PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la réforme de la politique agricole commune (PAC)
Discussion générale (suite)

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Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

J’invite chacun à respecter son temps de parole et la courtoisie, qui font partie des valeurs essentielles du Sénat.

lutte contre le chômage

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. François Patriat. Il y a quelques semaines, nous pouvions lire dans un éditorial du Monde : « La France, pays du chômage, devient le pays de l’embauche. » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Je sais que cela peut en gêner quelques-uns, ceux qui s’intéressent peu à l’emploi, mais, nous le constatons, les chiffres donnent raison à cette affirmation, puisque 2,7 millions de projets d’embauches sont prévus pour 2019, soit le plus haut niveau depuis 2010, c’est-à-dire 15 % de plus qu’en 2018.

Monsieur le Premier ministre, vous menez, avec le Gouvernement et la majorité, une politique active en faveur de l’emploi. L’OCDE souligne les effets positifs des lois et des mesures qui ont été prises, et elle nous encourage à poursuivre dans cette voie, tout en prenant soin de tous les problèmes sociaux qui se posent à côté et que nous n’ignorons pas. Néanmoins, une trop grande partie de notre jeunesse, de nos seniors et de certains de nos territoires restent exclus du monde du travail. Doit-on donc penser qu’il s’agit d’une fatalité, malgré les efforts entrepris pour redonner au travail la place qu’il mérite ?

Hier, à Matignon, monsieur le Premier ministre, devant les partenaires sociaux et les élus locaux, vous avez rappelé votre objectif : une mobilisation totale pour l’emploi et des solutions concrètes apportées à des problèmes concrets. Il y va de la responsabilité de chacun d’entre nous.

M. Jean-Marc Todeschini. Il serait temps !

M. François Patriat. Sans doute, mon cher collègue, mais il y a encore, aujourd’hui, des apprentis qui, malgré les lois, ne trouvent pas les solutions dont ils ont besoin.

Nous devons agir dans la concertation, pour lever les freins quotidiens à l’embauche, au déplacement, à la formation et multiplier les emplois liés à la transition écologique.

À ce titre, la journée d’hier a posé les bases d’une démarche. Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, en précisant le cadre, la méthode, le calendrier et les responsables, comment seront mises en place ces actions nécessaires et attendues de tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je vous remercie de votre question, monsieur le président Patriat. Elle va me permettre d’indiquer le sens et le fonctionnement de la démarche engagée hier à Matignon, à l’occasion du lancement de la mobilisation nationale et territoriale pour l’emploi et les transitions.

L’objectif de cette mobilisation était, au fond, simple : il s’agissait de constater qu’un certain nombre de problèmes concrets se posent, qu’aucun d’eux ne pourrait être résolu par l’action d’un seul – une seule collectivité, l’État seul, un syndicat ou les seules entreprises – et que, pour lever les freins au retour à l’emploi, pour favoriser encore plus le recours à l’apprentissage, pour mettre en œuvre les instruments de la transition écologique au quotidien, il fallait, indépendamment de la définition de nouveaux instruments ou de la sollicitation de nouveaux budgets, mobiliser les acteurs, afin de trouver des solutions concrètes.

Nous avions identifié cinq thèmes, cinq sujets, sur lesquels nous pouvons nous réjouir d’un certain nombre de nouvelles. Le premier, c’est l’apprentissage.

Vous avez raison, monsieur le président Patriat, l’apprentissage repart ; c’est une bonne nouvelle, parce que c’est évidemment la voie royale du retour à l’emploi. Avec une augmentation de 8 % par rapport à l’année dernière et de 12 % depuis le début de l’année, le recours à l’apprentissage se développe dans notre pays, et c’est tant mieux.

Toutefois, nous le savons, alors même qu’il se développe, un certain nombre de questions pratiques continuent de constituer des freins au développement de l’apprentissage. Comment faire en sorte que toute personne voulant obtenir un contrat d’apprentissage trouve une entreprise pour l’accueillir ? Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Dès lors, comment mobiliser les entreprises pour y arriver ? Comment, par ailleurs, faire en sorte de répondre au mieux aux questions très précises, et évidemment très importantes, du logement ou de la mobilité pour les apprentis ?

M. Gérard Longuet. Dix ans de perdu…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. On ne peut répondre à ces questions qu’en rassemblant autour de la table l’ensemble des partenaires intéressés par leur résolution. Je pense ainsi aux collectivités territoriales, aux associations environnementales et sociales, aux organisations syndicales et patronales ; en outre, pour la réunion que j’ai organisée hier à Matignon, j’avais demandé à un représentant du Sénat – ce fut le sénateur Dallier – et à un représentant de l’Assemblée nationale d’être présents, afin que l’ensemble des institutions et des partenaires puisse travailler concrètement à la définition de ces solutions.

Nous avions identifié, je l’ai dit, cinq sujets ; il est apparu opportun, lors de la discussion, d’en ajouter un sixième, celui de la rénovation thermique des bâtiments. En effet, les organisations syndicales et les associations environnementales nous ont dit que, malgré l’existence de budgets, d’instruments et de compétences dédiés, c’était encore trop compliqué, qu’il y avait encore trop de freins pour déclencher les décisions de rénovation thermique des bâtiments. Il nous faut donc trouver des solutions concrètes.

Nous sommes convenus d’une méthode : les préfets de région et les présidents de conseil régional organiseront, conjointement, des mobilisations territoriales avec l’ensemble des partenaires. Ils décideront de la granularité, de l’échelon auquel ils doivent rassembler les partenaires – tantôt à l’échelon départemental, tantôt à l’échelon des aires métropolitaines. C’est à eux qu’il reviendra de porter cette appréciation. Notre objectif est simple, mesdames, messieurs les sénateurs : faire en sorte que les questions concrètes trouvent des réponses concrètes.

En juin, une fois le travail fait en région, il sera possible de déterminer la part des réponses qui relève de la logique nationale et celle des réponses qui relève d’accords ou d’engagements territoriaux. En septembre, nous aurons construit cet agenda de solutions, qui nous permettra, je l’espère, d’obtenir des solutions pratiques et concrètes en matière de retour au plein-emploi, de développement de l’apprentissage, d’écologie du quotidien, de diminution de l’usage et de la consommation de plastique, de recyclage. C’est ce que souhaitent nos concitoyens – avoir des solutions pratiques et concrètes –, et c’est ce que cette mobilisation permettra d’obtenir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

fermeture des trésoreries

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Josiane Costes. Monsieur le ministre de l’action et des comptes publics, les directeurs départementaux des finances publiques ont reçu, en décembre 2018, une note interne intitulée « Bâtir un nouveau réseau ». Cette note prévoit le démantèlement du réseau de proximité des finances publiques, avec, notamment, la suppression des trésoreries et le regroupement des services des impôts des particuliers et des services des impôts des entreprises d’ici à 2022.

Ainsi, dans le département dont je suis élue, le Cantal, l’application de ce projet pourrait avoir des conséquences très importantes, avec la fermeture de treize trésoreries, de deux services des impôts des particuliers et de deux services des impôts des entreprises. Ces suppressions aggraveraient évidemment la fracture territoriale qui pénalise déjà très lourdement de nombreux territoires ruraux, dont la population, en moyenne plus âgée qu’ailleurs, rencontre de réelles difficultés dans l’utilisation de l’outil numérique. Ne l’oubliez pas, la couverture numérique du territoire n’est pas encore achevée, ce qui contribue à pérenniser les inégalités territoriales ! La présence physique de personnel compétent y est donc indispensable, au nom de la conception du service public à laquelle nous sommes attachés.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner plus d’informations sur la suppression envisagée des services de proximité des finances publiques et nous indiquer comment vous comptez les remplacer pour assurer l’égalité entre les citoyens et les territoires ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Permettez-moi de vous rassurer, madame la sénatrice, il n’y a pas de plan de fermeture de trésoreries, et, vous l’aurez constaté, il n’y a eu aucune fermeture de trésorerie dans votre département – celui de l’ancien ministre Mézard, votre prédécesseur –, en 2019. En outre, sur les deux cent quarante-sept communes que compte votre département, il y a quatorze lieux d’implantation de la Direction générale des finances publiques, ainsi que des permanences, demandées d’ailleurs par les élus, dans trois communes.

C’est vrai, il y a eu, depuis neuf ans, 1 200 fermetures de trésorerie ; il y a encore 2 500 trésoreries sur le territoire national.

Le travail des agents de la Direction générale des finances publiques change. On supprime la taxe d’habitation, qui est l’objet de 50 % des visites de particuliers dans les trésoreries. Il y a le prélèvement de l’impôt à la source ; chacun aura vu que la Direction générale des finances publiques sait y faire face avec succès. Il y aura sans doute, demain, la suppression de la déclaration de l’impôt sur le revenu pour les gens qui n’ont pas de changement de vie fiscale. Enfin, le paiement en numéraire – les espèces – ou par chèque sera traité autrement, notamment via des réseaux comme ceux de la poste ou des buralistes – un appel d’offres est organisé en ce moment par la Direction générale des finances publiques, pour qu’il y ait plus de proximité.

Ce que nous souhaitons, c’est qu’il y ait, dans le Cantal, 30 % à 40 % d’agents du service public en plus sur le territoire des communes et que l’on passe de quatorze lieux d’implantation à une vingtaine, voire à plus si nous le pouvons. Je me suis déjà rendu dans le Limousin – en Corrèze, dans la Creuse et la Haute-Vienne –, vos collègues sénateurs de tous bords politiques étaient là, et, chaque fois, j’ai rencontré tous les élus locaux. Je leur ai expliqué cette nouvelle carte, afin, effectivement, d’éviter les fermetures de trésorerie que vous connaissez malheureusement depuis très longtemps. Nous devons changer notre modèle.

Depuis lors, le Président de la République a fait des annonces et, sous l’autorité du Premier ministre, la Direction générale des finances publiques s’inscrit bien sûr dans le cadre de la déconcentration de proximité ; je pense notamment, mais pas seulement, aux maisons France service. Les 2 500 trésoreries et les 110 000 agents des finances publiques seront au plus près des territoires ; moins de personnes à Paris, plus de personnes dans le Cantal, voilà, pour résumer, la politique du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour la réplique.

Mme Josiane Costes. Je vous remercie, monsieur le ministre. Vous l’aurez compris, nos territoires ruraux, où la population est très âgée, ont besoin de présence physique et de proximité. Votre réponse nous rassure. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)

manifestations du 1er mai (i)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi. Le droit constitutionnel de manifester dans le respect est essentiel dans une démocratie.

M. Jean Bizet. Sans casser !

Mme Éliane Assassi. Pourtant, il a été bafoué à Paris, le 1er mai.

Les victimes des interventions violentes et répétées dues, pour l’essentiel, aux forces de l’ordre (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) furent les dizaines de milliers de manifestants réunis ce jour, et non les Black Blocs, dont nous condamnons tous les actes. Cette violence fut déclenchée dès le départ de la manifestation, et – fait inédit – les cortèges syndicaux furent la cible de tirs de grenades et se retrouvèrent noyés dans un nuage de gaz lacrymogène. J’y étais, monsieur le Premier ministre, et j’ai été le témoin de cette agression irresponsable contre des manifestants.

À la télévision et sur Twitter, M. Castaner a d’abord évoqué une « attaque » contre l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et a même affirmé que nos « forces de l’ordre [étaient] intervenues pour sauver le service de réanimation ». Or les faits et rien que les faits démontrent le contraire.

Monsieur le Premier ministre, vous n’avez pas employé les mêmes termes, mais vous avez indiqué, le lendemain, que le « fait d’entrer dans un hôpital alors qu’on est en train de manifester est idiot et, au fond, scandaleux. »

Je ne qualifierai pas ici l’intelligence des propos de M. Castaner, mais pouvez-vous enfin reconnaître aujourd’hui qu’émettre, lorsqu’on est ministre, des mensonges ou des contrevérités, même si l’on modifie ultérieurement son propos, pour salir le mouvement social relève du scandaleux et de l’inacceptable ? Où est la République de la responsabilité, souvent convoquée par le Président de la République ?

Je le dis avec force, tout cela n’est pas qu’une question de sémantique. La crédibilité du ministre de l’intérieur, qui a manipulé l’opinion, est aujourd’hui entachée, et il devrait, pour le moins, être entendu par les commissions des lois du Parlement.

Trop de blessés, y compris parmi les policiers, trop de violence devraient vous inviter à revoir votre doctrine de maintien de l’ordre, monsieur le Premier ministre.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Éliane Assassi. Allez-vous enfin répondre à cette exigence ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente Assassi, vous m’interrogez sur la journée du 1er mai dernier, sur les événements qui se sont déroulés ce jour-là et sur la polémique qui s’en est suivie.

Vous commencez votre question en indiquant votre attachement au droit de manifester. Sur ce point, nous sommes d’accord ; la liberté de manifester est une liberté républicaine, c’est une liberté publique, à laquelle nous sommes attachés ; c’est une traduction de la liberté de pensée et de la liberté d’expression.

Cette liberté est organisée, dans le droit français, comme toutes les libertés publiques, et, comme toutes les libertés publiques, elle s’exprime dans le respect du droit.

M. Roger Karoutchi. Bien sûr !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. J’observe que, depuis le début de ce qu’il est convenu d’appeler le mouvement des « gilets jaunes », des gens qui se réclament de la liberté de manifester prennent un soin infini à ne pas respecter les règles posées par les parlementaires et par la jurisprudence sur le droit de manifester. Je ne dis pas que c’est condamnable en soi, mais je dis qu’il faut remettre dans cette perspective la totalité de ce qui se passe depuis.

Que s’est-il passé le 1er mai, madame la présidente Assassi ?

Nous le savons, depuis quelques années, le 1er mai n’est plus seulement un jour très symbolique au cours duquel on manifeste – les organisations syndicales et bien au-delà – en mémoire de la lutte qui a permis de passer à la journée de huit heures.

M. Martial Bourquin. C’est mieux que ce que disait le Président de la République…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. En effet, vous le savez parfaitement, madame la présidente Assassi, depuis quelques années, viennent se greffer à ces manifestations des femmes et surtout des hommes dont l’objet est non pas du tout de conjuguer leurs efforts pour cette commémoration et pour cette manifestation, mais bien de casser, de provoquer, de profiter de la manifestation pour faire bien autre chose.

Mme Éliane Assassi. Nous en sommes les victimes !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Cela s’est traduit, le 1er mai 2017, par des images d’une très grande violence ; j’ai notamment en tête le souvenir de ce CRS en flammes – en flammes ! J’ai aussi en tête le souvenir des très grandes violences qui ont eu lieu le 1er mai 2018, au tout début du cortège syndical. Je me souviens également de ce que m’ont dit les responsables d’organisation syndicale, qui demandent eux-mêmes que l’on circonvienne ces casseurs, sans quoi c’est la liberté de manifester qui en pâtit.

M. Pierre Laurent. Nous sommes d’accord !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C’est ce que nous avons fait,…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … en donnant des consignes et en organisant les choses de telle façon que les Black Blocs, comme vous les appelez à juste titre, ne puissent pas venir se mélanger, ne puissent pas priver de leur droit ceux qui veulent manifester dans le respect des règles.

C’est évidemment un exercice difficile ; tous ceux qui se sont occupés d’ordre public savent que c’est un exercice difficile. Néanmoins, je veux le dire, et nous avons un point de désaccord à ce sujet, madame la présidente Assassi, je considère que, de ce point de vue, la journée du 1er mai dernier a été remarquablement tenue. En effet, le ministre de l’intérieur, le préfet de police, l’ensemble de la chaîne de ceux qui sont intervenus en matière d’ordre public ont permis d’éviter les débordements qui étaient pourtant annoncés, prévus et qui allaient faire de Paris, le 1er mai, la capitale de l’émeute. Eh bien, tel n’a pas été le cas ! Je m’en réjouis, et, au fond, je pense que nous nous en réjouissons tous.

Mme Éliane Assassi. On a volé le 1er mai aux travailleurs !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. En second lieu, vous évoquez dans votre question le cas de cette intrusion violente dans l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Mme Laurence Cohen. Elle n’était pas violente !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C’était, à l’évidence, une intrusion et, à l’évidence, un certain nombre de gens qui étaient présents sur les lieux ont d’abord dit que cette intrusion violente leur avait donné le sentiment que le fonctionnement normal du service de réanimation – lequel est évidemment sensible, je pense que vous en conviendrez – serait mis en cause ; cela aurait pu avoir des conséquences catastrophiques.

Compte tenu de ces informations, le ministre de l’intérieur a fait une déclaration. Très rapidement, le lendemain, il a indiqué que, compte tenu ce qu’il savait, il avait utilisé une expression qui n’était pas adaptée. Je vais dire une chose très simple, madame la présidente Assassi : avoir, quand on est un responsable public, un mot qui n’est pas adapté, cela arrive, c’est courant. Cela m’est arrivé, et peut-être, un jour, cela vous arrivera-t-il.

Mme Éliane Assassi. Ça m’est arrivé…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Le corriger, en assumant d’avoir utilisé un terme qui n’était pas adapté et en revenant à un terme qui l’est parfaitement, fait honneur à celui qui le fait, c’est une bonne chose et cela me semble à la hauteur de ce que doit faire un responsable politique. Je veux donc, à cette occasion, redire toute ma confiance en M. le ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

manifestations du 1er mai (ii)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe socialiste et républicain.

M. David Assouline. Monsieur le Premier ministre, nous avons entendu vos explications et nous partageons la condamnation de ceux qui utilisent les manifestations pour casser et dévoyer les revendications légitimes de ceux qui s’expriment par ce biais. Toutefois, rien ne peut justifier qu’un ministre de l’intérieur, qui est là pour apaiser et permettre la concorde, jette de l’huile sur le feu en proférant un mensonge massif. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Philippe Dallier. Tout en finesse…

M. David Assouline. Rien ne peut justifier qu’on utilise des techniques de nasse, dont des manifestants légitimes, travailleurs, femmes, enfants, ne peuvent s’échapper. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Fabien Gay. Il a raison !

M. Philippe Pemezec. C’est de la démagogie !

M. David Assouline. Monsieur le Premier ministre, je vous pose cette question : derrière la déclaration du député Jean-Michel Fauvergue, de votre majorité – « il faut oublier l’affaire Malik Oussekine » (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) –, faut-il percevoir une doctrine qui ne s’embarrassera plus des libertés publiques et de l’État de droit pour faire face à la difficulté de garantir la liberté de manifester malgré la présence de casseurs ?

Je le dis solennellement ici : ma génération n’oubliera jamais Malik Oussekine (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.) et la façon dont il a été tué, à quelques dizaines de mètres d’ici, en se réfugiant dans une cage d’escalier.

Cette nouvelle doctrine est-elle une annonce, signifiant que, maintenant, face à la difficulté du maintien de l’ordre, on ne s’embarrassera plus des libertés publiques et de l’État de droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur David Assouline, je crois qu’il est important d’avoir en tête les circonstances, que le Premier ministre a rappelées, dans lesquelles nous étions en cette veille du 1er mai : les tensions, les informations dont nous avions connaissance, selon lesquelles mille à deux mille personnes viendraient pour casser, la mémoire de certains samedis, du 1er mai 2017, que le Premier ministre a rappelée, et du vandalisme à l’encontre d’un McDonald’s et d’un garage Renault, incendiés le 1er mai précédent. Or, nous le savions tous, certains venaient de nouveau à Paris pour reproduire ces exactions.

La veille de la manifestation, j’ai échangé avec le responsable de la CGT et celui de FO, et j’ai pris un engagement : faire en sorte que la manifestation puisse partir à l’heure prévue et arriver à son point de destination. C’est un exercice difficile, parce que, vous le savez, près de 18 000 personnes s’étaient mobilisées en avant du cortège officiel déclaré, et celui-ci ne pouvait pas partir.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ce n’est pas la question !

M. Christophe Castaner, ministre. À quatorze heures, nous avons ouvert le chemin, et les 18 000 premières personnes n’ont pas bougé ; alors, nous avons mis en place une force intermédiaire entre la tête du cortège et le cortège de la CGT et des autres partenaires sociaux, pour les faire avancer.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ce n’est pas la question !

M. Christophe Castaner, ministre. Nous avons ensuite connu, pendant le parcours, de nombreuses exactions, notamment à proximité de l’hôpital de la Salpêtrière. J’ai entendu le maire du XIIIe arrondissement, M. Jérôme Coumet, évoquer, en utilisant d’ailleurs le mot qui m’est reproché, ce qui s’est passé dans une école, les violences à l’entrée de l’hôpital et le CRS blessé, qui, au moment où il était emmené par ses collègues vers l’hôpital, a pu entendre crier : « Achevez-le ! »

Monsieur le sénateur, vous me faites un reproche, celui d’avoir choisi un mot, « attaque », à partir des témoignages qui venaient de m’être livrés par le personnel hospitalier. Au vu des éléments apparus le lendemain, j’ai corrigé ce mot, et je l’ai fait sans aucun état d’âme, parce que, tout simplement, compte tenu de ces éléments, il n’était plus adapté. C’est cela, monsieur le sénateur, la réalité ! N’y voyez pas une quelconque menace pour l’ordre public,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Christophe Castaner, ministre. … auquel nous sommes tous, ici, particulièrement attachés, quelle que soit notre histoire, y compris notre histoire commune, et quelle que soit la réalité de notre engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Laure Darcos et M. François Grosdidier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.

M. David Assouline. La réalité des propos qui viennent d’être tenus sera jugée à l’aune des suites qui seront données à l’ensemble des saisines de l’IGPN, qui tardent à venir.

M. François Grosdidier. Et les agresseurs de policiers ?

M. le président. Il faut conclure !

M. David Assouline. On attend les verdicts ; il y a des centaines de cas, et il n’y a pour l’instant aucun aboutissement. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

actions en faveur de la biodiversité

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Jérôme Bignon. Monsieur le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, nous sommes entrés dans la sixième extinction de la biodiversité, qui est majeure, ce n’est plus discutable. Alors que l’homme en est le principal responsable, sommes-nous à la hauteur pour arrêter ce désastre et en protéger les générations qui viennent ?

La biodiversité n’est pas un catalogue d’espèces ni une obsession d’écolo à la mode ; ce n’est pas un sujet d’actualité ni un argument de campagne ; c’est un « miracle » qui a nécessité quelques milliards et plusieurs centaines de millions d’années d’évolution. Or le monde est pourtant en train de l’anéantir, à une vitesse qui s’accélère.

Cette année, nous fêterons le dixième anniversaire du Grenelle de la mer. Nous avions déjà dénoncé, à l’époque, les millions de bouteilles en plastique qui dévalaient nos vallées pour atteindre l’océan ; dix ans après, l’océan compte un septième continent…

Les dossiers des Dreal et des DDT sont remplis de demandes d’artificialisation des sols, qui sont la plupart du temps approuvées, toujours pour de bonnes raisons… Ainsi, tous les cinq ans, la surface agricole utile équivalente à un département disparaît ! Quand arrêterons-nous définitivement de morceler nos campagnes, de polluer nos rivières, de détruire les myriades d’étangs et autres zones humides qui sont la richesse de notre pays ?

Depuis des années, s’accumulent sur les étagères des ministères des rapports sur l’extinction de la biodiversité et sur les solutions pour y mettre fin. Pour nous rassurer, depuis des années, tous les gouvernements successifs s’étourdissent de mots, de réunions, de colloques, de plans d’action.

Monsieur le ministre d’État, le Parlement a les mains liées ; la Constitution confie au Gouvernement la charge de l’urgence et de l’ordre du jour prioritaire. C’est aussi le Gouvernement qui a les clefs de Bercy. Pouvez-vous donc nous annoncer le calendrier de la mise en œuvre des dispositions destinées à arrêter la perte irréversible de ces millions d’insectes, d’oiseaux, de mammifères qui peuplent notre planète ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain. – M. François Grosdidier applaudit également.)