés et peu lisibles.
Aussi, afin de garantir la mise en œuvre des interventions de la commission dans une période où le secteur du numérique est fortement sollicité, il serait souhaitable que son budget soit rassemblé dans un même programme.
C’est l’objet de cet amendement.
Il s’agit aussi de sanctuariser ses moyens à hauteur de 1 million d’euros, pour permettre à ses membres d’appréhender pleinement et en toute indépendance la place nouvelle du numérique dans les territoires et sur le plan international.
M. Loïc Hervé. Bonne idée !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Nous parlions de proximité, et, de fait, la commission est vraiment très sensible à l’action de la CSNP et au dialogue qu’elle permet dans les territoires. Par conséquent, nous serions favorables au regroupement, au sein d’un même programme, des moyens budgétaires dont elle dispose. Néanmoins, nous ne disposons d’aucune information sur la manière dont serait affecté ce million d’euros supplémentaire que les auteurs de cet amendement proposent de lui attribuer.
Aussi, la commission s’en remet à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement est bien sûr attaché au fonctionnement de cette commission, qui est un lieu de débat et de dialogue très utile sur les politiques publiques dans le domaine des communications électroniques et des postes. D’ailleurs, la CSNP sera représentée au comité de suivi de haut niveau du contrat d’entreprise État-La Poste, que je préside cet après- midi.
La CSNP bénéficie d’une dotation générale de fonctionnement d’environ 30 000 euros pris sur le budget du ministère de l’économie et des finances. Celui-ci met également à sa disposition des bureaux. Par conséquent, il ne nous semble pas que, pour bien fonctionner, et comme elle l’a montré dans le passé, cette commission ait besoin d’un important budget propre. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Nous suivons l’avis du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. J’interviens en tant que membre de cette commission, qui joue effectivement un rôle très important.
Je vous rejoins sur un point : on peut discuter du montant total des crédits. Mais, malheureusement, et c’est bien le drame, il est impossible de les chiffrer dans leur ensemble étant donné qu’ils sont répartis sur une multitude de programmes. Autoriser une dépense, ce n’est pas forcément l’engager.
M. Julien Bargeton. Ah ?
M. Patrick Chaize. Il est important d’adresser un signal en regroupant au sein d’un même programme le budget de la CSNP, de manière qu’il puisse être affiné et, l’année prochaine, adapté aux besoins de celle-ci.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. La commission des finances ne peut pas émettre un avis favorable puisque nous ne savons pas où ces crédits de 1 million d’euros seraient affectés. Les auteurs de l’amendement nous disent que les moyens budgétaires de la CSNP sont éparpillés, et estiment souhaitable en conséquence de les regrouper en un seul programme. Dans ce cas, il aurait fallu le rédiger dans ce sens !
Sollicité, le Gouvernement émet un avis défavorable. Si j’ose dire, nous sommes obligés de le suivre. On peut considérer, en l’absence d’affectation comptable, qu’il s’agit davantage d’un amendement d’appel que d’un amendement appelant un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour explication de vote.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Je retire mon amendement, monsieur le président. Il faut toutefois que ce dossier avance et que le Gouvernement nous fournisse tous les éléments d’information pour pouvoir ensuite regrouper ces crédits au sein d’un programme unique.
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Vous avez lancé le débat.
M. le président. L’amendement n° II-284 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-64 rectifié bis, présenté par MM. Chaize, Vaspart, de Nicolaÿ, D. Laurent et Brisson, Mme Bruguière, MM. Perrin et Raison, Mme Morhet-Richaud, MM. Daubresse et B. Fournier, Mme Deromedi, MM. Lefèvre et Pellevat, Mmes F. Gerbaud et Lassarade, M. Sido, Mme Garriaud-Maylam, MM. Savary, Genest, Piednoir et Mandelli, Mme Di Folco, MM. Bascher et Revet, Mme Lanfranchi Dorgal et MM. Duplomb et J.M. Boyer, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
|
200 000 000 |
|
|
Plan France Très haut débit |
200 000 000 |
|
|
|
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
|
|
|
|
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
200 000 000 |
200 000 000 |
|
|
SOLDE |
0 |
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Le plan France Très haut débit, qui a été engagé en 2013, entre dans sa phase critique : environ 3,3 milliards d’euros ont été engagés par l’État afin de financer, en lien avec les opérateurs privés et les collectivités territoriales, le déploiement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire à l’échéance de 2022.
Au total, l’investissement global se monte à plus de 20 milliards d’euros, dont la majeure partie est assumée par le secteur privé. Le respect, par les opérateurs, de leurs engagements de déploiement est contrôlé par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, sur le fondement de l’article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques.
Toutefois, afin de financer la partie publique du réseau, les réseaux d’initiative publique, ou RIP, dont le développement incombe aux collectivités territoriales, le cas échéant en lien avec un prestataire privé, l’État apporte à ces dernières son concours financier pour permettre d’atteindre l’équilibre financier des projets. Il s’agit d’assurer l’égalité d’accès au très haut débit en garantissant le raccordement au réseau, y compris dans les zones les moins denses. C’est une action d’aménagement du territoire.
Afin d’aider les dernières collectivités à financer leur réseau, ou à le compléter, il est nécessaire que l’État puisse continuer à proposer des aides, via un guichet dédié de l’Agence du numérique. Ce guichet a malheureusement été fermé en début d’année.
L’Agence estime à environ 700 millions d’euros le besoin de financement résiduel nécessaire sur les années à venir afin de finaliser le réseau fibré. Par conséquent, il est proposé d’ouvrir dès cette année 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement, ce qui contribuera à adresser un signal aux collectivités et aux opérateurs et permettra d’engager de nouveaux projets.
Le solde de l’investissement pourrait être prévu dans le projet de loi de finances pour 2020.
Après avoir écouté tout à l’heure l’ensemble de nos rapporteurs lors de la discussion générale, je ne doute pas, mes chers collègues, que vous voterez cet amendement.
M. le président. L’amendement n° II-253, présenté par M. Fichet, Mme Espagnac, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville, Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
|
|
|
|
Plan France Très haut débit |
200 000 000 |
|
200 000 000 |
|
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
|
100 000 000 |
|
100 000 000 |
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
|
100 000 000 |
|
100 000 000 |
TOTAL |
200 000 000 |
200 000 000 |
200 000 000 |
200 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. La commission émet un avis de sagesse sur l’amendement n° II-64 rectifié bis et demande le retrait de l’amendement n° II-253.
À titre personnel, j’étais favorable à ce dernier. La participation de l’État au plan France Très haut débit, à hauteur de 3,3 milliards d’euros sur la période 2013-2022, ne suffira pas à assurer un financement à 100 % de la couverture en fibre optique du territoire. Il faut d’ores et déjà se poser la question de l’après-2022. Le ministre chargé de la ville et du logement, Julien Denormandie, a confirmé que l’État continuerait à accompagner les collectivités via les crédits du Grand Plan d’investissement. Mais quand et à quelle hauteur ? On évoque un montant total de 700 millions d’euros, dont 200 millions en 2020. Cet amendement vise à adresser un signal aux collectivités, qui ont besoin de prévisibilité, en débloquant dès à présent des crédits.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Ces amendements visent à augmenter les dépenses publiques, alors que, si je comprends bien, ce n’est pas nécessaire.
Je précise une nouvelle fois que le plan France Très haut débit est complètement financé pour 2019, et vous n’avez aucune inquiétude à avoir à ce sujet. Vous posez la question pour 2020. Le Gouvernement s’est engagé à apporter un financement complémentaire, a priori inférieur aux 700 millions d’euros que vous mentionnez et qui était le premier chiffre annoncé. Or, entre-temps, des négociations ont eu lieu qui ont permis d’obtenir de meilleures offres.
Le Gouvernement prend l’engagement d’inscrire dans le budget pour 2020 les crédits nécessaires. Pour nous, ce plan Très haut débit doit être mis en œuvre.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En première partie, nous avons eu un petit débat à l’occasion de l’examen d’un amendement déposé par notre collègue Patrick Chaize. Au nom de la commission des finances, j’avais alors émis un avis défavorable : je considérais non pas qu’il n’y avait pas un problème de financement, mais que celui-ci se posait pour 2020, date évoquée également par Mme la secrétaire d’État et comme le suggèrent eux-mêmes les auteurs de cet amendement et la rapporteur spéciale.
Inscrire des crédits de paiement dès à présent serait inutile, au risque qu’ils soient par la suite annulés par un décret d’avance. En revanche, on peut se poser la question sur les autorisations d’engagement, ce à quoi s’emploie l’amendement qui suit.
À chaque jour suffit sa peine : le budget est déjà très tendu, le Gouvernement prévoit un déficit de 99,1 milliards d’euros, alors ne le dégradons pas de 200 millions supplémentaires, crédits qui ne seraient de toute façon pas consommés et qui ne sont pas utiles à ce stade. La question se posera le moment venu.
À titre personnel, je voterai contre ces amendements.
M. Julien Bargeton. La voix de la sagesse…
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Madame la secrétaire d’État, vous dites que ces crédits ne sont pas nécessaires pour l’année 2019. C’est bien pourquoi je propose d’ouvrir ces crédits supplémentaires non pas en crédits de paiement, mais en autorisations d’engagement.
Je vous ai dit que les aides de l’État transitaient par un guichet dédié de l’Agence du numérique, guichet fermé depuis le 1er janvier, faute d’autorisations d’engagement de crédits. Globalement, tous les projets des collectivités sont aujourd’hui à l’arrêt, et celles-ci n’ont aucune visibilité.
M. Loïc Hervé. Exact !
M. Patrick Chaize. C’est dramatique. On est en train de créer une fracture numérique entre les territoires, entre les territoires les plus ruraux et les autres. On ne peut l’accepter.
L’ensemble des collectivités et l’ensemble des acteurs du plan France Très haut débit seraient satisfaits si l’on adressait un tel signal. Je le répète, il est question uniquement d’autorisations d’engagement. (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° II-253 n’a plus d’objet.
L’amendement n° II-68 rectifié, présenté par MM. Chaize, Vaspart, de Nicolaÿ, D. Laurent et Brisson, Mme Bruguière, MM. Raison et Perrin, Mme Morhet-Richaud, MM. Daubresse et B. Fournier, Mme Deromedi, MM. Lefèvre et Pellevat, Mmes F. Gerbaud et Lassarade, M. Sido, Mme Garriaud-Maylam, MM. Savary, Genest, Piednoir et Mandelli, Mme Di Folco, MM. Bascher et Revet et Mme Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
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Plan France Très haut débit |
10 000 000 |
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10 000 000 |
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Statistiques et études économiques dont titre 2 |
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10 000 000 |
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10 000 000 |
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
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TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement vise à abonder de 10 millions d’euros les autorisations d’engagement et les crédits de paiement du programme plan France Très haut débit du fait de son sous-dimensionnement. Il y a lieu en effet que ce programme soit doté des moyens lui permettant de prendre en charge les missions qui devraient lui incomber, par exemple le portage du référentiel national GraceTHD, référentiel utile à l’ensemble des acteurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous confirme que les crédits sont disponibles, que les dossiers sont instruits, que cette ligne budgétaire n’est aucunement sous-dotée. Si j’entends vos remarques et vos recommandations, je pense aussi qu’il n’est pas illégitime d’entendre, en particulier sur ce dossier, celles du Gouvernement, dont l’engagement ne souffre aucune ambiguïté.
Je précise aussi qu’aucun guichet financier n’a fermé. (M. Patrick Chaize s’exclame.) Les crédits sont simplement débloqués avec un décalage dans le temps, le temps d’instruire les dossiers. Il ne faut pas donner une image faussée du déploiement du plan France Très haut débit.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Madame la secrétaire d’État, excusez-moi, ce que vous dites est faux : aujourd’hui, aucune collectivité ne peut déposer un nouveau dossier pour compléter la desserte de son territoire en fibre optique. Je vous l’assure et suis prêt à en discuter avec vous, si vous le souhaitez.
Néanmoins, pour vous montrer ma bonne volonté, je suis prêt à retirer mon amendement. En contrepartie, j’attends que vous me garantissiez que des crédits sont prévus afin de répondre notamment aux besoins de référentiels, par exemple le logiciel GraceTHD, que portent les collectivités depuis de nombreuses années. Or elles attendent toujours de l’État les crédits y afférents.
Pendant trois ou quatre ans, les collectivités se sont substituées à l’État dans sa mission de coordination, de fédération des moyens. Elles ne peuvent plus le faire aujourd’hui, tandis que le Gouvernement n’indique pas si ces logiciels sont financés et si des crédits sont prévus à cet effet.
M. le président. Vous avez donc retiré l’amendement n° II-68 rectifié, mon cher collègue ?
M. Patrick Chaize. Je souhaite que Mme la secrétaire d’État nous indique d’abord si le logiciel GraceTHD sera financé !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je vais préciser les choses.
Le Gouvernement respectera son engagement de financement et de déploiement du plan France Très haut débit et tous les projets des collectivités locales sont finalisés.
M. Patrick Chaize. Non !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Mais si !
Vous connaissez mieux que moi la mécanique budgétaire : cela ne vous empêche pas de faire avancer vos dossiers ! Nous avons tous l’air surpris de découvrir le distinguo entre autorisations d’engagement et crédits de paiement. Le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux vous confirmeront que ce n’est pas un obstacle à la réalisation des projets.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. En la matière, il vaut mieux s’en tenir à ce que déclarait le rapporteur général : bien évidemment, dès lors que des crédits sont d’ores et déjà prévus à cet effet, la commission ne peut pas prononcer une sorte de « réserve » en vue d’une autre affectation. L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Dans cet hémicycle, Patrick Chaize est sans doute le meilleur spécialiste du très haut débit.
Modestement, élu du département le plus avancé en la matière et ayant présidé un syndicat mixte, je crois savoir de quoi il s’agit.
Aujourd’hui, clairement, les robinets sont fermés. Cela ne veut pas dire que les dossiers qui sont déposés ne sont pas instruits ; je parle des actions complémentaires. C’est de cela qu’il s’agit pour une part, madame la secrétaire d’État.
Ce que vient de dire Patrick Chaize est extrêmement important. Tout le monde ne sait pas forcément ce qu’est le logiciel GraceTHD ; disons que c’est un outil essentiel pour pouvoir se relier au très haut débit : sans lui, rien n’est possible. Madame la secrétaire d’État, nous vous demandons simplement de garantir que l’État fera le nécessaire en apportant les financements pour que ce logiciel, né d’une initiative des collectivités destinée à pallier l’absence de l’État, soit enfin opérationnel.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 76 sexies et 76 septies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Économie ».
Économie
Article 76 sexies (nouveau)
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa du I de l’article L. 546-1 est complété par les mots : « , et, pour les conseillers en investissements financiers et les conseillers en investissements participatifs, dans la limite de la contribution mentionnée aux i et k du 4° du II de l’article L. 621-5-3 que l’organisme reverse à l’Autorité des marchés financiers selon des modalités fixées par décret » ;
2° L’article L. 621-5-3 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– à la première phrase du 1°, après le mot : « déclaration », sont insérés les mots : « de franchissement de seuil, d’une déclaration d’intention, d’une déclaration d’une clause d’une convention d’actionnaires, » ;
– à la fin de la seconde phrase du même 1°, les mots : « du dépôt du document » sont remplacés par les mots : « de la publication de la déclaration » ;
– à la seconde phrase du 2°, après le mot : « jour », sont insérés les mots : « de la publication » ;
– le 3° est ainsi rédigé :
« 3° À l’occasion de la soumission par un émetteur, autre qu’un organisme de financement au sens de l’article L. 214-166-1 du présent code, d’un document d’information sur un programme d’émission, une émission, une cession ou une admission de titres de créances ou de contrats financiers au sens du II de l’article L. 211-1 donnant lieu au visa préalable de l’Autorité des marchés financiers en application de l’article L. 621-8, le droit dû, fixé par décret, est supérieur à 2 000 euros et inférieur ou égal à 10 000 euros. Il est exigible le jour du dépôt du document ; »
– la seconde phrase du 4° est supprimée ;
– le 5° est ainsi rédigé :
« 5° À l’occasion du dépôt auprès de l’Autorité des marchés financiers d’un dossier complet conforme aux articles L. 550-1 à L. 550-5, le droit dû, fixé par décret, est supérieur à 6 000 euros et inférieur ou égal à 15 000 euros. » ;
– les 6 ° et 7° sont abrogés ;
b) Le II est ainsi modifié :
– au premier alinéa du 1°, les mots : « d’une procédure d’offre publique d’acquisition, d’offre publique de retrait ou de garantie de cours » sont remplacés par les mots : « de toute offre publique » et, à la fin, sont ajoutés les mots : « , dans des conditions prévues par décret » ;
– à la première phrase du premier alinéa du 2°, la première occurrence du signe : « , » est remplacée par le mot : « ou », les mots : « , une admission aux négociations sur un marché réglementé ou un rachat de titres » sont remplacés par les mots : « de parts sociales ou de certificats mutualistes », les mots : « des instruments financiers, » sont supprimés et, à la fin, les mots : « lors de l’opération » sont remplacés par les mots : « émis ou cédés pendant la durée de validité du visa de douze mois à compter de la publication du visa » ;
– la seconde phrase du même premier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Son taux est fixé par décret et son montant ne peut être inférieur à 1 000 euros. Cette contribution est exigible à l’expiration du délai de validité du visa ; »
– les deux derniers alinéas du même 2° sont supprimés ;
– les 3° et 4° sont ainsi rédigés :
« 3° À l’occasion de la mise en œuvre d’un programme de rachat par un émetteur redevable de la contribution sur la capitalisation boursière prévue au II bis du présent article.
« Cette contribution est exigible le 1er janvier de chaque année et est assise sur le montant brut annuel des rachats effectués au cours de l’année civile précédente. Son montant ne peut être inférieur à 1 000 euros ;
« 4° Dans le cadre du contrôle des personnes suivantes, cette contribution est calculée comme suit :
« a) Pour les entreprises d’investissement et les établissements de crédit agréés en France au 1er janvier pour fournir au moins un service d’investissement mentionné à l’article L. 321-1, autre que celui mentionné au 4 du même article L. 321-1, ou habilités pour fournir le service connexe mentionné au 1 de l’article L. 321-2, la contribution est égale à un montant fixé par décret, supérieur à 30 000 euros et inférieur ou égal à 60 000 euros ;
« b) Pour les succursales d’entreprises d’investissement et d’établissements de crédit de pays tiers agréées en France au 1er janvier pour fournir au moins un service d’investissement mentionné à l’article L. 321-1 ou agréées pour fournir le service connexe mentionné au 1 de l’article L. 321-2, la contribution est égale à un montant fixé par décret, supérieur à 30 000 euros et inférieur ou égal à 60 000 euros ;
« c) Pour les entreprises d’investissement et les établissements de crédit habilités à fournir en libre établissement en France, au 1er janvier, au moins un service d’investissement mentionné à l’article L. 321-1 ou habilités à fournir le service connexe mentionné au 1 de l’article L. 321-2, la contribution est égale à un montant fixé par décret, supérieur à 20 000 euros et inférieur ou égal à 40 000 euros ;
« d) Pour les entreprises d’investissement et les établissements de crédit agréés en France pour fournir le service d’investissement mentionné au 4 de l’article L. 321-1, la contribution est fixée à un montant égal à l’encours des actifs gérés sous mandat, quel que soit le pays où les actifs sont conservés ou inscrits en compte, multiplié par un taux fixé par décret qui ne peut excéder 0,015 pour mille, sans pouvoir être inférieure à 1 500 euros. Les encours sont calculés au 31 décembre de l’année précédente ;
« e) Pour les sociétés de gestion de placements collectifs mentionnées à l’article L. 543-1 et les placements collectifs n’ayant pas délégué globalement la gestion de leur portefeuille au sens des articles L. 214-7-1 et L. 214-24 agréés en France, la contribution est fixée à un montant égal à l’encours des parts, des actions ou des titres de créance émis par les placements collectifs de droit français et de droit étranger et les fonds d’investissement de droit étranger, et des actifs gérés sous mandat, quel que soit le pays où les actifs sont conservés ou inscrits en compte, multiplié par des taux fixés par décret qui ne peuvent excéder 0,015 pour mille, sans pouvoir être inférieure à 1 500 euros. Les encours sont calculés au 31 décembre de l’année précédente.
« Par dérogation au premier alinéa du présent e, pour les personnes morales qui gèrent des fonds d’investissement alternatifs mentionnés au 3° du III de l’article L. 214-24, la contribution est égale à un montant fixé par décret, supérieur à 1 000 euros et inférieur ou égal à 2 000 euros ;
« f) Pour les sociétés de gestion mentionnées aux articles L. 532-20-1 et L. 532-21-3, la contribution est fixée à un montant égal à l’encours global des parts ou des actions des organismes de placement collectif en valeurs mobilières ou fonds d’investissement alternatifs de droit français qu’elles gèrent, multiplié par un taux fixé par décret qui ne peut excéder 0,015 pour mille, sans pouvoir être inférieure à 1 500 euros. Les encours sont calculés au 31 décembre de l’année précédente ;
« g) Pour les sociétés de gestion qui gèrent des organismes de placement collectif en valeurs mobilières ou des fonds d’investissement alternatifs et qui sont habilitées à fournir en libre établissement en France, au 1er janvier, au moins un service d’investissement mentionné à l’article L. 321-1, la contribution est égale à un montant fixé par décret, supérieur à 20 000 euros et inférieur ou égal à 40 000 euros. Ce montant est acquitté une seule fois lorsque la société de gestion gère à la fois des organismes de placement collectif en valeurs mobilières et des fonds d’investissement alternatifs ;
« h) Pour les dépositaires centraux, entreprises de marché et chambres de compensation d’instruments financiers, la contribution est fixée à un montant égal à leur produit d’exploitation réalisé au cours de l’exercice précédent, multiplié par un taux fixé par décret qui ne peut dépasser 0,9 % ;
« i) Pour les administrateurs d’indices de référence mentionnés au 6 du 1 de l’article 3 du règlement (UE) 2016/1011 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d’instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d’investissement et modifiant les directives 2008/48/CE et 2014/17/UE et le règlement (UE) n° 596/2014, lorsqu’ils ne sont pas soumis au paiement d’une contribution au titre d’une autre disposition du présent article, la contribution est égale à un montant fixé par décret, supérieur à 400 euros et inférieur ou égal à 1 500 euros ;
« j) Pour les prestataires de services de communication de données, lorsqu’ils ne sont pas soumis au paiement d’une contribution au titre d’une autre disposition du présent article, la contribution est égale à un montant fixé par décret, supérieur à 400 euros et inférieur ou égal à 1 500 euros ;
« k) Pour les conseillers en investissements financiers, la contribution est égale à un montant fixé par décret, supérieur à 400 euros et inférieur ou égal à 1 000 euros ;
« l) Pour les conseillers en investissements participatifs, la contribution est égale à un montant fixé par décret, supérieur à 400 euros et inférieur ou égal à 1 000 euros. » ;
c) Le II bis est ainsi modifié :
– à la première phrase, la dernière occurrence du mot : « réglementé » est supprimée ;
– à la deuxième phrase, le montant : « 300 000 € » est remplacé par le montant : « 460 000 € » ;
– à la dernière phrase, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « six » ;
3° L’article L. 621-5-4 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) À la fin de la seconde phrase du même premier alinéa, sont ajoutés les mots : « de Paris » ;
c) Au début de la première phrase du troisième alinéa, sont ajoutés la mention et les mots : « II. – Lorsqu’un avis de paiement est requis, » ;
d) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les autres cas, à l’exception des conseillers en investissements financiers et des conseillers en investissements participatifs, le montant est majoré du taux d’intérêt légal mensualisé par mois de retard à compter du premier jour suivant la date limite de paiement, tout mois entamé étant compté en entier. » ;
e) Au début du cinquième alinéa, est ajoutée la mention : « III. – » ;
f) au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « IV. – » ;
g) La première phrase du même dernier alinéa est ainsi rédigée : « Les services de l’Autorité des marchés financiers peuvent contrôler les déclarations. »
M. le président. L’amendement n° II-41, présenté par M. Lalande et Mme Espagnac, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
1° Le I de l’article L. 546-1 est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, le montant : « 250 € » est remplacé par les mots : « 250 euros et, pour les conseillers en investissements financiers et les conseillers en investissements participatifs, de la contribution mentionnée aux k et l du 4° du II de l’article L. 621-5-3, que l’organisme reverse à l’Autorité des marchés financiers selon des modalités fixées par décret » ;
b) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « d’inscription » sont supprimés.
II. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
après le mot : « déclaration », sont insérés les mots : « de franchissement de seuil, d’une déclaration d’intention, d’une déclaration d’une clause d’une convention d’actionnaires, »
par les mots :
les mots : « des articles L. 233-7 ou L. 233-11 du code de commerce » sont remplacés par les mots : « du II ou du VII de l’article L. 233-7 du code de commerce ou de l’article L. 233-11 du même code »
III. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
– au 2°, à la première phrase, après les mots : « offre publique », sont insérés les mots : « mentionnée au I de l’article L. 433-1 et au 3° du I de l’article L. 433-4 » et, à la seconde phrase, après les mots : « le jour », sont insérés les mots : « de la publication » ;
IV. – Alinéa 9
Remplacer les mots :
de titres de créances ou de contrats financiers au sens du II
par les mots :
d’instruments financiers mentionnés au 2 du II ou au III
V. – Alinéa 12
Remplacer les mots :
d’un dossier complet
par les mots :
des projets de documents d’information et de contrat type mentionnés à l’article L. 550-3
VI. – Alinéa 15
Après les mots :
toute offre publique
insérer les mots :
mentionnée aux articles L. 433-1 à L. 433-5
VII. – Alinéa 16
Après les mots :
première phrase du premier alinéa du 2°,
insérer les mots :
après le mot : « émetteur », sont insérés les mots : « , à l’exception des placements collectifs mentionnés à l’article L. 214-86, »
VIII. – Alinéa 17
Après les mots :
fixé par décret
insérer les mots :
et ne peut excéder 0,25 pour mille
IX. – Alinéa 21, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Son taux est fixé par décret et ne peut excéder 0,25 pour mille.
X. – Alinéa 23
Après les mots :
ou habilités
insérer les mots :
à la même date
XI. – Alinéa 24
Après les mots :
ou agréées
insérer les mots :
à la même date
XII. – Alinéa 25
Après les mots :
ou habilités
insérer les mots :
à la même date
XIII. – Alinéa 33
Après le mot :
données
insérer les mots :
mentionnés à l’article L. 549-1
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Dans le cadre de la refonte des droits et contributions perçus par l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, le présent amendement vise, premièrement, à plafonner le taux de l’ensemble des contributions pour lesquelles le taux est fixé par décret, afin de garantir leur constitutionnalité ; deuxièmement, à exclure les sociétés civiles de placement immobilier, les sociétés d’épargne forestière et les groupements forestiers d’investissement de la contribution due en cas d’émission de parts sociales, dès lors que ces dernières sont déjà soumises à une contribution sur la base de leurs encours ; troisièmement, enfin, à apporter diverses corrections et précisions rédactionnelles.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. En effet, il permet d’améliorer la rédaction de l’article, en renforce la sécurité juridique en fixant dans la loi le taux plafond de l’ensemble des contributions pour lesquelles le taux est fixé par décret.
M. le président. L’amendement n° II-42, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa et un paragraphe ainsi rédigés :
4° L’article L. 621-5-5 est abrogé.
… - L’Autorité des marchés financiers peut recevoir des contributions versées à titre volontaire par des associations professionnelles dans le cadre des conventions en cours au 1er décembre 2018, conformément aux règles prévues à l’article L. 621-5-5 du code monétaire et financier dans sa rédaction en vigueur à cette date, et ce jusqu’au terme desdites conventions.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En matière fiscale et en matière budgétaire, l’imagination est sans limite : la loi de finances pour 2018 a inventé un nouveau mécanisme aux termes duquel l’Autorité des marchés financiers est autorisée à percevoir des « contributions volontaires » versées par les associations professionnelles représentant les personnes soumises à son contrôle, et ce en vue du financement de projets d’intérêt commun.
Cet amendement vise à supprimer ce mécanisme pour l’avenir, un mécanisme auquel la commission des finances s’était fermement opposée. Sachez d’ailleurs, madame la secrétaire d’État, que la Cour des comptes vient également d’en demander la suppression.
On pourrait d’ailleurs remplacer tous les impôts par des contributions volontaires, mais je ne suis pas sûr que cela marcherait… (Sourires.)
L’objectif sous-jacent consistait manifestement à détourner le mécanisme de plafonnement des taxes affectées, dès lors que le dispositif comportait par ailleurs la possibilité de moduler à la baisse le taux de la contribution légale des acteurs concernés.
Surtout, ce mécanisme paraissait incompatible avec le statut d’autorité publique indépendante de l’AMF, dès lors qu’il implique pour cette dernière de négocier des financements de gré à gré avec des acteurs qu’elle a pour mission de réguler, de contrôler et de sanctionner.
En résumé, on a demandé à l’AMF de solliciter les personnes qu’elle devait contrôler pour financer ses investissements informatiques – c’est un peu ennuyeux.
L’autorité, avec laquelle nous sommes en contact régulier, a indiqué ne pas être opposée à la suppression du mécanisme, sous réserve de ne pas remettre en cause les conventions déjà signées, ce qui aurait effectivement un effet très déstabilisateur sur son financement – ce qui explique la précision que nous apportons concernant les conventions déjà signées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement fait une lecture différente de votre amendement, qui, selon nous, tend à remettre en cause les conventions qui ont déjà été signées. Nous y sommes donc défavorables.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je vous invite à relire notre amendement, qui précise bien que ce mécanisme peut perdurer « jusqu’au terme desdites conventions ». Cela protège les conventions en cours.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Sagesse ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 76 sexies, modifié.
(L’article 76 sexies est adopté.)
Article 76 septies (nouveau)
En 2019, il est opéré un prélèvement sur les ressources accumulées de l’établissement public Bpifrance mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement à hauteur de l’intégralité des ressources disponibles et libres de tout engagement du fonds de modernisation de la restauration mentionné au VIII de l’article 22 de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.
Ce prélèvement est affecté à la filiale agréée en tant qu’établissement de crédit de la société anonyme Bpifrance mentionnée au IV de l’article 6 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 précitée, au titre de la mission mentionnée au 1° du I du même article 6.
Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à ce reversement sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires. – (Adopté.)
compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés |
50 050 000 |
325 050 000 |
Prêts et avances pour le logement des agents de l’État |
50 000 |
50 000 |
Prêts pour le développement économique et social |
50 000 000 |
50 000 000 |
Prêts et avances pour le développement du commerce avec l’Iran |
0 |
0 |
Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle |
0 |
275 000 000 |
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Outre le FISAC et tout ce dont on a déjà parlé, votre mission, madame la secrétaire d’État, comprend le commerce extérieur, qui a fait l’objet d’un article du Canard enchaîné cette semaine. Dans ce secteur, vous avez parlé de regroupement. Je voudrais donc, comme l’année dernière, faire un état des lieux de la dispersion de nos troupes.
Parmi les autorités étatiques, vous trouvez une Commission nationale de la coopération décentralisée, un délégué pour l’action extérieure des collectivités territoriales, flanqué d’une délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales, ainsi qu’une mission opérationnelle transfrontalière chargée de conduire trois missions, dans un dialogue avec les autorités nationales et européennes. Vous trouvez également beaucoup de moyens dispersés dans des cofinancements multiples, dont un programme appelé « NUTS » – ça ne s’invente pas… Vous trouvez en outre des programmes de coopération territoriale – France-Espagne-Andorre, France-Belgique, Deux Mers, Rhin supérieur, France-Angleterre, Grande Région, Espace alpin, Espace atlantique, Espace méditerranéen –, ainsi qu’un fonds d’urgence humanitaire, des politiques de développement, des instruments de coopération territoriale. À tout cela s’ajoutent les outils de l’Association des maires de France, de l’Assemblée des départements de France et du Conseil des communes et régions d’Europe.
Tous travaillent « sur l’assistance de nos entreprises » à l’exportation. Vous le voyez, la maison France marche en ordre dispersé.
Par ailleurs, figure à l’état D une ligne « Prêts et avances pour le développement du commerce avec l’Iran ». Dans ce domaine, il faut absolument abonder un fonds européen. C’est un problème de souveraineté de notre économie par rapport au dollar roi et à la politique américaine. Aujourd’hui, c’est l’Iran. Demain, avec un président des États-Unis totalement imprévisible, ce sera peut-être un autre pays… Nos entreprises sont fragilisées, mais il y a plus grave : notre souveraineté est menacée. C’est pourquoi il faut absolument travailler sur des outils de protection à l’export.
M. le président. L’amendement n° II-249 rectifié bis, présenté par Mme Létard, M. D. Dubois, Mmes Loisier, Férat et Sollogoub, MM. Longeot, Janssens et Mizzon, Mmes de la Provôté, Vullien, Morin-Desailly et Billon, M. L. Hervé, Mmes Joissains et Perrot, MM. Moga, Détraigne et Lafon, Mme C. Fournier et MM. Médevielle et Cigolotti, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Prêts et avances pour le logement des agents de l’État |
|
|
|
|
Prêts pour le développement économique et social |
|
|
50 000 000 |
|
Prêts et avances pour le développement du commerce avec l’Iran |
|
|
|
|
Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle |
|
|
|
50 000 000 |
TOTAL |
|
|
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Le programme 862, « Prêts pour le développement économique et social », permet à l’État d’octroyer des prêts ponctuels, via le Fonds pour le développement économique et social, le FDES, aux entreprises en restructuration et rencontrant des difficultés à accéder au marché du crédit. L’intervention de l’État en faveur d’entreprises structurellement viables mais confrontées à des difficultés temporaires d’accès au crédit est indispensable pour certains secteurs d’activité en difficulté et pour les territoires particulièrement touchés par la désindustrialisation.
Dans le projet de loi de finances pour 2019, le Gouvernement a décidé de diviser par deux le montant réservé au FDES. Alors que la situation économique de nos entreprises est encore fragile, il ne semble ni raisonnable ni réaliste d’opérer cette importante diminution des fonds dédiés au FDES. Cet amendement vise donc à revaloriser les crédits de paiement du programme « Prêts pour le développement économique et social » de 50 millions d’euros, afin d’obtenir le même montant budgétaire que pour l’année 2018. Le soutien aux entreprises par le FDES ne peut pas être une source d’économie budgétaire.
Cette mesure ne mettra pas en péril les finances de l’État. Elle montrera que celui-ci est au rendez-vous pour accompagner des projets industriels. J’ai cité un exemple précédemment, mais il y en a d’autres – comme moi, vous avez lu la presse, madame la secrétaire d’État ! Je pense notamment à Vallourec. Si, demain, des repreneurs viennent taper à la porte, il y a bien sûr la BPI et d’autres opérateurs, mais cela ne suffit pas. On en a l’exemple avec Ascoval.
Vous avez des porteurs de projets qui, après avoir fait l’objet d’études par des cabinets qui ont été mandatés par le ministère lui-même, sont reconnus comme solides, fiables et qui mettent énormément de moyens au pot, vous avez des collectivités au rendez-vous, mais l’État, avec ses outils que sont la BPI et le FDES, est le seul qui manque dans le tour de table. Qu’arrivera-t-il demain si les crédits du FDES ne sont plus au même niveau qu’en 2018 ? Vous me direz que ces crédits ne sont pas toujours utilisés, mais, dans ce cas, que propose-t-on aux repreneurs ? Si on leur demande d’émarger au FDES à des taux d’intérêt supérieurs aux taux bancaires, mais que, derrière, l’absence du FDES montre que le Gouvernement ne croit pas au projet, comment les banques viendront-elles ?
Comme pour le FISAC, quand il manque un élément au dispositif, malheureusement, cela met en péril des projets pourtant solides, qui permettraient d’éviter des licenciements et, mieux encore, de préserver une filière compétitive. (Mme Viviane Artigalas, MM. Jérôme Bascher, Martial Bourquin et Loïc Hervé applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Nous adhérons à vos propos, ma chère collègue. Mieux, nous les soutenons. Néanmoins, transférer les 50 millions d’euros destinés au financement du CDG Express vers le Fonds de développement économique et social reviendrait à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Je rappelle que, l’année dernière, les crédits du FDES ont été utilisés à hauteur de 91 millions d’euros – dont 90 millions d’euros en faveur de Presstalis –, contre 138 000 euros en 2017.
En cas de sinistre industriel, l’État peut toujours demander des crédits supplémentaires, ce dont le Parlement souhaiterait être informé.
La commission des finances a émis un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. L’avis est défavorable, pour la même raison que celle avancée par la commission.
Le dossier que vous évoquez illustre bien les limites du FDES, dont l’intervention peut être considérée comme une aide d’État. À cet égard, le secteur de la métallurgie est particulièrement sous l’œil de l’Union européenne. Pourquoi ? Parce que cette filière est également sous pression dans les autres pays. Il est donc légitime que chaque acteur veuille jouer avec les mêmes règles. Ce n’est pas de la bureaucratie, c’est juste une question d’équité.
De plus, ce dossier ne fait l’objet d’aucun financement privé. C’est la raison pour laquelle nous avons un peu de mal à avancer.
Mme Valérie Létard. Et les fonds propres, ce n’est pas du financement privé ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Pour le moment, madame la sénatrice, 10 millions d’euros sont garantis.
Cela étant, ce n’est pas le débat aujourd’hui. Je veux juste montrer qu’il faut faire attention, car le FDES a des limites. Pour qu’il puisse intervenir, il faut prouver qu’il y a un financement privé correspondant exactement aux mêmes caractéristiques. À défaut, le financement sera requalifié en aide d’État, et il faudra rembourser,…
M. Julien Bargeton. C’est vrai !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. … ce qui serait pour le moins embêtant dans un dossier concernant 280 familles.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Tout est une question d’interprétation de la réglementation européenne. Vous le savez, madame la secrétaire d’État, à chaque fois qu’un dossier arrive à Bercy, il y a de très nombreux débats à ce sujet. Mais on peut quand même s’interroger sur la faible utilisation du FDES. Quel en est le motif ? Qui a raison ? Qui a tort ?
Vous nous dites que ces crédits peuvent être requalifiés en aide d’État. En Allemagne – c’est bien un pays membre de l’Union européenne ! –, les fonds propres et les apports d’un repreneur sont considérés comme des fonds privés. L’interprétation de l’État français est ultra-restrictive. En plus, on demande aux repreneurs, lorsqu’ils sollicitent le FDES, d’émarger à des taux d’intérêt tellement élevés qu’on finit par les décourager. Si le FDES ne peut pas être utilisé, car trop dangereux au regard des aides d’État, quelles sont les autres solutions ?
Au regard de cet exemple précis, mais d’autres cas vont arriver, je le redis, et sur tous les points de notre territoire national, il est plus qu’urgent de maintenir ces crédits. On le voit, cette année, ils vont être consommés. Ils sont utiles ! Ils sont attendus ! S’ils manquent au tour de table dans un projet aussi significatif que celui dont nous parlons ou dans ceux qui ne manqueront pas d’arriver, nous aurons un vrai souci.
En l’état actuel des choses et faute d’éléments nous indiquant que des solutions se trouvent entre les mains de l’État, je demande le maintien des crédits à leur niveau de 2018. Nous en aurons besoin !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je vais évidemment soutenir l’amendement de Valérie Létard.
En fait, de quoi souffrons-nous ? On l’a vu hier avec l’article d’équilibre et on le voit ce matin, nous manquons d’évaluations. On a je ne sais combien de mesures qu’on modifie au doigt mouillé d’une année sur l’autre. Pour le FISAC, par exemple, vos services, madame la secrétaire d’État, auraient pu nous en dire plus sur les emplois directs et indirects, sur la répartition des aides. C’est la même chose pour le haut débit ou la fibre.
Il faut absolument que vos services, ou d’autres d’ailleurs, intègrent cette culture de l’évaluation. Les chiffres que vous avancez auraient ainsi un réel fondement. En outre, cela nous permettrait d’éviter des amendements dont le Gouvernement ne veut pas et de pouvoir soutenir ceux qui auraient du sens.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Nous soutiendrons l’amendement de Valérie Létard, parce qu’il est justifié. Notre collègue a cité plusieurs entreprises du Nord en grave difficulté. En Bourgogne-Franche-Comté, plusieurs entreprises sont aussi sur la sellette et auront besoin de moyens d’intervention.
On nous dit qu’il n’y a pas de capitaux privés. Mais sans un fort engagement de l’État, ils ne viendront pas, faute de signal. Lorsque PSA était en difficulté, imaginez que l’État n’ait pas montré l’exemple ? En prenant 13 % du capital, il a entraîné Dongfeng avec lui. L’action, qui valait 70 euros et qui était descendue à 4 euros, a remonté. Grâce à de bons produits bien sûr, mais surtout grâce à une recapitalisation, on a réussi à redresser l’un des plus grands groupes automobiles français. Maintenant, son chiffre d’affaires est plus important que celui de Volkswagen.
L’État doit être stratège ! Il doit mouiller la chemise et donner l’exemple ! Il ne doit pas se contenter d’attendre : il faut qu’il soit moteur ! À cette fin, les crédits d’intervention seront bien utiles.
Outre les grands groupes, il y a aussi beaucoup de PME et d’ETI qui sont en grave difficulté. Attentions à ne pas les laisser partir – je pense à Ascoval et à d’autres entreprises –, sinon les savoir-faire quasi uniques sur notre territoire qu’elles possèdent, vous ne les retrouverez plus ! Je pense à une entreprise d’Ornans, dans le Doubs, que nous avons visitée avant-hier avec Olivier Marleix et qui craint une fermeture. Si vous voyiez le nombre d’activités qui ne se font plus qu’en Chine en raison de l’abandon de la fonderie et de certaines activités professionnelles !
Il est très important que l’État maintienne le niveau de ces crédits, qu’il soit un État stratège et qu’il fasse de l’industrie sa priorité. Il n’est pas de grande nation sans un socle industriel puissant !
M. Jean-François Husson, vice-président de la commission des finances. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Je partage tout à fait ce qui vient d’être dit sur l’ensemble des travées concernant ce fonds, qui est absolument nécessaire, en particulier pour les entreprises en phase de développement qui rencontrent des difficultés, souvent ponctuelles, mais qui peuvent être décisives pour leur avenir.
Je suis également d’accord avec notre collègue Nathalie Goulet au sujet de l’évaluation. Voilà quelques mois, nous avons adopté au Sénat deux textes concernant l’évaluation des politiques publiques. Il faut encore aller plus loin, car les mesures que nous avons adoptées à l’unanimité représentent un pas intéressant, mais pas suffisant. L’évaluation, ex ante et ex post, de l’ensemble des textes que nous votons, qu’il s’agisse de propositions de loi ou de projets de loi, doit absolument devenir pour nous, parlementaires, une seconde nature.
Nous fabriquons la loi, nous contrôlons le Gouvernement, plus ou moins bien, avec les moyens dont nous disposons, mais nous sommes complètement absents du troisième rôle que la Constitution de la Ve République nous confère, à savoir l’évaluation des politiques publiques. Je pense que l’on réconciliera les Français avec la politique le jour où nous serons capables de les associer à cet acte d’évaluation ex ante et ex post. Il y va de la crédibilité de notre activité de parlementaire.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Nous aussi, nous allons soutenir cet amendement de notre collègue Valérie Létard pour deux raisons.
Tout d’abord – mes deux collègues précédents l’ont dit bien mieux que moi –, il faut parfois une intervention de l’État, notamment pour nos PME et ETI. Autrement, ce sont des savoir-faire qui s’en vont. Après, je ne vous cache pas que nous avons un deuxième débat : comment cet argent est utilisé par les entreprises. Je vous le dis, ce débat, on ne le lâchera pas ! En attendant, si c’est pour sauvegarder l’emploi et des savoir-faire – Mme Létard a cité Ascoval et M. Bourquin a parlé de PSA, mais on pourrait en citer d’autres –, il n’y a pas de problème.
Ensuite, je voterai l’amendement des deux mains, parce que le gage est très bon : 50 millions d’euros pris sur le Charles-de-Gaulle Express ! Je regrette juste de ne pas avoir déposé un amendement pour prévoir que, les 225 millions d’euros restants, on les utilise pour améliorer le RER B, ce qui aurait été bien plus utile.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je suis tenté de voter cet amendement, à moins que vous nous disiez, madame la secrétaire d’État, que les dossiers déposés auprès du FDES sont tellement faibles et limités que, 50 millions d’euros, ça suffit et que, donc, diviser par deux les crédits du FDES pour 2019, ce n’est pas un problème.
En même temps – je sais bien que cette expression est devenue très à la mode –, je partage pleinement la vision du Président de la République, même si je ne suis pas d’accord avec lui sur un certain nombre de sujets, sur la nécessité de retrouver une force, une vocation industrielle pour notre pays. Cette force et cette vocation, j’ai eu l’occasion de les voir en Île-de-France lorsque je présidais la commission des finances de la région. Parfois cela ne me plaisait guère, mais nous aidions des entreprises à se restructurer, à redémarrer, et nous avons eu pas mal de succès – quelques échecs aussi, je le reconnais.
Si ce fonds est nécessaire pour revitaliser, restructurer des entreprises, il ne faut pas en réduire les crédits. Mais si vous me dites que, l’année dernière, on n’a même pas utilisé le tiers du fonds, je ne voterai pas l’amendement.
S’il y a de vrais besoins et alors qu’on se prononce pour une grande politique industrielle, est-ce le moment de réduire aussi considérablement les crédits de ce fonds ? Je n’en suis pas sûr.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je le répète, les crédits du FDES ont été augmentés en 2018 en raison d’un dossier exceptionnel, ce qui prouve bien que le Gouvernement sait se montrer réactif. L’année précédente, moins de 1 million d’euros avaient été consommés. En outre, je le répète également, le FDES n’est pas un mécanisme automatique.
Cela étant, je partage le point de vue collectif : nous devons nous battre pour notre industrie.
Quant à Ascoval, je ne peux pas vous laisser dire que l’État est dans une position défensive. L’État porte ce dossier à bout de bras depuis douze mois. Il ne suffit pas d’être dans l’incantatoire, madame la sénatrice, il faut des marchés.
Mme Valérie Létard. C’est l’État qui est dans l’incantatoire !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Ce n’est pas le débat d’aujourd’hui, mais, encore une fois, sur un certain nombre de dossiers, l’État est au rendez-vous. (Exclamations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Valérie Létard. On sera vite fixé !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Je voudrais rappeler la position de la commission des finances.
L’objet de l’amendement est de transférer 50 millions d’euros destinés au Charles-de-Gaulle Express au FDES. C’est évidemment à budget constant, sinon l’article 40 de la Constitution s’appliquerait.
Si l’État veut compléter les moyens du FDES, nous souhaiterions que le Parlement en soit informé, afin de savoir dans quelle entreprise ces sommes seront investies.
La commission des finances reste défavorable à ce transfert de crédits.
Mme Valérie Létard. Merci !
M. le président. L’amendement n° II-294, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l’intitulé du programme : « Prêts et avances pour le développement du commerce avec l’Iran » :
« Fonds européen d’aide à l’export pour l’Iran »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-294 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 85, qui est rattaché pour son examen aux crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Prêt et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Article 85
I. – Dans la limite de 10 millions d’euros, le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder des remises, totales ou partielles, de créances issues de prêts retracés au sein de la deuxième section du compte de concours financiers intitulé « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », prévu au III de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006. Ces remises ne peuvent bénéficier qu’à des entreprises en procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, en vue d’assurer la poursuite ou la reprise de leur activité et le maintien de leurs emplois.
II. – Les remises de créances mentionnées au I du présent article sont accordées selon des conditions similaires à celles selon lesquelles une remise serait octroyée, dans des conditions normales de marché, par un opérateur économique privé placé dans la même situation.
III. – Les remises de créances mentionnées au I sont accordées par arrêté publié au Journal officiel.
M. le président. L’amendement n° II-83, présenté par M. Lalande et Mme Espagnac, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, première phrase
Remplacer le montant :
10 millions d’euros
par le montant :
5 millions d’euros
II. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La limite mentionnée au premier alinéa du présent I s’applique à l’ensemble des prêts contractés par une entreprise et les entreprises qui lui sont liées au sens du 12 de l’article 39 du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Le FDES permet à l’État d’accorder des prêts à des entreprises confrontées à des difficultés temporaires d’accès au crédit, mais qui sont structurellement viables.
L’objet de cet amendement est de permettre que le Parlement soit informé des abandons de créances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. L’avis est défavorable, car la capacité à agir rapidement sur ces dossiers est déterminante pour assurer la pérennité d’une entreprise et de son activité en situation de crise.
La mise en place de solutions de redressement repose sur la capacité des différentes parties prenantes, notamment l’État, à se positionner rapidement. C’est pour cette raison que l’article 85 autorise le ministre chargé de l’économie à accorder des remises de créances de prêts contractés auprès du FDES sans avoir à passer par le Parlement. Cela ne veut pas dire que le Parlement n’a pas à être informé. Je partage en effet la préoccupation de vos collègues concernant le renforcement de l’évaluation des politiques publiques.
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Remboursements et dégrèvements
Engagements financiers de l’État
Compte d’affectation spéciale : Participation de la France au désendettement de la Grèce
Compte d’affectation spéciale : Participations financières de l’État
Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux
Compte de concours financiers : Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
Investissements d’avenir
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Remboursements et dégrèvements », et « Engagements financiers de l’État » (et article 77), des comptes d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », « Participations financières de l’État », des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », ainsi que de la mission « Investissements d’avenir ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Remboursements et dégrèvements ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du numérique, mes chers collègues, la mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires résultant mécaniquement de l’application des dispositions fiscales prévoyant des dégrèvements d’impôts, des remboursements ou des restitutions de crédits d’impôt. Le caractère mécanique de ces dépenses implique que les crédits de la présente mission soient évaluatifs. En d’autres termes, ils ne constituent pas un plafond, contrairement à ceux des autres missions budgétaires.
La mission est composée de deux programmes, l’un consacré aux remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, l’autre dédié aux mêmes opérations pour les impôts directs locaux, que je vous présenterai successivement, après avoir dit quelques mots de l’ensemble de la mission.
Pour 2019, 135,7 milliards d’euros de crédits sont demandés au titre de la présente mission. Ce montant est en augmentation de 15 milliards d’euros environ par rapport à la loi de finances pour 2018. Il s’agit là d’un nouveau record pour cette mission. Cette augmentation très importante des crédits s’explique notamment, pour les impôts d’État, par la mise en œuvre du prélèvement à la source pour l’impôt sur le revenu et, pour les impôts locaux, par la deuxième tranche du dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des Français et des Françaises.
Au total, en 2019, les remboursements et dégrèvements devraient représenter un tiers environ des recettes fiscales brutes. Cette proportion, qui ne cesse d’augmenter après la parenthèse consécutive de la réforme de la taxe professionnelle en 2010, traduit une politique fiscale qui repose de façon importante et croissante sur des mécanismes de réduction fiscale, lesquels grèvent en contrepartie les dépenses budgétaires et entravent les possibilités d’action de l’État.
Le montant très important que représentent les remboursements et dégrèvements rendrait nécessaire une revue régulière et détaillée de leur pertinence.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Engagements financiers de l’État ». Absolument !
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État sont évalués à 115,8 milliards d’euros pour 2019. Ce montant est, lui aussi, en augmentation, de 7 milliards d’euros par rapport à l’année dernière, dans le prolongement de la hausse quasi ininterrompue de ces remboursements et dégrèvements depuis 2010.
Un paramètre permet d’expliquer cette augmentation pour 2019 : l’entrée en vigueur du prélèvement à la source à compter du 1er janvier 2019. Le projet de loi de finances évalue les conséquences du prélèvement à la source à 11 milliards d’euros supplémentaires de remboursements et dégrèvements, en raison de l’acompte portant sur les crédits et réductions d’impôt de l’année précédente, qui sera versé en janvier 2019, et des restitutions d’excédents de crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement.
Chers collègues, vous connaissez mon opinion au sujet du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. En effet !
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Sans surprise, le CICE continue également de peser sur les remboursements et dégrèvements. Son coût prévu pour 2019 est proche de celui de l’année dernière. L’ensemble de l’effet budgétaire atteint quasiment 20 milliards d’euros en 2019. À partir de 2020, on pourra constater une diminution des remboursements et dégrèvements liés à ce dispositif, puisqu’il sera transformé en réduction de cotisations sociales employeurs l’année prochaine. Double bénéfice ou double peine ? Chacun donnera son opinion au cours de la discussion…
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. Double peine, à coup sûr !
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Les données que j’ai obtenues quant à la répartition des bénéficiaires du CICE montrent que ce sont les petites et moyennes entreprises qui ont bénéficié le plus de ce dispositif, non seulement en volume, mais également si l’on rapporte les montants au nombre d’emplois salariés que représentent ces PME.
Quant aux secteurs d’activité, ce sont les industries manufacturières, le commerce – il s’agit de grandes enseignes comme Auchan ou Carrefour, pour ne pas les citer (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) – et la construction qui bénéficient le plus du CICE. Ce constat n’enlève rien aux doutes qu’inspire l’efficience de ce dispositif pour l’emploi, comme pour l’investissement ; j’observe que, sur ce sujet, un amendement sérieux a été déposé.
J’en viens à la partie relative aux impôts locaux.
Le montant des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux atteint le niveau record de 20 milliards d’euros, notamment du fait de la deuxième tranche du dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des Françaises et des Français. Il continuera à croître en 2020, lorsque sera mise en œuvre la troisième tranche du dégrèvement.
Ainsi, dix ans à peine après la réforme de la taxe professionnelle, l’État redevient le premier contribuable local, dans la mesure où, en 2020, il prendrait en charge 22 % de la fiscalité économique et 37 % de la fiscalité « ménages », en attendant la future réforme de la fiscalité locale.
Chers collègues, je souhaite – et j’espère ne pas être seul – que cette réforme se traduise par plus de justice et plus d’efficacité.
Précisément, je souhaite profiter de l’examen de la présente mission pour évoquer l’avenir de la taxe d’habitation, qui devrait être supprimée d’ici à 2021, d’après le Premier ministre, et dont nous devrions débattre début 2019.
Nous connaissons bien les limites de cette imposition, qui pèse parfois davantage sur les ménages modestes que sur les ménages aisés, sans qu’il soit possible de justifier de manière satisfaisante les écarts au sein d’une même commune. Cependant, je regrette que le Gouvernement choisisse de supprimer cette imposition plutôt que de la réformer pour qu’elle fonctionne de façon satisfaisante et juste.
La taxe d’habitation représente un tiers des recettes fiscales du bloc local et plus de 20 % de ses recettes totales. Sa suppression déstabilisera les collectivités territoriales concernées en leur retirant un levier essentiel de leur action. In fine, c’est l’investissement local qui pourrait en pâtir, alors même qu’il représente 56 % de l’investissement public total et qu’il constitue un levier important pour la croissance.
M. le président. Merci de conclure, monsieur le rapporteur spécial !
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Je conclus, monsieur le président.
Pour ma part, je souhaite le maintien de la taxe d’habitation, associée à une mise en œuvre rapide de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation, qui résoudrait à mon avis une grande partie des difficultés posées par cette taxe.
Compte tenu des éléments que je viens de rappeler et des amendements dont j’ai pu prendre connaissance, nous serons sans doute également appelés à débattre de l’aide et de l’accompagnement aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Engagements financiers de l’État ». Le déficit annihile notre liberté, disait Jean Arthuis.
Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous dire que je suis extrêmement contente de vous voir au banc du Gouvernement. En effet, vous êtes chargé du numérique, et vous avez en poche ce nombre magnifique, quarante-deux, qui, d’après Le Guide du voyageur galactique de Douglas Adams, a une valeur universelle. Or, 42,2 milliards d’euros, c’est la charge d’intérêts de la dette de l’État inscrite dans la mission dont je suis rapporteur spécial. Nous étions donc faits pour nous rencontrer, même si ce n’est pas vous que nous attendions particulièrement pour examiner les budgets de cet après-midi ! (Sourires.)
Mme Françoise Laborde. Voilà qui est dit !
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. Mes chers collègues, nous débattons du troisième budget de l’État.
Le montant global de la dette publique de l’ensemble des administrations publiques a temporairement dépassé le seuil symbolique des 100 % du PIB – ce chiffre est tout de même assez frappant… La dette publique était à peine au-dessus du seuil des 60 points de PIB en 2007. Elle a augmenté de 40 points en dix ans ! En 2006, nous étions dans la même situation d’endettement que l’Allemagne. Aujourd’hui, 40 points de PIB nous séparent d’elle : la dette allemande représente moins de 60 % de son PIB, et son budget est en excédent. Vous voyez que nous sommes dans une position extrêmement difficile.
Notre situation budgétaire est exposée à trois risques majeurs.
Le premier, c’est la remontée des taux. Plus qu’un risque, c’est une certitude. C’est comme pour le fût du canon : on ne sait pas combien de temps ça va prendre, mais ça va arriver… Certes, à force de crier au loup, plus personne n’y croit, mais, d’après l’Agence France Trésor, une hausse de 1 point de taux d’intérêt, toutes choses égales par ailleurs, aurait un coût cumulé de 35 milliards d’euros après cinq ans, un chiffre à rapprocher des 40 milliards d’euros de la mission !
Le deuxième risque, ce sont les engagements hors bilan, par exemple, la reprise de la dette de la SNCF.
À l’heure actuelle, la dette de SNCF Réseau reste assumée par l’opérateur ferroviaire, mais, dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances, le Gouvernement s’est engagé à procéder à « une reprise par l’État de 35 milliards d’euros », ce qui n’est pas rien ! Cette reprise permettrait à SNCF Réseau de ne plus avoir à s’acquitter du service de sa dette. En d’autres termes, le gestionnaire d’infrastructure pourrait devenir, dans le contexte de l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, une société anonyme à capitaux publics disposant de comptes assainis sur le dos du contribuable. C’est une méthode qui en vaut une autre…
De plus, il convient d’être vigilant quant au calendrier et aux modalités de transfert de la gestion de la dette de la SNCF à l’État, prévu en 2020.
En tant que rapporteur spécial, je tiens à appeler l’attention sur ce point : au-delà de la SNCF, il faudra être prudent pour ce qui concerne EDF, qui pourrait bien connaître le même genre de mésaventures…
En outre, les auditions l’ont montré, il faudra faire très attention à la requalification de certaines dettes d’opérateurs de l’État en dettes publiques. Les pouvoirs publics peuvent être appelés à revoir les structures de gouvernance de ces opérateurs pour y diminuer la présence des représentants de l’État ou du Parlement.
Les engagements hors bilan reflètent donc des niveaux de risque très divers et leur contrôle par le Parlement est variable, tendance faible…
Le troisième risque, c’est celui de la notation. À ce titre, nos auditions se sont révélées plutôt rassurantes. La France a la confiance des marchés. Cette crédibilité reste un enjeu de la réforme de l’État, mais nos ambitions doivent être à la hauteur de l’enjeu. Or j’appelle votre attention sur un point qui me semble essentiel : les agences de notation sont extrêmement inquiètes au sujet des élections européennes. Le prochain scrutin pourrait conduire au Parlement européen une majorité populiste eurosceptique, susceptible d’avoir une incidence sur nos politiques.
Mme Cécile Cukierman. Exactement ! Et avec ce que fait le Gouvernement…
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. Le cercle vicieux du déficit et de la dette, qui s’alimentent l’un l’autre, a deux conséquences : une injustice intergénérationnelle et un effet d’éviction aux dépens des dépenses budgétaires les plus productives.
Le niveau de la dette est un problème évident pour la France, mais c’est aussi un problème pour l’Europe. Or je ne vois pas très bien comment nous arriverons à résorber cette dette, qui est si élevée, tout en faisant face aux enjeux. La situation devient tout à fait anxiogène.
Nous avons cherché des solutions, sans beaucoup d’espoir, dans la mutualisation des emprunts européens, en nous inspirant notamment des rachats de dettes déjà pratiqués en matière de défense.
Pour ma part, j’ai une petite recette. Elle vaut ce qu’elle vaut, mais je sais que mes amis du groupe communiste républicain citoyen et écologiste l’approuvent : c’est la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. C’est ce que nous faisons !
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. À mon sens, nous n’aurons pas d’autre solution que de procéder ainsi. Quand les fonds sont dehors, par définition, ils ne sont pas dedans ! On ne peut pas raboter indéfiniment des budgets dont on a besoin en laissant tant d’argent à l’extérieur du pays.
Mes chers collègues, j’arrive déjà à épuisement de mes cinq minutes de temps de parole. J’en suis absolument navrée, mais je vous renvoie à l’excellent rapport écrit que j’ai composé grâce à nos excellents administrateurs. Mais je n’oublie pas de vous dire, dans les quinze secondes qu’il me reste, que la commission des finances vous propose l’adoption des crédits de la mission et des comptes spéciaux.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, l’exercice auquel nous nous prêtons en ce début d’après-midi est pour le moins étrange. En effet, la présentation du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » s’opère de façon conventionnelle, avec un montant artificiel de crédits. Les impératifs de la LOLF sont aménagés afin de préserver la confidentialité des opérations de cession envisagées au cours de l’année suivante.
Cette année, le montant conventionnel de crédits est multiplié par deux. Ce choix artificiel est censé tenir compte des cessions envisagées par le Gouvernement et faisant l’objet de dispositions législatives dans le projet de loi dit « PACTE », que nous allons prochainement examiner.
Mes chers collègues, vous connaissez sans doute à grands traits le projet du Gouvernement. Il s’agit de céder 10 milliards d’euros de participations afin d’abonder un fonds pour l’innovation dite « de rupture », dont seuls les intérêts seront affectés à l’innovation. La dotation du fonds est donc non consomptible.
Ce projet initial a été précisé dans le courant de l’année. Créé en janvier dernier, le fonds est placé auprès de l’EPIC Bpifrance. Il a reçu une dotation transitoire dans l’attente des cessions effectives d’Aéroports de Paris et de la Française des jeux, soit 1,6 milliard d’euros en numéraire, et des titres de l’État dans Thales et EDF. Ces titres n’ayant pas vocation à être cédés, ils sont confiés au fonds à titre temporaire, afin d’assurer dès cette année le soutien à l’innovation de 250 millions d’euros.
Surtout, en août dernier, les modalités de placement de la dotation en numéraire du fonds ont été précisées. En pratique, les 10 milliards d’euros seront placés sur un compte ouvert auprès du Trésor, portant des intérêts annuels de 2,5 %. Compte tenu de ce taux, particulièrement avantageux dans le contexte actuel de taux faibles, je serais tenté de féliciter le Gouvernement pour ce rendement. La réalité est malheureusement plus sombre : le rendement annuel du fonds de 250 millions d’euros sera retracé dans le budget général de l’État au titre du service de la dette. J’y vois tout simplement un tour de passe-passe. En effet, la dotation du fonds pour l’innovation viendra s’inscrire en déduction de la dette maastrichtienne. Par cet artifice, le Gouvernement affiche une réduction artificielle de l’endettement public. Le mécanisme du Gouvernement permet, en réalité, de contenir de 20 % le dérapage de l’endettement de l’État.
Compte tenu de ce mécanisme, la commission des finances a adopté un amendement visant à réduire la contribution au désendettement assurée par le compte, dont le montant est doublé par rapport à l’an dernier. Il ne faudrait pas que l’État préempte les recettes des privatisations en empêchant le Parlement de donner son avis.
Récapitulons les conséquences pour le budget général de cette opération : les dividendes tirés d’ADP et de la FDJ seront perdus, pour un montant moyen de 200 millions d’euros par an, tandis que les intérêts dus au titre de la dotation du fonds pour l’innovation s’élèveront à 250 millions d’euros par an. Or le Parlement ne sera nullement associé aux modalités du soutien à l’innovation qui sera apporté par le fonds.
Mes chers collègues, relevez que, jusqu’à présent, je n’ai pas abordé la pertinence de ces cessions d’entreprises. Ces débats auront lieu lors de l’examen du projet de loi PACTE, et ils seront nourris, j’en suis certain. J’appelle simplement votre attention sur la manœuvre du Gouvernement, sur les risques qu’elle fait courir aux intérêts patrimoniaux de l’État, donc à ceux de nos enfants, que le Gouvernement affirme pourtant privilégier par ce tour de bonneteau.
D’autres solutions existent ; j’en citerai deux.
La première nous est livrée par le Gouvernement lui-même : la dotation transitoire actuelle pourrait être prolongée, dans l’attente des retours des investissements consentis dans le cadre des PIA. Ces derniers sont estimés à près de 3 milliards d’euros d’ici à 2022, puis à 8 milliards d’euros d’ici à dix ans. C’est précisément le montant nécessaire pour compléter la dotation du fonds.
La seconde consiste en une évolution du statut de l’Agence des participations de l’État. Actuellement, il s’agit sans doute du seul gestionnaire de participations qui ne bénéficie pas du produit des actifs qu’il gère. Si cette agence était dotée de la personnalité morale, elle pourrait percevoir ces dividendes. Elle serait liée à l’État par un contrat pluriannuel déterminant le montant du dividende annuel qu’elle serait tenue de lui verser.
Cette évolution apporterait une solution aux deux difficultés principales actuellement constatées : d’une part, l’instabilité du montant annuel des dividendes perçus par l’État serait lissée ; d’autre part, l’information du Parlement ainsi que ses pouvoirs de contrôle seraient améliorés. L’équation insoluble entre l’information du Parlement et la confidentialité des opérations de l’État actionnaire, que le Gouvernement invoque pour justifier la mise à l’écart des deux assemblées, serait résolue.
Sous réserve de l’adoption de l’amendement que je vous présenterai et des observations que j’ai formulées, je vous recommanderai d’adopter, quoique dans la douleur, les crédits du compte spécial pour 2019.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Investissements d’avenir ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, créée par la loi de finances pour 2017, la mission « Investissements d’avenir » couvre uniquement les autorisations d’engagement et les crédits de paiement du troisième programme d’investissements d’avenir, ou PIA 3. Les PIA 1 et 2, d’un montant total de 47 milliards d’euros, font, eux, l’objet d’un suivi dans le cadre d’un jaune budgétaire.
La loi de finances pour 2018 a inclus le PIA 3 dans le Grand Plan d’investissement et a doté la mission de ces premiers crédits de paiement à hauteur de 1,08 milliard d’euros. Le projet de loi de finances pour 2019 fait évoluer la maquette budgétaire en dotant la mission d’indicateurs de performance plus lisibles. Ces modifications, qui participent d’une meilleure information du Parlement, sont les bienvenues. Elles sont perfectibles : l’indicateur de performance des dispositifs de valorisation de la recherche pourrait inclure l’évolution du nombre de concessions de licences et de créations de start-up.
En 2019, 1,05 milliard d’euros de crédits de paiement seulement sont inscrits. Ainsi, les crédits de paiement ouverts ne représentent que 21 % des 10 milliards d’euros d’autorisations d’engagement de la mission. L’effort budgétaire est repoussé vers la fin du quinquennat. Il est d’autant plus repoussé que les premiers crédits de paiement ouverts sont surtout ceux qui n’ont pas d’impact sur le déficit maastrichtien.
Si la maquette n’évolue pas, certaines actions sont réorientées pour tenir compte du changement de politique depuis 2017, notamment dans le domaine de l’éducation.
Cette mission étant jeune, nous pouvons encore l’aider à bien grandir. Sans prétention aucune, voici quelques pistes d’amélioration ou de vigilance.
Tout d’abord, le décaissement des crédits de paiement sur plusieurs années induit des difficultés de gestion : premièrement, un stop and go dans le soutien à certains projets, qui provoque un décalage avec le rythme de vie des entreprises ; deuxièmement, une frilosité – les opérateurs attendent que les crédits de paiement soient disponibles pour finaliser les cahiers des charges ou commencent à financer les actions avec des aides d’un montant faible ; troisièmement, un pilotage des projets par les opérateurs, non seulement par engagements, mais aussi par les décaissements, ce qui peut se traduire par une négociation projet par projet des priorités de paiements, avec, en conséquence, une hausse des coûts de traitement administratifs.
Ensuite, la faible part des subventions et des avances remboursables, à savoir 40 % des autorisations d’engagement de la mission, minore la pertinence de l’outil PIA pour les filières en cours de structuration. Ainsi, l’appel à manifestation d’intérêts lancé en mars 2018 pour l’action Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques n’a reçu aucune candidature. L’absence de crédits d’ingénierie pourrait expliquer cette inefficacité, les universités ou les écoles ne disposant pas, en interne, des compétences nécessaires à la constitution d’un dossier ou à la recherche d’investisseurs privés, qui doivent établir un socle minimum de financement du projet.
De surcroît, l’articulation du PIA 3 avec le fonds pour l’innovation et l’industrie reste floue. Les 250 millions d’euros de dividendes annuels doivent se répartir entre 70 millions d’euros fléchés vers les start-up spécialisées dans les innovations de rupture et 150 millions d’euros destinés au financement des « grands défis de rupture ». Je précise que deux grands défis seraient déjà identifiés dans le domaine de l’intelligence artificielle. Dans le même temps, le projet annuel de performance du PIA 3 indique que l’action Programmes prioritaires de recherche devrait contribuer au financement du programme national pour l’intelligence artificielle, annoncé par le Président de la République le 29 mars 2018.
Enfin, on observe un recours aux fonds du PIA pour financer les nouvelles politiques ou la relance industrielle territoriale. Ainsi, l’action Programmes prioritaires de recherche devrait contribuer au financement du programme de recherche consacré aux solutions alternatives aux produits phytosanitaires et à un programme de recherche dans le domaine du sport, dans la perspective des jeux Olympiques de Paris en 2024. Quant à l’action Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition, elle devrait participer au financement de la reconversion économique du site nucléaire de Fessenheim.
Le retard pris dans la publication de l’appel à projets sur le volet « territoires d’innovation de grande ambition » de la même action s’explique par la volonté du Gouvernement de recentrer l’action sur les « territoires d’industrie », dont le zonage doit être articulé à la carte des 222 villes du plan « Action cœur de ville ».
Avant de céder la parole, je ne peux manquer d’évoquer la question de la rénovation du Grand Palais.
D’après les informations communiquées, l’action Grands défis du programme 423 bénéficierait avant 2021 d’un redéploiement de 200 millions d’euros de subventions pour contribuer au financement de la rénovation de ce monument parisien. Le plan de financement de la rénovation présenté par nos deux rapporteurs spéciaux du budget de la culture confirme cette hypothèse. À mon sens, on ne peut que regretter un tel détournement de l’esprit du PIA.
Mes chers collègues, même si nous sommes loin de l’esprit du rapport remis par Jean Pisani-Ferry en septembre 2017, je vous recommande d’adopter les crédits de la mission. Nous nous retrouverons l’année prochaine, pour voir si la situation a évolué dans un sens meilleur. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, en remplacement de M. le rapporteur pour avis.
Mme Anne Chain-Larché, en remplacement de M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur le rapport de notre collègue Alain Chatillon, empêché, la commission des affaires économiques a regretté une nouvelle fois la présentation « conventionnelle » des recettes et des dépenses du compte, même si elle prend en considération pour 2019 des opérations de cession conditionnées à l’adoption du projet de loi PACTE, à savoir les cessions de titres d’Aéroports de Paris et de la Française des jeux.
De plus, l’allocation du produit de ces cessions suscite des interrogations, avec, au premier chef, l’abondement du fonds pour l’innovation et l’industrie.
D’une part, sur le principe, on peine toujours à comprendre l’intérêt financier de cette opération : il s’agit de céder des titres dont le rendement est de 3,5 % par an pour les placer à un taux inférieur à 2,5 %. Il serait plus judicieux financièrement, et plus simple en pratique, d’affecter directement une partie des dividendes dégagés par le portefeuille de l’État au financement de l’innovation. La constitution provisoire du fonds depuis janvier 2018, par apport de titres d’EDF et de Thales, a d’ailleurs montré que le portefeuille de l’État était parfaitement à même d’assurer un rendement semblable.
D’autre part, cette cession risque de réduire les capacités futures d’intervention de l’État. En effet, c’est le portefeuille de ses participations qui lui a donné les moyens destinés à restructurer la filière nucléaire française en 2016 ou à recapitaliser des entreprises stratégiques, comme PSA en 2014. L’État doit donc conserver des marges de manœuvre et éviter de vendre les bijoux de famille.
Plus généralement, la commission souhaite appeler l’attention du Sénat sur le déficit d’information du Parlement, quant à la gestion par l’État de ses participations dans les entreprises. Tout d’abord, un fort décalage ne peut être exclu entre les prévisions conventionnelles affichées par le CAS et la réalité de l’exécution du compte. Ensuite, le Parlement n’est pas mis en mesure de participer effectivement à la définition de la stratégie de l’État actionnaire. Nous le déplorons.
Il faut donc trouver les moyens d’associer en amont le Parlement aux décisions. Il faut que le Gouvernement informe et consulte périodiquement les commissions permanentes compétentes du Sénat et de l’Assemblée nationale, au sujet de la stratégie de cession ou d’acquisition d’actifs qu’elle entend mener, dans le respect de la confidentialité qui s’attache aux informations relatives aux décisions de cession ou d’achat d’actifs. On peut penser à des échanges en commission restreinte ou à huis clos, le cas échéant, avec un engagement à respecter le caractère confidentiel des données transmises. Le projet de loi PACTE fournira le support législatif idoine.
Compte tenu du manque structurel d’information lié à la présentation du compte, et comme les années précédentes, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat pour ce qui concerne son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est en m’efforçant d’observer une certaine concision que je vais aborder les trois missions « Remboursements et dégrèvements », « Engagements financiers de l’État » et « Investissements d’avenir », ainsi que les comptes d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » et « Participation de la France au désendettement de la Grèce », dont le contenu est pour l’essentiel la conséquence de la politique menée au cours des dernières années, voire des dernières décennies.
Ces missions ne suscitent pas de critiques majeures de la part des élus du RDSE. Nous approuverons donc les crédits dont il s’agit, à moins qu’ils ne soient profondément modifiés par certains amendements. Ils méritent toutefois quelques remarques et suscitent un certain nombre d’interrogations.
Les engagements financiers de l’État relèvent essentiellement de la charge de la dette, qui représente la quasi-totalité des crédits. Elle est relativement stable depuis plusieurs années, à un peu plus de 42 milliards d’euros, soit une légère hausse de 1,02 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cette stabilisation a pour origine des taux d’intérêt extrêmement bas, qui ont néanmoins commencé à légèrement remonter cette année.
L’encours de la dette continue d’augmenter. Il devrait atteindre 98,7 % du PIB en 2019, alors que la majorité des États de la zone euro connaissent désormais une trajectoire inverse, à la baisse.
Le besoin de financement progresse également en raison de cette majoration et de l’arrivée à échéance de certains titres émis lors de la crise financière de 2008-2009. Cette situation fait peser sur nos finances publiques des risques, dont le plus important est la remontée des taux d’intérêt, qui commence à se matérialiser. Il est donc nécessaire de poursuivre et d’accentuer les efforts pour engager un réel désendettement, et non plus seulement une contribution au remboursement de la dette, comme c’est le cas aujourd’hui.
La mission « Investissements d’avenir », qui trouve ses origines dans les travaux d’une commission présidée, il y a une décennie, par Alain Juppé et Michel Rocard, illustre la volonté des gouvernements successifs de soutenir de manière dynamique et sélective les actions porteuses d’avenir pour notre économie. Elle souligne en même temps la difficulté de mettre en œuvre rapidement les mesures d’incitation ou d’accompagnement choisies dans différents programmes.
Les trois programmes d’investissements d’avenir ont été réunis l’an dernier au sein d’un Grand Plan d’investissement de 57 milliards d’euros. Celui-ci se traduit dans le projet de loi de finances pour 2019 par l’inscription de 1,05 milliard d’euros en crédits de paiements. Ce montant est relativement modeste et ne paraît pas être à la hauteur de l’ambition affichée de doter notre pays d’une économie performante. On ne peut pas réduire une logique de projet à une stricte logique budgétaire, même si, en agissant ainsi, le Gouvernement est dans son rôle.
La mission « Remboursements et dégrèvements », qui recouvre 115,8 milliards d’euros de crédits en 2019, est en hausse de 7 milliards d’euros par rapport à 2018, soit une hausse un peu moins forte que l’an dernier, mais tout de même importante, qui résulte, notamment, de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source, du poids persistant du CICE, ainsi que de la censure par le Conseil constitutionnel du mode de calcul de la CVAE.
Lors de sa création, le CICE a été fortement critiqué, voire caricaturé, à droite et à gauche, pour des raisons différentes. En janvier 2019, il va laisser place à un dispositif de baisse des charges sociales. On passera ainsi d’une mesure au caractère conjoncturel et fragile à un statut structurel et permanent offrant au monde économique une meilleure visibilité, ce qui ne sera toutefois pas sans conséquence sur le solde public.
Enfin, j’évoquerai les comptes d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » et « Participation au désendettement de la Grèce ».
Le premier est le support budgétaire de l’État actionnaire. Sa particularité est de présenter une programmation conventionnellement à l’équilibre afin de préserver la confidentialité des opérations de cession ou d’acquisition à venir. À ce titre, la vraie question est la suivante : quelle ligne directrice en matière de participation de l’État au capital de certaines grandes entreprises le Gouvernement souhaite-t-il choisir ? S’impliquera-t-il, ou non, dans les filières stratégiques ? Les débats à venir dans le cadre du projet de loi PACTE permettront, je l’espère, d’apporter des réponses plus limpides.
Le compte d’affectation spéciale « Participation au désendettement de la Grèce » est légèrement déficitaire. Il traduit pourtant l’engagement de notre pays envers cet important partenaire européen.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est intéressant que nous examinions conjointement les crédits des missions « Engagements financiers de l’État » et « Investissements d’avenir ». Le montant des crédits dédiés à la charge de la dette représente le poids du passé, qui obère nos politiques publiques aujourd’hui et pèsera, demain, sur les épaules de nos enfants. À l’inverse, les investissements d’avenir constituent un effort salutaire, mais bien modeste en comparaison, pour préparer le futur de notre économie et de notre société.
Je commencerai par évoquer le poids du passé : la dette.
Le programme 117 de la mission « Engagements financiers de l’État », qui représente la quasi-totalité des crédits de la mission, contient la charge d’intérêts de notre dette souveraine. Celle-ci atteint dans le projet de loi de finances pour 2019 un montant de 42,47 milliards d’euros, en croissance de 1,7 % par rapport à 2018. C’est six fois le budget de la justice ou encore 10 milliards d’euros de plus que le budget de la défense. On mesure ainsi le gaspillage de ressources auquel nous consentons chaque année.
Malgré les efforts du Gouvernement, la dette française continue donc de s’accroître inexorablement, alimentée par des déficits qui ne se résorbent que trop lentement.
Nous l’avons rappelé lors de la discussion générale, la réforme de l’État menée par le Gouvernement, notamment dans le cadre du Comité Action publique 2022, va dans le bon sens. Elle reste néanmoins très insuffisante pour réduire vigoureusement la dépense publique et combler notre retard sur d’autres pays européens, en particulier sur l’Allemagne. Notre trajectoire de désendettement, par exemple, est nettement en deçà de celle de nos voisins : à la fin de cette année, notre dette publique représentera 98,7 % du produit intérieur brut, contre 64 % pour l’Allemagne, soit un écart de 34 points de PIB, qui atteindra, selon les estimations de notre commission des finances, 39 points en 2022, l’Allemagne approchant alors les 50 % d’endettement.
Ce différentiel d’endettement avec l’Allemagne en 2022 sera sans précédent dans l’histoire récente de l’Europe. Il augure une perte d’influence durable de la France face à des partenaires disposant de marges de manœuvre plus importantes pour agir et, par conséquent, pour décider.
Si nous ne parvenons pas à maîtriser plus sérieusement les dépenses de l’État, qui ont progressé de 20 % entre 2007 et 2016 ; si nous ne parvenons pas à résorber nos déficits effectifs et structurels de façon plus volontaire ; et si, enfin et en conséquence, nous ne parvenons pas à diminuer le stock de notre dette de manière forte, c’est bien notre stature politique en Europe et dans le monde qui en pâtira. Il ne s’agit pas ici que de chiffres, mais il s’agit bel et bien de notre capacité à agir.
J’en viens à un aspect qui nous rend plus optimistes : les crédits dédiés à la mission « Investissements d’avenir ». Leur objectif est d’augmenter la croissance potentielle de la France, en misant sur l’économie de l’intelligence, sur l’innovation et sur la recherche. Leur montée en puissance, tant quantitative que qualitative, doit être saluée, mais nous nous interrogeons sur leur articulation avec le fonds pour l’innovation et l’industrie prévu par le Gouvernement.
La gamme des outils mobilisés nous semble également pertinente. Je rends en particulier hommage aux travaux de notre collègue Christine Lavarde sur le dispositif des avances remboursables, qui montrent que cet outil est très utile, notamment pour les PME. Leur usage pourrait être davantage développé.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de ces missions, en espérant avoir plus de raisons encore de le faire l’année prochaine.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » n’est, à première vue, ni la plus simple ni la plus enthousiasmante du budget général, mais elle est essentielle. Ses crédits ont la spécificité d’être évaluatifs et non limitatifs, car c’est dans cette mission que le Gouvernement prévoit le montant de la charge de la dette publique. Celui-ci s’élève à 42,5 milliards d’euros pour l’année 2019, constituant le quatrième poste de dépenses, avec près de 13 % des crédits du budget général de l’État. La charge de la dette progresse donc, sans toutefois égaler les niveaux des années 2012 et 2013, quand elle atteignait quelque 55 milliards d’euros.
La situation macroéconomique pour 2019 reste contrastée. Pour le FMI, la croissance sera de 3,7 % dans le monde ; pour la Commission européenne, elle sera assez forte, bien qu’en léger repli, à 2,1 % en zone euro et à 2 % dans l’Union européenne. Cependant, ces prévisions sont entachées d’un certain nombre d’aléas, parmi lesquels les tensions commerciales avec les États-Unis et le retour de la volatilité sur les marchés financiers. Dans ce contexte, et non sans prudence, le Gouvernement a choisi une hypothèse de croissance de 1,7 % pour 2019, comme, d’ailleurs, pour les budgets à venir jusqu’en 2022.
En 2019, l’encours de la dette négociable de l’État va poursuivre sa progression, avec une augmentation de 84 milliards d’euros par rapport à 2018, pour atteindre 1 845 milliards d’euros, soit deux fois le niveau de 2007. Cela résulte également d’une normalisation des conditions de financement de l’État, avec une remontée progressive des taux d’intérêt ainsi qu’une reprise de l’inflation.
La durée de vie moyenne de la dette négociable de l’État continue de s’allonger et s’établit à 7 ans et 325 jours à l’automne 2018, traduisant une stratégie mise en œuvre par l’Agence France Trésor afin de profiter de l’environnement de taux pour allonger la maturité de la dette, de manière à se protéger du risque d’une remontée brutale des taux d’intérêt. Cet allongement s’explique également par la demande des investisseurs pour des titres de maturité plus longue, générant des rendements plus élevés.
Pour faire un sort à une fake news récurrente, je tiens à rappeler que la détention de la dette négociable de l’État par des non-résidents est à son plus bas niveau depuis dix ans : à la fin de 2009, deux tiers de la dette négociable était entre leurs mains, contre seulement un peu plus de la moitié – 53,3 % – à l’automne 2018. Rappelons que ces non-résidents sont surtout européens, pour 60 %, et, dans une bien moindre mesure, asiatiques pour 13 % ou américains pour 9 %.
J’ajoute un mot sur un nouveau produit de la dette : l’OAT verte. Émise par la France depuis janvier 2017 pour un montant initial de 7 milliards d’euros, mais dont l’encours atteint aujourd’hui presque 15 milliards d’euros. Cette obligation assimilable du Trésor verte permet de financer quatre objectifs : la lutte contre le changement climatique, l’adaptation au changement climatique, la protection de la biodiversité ou encore la lutte contre la pollution. L’OAT verte est un instrument intéressant qui permet de rendre plus transparentes les dépenses environnementales de l’État, notamment en matière de transition énergétique.
Je souhaite également dire un mot des investissements d’avenir, qui font désormais partie du Grand Plan d’investissement d’un montant de 57 milliards d’euros sur le quinquennat et dont je rappelle les quatre points cardinaux : accélération de la transition écologique, développement d’une société de compétences, ancrage de la compétitivité sur l’innovation et construction de l’État de l’âge numérique.
Je rappelle que ce troisième plan d’investissements d’avenir, ou PIA 3, s’inscrit dans des actions au-delà du cadre budgétaire que nous connaissons : les autorisations d’engagement ont été ouvertes en 2017 et atteignent 10 milliards d’euros, mais ce qu’il faut regarder, vous le savez bien, ce sont les crédits de paiement autorisés annuellement. Pour l’exercice 2019, ceux-ci s’élèvent à 1,05 milliard d’euros. Il s’agit donc d’un effort substantiel.
Plus de 200 millions d’euros sont consacrés au soutien à la constitution de grandes universités de recherche de rang mondial et 430 millions d’euros à la valorisation de la recherche et au transfert de technologie. À ce sujet, j’appelle votre attention sur le rapport de la Cour des comptes publié en mars 2018, qui nous invite à regarder les résultats de ce plan. La Cour recommande notamment de « resserrer le périmètre des outils du PIA » pour « améliorer les conditions de valorisation de la recherche publique. » Il est parfois difficile de tenir compte des rapports dans nos débats budgétaires, même si l’on en écrit et que l’on en lit beaucoup…
Enfin, 400 millions d’euros sont fléchés vers l’accompagnement de la modernisation de nos entreprises, pour, notamment, les aider à s’adapter au défi numérique. La discussion du projet de loi PACTE nous donnera l’occasion d’évoquer de nouveau ces sujets.
Je termine la présentation de ces « zakouskis budgétaires » avec un mot rapide sur la mission « Remboursements et dégrèvements », qui gonfle logiquement en 2019, car elle contient le dégrèvement versé par l’État au bloc communal au titre de l’exonération de taxe d’habitation, lequel passe de 7 milliards d’euros pour 2018 à 11,5 milliards d’euros en 2019. Cela ne correspond pas à ma définition d’une fiscalité punitive ! C’est le résultat d’un engagement fort en faveur des Français des classes populaires !
Le projet de loi sur les finances locales, qui sera, selon toute vraisemblance, présenté au premier semestre, permettra de débattre du bouclage financier total de cette exonération. Il constituera un événement très important auquel nous serons attentifs, monsieur le secrétaire d’État. Vous pouvez compter sur la mobilisation vigilante et précise du Sénat sur ce sujet.
Au regard de tous ces enjeux – gestion de la dette, investissements d’avenir, baisse de la taxe d’habitation –, nous voterons les différents crédits de ces missions.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous avions l’habitude, chaque année, que le montant des recettes pour le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » soit fixé de manière conventionnelle à 5 milliards d’euros. Pour l’année 2019, le projet de loi de finances double la prévision de recettes en la portant à 10 milliards d’euros. Cette hausse prévisionnelle découle des privatisations envisagées l’année prochaine par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi PACTE, qui sera bientôt examiné au Sénat. L’État entend ainsi se séparer d’Aéroports de Paris, de la Française des jeux et d’Engie.
Inscrite aujourd’hui au budget sans l’avis du Parlement, ainsi que l’a justement fait remarquer notre collègue Victorin Lurel, cette recette importante doit être consacrée, d’une part, au désendettement de l’État, pour 2 milliards d’euros, et, d’autre part, à la création en capital du fonds pour l’innovation et l’industrie. Pour nous, c’est un non-sens stratégique, économique et politique, et je vais essayer de le démontrer dans la suite de mes propos.
C’est un non-sens économique, parce que le Gouvernement estime lui-même que ce fonds pour l’innovation ne serait doté chaque année que de 250 millions d’euros, distribués sous forme de prêts ou d’avances remboursables. Cette somme correspond aux dividendes issus du placement du capital obtenu par la cession des actifs en question. Or l’État percevra 173 millions d’euros de dividendes du seul groupe ADP en 2018. En outre, avec une progression moyenne de 10 % du résultat net observé lors des dix dernières années, on estime que, d’ici à cinq ans, les seuls dividendes perçus d’ADP pourraient financer la totalité de ce fonds.
J’apprécierais vivement que l’on nous explique, dès lors, l’intérêt économique que l’on trouve à se séparer d’un groupe comme ADP, d’autant que d’importants investissements sont par exemple réalisés pour l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, qui permettront d’augmenter sa capacité de 10 millions de voyageurs. Il est également question d’améliorer sa desserte grâce à l’efficience de sa plateforme multimodale et de créer un quartier d’affaires international dans le cadre du projet « Cœur d’Orly ».
Pourquoi nous séparer d’infrastructures aussi stratégiques ? Pourquoi perdre la maîtrise de cette entreprise, alors qu’il est possible de flécher, tout simplement, la totalité des dividendes perçus d’ADP vers ce fonds pour l’innovation et l’industrie ? Autrement dit, pourquoi choisir une privatisation plutôt qu’une optimisation des dividendes actuellement perçus, au regard de leur produit ?
Ce sont des questions essentielles qui sont posées au Gouvernement, lequel, à l’heure actuelle, ne nous a toujours pas démontré l’efficacité d’une telle opération. Bien au contraire ! Dois-je rappeler comment ce gouvernement a décidé de céder Alstom à Siemens pour zéro euro ? Vous pouvez froncer les sourcils, monsieur le secrétaire d’État, mais c’est ainsi : vous avez accepté que Siemens soit majoritaire dans le groupe résultant de la fusion ! Nous n’aurons donc plus la maîtrise d’Alstom ni de la filière ferroviaire !
Je n’ai pas encore évoqué la privatisation de la Française des jeux, qui laissera l’État gérer et supporter seul les dépenses sociales liées aux addictions et au surendettement sans même percevoir des dividendes. Les plus grandes craintes ont également été exprimées à l’Assemblée nationale quant à un désengagement de la Française des jeux du financement du sport, un domaine déjà fortement amputé dans le projet de loi de finances pour 2019.
Permettez-moi de faire ici le lien avec l’incohérence et le non-sens stratégique que j’évoquais au début de mon propos. L’année dernière, j’avais déjà souligné le danger de perdre la main sur des entreprises stratégiques pour notre pays. Je le redis cette année avec force : ces cessions risquent de considérablement diminuer les capacités d’intervention de l’État et, à terme, de l’empêcher de se mobiliser pour sauver une grande entreprise française, comme il l’a fait pour PSA il y a quelques années.
Une autre question se pose : ce fonds pour l’innovation et l’industrie n’est-il pas mis en place au détriment de la capacité d’action et de stratégie industrielle de l’État ? Les raisons mêmes de sa création nous échappent, puisque le crédit d’impôt recherche, le CIR, permet déjà de mobiliser des sommes autrement plus importantes.
L’année dernière, la question de l’intérêt de ce fonds avait également été posée, dans la mesure où deux acteurs publics importants agissaient antérieurement dans ce domaine : le Commissariat général à l’investissement et, surtout, Bpifrance, une belle réalisation que l’on aurait pu recapitaliser afin de lui permettre d’être plus interventionniste encore dans les territoires. Pourquoi ne pas l’avoir fait ? À l’issue de la mission d’information que j’ai menée avec Alain Chatillon, nous avions souligné notre préférence pour un renforcement de Bpifrance, afin de lui permettre d’assurer un niveau plus élevé de financement de l’innovation. Nous insistions aussi sur l’importance de coordonner ses actions avec celles du Commissariat général à l’investissement. À l’heure actuelle, nous ne percevons toujours pas la valeur ajoutée de ce fonds pour l’innovation et l’industrie par rapport aux deux structures existantes.
En bref, nous persistons et nous signons : ce fonds pour l’innovation et l’industrie n’a pas remplacé et ne remplacera jamais la volonté politique d’un État stratège pour soutenir à tout moment nos entreprises nationales, les plus grandes – quand elles sont en difficulté –, mais aussi les PME, les ETI et les TPE.
Dans une économie-monde, alors que la Chine met le paquet pour défendre ses industries et les subventionne sous le contrôle d’un parti État, alors que l’Amérique de Donald Trump soutient son industrie avec des relents protectionnistes, nous nous séparons de bijoux industriels, de grandes entreprises nationales. Ce n’est certainement pas la bonne méthode pour faire face à la mondialisation qui est devant nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial, et M. Fabien Gay applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais à mon tour évoquer les trois missions sur lesquelles nous devons nous prononcer cet après-midi.
Les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » sont consacrés pour l’essentiel – à hauteur de 99 % – à couvrir la charge de la dette publique. Malgré la volonté des gouvernements successifs, nous constatons malheureusement que la dette publique poursuit depuis longtemps son inquiétante envolée : elle se situe aujourd’hui à près de 100 % du PIB. Notre rapporteur spécial, Nathalie Goulet, a parfaitement identifié les risques qui pourraient nous contraindre à réévaluer la charge de la dette en 2019 et notre collègue Emmanuel Capus rappelait le montant très élevé de ses intérêts.
Bien sûr, le défi de l’endettement public n’est pas nouveau, mais il se fait de plus en plus pressant et redoutable. Sur ce sujet, il nous faut, ensemble, faire preuve de la plus grande responsabilité ; nous le devons aux générations à venir. Nous ne pouvons plus continuer à réclamer sans cesse l’allégement des prélèvements obligatoires et la réduction de la dépense publique sans avoir collectivement le courage de définir précisément les dépenses qu’il convient de réduire.
Monsieur le secrétaire d’État, il me semble urgent de définir une stratégie à court, moyen et long terme pour diminuer durablement notre endettement en agissant sur deux leviers : un plan de réduction de la dépense publique, dont je m’empresse de dire qu’il ne devra pas pénaliser les plus démunis de nos concitoyens ni accroître la fracture territoriale, et une lutte plus offensive et plus efficace contre la fraude fiscale, dont on sait qu’elle représente chaque année l’équivalent de notre déficit.
La mission « Investissements d’avenir » procède à la mise en œuvre d’un troisième programme d’investissements d’avenir. La programmation pour la période triennale 2018-2020 est scrupuleusement respectée, et nous tenons à le saluer : l’année dernière, 1,08 milliard d’euros de crédits de paiement avaient été attribués à cette mission ; 1,05 milliard d’euros lui sont consacrés dans le projet de loi de finances pour 2019. Il faudra toutefois veiller à ce que la redéfinition de certaines actions et priorités ne menace pas les projets qui, depuis l’origine, sont au cœur des enjeux du PIA 3.
Enfin, la mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires résultant mécaniquement de l’application des dispositions fiscales : dégrèvements d’impôts, remboursements, restitutions de crédits d’impôt, compensations. Certes, les crédits demandés au titre de la mission sont en nette progression cette année – ils augmentent de 15 milliards d’euros –, mais ces chiffres doivent être relativisés au regard de certaines dépenses temporaires qui ne concernent que l’année 2019.
Ainsi, la hausse de 7,3 milliards d’euros sur le programme 200 prend en compte l’application prochaine de la réforme du prélèvement à la source. Cette dépense, limitée à 2019, sert à accompagner les ménages dans cette transition. Vous avez, à juste titre, mis en place un crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement, dont le coût est évalué à 6,9 milliards d’euros et qui vise à neutraliser le passage au prélèvement à la source. En outre, 5,5 milliards d’euros sont destinés à financer les acomptes à hauteur de 60 % du montant de certains crédits et réductions d’impôt perçus au titre de l’année précédente.
Nous saluons les précautions prises par le Gouvernement pour que cette année de transition se passe le mieux possible pour l’ensemble des ménages, en particulier pour les plus vulnérables, auxquels sont accordés des avantages de trésorerie significatifs.
La seconde spécificité de cette année tient aux remboursements et dégrèvements d’impôts locaux, en hausse de 3,8 milliards d’euros. Cela correspond simplement à la deuxième année de mise en application de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages.
Le mécanisme de dégrèvement par lequel l’État se substitue au contribuable dans le paiement de la taxe d’habitation permettra aux collectivités locales de conserver l’intégralité de leurs recettes ; nous nous réjouissons de ce choix qui les préserve.
Lors de l’examen, au printemps 2019, du projet de loi spécifiquement dédié à la refonte de la fiscalité et des finances locales, nous aurons l’occasion de revenir sur les mécanismes de compensation qui devront être mis en œuvre à l’horizon de 2020, lorsque la taxe d’habitation sera supprimée pour l’intégralité des foyers français. Nous aurons à cœur de veiller à la mise en place d’un système pérenne permettant d’assurer des recettes aux collectivités locales.
Pour conclure, j’indique que le groupe Union Centriste adoptera les crédits de ces trois missions, conformément à l’avis de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Vincent Capo-Canellas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’aborderai plus spécifiquement la mission « Investissements d’avenir », créée, je le rappelle, par la loi de finances initiale pour 2017. Elle comportait alors une enveloppe de 10 milliards d’euros au titre des autorisations d’engagement visant à mettre en œuvre le troisième programme d’investissements d’avenir. Toutefois, aucun crédit de paiement n’était inscrit. Qu’en est-il du projet de loi de finances pour 2019 ?
Le PIA 3, qui s’était vu attribuer 1,08 milliard d’euros en crédits de paiement en 2018, continue sur sa lancée et bénéficie de 1,05 milliard d’euros. Le projet de budget pour 2019 est, par conséquent, conforme à la programmation triennale 2018-2020 annoncée il y a un an, qui prévoyait 4 milliards d’euros sur les trois années. Le plafond fixé pour 2019 est ainsi entièrement respecté, il faut le dire.
La mission « Investissements d’avenir », telle qu’elle est présentée dans le projet de loi de finances pour 2019, reste sensiblement identique à ce qu’elle était en 2018, qu’il s’agisse de la répartition des autorisations d’engagement inscrites ou des actions et des programmes qui la constituent. Permettez-moi néanmoins de rejoindre les propos de Mme le rapporteur spécial et d’appeler votre attention sur les conséquences que pourrait engendrer le choix du Gouvernement de lier les décaissements des crédits du PIA 3 aux contraintes budgétaires. Il me semble en effet important de garder en tête que le choix d’un décaissement progressif des crédits de paiement ne sera pas sans conséquence sur le bon déroulement du PIA, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, force est de constater que l’ouverture progressive des crédits de paiement risque de ralentir la mise en œuvre des actions. Dans son rapport, notre collègue rapporteur spécial évoquait à ce titre deux conséquences du décalage temporel entre décaissement des autorisations d’engagement et des crédits de paiement, évoquées par les opérateurs à l’occasion des auditions : d’une part, le problème du stop and go, qui se pose dans le soutien à certains projets, provoque un décalage avec le rythme de vie des entreprises et expose au risque d’à-coups dans la mise en œuvre du PIA ; d’autre part, les opérateurs reconnaissent qu’une certaine frilosité les conduit à attendre que les crédits soient disponibles avant de finaliser le cahier des charges et de lancer l’appel à projets ou de commencer le financement des actions avec des « tickets » de taille inférieure.
Ensuite, le fait que les crédits de paiement ne soient pas intégralement ouverts et versés aux opérateurs conduit à une gestion différente des actions par ces derniers, qui opèrent davantage sous contrainte. Je pense notamment au suivi informatique, qui nécessite dès lors un pilotage non plus seulement par les engagements, mais également par les décaissements, afin de veiller à ce que les décaissements de l’année soient inférieurs ou égaux aux plafonds de crédits de paiement imposés.
Enfin, je conclurai mes propos en rappelant la nécessité de veiller à ne pas multiplier les aides à l’innovation, ce qui revient finalement à saupoudrer l’argent public ici et là. Il me semble incontestable que doublonner les aides à l’innovation ne conduirait à rien, si ce n’est à déboussoler ou désorienter les porteurs de projets. À cet égard, je citerai plus spécifiquement le récent fonds pour l’innovation et l’industrie, initiative du GPI, et dont l’articulation avec le PIA 3 apparaît fragile.
Dans cette optique, au-delà de la proximité sémantique entre les « grands défis » du PIA 3 et ceux du fonds pour l’innovation et l’industrie, je me dois de relever la proximité des projets que financerait le fonds pour l’innovation et l’industrie avec les actions soutenues dans le cadre du PIA 3. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ne disposant que de cinq minutes, je concentrerai mes propos sur deux aspects.
Les dégrèvements, à qui profitent-ils ? Pour 101 milliards d’euros, aux entreprises !
M. Roger Karoutchi. Ça alors !
M. Fabien Gay. Je souhaite évoquer le rapport d’étape de France Stratégie sur la mise en œuvre du CICE. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, c’est 20 milliards d’euros par an de cadeaux aux entreprises – 99,3 milliards depuis 2013 !
Selon ce rapport, « on sait peu de choses sur la nature des emplois créés ou sauvegardés », et « les conséquences à moyen et long terme sur l’appareil productif sont largement inconnues ». Enfin, « on ne dispose d’aucune étude sur leurs effets sur la formation, les investissements, l’innovation, la montée en gamme de l’économie française et sur la croissance ».
Le rapport reste prudent sur les effets sur l’emploi, donnant une fourchette de 10 000 à 200 000 emplois. Si on prend la partie haute de cette fourchette, c’est-à-dire 200 000 emplois, on arrive à la modique somme de 496 000 euros par emploi créé pour 99,3 milliards d’euros investis !
M. Roger Karoutchi. C’est que les salaires sont élevés en France ! (Sourires.)
M. Fabien Gay. On peut même dire très élevés, monsieur Karoutchi ! (Nouveaux sourires.)
Le CICE a donc été une ristourne fiscale et un dispositif de baisse du coût du travail.
Vous me direz que le CICE ne vise pas que l’emploi. Or le rapport souligne « qu’il y a une absence d’effet ou un effet très limité, et même nul, du CICE en matière d’exportations, d’investissements, de salaires, de taux de marge, de recherche-développement, voire de création d’emploi ».
L’exemple le plus parlant, c’est Carrefour, un des champions du CICE. Cette entreprise a perçu 2 milliards d’euros d’aides publiques en cinq ans, dont 744 millions d’euros au titre du CICE. Durant la même période, devinez combien les actionnaires ont perçu ? Près de 2 milliards d’euros ! S’y ajoutent les suppressions de 2 400 emplois au siège social et de 2 100 emplois avec la fermeture des ex-Dia, toujours dans le même temps.
En bref, le CICE a été accaparé par les actionnaires et la rémunération des dividendes. Et c’est avec nos impôts, monsieur le secrétaire d’État, qu’on licencie aujourd’hui en France !
Si on combine les aides de l’État, les exonérations de cotisations sociales, les aides régionales et européennes, on se retrouve avec près de 6 000 dispositifs, comme le montre bien le site deficréation.com, destiné aux futurs entrepreneurs.
On se rend alors compte que le capital coûte près de 200 milliards d’euros par an. Et pourtant, vous continuez à nous asséner qu’il faut libérer les entreprises – comme si elles étaient emprisonnées ! – sans nous dire que le taux normal de l’imposition sur les sociétés est passé de 33,33 % à 22,5 %…
Nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à nous poser une question : où est passé l’argent du CICE ? S’il n’a servi ni à l’investissement, ni à la recherche, ni à la création d’emploi, ni à la hausse des salaires, ni aux exportations, qu’en est-il advenu ?
Voilà quelques semaines, dans Le Parisien, M. Le Maire disait que l’État prendrait ses responsabilités en 2020 si les entreprises ne jouent pas le jeu. Notre groupe répond : chiche ! Nous sommes même prêts à travailler avec vous à l’élaboration d’un texte de loi. Sommes-nous d’accord, par exemple, pour dire que les entreprises qui ne jouent pas le jeu doivent rembourser ? Nous sommes à votre disposition pour vous aider à répondre à cette question…
Après la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, après la flat tax, après la suppression de l’exit tax, vous décidez de poursuivre avec le CICE, et même de le pérenniser sous forme d’allégements de cotisations patronales. Et comme on peut le faire à la Française des jeux, vous doublez la mise : 40 milliards d’euros, alors que, dans le même temps, les dotations des autres missions du budget de l’État sont affaiblies.
Pour finir, je voudrais vous parler de la cession des titres détenus par l’État, en me concentrant sur ADP.
Comme le souligne très justement le rapporteur spécial, la valorisation boursière d’ADP a été multipliée par quatre en dix ans. Ce groupe a versé à l’État un dividende de 132 millions d’euros en 2017. Je sais que nous avons des débats entre nous sur les privatisations, mais quand on confie au secteur privé un monopole naturel comme celui d’ADP, c’est un peu comme s’il obtenait le billet gagnant du loto chaque semaine.
Rappelons-nous, chers collègues, le scandale de la privatisation des autoroutes. Vendues en 2006 par Dominique de Villepin, sous forme d’une concession de vingt-cinq ans, pour 15 milliards d’euros, les actionnaires se sont remboursés en dix ans. Or nos collectivités locales continuent d’être sollicitées pour investir et les sociétés comme Vinci, elles, empruntent. Au final, c’est nous qui payons les taux d’intérêt, grâce à une niche fiscale qui coûte près de 3 milliards d’euros chaque année. Et le consommateur est floué, car le prix des péages augmente chaque année – en hausse de 22 % en dix ans –, contrairement aux engagements pris en 2006 !
Vous le savez, ce sera la même musique pour ADP, notamment sur le prix des parkings, extrêmement rémunérateurs. Lors de la discussion du projet de loi PACTE, nous vous proposerons, mes chers collègues, de nous associer pour refuser cette privatisation.
Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Martial Bourquin et Franck Montaugé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher.
M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà l’état du pays, voilà l’avenir du pays et, à la fin, je vous dirai, voilà ma crainte pour le pays !
La dette, les dégrèvements, c’est-à-dire notre politique fiscale avec tous ces errements, toutes ces modifications auxquels on ne comprend finalement goutte, voilà l’état du pays !
En ce qui concerne les dégrèvements, je suis obligé de revenir sur ces 4 milliards d’euros en plus pour la taxe d’habitation. Nous n’en avons pas fait un grand sujet, cette année, au Sénat. Nous attendons le projet de loi de finances rectificative annoncé pour le mois d’avril prochain. Cependant, je vais proposer quelque chose au Gouvernement : si, avec ces 4 milliards d’euros, on faisait une pause d’un an sur la baisse de la taxe d’habitation et aussi une pause sur la TICPE ? Cela permettrait à tout le monde d’y voir plus clair lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative et aux Français de reprendre confiance. C’est une proposition que je vous fais, monsieur le secrétaire d’État.
M. Julien Bargeton. Trop tard !
M. Jérôme Bascher. Non, ce n’est pas trop tard, nous voterons la loi de finances le 11 décembre prochain, date sur laquelle je reviendrai.
M. Julien Bargeton. Sauf que nous en avons terminé avec l’examen de la partie recettes !
M. Jérôme Bascher. En ce qui concerne le compte d’affectation spéciale, il me semble que consacrer 2 milliards d’euros au désendettement est peu ambitieux. Pour autant, je ne suis même pas sûr que vous atteigniez ces objectifs.
Mais il y a aussi tout ce qui manque, à savoir l’ensemble des actifs de l’État qu’on trouve à la Caisse des dépôts et consignations, soit à Bpifrance, soit en filiale directe de la Caisse. On passe tout cela sous silence, alors que certaines entreprises telles que la CNP, La Poste ou la Compagnie des Alpes pourraient très bien être privatisées, au moins partiellement. Eu égard à la situation dans laquelle se trouve l’État, il me semble dommage de passer ces questions sous silence.
Le PIA, voilà l’avenir ! Le problème est qu’il sert à tout et à n’importe quoi et qu’il ne prépare plus l’avenir. Il est aujourd’hui quasiment le seul budget d’investissement de ce projet de loi de finances. Je n’en fais pas grief au Gouvernement, mais il est bien triste que l’investissement de l’État se soit réduit comme peau de chagrin.
Comme je le disais, on y trouve tout et n’importe quoi. Voilà dix ans, la rénovation du Grand Palais était financée sur les fonds du ministère de la culture ; aujourd’hui, on fait appel au PIA, parce qu’on ne sait pas bien comment boucler les fins de mois…
Le plan d’investissements d’avenir devrait se concentrer sur l’énergie, peut-être, et sur le verdissement, sur le spatial – car nous avons énormément de dettes vis-à-vis de l’ESA et qu’il y a d’énormes enjeux – et sur le très haut débit. Sur ce dernier sujet, je vous sais convaincu d’avance, monsieur le secrétaire d’État.
Enfin, ma crainte porte sur le vote du 11 décembre prochain. Je ne pense pas au vote du Sénat sur le projet de loi de finances, mais au vote du Parlement britannique sur le Brexit. S’il advenait que les parlementaires britanniques rejettent le Brexit tel qu’il leur est proposé, les 42 milliards d’euros affectés au remboursement des intérêts de la dette risquent d’être très insuffisants.
Je terminerai en citant Winston Churchill : « L’Angleterre s’écroule dans l’ordre et la France se relève dans le désordre ». Cette fois, je crains que l’Angleterre ne s’écroule dans le désordre et que la France ne se relève pas dans le désordre.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a finalement une très grande unité à aborder ces différents sujets aujourd’hui et une très grande justesse à ce que je vienne les porter. Nous avons parlé de ce dont nous héritons, le patrimoine de l’État, de ce que nous construisons, le plan d’investissements d’avenir, et puis de cette dette, qui était là, qui sera là, et à laquelle il faut donner du sens.
En ce qui concerne les participations financières de l’État, il s’agit d’abord de respecter les engagements pris. Il s’agit ensuite de financer l’innovation et de contribuer au désendettement.
Au-delà des dépenses déjà identifiées, le doublement des crédits ouverts au titre du programme 731 en 2019, par rapport à 2018, reflète la volonté du Gouvernement d’abonder rapidement le fonds pour l’innovation et l’industrie en fonction du calendrier des cessions permises par la loi PACTE.
La priorité au désendettement se manifeste par l’ouverture de 20 % des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », le CAS PFE, sur le programme 732.
L’équilibre du CAS PFE dans le projet de loi de finances pour 2019 – avec 10 milliards d’euros de recettes – et la répartition des crédits tiennent ainsi compte du niveau de recettes potentiellement élevé pouvant résulter des cessions permises par la loi PACTE, ainsi que de l’engagement de consacrer principalement ces recettes au fonds pour l’innovation et l’industrie et au désendettement de l’État.
Vous avez parlé du passé et de la nécessaire préservation des intérêts patrimoniaux de l’État. De manière constante, tous les gouvernements ont fait le choix de retenir un montant notionnel de prévisions de recettes et de dépenses afin de ne pas donner de signaux aux marchés.
Le Gouvernement est soumis à une double obligation : celle d’information et de transparence à l’égard du Parlement et celle de gérer au mieux les deniers publics face aux marchés, ce qui suppose de ne pas leur révéler nos intentions. C’est cette tension entre deux impératifs qui s’imposent au Gouvernement qui justifie l’inscription de crédits notionnels dans le CAS PFE.
Enfin, nous veillons à l’augmentation de la valeur des participations financières de l’État.
Depuis le début de cette année, le portefeuille coté de l’État poursuit sa très bonne performance. Il est important de le souligner.
En ce qui concerne le programme d’investissements d’avenir, comme vous le savez, le Gouvernement s’est engagé dans une politique d’investissements volontariste pour accompagner les réformes structurelles que nous portons et répondre aux défis majeurs de la France. C’est le sens du Grand Plan d’investissement lancé par le Premier ministre, le 25 septembre dernier, et qui va se déployer tout au long du quinquennat.
Le troisième volet du programme d’investissements d’avenir est une composante pleine et entière de ce GPI. Il contribue directement à ses champs d’intervention prioritaires : accélérer la transition écologique, édifier une société de compétences, ancrer la compétitivité sur l’innovation, construire l’État de l’âge numérique.
Avec le PIA 3 et ses 10 milliards d’euros, actés par la loi de finances pour 2017, l’État s’est donné les moyens de transformer profondément le tissu économique français. Ainsi, le PIA 3 n’est pas structuré par secteur, mais de l’amont à l’aval, de l’enseignement et la recherche jusqu’à l’innovation et le développement des entreprises, autour de deux vecteurs de transformation : la transition à l’heure d’un monde numérique et l’impératif de développement durable.
Sur la nature des crédits, entre fonds propres et avances remboursables, le PIA 3 fait une large place aux fonds propres, avec près de 4 milliards d’euros, afin de valoriser économiquement l’effort exceptionnel consenti pour la recherche et l’innovation des PIA 1 et 2, en partageant mieux les risques avec les entreprises et donc également les perspectives de rentabilité en cas de succès.
Au total, ce sont près de 5 milliards d’euros de crédits du PIA 3 qui ont vocation à générer, par nature, un retour financier pour l’État.
En ce qui concerne les crédits de paiement 2019 et l’annualisation des décaissements, 1 milliard d’euros en crédits de paiement seront ouverts en 2019 afin de concrétiser ces ambitions, conformément à la trajectoire triennale, ce qui correspond à une montée en charge progressive des décaissements directement liée à la programmation et aux mécanismes des différents dispositifs.
Enfin – il s’agit d’un sujet important –, le Gouvernement a acté, début 2018, en complément du PIA 3 qui avait été décidé en 2016, la création du fonds pour l’industrie et l’innovation, doté de 10 milliards d’euros. Ce fonds marque notre volonté d’amplifier l’effort en faveur de l’innovation de rupture en ciblant prioritairement les entreprises à très forte intensité technologique, en assumant une prise de risque plus grande, notamment s’agissant des grands défis que nous avons annoncés, avec le ministre de l’économie et la ministre de la recherche. La complémentarité avec les aides existantes et la cohérence globale de la politique de l’innovation seront assurées par le Conseil de l’innovation, qui s’est déjà réuni.
Enfin, je terminerai en évoquant les engagements financiers de l’État, cette dette, ce fameux nombre 42 que vous avez souhaité rappeler, madame la rapporteur spécial, et qui a été au cœur de nombreuses prises de parole.
Les crédits de cette mission s’élèvent précisément à 41,8 milliards d’euros et portent pour l’essentiel sur la charge de la dette, à hauteur de 41,2 milliards d’euros.
Le projet de loi de finances reprend et crédibilise les cibles que le Gouvernement s’était fixées dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 : la trajectoire pluriannuelle retenue assure un redressement budgétaire progressif grâce à une réduction du poids de la dépense publique de plus de 3 points et à une diminution des prélèvements obligatoires de 1 point, ainsi qu’une baisse du ratio de dette publique d’au moins 5 points à l’horizon du quinquennat à l’aide de réformes structurantes et volontaires que vous avez très généreusement commentées dans vos interventions.
Je tiens à vous répéter notre détermination à redresser durablement les finances publiques françaises, un redressement allant de pair avec les réformes structurelles que nous menons pour rendre la France toujours plus attractive.
Par ailleurs, je vous rappelle que les crédits de cette mission comportent également les appels en garantie liés aux dispositifs de garantie à l’export que nous avons profondément modernisés et renforcés, notamment avec la réforme de l’assurance prospection, dont le plein effet budgétaire ne se fera sentir qu’en 2020, ainsi que ceux liés au soutien à l’accession à la propriété dont les encours augmentent, mais la sinistralité reste très faible.
Vous l’aurez compris, c’était à la fois une réflexion sur le passé et sur le présent.
remboursements et dégrèvements
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Remboursements et dégrèvements |
135 687 650 000 |
135 687 650 000 |
Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs) |
115 829 650 000 |
115 829 650 000 |
Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs) |
19 858 000 000 |
19 858 000 000 |
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. J’ai fait part dans mon rapport d’un certain nombre d’observations, voire de doutes, sur l’efficience du CICE ou sur la compensation de l’allégement de la taxe d’habitation. Je me dois d’être, comme à mon habitude, d’une grande sincérité et d’une grande honnêteté : à titre personnel, je vous invite, mes chers collègues, à votre contre les crédits de cette mission ; en tant que rapporteur spécial, je vous invite à suivre l’avis de la commission des finances et donc à les adopter.
Vous l’aurez compris, je ne suis pas bipolaire, mais sincère et authentique. (Sourires.)
M. Fabien Gay. Très bien !
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
engagements financiers de l’état
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Engagements financiers de l’État |
42 288 181 941 |
42 471 457 783 |
Charge de la dette et trésorerie de l’État (crédits évaluatifs) |
42 061 000 000 |
42 061 000 000 |
Appels en garantie de l’État (crédits évaluatifs) |
125 300 000 |
125 300 000 |
Épargne |
101 881 941 |
101 881 941 |
Dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité |
0 |
0 |
Augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement |
0 |
0 |
Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque |
0 |
183 275 842 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 77, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Engagements financiers de l’État ».
Article 77
Le ministre chargé de l’économie est autorisé à souscrire à une augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement à hauteur de 6 855 963 842 € de capital sujet à appel.
M. le président. Je mets aux voix l’article 77.
(L’article 77 est adopté.)
compte d’affectation spéciale : participation de la france au désendettement de la grèce
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Participation de la France au désendettement de la Grèce |
118 000 000 |
125 700 000 |
Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs |
118 000 000 |
125 700 000 |
Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France |
0 |
0 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
compte d’affectation spéciale : participations financières de l’état
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Participations financières de l’État |
10 000 000 000 |
10 000 000 000 |
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État |
8 000 000 000 |
8 000 000 000 |
Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État |
2 000 000 000 |
2 000 000 000 |
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° II-221 rectifié ter est présenté par MM. Montaugé, M. Bourquin, Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, M. Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Raynal, Mme Taillé-Polian, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° II-252 est présenté par M. Gay, Mmes Assassi et Cohen, MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État |
|
8 000 000 000 |
|
8 000 000 000 |
Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État |
|
2 000 000 000 |
|
2 000 000 000 |
TOTAL |
|
10 000 000 000 |
|
10 000 000 000 |
SOLDE |
- 10 000 000 000 |
- 10 000 000 000 |
La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° II-221 rectifié ter.
M. Franck Montaugé. Je me suis exprimé ce matin sur ce sujet lors de l’examen des crédits de la mission « Économie ». Martial Bourquin vient de le faire à l’instant, comme un certain nombre de nos collègues, et la commission des affaires économique s’est également exprimée sur cette question.
Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes toujours dans l’attente d’une explication sur cette opération à 10 milliards d’euros.
Avec la vente annoncée de ses participations dans ADP, Engie et la Française des jeux, l’État va perdre un rendement d’environ 10 % par an en termes de dividendes, sinon plus. Une toute petite partie de cette vente – 2 milliards d’euros – sera affectée au désendettement, et le produit des dividendes générés par le placement des actions que vous allez vendre sera, lui, affecté au fonds pour l’innovation de rupture, pour un rendement d’environ 2,5 %.
Au-delà des arguments évoqués par les uns et les autres – je pense notamment aux propos de Martial Bourquin sur ADP –, je ne comprends pas le sens de cette opération pour l’État.
En résumé, à partir de la huitième ou de la neuvième année suivant cette vente, l’État perdra de l’argent par rapport à la situation actuelle. Je ne comprends pas l’économie de ce projet de privatisation.
Par ailleurs, je m’interroge sur la stratégie de l’État. Nous aimerions tout de même avoir quelques explications, même si j’ai bien compris que nous y reviendrions lors de la discussion du projet de loi PACTE.
Les auteurs de cet amendement proposent de ne pas procéder à la vente de ces actions, en attendant d’obtenir des explications à même de nous convaincre, ce dont je doute fortement.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° II-252.
M. Fabien Gay. Nous voulons marquer, avant même les débats sur le projet de loi PACTE qui se tiendront au Sénat à la fin du mois de janvier prochain, notre opposition aux privatisations envisagées par le Gouvernement. Les cessions de capital d’ADP, de la Française des jeux et d’Engie sont un non-sens stratégique et économique.
Aéroports de Paris, entreprise en situation de monopole, représente des enjeux stratégiques considérables pour le pays. Cette entreprise est particulièrement prospère : ces cinq dernières années, le cours de son action est passé de 74 à 193 euros.
ADP représente près de 5 % du PIB régional, 1,4 % du PIB national et génère 8 % des emplois régionaux et 2 % de l’emploi national. Il s’agit donc d’un actif particulièrement important pour l’État, lequel a perçu plus de 1,1 milliard d’euros de dividendes en dix ans.
De plus, en 2017, ADP a été le point d’entrée sur le territoire de plus de 100 millions d’individus. À l’horizon de 2030, avec la fin des travaux du terminal 4, ADP sera le premier aéroport européen.
Voilà ce dont vous voulez vous débarrasser : un groupe en pleine santé économique et dont l’importance stratégique n’échappe à personne !
Nous ne développerons pas ici les enjeux en termes d’investissements, de sécurité des infrastructures et d’unité du système aéroportuaire. Nous ne développerons pas non plus la question de l’avenir du Grand Paris, dans lequel ADP occupe une place centrale, sans parler de la maîtrise du foncier, avec le risque d’une spéculation encore plus effrénée, nocive pour les communes avoisinantes et leurs habitants.
Ainsi, alors même que la décision de privatiser les aéroports de Toulouse et de Nice est aujourd’hui largement critiquée, vous maintenez le cap, même s’il vous mène droit dans le mur. En cédant cette entreprise, vous agissez contre les intérêts de notre pays. Et pour quels motifs ? Vous évoquez un fonds d’innovation de rupture ayant vocation à moderniser et à enrichir l’économie nationale et qui sera donc financé par la cession d’un groupe rapportant, chaque année, des dividendes importants à l’État. Cela n’a pas de sens.
Pour les mêmes raisons, vous entendez également privatiser la Française des jeux. Il s’agit pourtant d’une entreprise plus que rentable, qui a rapporté 3,4 milliards d’euros à l’État en 2017, ce qui n’est pas rien. La cession envisagée privera donc l’État de ressources financières importantes, alors même que la Française des jeux n’aura pas besoin d’investissements importants. De plus, ce désengagement de l’État dans la Française des jeux vient tourner le dos à notre tradition républicaine de régulation des jeux d’argent.
Pour ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. le président. L’amendement n° II-70, présenté par M. Lurel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État |
|
|
|
|
Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État |
|
1 000 000 000 |
|
1 000 000 000 |
TOTAL |
|
1 000 000 000 |
|
1 000 000 000 |
SOLDE |
- 1 000 000 000 |
- 1 000 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. J’avoue être un peu comme mon collègue Savoldelli : non pas bipolaire, mais authentique. J’ajouterai que, comme l’âne de Buridan, je suis partagé entre le picotin d’avoine et le seau d’eau. (Sourires.)
La commission des finances a adopté un amendement qui vise à abaisser les prélèvements de l’État en matière de désendettement, préemptant ainsi, si j’ose dire, les recettes futures de privatisation.
Je partage, à titre personnel, la position, ou plutôt l’opposition, de MM. Montaugé et Gay. Très sincèrement, je n’ai pas compris la stratégie de l’État qui consiste à privatiser des biens fort rentables, alors que d’autres solutions existent. Tout cela figure dans le rapport spécial de la commission des finances.
Ainsi, compte tenu des taux faibles auxquels l’État se finance actuellement sur les marchés financiers, il ne paraît pas souhaitable de multiplier par deux la contribution au désendettement de l’État portée par le compte d’affectation spéciale en 2019.
La réduction de cette dépense prend de surcroît acte de deux risques identifiés pour 2019 : d’une part, le caractère improbable de l’encaissement dès 2019 du produit tiré de la cession des titres de participation de l’État dans la Française des jeux et, d’autre part, le risque résultant d’un solde cumulé du compte s’établissant à un niveau très faible pour la capacité de réaction de l’État actionnaire. En effet, en cas de survenance d’un risque systémique imprévu et à défaut de réserves suffisantes sur le compte, un versement du budget général serait nécessaire, ce qui assujettirait l’État actionnaire aux contraintes inhérentes à la gestion budgétaire annuelle.
Par cet amendement, il s’agit d’en rester à ce que nous faisions en 2018, en ne portant pas à 10 milliards d’euros les montants conventionnels, ce qui ne constitue pas vraiment une bonne affaire, compte tenu des taux actuellement pratiqués par les marchés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos II-221 rectifié ter et II-252 ?
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de notre assemblée. Pour ma part, je les voterai.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, c’est l’avis de la commission qui est sollicité.
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Ces amendements n’ont pas été examinés par la commission.
M. Jérôme Bascher. Si, ce matin, à neuf heures !
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. J’apprends que la commission a demandé le retrait de ces amendements, ce qui est logique.
M. Jérôme Bascher. Non, l’avis est défavorable !
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Pardonnez-moi, je n’étais pas à la réunion de la commission ce matin.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État. Les cessions de participations ne sont pas motivées par des besoins de trésorerie, je l’ai rappelé précédemment. Le Gouvernement a défini une trajectoire budgétaire pour le quinquennat, et il la respectera. (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Il faut que l’État soit plus sélectif dans l’utilisation des deniers publics et limite l’immobilisation de l’argent public.
Ces opérations sont le fruit d’une clarification du rôle de l’État. Les participations qui ne répondent pas aux missions fondamentales de l’État peuvent et doivent être cédées. C’est le rôle de l’État stratège que de ne pas se comporter comme un État rentier. Il s’agit d’utiliser l’argent public pour investir dans les technologies de demain et réduire l’endettement, parce que la dette est un poison lent et puissant pour l’économie française.
La logique du dispositif qui a été retenu est de céder des participations, plutôt que de les gérer passivement, et d’investir le produit des cessions dans un fonds dont le rendement financera durablement et de façon stable les innovations de rupture. Ce fonds a vocation à s’inscrire dans une durée longue, comme un outil de long terme pour le financement de ces innovations.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Avec le dernier amendement défendu ici ce matin, nous avons été un certain nombre à vouloir restaurer la pratique de l’évaluation de nos politiques publiques. Or, ici, nous ne disposons d’aucune évaluation précise.
En outre, il n’existe absolument aucun contrôle parlementaire sur ces privatisations. Après avoir évoqué ce sujet avec le rapporteur spécial en commission, j’estime qu’il est beaucoup trop important pour échapper complètement au contrôle du Parlement. Certes, nous disposons d’un jaune budgétaire sur les participations de l’État, mais, en l’occurrence – nous avons parlé en souriant des gens bipolaires –, l’État actionnaire est complètement bipolaire. Et ce n’est pas un petit sujet !
Ainsi, pour les raisons que je viens d’évoquer, à savoir le manque d’évaluation et l’impérieuse nécessité d’un contrôle parlementaire, je voterai ces amendements. C’est une question de principe ! (MM. Martial Bourquin et Franck Montaugé applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je vais tâcher de ne pas être bipolaire… (Sourires.)
Je ne voterai pas ces amendements.
M. Fabien Gay. Quel dommage !
M. Roger Karoutchi. Regrets éternels depuis le Conseil national de la Résistance, mais il faut s’en remettre…
Leur portée est trop globale. Par définition, si on veut un tant soit peu parvenir à un budget à peu près à l’équilibre, il faudra bien trouver des solutions. En revanche, je ne suis pas certain – notre collègue Gay va s’en émouvoir – que la privatisation soit une bonne opération. (MM. Martial Bourquin et Franck Montaugé applaudissent.) La Française des jeux, pour moi, c’est moins stratégique.
ADP a reçu, de la part des collectivités et de l’État, un important soutien au cours des vingt dernières années. Le groupe a posé, en Île-de-France, de nombreux problèmes, que nous avons, année après année, réglés. Faire tous ces efforts pour privatiser quand ça va mieux, ça crée un sentiment mitigé.
M. Franck Montaugé. Voilà !
M. Roger Karoutchi. Nous nous y sommes tous mis pour faire en sorte que ce qui nous apparaissait comme stratégique soit préservé et sauvegardé. Puis, une fois que nous avons réussi, on privatise !
Personnellement, je ne suis pas hostile par principe aux privatisations. Toutefois, dans le cas précis d’ADP, je me pose de sérieuses questions.
Je ne voterai pas ces amendements, dont les dispositions, je le répète, sont trop globales. S’ils n’avaient concerné qu’ADP, je me serais posé la question.
Quoi qu’il en soit, je demande au Gouvernement de réfléchir. On a pu voir ce qui s’est passé avec les aéroports de province. Vous allez voir les conséquences d’une telle décision sur les transferts, les voyages, le Charles-de-Gaulle Express. On n’est pas sorti de l’auberge !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. J’interviens dans le prolongement de ce qui vient d’être dit, notamment par mon camarade Fabien Gay.
Il faut tout se dire et tout assumer ! J’ai souvent entendu ici l’exécutif invoquer les directives européennes, qu’on soit d’accord ou pas avec leur transposition, pour justifier certaines dispositions. Pour ADP, il faut dire la vérité : il n’y a aucune directive européenne qui nous oblige à privatiser ce groupe. C’est donc un choix national et purement idéologique.
Par ailleurs, ADP est rentable. Il n’y a donc pas besoin de faire appel à des capitaux privés. Il y a là un non-sens ! Peut-être s’agit-il d’inviter certains, dont je ne connais ni le nom ni les capacités d’investissement, dans la souveraineté de notre croissance.
En touchant à ADP, on touche au transport aérien, qui représente 2 % du PIB de la France. Or ADP en est une part importante : il y a des commerces, des parkings et de nombreux autres services. Quel intérêt aurait notre pays à vendre le capital d’ADP, qui est une entreprise rentable lui assurant des rentrées annuelles importantes, pour s’engager dans un one shot ?
M. Jérôme Bascher. Un one off !
M. Pascal Savoldelli. Certes, nous ne sommes pas encore en train d’examiner la loi PACTE, mais restons vigilants, mes chers collègues ! L’État s’apprête à vendre des parts de son capital, alors même que le concessionnaire ne sera pas contraint de répondre à un cahier des charges. Nous, quand nous gérons des collectivités, nous instaurons des contraintes !
M. le président. Merci de conclure, cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. Or, je le répète dans le cas qui nous occupe, on va vendre le capital de l’État, sans que le concessionnaire ait à respecter un cahier des charges !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. À titre personnel, je voterai ces amendements, même s’ils concernent également Engie et la Française des jeux. J’aurais préféré limiter ma position à ADP.
À Blagnac, je peux vous dire que le consortium chinois à qui l’aéroport a été vendu – heureusement, il reste quelques parts du capital qui n’ont pas été privatisées – n’a pas fait autant d’investissements que promis. En revanche, il a recommencé à distribuer des dividendes, bien au-delà de ce qu’il avait annoncé.
Chat échaudé craint l’eau froide. J’attends donc avec impatience la loi PACTE.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Sans a priori dogmatique sur la question des privatisations, j’ai apprécié les propos de Nathalie Goulet. Nous sommes dans un entre-deux, puisqu’on nous demande de nous prononcer sur des affectations de crédits, indépendamment de la discussion de fond que nous aurons dans le cadre de la loi PACTE, en espérant que le Parlement soit associé dans le détail au processus de privatisation.
Il n’y a pas lieu de se presser. La bonne attitude, étant entendu que nous ne possédons pas tous les éléments pour pouvoir juger de manière objective, c’est de voter ces amendements. M. Karoutchi a également argumenté en ce sens, en disant qu’il était plutôt opposé à la privatisation d’ADP.
La situation est opaque, alors que l’enjeu est tout à fait considérable. Je le répète, il s’agit de 10 milliards d’euros. Pour l’État français, ce sont des revenus de haute performance financière. L’intérêt général est évidemment en cause.
Pour toutes ces raisons, sans prendre de décision définitive sur ces trois sujets, je vous invite, mes chers collègues, à voter ces amendements, pour lesquels notre groupe demandera un scrutin public.
M. le président. Mes chers collègues, huit orateurs souhaitent encore expliquer leur vote sur ces amendements. Je leur demande de faire preuve de concision, pour que nous puissions tenir les délais.
La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Faut-il ou ne faut-il pas privatiser ? Pour ma part, j’estime que, lorsqu’il ne s’agit pas de missions régaliennes de l’État, il vaut mieux privatiser. Les aéroports relèvent-ils du domaine régalien ? Compte tenu des questions de sécurité, on n’en est pas très loin.
Sur le plan financier, je souhaite répondre à nos camarades. Le meilleur moment pour privatiser une entreprise et pour défendre au mieux les deniers de l’État et, donc, de nos concitoyens, c’est quand elle est en bonne santé et non pas quand elle ne va pas bien. Dans ce dernier cas, des investisseurs privés arrivent, la redressent et réalisent ensuite d’énormes plus-values qui vous font hurler.
Dans le cas qui nous occupe, l’entreprise se porte bien, son cours en bourse ayant augmenté. C’est donc le moment idéal, pour bien défendre nos intérêts, de céder cette entreprise. Sur le plan économique, l’analyse est incontestable.
J’émettrai toutefois une réserve. Il s’agit de vendre les bijoux de famille, ce qui va nous faire perdre des recettes. Certes, à court terme, cela va nous rapporter du capital. J’aurais donc à cœur que cette recette en capital serve à réduire la dette ou à financer des restructurations qui nous permettront d’aller mieux demain. Il faut absolument éviter qu’elle alimente un trou sans fond en venant compenser des déficits de fonctionnement, sinon ce serait faire preuve d’une très mauvaise gestion.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.
M. Jean-François Husson, vice-président de la commission des finances. Pour le bon déroulement de nos débats, sur la forme comme dans le temps, je rappelle que l’amendement de M. Lurel a bénéficié d’un avis favorable en commission et que les deux amendements identiques nos II-221 rectifié ter et II-252 ont reçu un avis défavorable de la commission ce matin.
Mes chers collègues, le projet de loi PACTE nous donnera l’occasion de débattre longuement de ce sujet sur le fond. De surcroît, vous aurez l’honneur et le plaisir de me retrouver à cette occasion. Je ne serai que l’un des animateurs, parmi l’ensemble de nos collègues, femmes et hommes, de cette assemblée. Je vous invite donc à être concis et raisonnables, dans notre intérêt et dans celui de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Julien Bargeton applaudit également.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.
M. Michel Vaspart. Je serai bref.
À titre personnel, je suis assez opposé à la vente d’Aéroports de Paris. On ne vend pas des bijoux de famille de ce type, qui ont un caractère stratégique. Je rejoins donc la position de M. Karoutchi : si ces amendements avaient porté exclusivement sur ADP, je les aurais votés.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je l’avoue, en tant que parlementaire, je n’ai jamais été aussi partagé. Nous avons là une option idéologique : nous sommes tous d’accord pour dire qu’il ne faut pas préempter le vote qui aura lieu dans le cadre du projet de loi PACTE, mais, si nous votons ces amendements, c’est en quelque sorte ce que nous ferons.
Notre collègue Karoutchi nous dit que ces amendements sont globaux. Je ne vois pas en quoi ! Pour ma part, j’ai proposé à la commission des finances un compromis, qu’elle a voté. Sans vouloir me prononcer sur le fond, notamment d’un point de vue idéologique, j’estime, comme mon collègue Joyandet, qu’une entreprise relevant du domaine régalien ne doit pas être privatisée. Or nous sommes tous d’accord pour dire qu’ADP relève du domaine régalien. Même aux États-Unis, les aéroports sont tous publics, seul l’aéroport de Londres-Heathrow ne l’est pas.
L’État vend des bijoux de famille en faisant une mauvaise affaire : la rentabilité est douteuse. Si nous sommes tous d’accord sur le constat, nous nous apprêtons à voter cette disposition en raison d’options idéologiques. En tant que rapporteur spécial de la commission des finances, j’ai estimé qu’il s’agissait d’une disposition artificielle. Le Parlement est mis de côté au nom de la confidentialité, l’État fait ce qu’il veut et la LOLF n’est pas respectée. Nous le savons tous, nous sommes en train de réaliser un exercice parfaitement artificiel. Pourtant, nous allons voter cette disposition, en tout cas du côté droit de cet hémicycle.
Je l’avoue, à titre personnel, en tant que membre bipolaire de cette assemblée – élu du groupe socialiste et rapporteur spécial –, je voterai les amendements de mes collègues.
Mme Dominique Estrosi Sassone. C’est bon, on a compris !
M. Victorin Lurel. En effet, en mon for intérieur, je pense que c’est une mauvaise affaire pour le patrimoine de l’État. (M. Franck Montaugé applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Mon intervention ne durera que vingt secondes.
Je me souviendrai des propos tenus aujourd’hui. Pour la deuxième fois de la journée, je suis d’accord avec M. Karoutchi… (Rires.)
M. Jérôme Bascher. C’est trop !
M. Jean-François Husson, vice-président de la commission des finances. Créez un intergroupe !
M. Fabien Gay. Certes, FDJ, Engie et ADP ne sont pas des entreprises de même nature. Nous considérons qu’Engie est un bien commun de l’humanité. Je ne sais pas comment nous lutterons contre la précarité énergétique tant que nous ne maîtriserons pas de manière publique les questions de l’énergie, y compris s’agissant des prix. Mais c’est un autre débat, sur lequel nous ne serons peut-être pas d’accord…
Sur ADP, j’ai l’impression que nous pouvons trouver une position commune. Tous nos groupes doivent s’engager à travailler ensemble sur cette question. De notre côté, nous nous y emploierons.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Au-delà des enjeux financiers qui ont été évoqués ou des enjeux locaux, qui ont leur importance, comme l’a dit Françoise Laborde, les aéroports relèvent d’un enjeu stratégique d’une telle portée pour notre pays que l’État doit conserver leur maîtrise, à plus forte raison quand on voit l’instabilité du monde dans lequel on vit. (M. Franck Montaugé applaudit.)
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Lalande, pour explication de vote.
M. Bernard Lalande. Le mot « privatisation » ne me fait pas peur. Je n’appartiens pas à une école de pensée qui me dirait que c’est bien ou mal. Pour faire tourner l’économie, il vaut mieux que les entreprises soient gérées par des acteurs privés. Pour préserver les intérêts publics, l’action publique est préférable.
Pour ce qui concerne ADP, je ne comprends pas très bien. La nation, l’État, va consacrer des sommes considérables au Charles-de-Gaulle Express pour desservir tout un territoire. Et on va vendre l’un des bijoux de ce territoire avant d’avoir fait les investissements ? Il serait plus intéressant de reposer le problème dans quelques années, lorsque tous les investissements auront été effectués. L’aéroport pourra alors être revalorisé.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-221 rectifié ter et II-252.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 31 :
Nombre de votants | 296 |
Nombre de suffrages exprimés | 278 |
Pour l’adoption | 101 |
Contre | 177 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° II-70.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », figurant à l’état D.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
compte de concours financiers : accords monétaires internationaux
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Accords monétaires internationaux |
0 |
0 |
Relations avec l’Union monétaire ouest-africaine |
0 |
0 |
Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale |
0 |
0 |
Relations avec l’Union des Comores |
0 |
0 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
compte de concours financiers : avances à divers services de l’état ou organismes gérant des services publics
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics |
11 343 512 861 |
11 343 512 861 |
Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune |
11 000 000 000 |
11 000 000 000 |
Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics |
268 800 000 |
268 800 000 |
Avances à des services de l’État |
59 712 861 |
59 712 861 |
Avances à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex |
15 000 000 |
15 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
investissements d’avenir
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Investissements d’avenir », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Investissements d’avenir |
0 |
1 049 500 000 |
Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche |
0 |
212 500 000 |
Valorisation de la recherche |
0 |
433 000 000 |
Accélération de la modernisation des entreprises |
0 |
404 000 000 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-233 rectifié ter est présenté par Mme Gruny, M. Mouiller, Mme Morhet-Richaud, M. J.M. Boyer, Mme Lopez, MM. Frassa, D. Laurent, Sol et Daubresse, Mme L. Darcos, MM. Houpert, Perrin et Raison, Mme Imbert, MM. Kennel, B. Fournier et Brisson, Mme Berthet, M. Cuypers, Mme Deseyne, M. Lefèvre, Mme Deromedi, MM. Paccaud, Pellevat et Vogel, Mme Dumas, MM. Mandelli, Gremillet, Piednoir et Duplomb, Mme Garriaud-Maylam, M. Sido, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Mayet et Pierre, Mme Bories et MM. Revet, Babary et Dallier.
L’amendement n° II-273 est présenté par Mme Espagnac.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Créer le programme :
Fonds pour l’innovation et le développement des entreprises artisanales
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche |
|
|
|
|
Valorisation de la recherche |
|
|
|
|
Accélération de la modernisation des entreprises |
|
|
|
50 000 000 |
Fonds pour l’innovation et le développement des entreprises artisanales |
|
|
50 000 000 |
|
TOTAL |
|
|
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
La parole est à M. Pierre Cuypers, pour présenter l’amendement n° II-233 rectifié ter.
M. Pierre Cuypers. Cet amendement tend à créer, dans le cadre des crédits de la mission « Investissements d’avenir », un nouveau programme intitulé « Fonds pour l’innovation et le développement des entreprises artisanales », destiné en particulier à flécher des financements pour soutenir la transition numérique de ces entreprises.
Les entreprises artisanales rencontrent souvent des difficultés pour financer leur développement, en particulier leur transformation numérique. En effet, les outils financiers existants exigent des seuils de chiffres d’affaires trop élevés pour rendre ces entreprises éligibles aux dispositifs en vigueur. Rappelons que 41 % des artisans seulement ont un site web, 15 % procèdent à de la vente en ligne et 25 % utilisent les réseaux sociaux.
Il importe donc de permettre aux entreprises artisanales de s’inscrire dans le Grand Plan d’investissement. À cette fin, l’amendement vise à flécher 50 millions d’euros de crédits de paiement de l’action n° 02, Accompagnement et transformation des filières, du programme 423, « Accélération de la modernisation des entreprises », vers le financement d’un nouveau programme dédié au fonds d’innovation et de développement des entreprises artisanales, dont les modalités de mise en œuvre seront fixées par décret.
M. le président. L’amendement n° II-273 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-233 rectifié ter ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. Ceux qui ont entendu mon intervention liminaire ne seront pas très surpris : je suis défavorable à cet amendement.
Comme je l’ai dit, le PIA n’est pas en premier lieu un outil d’aménagement du territoire – j’ai assez dénoncé les dévoiements de crédits qui ont été opérés par le Gouvernement.
Par ailleurs, la philosophie du PIA n’implique pas que celui-ci soit dédié à certaines catégories d’acteurs : il ne se décline pas en divers outils respectivement dédiés, par exemple, aux ETI, aux PME, aux commerçants ou aux artisans. Il s’agit plutôt d’un instrument visant à faire travailler ensemble toutes les catégories d’acteurs d’une même filière pour faire émerger de nouveaux projets et de nouveaux concepts.
J’invite les auteurs de cet amendement à étudier ce qui pourrait être fait dans le cadre de l’action n° 02, Accompagnement et transformation des filières, du même programme 423, qui vise à réaliser des investissements, via un fonds géré par Bpifrance, dans des sociétés de projets créées par plusieurs entreprises d’une même filière dans le but de favoriser la transformation de ladite filière. Des crédits pourraient notamment être consacrés, dans ce cadre, à la numérisation.
Des choses sont déjà donc prévues ; mais il ne saurait être question de cibler les commerçants : il s’agit plutôt de travailler dans le sens de la structuration complète d’une même filière, des plus petites aux plus grandes entreprises.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, je partage votre ambition sur la transformation numérique des entreprises artisanales – j’étais hier en Haute-Garonne pour aborder ce sujet avec de nombreux artisans.
La doctrine du PIA repose sur trois valeurs : l’innovation, la coopération et l’excellence. Tous les projets sont analysés à l’aune de ces valeurs. Les entreprises candidates ne sont donc pas jugées en fonction de leur taille.
Dès aujourd’hui, les entreprises artisanales bénéficient, directement ou indirectement, de nombreuses actions de ce PIA. Je citerai, par exemple, dans le cadre de l’action Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition, le soutien au secteur du bâtiment, composé à 97 % d’entreprises artisanales, qui a permis le financement d’une plateforme numérique bénéficiant aujourd’hui à tous les acteurs.
La deuxième initiative que je citerai, que je suis fier de porter depuis près d’un an et demi, s’appelle France Num. Elle permet aux entreprises artisanales et aux plus petites entreprises, à travers tout le territoire, d’être accompagnées par des êtres humains, au niveau des régions notamment, et de bénéficier d’un prêt d’un montant total de 1 milliard d’euros, qui a été garanti à hauteur de 30 millions d’euros par ce même PIA.
Comme vous le voyez, nous agissons à destination des TPE et des PME. Je soulignerai que 90 % des bénéficiaires des garanties de la BPI sont des TPE, artisanales pour certaines.
Nul besoin de revenir sur l’affectation par programme des crédits de paiement du PIA, qui d’ailleurs correspondent à des autorisations d’engagement déjà consommées. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour explication de vote.
M. Pierre Cuypers. Je prends acte de la réponse de notre rapporteur spécial. Je retire donc l’amendement.
M. le président. L’amendement n° II-233 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° II-231, présenté par MM. Capus, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche |
|
|
5 000 000 |
|
Valorisation de la recherche |
|
|
|
|
Accélération de la modernisation des entreprises |
|
5 000 000 |
|
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Favoriser les PME de croissance est une cause nationale pour l’économie et l’emploi. Si l’économie ne repart pas en France, c’est en particulier à cause d’un déficit d’exportations, lié à un problème chronique d’offre de la part d’entreprises qui ne sont pas assez compétitives, notamment dans l’industrie. Sur les neuf premiers mois de l’année 2018 – je l’ai dit lors de la discussion générale –, le déficit cumulé de la France a ainsi atteint 48,2 milliards d’euros, ce qui est une cause de faiblesse et de dépendance structurelle pour notre économie.
Si nos grandes entreprises n’ont pas de mal à agir, ou plutôt, d’ailleurs, ont moins de mal à agir, dans une économie mondialisée, la reconquête de parts de marché à l’étranger passe par l’internationalisation de nos ETI et de nos PME, qui n’ont pas la même facilité à exporter que leurs homologues allemandes. Dans le cadre des investissements d’avenir, il importe ainsi de leur apporter un soutien fort dans cette démarche – je crois néanmoins deviner l’avis que donnera notre rapporteur spécial sur ma proposition.
Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à transférer 5 millions d’euros du programme 421 vers l’action n° 07, Fonds à l’internationalisation des PME, du programme 423, « Accélération de la modernisation des entreprises ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. J’ai précédemment regretté le taux d’ouverture des crédits de paiement, qui est modeste, puisqu’il est inférieur à 20 % sur l’ensemble du programme. Le programme particulier que vous visez, pour le coup, fonctionne : 50 % des crédits de paiement sont déjà ouverts. Ne serait-ce que pour cette raison, l’avis ne peut être que défavorable sur cet amendement.
De surcroît, l’action à laquelle vous souhaitez retirer des crédits, à savoir l’action n° 05, Constitution d’écoles universitaires et de recherche, répond à un enjeu véritable : elle vise à développer le modèle des graduate schools en rassemblant en un même lieu, dans le cadre d’un domaine scientifique particulier, formation et recherche. Il s’agit donc de renforcer l’attractivité et la visibilité internationales de nos grands pôles universitaires et de recherche – certains de nos collègues sont particulièrement attachés au développement de l’enseignement supérieur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État. Le Gouvernement fait sienne cette priorité stratégique consistant à accompagner l’accélération de la croissance vers l’étranger de nos entreprises les plus prometteuses, qu’on les appelle « scale-up » ou « build-up ». (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. C’est interdit par la loi de parler anglais !
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État. C’est pourquoi j’ai commencé par désigner ces entreprises en bon français avant de préciser comment d’autres les appellent.
M. Alain Joyandet. Si la traduction est en bon français, c’est tolérable ! (Sourires.)
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État. Cette priorité du Gouvernement se traduit déjà par certains engagements du PIA, à travers notamment le fonds Build-Up International – étant une action internationale, elle a un nom international –, qui est destiné à accompagner les PME et les ETI dans des prises de position stratégiques à l’étranger. Cette action a déjà fait l’objet de 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 100 millions d’euros de crédits de paiement en 2017 ; ces sommes ont ensuite été affectées à Bpifrance et commencent seulement à financer l’activité quotidienne de ces PME et ETI.
Vous le voyez, nous partageons cette ambition, et des fonds ont déjà été mobilisés. Aujourd’hui, un tel transfert de 5 millions d’euros ne nous paraît donc pas nécessaire. Par conséquent, l’avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Compte tenu des explications qui m’ont été données, en deux langues, en plus, je vais retirer cet amendement.
Je ne veux pas déshabiller Paul pour habiller Jacques : mon but n’était pas de déshabiller la recherche, mais bien d’attirer l’attention sur la nécessité d’un développement des PME à l’international, dont nous partageons la volonté.
Je retire donc l’amendement.
M. le président. L’amendement n° II-231 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Investissements d’avenir », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Remboursements et dégrèvements », « Engagements financiers de l’État » et « Investissements d’avenir », des comptes d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et « Participations financières de l’État », ainsi que des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics ».
Cohésion des territoires
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Cohésion des territoires » (et articles 74, 74 bis, 74 ter, 74 quater, 74 quinquies et 74 sexies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l’accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » et « Politique de la ville ». Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, mes chers collègues, disons-le tout de suite : je proposerai au Sénat, au nom de la commission des finances, de rejeter les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Cela ne signifie pas que, programme par programme, il n’y ait aucun point positif – j’y reviendrai –, mais ce budget traduit d’abord une politique que nous devons apprécier dans son ensemble et, avant tout, à l’aune de ses résultats ; or nous en constatons les premiers effets en matière de logement.
Ce n’est pas faute de vous avoir prévenu, monsieur le ministre. L’an dernier, ici même, sur toutes les travées, et en juillet encore, lors de l’examen de la loi ÉLAN, la bien mal nommée, nous avons dit et répété que vos choix politiques et budgétaires auraient des conséquences dramatiques. Nous y sommes ! Les derniers chiffres montrent une chute inquiétante des réservations pour la promotion privée, et le nombre de logements sociaux financés repassera probablement cette année sous le seuil des 100 000.
L’an dernier, et à l’été encore, vous vous vouliez rassurant. Les fameuses mesures de compensations de la Caisse des dépôts et consignations ainsi que la loi ÉLAN, qui mettra du temps à produire ses effets, allaient permettre aux acteurs du secteur d’encaisser le choc budgétaire. Grave erreur ! La reconnaîtrez-vous enfin et en tirerez-vous les conséquences ?
Votre politique a un but : réaliser des économies budgétaires. Elles sont là. Mais à quel prix ? Moins de logements dès cette année, moins d’emplois demain, mais aussi moins de rentrées sociales et fiscales pour l’État. C’est donc dans ce contexte difficile que nous examinons les crédits de la mission. Malheureusement, contraints par la LOLF, il ne nous est pas possible de modifier le cours que vous avez donné aux choses. Mais nous voulons, une fois encore, tirer le signal d’alarme.
La mission est dotée cette année de 16,1 milliards d’euros de crédits de paiement, mais, vous le savez, le programme 109 en porte l’essentiel, avec la contribution de l’État aux aides personnalisées au logement, qui représente 82 % de ces crédits.
Les dépenses fiscales, avec en particulier les différents taux réduits de TVA, représentent un coût comparable – 17,7 milliards d’euros –, et même désormais légèrement supérieur, bien qu’en baisse, si l’on prend en compte le CITE, le crédit d’impôt pour la transition énergétique.
S’agissant du programme 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », il est à noter que la gestion des centres d’hébergement d’urgence dédiés aux migrants d’Île-de-France est enfin transférée à la mission « Immigration et asile ». Voilà un point de clarification budgétaire bienvenu !
Abstraction faite de cette mesure de périmètre, les crédits de paiement sont en hausse de 43 millions d’euros.
Malheureusement, et en même temps, le Gouvernement a procédé, en projet de loi de finances rectificative, à une ouverture de crédits de 60,2 millions d’euros. Il est donc à craindre que les crédits pour 2019 ne soient toujours pas suffisants, même si l’effort de rebasage entrepris depuis deux ans est à saluer.
Les moyens des CHRS, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, sont réduits de 14 millions d’euros, alors même que le plan Logement d’abord, lancé à l’automne 2017, tarde vraiment à produire des résultats. Cependant, j’interprète ce chiffre non pas comme une réduction du nombre de places offertes, mais, en partie, comme le résultat de la poursuite de la convergence tarifaire entre structures.
S’agissant du programme 109, « Aide à l’accès au logement », les crédits destinés au FNAL, le Fonds national d’aide au logement, diminuent encore de 1,1 milliard d’euros, sous l’effet de deux nouvelles mesures de rendement budgétaire : la sous-revalorisation des aides – 0,3 % – par rapport à l’inflation – 1,6 % – et la prise en compte des revenus contemporains des allocataires, qui impactera d’abord, soyons-en conscients, les jeunes qui entrent sur le marché du travail, qui se verront dès lors réduire ou couper l’APL bien plus rapidement qu’avant.
Se pose également la question du rendement de cette mesure : annoncée à hauteur de 1,2 milliard d’euros en année pleine, elle ne pourra finalement être mise en œuvre avant juillet. Pourtant, le Gouvernement retient toujours un gain de 900 millions d’euros en 2019. Cela mérite quelques explications.
Soulignons enfin le risque pointé par la CAF, qui, si elle pense être au rendez-vous de juillet malgré la complexité technique du dispositif, craint cependant d’être débordée par les demandes d’explications des allocataires et de ne pas être en mesure de les traiter dans des délais raisonnables.
L’article 74 ter de ce PLF rétablit partiellement l’APL accession, dans certaines conditions, mais en outre-mer uniquement. Nous nous en réjouissons, mais, monsieur le ministre, c’est sur l’ensemble du territoire et de manière pérenne qu’il faudrait la rétablir. Je vous proposerai symboliquement un amendement en ce sens.
Quant au programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », son contenu ne change pas de manière considérable, si ce n’est que 2019 restera l’année de l’extinction des aides à la pierre sous forme de crédits budgétaires. Ce n’est guère une surprise, me direz-vous : la pente sur laquelle nous étions rendait ce terme inéluctable.
Un point, maintenant, sur les conséquences de la mise en place de la réduction de loyer de solidarité, dont le rendement pour l’État, du fait de la baisse des APL, est plus important que prévu : environ 870 millions d’euros en année pleine, contre 800 millions initialement prévus, ce qui signifie que, pour les bailleurs sociaux, le coût est lui aussi plus élevé.
Nous nous interrogeons également sur le rendement de l’augmentation de la TVA pour les bailleurs sociaux, de 5,5 % à 10 %, qui a permis l’étalement sur trois ans de la RLS, la réduction de loyer de solidarité. Combien cette hausse de TVA aura-t-elle rapporté en 2018 ?
En tout état de cause, nous souhaitons une révision des paramètres pour 2019, afin de rester dans l’objectif prévu de 1,5 milliard d’euros – 800 millions d’euros de réduction d’APL pour financer la RLS, côté dépenses, ou moins si, côté recettes, la TVA rapportait davantage.
Quelques mots sur l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, qui a bénéficié en 2018 de la remontée significative du cours des quotas carbone. Malheureusement, cette hausse n’a pas échappé à Bercy, puisque l’article 29 du PLF abaissait le plafond de la part de ces quotas destinée à l’ANAH de 550 millions à 420 millions d’euros ! Le Sénat, la nuit dernière, a rétabli le plafond de 550 millions d’euros.
Mme Valérie Létard. Très bien !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Concernant enfin le programme 147, « Politique de la ville », je note que les crédits progressent, qu’il s’agisse de ceux qui sont engagés dans le cadre de contrats de ville – l’augmentation est de 25 % – ou de la ligne budgétaire consacrée à l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine – elle est de 19 %.
Le démarrage du nouveau programme de renouvellement urbain, le NPNRU, a pris beaucoup de retard, même si les choses semblent enfin débloquées et les 10 milliards d’euros de financement assurés. Les crédits de paiement passent de 15 millions à 25 millions d’euros pour 2019, ce qui est peu par rapport à l’enveloppe de 1 milliard d’euros que l’État a prévu d’y consacrer au total. Mais les besoins de l’ANRU semblent être couverts pour 2019.
Pour conclure, je dirai que, si le budget de ces quatre programmes ne connaît pas cette année le tremblement de terre qu’a représenté la mise en place de la RLS l’an passé, nous sommes dans l’œil du cyclone : le vent souffle et la mer s’agite. C’est pourquoi, afin de tirer une dernière fois le signal d’alarme, je vous propose, mes chers collègues, le rejet des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les programmes « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l’État ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient d’évoquer les programmes 112 et 162.
Le programme 162, « Interventions territoriales de l’État », ne change pas de périmètre, et les crédits augmentent de 5 % environ. Cependant, je ferai quelques observations.
S’agissant de l’action n° 04 en faveur de la Corse, le retard constaté a conduit à prolonger l’action, et des crédits sont ouverts, pour 2019, au même niveau que pour 2018.
Concernant l’action n° 09, Plan littoral 21, les crédits augmentent pour passer de 1 million à 4 millions d’euros – c’était prévu, puisque cette action a été mise en place l’année dernière.
Concernant l’action n° 06, Plan gouvernemental sur le marais poitevin-Poitou-Charentes, je regrette que, cette année, aucun crédit n’ait été inscrit en autorisations d’engagement. Je suis allé sur le terrain, dans le cadre d’un contrôle budgétaire, pour me rendre compte de ce qui s’y passe vraiment, et je sais qu’il y a encore des actions importantes à mener, tant pour la préservation de la biodiversité du marais que pour les agriculteurs qui se sont engagés dans l’élevage en prairies naturelles. J’estime, pour être tout à fait précis, qu’il reste trois ans d’action à mener, et je souhaite que l’on veille à la poursuite de cette action, hors PITE, ou programme des interventions territoriales de l’État, dans le cadre des crédits que pourra utiliser le préfet de région, lequel, d’ailleurs, joue un rôle de coordination très important.
Enfin, 2 millions d’euros sont inscrits au titre de l’action n° 08, Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, montant inchangé par rapport à l’année dernière. Nous savons que les moyens, en la matière, doivent être renforcés. Le Président de la République, qui s’est rendu sur place, l’a annoncé ; des amendements ont été déposés en ce sens.
J’en viens au programme 112.
Lorsqu’on retrace l’évolution de ce programme sur les dix dernières années – ce n’est donc pas vous, monsieur le ministre, qui êtes en cause en particulier –, on est en droit de s’interroger. Le programme 112 s’intitule « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement des territoires ». Or, aujourd’hui, il ne remplit plus cette mission. Son rôle est devenu trop flou, ses missions parfois fluctuantes, et trop d’incertitudes pèsent sur son avenir. Je voudrais illustrer mon propos par quelques exemples.
Premièrement, on constate la diminution constante des crédits affectés à ce programme : à l’exception de la seule année 2017, les crédits du programme 112 sont en diminution constante depuis dix ans ; pour la seule période 2011-2019, ils ont chuté de 40 %.
Deuxièmement, on note l’affaiblissement des outils de contractualisation. Il y a seulement deux ans, le programme 112 rassemblait les quatre outils financiers de contractualisation avec les territoires : les CPER, ou contrats de plan État-régions, les contrats État-métropole, les contrats de ville et les contrats de ruralité. Aujourd’hui, deux d’entre eux seulement subsistent dans ce programme, les CPER et les contrats de ville, alors que la politique des territoires mérite une approche globale et cohérente.
Troisièmement, on déplore la disparition des crédits attachés aux contrats de ruralité
Les contrats de ruralité étaient de longue date attendus par les élus ruraux. Le Sénat avait d’ailleurs lui-même voté, à l’automne 2015, une proposition de loi que j’avais eu le plaisir de défendre pour mettre en place lesdits contrats. Ils l’ont été en 2017, avec des crédits dédiés à hauteur de 216 millions d’euros inscrits au titre du programme 112 – c’était cohérent. En 2018, leur financement a été transféré au programme 119, avec seulement 45 millions d’euros de crédits fléchés – ce n’était déjà plus cohérent. En 2019, aucun crédit n’est dédié aux contrats de ruralité, dans aucun programme !
Comment rendre lisible une politique d’aménagement du territoire et comment bâtir des stratégies de développement local dans de telles conditions ? Comment expliquer cette régression aux élus ruraux ? C’est tout simplement impossible !
Enfin, on observe la quasi-disparition de la prime à l’aménagement du territoire. Cette aide directe aux PME vise à soutenir l’emploi dans les territoires les plus fragiles. Elle a fait l’objet d’une évaluation en 2017 ; son effet de levier et son efficacité ont été démontrés. Pourtant, les crédits affectés à la PAT n’ont cessé, au cours des dix dernières années, de diminuer. Pour 2019, on les abaisse une nouvelle fois, avec seulement 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement. Cette enveloppe n’est pas du tout à la hauteur des enjeux de la ruralité et ne permettra même pas d’accompagner les projets éligibles, qui, recensés en 2018, doivent être mis en œuvre en 2019.
Monsieur le ministre, ces quelques exemples suffisent à mettre en évidence l’urgence qu’il y a à repenser une nouvelle politique d’aménagement du territoire et à définir la place que l’on veut donner au programme 112 au sein de cette nouvelle politique de l’État. La récente création de l’agence nationale de la cohésion des territoires nous en donne, je le crois, une occasion unique. J’ai défendu la création de cette agence. Elle a ouvert de nouvelles perspectives, mais les élus attendent désormais qu’elle soit rapidement rendue opérationnelle et qu’elle apporte des réponses efficaces aux besoins de la ruralité.
Permettez-moi de soulever, en la matière, quelques questions.
Dans quel délai aurez-vous défini les moyens financiers et humains dont l’Agence devra être dotée ?
Envisagez-vous une mobilisation du FNADT, le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, ou, plus largement, du programme 112, pour le financement de cette agence ? Cette solution nécessiterait de reconsidérer les crédits alloués à ce programme.
Le contrat unique de cohésion territoriale que vous envisagez est-il destiné à se substituer à tous les contrats existants : les CPER, les contrats de ville, les contrats État-métropole, les contrats de ruralité ? Si oui, dans quel délai ? Dans ce cas, comment s’assurer, dans le cadre de ces nouveaux contrats, d’une réelle prise en compte des enjeux ruraux par l’Agence, alors qu’une priorisation des projets a été évoquée en fonction des contraintes budgétaires ? Autrement dit, envisagez-vous des crédits dédiés spécifiquement aux futurs contrats signés dans les secteurs ruraux les plus fragiles ?
Enfin, comment expliquer la nouvelle suppression d’emplois demandée au CGET, le Commissariat général à l’égalité des territoires, s’il doit constituer demain la base de cette nouvelle agence alors que les besoins en termes de personnel ne sont pas encore définis ?
Je vous remercie par avance des réponses que vous pourrez donner.
S’agissant du vote, ces deux programmes représentent seulement 1,7 % des crédits de la mission « Cohésion des territoires », qui doit être adoptée dans son ensemble. Je me rangerai donc à l’avis de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l’accès au logement » et « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits des programmes 177, 109 et 135 relatifs au logement diminuent pour la deuxième année consécutive, pour atteindre 15 milliards d’euros.
La baisse de 8 % des crédits du programme 109 résulte, d’une part, des mesures d’économies adoptées l’an dernier – suppression de l’APL accession, gel des barèmes et des loyers, soit 222 millions d’euros – et, d’autre part, de nouvelles mesures : 102 millions d’euros au titre de la sous-indexation des paramètres de l’APL et 910 millions d’euros au titre de la « contemporanéisation des ressources », dont la mise en œuvre s’avère complexe et qui nécessitera de bien informer les allocataires.
Les paramètres de la RLS ont été établis en 2018 pour permettre une économie de 800 millions d’euros sur onze mois. Ces paramètres n’étant pas modifiés, la RLS permettra 873 millions d’économies en 2019, soit 73 millions de plus que ce qui était prévu. En outre, le rendement de TVA sur les constructions de logements sociaux devrait s’avérer plus favorable et atteindre 850 millions au lieu de 700 millions.
Ces économies supplémentaires ne sont pas anodines. Le coût de la RLS pour les bailleurs sociaux est plus important que le montant des économies pour l’État : 830 millions en 2018 et 916 millions en 2019. Sans tenir compte des mesures de soutien, la RLS devrait conduire pour 2018 à une perte d’autofinancement nette de 21 % et à une baisse de 5 % de la construction de logements sociaux, baisse qui pourrait atteindre 38 % dans vingt ans selon la Caisse des dépôts et consignations.
En ne modifiant pas les paramètres de la RLS, le Gouvernement ne respecte pas ses engagements en termes de trajectoire financière. C’est pourquoi la commission des affaires économiques a proposé de rejeter les crédits du programme 109. La clause de revoyure, monsieur le ministre, doit être l’occasion d’une évaluation exhaustive de l’impact des mesures d’économies sur la situation des bailleurs sociaux, mais pas sur le seul quinquennat. Il faut en effet voir les choses à plus long terme, c’est-à-dire sur les vingt ans à venir.
S’agissant du programme 135, sans surprise, l’État se désengage définitivement des aides à la pierre, laissant les bailleurs sociaux financer la quasi-totalité des ressources du FNAP.
Je dirai un mot de l’ANAH. Je salue l’augmentation de ses ressources, mais je regrette le manque d’ambition et les contradictions du Gouvernement, qui a préféré plafonner les ressources de l’Agence plutôt que d’utiliser les ressources supplémentaires issues des quotas carbone pour accélérer la rénovation énergétique des logements.
Les crédits du programme 177 augmentent à périmètre constant. Malgré un effort de sincérité budgétaire et une rationalisation des coûts, il n’est pas sûr que les crédits soient suffisants.
La commission des affaires économiques a donc décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat s’agissant des crédits des programmes 177 et 135 et a proposé de rejeter les crédits du programme 109. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le programme « Politique de la ville ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du programme 147, « Politique de la ville », sont en augmentation de 57 % en autorisations d’engagement et de 19,7 % en crédits de paiement.
Nous sommes nombreux à craindre que ces crédits ne soient pas entièrement consommés, les dispositifs financés – je pense à des postes d’ATSEM, à des postes FONJEP ou à des postes d’adultes-relais – supposant bien souvent des cofinancements de la part des associations ou des collectivités territoriales. Or, dans un contexte budgétaire contraint, il n’est pas certain que ces dernières puissent apporter leurs concours financiers ou du moins des financements à la hauteur de l’effort consenti par l’État. Comment peut-on en effet leur demander de consacrer plus de 100 millions d’euros à de nouveaux postes alors que les subventions de l’État sont en baisse ?
Quant aux crédits de droit commun, ils peinent à se déployer. La révision des contrats de ville sera l’occasion de vérifier si l’État respecte les engagements qu’il a pris dans le cadre du pacte de Dijon.
Après une année d’arrêt, le nouveau programme national de renouvellement urbain semble enfin démarrer. Que de temps perdu ! Si l’on peut se féliciter de la multiplication des signatures de protocoles, je crains néanmoins que les « grues » ne soient pas présentes dans les quartiers avant 2020.
Pour 2019, l’État contribuera à hauteur de 180 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 25 millions d’euros en crédits de paiement, limitant ainsi sa contribution aux seuls besoins de décaissement de l’ANRU. Un engagement plus important aurait permis de lancer la construction d’équipements comme les écoles.
Enfin, il faudra être attentif aux effets des récents choix gouvernementaux en matière d’habitat, tels que la réduction du loyer de solidarité et l’intégration de l’EPARECA au sein de la future agence nationale de la cohésion des territoires. J’espère qu’ils ne freineront pas un NPNRU tout juste relancé. C’est une agence dont on peut craindre qu’elle fera prendre au minimum des retards. Elle pourrait d’ailleurs devenir une importante usine à gaz au vu des nombreuses agences qui y sont intégrées.
Le programme 147 consacre 101 millions d’euros au développement économique et à l’emploi.
La réforme des contrats aidés et l’expérimentation des emplois francs mises en œuvre l’an dernier n’ont pas produit les effets escomptés et le chômage des jeunes est reparti à la hausse.
En matière d’emplois francs, les résultats sont très loin des objectifs fixés. Au 16 septembre 2018, 1 980 demandes d’emplois francs ont été transmises à Pôle emploi et 1 528 ont été acceptées. Je regrette qu’on attende la fin de l’expérimentation avant de corriger le dispositif étant donné que 25 000 demandes sont prévues pour 2019.
Le nombre de contrats aidés dans sa nouvelle version est en très forte diminution en raison de l’aspect plus contraignant du nouveau dispositif et d’une moindre prise en charge. Certains préfets n’ont d’ailleurs pas jugé opportun de moduler l’aide pour soutenir le déploiement des contrats dans les quartiers, ce que je regrette. En outre, le dispositif manque sa cible en laissant de côté les personnes « employables rapidement » tout en n’étant pas adapté aux personnes les plus éloignées de l’emploi, qui ont besoin d’un temps d’accompagnement plus long.
La commission des affaires économiques s’en remet donc à la sagesse du Sénat pour le vote des crédits du programme 147 et a émis un avis favorable sur l’adoption de l’article 74. (M. Jean-Michel Houllegatte applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » et « Aide à l’accès au logement ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a examiné les crédits du programme 177 de la mission « Cohésion des territoires », qui financent l’hébergement des personnes en détresse et l’accompagnement des plus précaires vers l’accès au logement.
Les demandes d’hébergement ont considérablement augmenté ces dernières années, sollicitant fortement les structures financées par le programme – le nombre de places en hébergement d’urgence a progressé de 180 % depuis 2010. En parallèle, les moyens alloués au programme ont augmenté de 562 millions d’euros en cinq ans, soit une hausse de 42 %, ce qui est à souligner dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques. Malgré cette progression, le programme souffre d’une sous-budgétisation chronique, et le recours aux décrets d’avance ou à l’ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative a été systématique ces dernières années.
Même si un important effort de sincérité budgétaire a été engagé depuis l’an dernier, l’exécution du programme en 2018 devrait dépasser les 2 milliards d’euros et excéder de 8 % l’enveloppe de crédits ouverte en loi de finances initiale. Soulignons cependant que l’écart entre les crédits votés et les crédits exécutés se réduit par rapport aux années précédentes.
Pour 2019, les crédits demandés s’élèvent à 1,88 milliard d’euros en crédits de paiement. Supérieurs à ceux consommés en 2017, ils restent inférieurs à la prévision d’exécution pour 2018, au risque d’une nouvelle sous-budgétisation en 2019.
Le budget du programme s’inscrit dans le cadre du plan Logement d’abord et de la stratégie de lutte contre la pauvreté annoncée en septembre dernier, dont les orientations sont approuvées par la commission des affaires sociales. Elles visent à développer les modes de logement adapté et les structures d’hébergement des familles, ainsi qu’à renforcer les dispositifs de veille sociale. Les crédits sont certes en augmentation pour mettre en œuvre ces orientations, mais ils n’apparaissent pas suffisants pour atteindre les objectifs fixés.
Concernant le logement adapté, l’objectif de doubler le nombre de places en cinq ans dans l’intermédiation locative et en pensions de familles sera difficile à atteindre avec seulement 8,4 millions d’euros supplémentaires alloués à ces deux dispositifs en 2019.
Ce sont surtout les moyens dédiés à l’accompagnement social qui ne semblent pas suffisants. Sur ce point, les mesures annoncées par le Gouvernement vont dans le bon sens : renforcement des maraudes, accompagnement pour la sortie de l’hébergement à l’hôtel, création de référents de parcours pour un meilleur suivi de la personne. Sauf que les financements de ces dispositifs ne sont pas bien identifiés, voire pas encore prévus !
Le plan de limitation des nuitées d’hôtel a certes permis de contenir leur progression, mais ce mode d’hébergement continue de croître. Le plus préoccupant est que l’hôtel perd progressivement sa vocation d’hébergement temporaire pour accueillir des personnes pendant plusieurs années. En outre, certaines grandes agglomérations voient dorénavant leur capacité hôtelière saturée. Un accompagnement social renforcé doit permettre d’assurer une meilleure rotation des publics accueillis afin de répondre aux situations de détresse.
À cet égard, le plan d’économies de 57 millions d’euros imposé aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale sur trois ans fragilise l’accompagnement social qu’apportent ces structures. Si l’objectif du plan Logement d’abord vise à trouver une solution de logement sans passer systématiquement par des structures temporaires, il ne peut être atteint à court terme en affaiblissant les centres d’hébergement et de réinsertion sociale.
Malgré les insuffisances dont je viens de vous faire part, la commission des affaires sociales a tenu à saluer l’effort de sincérité budgétaire et les orientations prises en faveur de l’hébergement et de l’accès au logement. C’est pourquoi elle a donné un avis favorable sur l’adoption du programme 177.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard et M. Hervé Maurey applaudissent également.)
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a rendu un avis défavorable sur l’adoption des crédits des programmes 162 et 112 de la mission « Cohésion des territoires » et des crédits du compte d’affectation spéciale consacré au financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale. Plusieurs raisons justifient ce choix.
En premier lieu, la commission considère que la trajectoire de ces crédits n’est pas compatible, en l’état, avec le projet de création de l’agence nationale de la cohésion des territoires. Monsieur le ministre, vous nous préciserez sans doute que les conséquences budgétaires de la création de cette agence, qui a été initiée par le vote de deux propositions de loi, l’une ordinaire, l’autre organique, au Sénat le 8 novembre dernier, seront tirées dans le projet de loi de finances pour 2020, mais je souhaitais rappeler ce point.
En deuxième lieu, s’agissant du programme 112, la commission a déploré l’érosion continue de la prime d’aménagement du territoire. Le montant de ce dispositif est certes modeste, mais il joue un rôle d’entraînement important dans les territoires et permet de renforcer leur l’attractivité. Aussi, je salue l’initiative du rapporteur spécial Bernard Delcros, qui proposera tout à l’heure un amendement à l’article 39 visant à augmenter de 5 millions d’euros les autorisations d’engagement au profit de la PAT, afin de stabiliser les moyens engagés à hauteur de 15 millions d’euros, comme en 2018.
Au-delà de ces observations, j’ai deux interrogations.
La première concerne le plan chlordécone, porté par l’action n° 08 du programme 162, « Interventions territoriales de l’État ». Le Président de la République était aux Antilles en septembre dernier, et il a eu des mots que je qualifierais de courageux et qui l’honorent, mais qui l’obligent également : après avoir expliqué que l’État prendrait « sa part de responsabilité » dans ce scandale environnemental et sanitaire, le Président de la République a annoncé une augmentation des moyens consacrés à ce plan à hauteur de 3 millions d’euros sur deux ans. Pouvez-vous nous préciser comment ces moyens seront apportés en 2019 ainsi qu’en 2020 ? C’est un sujet très grave.
La seconde interrogation concerne le FACÉ, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification. Le Sénat propose depuis plusieurs années une évolution de son dimensionnement et de sa gestion pour l’adapter aux enjeux de la transition énergétique, car les communes rurales ont besoin de soutien en matière environnementale. Je souhaiterais que le ministère de la transition écologique précise ses intentions sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, en ces temps où l’on parle beaucoup trop de divisions dans notre société, je tiens à rappeler combien je suis heureux d’être parmi vous et d’intervenir dans ce débat sur la cohésion des territoires, avec des élus issus de toute la diversité des territoires et des structures administratives de notre pays.
Ce budget examiné dans le cadre de notre institution sénatoriale constitue une occasion toute particulière, puisqu’il allie territoires ruraux, territoires citadins et outre-mer dans les mêmes préoccupations. Il ne s’agit en rien d’opposer des France entre elles, mais il faut permettre à chacune de suivre sa propre trajectoire de développement, sous le socle de valeurs et de lois communes, dans le respect des identités et des possibilités de chacun, au sein de la République une et indivisible.
Dans ce budget, le groupe du RDSE a souhaité donner plus de visibilité et d’efficacité à des axes qui nous tiennent à cœur : la réhabilitation des centres-villes, la création de l’agence nationale de la cohésion des territoires. Nous avons ainsi déposé plusieurs amendements visant à renforcer le plan « Action cœur de ville » et à l’adapter au mieux à la réalité des situations.
Nous proposons de favoriser l’investissement dans les centres-villes, plus particulièrement pour les logements de taille moyenne, d’augmenter des dispositifs de réduction fiscale afin de répondre au montant réel du coût des travaux de réhabilitation de l’ancien et d’inclure la transformation de locaux en logements dans ces mêmes centres-villes.
Concernant la création prochaine de l’agence nationale de la cohésion des territoires, je suppose que vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous sommes inquiets sur le montant des crédits alloués au programme 112. Celui-ci, en diminution continue, n’est pas compatible avec l’ambition de la création de l’agence que le Gouvernement a soutenue et appuyée. Nous rappelons, de plus, que l’agence doit pouvoir, dès sa création, être aussi pleinement efficiente pour les territoires ruraux et périurbains, alors que l’intégration des programmes 112 et 147 fait craindre le contraire. Nous insistons à ce titre sur le risque de dissolution de crédits spécifiques à la ruralité dans le contrat de cohésion territoriale.
Nous pensons, enfin, qu’il n’est pas opportun de diminuer des postes du CGET au moment même de la création de l’agence nationale. Cette agence n’est pas qu’un outil facilitant la gestion administrative, mais est une agence de service public, avec des moyens humains dédiés.
Monsieur le ministre, la dématérialisation ne peut se faire partout, uniformément, de la même manière. Nombre de nos concitoyens et nombre d’élus sont confrontés à un changement d’échelle de responsabilité, mais aussi à un changement trop radical de culture administrative qui altère la perception du service public, il faut le dire. Nous devons veiller à ce que le rythme de réforme soit adapté et ne laisse personne sur le bord du chemin.
Je terminerai mon propos par une remarque qui dépasse les frontières de ces budgets. La cohésion des territoires, c’est la liberté pour tout citoyen français de s’installer où il veut, quand il veut et d’y trouver les mêmes droits, les mêmes services qui fondent l’égalité républicaine. Ce budget permet d’adopter des mesures qui seront visibles à moyen ou à court terme. Cependant, sans couverture mobile partout, sans couverture numérique minimale, ces investissements seront un tonneau des Danaïdes que la solidarité nationale n’aura pas fini de remplir !
Mes chers collègues, le mobile, le numérique partout, c’est la garantie que les mesures que nous votons pourront vraiment changer la vie quotidienne de nos territoires. Vous me permettrez d’être concret : un artisan en zone hyper rurale sans haut débit ne peut accéder aux appels d’offres pourtant baissés à 25 000 euros. Où est l’égalité républicaine ?
Quand un collège en bas débit ne peut organiser décemment des examens pour ses élèves et charge un conseil départemental de trouver un bus scolaire pour amener ces enfants dans un collège disposant du débit suffisant, où est l’égalité républicaine et où est l’autonomie des collectivités territoriales ?
Quand une mairie charge un employé d’aller chercher en catastrophe dans une sous-préfecture la liste d’émargement nécessaire à des élections faute de haut débit, où est l’égalité républicaine, où est l’autonomie des collectivités territoriales ?
Monsieur le ministre, l’équipement mobile et numérique peut être accéléré dès maintenant. Nous devons disposer des arrêtés permettant l’intervention des opérateurs dans les plus brefs délais. Nous devons et pouvons utiliser dès maintenant les pylônes TDF pour les rendre opérationnels. La cohésion des territoires peut aussi s’écrire dans le court terme. Les zones oubliées, blanches ou grises, constituent des leviers de croissance et de développement sous-estimés. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Claude Requier. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je commencerai par une citation : « Le vrai combat de la France, le beau combat de la France, c’est celui de l’unité, c’est celui de la cohésion. Oui, nos valeurs ont un sens ! Oui, la France est riche de sa diversité ! » C’est ainsi que Jacques Chirac exprimait cette nécessité d’assurer la cohésion de nos territoires, de réduire les disparités sociales et territoriales tout en préservant les spécificités et les richesses de la France.
M. Jérôme Bascher. C’était le bon temps !
M. Emmanuel Capus. La mission « Cohésion des territoires » est importante, du fait de la transversalité des sujets évoqués et des actions menées dans les six programmes concernés. Elle doit contribuer à mettre en place un aménagement équilibré, garant de la cohésion, de la performance et de la solidarité territoriale. Nous devons donc investir dans un projet de cohésion de nos territoires fort, avec des outils performants au service de nos collectivités.
En ce sens, nous pouvons saluer la hausse de près de 20 % du budget consacré à la politique de la ville du programme 147, politique importante pour réduire les inégalités entre les quartiers populaires et les autres territoires. Ces crédits supplémentaires devront être fléchés de façon pertinente, en lien avec les priorités des collectivités locales.
Sur ce programme, le retard du démarrage du nouveau programme national de renouvellement urbain est regrettable. Nous espérons que sa mise en œuvre avec toutes les parties concernées sera accélérée et que le doublement de son budget au profit de l’ANRU se traduira par des réalisations concrètes dans nos territoires.
Nous saluons la rationalisation du calcul des aides personnalisées au logement du programme 109, qui se fera sur la base de la situation actuelle des revenus déclarés, et non plus à n-2. Cela semble plus juste et plus simple.
Dans le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », on ne peut que regretter l’absence de financement dédié aux contrats de ruralité et leur retrait du programme. Nous serons extrêmement vigilants à la prise en compte des enjeux ruraux dans le cadre de la mise en œuvre du contrat de cohésion territoriale porté par la future agence nationale de la cohésion des territoires. Il faut absolument éviter une dissolution des moyens mis en place pour nos territoires ruraux. Nous devons veiller à ce que la contractualisation avec les territoires conduise bien à soutenir les projets prioritaires des collectivités territoriales, que ce soit au travers des contrats de plan État-régions 2015-2020, des dotations de soutien à l’investissement public local ou des dotations d’équipement des territoires ruraux.
Alors que l’accès au numérique et les maisons de services au public sont deux dossiers prioritaires pour réduire les fractures territoriales, notamment dans nos communes rurales, le programme « Action cœur de ville » doit permettre de redynamiser les centres-villes et de renforcer leur attractivité.
Par ailleurs, nous sommes inquiets de la baisse de la prime d’aménagement du territoire. Nous avons déposé un amendement visant à revenir à la situation de 2018, avec une stabilisation de la dotation à 14,5 millions d’euros en autorisations d’engagement. Il s’agit de réfléchir à une refonte en profondeur du dispositif.
Il convient, plus largement, de s’interroger sur la compatibilité de l’amenuisement des crédits du programme 112 avec la création prochaine de l’agence nationale de la cohésion des territoires.
Sur le programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », le budget priorise la rénovation des logements, avec un budget de 110 millions d’euros pour l’Agence nationale de l’habitat et une hausse de 40 millions d’euros de la taxe sur les logements vacants qui lui est affectée. Il nous semble important de soutenir cette agence pour maintenir la qualité et l’ambition du programme « Habiter mieux », reconnues par la Cour des comptes, en lui fournissant les moyens nécessaires à son action.
Nous saluons la reconduction pour quatre ans des dispositifs Pinel et du prêt à taux zéro afin de donner une meilleure visibilité aux acteurs concernés.
Par ailleurs, nous regrettons que la contribution de l’État au budget du Fonds national des aides à la pierre soit supprimée. C’est un programme important pour la construction de logements sociaux pour lequel les besoins des collectivités locales doivent être mieux pris en compte par les bailleurs sociaux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra donc sur les crédits de cette mission.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » traduit la volonté de transformer l’action publique, en l’occurrence la politique du logement.
Présenter un budget en diminution pour 2019 – s’agissant pour l’essentiel d’une moindre dépense d’aides au logement – n’est pas un manque d’ambition ou un désengagement des pouvoirs publics. Au contraire, c’est le choix de l’efficacité dans un secteur qui est tout à la fois une préoccupation majeure de nos concitoyens, un secteur clé de notre économie et, reconnaissons-le, un synonyme d’échec. Un échec coûteux, financièrement, puisque 40 milliards d’euros sont engagés chaque année sur le logement. Mais c’est surtout un échec sur le plan social, puisque la Fondation Abbé-Pierre estime à près de 4 millions le nombre de nos concitoyens en situation de grande précarité en matière de logement.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Avec moins d’argent, c’est sûr, ça ira mieux !
M. Julien Bargeton. En un mot, en matière de politique du logement, il n’y a pas toujours eu de corrélation nette entre crédits budgétaires et crédibilité politique. En France, on pratique souvent la critique des réformes en oubliant parfois le diagnostic de départ, comme si auparavant tout allait bien.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Les chiffres s’effondrent !
M. Julien Bargeton. Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit de mettre en œuvre la réforme du calcul des allocations logement. C’est un sujet qui a été maintes fois évoqué, mais, monsieur le ministre, vous transformez l’essai. Le calcul contemporain des ressources des APL, c’est tout à la fois une mesure de justice et d’économie, puisque 900 millions d’euros sont attendus de cette réforme. Dès l’an prochain, l’éligibilité d’un demandeur aux APL sera calculée non plus en fonction de ses ressources n-2, mais sur la base des douze derniers mois, grâce à une base de données alimentée par le prélèvement à la source.
J’ai entendu les réserves émises par le rapporteur spécial Philippe Dallier quant à la faisabilité de cette réforme et sur le montant des économies dégagées par sa mise en œuvre. Cette réforme demandera de l’agilité, car les APL seront recalculées chaque trimestre, et de la fluidité puisque les échanges de données entre la CNAF et les services de la DGFiP seront essentiels pour déterminer les ressources des ayants droit. Elle demandera aussi de la publicité à travers une communication claire pour les bénéficiaires comme pour les bailleurs.
Dans un contexte de rareté de l’argent public, il me semble essentiel d’allouer les APL à celles et ceux qui en ont le plus besoin. Le nouveau mode de calcul permettra également de réduire le niveau de non-recours, car il est choquant que des personnes ne fassent pas valoir leurs droits.
L’examen de cette mission intervient quelques jours après la promulgation de la loi ÉLAN. Je ne reviendrai pas sur les deux cent quatorze articles du texte. Néanmoins, j’en rappellerai quelques avancées significatives.
L’émancipation des jeunes passe par le logement. Leur désir d’autonomie est parfois contrarié par le prix élevé du logement. Une étude de 2016 estime, par exemple, que sept jeunes de dix-huit à trente ans sur dix déclarent avoir déjà éprouvé une difficulté à se loger.
Le bail mobilité est un nouveau type de contrat, d’une durée de un à dix mois. Il concerne les logements meublés et s’adresse en priorité aux étudiants, aux personnes en formation, en mutation ou en mission temporaire dans le cadre de leur activité professionnelle. Il sera sans dépôt de garantie, mais il sera sécurisé par la garantie gratuite Visale. Celle-ci est un dispositif simple et dématérialisé, qui couvre jusqu’à trois ans d’impayés. Le public cible est large : jeunes de moins de trente ans, salariés de plus de trente ans sans CDI confirmé et les ménages en intermédiation locative.
Dans le parc social, 80 000 logements seront construits à destination des jeunes d’ici à 2022, 60 000 logements étudiants et 20 000 logements pour les jeunes actifs.
J’appelle de mes vœux des actions de communication offensives pour bien faire connaître ces nouveaux dispositifs.
L’élu parisien que je suis ne peut qu’être sensible à l’encadrement des locations touristiques. En effet, les contrôles et les sanctions, en matière de location courte durée, seront renforcés à l’encontre des loueurs et des plateformes qui ne respectent pas la loi.
La location de la résidence principale est limitée à 120 nuitées par an, mais celle des résidences secondaires dépend des territoires. La question reste devant nous pour la capitale, toute la capitale, pas uniquement les arrondissements du centre. Il est important de prévoir des garde-fous, tout en gardant à l’esprit que c’est un moyen pour des ménages de « mettre du beurre dans les épinards ».
Mme Cécile Cukierman. À Paris ?
M. Julien Bargeton. En tout cas, les sanctions pourront aller jusqu’à 10 000 euros par logement pour les propriétaires et à 50 000 euros pour les plateformes. Il est important d’avoir accru ces sanctions, car la mesure était attendue dans les villes.
La loi ÉLAN permet également d’apporter des réponses concrètes à des déséquilibres territoriaux. C’est, par exemple, la transformation des bureaux en logements. En Île-de-France, les professionnels estiment que près de 700 000 mètres carrés de bureaux sont obsolètes et durablement vacants. Le bénéfice est clair : c’est un gisement potentiel de 10 000 à 20 000 logements pour la région.
C’est aussi surtout le plan « Action cœur de ville », qui prévoit de redonner de l’attractivité à 222 villes moyennes en matière d’habitat, de commerce, de transports. Cette préoccupation se retrouve d’ailleurs dans l’article 74 bis instaurant une réduction d’impôt pour l’investissement dans les logements locatifs intermédiaires réhabilités en centres-villes. Cela permet de sortir des guerres picrocholines du zonage de la politique du logement, qui, objectivement, manque de lisibilité et d’efficacité. Cela permet également de mettre de la cohérence entre le dispositif « Action cœur de ville » et ce dispositif.
L’engagement du Gouvernement en faveur de l’hébergement est total. Monsieur le ministre, je tiens à vous redire publiquement le soutien du groupe La République En Marche sur le plan Hiver déployé depuis le 1er novembre dernier pour mettre à l’abri les personnes dans cette période critique. Je rappelle que 6 millions d’euros sont fléchés pour le soutien des maraudes, essentielles pour identifier les situations de fragilité. Par ailleurs, 105 000 personnes sont hébergées chaque soir en Île-de-France. L’objectif de l’État est de trouver 7 000 places cette année en Île-de-France, dont 3 700 à Paris.
Enfin, je ne peux conclure mon propos sans dire un mot de l’habitat indigne et dégradé, qui a été mis en évidence par le drame de Marseille. C’est le sens de l’initiative « copropriétés », qui mobilisera 3 milliards d’euros sur dix ans pour transformer celles qui sont les plus dégradées. C’est surtout l’accélération de la rénovation urbaine : le budget de l’ANRU est doublé de 5 milliards à 10 milliards d’euros, le taux de subvention pour la démolition des copropriétés très dégradées passe de 50 % à 80 % et l’accompagnement des élus est renforcé pour simplifier la conduite des projets.
J’ai entendu aujourd’hui beaucoup de critiques dans les interventions. Parfois, la force des propositions n’est pas en rapport avec vigueur de ces critiques. Je pense, notamment, aux nombreux amendements budgétaires qui tendent à réallouer des ressources entre tel ou tel programme. En ce qui nous concerne, nous voterons les crédits de cette mission.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de cette mission sont très vastes, puisqu’ils recouvrent les crédits de deux anciens programmes : la politique des territoires et le logement. Je ne pourrai donc pas, dans le temps qui m’est imparti, être exhaustif ; il y aurait pourtant beaucoup à dire.
Quelques mots tout de même sur le lien entre les élus et l’État, marqué par la défiance et le mépris. En témoigne l’absence du Président de la République au Congrès des maires qui s’est tenu la semaine dernière. En témoigne également la poursuite des politiques marquées du sceau de l’austérité, qui renforcent les inégalités territoriales.
L’État organise aujourd’hui sa propre faillite en se privant de compétences avec la baisse généralisée des moyens, humains et financiers, au sein de ses services, agences et opérateurs. Conjuguée à la baisse continue des dotations aux collectivités, les conséquences concrètes en matière de service public seront dramatiques. Je pense ici particulièrement aux habitants des territoires ruraux, des outre-mer, mais également des banlieues, qui attendaient beaucoup du plan Borloo, jeté aux oubliettes dès sa parution.
Les politiques publiques ne font office que de rustines inefficaces, alors que les maux sont très lourds : concentration du chômage, des difficultés scolaires et de logement, difficulté de mobilité, d’accès aux loisirs et à la culture, autant de chantiers que vous ne voulez pas affronter, préférant faire des cadeaux à la finance. C’est un choix politique que nous ne partageons pas, considérant que concurrence et libéralisme ne font pas bon ménage avec aménagement du territoire et maintien des services publics.
En matière de droit au logement, l’année qui vient de s’écouler a été particulièrement difficile, marquée par l’accroissement des expulsions locatives, par des morts dans la rue faute de place dans les structures, par la baisse des APL, par les scandales de l’insalubrité, qui ont conduit à l’effondrement d’immeubles, comme récemment à Marseille, et, enfin, par l’adoption de la loi ÉLAN, un pas supplémentaire vers la financiarisation et la privatisation du logement social, confirmant ainsi le désengagement de l’État.
La Seine-Saint-Denis est particulièrement touchée par l’insalubrité, vous le savez, monsieur le ministre. À Aubervilliers, où vous avez effectué une visite avec sa maire, Mériem Derkaoui, 74 immeubles sont sous le coup d’un arrêté de péril, et 31 d’entre eux sous celui d’une interdiction d’habiter les lieux.
Une année noire que ce budget, encore en recul, vient conforter, confirmant, j’y insiste, le désengagement de l’État, qui, pour la première fois, ne s’engage plus dans les aides à la pierre : zéro euro pour la construction ! Déjà, depuis l’an dernier, il n’apportait plus son aide aux maires bâtisseurs. Une décision symbolique, alors même que la loi SRU a été largement remise en cause par la loi ÉLAN.
À l’inverse, les dispositifs de soutien à l’investissement locatif entraînent une dépense fiscale toujours plus importante, de l’ordre de 1,3 milliard d’euros sur les 13 milliards de dépense fiscale générale liée à ce programme. Nous considérons, pour notre part, qu’il convient, au regard de l’ampleur des sommes en jeu, d’opérer une véritable analyse sur l’efficacité de cette dépense, laquelle serait bien plus utile pour soutenir directement la production sociale et l’effort de rénovation du parc public comme du parc privé.
Disons-le, mes chers collègues, l’insalubrité et les marchands de sommeil sont le revers d’un marché saturé par la demande, où le logement est à la fois rare et cher.
Avec la loi ÉLAN, les conséquences sur la construction seront dramatiques. Ainsi, selon une étude de la Caisse des dépôts et consignations, les baisses de crédits et les changements de modèle vont conduire à pénaliser la construction, alors que l’on recense plus de 2 millions de demandeurs de logement. À court terme, le secteur se maintiendrait grâce à sa solidité et à la vente des logements sociaux, mais, à long terme, ce serait la catastrophe. Dès 2020, la production passerait sous la barre des 100 000 logements construits, puis se situerait à une moyenne de 63 000 entre 2027 et 2055. Seulement 63 000, alors que ce sont 200 000 logements sociaux qu’il faudrait construire par an pour répondre à la demande sociale ! Il s’agit là d’un renoncement de l’État, lequel doit pourtant garantir le droit constitutionnel d’accès au logement pour toutes et tous dans des conditions abordables.
La soutenabilité même du système nous inquiète, alors que nous savons tous que le secteur HLM sera incapable de faire face à la deuxième étape de la mise en place de la réduction de loyer de solidarité, prévue pour 2020.
Vous demandez un effort impossible, qui va conduire à stopper la construction et à brader aux investisseurs privés le parc existant. Cette politique à courte vue se double d’une politique antisociale au regard de la baisse continue des APL.
Cette année a été marquée par la baisse des APL de 5 euros, par la mise en place de la RLS, qui a transféré la charge de ces aides aux bailleurs pour 873 millions d’euros, par la suppression des APL accession pour 70 millions d’euros et le gel des prestations pour 126 millions d’euros. Et pourtant, ce n’est pas encore assez ! Au travers de ce projet de loi de finances, vous prévoyez une économie supplémentaire avec la contemporanéité des allocations pour 900 millions d’euros, ainsi qu’avec les 102 millions d’euros liés à la sous-indexation de la valorisation des APL, soit une économie cumulée de plus de 2 milliards d’euros sur le dos des plus fragiles, pour aider les multipropriétaires à acquérir de nouveaux biens via les dispositifs d’aide à l’investissement locatif. Comme toujours avec ce gouvernement, c’est sur le dos des plus fragiles, de ceux qui ont du mal à boucler les fins de mois, que cette économie va se faire !
Vous l’aurez compris, nous ne voterons pas ces crédits, très faibles, qui témoignent d’une volonté de casser un modèle social – unique en Europe, voire dans le monde – pourtant performant, de s’affranchir de toute idée de solidarité nationale, alors que même la Commission européenne appelle les États membres à réinvestir dans ce secteur. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard. (M. Hervé Maurey applaudit.)
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer par saluer l’excellent travail réalisé par l’ensemble des rapporteurs, qui permet d’éclairer nos débats.
Nous devons discuter cet après-midi d’un budget héritier des choix récents en matière de stratégie de logement, qui se situe dans la continuité assez logique de notre dernier débat budgétaire.
Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » sont de nouveau en baisse, une diminution liée à la poursuite des mesures de réduction des aides personnalisées au logement et de refonte de leur mode de calcul. Les APL comptent pour 82 % de ce budget. En effet, les crédits du programme 109, « Aide à l’accès au logement », sont en nette diminution entre 2018 et 2019, passant de 14,26 milliards à 13,11 milliards d’euros, soit une baisse de 8 %.
Outre que ce budget nous laisse un sentiment de déjà-vu, il nous confirme que les APL restent une variable d’ajustement budgétaire, avec cette baisse de 1,2 milliard d’euros qui est la conséquence de plusieurs décisions.
Il s’agit, tout d’abord, de la non-indexation de l’APL sur l’inflation, pour une économie de 102 millions d’euros, remplacée par une revalorisation de 0,3 %, qui risque de créer un effet ciseaux regrettable, couplé avec le prélèvement à la source.
Vient, ensuite, la réforme du mode de calcul de l’APL, pour 910 millions d’euros d’économies. À ce titre, permettez-moi de m’interroger doublement.
Je ne comprends pas que l’on ait préalablement fait le choix de la baisse des APL avant d’en modifier le mode de calcul. Par ailleurs, concernant le calcul sur la base des revenus actuels de l’allocataire – la contemporanéisation –, les difficultés qui s’annoncent vous ont fait finalement prévoir une entrée en vigueur au premier semestre de 2019, après le printemps, mais on entend maintenant parler de juillet ; nous en sommes tous très inquiets. En effet, les caisses d’allocations familiales ont été réformées il y a désormais un certain temps : les départements les plus denses, où l’on compte le plus de bénéficiaires de l’APL, ont été regroupés en une seule CAF où se prennent toutes les décisions. Vous avez beau avoir des annexes et des antennes, la mise en œuvre sera difficile, et il faudra être très vigilant ; à défaut, nous pourrions avoir des déconvenues.
Enfin, la mise en œuvre de la RLS, concomitamment avec la baisse des APL, tend à produire les effets que nous craignions et sur lesquels nous vous avions longuement alerté l’an passé.
Vous avez demandé un effort important aux bailleurs sociaux – 800 millions d’euros en 2018 –, avec l’idée d’une trajectoire identique en 2019. Entrée en vigueur au 1er février 2018, cette économie a donc été réalisée en onze mois. Si, aujourd’hui, les paramètres ne sont pas modifiés, la RLS représentera pour l’année 2019 un coût de 873 millions d’euros pour les bailleurs sociaux, soit 73 millions de plus que ce qui était prévu dans la trajectoire initiale. Aussi, les membres du groupe Union Centriste, ainsi que des collègues siégeant sur d’autres travées, souhaitaient vous proposer un amendement prévoyant que les paramètres de la RLS soient définis différemment, c’est-à-dire selon la trajectoire financière prévue au départ et conformément à l’engagement du Gouvernement. Or cet amendement a malheureusement été déclaré irrecevable. Monsieur le ministre, comment comptez-vous éviter ces effets de bords et faire en sorte que les bailleurs sociaux ne soient pas sollicités au-delà de ce qui était nécessaire ?
Le rendement de la TVA sur les constructions de logements sociaux s’annonce par ailleurs supérieur à ce qui était envisagé et pourrait atteindre 850 millions d’euros en 2019. Sur ce sujet, nous suivrons la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui propose d’ajouter au rapport, prévu à l’article 74 quinquies, une étude fine des impacts de l’augmentation de la TVA, comme l’a rappelé Philippe Dallier.
Il ne me semble pas que nous puissions faire l’économie d’un mot sur la situation des bailleurs, qui, avec la mise en place de la réforme, couplée à la restructuration du secteur prévue dans la loi ÉLAN, sont exsangues. Une perte d’autofinancement net de 21 % est constatée sur l’année 2018. Le nombre d’organismes en situation de fragilité passerait de 127 à 309, soit une augmentation de 143 %, selon l’analyse de la rapporteur pour avis Dominique Estrosi Sassone.
J’ai interrogé les métropoles de ma région pour voir l’effet sur ces territoires du mécanisme de la RLS, et considérant que le dispositif devrait y poser peu de difficultés.
En 2018, sur un objectif de production de 2 000 logements sociaux dans la métropole de Lille, on constate une réduction des constructions de 600 logements, alors même que le fait d’être dans une métropole devrait faciliter le dispositif. Quand bien même les bailleurs sociaux ont les moyens de trouver des financements, ils ont besoin d’avoir des fonds propres.
Le secteur du logement social connaît de grandes difficultés, avec probablement moins de 100 000 logements financés, contre 126 000 en 2016 et 113 000 en 2017.
Les chiffres concernant le nombre d’organismes en grande difficulté ou en autofinancement négatif sont de plus en plus inquiétants. En l’état actuel, et avec les mêmes conditions de financement, les ESH ne sont pas exemptées de ces problèmes, puisque leur taux d’autofinancement courant devrait être pratiquement divisé par trois en trois ans et pourrait devenir négatif à partir de 2025. Ce sont 28 nouvelles ESH qui passeraient dans le rouge dès 2018.
Pour ce qui concerne la vente de patrimoine – sujet sur lequel j’alerte régulièrement –, je me permets de vous encourager, monsieur le ministre, si vous ne voulez pas aggraver le coût de l’accompagnement des copropriétés dégradées, à travailler avec les collectivités et à entamer des programmes de gouvernance partagée avec les territoires, afin d’élaborer des plans de patrimoine. Ne travaillez pas avec les bailleurs seuls, avant de convier les territoires ; travaillons ensemble ! Nous espérons que la clause de revoyure que vous annoncez sera l’occasion de réaliser un certain nombre d’ajustements.
Il ne me semble pas que toutes les conditions soient réunies pour que le choc de l’offre attendu ait lieu. Je crains même, et nous sommes nombreux sur ces travées à vous avoir alerté sur ce point, que l’effet inverse ne se produise.
De mois en mois, la construction de logement diminue. Les mises en chantier de logements neufs ont ainsi reculé de 7,9 % au troisième trimestre. Il est à craindre que moins de 400 000 logements soient construits en 2019, et nous constaterons sans doute une perte de 40 000 logements en raison des restrictions du prêt à taux zéro, du dispositif Pinel, de l’APL accession et de la baisse des commandes HLM. La dégradation du secteur du logement impactera fortement nos territoires, avec des écarts qui se creuseront de plus en plus entre zones tendues et non tendues. Vous nous éclairerez sans doute sur la question de la déterritorialisation, du zonage ou du non-zonage, en nous faisant part de votre vision des choses.
Nous suivrons Philippe Dallier dans son souhait de rétablir l’APL accession, et nous vous proposerons au cours du débat des amendements de rééquilibrage du dispositif Pinel, afin qu’il soit adapté aux réalités des territoires en laissant les acteurs locaux responsables du zonage. Nous devons réfléchir collectivement à des dispositifs pour qu’aucun territoire ne soit laissé en marge.
Au-delà de la situation du logement, et s’agissant des autres programmes de la mission, nous observons quelques notes positives, non dénuées malgré tout d’interrogations.
Concernant le programme « Hébergement d’urgence », nous nous félicitons de la hausse de 43 millions d’euros des crédits de paiements, mais nous sommes interrogatifs sur les 60,2 millions de crédits supplémentaires ouverts par le dernier projet de loi de finances rectificative. Est-ce d’ores et déjà l’annonce que les crédits pour 2019 seront insuffisants ? Il faudra veiller à être au rendez-vous…
S’agissant du programme 147, « Politique de la ville », j’ai peu d’éléments à ajouter à la présentation d’Annie Guillemot, avec laquelle je suis en phase. Le plan Borloo a défini des lignes directrices. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous saurez vous en inspirer. C’est essentiel !
Il est vrai que vous avez consacré davantage de moyens à la politique de la ville. Mais il faut prendre garde à un point, que Mme Guillemot a rappelé : lorsque l’on annonce des financements supplémentaires sur des lignes non consommées, parce que les taux d’intervention sont tellement faibles, il arrive que les associations ou les collectivités ne viennent pas chercher ces crédits. Lorsque l’on consacre des moyens supplémentaires, il convient de redéfinir des taux favorisant une consommation des crédits.
Pour ce qui concerne le budget de l’ANAH, je remercie Philippe Dallier de nous avoir donné l’occasion de soutenir, au travers de l’amendement qu’il a déposé, la nécessité de maintenir les crédits et les quotas carbone qui lui sont affectés, afin que nous puissions rattraper notre retard et redoubler d’énergie. Certes, en dépit du rebasage des quotas carbone, les 420 millions d’euros de crédits suffiront pour l’année prochaine. Mais je crains qu’à la fin de l’année 2019, lorsque vous aurez débasé, le bond qu’il faudra faire pour le budget pour 2020 ne soit très important. Voilà encore un point auquel il faudra être attentif.
Vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera contre les crédits de cette mission, même si nous constatons que des efforts ont été faits sur les deux missions que j’ai évoquées. Mais, sur le logement, le compte n’y est pas. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Sophie Primas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Serge Babary. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Serge Babary. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » couvre l’ensemble des actions mises en œuvre en faveur du développement et de l’aménagement du territoire, du renouvellement urbain, de la solidarité entre les territoires, du logement, de l’hébergement et de l’habitat durable. Pour l’ensemble de cette mission, 16,1 milliards d’euros sont inscrits en autorisations d’engagement et 16 milliards d’euros en crédits de paiement. Comme l’année dernière, le budget de la mission « Cohésion des territoires » est en baisse : 5,8 % pour les autorisations d’engagement et 6,9 % pour les crédits de paiement.
Avec une diminution de plus de 1 milliard d’euros, le budget du ministère est mis une nouvelle fois à contribution, dans le cadre de la réduction des dépenses publiques. Tous les postes sont touchés, à l’exception de la politique de la ville. Dans le budget pour 2018, le programme 147, « Politique de la ville », avait accusé une baisse des crédits de paiement de 16 % en autorisations d’engagement, mais les crédits de paiement étaient demeurés stables.
Si le Gouvernement n’a pas souhaité reprendre l’ensemble des propositions de Jean-Louis Borloo, il a cependant, en juillet dernier, annoncé un plan de mobilisation nationale pour les habitants des quartiers, comprenant des mesures en matière de sécurité, d’éducation, d’emploi, de logement, d’amélioration du cadre de vie et de soutien aux associations. Alors, que prévoit le budget pour 2019 ?
Devant l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous l’avez qualifié de « deuxième grand pilier de l’action gouvernementale », de « priorité absolue du Gouvernement ». Effectivement, la politique de la ville semble être la seule rescapée dans un océan de baisses.
Conformément aux engagements pris en juillet dernier, les crédits du programme 147, « Politique de la ville », sont en hausse de 244 millions d’euros, soit une augmentation de 57 % en autorisations d’engagement, et de 84,4 millions d’euros, soit une hausse de 19,7 %, en crédits de paiement. Si l’on peut se réjouir de cet engagement accru de l’État dans la politique de réduction des inégalités territoriales, il reste toutefois très ciblé.
Les actions territorialisées concentrent plus de 62 % des crédits du programme, soit 419,4 millions d’euros à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville, mis en œuvre dans le cadre des contrats de ville ou de dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative, ou encore une partie du financement du dédoublement des classes de CP en REP et REP +.
L’effort budgétaire porte sur les actions en matière d’éducation et de lien social. Le projet de loi de finances prévoit notamment la création de 1 000 postes supplémentaires d’adultes-relais, le doublement du nombre de postes de coordinateurs associatifs, ou encore le renforcement de l’encadrement en maternelle dans une soixantaine de grands quartiers, avec une aide aux communes pour la création de postes d’ATSEM. Toutefois, la politique de la ville est construite autour de la contractualisation. Dans un contexte de baisse des dotations, les collectivités auront-elles les moyens de s’y investir ? Nous ne le pensons pas.
S’y ajoute la création d’une nouvelle dotation de 15 millions d’euros pour certaines associations nationales structurantes afin qu’elles soutiennent et mettent en œuvre des actions de proximité. Le Gouvernement souhaite ainsi soutenir l’emploi associatif. Mais il ne faut pas se leurrer, cette aide ne compense pas la réduction drastique des emplois aidés. Ce sont 20 000 associations qui ont disparu.
Quant à l’expérimentation des emplois francs, si les résultats sont loin des objectifs qui étaient affichés, 237 millions d’euros sont pourtant inscrits en autorisations d’engagement et un peu plus de 70 millions d’euros en crédits de paiement.
L’augmentation la plus notable du programme concerne l’action n° 04, Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie, qui porte les crédits consacrés au NPNRU.
Le budget pour 2018 avait acté le retour de l’État dans le financement du renouvellement urbain, aux côtés d’Action logement et des bailleurs sociaux. Le Gouvernement s’était engagé à porter le NPNRU de 6 milliards à 10 milliards d’euros sur la durée du programme, avec une part de financement de l’État de 1 milliard d’euros, soit 200 millions d’euros par an au cours du quinquennat. Pourtant, en 2018, seuls 15 millions d’euros étaient inscrits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Dans le budget pour 2019, l’État augmente sa participation, qui atteint 185 millions d’euros en autorisations d’engagement et 25 millions d’euros en crédits de paiement. En proportion de son engagement global, l’État finance cependant moins que les bailleurs sociaux et Action logement.
L’article 74 du projet de loi de finances acte la participation des bailleurs sociaux au financement du NPNRU, à hauteur de 154 millions d’euros par an pendant toute la durée du programme, soit jusqu’en 2031.
La mise en place du NPNRU a accusé des retards : cinq ans après l’adoption de la loi de programmation, les contrats commencent seulement à être signés… Mais, finalement, ces retards ont permis à l’ANRU de ne pas mettre à mal sa trésorerie. Le groupe Les Républicains est favorable à cet article 74.
S’il faut reconnaître que les dépenses du programme 147 relatif à la politique de la ville concrétisent des engagements présidentiels, ces signaux positifs qui se mesurent en millions d’euros ne sauraient masquer les coups de rabot, qui, eux, se chiffrent en milliards. Pour ces raisons, le groupe les Républicains ne votera pas les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Commission européenne vient d’appeler les pays européens à investir massivement dans le logement social, afin de faire face à la pénurie de logements abordables, présente dans de nombreux pays. La production de logements sociaux a en effet plongé partout en Europe depuis une dizaine d’années, excepté en France, où elle est restée supérieure à 100 000 logements par an. Beaucoup de pays européens ont mené des réformes, comme le retrait de l’investissement public ou la vente du parc social, dont on voit aujourd’hui les effets désastreux, et ils font maintenant marche arrière.
Monsieur le ministre, vous n’allez pas dans le sens de l’Europe, qui invite donc à prendre en compte la crise du logement et à relancer l’investissement public dans « le logement abordable », dont le logement social, le locatif intermédiaire et l’accession à la propriété. Elle estime l’investissement nécessaire à 57 milliards d’euros pendant cinq ans – c’est la première fois que l’Europe préconise un tel chiffre –, afin de « loger les plus modestes pour éviter les coûts sociaux du mal-logement », lesquels sont évalués à 194 milliards d’euros par an à l’échelle européenne, et afin d’assurer la transition énergétique.
Vous n’allez pas dans ce sens, contrairement à l’Allemagne, où Mme Merkel vient de lancer son offensive avec un plan volontariste de 5,7 milliards d’euros sur quatre ans pour construire 1,5 million de logements, renforcer les aides et stimuler l’accession à la propriété, et contrairement aussi à Theresa May, qui a lancé un plan de 2,3 milliards d’euros dédiés aux collectivités locales et bailleurs sociaux afin de construire et de réhabiliter le parc britannique de logements sociaux. Dans la continuité du budget précédent, votre objectif demeure, en effet, de faire des économies sur le logement. Rappelons que, jusqu’en 2017, notre pays faisait figure d’exception : alors que la production de logements sociaux s’effondrait en Europe, la France construisait encore plus de 100 000 logements sociaux par an.
Malheureusement, tous les voyants sont au rouge, avec une production de logements en baisse, comme le prouvent les chutes de 5 % des autorisations de mise en chantier et de 12 % des dépôts de permis de construire, avec les mises en vente qui se contractent fortement, en baisse de 13 %. La diminution des agréments initiée en 2017, en baisse de 9 %, semble se prolonger avec leur baisse de 5 % en 2018.
Avec vos réformes, la France est à contre-courant. L’affaiblissement des ressources des organismes d’HLM, leur restructuration à marche forcée ainsi que la vente contrainte de leur patrimoine vont sérieusement déstabiliser le secteur. La suppression de l’APL accession, qui représente 50 millions d’euros, et le recentrage du prêt à taux zéro sur les zones tendues ont eu des effets quasi immédiats sur la construction : le nombre de permis de construire pour des maisons individuelles a chuté de 14 % par rapport à la même période de 2017. Là où les ménages modestes pouvaient encore accéder à la propriété, les aides ont été supprimées. On est bien loin d’un « élan » du choc de l’offre !
Pour 2019, le budget dédié à la cohésion des territoires se contracte de 1 milliard d’euros, dont 900 millions d’euros du fait de l’application en année pleine de la RSL, qui a rapporté 800 millions d’euros cette année et dont le Gouvernement escompte 870 millions d’euros l’année prochaine. S’ajoute à cela la contemporanéité des APL. Mais il faudra les moyens nécessaires aux CAF, qui sont vraiment terrorisées par cette nouvelle procédure.
Vous poursuivez aussi votre politique d’économies sur les APL, revalorisées à 0,3 % seulement, d’où 102 millions d’euros d’économies pour le budget. Si les organismes d’HLM semblent avoir intégré la baisse de leurs ressources en 2018, leur capacité à absorber la montée en charge de la RLS prévue en 2020, avec un quasi-doublement de la ponction – 1,5 milliard d’euros –, suscite de nombreuses inquiétudes. Il faut impérativement reconsidérer cette trajectoire en vue du budget pour 2020, car ce « mur » de 2020 va faire passer en deçà du seuil de 100 000 la production des logements sociaux.
Pour ce qui est de l’aide à la pierre, le désengagement de l’État est assumé. Très clairement, cette politique de retrait total est inacceptable. Elle contrevient avec l’équilibre qui a prévalu à la création du FNAP.
Enfin, comment ne pas déplorer, une fois de plus, votre inaction en matière de hausse du foncier, qui entraîne un renchérissement continu des logements neufs, pèse sur le pouvoir d’achat et augmente les inégalités ?
En outre-mer, par ailleurs, quel sera le devenir de l’aide à l’accession à la propriété, que vous rétablissez temporairement et à budget constant au détriment de l’action Urbanisme ? Et où sont les mesures de prévention des copropriétés dégradées dont parlait Valérie Létard ?
Je terminerai en évoquant le budget dédié à l’hébergement d’urgence, en hausse de 12 %, ce que nous saluons. Cependant, la situation des CHRS nous inquiète, car cette hausse est fléchée sur les places d’urgence et les nuitées hôtelières. Elle ne bénéficiera donc pas aux CHRS, qui assurent l’hébergement d’insertion. Nous craignons aussi la fermeture de certains centres et de postes d’intervenants sociaux, ce que nous ne pouvons accepter, même si vous avez fléché 20 millions d’euros supplémentaires en direction des sorties de familles des hôtels.
Monsieur le ministre, le logement n’est pas une marchandise comme une autre. C’est un toit, c’est un refuge, c’est aussi notre intimité… Financiariser le logement, c’est accentuer la précarité de milliers de nos concitoyens qui, pour certains, n’arrivent plus à faire face. La vente massive de logements ne saurait compenser la baisse de ressources des bailleurs sociaux.
Les questions essentielles aujourd’hui concernent la capacité du secteur du logement social à faire face à l’ensemble des réformes que vous avez décidées, et notamment au « mur » de 2020, et les difficultés toujours croissantes des Français à accéder à un logement « abordable » qui réponde à leurs besoins.
Le groupe socialiste votera contre ce projet de budget pour le logement, sachant que Xavier Iacovelli interviendra, quant à lui, sur le budget de la politique de la ville. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais à mon tour faire quelques remarques sur la politique du logement et les difficultés rencontrées par ce secteur.
La réduction de loyer de solidarité, destinée à compenser la baisse des APL dans le parc social, n’a pas manqué de produire ses effets. Je rappelle que, en imposant des baisses de loyer, le Gouvernement a voulu alors forcer, non sans brusquerie et avec un semblant de concertation, les organismes d’HLM à se restructurer. En contrepartie, le taux du livret A sera gelé à 0,75 % jusqu’en 2020, la dette des OLS sera allongée, des prêts haut de bilan et des prêts à taux fixes leur seront consentis, pour respectivement 2 milliards et 4 milliards d’euros, des avances de trésorerie leur seront accordées…
Les conséquences, je le disais, n’ont pas mis longtemps à se manifester, sous forme d’abandon ou de contraction de projets de construction de nouveaux logements sociaux et de réhabilitation.
De son côté, l’Union sociale pour l’habitat, lors de son congrès annuel qui s’est tenu en octobre dernier, évoquait une baisse d’au moins 5 % des nouveaux logements prévus cette année.
Pour ce qui concerne les permis de construire et les mises en chantier de logements neufs, les dernières données, celles du troisième trimestre de 2018, sont assez éloquentes. Depuis le début de l’année, la construction de logements neufs se contracte sérieusement : 122 000 permis de construire, soit une baisse de 10,2 % par rapport à la même période en 2017, et 85 000 mises en chantier, soit une baisse de 7,9 %.
Je voudrais également dire un mot sur le programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », qui vise à construire et à améliorer l’habitat via le FNAP ou des dispositifs fiscaux, comme le prêt à taux zéro et le dispositif d’investissement locatif intermédiaire, qui a remplacé le dispositif Duflot.
Ce programme devrait répondre à l’enjeu de créer un choc de l’offre dans les zones tendues, tout en assurant un développement équilibré des territoires. Or ce programme prévoit, avec 285 millions d’euros, inscrits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, une baisse de 7,4 % des crédits de paiement par rapport à l’année 2018. Je rappelle que ces crédits avaient déjà diminué de 22 % entre 2017 et 2018.
Au titre des dépenses fiscales sur impôts d’État, 13,7 milliards d’euros sont inscrits. Cela comprend, par exemple, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, le taux réduit de TVA sur les travaux de rénovation, le prêt à taux zéro, les dispositifs Duflot, Pinel et Cosse, ainsi que les aides fiscales pour les organismes d’HLM.
Concernant les aides à la pierre, on assistera en 2019 à un mouvement de désengagement fort, quasi total, de l’État au sein du FNAP. Ces crédits étaient de 205 millions d’euros en 2017, dont 55 % ont été annulés en cours d’année, de 38 millions d’euros en 2018 et de zéro euro en 2019.
Notre rapporteur spécial, dans son rapport d’information consacré à cette question, s’est d’ailleurs inquiété de la situation difficile du FNAP en raison du retrait massif de l’État du financement des aides à la pierre. Pourtant, le FNAP, au sein duquel l’État et des organismes d’HLM gèrent conjointement les fonds publics dédiés au développement et à l’amélioration du parc social, aurait besoin de territorialiser ces crédits en associant véritablement les élus locaux.
C’est d’ailleurs le sens des recommandations qui vous ont été faites par Philippe Dallier, comme de celles qui tendent à fixer des objectifs au niveau local plutôt que national, à fonder davantage l’analyse des besoins sur ceux qui sont exprimés par les collectivités et les bailleurs, à permettre au FNAP de financer des réhabilitations et pas seulement des constructions neuves, particulièrement dans les zones qui ont un parc ancien et dégradé, et enfin à généraliser les délégations des aides à la pierre aux collectivités locales.
Voilà quelques conditions nécessaires qui font défaut dans ces orientations et qui me semblent, à elles seules, justifier le rejet des crédits de la mission « Cohésion des territoires ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avec ce gouvernement, je dois le dire, lorsqu’il s’agit de politique de la ville, nous ne savons pas sur quel pied danser.
L’année 2017 avait été marquée par des discours ambitieux d’émancipation du Président de la République à Clichy-sous-Bois et Tourcoing, qui répondaient à la fronde massive des associations et des maires de toutes tendances traduite dans l’appel de Grigny, mais qui étaient dénués de réelles concrétisations budgétaires.
Pendant le premier semestre de 2018, l’ensemble des élus de la politique de la ville ont été échaudés par le discours du Président de la République du 22 mai dernier à la suite de la présentation, ou plutôt de « l’enterrement élyséen », du rapport Borloo.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous semblez redresser la barre avec une feuille de route un peu plus volontaire et des engagements financiers laissant entendre que vous pouvez parfois écouter l’opposition et ces Français qui souffrent. Ne vous arrêtez pas en si bon chemin, car, plus il y aura d’écoute, moins il y aura de « gilets jaunes » !
La politique d’émancipation en faveur des habitants des quartiers nécessite des moyens.
L’émancipation passe par l’éducation, bien sûr, mais aussi par l’emploi. Dans nos quartiers prioritaires, le taux de chômage, je le rappelle, est de 27 %.
En même temps, vous persévérez diaboliquement sur le chemin de la suppression d’un très grand nombre de contrats aidés. Le dispositif expérimental des emplois francs « nouvelle mouture » est en deçà des objectifs fixés. Au 1er septembre 2018, moins de 2 000 emplois francs auraient été conclus, quand 25 000 sont attendus à la fin de 2019.
Remobiliser les préfets et s’appuyer davantage sur les missions locales est important, mais ce n’est pas suffisant.
Dans ce domaine, nous croyons en « l’efficacité d’échelle ». Pourquoi donc ne pas étendre la liste des territoires éligibles à l’expérimentation au-delà des sept territoires actuels ?
Concernant la rénovation urbaine, des inquiétudes demeurent. Si l’État semble confirmer son engagement pris au courant de l’année, nous nous retrouvons avec un financement du NPNRU de 185 millions d’euros en autorisations d’engagement et de seulement 25 millions d’euros en crédits de paiement.
Nous comprenons l’argument qui consiste à expliquer que les projets de rénovation ne sont pas encore ficelés, mais nous avons perdu dix-huit mois. Ce délai, quand on connaît l’état d’insalubrité de nombreux logements et l’impact direct sur l’état de santé des habitants – l’espérance de vie y est plus faible –, nous ne pouvons collectivement l’accepter.
La création de la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires, qui affecte directement l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l’EPARECA, le Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, mais également le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, l’ANRU et l’ANAH, peut aussi être un facteur retardateur de la mise en place du NPNRU.
Un des principaux acteurs de la politique de la ville, c’est le territoire, plus particulièrement la commune. Permettez-moi de le souligner, de ce côté-là, le compte n’y est pas.
Arrêtons-nous un instant sur la dotation politique de la ville, la DPV. Vous annoncez l’avoir sanctuarisée à hauteur de 150 millions d’euros en 2019, mais vous élargissez le champ d’attribution de cette dotation. Cela signifie que l’enveloppe globale reste identique, mais que le nombre de villes concernées augmente. Ces villes toucheront donc, en moyenne, moins que l’année précédente.
Examinons maintenant la dotation de solidarité urbaine. Si la péréquation horizontale n’augmente pas, la péréquation verticale augmente moins que toutes les autres années : cela représente 20 millions d’euros en moins par rapport au budget pour 2018.
Chaque année, ces communes les plus pauvres de notre pays perdent des recettes si l’on tient notamment compte des abattements et exonérations de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Vous le savez, monsieur le ministre, que les communes soient rurales ou urbaines, ces dotations constituent pour elles la seule recette dynamique de leur budget. Cela ne peut plus continuer ainsi !
Il y a urgence sociale dans tous nos quartiers prioritaires, qu’ils soient urbains ou ruraux. Face à l’ampleur des inégalités vécues par ces 5 millions de Françaises et de Français, la réponse républicaine doit être globale : sur l’éducation, sur l’emploi, sur le logement et sur le cadre de vie. Il y va de la survie de notre cohésion nationale.
Car forcément funeste sera le destin d’un pays qui voit sa population partagée en deux nations : la nation des privilégiés, pour qui le champ des possibles est grand ouvert, et celle de ceux pour qui l’égalité des chances n’est qu’une chimère.
Vous comprendrez que notre groupe s’abstiendra sur les crédits de la politique de la ville. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, jamais autant qu’aujourd’hui nous n’avons entendu parler de cohésion des territoires et, convenons-en, c’est plutôt une bonne chose.
Aussi permettez-moi de rendre hommage à l’un de ceux qui ont permis qu’on en parle concrètement, l’élu d’un territoire ô combien symbolique et qui m’est cher de surcroît, qui n’a pas découvert la ruralité entre Bercy et l’Hôtel de Castries et qui n’a pas ménagé sa peine, dans des conditions particulièrement difficiles, pour défendre la cause de ces territoires que nous aimons tant.
Je veux bien sûr parler de notre collègue Jacques Mézard, homme de dialogue, attentif à nos attentes.
M. Jean-Claude Requier. Merci pour lui !
Mme Sophie Primas. Il mériterait d’être applaudi !
M. Jean-Raymond Hugonet. Il aura mis en place les bases nécessaires pour que s’exprime vraiment une solidarité entre l’urbain et le rural.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Mettre en œuvre une politique de l’aménagement du territoire en France, c’est disposer de l’expertise, des moyens et de l’autorité nécessaires pour faire vivre, au quotidien, la République des territoires.
Or, depuis des décennies, force est de constater que nous avons assisté à un abandon en règle des territoires. Aujourd’hui, l’État doit impérativement avoir une vision stratégique. La France métropolitaine est, semble-t-il, entrée dans les mœurs : c’est un ressenti. Elle concentre déjà 75 % de la croissance : c’est une réalité ! Comme par hasard, on se rend compte maintenant que la métropolisation peut engendrer un phénomène ségrégatif : la belle affaire !
Bien sûr, il est nécessaire et urgent de promouvoir une politique spécifique pour les petites et moyennes villes, dont beaucoup ont de grandes difficultés, en particulier celles qui n’ont pas de noyau métropolitain.
Bien sûr, il est nécessaire et urgent de venir en aide aux territoires laissés pour compte et qui s’enfoncent petit à petit dans le repli et la désertification. Ce n’est plus une fracture territoriale, c’est un abandon en rase campagne !
Alors, nous dit-on, l’Agence nationale de la cohésion des territoires est certainement l’outil nécessaire pour que le territoire national ne fasse qu’un. Soit !
Le chef de l’État lui-même a indiqué, lors de la Conférence nationale des territoires, que le travail effectué se fera en lien direct avec les régions et que l’agence apportera un appui en ingénierie publique aux territoires les plus périphériques, dans une logique de guichet unique et de simplification à destination des porteurs de projets et des élus.
Selon ses termes, « ce que demande la ruralité, ça n’est pas l’aumône, ça n’est pas d’être compensé, c’est d’avoir les mêmes chances de réussir », et il défend une approche « différenciée » de l’État, qui « ne doit pas craindre de donner plus à ceux qui ont moins ».
Il s’agit là du discours de façade, mais, « en même temps », qu’en est-il dans la réalité ? Depuis le fiasco de la Conférence nationale des territoires et de son double langage, la confiance n’est plus là !
Quid, par exemple, des capacités financières ? Mes collègues rapporteurs Dominique Estrosi Sassone et Philippe Dallier l’ont dit précédemment, le compte n’y est pas.
Le renversement du tropisme métropolitain, qui a prévalu lors de la funeste réforme territoriale, ne s’opérera pas avec de belles paroles !
Si je ne devais prendre qu’un seul exemple révélateur d’un aménagement du territoire chaotique et d’une cohésion des territoires à géométrie variable, je choisirais celui que je connais le mieux, c’est-à-dire celui de mon département, l’Essonne.
Dans la partie urbanisée, au nord du département, s’agissant d’un projet d’envergure nationale, le fameux plateau de Saclay, le Président de la République est venu sur place le 25 octobre 2017 nous parler, les yeux dans les yeux, en disant : « Je ne ferai rien qui pourra contrarier l’avenir du plateau de Saclay, ce cœur battant de la science française […] Une grande partie des réponses aux défis contemporains vient d’ici […] Il s’agit de gagner la bataille de l’intelligence [et] d’être à la pointe de l’excellence scientifique ». Parlons-en ! Quelques semaines après cette déclaration d’amour enflammée, le Premier ministre est venu, en service commandé, annoncer brutalement aux élus locaux, faute de crédits, un report en 2027 de l’avènement de la ligne 18 du Grand Paris Express, axe principal des transports en commun censés irriguer ce fameux plateau de Saclay.
Dans le même temps, pour la partie périurbaine et rurale, plus au sud du département, le Gouvernement continue aveuglément d’intimer l’ordre aux élus locaux, sur les bases du sacro-saint article 55 de la loi SRU et à coups de constat de carence, de construire toujours plus de logements, alors même que les transports en commun sont déjà sursaturés le long des lignes C et D du RER, dont la réputation n’est plus à faire !
Est-il besoin de rappeler ici la mémoire des sept morts lors du drame de Brétigny-sur-Orge, le 12 juillet 2013, par manque d’entretien du réseau ?
Voilà quelle est la réalité de la cohésion des territoires, au moins dans le département de l’Essonne. Alors aujourd’hui, monsieur le ministre, nous n’avons pas besoin d’usine à gaz administrative, pas plus que de discours lénifiants. Nous avons besoin de confiance et d’actes concrets ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de pouvoir m’exprimer devant vous à l’occasion de l’examen de la mission « Cohésion des territoires ». Je voudrais d’ailleurs vous remercier à la fois de la qualité et de la précision des différents échanges que nous avons pu avoir, soit en amont de cette séance lors des auditions, soit dans le cadre de notre débat d’aujourd’hui.
Je m’attacherai à répondre avec précision à l’ensemble des interrogations que vous avez pu évoquer. Permettez-moi juste, auparavant, de présenter les grandes lignes du budget pour la cohésion des territoires et les enjeux qui y sont évidemment associés.
Vous le savez, le dernier remaniement a vu la création d’un grand ministère des territoires, qui regroupe à la fois la cohésion des territoires et les relations avec les collectivités territoriales.
Je tiens, avant toute autre chose, à rendre un hommage appuyé à Jacques Mézard, avec qui j’ai eu l’honneur de travailler pendant près d’un an et demi. Nous avons mené de grands combats, lancé de nombreuses initiatives et partagé cet objectif que nous avions déjà en commun lors de la campagne présidentielle, à savoir la lutte sans relâche contre les fractures territoriales encore trop présentes dans notre pays.
Ce grand ministère des territoires dispose d’un budget, de nombreuses agences et administrations et, surtout, d’un réseau territorial important, doté d’une capacité d’action. Je veux saluer l’ensemble des agents qui y travaillent.
L’enjeu est clair, je le disais, c’est réparer les fractures territoriales. Personnellement, je crois très profondément et avec beaucoup de conviction que les événements qui se déroulent actuellement dans notre pays – le fameux mouvement des « gilets jaunes » – sont le reflet de ces fractures territoriales qui perdurent dans notre pays.
Au-delà du ras-le-bol fiscal, pour reprendre une expression communément utilisée, il y a le ras-le-bol des déserts médicaux, le ras-le-bol des déserts de téléphonie mobile et les grands problèmes de mobilité. Tout cela conduit un certain nombre de nos concitoyens à ressentir, et à vivre, le fait de ne pas avoir les mêmes chances de réussite et la même maîtrise de leur destin selon leur lieu d’habitation. Cela est vrai pour un certain nombre non seulement de quartiers prioritaires de la ville, mais aussi de nos ruralités. J’emploie bien les termes « nos ruralités » pour ne jamais faire d’amalgame avec une seule ruralité, qui ne fait pas sens, en tout cas pas à mes yeux.
Ces fractures alimentent le sentiment de relégation, et parfois d’abandon. Tout l’enjeu du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, que Jacqueline Gourault, Sébastien Lecornu et moi-même pilotons aujourd’hui, c’est justement d’agir concrètement au plus près du quotidien des habitants, que ce soit en matière d’aménagement, de politique de la ville, de logement ou encore d’hébergement d’urgence. Ce sont les quatre piliers que les différents rapporteurs ont détaillés.
Le premier pilier de notre action est donc l’aménagement du territoire.
Je voudrais d’abord insister sur ce bras armé de la politique de l’aménagement du territoire qu’est l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT, que le Président de la République avait annoncée et qui va être créée. Je voudrais saluer votre implication à toutes et tous à la suite de l’adoption, le 8 novembre dernier, à une très large majorité, de la proposition de loi portée par le groupe RDSE visant à créer cette agence.
Je remercie M. le rapporteur spécial Bernard Delcros pour ses propos sur l’ANCT. Celle-ci portera une véritable ambition, qui est d’incarner une nouvelle relation dédiée aux acteurs territoriaux, notamment aux élus locaux, et développera une nouvelle méthode de travail.
J’ai coutume de présenter l’Agence nationale de cohésion des territoires comme une agence de projets au service des élus locaux. C’est véritablement ce que nous essayons de faire : d’abord, une agence de projets, dont la méthode de travail s’appuiera sur les projets territoriaux ; ensuite, une agence au service des élus locaux, parce que l’objectif est de faire en sorte que celles et ceux qui la composeront soient tournés vers les élus locaux, et non vers les directeurs d’administration ou vers les ministres, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui.
Je suis convaincu que vous êtes nombreux à partager sur ces travées un autre constat que nous faisons : nos politiques publiques en matière d’aménagement, de logement ou de politique de la ville doivent être absolument territorialisées. C’est ce que nous essayons de faire; car elles souffrent de ne pas l’être suffisamment.
Je prendrai un exemple très précis, qui résume bien cette méthode : il s’agit du programme « Action cœur de ville », qui vise à rénover l’habitat, mais aussi à redynamiser l’économie ou, à tout le moins, le tissu commercial de villes dites de « taille moyenne » – je pense à des sous-préfectures ou à des préfectures de petite taille –, lesquelles ont peut-être été trop longtemps les oubliées des politiques d’aménagement du territoire et du logement.
Nombre d’entre vous connaissent très bien ce programme « Action cœur de ville », car il bénéficie à de nombreuses communes de vos territoires. Comme vous avez pu le constater, ce sont vraiment des projets territoriaux venant des élus locaux que l’État soutient, avec ses partenaires. C’est la méthode que nous essayons de déployer et c’est notre vision d’un aménagement du territoire véritablement territorialisé. Il faut s’attaquer à certains défis, en termes de priorités d’action, insuffisamment relevés par le passé, comme la rénovation des centres-villes de nos villes moyennes.
La rénovation de l’habitat, j’en ai fait un grand marqueur de notre action. J’aurai l’occasion de présenter un nouveau dispositif d’aide à la rénovation de l’habitat à destination des communes, particulièrement axé sur la réhabilitation de l’habitat privé en centre-ville. Ce nouveau dispositif rend éligible à une aide fiscale l’investissement locatif. Autrement dit, les acquisitions de logements anciens faisant l’objet d’au moins 25 % de travaux de réhabilitation pourront donner lieu à une opération de défiscalisation, dont le montant sera fonction de la durée de location. Le taux applicable pourra être de 12 % à 21 % du montant de l’opération, déduit de l’impôt sur le revenu selon la durée de location, qui pourra aller de six à douze ans.
Cette mesure s’appliquera a minima dans les logements situés dans les communes où le besoin de réhabilitation est important. Je dis bien a minima, car sont concernées toutes les communes de l’opération « Action cœur de ville », ainsi que celles qui ont mis en place des opérations de revitalisation du territoire. Ce dispositif prévu par la loi ÉLAN n’est pas réservé aux communes du programme « Action cœur de ville », mais peut être développé par n’importe quelle commune sur notre territoire.
Je réponds ainsi à une question qui m’a été posée sur le zonage. C’est peut-être la première fois – en tout cas, je n’ai pas le souvenir qu’il y en ait eu d’autres – qu’on essaie de mettre en place un dispositif de soutien fiscal territorialisé en fonction des projets de territoire et non d’une cartographie de notre pays fondée sur un découpage en zones A, A bis, B1, B2, ou C. Une telle approche me semble en tout point plus pertinente.
Le deuxième chantier de l’aménagement, évoqué par plusieurs d’entre vous, dont M. Roux, est celui de la téléphonie mobile et d’internet. Ce n’est pas un luxe, c’est un droit. J’ai déployé une grande énergie pour faire les choses différemment. Jusqu’à présent, il n’y avait pas d’engagement contraignant de nos opérateurs. Nous avons vraiment changé de paradigme – j’emploie ce mot à dessein – pour que plus de 3 milliards d’euros d’investissements supplémentaires soient consacrés à la couverture mobile de nos ruralités. Cela me paraît essentiel quand la véritable question est l’accès. Cet accès peut aussi passer par le développement du numérique ou de la téléphonie.
Monsieur le rapporteur spécial Bernard Delcros, vous évoquiez, avec d’autres, des questions très précises, par exemple sur l’accompagnement pour le marais poitevin. Comme le programme est achevé, l’objectif est de faire en sorte que les outils de droit commun, notamment ceux qui sont gérés par le ministère de l’agriculture et l’Agence française pour la biodiversité, prennent le relais. Nous ferons preuve d’une mobilisation attentive sur ce sujet. J’ai pleinement conscience que la finalisation du projet n’est pas terminée, même si le programme en lui-même l’est.
Se posait également la question du chlordécone. Plusieurs d’entre vous l’ont soulevée, notamment M. le rapporteur pour avis de Nicolaÿ. Je voudrais d’ailleurs le remercier d’avoir qualifié de « courageux » les propos du Président de la République. Celui-ci s’est en effet engagé à consacrer 3 millions d’euros sur deux ans, en gestion, à ce sujet. J’ai déjà eu l’occasion, ainsi que la ministre des outre-mer, d’évoquer cette décision, intervenue à la suite d’un arbitrage interministériel qui a pu être rendu dès le lendemain du déplacement du Président de la République dans la région.
Le deuxième pilier de notre action porte sur les actions touchant à la politique de la ville. Plusieurs d’entre vous ont mentionné l’ensemble des actions que nous avons menées, la feuille de route interministérielle que nous avons dressée et qui repose sur trois points : garantir aux habitants les mêmes droits ; favoriser l’émancipation par l’éducation et par le travail ; faire République ensemble.
Je ne reviens pas en détail sur ce document, mais je voudrais, à tout le moins, tuer dans l’œuf, si j’ose dire, des propos qui sont souvent repris : j’ai présenté de façon extrêmement précise cette feuille de route très claire en juillet dernier. De grandes parties de ce document sont reprises de travaux que nous avons pu conduire, et je m’y suis personnellement impliqué, avec Jean-Louis Borloo, mais également dans le cadre du Conseil national des villes, le CNV, auquel un grand nombre de parlementaires sont associés.
Nous avions pris l’engagement, voilà un an, de maintenir le budget de la politique de la ville. Nous l’avons non seulement tenu, mais nous avons également renforcé ses crédits, lesquels augmentent de près de 20 % avec des opérations très ciblées financées ou en voie de l’être. Je pense aux cités éducatives sur lesquelles nous avons beaucoup travaillé avec Jean-Michel Blanquer, et qui ont été annoncées à Nîmes au début du mois d’octobre dernier, ainsi qu’aux 1 000 postes supplémentaires d’adultes-relais et au financement additionnel de 15 millions d’euros accordé aux associations.
Vous êtes plusieurs à avoir évoqué la question de la rénovation urbaine, et je veux être très clair sur ce point. Nous avions pris deux engagements.
Le premier était de doubler le nouveau programme de rénovation urbaine : c’est chose faite. Nous sommes d’autant plus crédibles pour le dire qu’aujourd’hui les autorisations d’engagement sont très largement renforcées, comme vous l’aviez souhaité lors du précédent budget.
Le deuxième était d’accélérer considérablement les projets. Songez que, ces dernières années, les nouveaux engagements de l’ANRU, comme plusieurs d’entre vous l’ont relevé, étaient quasiment à l’arrêt, pour de nombreuses raisons. Nous avons énormément travaillé avec beaucoup d’entre vous, ainsi qu’avec l’ANRU et ses équipes, que je salue. Depuis mai dernier, plus de 3 milliards d’euros de projets ont été engagés, avec de nombreuses nouvelles méthodologies.
Je ne prendrai qu’un seul exemple, qui sera très parlant. Vous êtes nombreux à avoir mis en avant le fait que, lorsqu’un projet de rénovation urbaine n’était pas finalisé dans sa globalité, il n’était pas possible d’engager le premier euro. Nous avons changé de méthodologie : dès lors que tout le monde se met d’accord sur un projet de rénovation urbaine, nous pouvons tout de suite le lancer.
Le troisième pilier de notre action est évidemment le logement. Je ne reviens pas sur tous les débats que nous avons eus sur la réforme des APL et la réduction de loyer de solidarité, la RLS, mais je voudrais me projeter dans l’avenir à propos du sujet que vous êtes nombreux à avoir évoqué.
Nous avons fait un choix politique : parce que nous voulions absolument éviter que la réforme des APL puisse impacter les personnes concernées, nous avons décidé que l’APL d’un allocataire ne pourrait diminuer que si son loyer baissait, afin que son reste à charge reste le même. Cela signifie que la mesure pèse sur les bailleurs sociaux, auxquels nous avons effectivement demandé un très grand effort.
En contrepartie, nous avons pris – plusieurs d’entre vous les ont évoquées – des mesures de soutien, notamment par le truchement de la Caisse des dépôts et consignations. Aujourd’hui, la question est de savoir si ces mesures suffisent face aux efforts demandés, notamment en 2020, année pendant laquelle, vous le savez, la répartition entre le volet RLS et la TVA change.
Je me suis engagé devant vous, mais surtout devant les bailleurs sociaux lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat, à mettre en place ce point dit de « revoyure ». Le dispositif a été enclenché : trois réunions se tiendront, l’une en décembre prochain, l’autre en janvier et la troisième en février, pour conclure à cette date.
Deux sujets seront étudiés en toute transparence et les parlementaires seront associés aux travaux. Le premier porte sur la situation financière des bailleurs et les perspectives à court et à moyen terme ; le second, sur les bilans chiffrés de la RLS, de la hausse de la TVA et des mesures d’accompagnement pour déterminer quels voies et moyens permettront de rendre soutenables les efforts demandés en 2020, afin de répondre à l’ensemble des interrogations et des craintes que nombre d’entre vous ont exprimées.
Un autre volet en matière de politique du logement est la réforme de la contemporanéisation des APL. Plusieurs d’entre vous, comme M. Bargeton, ont vanté les mérites de cette réforme, qui est effectivement compliquée à mettre en œuvre. Il s’agit d’un véritable chantier technique de transformation d’un certain nombre de systèmes d’information et de gestion. Elle est évidemment plus juste, dans la mesure où personne ne peut comprendre que les aides soient calculées en fonction des revenus d’il y a deux ans, et non des revenus actuels.
Enfin, s’agissant du logement, se posait également la question de la rénovation de l’habitat. Je ne saurais intervenir sans avoir une pensée pour le drame qui s’est passé à Marseille. J’y suis allé le jour même, et y suis retourné toute la journée, hier, pour accompagner les Marseillaises et Marseillais et mettre en avant des mesures fortes à la fois d’accompagnement, mais aussi de suivi méthodique, afin de s’assurer que la réhabilitation et la rénovation du centre-ville ancien puissent s’opérer.
La rénovation de l’habitat est également un enjeu très fort dans les territoires ultramarins. Plusieurs d’entre vous l’ont indiqué, la suppression de l’APL accession avait conduit à faire disparaître le dispositif de soutien à la réhabilitation du logement dans ces territoires. Nous l’avons réintroduit à la suite du débat à l’Assemblée nationale, non seulement pour traiter plus d’un millier de dossiers qui sont aujourd’hui bloqués, mais également pour trouver une solution pérenne. Celle-ci passe notamment par des travaux menés actuellement sous l’égide du Conseil général de l’environnement et du développement durable.
Bien évidemment, quand on parle d’insalubrité, il faut évoquer la question de la rénovation des bâtiments.
Je vous l’indiquais, j’ai fait de la lutte contre l’habitat indigne un axe majeur de mon action, cette lutte dont nous avons tant et tant parlé dans le cadre de l’examen de la loi ÉLAN, lorsque nous avons examiné, parmi bien d’autres mesures, celles que nous avons prises contre les marchands de sommeil.
Autre sujet, la question de la rénovation thermique. Notre objectif est de rénover 150 000 « passoires thermiques » par an. Plusieurs d’entre vous ont évoqué le budget de l’ANAH ; je veux être très clair à ce sujet. Aujourd’hui, l’enjeu, le défi, pour cette agence – j’en ai d’ailleurs beaucoup parlé avec sa présidente, Nathalie Appéré, qui s’est qualifiée elle-même, lors de la dernière convention, de « présidente heureuse » au regard de son budget, bien que nous ne soyons pas du même bord politique, si vous voyez ce que je veux dire –, réside dans l’organisation, dans la simplicité de l’accès à ces aides pour nos concitoyens, et dans le fait d’atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés.
Jusqu’à présent, un peu moins de 50 000 rénovations thermiques étaient financées par l’ANAH chaque année. J’ai fixé un objectif de 75 000 unités et, au moment où nous en sommes, nous en serions à 68 000 ou 69 000 rénovations. Il y a donc un véritable enjeu dans l’accélération et la mise en œuvre de ces actions, mais les financements tels qu’ils sont prévus dans le projet de loi de finances ont été gréés pour faire face aux objectifs très ambitieux que nous avons fixés ; je veux souligner le travail des équipes de l’ANAH à cet égard.
Le quatrième et dernier pilier de notre action n’est pas le moins important. Il s’agit de l’hébergement d’urgence. Je veux remercier M. le rapporteur pour avis Morisset de ses propos sur la sincérité du budget. Effectivement, nous avons fait un gros travail pour le sincériser, malgré les difficultés liées aux différents types de centres.
Il y a un immense enjeu de solidarité, que nous entendons relever avec beaucoup d’humilité et de détermination. Aucun de nos concitoyens n’est à la rue par choix. La rue tue ; elle tue en hiver mais aussi en été, il faut le dire et le répéter. Au moment où je vous parle, la situation reste compliquée, avec la nécessité de disposer d’abris pour des milliers de personnes toujours dans la détresse. Nous augmentons significativement le budget, là encore. Nous avons fait un effort considérable, notamment pour anticiper le nombre de places que nous pourrions ouvrir pendant la période hivernale. L’année dernière, nous avions sanctuarisé, pérennisé, plus de cinq mille places supplémentaires. Cette année, nous avons mené un travail d’anticipation, de sorte que, aujourd’hui, le nombre de places potentiellement ou actuellement ouvertes est bien supérieur à ce qu’il était à la même période l’année dernière.
Il y a également tout le sujet de l’accompagnement. M. Morisset l’a très bien dit, c’est la mère des batailles ; il s’agit de ce que nous pouvons faire pour accompagner toutes celles et tous ceux qui sont dans ces situations de détresse. Cela passe notamment par les financements supplémentaires que nous avons consacrés aux maraudes, mais également par le plan Logement d’abord, qui concerne vingt-quatre territoires d’accélération et qui disposera de 500 millions d’euros de crédits supplémentaires sur la période du quinquennat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le temps qui m’était imparti étant achevé, je reviendrai dans le cadre de l’examen des amendements sur la question des CHRS. Plusieurs d’entre vous ont évoqué des craintes. Nous avons dégagé des crédits supplémentaires, dans le cadre du plan Pauvreté, pour accompagner spécifiquement les CHRS qui pourraient rencontrer des difficultés.
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Cohésion des territoires », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Cohésion des territoires |
16 170 504 202 |
16 060 119 485 |
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
1 873 114 477 |
1 891 214 477 |
Aide à l’accès au logement |
13 112 551 717 |
13 112 551 717 |
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
280 934 585 |
280 934 585 |
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire |
199 398 896 |
240 814 179 |
Dont titre 2 |
19 932 626 |
19 932 626 |
Interventions territoriales de l’État |
35 569 445 |
25 669 445 |
Politique de la ville |
668 935 082 |
508 935 082 |
Dont titre 2 |
19 419 002 |
19 419 002 |
M. le président. L’amendement n° II-255, présenté par Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
|
|
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|
Aide à l’accès au logement |
|
200 000 000 |
|
200 000 000 |
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
200 000 000 |
|
200 000 000 |
|
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire dont titre 2 |
|
|
|
|
Interventions territoriales de l’État |
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|
|
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Politique de la ville dont titre 2 |
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TOTAL |
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La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Dans le budget pour 2019, le Fonds national des aides à la pierre, le FNAP, est majoritairement financé par la cotisation des bailleurs sociaux, qui devrait s’élever à 375 millions d’euros, le reste étant financé par Action logement. L’objectif assumé du Gouvernement est d’inciter le secteur du logement social à s’autonomiser, en finançant ses nouveaux projets par la vente d’une partie de son patrimoine.
Le désengagement complet de l’État des aides à la pierre est inacceptable et rompt l’équilibre qui a prévalu à la création du FNAP en 2016 : une parité de financement entre l’État et les bailleurs, et une gouvernance équilibrée organisée autour de l’État, des collectivités territoriales et des bailleurs.
Or le Gouvernement a fixé des objectifs ambitieux. Il est prévu de financer, avec les 450 millions d’euros du FNAP, 40 000 logements très sociaux et 80 000 logements pour les étudiants.
Cet amendement tend à inscrire la contribution de l’État au financement du FNAP à hauteur de 200 millions d’euros ; il s’agit d’un enjeu de solidarité nationale.
Au regard des engagements pris par le Président de la République dans le cadre du plan Logement d’abord, qui doit accélérer la production de logements sociaux et très sociaux, il paraît nécessaire que les crédits du programme 135 soient majorés en conséquence par le Gouvernement, sans faire supporter cet effort au programme 109.
Par ailleurs, le FNAP est chargé de répartir les aides à la pierre. Or des arbitrages doivent être rendus. Quelles sont vos intentions à ce sujet, monsieur le ministre ? Allez-vous désigner un nouveau président ? Allez-vous permettre à ce fonds de fonctionner à nouveau ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Nous allons examiner une succession d’amendements visant à déshabiller Pierre pour habiller Paul – c’est la règle de la LOLF, la fameuse « fongibilité asymétrique » –, et il ne sera donc pas possible à la commission d’émettre des avis favorables, même quand, parfois, on peut partager les intentions de l’auteur.
S’agissant des aides à la pierre, je l’ai dit dans mon propos introductif, tout cela était écrit, mais cela n’a pas commencé sous ce gouvernement ; ce n’est que fin 2016, avant l’élection présidentielle, que, tout à coup, les aides à la pierre ont retrouvé des couleurs dans le budget de l’État ; mais on voyait bien que l’on était sur une pente descendante.
Je crains malheureusement que vos 200 millions d’euros ne soient pas nécessaires, ma chère collègue, tout simplement parce que l’on risque de manquer de dossiers à financer en 2019, en bout de chaîne. Que vous marquiez politiquement le coup pour pointer le désengagement de l’État, je peux le concevoir ; pour autant, je pense que les dossiers proposés trouveront des financements parce qu’il y en aura encore moins qu’en 2018. Voilà qui pourrait vous rassurer, s’il fallait vous rassurer.
J’en profite pour vous dire d’un mot, monsieur le ministre, que je me réjouis que le FNAP retrouve enfin un président, puisqu’on a passé plus d’une année sans président, l’ancien ayant démissionné à l’automne dernier pour protester contre la politique du Gouvernement. L’association France urbaine a enfin désigné un candidat ; moi qui avais plaidé en faveur de la création du FNAP, j’espère que ce fonds pourra se remettre au travail et proposer les meilleures solutions pour la répartition, la territorialisation, de ces crédits.
Pour en revenir à l’amendement, je demande à son auteur de bien vouloir retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Je dirai deux choses.
En premier lieu, s’il y a, dans le budget, une ligne d’aide à la pierre, ayons vraiment en tête que l’aide à la pierre pour la construction de logements sociaux ne se résume en aucun cas à cette ligne budgétaire. M. le rapporteur spécial l’a très bien dit, s’il n’y avait que cette ligne, en décroissance depuis des années, pour soutenir la construction du logement social, on aurait eu un très gros problème. Il faut prendre en compte l’ensemble des dispositifs, que ce soient les dispositifs fiscaux ou les actions de la Caisse des dépôts et consignations, sans revenir sur toutes les mesures de soutien, y compris celle que nous devons renforcer dans le cadre de l’accord de revoyure que j’évoquais.
En second lieu, je veux saluer la nomination prochaine du président du FNAP. Il s’agit – c’est un secret de Polichinelle – du président de la métropole de Rouen, M. Sanchez, avec qui j’aurai un très grand plaisir à travailler.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nos collègues du groupe socialiste et républicain ont eu raison d’alerter sur la faiblesse des aides à pierre et des crédits du FNAP. C’est vrai, le FNAP n’a pas été créé il y a très longtemps, mais l’intention politique était d’avoir, en son sein, une cogestion territorialisée des financeurs – l’État, les bailleurs sociaux –, pour que la programmation tienne bien compte des besoins des territoires et de leurs capacités à agir.
Par ailleurs, je partage l’idée du rapporteur spécial selon laquelle le jeu de la LOLF donne l’impression de devoir sacrifier l’un pour favoriser l’autre, afin de signaler que, globalement, il n’y a pas suffisamment de crédits pour assurer la construction de logements et avoir une politique ambitieuse en la matière.
Philippe Dallier sait que je ne suis pas une inconditionnelle du précédent gouvernement. (Sourires au banc des commissions.)
M. Bruno Sido. C’est nouveau, ça !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais je reconnais qu’à l’époque il y avait la TVA à 5,5 % et les fameux prêts de haut de bilan de la Caisse des dépôts et consignations, qui étaient beaucoup plus inconditionnels que ceux d’aujourd’hui. Ces prêts mériteraient d’ailleurs de faire l’objet d’une évaluation globale.
Je crains d’avoir un diagnostic aussi pessimiste que celui de Philippe Dallier. Tout cela ne fonctionne que si les fonds propres des organismes permettent à ceux-ci d’agir. C’est une espèce de jeu de cubes : quand il manque quelque chose dans le dispositif, tout s’écroule. Donc, effectivement, le prélèvement et la RLS fragilisent les capacités d’investissement des organismes.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Je maintiens cet amendement.
Je rejoins Mme Lienemann et M. Dallier : c’est tout un dispositif qui conduit à mettre en difficulté la construction des logements sociaux.
Les crédits du FNAP diminuent, les bailleurs sociaux n’ont plus les moyens d’assurer leur propre financement. Donc on va se trouver avec un résultat exactement inverse de ce que l’on cherche : promouvoir la construction de logements sociaux et très sociaux.
M. le président. L’amendement n° II-257 rectifié, présenté par Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Taillé-Polian, M. Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
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102 000 000 |
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102 000 000 |
Aide à l’accès au logement |
102 000 000 |
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102 000 000 |
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Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
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Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire dont titre 2 |
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Interventions territoriales de l’État |
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Politique de la ville dont titre 2 |
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TOTAL |
102 000 000 |
102 000 000 |
102 000 000 |
102 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. Cet amendement est relatif aux aides personnalisées au logement, les APL, qui, comme la plupart des prestations sociales, seront concernées par la sous-revalorisation actée par le Gouvernement.
Jusqu’à présent, les APL faisaient l’objet de deux revalorisations par an. Le Gouvernement a décidé de ne les augmenter, en 2019 et en 2020, que de 0,3 %, une hausse bien inférieure à l’inflation, estimée entre 2,1 % et 2,3 % pour 2018.
Cette sous-revalorisation représente, pour les bénéficiaires des APL, une perte moyenne de 4,50 euros par mois, qui s’ajouterait à la baisse de 5 euros par mois décidée pendant l’été 2017 et à la non-indexation, au 1er octobre 2018, des APL sur l’inflation, prévue par la loi de finances pour 2018.
Cet amendement vise donc à majorer de 102 millions d’euros les crédits alloués aux aides au logement, afin que celles-ci suivent le niveau réel de l’inflation. J’ajoute que ce gel des prestations sur deux années est équivalent, quand on prend en compte l’ensemble des prestations, à 3,7 milliards d’euros de moins pour les ménages.
Le Gouvernement affirme que sa politique redonne du pouvoir d’achat aux ménages et protège mieux les familles modestes, mais, au regard de cette volonté affichée, il nous paraît nécessaire que les crédits du programme 109 soient majorés en conséquence par le Gouvernement, sans faire supporter cet effort au programme 177 de la mission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. L’année 2018 devait être l’année du pouvoir d’achat ; en tout cas, lorsque le ministre du budget nous présentait les grandes lignes de son budget pour 2019, en début d’année, il nous disait que c’était le « budget du pouvoir d’achat ». Néanmoins, si vous roulez au diesel, que vous fumez des clopes et que vous percevez l’APL,…
M. Xavier Iacovelli. C’est raté !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. … 2019 ne sera manifestement pas l’année du pouvoir d’achat ! (Sourires.) Voilà, c’est un choix politique très clair du Gouvernement. On peut le contester, mais, en tout état de cause, je ne peux pas vous laisser prendre 102 millions d’euros à l’hébergement d’urgence pour le transférer aux APL, ma chère collègue.
J’en profite pour dire un mot, monsieur le ministre, sur la contemporanéité des revenus pris en compte. Vous présentiez cela comme une mesure de justice.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Franchement, il faut pousser le bouchon un peu loin pour affirmer cela. Je rappelle, d’abord, que si les ressources des allocataires diminuaient, des mécanismes permettaient de les prendre en compte plus rapidement. (M. Arnaud Bazin applaudit.)
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Avec le dispositif tel qu’il existait, lorsqu’un étudiant bénéficiaire de l’APL trouvait un travail, avec la prise en compte des revenus de l’année n-2, il était effectivement accompagné, et, quelque part, cela constituait une aide. Supprimer celle-ci sous couvert d’une « mesure de justice », honnêtement, j’ai un peu de mal à comprendre.
Du reste, monsieur le ministre, si, au bout du compte, cela vous rapporte 1,2 milliard d’euros, c’est bien qu’il y aura des gens qui perdront ; aucun miracle là-dedans, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.
En outre, vous n’avez pas répondu à notre question : comment pouvez-vous attendre 900 millions d’euros en 2019 avec une entrée en vigueur de la mesure, au mieux, à mi-année, au début du mois de juillet ? On a un peu de mal à comprendre ; si cela rapporte bien 1,2 milliard d’euros en année pleine, cela ne peut pas rapporter 900 millions d’euros avec une prise d’effet au 1er juillet.
J’en reviens à l’amendement ; j’en demande le retrait, parce qu’on ne peut pas prendre 102 millions d’euros sur l’hébergement d’urgence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Nous pourrions refaire tout le débat sur le budget dans sa globalité et sur son impact sur le pouvoir d’achat. Dans ce cas, dans un souci de clarté et d’exhaustivité, nous devrions au moins rappeler l’ensemble des mesures qui y sont proposées : taxe d’habitation, prime d’activité, revalorisation du minimum vieillesse, revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés. Voilà assurément des choix politiques, et vous l’avez dit, monsieur le rapporteur spécial.
À propos de la contemporanéisation des revenus pris en compte, je ne suis pas du tout d’accord avec vous ; cette contemporanéité est effectivement une mesure de justice. Prenons un cas de figure, en dépit de tous les abattements que vous avez évoqués, celui d’une femme qui travaillait, voilà deux ans, à temps plein, qui a deux enfants, et qui est aujourd’hui à mi-temps ; typiquement, aujourd’hui, elle n’a plus droit au même montant d’APL qu’avant.
M. Julien Denormandie, ministre. Deuxième exemple, un étudiant qui devient trader dans une banque est au même niveau d’APL que pendant ses études.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Oui, bien sûr… Vous donnez des exemples qui vous arrangent !
Mme Sophie Primas. Cela fonctionne aussi dans le sens inverse !
M. Julien Denormandie, ministre. Je préfère vraiment que la personne qui, inversement, s’est mariée tôt, a eu des enfants et se retrouve à la sortie de ses études à un niveau immensément plus faible de rémunération alors même qu’elle a commencé à créer une vie familiale, puisse voir son niveau d’APL augmenter ; c’est bien normal. Personne ne peut concevoir que l’on détermine un niveau d’allocation en fonction d’une situation datant de deux ans.
Je vous l’ai indiqué, la réforme du calcul des APL nécessite des modifications profondes des systèmes de gestion et d’information. C’est d’ailleurs cette modernisation que nous retrouvons dans de nombreux champs fiscaux en ce moment.
La question fondamentale est : le montant est-il conforme à la date à laquelle le système entrera en vigueur ? Nous avons là, en réalité, une marge de manœuvre : dans les évaluations faites, tout ce qui était relatif aux indus n’avait pas forcément été estimé à la hauteur de ce que cette mesure pourrait nous faire économiser. Cette marge nous permet donc d’affirmer que la cible évoquée au début est la bonne.
L’objectif, en tout état de cause, est de pouvoir mettre cette réforme en œuvre le plus rapidement possible.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je comprends l’attitude du rapporteur spécial, mais on est toujours dans le même jeu : on ne peut rien faire puisqu’il faut prendre quelque part pour mettre ailleurs. Il s’agit donc d’un choix politique ; on considère que l’État doit déterminer les priorités.
J’en viens à votre argumentation, monsieur le ministre, visant à soutenir que c’est de la justice sociale que de retenir l’année n plutôt que l’année n-2. Passons sur le fait qu’il existe déjà une possibilité de demander un rattrapage à la CAF quand on est en difficulté. Toutefois, s’il s’agissait de justice sociale, alors il faudrait utiliser le bénéfice que vous faites d’un côté pour le redistribuer de l’autre ! Là, ce n’est pas de la justice sociale, ou alors c’est de la justice sociale à grands coups de rabot !
Si vous aviez prévu de suivre le cours des loyers et de l’inflation, nous vous dirions que vous recalez l’effort en le positionnant de sorte que les choses soient plus simples, plus immédiates, plus fluides et plus justes ; soit, mais ce n’est pas ce que vous faites. Vous faites de l’économie budgétaire et, pendant le même temps – bonjour la justice sociale, parce que les bénéficiaires de l’APL ne sont tout de même pas les plus riches du pays ! –, vous gelez l’évolution des APL par rapport aux prix du loyer et à l’inflation. Manifestement, votre politique matraque les plus faibles.
Quant au nombre d’étudiants qui deviennent traders, il doit être « epsilonesque » ! (M. Xavier Iacovelli applaudit. – M. Bruno Sido s’esclaffe.) Quand bien même y en a-t-il un qui devient riche, puisque vous aimez tellement les « premiers de cordée », eh bien,…
M. Bruno Sido. Il paiera des impôts !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … il n’oubliera peut-être pas qu’il a bénéficié dans sa jeunesse de l’APL ; plutôt que de demander la suppression de l’ISF, il se dira que, l’État-providence, c’était quand même bien !
Ce n’est donc pas vrai de prétendre que la réforme des APL est une mesure de justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Monsieur le ministre, si nous sommes conduits à ponctionner les crédits de l’hébergement d’urgence, c’est parce que, sans cela, nous ne pouvons pas présenter d’amendements.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Eh oui !
Mme Annie Guillemot. Marie-Noëlle Lienemann le disait, le système est bien compliqué, sans compter que nombre de nos amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.
Monsieur le ministre, vous affirmez qu’il faut changer le mode de calcul de l’APL, mais ce que vous proposez avec la compensation d’Action logement est un jeu de bonneteau. Vous allez affecter presque 300 millions d’euros pour compenser la perte d’Action logement liée à la baisse du « 1 % logement » par une taxe de 9 % payée par ceux qui empruntent, par de jeunes couples.
Vous reportez la solidarité à l’égard d’Action Logement sur de jeunes couples qui vont emprunter. Une taxe de 9 %, monsieur le ministre ! Martial Bourquin n’est pas là, mais il dirait que plus personne n’essaiera de revoir son taux d’emprunt ; c’est un problème.
Vous indiquez aussi que les personnes concernées vont voir leur situation évoluer. Pour ma part, je peux vous suivre sur la réforme des APL parce que cela rétablit sans doute un peu plus d’équité, mais cela touche 20 % de l’ensemble des ménages. Néanmoins, je vous ai déjà interpellé sur le problème que rencontreront les CAF pour gérer cela. Je ne suis pas sûre que cela puisse se faire au mois de janvier.
Mme Dominique Estrosi Sassone. En juillet !
Mme Annie Guillemot. Je ne sais pas comment cela va se passer ; des gens risquent de voir leur APL supprimée.
Je veux vous donner un exemple, relatif à la retenue à la source. Dans ma circonscription, j’ai reçu une dame qui va partir à la retraite le 1er janvier prochain. Elle a appelé les services fiscaux parce qu’elle voudrait que son taux d’imposition change à cette date. On lui a dit de rappeler après le 15 janvier, parce que cela ne pouvait pas être pris en compte maintenant.
Elle a en outre demandé aux impôts quand ce changement serait appliqué, car elle gagne aujourd’hui 4 800 euros et elle va se retrouver avec une retraite de 2 700 ou 2 800 euros, donc on lui prélèvera son impôt à son taux actuel et non au taux qui devrait lui être appliqué. On lui a répondu que cela ne serait pas effectif avant le 1er mai, voire le 1er juin. Ainsi, pendant six mois, on va lui appliquer un taux d’imposition qui ne correspond pas à sa retraite au 1er janvier.
J’ai bien peur que ce soit la même chose pour les APL avec les CAF, monsieur le ministre.
M. Bruno Sido. Elle sera remboursée !
Mme Annie Guillemot. Oui, mais plus tard.
M. le président. L’amendement n° II-272 rectifié, présenté par MM. Mézard, Requier, Artano, A. Bertrand et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Roux et Vall, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
|
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
|
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|
|
Aide à l’accès au logement |
|
|
|
|
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
65 000 000 |
65 000 000 |
||
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire dont titre 2 |
80 000 000 |
80 000 000 |
||
Interventions territoriales de l’État |
15 000 000 |
15 000 000 |
||
Politique de la ville dont titre 2 |
|
|
|
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TOTAL |
80 000 000 |
80 000 000 |
80 000 000 |
80 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Claude Requier.