Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !

M. Mathieu Darnaud. Nous avons voulu faire en sorte que ce projet de loi ne soit pas simplement un texte de plus, qu’il soit utile. Nous avons cherché à en faire une boîte à outils, grâce à une série de mesures qui permettront aux élus de répondre aux attentes de la population de la façon la plus pragmatique, d’exercer les compétences à l’échelon adéquat, au plus près de nos concitoyens quand cela est judicieux, dans l’esprit de la subsidiarité, sur la base bien entendu d’une volonté partagée entre l’intercommunalité et la commune.

Cher Claude Malhuret, j’ignore si ce texte permettra de faire pardonner l’ensemble des gouvernements qui, les uns après les autres, ont peu à peu éloigné la prise de décision du citoyen. Ce qui est sûr, c’est que, à travers nos travaux, nous avons voulu délivrer un message clair : à nos yeux, la commune est la seule collectivité qui vaille dans le bloc communal, parce qu’elle représente tout pour nos concitoyens, l’intercommunalité n’en étant que le complément particulièrement utile, le lieu où se construit la mutualisation et où se développent les projets, dans le respect de l’esprit communal.

Enfin, je tiens à vous remercier, mes chers collègues, car, tout au long des débats, nous avons su nous élever au-delà de nos diverses sensibilités pour parler de la démocratie locale comme d’un trésor, affirmer l’absolue nécessité du lien entre les élus et nos concitoyens pour répondre, en partie, à la crise que traverse notre pays. Pour cela, il faut être exemplaires ; nous avons su parler de l’avenir de nos territoires de la façon la plus pragmatique possible, en démontrant notre attachement à la vitalité de notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, RDSE, Les Indépendants et LaREM.)

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Jérôme Durain. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les membres du groupe socialiste et républicain se félicitent que le Gouvernement se soit saisi des enjeux liés à la démocratie locale.

À gauche comme à droite, nous avions été étonnés par la tonalité du discours que M. Macron tenait au début de son mandat : il disait regretter le nombre trop important d’élus locaux. Depuis, la start-up nation a découvert le principe de réalité, la démocratie locale et l’importance des maires, des conseillers municipaux, communautaires, départementaux ou régionaux : à la bonne heure !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Enfin !

M. Jérôme Durain. Votre texte, monsieur Lecornu, était très ambitieux à en croire les déclarations d’intention. Au reste, je remercie nos rapporteurs du travail qu’ils ont effectué.

Oui, nous devons reconnaître quelque vertu à ce projet de loi. Il s’agit d’un texte d’amélioration des conditions d’exercice du mandat local, d’un texte correctif, à défaut d’être structurant. Il ne créera pas des vocations d’élu par milliers, mais il mettra fin à de nombreux tracas du quotidien pour les élus de la République.

Les sénatrices et sénateurs socialistes ont contribué à son amélioration, sous l’égide du président de notre groupe, Patrick Kanner, et de nos collègues chefs de file, Éric Kerrouche et Didier Marie.

Je pense au caractère obligatoire de l’institution de la conférence des maires, qui contribuera au dialogue local. Je pense aussi à l’introduction de la parité dans les fonctions exécutives pour les communes de plus de 1 000 habitants et aux progrès introduits en matière de représentation des femmes dans l’exécutif du conseil communautaire.

Nous sommes très fiers d’avoir généralisé la tarification sociale de l’eau. Pour 2 millions de Français, le montant de la facture d’eau représente plus de 3 % des revenus. Toute mesure qui permet de réduire cette proportion est utile. Nous attendons du Gouvernement qu’il pérennise le financement.

Concernant les pouvoirs de police du maire, nous sommes entrés dans le débat sans préjugés. Nous doutons qu’il faille donner toujours plus de responsabilités aux maires sans que les moyens soient au rendez-vous. Prenons garde à ne pas créer de confusion ni de frustration en matière de compétences. Cela dit, nous avons noté, comme vous tous, qu’une attente forte existe chez les élus communaux. À cet égard, le compte rendu de l’action de la police et de la gendarmerie une fois par an devant le conseil municipal sera utile. Nous avons rassuré les acteurs associatifs en excluant les personnes sans domicile fixe du champ des amendes pour occupation illégale de la voie ou du domaine public.

Si le texte a provoqué de nombreuses discussions sur les petites communes et les territoires ruraux, je tiens à signaler l’introduction d’une mesure qui pourra profiter à beaucoup de grandes villes. Elle résulte de l’adoption d’un amendement défendu notamment par ma collègue Marie-Pierre de la Gontrie, en lien avec l’adjoint communiste au logement de la ville de Paris, et soutenu par M. Karoutchi (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.) : c’est là un amendement typiquement sénatorial ! Pour le bien commun, il s’agit de donner la possibilité aux communes de fixer entre 60 et 120 le plafond en matière de nuitées proposées à la location pour les meublés de tourisme de type Airbnb.

S’agissant des territoires plus ruraux, nous avons donné aux élus locaux un pouvoir d’initiative en matière de révision du schéma départemental de coopération intercommunale par le biais de la commission départementale de la coopération intercommunale, la CDCI.

En ce qui concerne les droits des élus et la démocratie locale, nous avons obtenu que tous les adjoints puissent bénéficier des dispositions du code du travail pour ce qui est du droit à la suspension de leur contrat de travail et du droit à réintégration à l’issue de leur mandat. Nous avons obtenu que les conseillers communautaires en situation de handicap puissent se faire rembourser les frais spécifiques de déplacement, d’accompagnement et d’aide technique engagés pour l’exercice de leur mandat.

Toutes ces avancées, résultant de l’adoption d’amendements de notre groupe, nous ont convaincus d’apporter notre appui au projet de loi ainsi modifié par le Sénat.

Nous conservons cependant quelques regrets.

Ainsi en est-il de la fin de la participation citoyenne dans les territoires. Certes, les dispositifs existants n’avaient pas empêché la crise des « gilets jaunes », mais leur suppression n’améliorera sans doute pas la situation.

Des progrès supplémentaires auraient également pu être faits en matière de parité, avec le soutien de nombreuses associations d’élus et du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Le débat sur ce sujet reprendra sans doute à l’Assemblée nationale.

Je veux aussi signaler que certains allers-retours en matière de dates ou de transferts de compétences pourraient créer quelques difficultés à l’avenir. Nous sommes trop nombreux, à droite comme à gauche, à regretter régulièrement l’instabilité de la loi pour nous satisfaire de changements de pied incessants.

La si décriée loi NOTRe n’était certes pas parfaite (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais elle avait finalement été votée par presque tout le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.) Elle n’avait été repoussée que par quelques-uns !

M. Jérôme Durain. Il ne faudrait pas que les pommades inventées aujourd’hui pour soulager quelques irritations provoquent de nouvelles démangeaisons dans nos territoires… (M. Jean-Pierre Sueur applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Certains changements de philosophie, par exemple en matière de transferts de compétences, nous laissent sceptiques. L’intégration communautaire risque d’en souffrir. L’article 17 permettra à des intercommunalités de transférer au département ou à la région des compétences qui leur ont été transférées par les communes. Alors que nos débats ont largement tourné autour du rôle central de la commune, vous avouerez, mes chers collègues, que la possibilité de transférer des compétences du bloc communal au département ou à la région sans l’aval des communes semble pour le moins discutable… (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)

Les bonnes intentions concernant la rémunération des élus méritaient d’être étayées par des preuves d’amour supplémentaires. Nous sommes heureux pour les élus locaux que le Sénat se soit accordé sur une revalorisation du barème mieux adaptée aux capacités financières des communes de moins de 1 000 habitants, en l’étendant jusqu’aux communes de 3 500 habitants. Cependant, la question des villes moyennes n’est pas réglée. C’est un autre regret de taille.

Vous l’aurez compris, les sénatrices et sénateurs socialistes se satisfont des débats sur notre démocratie locale qu’a permis la discussion de ce projet de loi. Toutefois, ces débats n’épuisent pas les champs d’amélioration pour notre pays en la matière. Nous les poursuivrons à l’occasion de l’examen, l’an prochain, du projet de loi « 3D » relatif à la décentralisation.

En attendant, afin d’apporter aux élus de nos territoires un soutien à la hauteur de l’investissement qu’ils consacrent à nos concitoyens et à leurs mandats, nous suivrons avec attention la discussion du présent texte à l’Assemblée nationale, notamment s’agissant de la bientraitance fiscale.

En matière de moyens donnés aux collectivités locales, nous attendons que le Gouvernement donne des preuves d’amour lors de notre prochain grand rendez-vous, à savoir l’examen du projet de loi de finances.

Pour l’heure, notre groupe, pragmatique, mais vigilant et exigeant, votera le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est sage !

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique Social et Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Josiane Costes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec plus de 1 900 conseillers régionaux, 4 000 conseillers départementaux et plus de 500 000 conseillers municipaux, la France est riche de 600 000 élus locaux, qui incarnent tous ses territoires.

Les plus cyniques préfèrent mettre en avant le coût de ces élus pour les contribuables, sans mentionner le temps et le dévouement nécessaires pour assurer une fonction qui devient de plus en plus difficile. Je sais que je m’adresse, dans cette enceinte, à des convaincus, mais il fallait rappeler cette réalité, trop souvent occultée, caricaturée ou ignorée des grands médias.

Certes, le présent projet de loi ne résoudra pas tout. Néanmoins, ne cachons pas la satisfaction que nous inspirent quelques avancées qui viendront faciliter le quotidien de nos élus. Je tiens, à ce titre, à saluer chaleureusement le travail de nos rapporteurs, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud.

Oui, les charges pesant sur les élus locaux n’ont cessé de s’alourdir ces dernières années, quelle que soit la majorité en place : baisse des dotations, transferts de charges, judiciarisation accrue… Mais c’est sans doute la loi NOTRe qui cristallise le plus les mécontentements, en particulier s’agissant de la création forcée d’intercommunalités de taille disproportionnée. (Mme Sophie Joissains applaudit.)

Certes, les maires ont su s’adapter aux regroupements et à la nouvelle répartition des compétences. Toutefois, ils ont avant tout besoin qu’on leur fasse confiance. Le maire doit retrouver sa place, au cœur de sa commune, naturellement, mais aussi, à l’avenir, au cœur de l’intercommunalité, quel que soit le poids de sa commune au sein de celle-ci. À cet égard, la conférence des maires, dont notre groupe défend l’instauration depuis longtemps, est, selon nous, le meilleur outil pour enrayer le sentiment légitime de dépossession éprouvé par de trop nombreux élus. En rendant sa création obligatoire, nous permettons à ces derniers d’être davantage informés sur les questions qui concernent leur territoire.

Toutefois, nous le savons, pour que les plus petites communes renouent des liens de confiance avec l’intercommunalité, il est indispensable qu’elles y soient mieux représentées. À cet égard, si le barème issu de la proposition de loi relative à la représentation des petites communes au sein des EPCI n’a pas été retenu, l’intégration de l’accord local est, quant à elle, bienvenue.

Par ailleurs, il est heureux que nos débats aient montré qu’une intercommunalité apaisée est une intercommunalité qui n’agit que lorsqu’elle représente l’échelon le plus efficace. Cette logique de subsidiarité avait été oubliée, tout comme la réalité des territoires et de chaque commune. De ce point de vue, l’article 17, qui autorise le transfert de compétences entre collectivités, constitue, à nos yeux, une réponse adaptée.

Par exemple, pour avoir sa propre géographie, l’eau implique une gestion qui ne correspond pas du tout aux frontières administratives. La suppression du transfert obligatoire de la compétence en matière d’eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération, que notre groupe a soutenue, s’insère dans cette réalité d’une gestion différenciée des territoires qui va, finalement, dans le sens de l’histoire.

Il en est de même des plans locaux d’urbanisme intercommunaux, les PLUI. En commission, grâce à la sagesse des rapporteurs, nous avions voté un abaissement du seuil minimal de population des EPCI « XXL » afin de permettre à un plus grand nombre d’entre eux de créer des PLUI différenciés. Je me félicite que, en séance plénière, le Sénat soit allé plus loin, en accordant davantage de latitude aux maires en matière d’urbanisme, que ce soit en instaurant à leur profit la possibilité de prendre l’initiative d’une modification simplifiée du PLUI si cette modification concerne uniquement le territoire de leur commune ou en ouvrant la faculté de redonner à celle-ci la compétence en termes de droit de préemption urbain.

Cependant, l’intercommunalité n’est pas la source de tous les problèmes de nos élus, loin de là ! Dans l’exercice même de leurs fonctions, trop de contraintes les empêchent encore parfois d’accomplir leur mandat.

La question est ancienne, soulevée à chaque réforme ou lors de l’examen de chaque PLF : deux catégories d’élus locaux coexistent, avec, d’un côté, des élus urbains, issus de communes largement dotées pouvant prendre en charge des dépenses comme celles de formation ou de déplacements et indemniser correctement leurs élus, et, de l’autre, des élus de communes rurales, faiblement dotées, qui, par souci de ne pas peser sur un budget limité, préfèrent ne pas demander la prise en charge de ces dépenses par leur commune. Telle est la réalité dans beaucoup de nos régions, ainsi que nos débats l’ont bien montré.

Tout ne sera sans doute pas résolu dès le prochain renouvellement des conseils municipaux – ce n’est d’ailleurs pas la prétention des promoteurs de ce projet de loi –, mais des avancées notables ont vu le jour.

Concernant les conditions indemnitaires des élus, je me réjouis que nous ayons permis une revalorisation à la fois adaptée, progressive et soutenable pour les plus petites communes.

Je tiens également à remercier M. le ministre d’avoir permis à une personne en situation de handicap de conserver tout ou partie de son allocation aux adultes handicapés, même s’il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à une véritable équité, dont le champ ne se limite pas aux seuls élus.

Recueillent encore l’approbation des membres de mon groupe toutes les mesures visant à permettre aux élus de mieux concilier l’exercice de leur mandat avec leur vie familiale et professionnelle. Je pense, par exemple, à l’ouverture à leur profit du système de l’équivalence universitaire, que nous avons défendue.

Nos débats sur la parité hommes-femmes ont également permis d’aboutir à des compromis qui viendront assurer une meilleure représentativité de nos conseils, en particulier en garantissant la parité pour les adjoints dans les communes de plus de 1 000 habitants.

Enfin, quand les maires, jusqu’à présent à portée d’engueulade, deviennent à portée de bousculade, nous devons agir pour garantir leur protection. Aussi était-il d’important d’intégrer à ce projet de loi les dispositions législatives du plan d’action pour une plus grande sécurité des maires proposé par le président de la commission des lois.

Les membres du groupe RDSE ont pris une part active à ces débats, en particulier nos chefs de file Nathalie Delattre et Henri Cabanel, que nous remercions. Nous nous félicitons de l’adoption de nombre de leurs amendements.

À l’Assemblée nationale, désormais, de prendre ses responsabilités ! Pour l’heure, notre groupe votera ce texte, à une abstention près. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, jamais le Sénat n’a été davantage le Sénat ! Deux semaines durant, dans cette enceinte, notre République décentralisée a subi un véritable contrôle technique. Deux semaines durant, nous avons évoqué la « sécabilité » des compétences déléguées, la problématique des périmètres intercommunaux ou encore la définition de l’intérêt communautaire : autant de questions dont l’examen est la raison d’être de notre assemblée, mais qui restent d’une affolante complexité pour le commun des mortels, d’autant que le texte que nous nous apprêtons tous à voter, si j’ai bien compris,…

M. François Patriat. … n’a pas gagné en clarté ce qu’il a gagné en volume. Le nombre de ses articles est passé de 36 à 123 ! J’ose le dire : nous frôlons parfois la surchauffe. En commission, puis en séance publique, on a croisé le fer à coups de termes juridiques plus tarabiscotés les uns que les autres. Certains ont fait du galimatias, d’autres, du salmigondis. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) De ce tohu-bohu législatif, que reteindront nos concitoyens, mes chers collègues ? Après tout, l’intercommunalité n’est pas leur langage, non plus que le coefficient d’intégration fiscale ou la compétence relative à la promotion du tourisme… Leur vie est taillée dans un autre bois. Leur quotidien est fait de montagne, de mer, de forêts, de villes, de villages, de plaines ou de banlieue.

M. François Grosdidier. Expliquez cela aux technocrates !

M. François Patriat. Ils se moquent bien de savoir qui trace leurs itinéraires de promenade ou collecte leurs ordures ménagères. Le citoyen n’a que faire du transfert des compétences en matière d’eau et d’assainissement ; ce qui lui importe, c’est l’eau qui coule du robinet, c’est le car qui emmène ses enfants à l’école, ce sont les nids-de-poule sur la voie communale. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues, comprennent-ils que nous ayons débattu durant cinq heures des modalités de désignation des vice-présidents d’EPCI au scrutin de liste ?

Mme Sophie Primas. Il aurait fallu légiférer par ordonnance ?

M. François Patriat. La vérité m’oblige à vous le dire : ils ne le comprennent pas.

Soyons animés par une seule conviction et tendus vers un seul but : le service à nos concitoyens. À charge pour nous de corriger les défectuosités, les complications et les mésaventures de la décentralisation, mais le fond de notre affaire doit rester les Français. (Huées sur des travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le ministre, vous avez remis l’ouvrage sur le métier. Vous nous invitez même à légiférer sur le montant des indemnités de fonction. C’est dire si vous aimez vivre dangereusement !

Avec ce texte, vous souhaitez assurer le service après-vente de la loi NOTRe, mais pas de n’importe quelle manière. Des règles du jeu ont été fixées : oui à des assouplissements correctifs, non à un nouveau big-bang territorial aux accents wagnériens.

Au fond, je déduis de votre projet de loi trois impératifs : libérer, protéger, simplifier.

D’abord, ce texte vise à libérer, mais pas au nom de n’importe quelle liberté, de celle qui tient lieu de paravent à la responsabilité. De fait, c’est une habitude bien française que de confier de la liberté à des élus et de leur contester, dès le lendemain, le droit d’en user. D’ailleurs, j’ai pu remarquer que, parmi les auteurs du millier d’amendements déposés, il n’y avait pas que des amis de la liberté. Nous ne décentralisons pas aujourd’hui qu’avec des décentralisateurs ! J’en veux pour preuve quelques opérations clandestines – je pense à l’amendement relatif à la police municipale à Paris –, voire folkloriques, allant de l’abrogation de la loi NOTRe à l’abaissement du droit de vote à 16 ans, qui, sur un malentendu, n’étaient pas loin de « glyphosater » le texte. La liberté, c’est davantage l’assouplissement des conditions de délégation de compétences entre collectivités ou encore la faculté, pour les départements, d’attribuer des aides aux entreprises.

Ensuite, ce texte vise à protéger. L’élu local exerce une profession risquée. Nous devons lui prêter main-forte et le remercier. À ce titre, les pouvoirs de police du maire ont été renforcés. L’autorité du maire, officier de police judiciaire, a été restaurée. L’engagement des élus a été mieux reconnu. La conciliation entre le mandat local et la vie professionnelle a été favorisée. Nous protégeons davantage l’élu, notamment en couvrant les coûts liés à la protection fonctionnelle que les communes doivent garantir aux maires. Nos petites communes n’ont pas été oubliées, puisque des compensations financières de l’État ont été prévues et le plafond indemnitaire a été rehaussé pour les maires et les adjoints.

Enfin et surtout, ce texte vise à simplifier les modes de gouvernance, à fluidifier la synergie avec l’échelon communal, afin que celui-ci devienne, en bout de course, la « petite République » dans la grande, à assouplir les conditions d’exercice des compétences. Bref, il s’agit d’administrer un choc de simplification pour desserrer le garrot normatif qui polytraumatise nos élus. De grâce, cessons d’appeler « vides juridiques » leurs espaces de liberté ! Comme l’a dit Paul Valéry, « un État est d’autant plus fort qu’il peut conserver en lui ce qui vit et agit contre lui ».

Madame, monsieur les rapporteurs, je tiens à vous remercier pour la masse de travail que vous avez abattue.

Mme Sophie Primas. Quand même !

M. François Patriat. Même si j’ai retenu de votre texte une conception généreuse de la subsidiarité territoriale – je pense aux EPCI à la carte, à la délégation ascendante des compétences des EPCI au département ou à la région, à la suppression des compétences optionnelles –, c’est fort heureusement que la discussion en séance a permis de revenir sur la mise à mort de l’intercommunalité en supprimant le dispositif de neutralisation du coefficient d’intégration fiscale. En toute logique, la disparition d’une charge éteint le droit à sa compensation. En appliquant la logique inverse, vous nous préparez des lendemains budgétaires quelque peu difficiles… (Mme le rapporteur le conteste.)

Mme Sophie Primas. Il ne faut pas voter la loi, alors…

M. François Patriat. Lorsque l’on fait le pari du grand chambardement, le maître mot doit être « responsabilité » !

Tout mandat électif se mesure en trois temps : à l’entrée dans le mandat, au cours du mandat et à la sortie du mandat. La réflexion sur la troisième étape mérite d’être approfondie lors de la navette. Nous voterons donc ce texte avec l’espoir que le savoir-faire accumulé par nos élus sera valorisé.

Mes chers collègues, la période des vendanges est désormais terminée. Je veux dire aux maires que je veillerai à ce que ce texte prépare, avec un peu de réussite, la République de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

Ouverture du scrutin public solennel

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il va donc être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

La pédagogie étant l’art de la répétition, je vous rappelle que, si vous disposez d’une délégation de vote, le nom du sénateur pour lequel vous devez voter s’affiche automatiquement sur le terminal de vote au-dessous de votre nom. Vous pouvez alors voter pour vous-même et pour le délégant en sélectionnant le nom correspondant, puis en choisissant une position de vote.

Si vous avez donné une délégation et que vous êtes finalement présent, vous pouvez voter directement en insérant votre carte dans votre terminal de vote. La position de vote alors exprimée primera sur un vote exprimé par délégation.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

Je vous invite à insérer votre carte de vote dans le terminal.

Le scrutin est ouvert. J’invite les secrétaires, dès qu’ils auront voté, à monter au plateau pour superviser le déroulement du vote.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Plus personne ne demande à voter ?

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater les résultats du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent les résultats du scrutin.)

Proclamation du résultat du scrutin public solennel

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 14 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 338
Contre 2

Le Sénat a adopté, dans le texte de la commission, modifié, le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, UC, RDSE et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et SOCR.)

La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier à mon tour, quelles que soient vos sensibilités politiques, pour la qualité de nos débats – je le dis devant vous, monsieur le président du Sénat, puisque nous avions initialement coproduit ce texte en grande partie.

Nous avons travaillé durant près de cinquante heures sur un texte qui aurait pu ne pas être consensuel du tout : bien souvent, les lois territoriales renvoient à des particularités locales, à des expériences locales qui transcendent les clivages politiques.

Nous nous étions fixé deux objectifs majeurs au titre de l’examen des quelque 1 000 amendements.

Premièrement, il convenait d’éviter de reproduire les errements de la loi NOTRe en créant des sources de déstabilisation majeure pour le prochain mandat municipal. Une génération d’élus, entre 2014 et 2020, aura déjà connu beaucoup de modifications institutionnelles. Il ne s’agissait pas de réserver à la génération 2020-2026 la même instabilité et les mêmes écueils.

Deuxièmement, il importait de connecter les questions institutionnelles et juridiques aux questions financières. Si cela avait été fait davantage lors de l’élaboration de la loi NOTRe, peut-être aurions-nous pu éviter certaines mauvaises surprises…