M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président-rapporteur, mes chers collègues, un point important, pour commencer : notre groupe a considéré qu’il nous revenait à nous, au Sénat particulièrement, de protéger les maires et les élus locaux qui, à partir de lundi, vont prendre de très lourdes responsabilités.

Le texte de l’Assemblée nationale était désastreux, parce qu’il revenait à autoamnistier des ministres ou de hauts responsables de l’État. Ce n’était pas acceptable ! La formulation qui a été trouvée en commission mixte paritaire est cent fois meilleure parce qu’elle s’inscrit dans le cadre de la loi Fauchon, mais aussi parce qu’elle permet d’insister sur les responsabilités spécifiques de chacun, disposant que, dès lors que des maires appliqueront les décisions de l’État, ils seront des agents, des représentants, de l’État, et, à ce titre, ne pourront pas être poursuivis dès lors, naturellement, qu’ils appliquent loyalement les textes.

Par ailleurs, pour ce qui est du très important article 6, il y a eu des avancées : premièrement, le retour à l’avis conforme de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, voulu par le Sénat, qui est une garantie ; deuxièmement, pour ce qui est des délais, les données collectées pourront être conservées pendant trois mois, au lieu de neuf mois initialement ; troisièmement, pour ce qui est de la représentation nationale, une commission de contrôle sera librement mise en œuvre par le Sénat et l’Assemblée nationale.

Il reste des problèmes : le mot « garantie » est absent de la disposition relative au décret qui doit préciser les modalités d’exercice des droits d’information, de rectification et d’opposition ; quelques problèmes, aussi, s’agissant du secret médical.

Mais il y a eu des avancées,…

M. Philippe Bas, rapporteur. Il est bon de les souligner !

M. Jean-Pierre Sueur. … étant entendu, bien sûr, qu’il y a un pari dans ce texte, celui de la mise en œuvre de ce fichier dans les conditions que vous savez.

Pourquoi ne voterons-nous pas pour, mais contre, ce texte ?

M. Philippe Bas, rapporteur. On se le demande…

M. Jean-Pierre Sueur. Je vais vous le dire, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues : non pas tant en raison de ce que je viens de dire, mais en raison du fait que, s’agissant d’une loi qui proroge les effets de la loi du 23 mars dernier, laquelle porte sur un grand nombre de sujets, nous n’acceptons pas qu’il n’y ait pas une ligne sur le social. L’urgence est sanitaire, oui ; elle est économique, certainement ; mais elle est sociale, aussi, pour tous nos concitoyens qui vivent dans la pauvreté et la précarité.

Mme Laurence Rossignol va développer ce point dans un instant ; il est la raison de notre vote, qui n’exprime que la fidélité à nos convictions.

M. le président. Mes chers collègues, pour que chaque groupe puisse s’y préparer, je vous signale que je suis saisi d’une demande de scrutin public sur les conclusions de la commission mixte paritaire.

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dès lundi, nos concitoyens retrouveront un peu de liberté après deux mois de confinement. Pour beaucoup, ces moments auront été éprouvants : il est rarement agréable de faire l’expérience des limites de sa liberté. Les mois à venir présenteront à chacun d’entre nous un autre défi : celui de retourner dans les espaces publics et collectifs, où le virus est toujours présent, et d’adopter des gestes barrières irréprochables pour éviter une nouvelle montée en charge des contaminations et une saturation des services de réanimation.

Nous avons été nombreux, sur ces travées, à rappeler notre crainte de voir se pérenniser un droit d’exception – l’une des leçons de l’histoire récente tend malheureusement à étayer cette crainte. Dans le même temps, nous entendons les arguments du Gouvernement, qui souhaite maintenir en place des outils spécifiques tant que nous n’avons pas la certitude d’avoir le contrôle de la situation.

C’est pourquoi, dans notre grande majorité, nous nous rangeons à la décision de prolonger l’état d’urgence pour deux mois supplémentaires et nous satisfaisons que l’Assemblée nationale ait suivi la position du Sénat en retenant la date du 10 juillet.

Nous veillerons à mettre à profit ces deux mois pour poursuivre notre mission de contrôle au service de nos concitoyens. Au moment des ratifications et à la fin de l’état d’urgence, nous serons aussi particulièrement vigilants à ce que la continuité de l’État soit réaffirmée. Aucun arrangement délibéré avec la légalité ne devra être admis.

Pour en revenir aux dispositions précises de ce projet de loi, nous avons été entendus sur quelques points, qui n’ont pas été remis en question par l’Assemblée nationale. En particulier, nous nous félicitons que le retrait de nos concitoyens d’outre-mer du périmètre des mises en quarantaine et à l’isolement systématiques à l’arrivée en métropole, adopté sur notre initiative, et plus spécifiquement sur celle de nos collègues Stéphane Artano et Guillaume Arnell, n’ait pas été remis en question. Compte tenu du faible nombre de cas dans les territoires ultramarins, à l’exception notable de Mayotte, cette disposition portait directement atteinte au principe constitutionnel de l’unité territoriale française.

Nous regrettons que les débats sur l’obligation du port du masque n’aient pas été suffisamment aboutis. De façon générale, nous restons convaincus que la meilleure façon de lutter contre ce virus aurait été d’imposer le port du masque le temps de parvenir à la sortie de crise. De ce point de vue, alors que chacun est en train de s’équiper en masques et thermomètres pour préparer un retour à une vie sociale plus intense, nous regrettons également que notre amendement visant à imposer la transparence des prix contrôlés, destiné à limiter les effets d’aubaine sur la vente d’articles essentiels dans la lutte contre l’épidémie, ne figure pas dans le texte final. Nous le regrettons d’autant plus que nous déplorons conjointement la faiblesse des mesures sociales destinées à accompagner le déconfinement et la suppression de l’amendement relatif aux frais bancaires, qui avait pourtant été adopté par le Sénat à la quasi-unanimité.

Concernant l’article 6, nous restons partagés entre l’impératif médical d’identifier les malades et les cas contacts pour lutter contre la progression du virus et la difficile application de ces mesures face à la résistance d’une partie du corps médical. Malgré les garde-fous introduits par la Haute Assemblée, beaucoup de médecins pourraient considérer que cette nouvelle mission les place dans une position déontologique difficile.

L’ensemble de nos débats comme les discussions que nous avons encore eues ce matin en CMP montrent à quel point la question de la responsabilité est le nœud des préoccupations de notre société face au risque. Cette responsabilité ne peut être opposée à ceux qui sont chargés de mettre en œuvre le déconfinement, vu le peu de certitudes dont ils disposent.

Je pense en particulier aux maires, qui sont en première ligne tous les jours, et plus encore que d’habitude à l’heure de préparer le retour à l’école. Il est important que chacun, dans la société, prenne la mesure du courage qui est nécessaire à nos élus pour garantir l’exercice des libertés de tous, et adopte une conduite responsable lorsqu’il exerce lesdites libertés.

Comme l’a dit lors des débats précédents ma collègue Françoise Laborde, il n’en reste pas moins que la responsabilité morale est un sujet complexe, qu’il faut prendre en compte. À cette fin, il est essentiel d’apporter une réponse à tous ceux qui, demain, vont se trouver confrontés à des décisions difficiles. Nous aurions préféré préserver l’article 1er dans la rédaction initiale du Sénat, mais le compromis trouvé en CMP paraît acceptable.

Il ne faudra pas que nous oubliions, tous autant que nous sommes, que l’heure n’est pas à la recherche de la responsabilité pour faute ; elle est à la responsabilité devant le défi de construire un nouveau projet collectif autour de cette nouvelle donnée qu’est l’existence du coronavirus. Je ne doute pas de l’inventivité dont les Français sont capables pour y parvenir.

Malgré toutes les réserves émises, sachant que les garde-fous introduits par le Sénat en première lecture ont été dans une grande proportion préservés, à l’article 6 notamment, et dans un esprit de responsabilité, la grande majorité du groupe du RDSE votera pour ce texte. (Mme Françoise Laborde et M. Joël Guerriau applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons donc pu nous mettre d’accord sur une série de dispositions législatives qui nous plaçaient devant de très hautes responsabilités.

Ce travail législatif s’est assorti d’une très forte volonté de perfectionner la loi et de tenir compte de l’ensemble des impératifs d’intérêt général. Et je souhaite souligner la part extrêmement importante et positive qu’a prise Philippe Bas, en sa qualité de rapporteur du Sénat, dans le bon aboutissement de ce travail.

Nous pouvions vois, dès l’entrée dans l’hémicycle, que nous avions tout pour aboutir, puisque n’était annoncé aucun projet d’amendement du Gouvernement. La commission mixte paritaire est le seul moment du processus législatif, dans le système constitutionnel français, où le Gouvernement n’a pas à participer. Lorsque ce moment trouve son terme, le Gouvernement est amené, en quelques minutes, à prendre une décision : l’ensemble cohérent auquel la CMP est parvenue lui convient-il – auquel cas il n’y touche pas –, ou bien demande-t-il une retouche ?

Nous pouvons donc considérer que nous avons bien travaillé, dans un esprit de conciliation et de responsabilité qui remplit l’ensemble des cases de nos devoirs.

Je voudrais revenir un instant sur notre débat relatif à l’article 1er, et notamment à son III, qui précise les conditions dans lesquelles s’exercera le cas échéant la responsabilité pénale de toutes les personnes physiques – nous y mentionnons les autorités locales, en premier nos amis les maires, mais aussi les autorités départementales et régionales, ainsi que les employeurs.

Ce texte maintient les principes essentiels du code pénal et prévoit que, dans un état de crise reconnu par la loi, le juge exerce son appréciation en tenant compte de cette situation de crise.

Deux questions vont se poser dans les jours qui viennent devant le juge constitutionnel.

La première : ce texte présente-t-il un lien direct ou indirect avec l’objet du projet de loi qui nous a été présenté ? Cette question est toujours étudiée avec une grande vigilance par le juge constitutionnel. Je voudrais plaider que le lien est bien direct, puisque l’objet de la loi est de maintenir l’état d’urgence sanitaire, lequel place l’ensemble des détenteurs d’un pouvoir de décision face à une situation dans laquelle les conditions d’exercice de leurs missions sont dégradées et l’ampleur de leurs responsabilités aggravée. Ce point me paraît donc en lien direct avec l’objet du projet de loi qui nous a été présenté.

Deuxième sujet sur lequel se penchera forcément le juge constitutionnel : portons-nous atteinte à la séparation des pouvoirs en expliquant au juge comment il doit juger ? C’est un sujet d’appréciation difficile, sur lequel nous avons souvent l’occasion de débattre. Il me semble que, en prévoyant que le juge doit apprécier la situation en fonction de l’état de crise reconnu par la loi, mais – et c’est là l’apport exact du président Bas – en plaçant les conditions d’exercice de ce pouvoir d’appréciation dans le cadre du code de la santé publique – autrement dit, ces conditions ne sont déclenchées que chaque fois qu’est actionné l’état d’urgence sanitaire, qui est un état d’exception défini par la loi – et en respectant les principes du code pénal, nous obéissons bien à l’impératif de laisser le législateur là où il doit être et le juge là où il doit exercer son office.

Je terminerai, monsieur le président, en soulignant le bon travail qui a été fait sur les deux sujets qui posaient des problèmes de compatibilité entre l’urgence de santé publique et les libertés, à savoir, d’une part, le confinement et la quarantaine, et, d’autre part, le système d’information. Je crois que nous avons, les uns et les autres, été scrupuleux ; nous avons fixé les justes bornes là où elles devaient être pour permettre l’action de la santé publique sans entraver les libertés individuelles plus que nécessaire. Il me semble donc que nous pouvons, avec la conscience tranquille, donner notre approbation à ce projet ainsi modifié et complété. C’est ce que fera la totalité des membres du groupe que je représente. (M. le rapporteur applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues – tant présents dans l’hémicycle que suivant nos débats à distance –, nous sommes rassemblés aujourd’hui pour achever l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire.

La situation a beaucoup évolué depuis ces jours de mars dernier durant lesquels nous avions adopté le projet de loi créant le régime de l’état d’urgence sanitaire. Le confinement et les mesures votées ont sauvé de nombreuses vies, donnant à nos soignants le temps nécessaire pour faire face à la première vague de l’épidémie. Et ils y ont fait face, avec un engagement et un dévouement remarquables, que je ne saurais manquer de saluer, une fois de plus, mais certainement pas une fois de trop !

Durant cet intervalle, au-delà des soignants, nombre d’autres Françaises et Français, employés dans les secteurs essentiels, se sont également engagés sans compter. Dans le cadre de la mission de suivi de la commission des lois, nous avons pu identifier toute l’étendue de leur rôle crucial.

Aujourd’hui, le déconfinement est amorcé, en France comme chez nos voisins européens. Il est nécessaire. Néanmoins, à l’heure où le virus demeure trop méconnu, cette fin des mesures de protection les plus strictes devra à tout prix être accompagnée d’une poursuite des mesures de distanciation sociale et du respect le plus strict des gestes barrières. Ce sont les meilleures garanties pour que la propagation du virus ne reprenne pas de plus belle.

Le déconfinement n’est pas tant un retour à la vie normale à un instant t que l’amorce d’un processus de retour à la vie normale.

Pour atteindre ce dernier objectif, que nous partageons tous, le Gouvernement a récemment annoncé un certain nombre de mesures. Le présent projet de loi pérennisera leur mise en œuvre dans le cadre d’un état d’urgence sanitaire prorogé jusqu’au 10 juillet. Et il permettra la création des outils informatiques destinés à la lutte contre la maladie à l’heure où le confinement cesse graduellement.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des points de ce projet de loi, qui ont pour la plupart été abondamment discutés, malgré le calendrier d’examen extrêmement resserré d’un texte qui, je le souligne, a été présenté en conseil des ministres il y a tout juste une semaine. Permettez-moi cependant de m’arrêter sur trois des sujets qui me semblent les plus importants.

Le premier de ces sujets était paradoxalement absent du texte initial. Il s’agit naturellement de la question de la responsabilité en temps d’épidémie de Covid-19. Cette question a fait l’objet de débats juridiques et politiques abondants parmi nous, ainsi que chez nos collègues députés.

Face à une situation exceptionnelle, qui justifiait l’octroi au Gouvernement de pouvoirs exceptionnels, il aurait été inenvisageable de prétendre que la responsabilité d’un maire, d’un chef d’entreprise, d’un directeur d’école ou du directeur des services d’une collectivité ne doive pas être clarifiée.

Le Sénat a proposé, sur l’initiative du président de la commission des lois, un dispositif qui avait le mérite de donner aux acteurs de terrain les garanties nécessaires sans organiser l’irresponsabilité, contrairement à ce qui a parfois été prétendu de manière aussi inexacte qu’imprudente. Ce dispositif n’a pas prospéré à l’occasion de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, qui lui a préféré une rédaction qui élargissait l’irresponsabilité.

La commission mixte paritaire de ce matin a permis de discuter les mérites respectifs de chacune de ces rédactions, et d’aboutir à un compromis destiné à guider l’appréciation du juge. Grâce au texte de la CMP, il sera possible de distinguer l’importance respective des responsabilités de chacun en temps de crise, en faisant le départ entre, d’une part, ceux qui fixent le cap de la politique sanitaire et, d’autre part, ceux qui l’exécutent, sans impunité et, bien évidemment, sans blanchiment ni autoamnistie. Les responsabilités de chacun demeureront entières, mais ne pourront pas être appréciées de la même façon selon que la personne visée décide ou exécute.

Je dirai deux mots, ensuite, de la quarantaine.

Le Sénat a pris soin de mieux calibrer les modalités d’organisation des quarantaines pour les personnes entrant sur le territoire ou circulant entre la métropole et l’outre-mer. Il a renforcé les garanties dont bénéficient ces personnes, au nombre desquelles comptent les Français de l’étranger, afin que la quarantaine ne soit jamais plus gênante que strictement nécessaire. Les députés ont d’ailleurs reconnu l’intérêt de ces dispositions.

Quant à l’article 6 du texte, s’il est sans doute celui qui aura fait couler le plus d’encre, c’est à raison, car il y va de la manipulation et du partage de données relevant du secret médical au moyen d’un système informatisé. Je comprends les inquiétudes, très légitimes, que cela peut susciter.

D’une part, l’informatique a évidemment ses faiblesses et ses risques inhérents. Toute mise en œuvre d’un tel système devra faire l’objet, de la part du Gouvernement, de précautions en termes de sécurité des données sur lesquelles nous nous montrerons intraitables.

D’autre part, nous ne devons toucher au secret médical que d’une main légère.

Pourquoi y touchons-nous ? Parce que, en l’absence de vaccin ou de traitement, le suivi des contacts, le fameux contact tracing, est un outil essentiel du déconfinement, qui aidera à casser les chaînes de contamination. Il s’agit bel et bien de sauver des vies, ce qui justifie à nos yeux l’adoption d’un dispositif sortant du droit commun, mais d’application temporaire et soigneusement circonscrit par les travaux de notre assemblée, confirmés en CMP. Par ailleurs, nous avons évidemment fait en sorte d’exclure explicitement que toute application du type StopCovid puisse se fonder sur le présent texte.

L’heure n’est plus à la rhétorique guerrière. Elle est à la reprise prudente, adaptée et graduelle de la vie courante. Ce projet de loi doit permettre d’atteindre cet objectif. Le Sénat, pendant l’examen de ce texte, aura suivi le chemin qui a toujours été le sien dans la gestion de cette crise : exigence et écoute vis-à-vis du Gouvernement. La mission de contrôle de l’action du Gouvernement qui est la nôtre demeure plus que jamais importante.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, je salue à mon tour les avancées qui ont été réalisées ce matin au sein de la commission mixte paritaire en direction du texte du Sénat. Pour autant, je rappellerai, au nom de mon groupe et à titre individuel, cette réalité : nous ne sommes pas le Sénat, nous ne nous confondons pas totalement avec lui. De plus, les lois votées par la majorité du Sénat ne sont pas toujours celles que nous voudrions voir adopter.

Dans le texte issu des travaux du Sénat mardi dernier et discuté ce matin en commission mixte paritaire, figuraient certaines dispositions qui résultaient d’une dynamique positive entre la majorité du Sénat et le groupe socialiste, et nous les soutenions ardemment, d’autres qui procédaient d’un ralliement, d’un soutien de la majorité du Sénat à des amendements socialistes, et qui étaient soutenues aussi ardemment, enfin, d’autres dispositions qui ne suscitaient pas notre adhésion, en particulier toutes celles qui n’avaient pas été inscrites dans ce texte d’urgence sanitaire, déposé à la suite d’un projet de loi de finances rectificative, faisant suite lui-même à un premier projet de loi d’urgence sanitaire, tout cela précédant un troisième projet de loi d’urgence sanitaire que le Gouvernement a eu l’indélicatesse, à mon sens, d’adopter en conseil des ministres mercredi dernier, pendant que nous-mêmes ici étions encore en train de discuter de la deuxième loi relative à l’état d’urgence sanitaire, texte par ailleurs soumis au Conseil d’État dès le 16 avril. Cela signifie que, au moment où nous discutions dans l’hémicycle du deuxième projet de loi, le Gouvernement avait déjà préparé le troisième. Pourquoi n’en parlions-nous pas à ce moment-là ?

Ce qui manque à chaque étape du processus, c’est l’urgence sociale. Or nous ne pensons pas qu’il soit possible d’envisager une résorption de la crise sanitaire, une victoire contre l’épidémie, si celle-ci s’accompagne, comme c’est le cas, d’une augmentation de la pauvreté. La pauvreté est un facteur de crise sanitaire, elle est un risque sanitaire supplémentaire.

Je dirai un mot de ce fameux article 6 qui nous a beaucoup occupés. Il faudrait avoir une très grande confiance dans le Gouvernement – confiance que nous n’avons pas, disons-le clairement – pour considérer que nous donnons là un outil qui sera à la fois juste, efficace et indolore. Le point qui suscite la plus forte interrogation est son efficacité : où sont les étrangers en situation irrégulière, les SDF et tous ceux qui ne répondront pas à un coup de téléphone d’un des acteurs de la brigade mobile ? Où sont ces populations dans le dispositif ? Comment seront-elles considérées ? Quelle sera la participation des médecins ? L’avis du Conseil national de l’ordre des médecins qui vient d’être rendu tombe bien mal d’un certain point de vue…

Parce que ce texte ne prévoit ni la suppression des frais bancaires que nous avions votée à l’unanimité, ni la gratuité des masques, ni aucune mesure sur le chômage partiel, nous voterons contre ce texte. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, d’une part, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; d’autre part, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat statue d’abord sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions

Chapitre Ier

Dispositions prorogeant l’état d’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions relatives à son régime

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
Article 2

Article 1er

I. – L’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 est prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 inclus.

II. – Le chapitre VI du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un article ainsi rédigé :

« Art. L. 3136-2. – L’article 121-3 du code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur.

III. – L’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 est ainsi modifiée :

1° Le cinquième alinéa de l’article 4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la détention provisoire d’une personne a été ordonnée ou prolongée sur le motif prévu au 5° et, le cas échéant, aux 4° et 7° de l’article 144 du même code, l’avocat de la personne mise en examen peut également adresser par courrier électronique au juge d’instruction une demande de mise en liberté si celle-ci est motivée par l’existence de nouvelles garanties de représentation de la personne ; dans les autres cas, toute demande de mise en liberté formée par courrier électronique est irrecevable ; cette irrecevabilité est constatée par le juge d’instruction qui en informe par courrier électronique l’avocat et elle n’est pas susceptible d’appel devant la chambre de l’instruction. » ;

2° Après l’article 16, il est inséré un article 16-1 ainsi rédigé :

« Art. 16-1. – À compter du 11 mai 2020, la prolongation de plein droit des délais de détention provisoire prévue à l’article 16 n’est plus applicable aux titres de détention dont l’échéance intervient à compter de cette date et les détentions ne peuvent être prolongées que par une décision de la juridiction compétente prise après un débat contradictoire intervenant, le cas échéant, selon les modalités prévues à l’article 19.

« Si l’échéance du titre de détention en cours, résultant des règles de droit commun du code de procédure pénale, intervient avant le 11 juin 2020, la juridiction compétente dispose d’un délai d’un mois à compter de cette échéance pour se prononcer sur sa prolongation, sans qu’il en résulte la mise en liberté de la personne, dont le titre de détention est prorogé jusqu’à cette décision. Cette prorogation s’impute sur la durée de la prolongation décidée par la juridiction. En ce qui concerne les délais de détention au cours de l’instruction, cette durée est celle prévue par les dispositions de droit commun ; toutefois, s’il s’agit de la dernière échéance possible, la prolongation peut être ordonnée selon les cas pour les durées prévues à l’article 16 de la présente ordonnance.

« En ce qui concerne les délais d’audiencement, la prolongation peut être ordonnée pour les durées prévues au même article 16, y compris si elle intervient après le 11 juin 2020.

« La prolongation de plein droit du délai de détention intervenue au cours de l’instruction avant le 11 mai 2020, en application de l’article 16, n’a pas pour effet d’allonger la durée maximale totale de la détention en application des dispositions du code de procédure pénale, sauf si cette prolongation a porté sur la dernière échéance possible.

« Lorsque la détention provisoire au cours de l’instruction a été prolongée de plein droit en application du même article 16 pour une durée de six mois, cette prolongation ne peut maintenir ses effets jusqu’à son terme que par une décision prise par le juge des libertés et de la détention selon les modalités prévues à l’article 145 du code de procédure pénale et, le cas échéant, à l’article 19 de la présente ordonnance. La décision doit intervenir au moins trois mois avant le terme de la prolongation. Si une décision de prolongation n’intervient pas avant cette date, la personne est remise en liberté si elle n’est pas détenue pour une autre cause.

« Pour les délais de détention en matière d’audiencement, la prolongation de plein droit des délais de détention ou celle décidée en application du troisième alinéa du présent article a pour effet d’allonger la durée maximale totale de la détention possible jusqu’à la date de l’audience prévue en application des dispositions du code de procédure pénale.

« Les dispositions du présent article sont applicables aux assignations à résidence sous surveillance électronique. » ;

3° Après l’article 18, il est inséré un article 18-1 ainsi rédigé :

« Art. 18-1. – Par dérogation à l’article 148-4 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction peut être directement saisie d’une demande de mise en liberté lorsque la personne n’a pas comparu, dans les deux mois suivant la prolongation de plein droit de la détention provisoire intervenue en application de l’article 16 de la présente ordonnance, devant le juge d’instruction ou le magistrat par lui délégué, y compris selon les modalités prévues par l’article 706-71 du code de procédure pénale. Le cas échéant, la chambre de l’instruction statue dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 18 de la présente ordonnance. »

˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
Article 3

Article 2

L’article L. 3131-15 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° A Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

1° Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules et réglementer l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage ; »

2° Le 5° est ainsi rédigé :

« 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l’ouverture, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ; »

3° La première phrase du 7° est ainsi rédigée : « Ordonner la réquisition de toute personne et de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire. » ;

3° bis (Supprimé)

4° Après le 10°, il est inséré un II ainsi rédigé :

« II. – Les mesures prévues aux 3° et 4° du I du présent article ayant pour objet la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement ne peuvent viser que les personnes qui, ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’infection, entrent sur le territoire national, arrivent en Corse ou dans l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution. La liste des zones de circulation de l’infection est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. Elle fait l’objet d’une information publique régulière pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire.

« Aux seules fins d’assurer la mise en œuvre des mesures mentionnées au premier alinéa du présent II, les entreprises de transport ferroviaire, maritime ou aérien communiquent au représentant de l’État dans le département qui en fait la demande les données relatives aux passagers concernant les déplacements mentionnés au même premier alinéa, dans les conditions prévues à l’article L. 232-4 du code de la sécurité intérieure.

« Les mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement peuvent se dérouler, au choix des personnes qui en font l’objet, à leur domicile ou dans les lieux d’hébergement adapté.

« Leur durée initiale ne peut excéder quatorze jours. Les mesures peuvent être renouvelées, dans les conditions prévues au III de l’article L. 3131-17, dans la limite d’une durée maximale d’un mois. Il est mis fin aux mesures de placement et de maintien en isolement avant leur terme lorsque l’état de santé de l’intéressé le permet.

« Dans le cadre des mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement, il peut être fait obligation à la personne qui en fait l’objet de :

« 1° Ne pas sortir de son domicile ou du lieu d’hébergement où elle exécute la mesure, sous réserve des déplacements qui lui sont spécifiquement autorisés par l’autorité administrative. Dans le cas où un isolement complet de la personne est prononcé, il lui est garanti un accès aux biens et services de première nécessité ainsi qu’à des moyens de communication téléphonique et électronique lui permettant de communiquer librement avec l’extérieur ;

« 2° Ne pas fréquenter certains lieux ou catégories de lieux.

« Les personnes et enfants victimes des violences visées à l’article 515-9 du code civil ne peuvent être mis en quarantaine, placés et maintenus en isolement dans le même logement ou lieu d’hébergement que l’auteur des violences, ou être amenés à cohabiter lorsque celui-ci est mis en quarantaine, placé ou maintenu en isolement, y compris si les violences sont alléguées. Lorsqu’il ne peut être procédé à l’éviction de l’auteur des violences du logement conjugal ou dans l’attente d’une décision judiciaire statuant sur les faits de violence allégués et, le cas échéant, prévoyant cette éviction, il est assuré leur relogement dans un lieu d’hébergement adapté. Lorsqu’une décision de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement est susceptible de mettre en danger une ou plusieurs personnes, le préfet en informe sans délai le procureur de la République.

« Les conditions d’application du présent II sont fixées par le décret prévu au premier alinéa du I, en fonction de la nature et des modes de propagation du virus, après avis du comité de scientifiques mentionné à l’article L. 3131-19. Ce décret précise également les conditions dans lesquelles sont assurés l’information régulière de la personne qui fait l’objet de ces mesures, la poursuite de la vie familiale, la prise en compte de la situation des mineurs, le suivi médical qui accompagne ces mesures et les caractéristiques des lieux d’hébergement. » ;

5° Le dernier alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, est ajoutée la mention : « III. – » ;

b) Les mots : « des 1° à 10° » sont supprimés.

˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙

Article 2
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
Article 5

Article 3

L’article L. 3131-17 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa, les références : « 1° à 9° » sont remplacées par les références : « 1°, 2° et 5° à 9° du I » ;

3° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un II ainsi rédigé :

« II. – Les mesures individuelles ayant pour objet la mise en quarantaine et les mesures de placement et de maintien en isolement sont prononcées par décision individuelle motivée du représentant de l’État dans le département sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé. Cette décision mentionne les voies et délais de recours ainsi que les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention.

« Le placement et le maintien en isolement sont subordonnés à la constatation médicale de l’infection de la personne concernée. Ils sont prononcés par le représentant de l’État dans le département au vu d’un certificat médical.

« Les mesures mentionnées au premier alinéa du présent II peuvent à tout moment faire l’objet d’un recours par la personne qui en fait l’objet devant le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe le lieu de sa quarantaine ou de son isolement, en vue de la mainlevée de la mesure. Le juge des libertés et de la détention peut également être saisi par le procureur de la République territorialement compétent ou se saisir d’office à tout moment. Il statue dans un délai de soixante-douze heures par une ordonnance motivée immédiatement exécutoire.

« Les mesures mentionnées au même premier alinéa ne peuvent être prolongées au-delà d’un délai de quatorze jours qu’après avis médical établissant la nécessité de cette prolongation.

« Lorsque la mesure interdit toute sortie de l’intéressé hors du lieu où la quarantaine ou l’isolement se déroule, elle ne peut se poursuivre au-delà d’un délai de quatorze jours sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l’État dans le département, ait autorisé cette prolongation.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent II. Ce décret définit les modalités de la transmission au préfet du certificat médical prévu au deuxième alinéa du présent II. Il précise également les conditions d’information régulière de la personne qui fait l’objet de ces mesures. » ;

4° Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « III. – ».

˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙

Article 3
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
Article 5 bis A

Article 5

L’article L. 3136-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les agents mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l’article 21 du code de procédure pénale peuvent constater par procès-verbaux les contraventions prévues au troisième alinéa du présent article lorsqu’elles ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête. » ;

2° Avant le dernier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Les agents mentionnés aux 4° et 5° du I de l’article L. 2241-1 du code des transports peuvent également constater par procès-verbaux les contraventions prévues au troisième alinéa du présent article consistant en la violation des interdictions ou obligations édictées en application du 1° du I de l’article L. 3131-15 du présent code en matière d’usage des services de transport ferroviaire ou guidé et de transport public routier de personnes, lorsqu’elles sont commises dans les véhicules et emprises immobilières de ces services. Les articles L. 2241-2, L. 2241-6 et L. 2241-7 du code des transports sont applicables.

« Les agents mentionnés au II de l’article L. 450-1 du code de commerce sont habilités à rechercher et constater les infractions aux mesures prises en application des 8° et 10° du I de l’article L. 3131-15 du présent code dans les conditions prévues au livre IV du code de commerce.

« Les personnes mentionnées au 11° de l’article L. 5222-1 du code des transports peuvent également constater par procès-verbaux les contraventions prévues au troisième alinéa du présent article consistant en la violation des interdictions ou obligations édictées en application du 1° du I de l’article L. 3131-15 du présent code en matière de transport maritime, lorsqu’elles sont commises par un passager à bord d’un navire. »

Article 5
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
Articles 5 bis et 5 ter

Article 5 bis A

I. – Pour l’année 2020, la période mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles et au premier alinéa de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution est prolongée jusqu’au 10 juillet 2020 inclus.

II. – Pour l’année 2020, les durées mentionnées aux articles L. 611-1 et L. 641-8 du code des procédures civiles d’exécution sont augmentées de quatre mois. Pour la même année, les durées mentionnées aux articles L. 621-4 et L. 631-6 du même code sont augmentées de deux mois.

Article 5 bis A
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
Article 6

Articles 5 bis et 5 ter

(Supprimés)

Chapitre II

Dispositions relatives à la création d’un système d’information aux seules fins de lutter contre l’épidémie de covid-19

Articles 5 bis et 5 ter
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
Articles 6 bis et 6 ter

Article 6

I. – Par dérogation à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 et pour la durée strictement nécessaire à cet objectif ou, au plus, pour une durée de six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, des données à caractère personnel concernant la santé relatives aux personnes atteintes par ce virus et aux personnes ayant été en contact avec elles peuvent être traitées et partagées, le cas échéant sans le consentement des personnes intéressées, dans le cadre d’un système d’information créé par décret en Conseil d’État et mis en œuvre par le ministre chargé de la santé.

Le ministre chargé de la santé ainsi que l’Agence nationale de santé publique, un organisme d’assurance maladie et les agences régionales de santé peuvent en outre, aux mêmes fins et pour la même durée, être autorisés par décret en Conseil d’État à adapter les systèmes d’information existants et à prévoir le partage des mêmes données dans les mêmes conditions que celles prévues au premier alinéa du présent I.

Les données à caractère personnel collectées par ces systèmes d’information à ces fins ne peuvent être conservées à l’issue d’une durée de trois mois après leur collecte.

Les données à caractère personnel concernant la santé sont strictement limitées au statut virologique ou sérologique de la personne à l’égard du virus mentionné au présent I ainsi qu’à des éléments probants de diagnostic clinique et d’imagerie médicale, précisés par le décret en Conseil d’État prévu au présent I.

Le décret en Conseil d’État prévu au présent I précise les modalités d’exercice des droits d’accès, d’information, d’opposition et de rectification des personnes concernées, celles atteintes par le virus ou celles en contact avec ces dernières, lorsque leurs données personnelles sont collectées dans ces systèmes d’information à l’initiative de tiers.

La prorogation des systèmes d’information au-delà de la durée prévue au premier alinéa ne peut être autorisée que par la loi.

II. – Les systèmes d’information mentionnés au I ont pour finalités :

1° L’identification des personnes infectées, par la prescription et la réalisation des examens de biologie ou d’imagerie médicale pertinents ainsi que par la collecte de leurs résultats, y compris non positifs, ou par la transmission des éléments probants de diagnostic clinique susceptibles de caractériser l’infection mentionnés au même I. Ces informations sont renseignées par un médecin ou un biologiste médical ou sous leur responsabilité, dans le respect de leur devoir d’information à l’égard des patients ;

2° L’identification des personnes présentant un risque d’infection, par la collecte des informations relatives aux contacts des personnes infectées et, le cas échéant, par la réalisation d’enquêtes sanitaires, en présence notamment de cas groupés ;

3° L’orientation des personnes infectées, et des personnes susceptibles de l’être, en fonction de leur situation, vers des prescriptions médicales d’isolement prophylactiques, ainsi que l’accompagnement de ces personnes pendant et après la fin de ces mesures ;

4° La surveillance épidémiologique aux niveaux national et local, ainsi que la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation, sous réserve, en cas de collecte d’informations, de supprimer les nom et prénoms des personnes, leur numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques et leur adresse.

Les données d’identification des personnes infectées ne peuvent être communiquées, sauf accord exprès, aux personnes ayant été en contact avec elles.

Sont exclus de ces finalités le développement ou le déploiement d’une application informatique à destination du public et disponible sur équipement mobile permettant d’informer les personnes du fait qu’elles ont été à proximité de personnes diagnostiquées positives au covid-19.

III. – Outre les autorités mentionnées au I, le service de santé des armées, les communautés professionnelles territoriales de santé, les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, les équipes de soins primaires mentionnées à l’article L. 1411-11-1 du code de la santé publique, les maisons de santé, les centres de santé, les services de santé au travail mentionnés à l’article L. 4622-1 du code du travail et les médecins prenant en charge les personnes concernées, les pharmaciens, les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes prévus à l’article L. 6327-1 du code de la santé publique, les dispositifs spécifiques régionaux prévus à l’article L. 6327-6 du même code, les dispositifs d’appui existants qui ont vocation à les intégrer mentionnés au II de l’article 23 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ainsi que les laboratoires et services autorisés à réaliser les examens de biologie ou d’imagerie médicale pertinents sur les personnes concernées participent à la mise en œuvre de ces systèmes d’information et peuvent, dans la stricte mesure où leur intervention sert les finalités définies au II du présent article, avoir accès aux seules données nécessaires à leur intervention. Les organismes qui assurent l’accompagnement social des intéressés dans le cadre de la lutte contre la propagation de l’épidémie peuvent recevoir les données strictement nécessaires à l’exercice de leur mission. Les personnes ayant accès à ces données sont soumises au secret professionnel. En cas de révélation d’une information issue des données collectées dans ce système d’information, elles encourent les peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.

III bis. – L’inscription d’une personne dans le système de suivi des personnes contacts emporte prescription pour la réalisation et le remboursement des tests effectués en laboratoires de biologie médicale, par exception à l’article L. 6211-8 du code de la santé publique, ainsi que pour la délivrance de masque en officine.

IV. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par les décrets en Conseil d’État mentionnés au I après avis public conforme de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ces décrets en Conseil d’État précisent notamment, pour chaque autorité ou organisme mentionné aux I et III, les services ou personnels dont les interventions sont nécessaires aux finalités mentionnées au II et les catégories de données auxquelles ils ont accès, la durée de cet accès, les règles de conservation des données ainsi que les organismes auxquels ils peuvent faire appel, pour leur compte et sous leur responsabilité, pour en assurer le traitement, dans la mesure où les finalités mentionnées au même II le justifient, et les modalités encadrant le recours à la sous-traitance.

IV bis. – Le covid-19 fait l’objet de la transmission obligatoire des données individuelles à l’autorité sanitaire par les médecins et les responsables des services et laboratoires de biologie médicale publics et privés prévue à l’article L. 3113-1 du code de la santé publique. Cette transmission est assurée au moyen des systèmes d’information mentionnés au présent article.

V. – Le directeur général de l’union nationale des caisses d’assurance maladie mentionnée à l’article L. 182-2 du code de la sécurité sociale peut, en tant que de besoin, fixer les modalités de rémunération des professionnels de santé conventionnés participant à la collecte des données nécessaires au fonctionnement des systèmes d’information mis en œuvre pour lutter contre l’épidémie. La collecte de ces données ne peut faire l’objet d’une rémunération liée au nombre et à la complétude des données recensées pour chaque personne enregistrée.

VI. – Il est instauré un Comité de contrôle et de liaison covid-19 chargé d’associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre la propagation de l’épidémie par suivi des contacts ainsi qu’au déploiement des systèmes d’information prévus à cet effet.

Ce comité est chargé, par des audits réguliers :

1° D’évaluer, grâce aux retours d’expérience des équipes sanitaires de terrain, l’apport réel des outils numériques à leur action, et de déterminer s’ils sont, ou pas, de nature à faire une différence significative dans le traitement de l’épidémie ;

2° De vérifier tout au long de ces opérations le respect des garanties entourant le secret médical et la protection des données personnelles.

Sa composition, qui inclut deux députés et deux sénateurs désignés par les présidents de leurs assemblées respectives, et la mise en œuvre de ses missions sont fixées par décret.

Les membres du comité exercent leurs fonctions à titre gratuit.

VII. – L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures mises en œuvre par les autorités compétentes en application du présent article.

Ces dernières leur transmettent sans délai copie de tous les actes qu’elles prennent en application du présent article. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures.

Le Gouvernement adresse au Parlement un rapport détaillé de l’application de ces mesures tous les trois mois à compter de la promulgation de la présente loi et jusqu’à la disparition des systèmes d’information développés aux fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19. Ces rapports sont complétés par un avis public de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Article 6
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
Article 7

Articles 6 bis et 6 ter

(Supprimés)

Chapitre III

Dispositions relatives à l’outre-mer

Articles 6 bis et 6 ter
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
Article 8

Article 7

I. – Le livre VIII de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 3821-11 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la référence : « n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » est remplacée par la référence : « n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » ;

b) Au premier alinéa du 3°, la référence : « deuxième alinéa » est remplacée par la référence : « second alinéa du I » ;

c) Le 4° est ainsi rédigé :

« 4° Les sixième et septième alinéas de l’article L. 3136-1 ne sont pas applicables ; »

2° Le chapitre Ier du titre IV est ainsi modifié :

a) L’article L. 3841-2 est ainsi modifié :

– au premier alinéa, après le mot : « française », sont insérés les mots : « dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » ;

– au premier alinéa du 2°, après la référence : « premier alinéa », est insérée la référence : « du I » ;

– au dernier alinéa du même 2°, les références : « 1° à 9° » sont remplacées par les références : « 1°, 2° et 5° à 9° du I » ;

b) L’article L. 3841-3 est ainsi modifié :

– au premier alinéa, la référence : « n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » est remplacée par la référence : « n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » ;

– il est ajouté un 4° ainsi rédigé :

« 4° Les septième et huitième alinéas ne sont pas applicables. » ;

3° L’article L. 3845-1 est ainsi modifié :

a) Les références : « , L. 3115-7 et L. 3115-10 » sont remplacées par la référence : « et L. 3115-7 » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 3115-10 est applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre. »

II. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions. »

III. – À l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, après le mot : « ordonnance », sont insérés les mots : « , dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions ».

IV. – Par dérogation au troisième alinéa du II de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, le représentant de l’État peut s’opposer au choix du lieu retenu par l’intéressé s’il apparaît que ce lieu ne répond pas aux exigences sanitaires qui justifient son placement en quarantaine à son arrivée dans l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution.

Article 7
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 8

Le 4° de l’article 2 et le 3° de l’article 3 entrent en vigueur à compter de la publication du décret mentionné au même 3°, et au plus tard le 1er juin 2020.