COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Éric Bocquet,

Mme Jacky Deromedi.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 17 octobre 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Article additionnel après l'article 36 - Amendement n° 923 rectifié (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, modifié par lettre rectificative, relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (projet n° 677 rectifié [2018-2019], texte de la commission n° 13, rapport n° 12).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s’effectuera depuis les terminaux de vote : une grande aventure commence ! (Exclamations amusées.)

Je vous invite donc, mes chers collègues, à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement (Sourires.) en l’insérant dans votre terminal de vote. Vous pourrez vous rapprocher des huissiers en cas de difficulté, mais je suis convaincu qu’il n’y en aura aucune !

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote. Le temps de parole imparti est de sept minutes pour chaque groupe et de trois minutes pour un sénateur n’appartenant à aucun groupe.

Explications de vote sur l’ensemble

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson. (Ah ! sur diverses travées.)

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte, tel qu’il a été modifié par le Sénat, présente quelques petites améliorations et, manifestement, il convient de le voter, ce que je ferai, mais du bout des lèvres, parce que je considère qu’il s’agit d’une occasion manquée.

Ce projet de loi a été placé sous le signe de la proximité, mais rien n’y a trait à la proximité, si ce n’est son intitulé. Si l’on veut promouvoir la proximité, il faut dire « non » au gigantisme des intercommunalités ou des grandes régions.

Les intercommunalités comptant plus de 100 communes sont de plus en plus nombreuses. Plusieurs centaines de communes sont situées à plus d’une heure de route du siège de leur intercommunalité ! Est-ce cela que l’on appelle la proximité ? Nous avions la possibilité de régler simplement le problème, en abaissant le seuil minimal de 15 000 habitants pour les intercommunalités institué par la sinistre loi NOTRe, contre laquelle nous n’avons été que quarante-neuf à voter dans cette enceinte.

Nous avions déposé des amendements, qui n’ont pas été adoptés…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Beaucoup n’ont pas été défendus !

M. Jean Louis Masson. … parce que l’on n’a pas voulu prendre de mesures. On permet à des communes de sortir d’une intercommunalité, mais cela ne règlera rien ! Ce qu’il faut, c’est abaisser le seuil de population des intercommunalités.

Pour les grandes régions, c’est encore pire ! Je rappelle que la fusion autoritaire des régions s’est opérée sur la base d’un énorme mensonge du gouvernement Valls, qui avait dit que cela permettrait 10 milliards d’euros d’économies. Or le rapport de la Cour des comptes montre que non seulement il n’y a pas d’économies, mais qu’en fait les grandes régions coûtent cher !

M. Jean Louis Masson. C’est une véritable aberration !

Je prendrai l’exemple du Grand Est, une région deux fois plus grande que la Belgique. Il faut vraiment être tombé sur la tête pour vouloir faire une telle région ! Une conseillère régionale de l’ex-région Champagne-Ardenne m’a écrit en ces termes : « Étant élue régionale du trop grand Grand Est et habitant dans la Marne, pour aller au chef-lieu, à Strasbourg, c’est 332 kilomètres, soit 664 kilomètres aller-retour ! » Est-ce cela, la proximité ?

En guise d’économies, le Grand Est a augmenté de 51 % les frais de réception et de déplacement. (Exclamations.)

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean Louis Masson. La Cour des comptes vient d’établir que le Grand Est détient le record de France pour l’augmentation du régime indemnitaire,…

Mme Catherine Troendlé. Cela n’a rien à voir !

M. Jean Louis Masson. … avec plus de 28 % de hausse ! Il est dommage que je ne dispose pas de plus de temps, car j’aurais pu en dire davantage…

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc, après quinze jours de débats, parvenus au moment du vote dit « solennel » sur le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, déposé en juillet dernier.

Au-delà de nos débats dans cet hémicycle ou en commission, nous avons effectué, les uns et les autres, de nombreux déplacements sur le terrain et rencontré beaucoup d’élus locaux, en vue d’améliorer, parfois de transformer, certaines parties du texte pour le rendre plus efficace et plus pertinent. Nous avions tous pour objectif d’apporter aux élus locaux des réponses à un certain nombre de problématiques –vous avez régulièrement utilisé, monsieur le ministre, le terme « irritants » – et de difficultés rencontrées dans l’exercice d’un mandat local depuis que se sont empilés un certain nombre de textes de loi.

Je l’avais souligné dès la discussion générale, ce projet de loi marque sinon un coup d’arrêt, en tout cas une pause, dans la démarche volontariste mise en œuvre au cours de la dernière décennie, visant à faire grossir de façon autoritaire et parfois même arbitraire les intercommunalités et à imposer le transfert à celles-ci d’un certain nombre de compétences.

Ce projet de loi s’inscrit bien évidemment dans un contexte politique et législatif. Ainsi, nous aurons à débattre très prochainement du projet de loi de finances, qui, force est de le constater, ne répondra pas aux besoins de financement des collectivités territoriales. A également été annoncé un projet de loi « 3D » –pour décentralisation, différenciation, déconcentration – aux contours encore flous, même s’ils tendent à se préciser.

Votre postulat de départ était qu’il fallait exclure les métropoles du champ du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique. Nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, il est regrettable de ne pas avoir traité de l’ensemble de l’intercommunalité dans ce texte et d’avoir disjoint communautés de communes et communautés d’agglomération, d’une part, et communautés urbaines et métropoles, d’autre part. Mais, rassurez-vous, nous serons présents pour débattre du prochain texte et nous défendrons un certain nombre de positions inspirées par les remontées du terrain.

Une crise de l’engagement et une inquiétude profonde, dont la presse s’émeut depuis de nombreux mois, se manifestent. Il se peut en effet que, dans de nombreuses communes, les listes électorales soient incomplètes, voire inexistantes.

Vous avez dit, monsieur le ministre, qu’avec ce texte il ne s’agissait ni d’un big-bang ni du grand soir. Je le confirme, il en est bien ainsi ! À l’issue de ces quinze jours de débat, il apparaît que le projet de loi apporte un certain nombre de réponses aux problématiques soulevées. Il faut s’en féliciter et savoir le souligner. Des dispositions permettront de faciliter au quotidien l’exercice des mandats locaux, et plus particulièrement de celui de maire. Il subsiste cependant des déceptions et des manques, notamment quant à la place que nous entendons donner à l’intercommunalité dans notre pays.

La crise de l’engagement n’est pas seulement liée à la problématique de l’intercommunalité, aux pouvoirs de police ou à la question du statut de l’élu : nous ne nous faisons pas d’illusions sur ce point. Elle s’explique aussi par les difficultés auxquelles sont confrontés les élus, notamment les maires, en termes de présence des services publics dans leur territoire. Ils doivent ainsi se mobiliser régulièrement pour obtenir le maintien qui d’un bureau de poste, qui d’une classe ou d’une école, qui d’une gare ou d’une halte ferroviaire, qui d’une trésorerie… Cela nous ramène au débat sur la présence de l’État, d’un État qui n’impose pas mais qui accompagne, aide à la prise de décision et sécurise l’exercice du mandat d’élu local au quotidien.

Notre groupe a toujours soutenu le renforcement de la place de la commune au sein de l’intercommunalité : le travail sénatorial a abouti à des évolutions du texte en ce sens. Il n’est pas question d’opposer l’une à l’autre, mais il n’y aura d’intercommunalité répondant réellement aux besoins des populations que lorsque toutes les communes qui la composent auront leur place en son sein et pourront jouer pleinement leur rôle.

La tarification sociale de l’eau devra faire l’objet d’un débat à l’avenir. Nous devrons réfléchir à cette question, qui sera sans doute soulevée lors de la prochaine campagne électorale.

La quatrième partie du texte concerne le statut de l’élu : même si cette expression n’y figure pas, elle a été employée par la presse, dans toute sa diversité. J’ignore s’il faut ou pas la consacrer par la loi, mais élaborer un tel statut est nécessaire pour améliorer et sécuriser à la fois l’exercice et la sortie du mandat d’élu local. Un certain nombre de mesures ont été adoptées à cette fin, visant par exemple à la prise en compte des frais de garde ou à la réévaluation des indemnités des élus des plus petites communes. Par ailleurs, une réflexion est en cours sur la formation ; nous devrons continuer à travailler sur ce sujet.

Notre groupe votera ce projet de loi. Nous serons attentifs, monsieur le ministre, aux propos et aux préconisations que vous adresserez à la majorité de l’Assemblée nationale. Nous serons également attentifs, chers collègues de la majorité sénatoriale, au débat qui se tiendra au sein de la commission mixte paritaire et au maintien, dans le texte qui en résultera, des avancées introduites ces derniers jours par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’il est difficile, en France, d’échapper à la tentation de concentrer, de centraliser et d’uniformiser tout ce qui relève du politique et de l’administration !

Cette obsession, qui remonte au moins à Philippe le Bel, a été partagée par tous ses successeurs et, contrairement à ce que l’on croit parfois, elle s’est encore renforcée sous la Révolution, comme l’a magistralement démontré Tocqueville.

En 1800, Chaptal expliquait à l’Assemblée nationale : « Le préfet transmet les ordres au sous-préfet, celui-ci aux maires des villes, bourgs et villages, de manière que la chaîne d’exécution descend sans interruption du ministre à l’administré, et transmet la loi et les ordres du Gouvernement jusqu’aux dernières ramifications de l’ordre social avec la rapidité du fluide électrique. »

Cette description nous fait sourire aujourd’hui, quarante ans après les premières lois de décentralisation. Mais, si l’on remplace dans ce texte le politique par l’administratif, et les ministres, préfets et sous-préfets par les experts, technocrates et bureaucrates, sommes-nous encore certains que les choses ont autant changé que cela ?

Un sénateur du groupe Les Indépendants. Non !

M. Claude Malhuret. C’est bien l’un des sujets qui nous réunit aujourd’hui et cette loi NOTRe et sa rigidité éloignée des spécificités locales, véritable lit de Procuste dont nous cherchons à scier les barreaux, sont emblématiques à cet égard.

Un de nos collègues me disait que ce projet de loi était celui des frustrés de la loi NOTRe. Vous nous dites, monsieur le ministre, qu’il vise à gommer les irritants de cette loi, que l’on pourrait résumer d’une formule : « Chérie, j’ai rétréci les maires ! » (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et RDSE. – M. Éric Bocquet applaudit également.) Nous ne pouvons qu’être d’accord avec votre intention.

Ce projet de loi répond selon moi à un deuxième objectif, mais je ne suis pas certain que vous l’admettriez publiquement. Il s’agit d’obtenir que les maires vous pardonnent. Oh, pas à vous, Sébastien Lecornu, en particulier, ni même au présent gouvernement, même si les élus ont parfois été traités un peu rudement au début du quinquennat,…

M. Claude Malhuret. … mais à tous les gouvernements et à toutes les assemblées responsables des multiples lois de décentralisation et de déconcentration mises en œuvre depuis des années, qui n’ont souvent apporté que des réponses cosmétiques aux besoins des collectivités, quand elles n’ont pas elles-mêmes aggravé les problèmes. Il en est résulté des territoires en grande difficulté, auxquels on demande pourtant de réduire leurs budgets, des élus qui ne savent plus quoi faire pour ne pas laisser dépérir leurs villages, des communes rurales sans moyens humains et financiers pour soutenir le lien social et économique. La liste des difficultés est impressionnante : classes fermées, centres-bourgs qui perdent leurs commerces, services publics menacés, finances locales asphyxiées, déserts médicaux, fracture numérique… Chacun d’entre nous sait cela.

Comme dans les romans ou les films qui se terminent bien, vous vous présentez devant nous, monsieur le ministre, dans le rôle du rédempteur. (Sourires.) Je ne sais si cette rédemption mènera au salut (Nouveaux sourires.), mais, comme vous l’avez constaté tout au long de ces débats, le Sénat non seulement ne s’y est pas opposé, mais a souhaité y participer activement. Je voudrais, à cet instant, féliciter nos deux rapporteurs, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, ainsi que le président Philippe Bas, qui n’ont pas ménagé leur peine.

Vous souhaitez tout d’abord renforcer le rôle des maires au sein des intercommunalités. Le Sénat a voulu consolider la place des communes et des maires dans le fonctionnement des EPCI, assouplir la répartition des compétences entre les échelons territoriaux et faciliter le fonctionnement des conseils municipaux dans les petites communes.

Vous souhaitez renforcer les pouvoirs de police du maire. Le Sénat y a ajouté les mesures de nature législative de son plan d’action pour la sécurité des maires.

Vous souhaitez simplifier l’exercice quotidien des compétences de la commune par les maires. Le Sénat a voulu étendre leurs pouvoirs et leur information.

Enfin, vous souhaitez renforcer les droits des élus locaux. Le Sénat vous accompagne, en insistant plus particulièrement sur les possibilités de formation et les conditions d’exercice de leur mandat.

Cette loi constituera-t-elle une révolution ? Non, et d’ailleurs personne ne le demandait. Car si les maires sont très critiques des lois qui régissent aujourd’hui leurs compétences et leur statut, il y a une chose qu’ils craignent plus que tout – ils ne cessent de nous le dire –, c’est un énième bouleversement qui ajouterait à ces défauts celui de l’instabilité législative, véritable plaie de notre pays.

Ce projet de loi constitue une étape. Le Gouvernement nous annonce qu’il sera suivi l’an prochain d’un texte portant sur la décentralisation, la déconcentration et la différenciation. Le Sénat, chambre des territoires, l’examinera et l’enrichira avec la même rigueur et le même sérieux que pour le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

Le travail sera-t-il alors abouti ? Pas tout à fait, car il restera un immense chantier qu’aucun gouvernement n’a osé pour l’heure mener à bien, ce qui est pourtant l’une des conditions sine qua non pour une bonne administration des collectivités : je veux parler de la réforme courageuse de la fonction publique et de la définition d’un vrai statut de l’élu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur des travées du groupe UC.)

Il nous reste donc beaucoup de chemin à parcourir ; nous n’en sommes qu’au début, mais Aristote disait que « le commencement est la moitié du tout ». Soyons optimistes, et considérons donc que nous avons ensemble fait un pas en avant significatif. Notre groupe votera ce projet de loi tel qu’amendé par nos travaux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, dont nous venons de terminer l’examen après quarante-cinq heures de séance publique, porte l’ambition de favoriser l’engagement dans la vie locale et la proximité dans l’action publique : tout un programme ! Mais, ne l’oublions pas, ce texte est le fruit d’un contexte.

En effet, si le mouvement des « gilets jaunes » eut un mérite, ce fut celui de permettre à notre pays de redécouvrir ce que représentent vraiment les maires et les communes. Quand les uns sont les sentinelles de la démocratie, les autres sont les citadelles de la République, et, dans un pays où les corps intermédiaires sont affaiblis, le pouvoir exécutif s’est naturellement tourné vers les représentants les plus proches du terrain pour recoudre le tissu social. En loyaux soldats du bien commun, les maires ont répondu « présents », comme toujours.

La commune s’est retrouvée être une fois de plus, pour reprendre une formule chère au président Gérard Larcher, « une petite République dans la grande », une petite République au service, voire au secours, de la grande. C’est pour cela, mes chers collègues, que, dans cette situation, le Sénat n’a pas voulu, ne veut pas d’un rendez-vous manqué – d’un nouveau rendez-vous manqué, allais-je dire.

Avec la méthode et la constance qu’on lui connaît, la Haute Assemblée a donc voulu enrichir le texte en se fondant sur les travaux menés ces derniers mois notamment par la commission des lois et la délégation aux collectivités territoriales, qui ont été souvent soumis au vote du Sénat et si peu souvent repris à l’Assemblée nationale…

Je veux à cet instant féliciter nos rapporteurs, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, qui se sont imprégnés du texte du Gouvernement, en ont partagé les finalités et ont su nous en proposer une mouture fiable et enrichie.

Ils l’ont fait en tentant d’éviter trois écueils : la proximité des élections municipales, qui auront lieu dans cinq mois ; la diversité des sujets abordés, tant il est nécessaire, pour le législateur, d’intervenir en urgence dans des domaines où les collectivités sont en souffrance ; l’articulation avec un texte futur dont les contours restent incertains et dont on attend un nouveau souffle pour la décentralisation, une décentralisation de « nouvelle génération ».

Notre groupe, fidèle à ce qu’il est, décentralisateur et girondin, a pris toute sa part à ce travail. À de nombreuses reprises, nous avons été suivis par des collègues siégeant sur d’autres travées, qu’il s’agisse de mesures techniques de bon sens ou attendues, ou encore de vrais progrès pour nos communes et nos intercommunalités.

J’en rends grâce aux nombreux collègues du groupe présents tout au long de l’examen du projet de loi, et en particulier à mes collègues désignés chefs de file avec moi sur ce texte, Laurent Lafon et Jean-Marie Mizzon. Par exemple, sur l’initiative de ce dernier, nous avons proposé et fait adopter l’obligation de mettre en place une conférence des maires au sein de chaque EPCI et sa réunion au moins une fois par trimestre.

Je veux, à cet instant, évoquer la situation de nos collègues élus handicapés, qui souffrent d’une injustice très préjudiciable à leur engagement. Je salue les efforts annoncés ici au Sénat par vous-même, monsieur le ministre, et votre collègue du Gouvernement Sophie Cluzel à la suite de la mobilisation très forte de plusieurs membres de différents groupes, relayés en séance par le président Philippe Bas alors que leurs amendements n’avaient pas passé les fourches caudines de l’article 40.

Je ne peux pas ne pas relayer auprès de vous, monsieur le ministre, les inquiétudes de nos collègues polynésiens, très attachés au principe d’égalité, sur l’applicabilité du titre IV à la Polynésie française.

D’autres sujets brûlants mériteront d’être retravaillés : je pense notamment à la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les fonctions électives exécutives. Nos débats ont montré l’existence d’attentes fortes et légitimes. J’ai le ferme espoir que des réponses pourront être apportées d’ici aux élections locales de 2026.

Enfin, je le dis sans fausse pudeur à quelques semaines de l’examen dans cette enceinte du projet de loi de finances pour 2020, le sujet financier a été évité sciemment dans ce texte. Or vous n’êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que la meilleure des pommades pour guérir les irritants de la loi NOTRe est de nature sonnante et trébuchante… Je le dis avec humour, mais avec aussi avec gravité, car c’est un sujet sur lequel les élus locaux nous interpellent constamment, surtout lorsqu’ils découvrent que l’intercommunalité pourra rendre des compétences à ses communes membres et que les conséquences en seront financièrement non négligeables si l’on ne corrige pas le mécanisme de l’intégration fiscale.

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois. Très bien !

M. Loïc Hervé. Mais les maires prennent aussi conscience du fait que c’est le budget communal, et lui seul, qui financera l’éventuelle augmentation de leurs indemnités. Vous savez très bien ce qu’est, monsieur le ministre, le budget d’une commune de moins de 3 500 habitants !

Ce sont là deux exemples, très différents, qui démontrent, s’il le fallait, que l’accompagnement financier de l’État est le corolaire indispensable de nombreuses mesures figurant dans ce texte et qui risquent, sans cet accompagnement, de n’être que des annonces.

Avant de conclure, je voudrais ajouter, dans la droite ligne des propos de Claude Malhuret, que nous aurons beau voter toutes les lois possibles et imaginables, rien ne changera vraiment si la relation de l’État avec les collectivités locales n’est pas repensée fondamentalement et si les services de l’État dans les territoires ne font pas, eux aussi, leur aggiornamento.

Hier encore, monsieur le ministre, je m’arrachais les derniers cheveux qui me restent (Rires.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Cela demande une certaine habileté !

M. Loïc Hervé. … en lisant une lettre adressée à un maire de mon département, tant sa teneur était éloignée des objectifs que vous professez ici avec sincérité. Il est nécessaire que les notions de liberté, de souplesse, de différenciation infusent, irradient toute l’administration territoriale de l’État.

Autant dire que nous comptons sur vous pour préserver les avancées du Sénat dans la suite de l’examen parlementaire de ce texte. Nous espérons que vous pourrez trouver, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, des réponses aux nombreuses interrogations légitimement soulevées lors des débats.

En signe de cohérence avec l’ambition affichée du projet de loi et de confiance dans l’esprit qui a présidé à sa rédaction et dans les nombreux engagements que vous avez pris, les sénatrices et les sénateurs du groupe Union Centriste voteront ce texte pour favoriser l’engagement dans la vie locale et la proximité de l’action publique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE, Les Indépendants et LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, permettez-moi, à cet instant, d’ôter ma casquette de rapporteur et de retrouver une certaine liberté de ton.

Au fond, lors de l’examen de ce texte qui, en soi, ne constitue pas une révolution, nous avons avant tout voulu délivrer un message : nous entendons défendre la commune, non pas en tant qu’échelon administratif, mais comme patrie du quotidien de nos concitoyens, lesquels ont plus que jamais envie de retrouver le lien de proximité qui les unit à leur maire, à leurs élus locaux.

Depuis la plus petite, située dans la Drôme et ne comptant qu’un habitant, jusqu’à Paris, la commune a un sens profond. Nous l’avons dit et redit, elle est avant tout le creuset des solidarités, le lieu de création du lien social, une part de notre identité, cher Raymond Vall.

Mais, pour que vivent cette commune et la France communale, encore fallait-il faire œuvre utile au travers du présent texte, en faisant en sorte qu’il leur redonne du souffle et, surtout, qu’il pose un nouvel acte en matière de libertés locales. Pour ce faire, nous avons voulu remettre le maire et les élus locaux au cœur du débat, leur redonner la possibilité d’accéder à la prise de décision et permettre que la relation entre intercommunalité et communes soit fondée sur le dialogue, la cohérence dans l’action publique et, surtout, l’efficacité au service de nos concitoyens. Telle est la ligne directrice qui nous a guidés tout au long de ces cinquante heures de débat.

Afin de promouvoir la proximité, nous avons institué la conférence des maires : que chacun des maires des 35 000 communes de France puisse avoir voix au chapitre au sein de son intercommunalité est une absolue nécessité. Nous avons prévu la possibilité de redéfinir le périmètre des intercommunalités « XXL » lorsque son étendue éloigne inexorablement le pouvoir de décision du citoyen.

Pour construire l’intercommunalité de demain, le maire doit être en première ligne. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité lui redonner une place d’importance dans les commissions départementales de coopération intercommunale.

Nous avons aussi souhaité défendre le maire, sentinelle de la démocratie qui, au quotidien, peut-être malmenée. Comme M. le président de la commission des lois peut en témoigner, la consultation menée par le Sénat a permis de mettre en évidence les difficultés que rencontrent les maires et les élus locaux. Dans ce contexte, il convient de leur donner les outils qui leur permettront de mieux se défendre.

Enfin, avec l’audace du Sénat, nous avons essayé de mettre en œuvre la souplesse tant attendue, au travers des différentes délégations et des transferts de compétences à la carte. Nous espérons, monsieur le ministre, que nous serons entendus sur la neutralité financière du retour des compétences communautaires aux communes que nous appelons de nos vœux et que ce sujet pourra être débattu lors de l’examen du projet de loi de finances.