M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 20 mars 2018 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune
 

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Dossier législatif : projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019
Discussion générale (suite)

Règlement du budget et approbation des comptes de 2019

Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019 (projet n° 653, rapport n° 665).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019
Article liminaire

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons – de nouveau, allais-je dire – dans cet hémicycle pour débattre du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019, à la suite à son adoption par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Ce nouvel examen doit nous permettre d’éclaircir les points de désaccord ayant pu émerger lors des précédentes discussions.

L’enjeu demeure celui de conduire un contrôle exigeant sur les dépenses de l’État de l’année 2019 et une gestion des finances publiques aussi exemplaire que possible. Je le rappelle d’emblée, le cap reste le même pour nous : sincérité budgétaire, responsabilité et confiance étaient les trois piliers de 2019 ; ce sont ceux de 2020 ; ce seront ceux de 2021 !

Le texte qui vous est présenté reprend celui qui a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, y compris les deux amendements votés en séance publique. Mais votre assemblée, je le rappelle, l’avait rejeté en première lecture.

J’ai entendu, ici même, au Sénat, mais également parmi certains groupes à l’Assemblée nationale, des réserves et inquiétudes sur lesquelles je souhaite revenir.

Tout d’abord, certains nous reprochent de mener une politique de rigueur, voire d’austérité.

Je réfute ces termes et souligne de nouveau que les résultats sont là : dédoublement des classes en primaire ; augmentation du pouvoir d’achat grâce à la hausse de la prime d’activité ; revalorisation du minimum vieillesse et de l’allocation aux adultes handicapés ; renforcement des moyens de nos forces armées et de sécurité – à titre d’exemple, les dépenses de la mission « Défense » ont augmenté de 4,4 % par rapport à 2018, à la suite de l’ouverture de crédits additionnels de 1,7 milliard d’euros dans le cadre de la loi de finances pour 2019.

Ces choix budgétaires, nous les avons faits tout en baissant la fiscalité des ménages et des entreprises, en particulier l’impôt sur le revenu. Ainsi, le taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB, supérieur à 45 % à la fin de 2017, n’est plus que de 43,8 % à la fin de 2019.

Nous avons ainsi tenu les engagements qui étaient les nôtres en 2019. Nous avons soutenu le pouvoir d’achat et encouragé le travail.

Nous avons défendu un projet ambitieux et concret d’investissement dans les compétences, afin de préparer l’avenir : le plan d’investissement dans les compétences, qui vise à former un million de demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés et un million de jeunes éloignés du marché du travail, représente un effort budgétaire sans précédent de plus de 13 milliards d’euros sur la période couvrant les années 2018 à 2022. En 2019, la montée en charge de ce programme a entraîné une dépense de 2,3 milliards d’euros, sur un total de crédits engagés s’élevant à 2,7 milliards d’euros.

Le budget consacré à la transition écologique témoigne aussi de la priorité accordée par le Président de la République et le Gouvernement à l’urgence écologique. En 2019, au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », les dépenses ont augmenté de 446 millions d’euros par rapport à l’année 2018, soit une progression de 3,4 %. Cela nous a notamment permis de renforcer la lutte contre le changement climatique, en particulier en finançant l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) de manière plus importante.

J’en profite d’ailleurs, alors que commenceront prochainement les débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour faire un rappel : toujours au titre de cet exercice 2019, mais aussi dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2020, c’est ce gouvernement qui, avant la crise sanitaire et le Ségur de la santé, avait porté l’objectif national des dépenses d’assurance maladie – Ondam – à son niveau moyen le plus élevé depuis plus de trois ans, même si, nous l’avons vu et nous le savions, les besoins pouvaient augmenter plus vite que les moyens ainsi accordés.

Au-delà du financement de ces priorités, je tiens néanmoins à réaffirmer que ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019 est aussi celui du redressement des comptes publics.

Sur ce point également, j’ai entendu ceux qui nous reprochaient un manque d’ambition, sans nécessairement tenir compte des résultats obtenus au final. Je souhaite rappeler que nous avons réalisé 1 milliard d’euros d’économie sur les dépenses pilotables de l’État au cours de l’exercice 2019, par rapport à ce qui était inscrit dans la loi de finances initiale.

Depuis le début du quinquennat, nous avons amélioré le solde public. Le déficit est passé de 2,9 % du PIB en 2017 à 2,3 % du PIB entre 2017 et 2018, puis à 2,1 % du PIB en 2019 – hors allégement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

Comme nous le savons toutes et tous, pour avoir passé de nombreuses heures, ce week-end, à échanger lors de l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR), la crise sanitaire, puis économique, est venue percuter nos efforts. Toutefois, dès l’an prochain, nous amorcerons le retour à une trajectoire de maîtrise de l’endettement et de responsabilité budgétaire, en concevant un plan de relance ciblé sur deux ans, fait de dépenses réversibles, et en maîtrisant l’évolution de la dépense pour ce qui concerne les budgets que je qualifierai d’« ordinaires ».

Nous y sommes vraiment attachés – c’est ce qui guide le travail que je dois réaliser, dans les semaines à venir, pour préparer le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 – et, pour cette raison, le présent projet de loi témoigne de la volonté de sincérité budgétaire du Gouvernement.

Je souhaite le dire de nouveau, car cette sincérité budgétaire est le fruit d’un travail collectif, avec les responsables de programme, la direction du budget et la direction générale des finances publiques.

La qualité de l’exécution budgétaire a d’ailleurs été soulignée par M. le rapporteur général en commission, et je l’en remercie.

Comme en 2018, le Gouvernement n’a procédé à aucune ouverture ou annulation de crédits par décret d’avance.

Les autorisations parlementaires ont été respectées et nous avons procédé à l’ajustement des prévisions budgétaires au plus près des évolutions, afin que les parlementaires connaissent exactement, au moment de leur vote, le montant des crédits et l’usage qui en sera fait. Nous avons réservé l’ouverture ou l’annulation de crédits au projet de loi de finances rectificative de fin de gestion, concevant cet exercice, contrairement aux décrets d’avance, comme un moment partagé avec les parlementaires.

Cette gestion maîtrisée s’est traduite par la baisse du niveau de mise en réserve de 8 % en 2017 à 3 % en 2019. Nous avons ainsi fait en sorte que les responsables du déploiement des politiques publiques sur le terrain puissent connaître, dès le début d’année, la réalité et la totalité des moyens dont ils disposent, puissent les engager de la manière la plus sereine, la plus autonome et la plus libre possible. C’est ce qui justifie cette baisse du taux de mise en réserve.

Nous conservons cette méthode, considérant que la confiance témoignée aux décideurs, la volonté de déconcentrer les décisions impliquent un taux de réserve bas et des prévisions budgétaires aussi fiables que possible.

Ce budget était à la fois exigeant et ambitieux, notamment dans ses choix d’investissement ; son exécution a respecté la même exigence et la même ambition. Nous continuerons à nous y astreindre pour les exercices budgétaires à venir.

C’est pourquoi je souhaite que le présent texte puisse trouver aujourd’hui, devant vous, une issue favorable. Je connais la qualité de nos discussions et je sais que nous partageons cette exigence et cette ambition. Ayant guidé l’élaboration de ce projet de loi de règlement, celles-ci doivent nous éclairer, aussi, pour les discussions à venir du projet de loi de finances pour 2021.

Si d’aventure, mesdames, messieurs les sénateurs, vous veniez à rejeter de nouveau ce texte, cela n’empêcherait en rien que nous continuions à travailler et échanger autour de l’exécution budgétaire, mais aussi de la préparation des futures échéances budgétaires.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Effectivement, monsieur le ministre, j’ai l’impression, dans une sorte de décalage horaire permanent, que nous nous voyons souvent en ce moment…

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. C’est un plaisir !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Plaisir partagé !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc réunis cet après-midi – avant de nous revoir demain pour examiner un autre texte – pour une nouvelle lecture du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019. Comme vous le savez, les huit articles de ce texte, adoptés par l’Assemblée nationale, ont été rejetés en première lecture par le Sénat et la CMP ayant suivi n’a logiquement pas été conclusive. Je doute donc que nous parvenions, cet après-midi, à trouver un accord.

Le désaccord ne porte pas sur l’autorisation parlementaire. Telle qu’elle a été donnée à l’occasion de la loi de finances pour 2019, celle-ci a été respectée. Sous cet angle, on ne peut contester ni les chiffres ni la sincérité de l’exécution du budget de 2019 – d’ailleurs, nous nous étions réjouis de n’avoir aucun PLFR et aucun décret d’avance en cours d’année ; nous nous sommes probablement réjouis trop vite puisque, pour 2020, nous en sommes au troisième PLFR !

La critique porte donc non pas sur l’exécution, mais sur le manque d’ambition du budget initial.

La loi de règlement du budget et d’approbation des comptes constitue aussi le résultat concret d’une politique fiscale et budgétaire. Or, dès l’origine, nous n’avions pas souscrit aux choix faits par le Gouvernement. Nous ne pouvons toujours pas y souscrire !

Quelles en sont les raisons ? J’en vois trois, que j’évoquerai très brièvement.

Nous considérons que le Gouvernement n’a pas su profiter de la croissance – nous en avions encore voilà quelques mois ; aujourd’hui, nous en sommes à environ - 11 % de PIB – et de la baisse de la charge de la dette pour commencer à redresser la situation structurelle des comptes publics.

C’est à ce titre, principalement, que le Sénat a décidé de ne pas adopter ce projet de loi de règlement et nous payons maintenant – je rappelle que demain, il y a presque coïncidence, nous examinerons les conclusions de la commission paritaire sur le troisième PLFR – les conséquences de ces choix.

Le Gouvernement, en 2019, n’a pas su créer les conditions qui nous auraient permis de disposer de marges de manœuvre budgétaires nous faisant aujourd’hui cruellement défaut, au moment où la France vit l’une des pires crises économiques qu’elle ait connues en temps de paix, et cela depuis plus d’un siècle.

Dans ce contexte, le projet de loi de règlement de 2019, qui nous fait revenir, en quelque sorte, au « monde d’avant » l’épidémie de covid-19, nous permet de tirer un bilan de la politique budgétaire conduite par la majorité, à un moment où un grand nombre d’indicateurs macroéconomiques étaient encore au beau fixe.

Contrairement à ce qui a pu être dit, monsieur le ministre, les chiffres ne sont pas bons pour 2019 !

Malgré une croissance de rattrapage qui, à l’époque, était de 1,5 %, le déficit public s’établit à 3 % du PIB en fin d’exercice ; l’endettement s’élève à 98,1 % ; la dépense publique a poursuivi sa progression, avec une augmentation de 1,8 % ; le taux des prélèvements obligatoires, même avec la bascule du CICE, atteint 44,8 % du PIB – toujours parmi les records enregistrés au sein de l’OCDE.

L’État, de son côté, voit son déficit budgétaire se creuser de 16,7 milliards d’euros par rapport à 2018, pour atteindre 92,7 milliards d’euros.

Bref, une fois l’ensemble des facteurs exceptionnels et discrétionnaires neutralisés, il apparaît que la politique gouvernementale a contribué à dégrader le solde de l’ensemble des administrations publiques de 0,5 point de PIB en 2019. Les dépenses du budget général, hors remboursements et dégrèvements, sont en croissance de 1,9 %.

Par ailleurs, des objectifs, pourtant peu ambitieux, n’ont pas été respectés. Je pense notamment aux ambitions affichées en début de quinquennat en matière de suppression d’emplois publics.

Enfin, l’année 2019 a été marquée par la mise en œuvre de mesures budgétaires et fiscales auxquelles le Sénat s’était opposé, et des réformes, comme celle du versement des aides personnalisées au logement (APL), véritable serpent de mer, n’ont pas été menées.

Le PLF pour 2019 aurait dû être celui des ambitions ; c’est celui des ambitions perdues, et cela se traduit dans son exécution !

J’y insiste, nous aurions pu dégager des marges de manœuvre, qui nous font aujourd’hui cruellement défaut. À cet égard, la comparaison avec notre voisin allemand est flagrante. L’Allemagne peut se permettre de consacrer plus à la relance, et ce sans attendre la fin de l’année, parce qu’elle dispose de marges de manœuvre que la France n’a pas.

Si nous sommes tant attachés à la réduction des déficits, monsieur le ministre, ce n’est pas du fait d’une quelconque orthodoxie budgétaire, d’un attachement aveugle à certains principes. C’est simplement, et nous le disions à l’époque de la présentation du PLF pour 2019, pour pouvoir disposer de marges de manœuvre en cas de catastrophe – nous avions sans doute envisagé un choc boursier ou pétrolier ; c’est une crise sanitaire qui est advenue, que personne, évidemment, n’avait su prévoir…

Oui, nous avions regretté que le texte n’ait pas d’ambition et ne nous permette pas de dégager de marges de manœuvre. Cela a malheureusement été le cas, et nous le payons aujourd’hui !

C’est pourquoi, en cohérence avec le vote intervenu en première lecture, la commission des finances propose au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

(Mme Hélène Conway-Mouret remplace M. David Assouline au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu des blocages visiblement irréductibles sur ce texte et de son adoption sans modification par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, mon intervention différera peu de celle que j’ai faite au cours de la première lecture.

Ce projet de loi de règlement des comptes de l’État de 2019 est désormais, comme nous l’avons dit, issu d’un autre monde, au regard de la situation inédite dans laquelle nous sommes plongés depuis l’émergence du virus SARS-CoV-2, situation face à laquelle nous devons continuer de suivre des mesures strictes de sécurité sanitaire, comme le port du masque dans les lieux clos.

Les propos nuancés et rassurants que l’on pouvait tenir l’an dernier quant aux perspectives de rééquilibrage et de redressement progressif des finances publiques ne sont hélas plus de mise.

Depuis la fin de mars dernier, l’Insee publie des points de conjoncture à échéances rapprochées, toutes les deux à trois semaines.

Le dernier point, publié le 8 juillet, a confirmé une chute d’activité de 17 % au deuxième trimestre de cette année, au lieu des 20 % précédemment estimés. Les créations d’entreprises ont néanmoins bondi de 60 % en mai. Enfin, l’Insee fait état d’une récession de 9 %, et non de 11 %, pour l’ensemble de 2020. Ce résultat, encore incertain, avait tempéré, modestement il est vrai, les prévisions les plus pessimistes.

Nous attendons donc avec une certaine impatience – pour ne pas dire une certaine inquiétude – le prochain point de conjoncture, qui doit être publié avant la fin du mois.

La principale bonne nouvelle du projet de loi de règlement est le déficit finalement contenu à 3 % en 2019.

M. Philippe Dallier. Si c’est ça la bonne nouvelle…

M. Jean-Claude Requier. Pourtant, les mesures à hauteur de 17 milliards d’euros prises pendant le mouvement des « gilets jaunes », en particulier la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, avaient fait craindre un nouveau dérapage des finances publiques. In fine, le solde 2019 est donc relativement fidèle à la loi de programmation de 2017, ce qui mérite d’être souligné.

De même, l’endettement s’était stabilisé autour de 98 % du PIB, et, pour la première fois depuis longtemps, on a constaté une baisse de la part de la dépense publique dans la richesse nationale, ainsi que du taux de prélèvements obligatoires.

Ces bons résultats sont dus en partie aux recettes perçues grâce aux fameuses primes d’émission sur la dette, dont j’ai parlé en détail en première lecture.

Certes, la réduction du déficit structurel aurait dû être plus importante. Il faut dire que le pilotage des dépenses de l’État est d’une extrême complexité et pas toujours d’une grande lisibilité, compte tenu des masses financières en jeu et de la multiplicité des administrations.

Par rapport au budget initial, certains crédits ont été revus à la hausse, comme ceux alloués à l’aide publique au développement, en hausse de 1 milliard d’euros, signe de l’importance accordée à cette politique publique et traduction de l’engagement présidentiel d’augmenter sa part dans la richesse nationale.

L’enseignement scolaire est, de loin, le premier poste de dépense, avec plus de 70 milliards d’euros de crédits. Si l’on exclut le paiement des intérêts de la dette, la défense arrive en deuxième position, avec une dotation fortement rehaussée depuis le début de ce quinquennat.

De façon générale, les grands périmètres budgétaires de l’État évoluent peu, ce qui traduit peut-être une difficulté à redéfinir, rationaliser et redéployer certaines de ses missions. La nouveauté de cette année est, bien sûr, le plan d’urgence de soutien à l’activité, dont nous avons voté la troisième extension avant-hier matin.

Toutefois, la maîtrise des dépenses s’est améliorée, grâce à des économies de gestion de l’ordre de 1 milliard d’euros. Cette bonne gestion permet d’afficher un déficit public à seulement, si je puis dire, 92,7 milliards d’euros, soit 15 milliards de mieux que dans la loi de finances initiale. Il aurait peut-être été encore plus faible sans le basculement complet du CICE en baisse de cotisations sociales.

Les objectifs de performance instaurés par la LOLF semblent atteints dans 50 % à 60 % des cas, ce qui est difficile à interpréter…

Enfin, je tiens à souligner la bonne tenue des comptes des collectivités territoriales. Depuis 2018, elles ont pleinement joué le jeu de la contractualisation et contenu leurs dépenses de fonctionnement. Elles ont joué un rôle essentiel d’acteurs de proximité dans la crise sanitaire, en commandant et en assurant l’approvisionnement en équipements de protection – masques et gels, notamment.

Certes, ces bons résultats globaux cachent des disparités importantes entre les territoires – la grande réforme de la péréquation reste à mener… Ils n’en méritent pas moins d’être soulignés, alors que nous sortons d’un cycle électoral compliqué, avec le report de plus de trois mois du second tour des élections municipales, et que certaines collectivités territoriales feront état d’une situation financière difficile cette année, compte tenu des effets de la crise.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’exercice budgétaire 2019 restera un moment de gestion améliorée des deniers publics. Espérons qu’il nous aidera à affronter le défi inédit qui est aujourd’hui devant nous !

Le groupe du RDSE votera majoritairement le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vrai que le chaînage vertueux voulu par les concepteurs de la LOLF entre l’adoption de la loi de règlement du budget et d’approbation des comptes et celle de la loi de finances initiale apparaît cette année singulièrement perturbé. De fait, il se lit moins bien, puisque nous venons d’adopter une troisième loi de finances rectificative.

Dans ce contexte, je le dis avec ironie, se plonger dans le présent projet de loi de règlement du budget de l’année 2019 ressemble, par certains côtés, à un exercice d’archéologie administrative et politique, tant cette époque paraît désormais lointaine : c’était le monde d’avant la crise sanitaire – autant dire, d’un point de vue budgétaire, la préhistoire.

Les chiffres de 2019 ont de quoi laisser songeur – à cet égard, je ne partage pas les analyses que j’ai entendues à cette tribune. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’ils font rêver… Toujours est-il qu’ils permettent de poser le débat.

Jugez plutôt : un déficit de 2,1 % du PIB, hors effet, certes, du CICE ; une dette de 98 % du PIB ; des dépenses publiques à 55,6 % du PIB, soit une baisse d’un point en deux ans ; des prélèvements obligatoires à 44 % du PIB, un taux en baisse, lui aussi, de près d’un point en deux ans – 21 milliards d’euros de baisses de prélèvements obligatoires entre 2017 et 2019 ! Par rapport aux prévisions, le déficit s’est réduit de 15 milliards d’euros, grâce à une bonne tenue des recettes, elle-même liée à la bonne tenue de l’économie.

Telle est la réalité de 2019. C’est pourquoi je ne partage pas l’analyse de la majorité sénatoriale, selon laquelle nous serions entrés dans la crise avec une situation catastrophique ; les quarante années de politique budgétaire qui ont précédé rendent humble de ce point de vue… Au contraire, nous y sommes entrés dans une situation budgétaire peut-être pas idyllique, mais en tout cas améliorée. C’est là une réalité – je le répète, un peu de recul conduit à un peu d’humilité.

Si je diverge avec la majorité sénatoriale, c’est aussi parce que l’objet d’une loi de règlement, soit une loi de constat, est de vérifier le respect des autorisations parlementaires. Or, à cet égard, il n’y a pas lieu de critiquer la sincérité de la loi de règlement et le respect des autorisations parlementaires ; d’ailleurs, le rapporteur général l’a reconnu.

Sans aller jusqu’à voter le texte, la majorité sénatoriale aurait donc pu s’abstenir. Or il semble qu’elle cherche une raison de voter contre le projet de loi de règlement. Qui veut noyer son chien l’accuse d’avoir la rage… Mais, je le répète, au regard de la définition d’une loi de règlement, il n’y a aucune raison de s’opposer à ce texte.

Certes, notre groupe le votera parce qu’il soutient la stratégie budgétaire sous-jacente, notamment en ce qui concerne la prime d’activité, la prime exceptionnelle, la baisse de l’impôt sur le revenu et les heures supplémentaires ; bien sûr, le projet de loi de règlement traduit ces orientations, que nous soutenons.

Reste que nous voterons ce texte aussi comme parlementaires, parce qu’il respecte, de façon améliorée, les autorisations parlementaires. Les résultats ont déjà été soulignés : un taux de réserve fortement réduit, aucun décret d’avance. De fait, par rapport à ce qu’est une loi de règlement, ce texte ne mérite pas réprobation !

Je voudrais tenter de tisser trois liens entre ce projet de loi et la période que nous vivons, marquée par l’adoption des projets de loi de finances rectificative et la relance à venir.

D’abord, le soutien aux entreprises, que d’aucuns appellent la politique de l’offre, était déjà dans la stratégie budgétaire du Gouvernement. Il doit être maintenu, car, on le sait, la relance passera par le soutien aux entreprises, notamment dans leurs transitions numérique et écologique. En effet, il faut améliorer notre PIB potentiel pour retrouver la croissance économique.

Ensuite, si, en période de baisse de l’activité, il ne faut pas réduire drastiquement la dépense publique – au contraire, nous l’accroissons –, il ne faut pas non plus augmenter les impôts, contrairement à ce que certains proposent. Nous devons donc maintenir notre stratégie de baisse d’impôts, s’agissant notamment de l’impôt sur le revenu, mais aussi de l’impôt sur les sociétés. Quand il y a moins d’activité et qu’il faut relancer l’économie, ce n’est pas le moment de réduire le pouvoir d’achat des ménages !

Enfin, nous devons continuer à nous endetter à des taux bas, comme le montre le présent projet de loi. Pour cela, nous devons nous attacher à la qualité de la dépense publique. Ce n’est pas parce que l’on dépense beaucoup, avec trois lois de finances rectificatives – je me réjouis que la commission mixte paritaire sur le troisième collectif ait été conclusive – et le plan de relance intégré au projet de loi de finances pour 2021, qui sera présenté à la fin du mois d’août, qu’il ne faut pas se préoccuper de la qualité de la dépense publique, notamment de l’investissement pour la souveraineté et la relocalisation de notre industrie. C’est grâce à une croissance de qualité et un retour au PIB potentiel que nous pourrons continuer à nous endetter à des taux bas, nous permettant de réduire le coût de la dette.

Mes chers collègues, ce projet de loi est un texte de clarté, de cohérence et de confiance !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons à nouveau du projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2019. Si l’exercice relève de la mécanique parlementaire habituelle, il peut aussi nourrir le débat politique, si l’on en a le goût.

Le Sénat a rejeté ce texte en première lecture, guidé par des analyses et des choix différents – cela va s’entendre. La commission mixte paritaire a ensuite échoué, du fait de l’opposition de la majorité sénatoriale. Chers collègues de la majorité, je vous le dis : vous avez cherché à faire valoir un semblant d’alternance politique…

Le récit est d’ailleurs bien huilé, puisque Julien Bargeton vient de renvoyer la balle à la majorité sénatoriale. Autrement dit : « Nous ne menons pas une politique de droite… » Le même jeu d’acteurs se reproduira demain. Pourtant, la majorité sénatoriale s’allie avec la majorité présidentielle pour aboutir à un troisième collectif budgétaire, dont le résultat est insuffisant.

Pour notre part, après avoir rejeté le budget 2019, nous continuerons à nous opposer à ses résultats, pour différentes raisons.

Les choix gouvernementaux de stratégie budgétaire depuis 2017 sont mauvais ; 2019 n’a pas fait exception, et l’avenir n’est guère plus glorieux : le Président de la République a artificiellement renouvelé l’équipage, tout en gardant le même cap. Alors même que le pays étouffe, l’exécutif continue de pressurer les moyens de l’État et des collectivités territoriales, détériorant inévitablement les services publics.

Dans le même temps, les choix opérés dégradent dans le long terme les finances publiques, puisque le Gouvernement multiplie les cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises. Un exemple : alors que la France compte environ 500 niches fiscales, le nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI) – un bon élément de langage – nous a fait perdre 2,9 milliards d’euros par an ; et il intègre à lui seul cinq niches !

La stratégie est mauvaise, car le raisonnement à son origine est, je vous le dis, dépassé. Les exigences de justice fiscale, d’écologie, d’un État plus juste, protecteur et égalitaire sont vues, à travers l’œillère macroniste, comme contre-productives et toujours coûteuses. Nous essayons pourtant, en relayant ces demandes des citoyennes et des citoyens, de faire comprendre qu’il ne s’agit pas de concurrence guerrière ou de rationalisation, mais de solidarité, de réduction des inégalités entre les personnes et entre les territoires, afin de mieux vivre et d’affronter collectivement la crise du covid-19.

Seulement voilà : le Gouvernement persiste à refuser de mettre à contribution ceux qui sont aujourd’hui en mesure de contribuer, alors même que des mesures comme le rétablissement d’un impôt sur les fortunes ou la plus forte taxation des dividendes font de plus en plus consensus…

De petites erreurs à la marge sont corrigées, de-ci de-là. Dont acte. Mais la trajectoire reste encore et toujours la même !

Vous continuez de faire croire que la France pourrait devenir un pays faisant fuir la richesse – quel effroi ! –, alors que, l’année dernière, chaque jour, bon an mal an, 183 personnes sont devenues millionnaires, ce qui représente une hausse de 11 %. La France se place ainsi au cinquième rang du palmarès mondial en nombre de millionnaires. Dans ces conditions, comment pouvez-vous encore nous faire croire que nous ne pouvons pas lutter efficacement contre la précarité et qu’il n’est pas possible de garantir des conditions de vie dignes à l’ensemble de nos concitoyens ?

L’État doit se mettre au service de nouveaux droits sociaux, de nouveaux droits environnementaux, plutôt que de les assécher par une déresponsabilisation générale en distribuant exonérations de cotisations et niches fiscales à tout-va, sans percevoir l’embrasement inévitable.

La responsabilisation, ce gouvernement n’a eu que ce mot à la bouche, pour parler des salariés et des personnes exclues de l’emploi – alors là, tout le temps ! Mais jamais pour demander aux entreprises de prendre leur part de responsabilité. De fait, il est enfermé dans les règles capitalistes : le capital d’abord ! C’est un choix…

Cette incohérence me rappelle une analyse de Christian Morel, sociologue travaillant sur les décisions absurdes : « Le personnel s’efforçait bien de respecter la jungle des procédures, mais restait aveugle à de graves failles de sécurité pourtant très visibles. »

Plutôt que de nourrir les rancœurs et les égoïsmes, défendons une République des communs, solidaire, qui aide véritablement les jeunes, renforce les moyens dans les écoles, investit dans les hôpitaux et donne des garanties aux élus locaux !

Pour cela, nous souhaitons lutter contre la fuite de capitaux, ce qui implique de ne pas réduire les effectifs du ministère de l’action et des comptes publics, comme le Gouvernement l’a fait.

Tant de gabegies insupportables ! La privatisation d’Aéroports de Paris, justifiée par la création d’un fonds inutile, en est une belle illustration.

La stratégie du tâtonnement du Gouvernement révèle son absence de vision. Sa politique austéritaire est inefficace, tant pour réduire le déficit que pour soutenir l’action publique.

L’État agit aujourd’hui pour limiter la crise économique : preuve que la société ne peut pas s’autoréguler. Malheureusement, le Gouvernement reste partisan du capital contre le travail – l’examen du dernier projet de loi de finances rectificative vient encore de le montrer – et livre la République en pâture aux marchés.

Le groupe CRCE votera contre le projet de loi de règlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)