Mardi 29 octobre 2019

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Proposition de loi tendant à assurer la neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l'éducation - Examen des amendements au texte de la commission

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous examinons les amendements de séance au texte de la commission sur la proposition de loi tendant à assurer la neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l'éducation.

Articles additionnels avant l'article 1er

M. Max Brisson, rapporteur. - Les amendements nos  12, 4, 6 et 7, en discussion commune, portent respectivement sur l'interdiction du port de signes et de tenues manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse dans l'espace public, les fonctionnaires, les élus locaux et le public assistant aux séances des assemblées délibératives des collectivités territoriales. Ils ne concernent donc pas l'école et, partant, ne respectent pas le périmètre de l'article 45 tel que nous l'avons défini lors de notre réunion du 23 octobre. Je vous propose de les déclarer irrecevables.

Les amendements nos 12, 4, 6 et 7 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Max Brisson, rapporteur. - Mêmement, les amendements nos  5 relatif au code du travail, 1 sur les maillots de bain confessionnels et 2 concernant les créneaux réservés par sexe dans les piscines n'entrent pas dans le périmètre de l'article 45 tel que défini par notre commission. Ils sont donc irrecevables.

Les amendements nos 5, 1 et 2 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 1er

M. Max Brisson, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement no  10 : l'adopter reviendrait à supprimer l'article 1er de la proposition de loi et donc l'objet du texte.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.

M. Max Brisson, rapporteur. - Notre commission a déjà rejeté l'amendement no  3 lors de sa précédente réunion. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Article 2

M. Max Brisson, rapporteur. - Par cohérence avec l'avis donné sur l'amendement no 10, je suis défavorable à l'amendement no  11.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.

Intitulé de la proposition de loi

M. Max Brisson. - L'amendement no  9 modifie le titre de la proposition de loi pour prendre en compte la terminologie utilisée dans le texte. J'aurais dû y penser ! Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 9.

La réunion est close à 14 h 5.

Mercredi 30 octobre 2019

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Organisme extraparlementaire - Désignation

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Avant que nos collègues Claude Kern et Christian Manable ne présentent leurs conclusions sur la mission d'information consacrée aux nouveaux territoires du sport, il nous appartient de désigner un sénateur et une sénatrice appelés à siéger au sein du Conseil d'évaluation de l'école, créé par l'article 40 de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance pour succéder au Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco). Dans le respect de la parité et du pluralisme des sensibilités politiques, je vous propose de désigner Laurent Lafon et Mireille Jouve membres de cette nouvelle instance d'évaluation.

Il en est ainsi décidé.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - En application de l'article 9 bis du Règlement du Sénat, les membres des organismes extra-parlementaires (OEP) sont tenus de présenter devant la commission compétente, avant chaque renouvellement du Sénat, une communication sur leur activité au sein de l'organisme au sein duquel ils ont été désignés. Il serait opportun que certains d'entre vous puissent nous présenter leur activité au sein de ces instances au mois de décembre.

Nouveaux territoires du sport - Examen du rapport d'information

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe, a confirmé le principe de la compétence partagée dans les domaines du sport et de la culture. Comme rapporteur pour avis, j'avais, à l'époque, soutenu le transfert des centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (Creps) aux régions. Alors que le Gouvernement tente d'afficher une politique du sport, il est apparu utile de réaliser un bilan de la nouvelle organisation territoriale en la matière. Le Sénat peut s'enorgueillir de son implication en faveur du sport ; la présente mission d'information s'inscrit dans ce cadre.

M. Christian Manable, co-rapporteur. - Notre mission a été créée en février dernier pour réaliser un bilan des dispositions relatives au sport dans la loi NOTRe. Son article 28 a prévu la régionalisation des Creps, réforme que chacun s'entend à considérer comme réussie : les régions ont apporté un nouveau dynamisme au réseau. Son article 90 a organisé le transfert, souvent déjà effectif, des équipements des départements aux métropoles. Son article 104 a confirmé le principe de la compétence partagée dans le domaine du sport. Enfin, son article 105 a ouvert la possibilité de mettre en place un guichet unique pour l'ensemble des aides et subventions dans le sport.

Les auditions menées au printemps ont visé à répondre à diverses interrogations. Compte tenu de la grande difficulté à mettre en place des guichets uniques, était-il envisageable de revenir sur certaines dispositions de la loi NOTRe ? Était-il, en particulier, possible de faire évoluer la clause de compétence partagée vers une clause de compétence répartie qui reconnaîtrait à chaque niveau de collectivité un champ d'action déterminé pour éviter les chevauchements et le saupoudrage des crédits ? Nous nous sommes également interrogés sur l'utilisation des conférences territoriales de l'action publique (CTAP) dans le sport, mais aucun interlocuteur ne les a évoquées. Comme le souligne un rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) de 2017, les CTAP ne sont encore guère utilisées par les élus.

Les auditions ont apporté deux éclaircissements précieux. D'abord, l'ensemble des associations d'élus locaux souhaite maintenir la clause de compétence partagée entre les collectivités, qui permet de conduire des politiques transversales utiles pour l'attractivité du territoire et les actions en faveur de la jeunesse. Pour beaucoup, sans cette compétence facultative, les initiatives - et donc des investissements dans le sport - seraient moindres. Ensuite, la création de l'Agence nationale du sport suscite de grandes inquiétudes. Installée en mars dernier par voie réglementaire, elle a succédé au Centre national pour le développement du sport (CNDS) sans que sa gouvernance territoriale ait été précisée. Les élus craignaient que l'agence ne soit pas opérationnelle avant longtemps, un délai de deux ans étant même évoqué par certains interlocuteurs.

M. Claude Kern, co-rapporteur. - Pour répondre à leurs inquiétudes, nous avons saisi l'opportunité d'un texte principalement consacré aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 déposé en juin sur le bureau du Sénat, qui comportait un article concernant l'Agence nationale du sport afin de préciser sa gouvernance territoriale. La loi du 1er août 2019 relative à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 comprend ainsi des précisions essentielles concernant la création des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs du sport. Leurs compositions respectives ont été précisées, ainsi que le principe de l'élection de leurs présidents. Le rôle du préfet a été circonscrit et le contenu de la convention qui lie l'agence à l'État clarifié.

L'apport de notre commission à ce texte n'aurait pas été possible sans le travail de la mission d'information. Forts de ce succès, nous avons souhaité entendre à nouveau l'ensemble des acteurs pour connaître leur sentiment sur cette nouvelle architecture. Si les apports du Sénat ont été salués, des craintes se sont exprimées sur les modalités d'application de la loi. En effet, le texte a volontairement conservé quelque souplesse s'agissant du fonctionnement des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs, car les associations ne souhaitaient pas figer un schéma qui aurait pu se révéler inadapté à certaines situations territoriales.

Cette souplesse était justifiée et nécessaire, mais elle conduit à des libertés d'interprétation dans le cadre des décrets d'application. En séance publique, hier soir, nous avons interpellé la ministre à ce sujet. Or, comme l'a rappelé son directeur général, la création de l'Agence nationale du sport, qui aura la charge de construire le financement des projets locaux, revient à coordonner et à structurer l'exercice de la compétence partagée. Nous avons donc estimé indispensable de préciser les contours des dispositions d'application, afin de préserver l'esprit de la loi voulue par le Parlement. Aussi, notre rapport d'information relève-t-il pour partie du suivi attentif de l'application d'une loi ; ce n'est pas le moindre de ses intérêts. Il en ressort une douzaine de préconisations, mises en regard avec les réponses reçues au questionnaire envoyé aux départements et aux régions. Souhaitons qu'elles soient entendues par le Gouvernement au moment où il s'attelle à la rédaction des décrets d'application qui devraient être publiés en janvier 2020.

Nos préconisations s'articulent autour de trois objectifs : permettre à toutes les collectivités territoriales de s'investir dans le développement du sport, veiller à ce que la nouvelle gouvernance territoriale du sport respecte les spécificités locales et prévoir des moyens suffisants de l'État pour résorber les déséquilibres territoriaux et développer la pratique sportive.

Notre première préconisation vise à maintenir le principe de la compétence partagée dans le domaine du sport pour les différentes collectivités dans le cadre d'une coordination territoriale étroite.

M. Christian Manable, co-rapporteur. - Nous proposons, au travers de la deuxième préconisation, d'assurer la présence d'au moins un Creps par région métropolitaine - la Bretagne, la Normandie et la Corse en sont dépourvues - et de veiller à intégrer les territoires ultramarins au maillage de la haute performance selon des modalités adaptées.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - La loi NOTRe n'a pas créé les Creps, mais les a transférés aux régions.

M. Claude Kern, co-rapporteur. - Dans les trois régions mentionnées par notre collègue Christian Manable, des structures existent, mais ne bénéficient pas de l'appellation ni du statut de Creps. Notre troisième préconisation consiste à renforcer la représentation des départements, des métropoles et des communes dans la gouvernance des Creps, afin de développer un maillage territorial favorable au développement du haut niveau. Cette possibilité existe, mais demeure peu appliquée.

M. Christian Manable, co-rapporteur. - Nous prévoyons, avec la préconisation n° 4, la présence de droit du président de la conférence régionale du sport ou de son représentant au sein du conseil d'administration des Creps.

M. Claude Kern, co-rapporteur. - Notre préconisation n° 5 propose d'associer l'Agence nationale du sport à la préparation et à la mise en oeuvre des conventions prévues entre les Creps et l'État.

M. Christian Manable, co-rapporteur. - La France est plurielle : il convient de tenir compte des particularismes locaux. En conséquence, notre sixième préconisation vise à préserver l'esprit de la loi du 1er août 2019 précitée, ouvrant la voie à une importante différentiation territoriale, afin de permettre un degré d'intégration variable selon les territoires.

M. Claude Kern, co-rapporteur. - Nous proposons, avec notre septième préconisation, de reconnaître que l'absence de chef de filât d'une collectivité dans le sport représente une condition du succès de la nouvelle politique territoriale fondée sur une démarche pleinement partenariale. Cette opinion est partagée par l'ensemble des associations d'élus locaux.

M. Christian Manable, co-rapporteur. - « Il faudrait un système commun pour réduire les contraintes, mais la conférence des financeurs doit être un lieu de consensus », nous indiquait David Lazarus, maire de Chambly et coprésident du groupe de travail Sports de l'Association des maires de France (AMF). Notre préconisation n° 8 consiste donc à instaurer un guichet commun au sein de chaque conférence des financeurs, respectueux des choix des collectivités territoriales, de préférence à un guichet unique risquant de créer une obligation de participation au financement. La nuance entre guichet unique et guichet commun peut sembler subtile, mais, en l'absence de consensus au sein d'un guichet unique, un projet peut se trouver bloqué.

M. Claude Kern, co-rapporteur. - Notre neuvième préconisation prévoit l'existence d'une conférence des financeurs permanente au niveau départemental et de chaque métropole.

M. Christian Manable, co-rapporteur. - Nous prévoyons, avec notre préconisation n° 10, que le secrétariat des conférences régionales du sport et celui des conférences des financeurs soient organisés par les collectivités territoriales par voie de convention dans le cadre de la compétence partagée.

M. Claude Kern, co-rapporteur. - Notre préconisation n° 11 vise à éviter un désengagement de l'État du financement des équipements sportifs locaux et à réaffirmer son rôle pour résorber les déséquilibres territoriaux et développer le sport pour tous.

M. Christian Manable, co-rapporteur. - Enfin, notre proposition n° 12 invite à négocier, dans les meilleurs délais, la convention entre l'État et l'Agence nationale du sport et à définir une trajectoire pluriannuelle ascendante des moyens en lien avec les besoins identifiés par le mouvement sportif et les représentants des collectivités territoriales et tenant compte des ressources disponibles croissantes issues du monde du sport - droits télévisés, paris sportifs, etc. L'État doit s'engager dans la durée, principe que le ministère de l'économie et des finances n'apprécie guère...

M. Claude Kern, co-rapporteur. - Dans la durée et de manière croissante !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je remercie nos rapporteurs pour leur travail qui aboutit à des propositions fortes et concrètes.

M. Jean-Jacques Lozach. - Je salue également le travail de nos collègues sur la déclinaison territoriale de l'Agence nationale du sport. La ministre l'a rappelé hier soir en séance publique : l'année 2020 verra la mise en place des conférences régionales du sport au premier semestre et celle des conférences des financeurs au second semestre. Pour autant, de nombreux éléments demeurent confus. Si le rôle, déterminant, des collectivités territoriales semble clair, qu'en est-il des relations entre les différentes instances de l'Agence sur le terrain ? Comment, par exemple, motiver le monde économique en faveur du sport pour tous ?

L'Agence nationale du sport doit se mettre en place rapidement et efficacement, car, depuis deux ans, l'écart se creuse entre le sommet - les fédérations nationales et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) - et la base - les clubs et les associations - laquelle n'a guère le loisir de se préoccuper de sujets administratifs. De fait, pour la première fois, le nombre de salariés associatifs diminue, ce qui cause de multiples difficultés. L'année 2020 sera effectivement cruciale.

Par ailleurs, les questions relatives aux conseillers techniques sportifs (CTS) et à la suppression des contrats aidés demeurent. Vie des clubs, jeux Olympiques : tout est lié. Or, les jeux Olympiques de 2020 ne se présentent pas sous les meilleurs auspices : à l'issue des derniers championnats du monde d'athlétisme, matière majeure des Jeux, la France se classe vingt-quatrième au rang des nations. Hélas, vos propositions ne devraient pas être retenues dans le cadre du projet de loi à venir dit sport et société, qui portera principalement sur les fédérations.

M. Michel Savin. - Je félicite à mon tour nos deux collègues. Les inquiétudes dont ils se sont fait l'écho s'agissant de l'Agence nationale du sport s'expliquent par l'absence de lisibilité de son organisation territoriale. Certaines régions sont davantage investies ; tout dépend du dynamisme des élus qui portent le projet. Veillons toutefois, comme notre collègue Nicole Duranton s'en inquiétait hier auprès de la ministre, à ne pas créer une politique territoriale du sport à deux vitesses. Faisons confiance aux acteurs ! L'Agence nationale du sport a été créée pour que les fédérations, l'État, les acteurs économiques et les collectivités territoriales dialoguent. L'objectif est d'importance : précédemment, les collectivités n'étaient pas consultées, alors qu'elles financent le sport à 80 %.

Vous proposez la création d'un guichet commun. Or, le guichet unique a été pensé pour éviter le financement d'équipements sportifs au détriment de la poursuite de certains objectifs. Les conférences régionales du sport et les conférences des financeurs visent à établir un consensus entre le développement des politiques sportives du ressort des fédérations et le financement des équipements par les collectivités. Il convient, si le guichet commun était retenu, d'éviter tout retour en arrière du travail collectif.

Je partage votre préoccupation s'agissant du risque de désengagement de l'État. Nous devons rester vigilants. Les préfets, représentants de l'État au sein des commissions d'attribution de la dotation d'équipement aux territoires ruraux (DETR), peuvent décider du financement d'équipements sportifs. Il ne faudrait pas qu'ils renvoient désormais les demandes des collectivités territoriales en la matière à l'Agence nationale du sport qui ne pourrait toutes les assumer.

Le Gouvernement a annoncé le dépôt d'un projet de loi dit sport et société au premier semestre de l'année 2020. Son périmètre s'annonce réduit, mais nous pourrions l'étendre à certaines propositions du rapport, ainsi qu'aux sujets afférents au sport et à la santé et au sport à l'école. Ne passons pas à côté d'une occasion unique d'en débattre.

Mme Annick Billon. - Je félicite nos rapporteurs. Pourquoi, dans les trois régions identifiées, les Creps n'en sont-ils pas véritablement ? Est-ce en raison d'un besoin de liberté et d'agilité ou par crainte d'une nouvelle organisation ?

L'investissement des régions, des départements et des métropoles dans le sport est variable. Le Gouvernement a érigé le sport pour tous et les liens entre le sport et la santé comme objectifs majeurs de sa politique. La DETR, déjà, est surchargée de demandes de financement : elle ne peut répondre positivement à toutes, ce qui handicape notamment les petites communes. Elle ne doit pas constituer, pour l'État, un moyen de se désengager.

M. Jean-Marie Mizzon. - J'adresse mes félicitations à nos collègues. Votre troisième préconisation évoque le renforcement de la représentation des départements, des métropoles et des communes dans la gouvernance des Creps. Pourquoi ne pas avoir fait référence aux autres établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ?

Mme Maryvonne Blondin. - Je vous remercie pour ce travail de grande qualité. Vous êtes-vous intéressés à la vie des clubs, au rôle des bénévoles en leur sein et à la mission essentielle des centres de ressources et d'information des bénévoles (CRIB) ? Sans bénévole, le sport se trouvera en difficulté dans les territoires. Par ailleurs, les comités départementaux olympiques et sportifs s'inquiètent de leurs financements, ponctionnés par l'Agence nationale du sport et par le budget des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

M. Antoine Karam. - Avez-vous réfléchi à l'apport des Outre-mer au sport national ? Je pense notamment au volley, au basket et à l'aïkido. Nous aurons également un représentant en équipe de France de bobsleigh aux prochains jeux Olympiques.

M. Jacques-Bernard Magner. - Je félicite également nos deux rapporteurs. Dans le rapport commis avec Alain Dufaut sur les emplois aidés, j'évoquais les conséquences probables de leur suppression dans le sport. Cela s'est, hélas !, vérifié et je crois utile d'évaluer plus finement l'impact de la pénurie de bénévoles et d'actifs sur l'encadrement des pratiques sportives.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je souhaite compléter la question de Jean-Marie Mizzon. Dans les régions dépourvues de Creps, avez-vous étudié la structure qui s'y substitue ? Est-ce efficient ? Lors des débats sur la loi NOTRe, j'avais souligné que les régions souhaitant un Creps devaient être aidées financièrement par l'État. Qu'en est-il effectivement ? Enfin, selon quelles modalités une collectivité territoriale qui ne le finance pas peut-elle être associée à la gouvernance d'un Creps ?

M. Claude Kern, co-rapporteur. - Hier, la ministre indiquait que le monde économique pouvait localement être représenté par la société civile.

M. Jean-Jacques Lozach. - Et par les usagers du sport !

M. Claude Kern, co-rapporteur. - J'avoue ne pas avoir parfaitement saisi son propos... Nous lui remettrons, quoi qu'il en soit, notre rapport en mains propres.

Monsieur Savin, l'organisation choisie par une région peut difficilement être dupliquée ; elle dépend des personnes en charge du dossier - je pense notamment à Jean-Paul Omeyer, vice-président de la région Grand-Est chargé des sports - et de leur engagement. L'objectif de l'Agence nationale du sport est de faire travailler ensemble les différents acteurs, entre lesquels il est parfois difficile de trouver un compromis. Nous proposons un guichet commun en raison de l'échec du guichet unique, qui fonctionne mal : si un partenaire s'oppose à un projet, il reste bloqué, comme celui de l'Arena du club de basket Strasbourg Illkirch-Graffenstaden (SIG) du fait des atermoiements de l'Eurométropole propriétaire de la salle. En outre, la loi NOTRe n'a pas intégré les fédérations au guichet unique. Dès lors, un guichet commun nous apparaît plus opérationnel.

M. Christian Manable, co-rapporteur. - Madame Billon, les trois régions privées de Creps en étaient dotées avant 2010, mais elles se sont trouvées privées de leur label. Pour autant, des structures comparables aux Creps existent sous forme de groupement d'intérêt public (GIP) en Bretagne et en Normandie.

M. Claude Kern, co-rapporteur. - L'Agence nationale du sport a inscrit 500 000 euros pour les trois régions concernées et les territoires ultramarins. Se posera ensuite la question de l'investissement de l'État, notamment sur le sport de haut niveau.

M. Christian Manable, co-rapporteur. - Madame Blondin et Monsieur Magner, n'y voyez aucune inconvenance, mais vos questions n'entrent pas dans le champ de la mission d'information. Pour autant, nous reconnaissons évidemment le rôle majeur joué par les bénévoles dans les associations sportives et regrettons la suppression des emplois aidés, notamment dans les communes rurales.

M. Claude Kern, co-rapporteur. - Madame Billon et Monsieur Savin, je vous renvoie, s'agissant de la DETR, à notre préconisation n° 11 relative au désengagement de l'État.

Monsieur Mizzon, vous avez évoqué la conférence des financeurs et le rôle respectif des métropoles et des autres EPCI. La loi NOTRe a transféré la compétence sport aux métropoles, mais il demeure possible de mettre en place des conférences ponctuelles sur certains projets ; le dispositif est évolutif.

Monsieur Karam, nous avons envoyé un questionnaire à tous les départements et les collectivités d'Outre-mer, sans recevoir, hélas, la moindre réponse.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Vous n'avez pas répondu à ma question relative aux modalités d'intégration des différentes collectivités territoriales à la gouvernance des Creps.

M. Christian Manable, co-rapporteur. - Notre préconisation n° 3 en fait mention.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Pourquoi les métropoles sont-elles traitées différemment des autres EPCI ? Pourquoi intégrer à la gouvernance des Creps des collectivités territoriales qui ne participent pas à son financement ? Ne confondons pas les Creps et les conférences.

M. Claude Kern, co-rapporteur. - Notre rapport développe plus précisément que les collectivités compétentes, dont les EPCI, doivent être représentées au sein des instances de gouvernance des Creps.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie. Votre travail nous fournit d'intéressantes perspectives pour les échéances législatives à venir.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

Audition de M. Dominique Boutonnat, président du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mes chers collègues, nous auditionnons pour la première fois M. Dominique Boutonnat, nommé président du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) le 24 juillet dernier. Monsieur le président, soyez le bienvenu en ces lieux.

Votre nomination intervient alors que l'édifice français de financement des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles est fragilisé par la montée en puissance des plateformes de streaming, qui contribue à l'assèchement des ressources financières. Le Gouvernement vous avait d'ailleurs confié une mission sur le financement des oeuvres, que vous étiez venu présenter aux rapporteurs et à moi-même avant l'été.

Nous sommes donc impatients de vous entendre nous exposer votre vision non seulement du rôle du CNC, mais également des évolutions à venir qui permettraient de contribuer à préserver notre exception culturelle, je pense bien entendu au projet de loi sur l'audiovisuel qui va nous occuper dès le début de l'année prochaine. Je vous rappelle que la commission est représentée par M. David Assouline, qui siège au conseil d'administration du CNC.

M. Dominique Boutonnat, président du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). - Je vous remercie de me recevoir à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2020. Je suis très touché de me trouver au Sénat, car mon grand-père, Julien Brunhes, a été sénateur durant dix-huit ans, et j'ai dans ce palais des souvenirs d'enfance.

Je voudrais revenir sur le contexte positif pour notre secteur, à l'initiative du Gouvernement, dans lequel s'inscrit ce projet de loi de finances.

La réforme de la régulation de l'audiovisuel lancée par le ministre Franck Riester donnera lieu à une loi afin de refondre sur une base plus large les contributions de tous les diffuseurs, y compris les nouvelles plateformes. Ce texte passera en conseil des ministres fin novembre ou début décembre et le Parlement en discutera dans le courant du premier trimestre de 2020.

J'ai rédigé l'année dernière un rapport sur le financement privé qui contenait des projections et des prospectives sur le financement du secteur. Nous estimons que, dans les trois à cinq ans à venir, les financements privés, essentiellement, baisseront de 130 à 300 millions d'euros, alors même que la multiplication des plateformes crée une demande de contenu plus forte. Il y a là un problème que ce projet de loi sur l'audiovisuel doit résoudre.

Il s'agit par ce texte de rappeler clairement les fondamentaux de l'exception culturelle française : le respect du droit d'auteur à la française, une production indépendante des diffuseurs, un soutien à la diversité culturelle et la logique de préfinancement.

Ce texte tendra également à étendre le financement des diffuseurs aux plateformes qui visent le public français.

Le tout, enfin, en laissant une large place à la concertation : les décrets fixeront des niveaux minimums d'investissements, qui pourront être dépassés par les accords entre les plateformes et les diffuseurs, sur l'investissement comme sur l'indépendance.

La réforme fiscale du CNC s'inscrit elle-même dans ce contexte. Elle a pour but d'assurer une meilleure équité entre nos éditeurs hertziens traditionnels, qui acquittent la taxe sur les services de télévision « éditeurs » (TST-E) à 5,65 % et les services de médias audiovisuels à la demande, redevables de la taxe sur la vidéo (TSV) à 2 %.

Les plateformes, notamment américaines, contribuent déjà, par cette taxe, à une approche volontaire et positive d'intégration à notre système. On pense souvent, à tort, qu'elles refusent d'investir, mais ce n'est pas le cas, nous en discutons et elles sont disposées à l'intégrer dans leur modèle. Certes, nous allons maintenant leur imposer de nouvelles contraintes.

La réforme répond à une logique : l'ensemble des acteurs de la diffusion doit participer au financement de la création. Le taux unifié sera donc fixé pour tout le monde à 5,15 %, afin de garantir une fiscalité plus neutre entre acteurs concurrents.

S'il faut aller plus loin dans la simplification, nous le ferons l'année suivante, avec l'objectif de remplacer les trois taxes que sont la TST-E, la taxe sur les services de télévision « distributeurs » (TST-D), et la TSV, par deux taxes concernant respectivement l'édition de contenus et l'accès à internet.

Sur le financement du CNC, je suis très transparent. Depuis 2012, les recettes des taxes affectées se sont stabilisées sous un palier de 700 millions d'euros. Les réserves constituées entre 2005 et 2012 ont été consommées, car la courbe des dépenses est passée au-dessus de celle des recettes.

L'État a prélevé 60 % du fonds de réserve, le reste a été utilisé pour équilibrer le budget du CNC entre 2012 et 2018, au bénéfice d'actions de transformation du secteur, en particulier la numérisation des salles, une des meilleures opérations de ce type réalisées en Europe, et celle des oeuvres. Ces réserves sont aujourd'hui épuisées.

L'année dernière, ma prédécesseur a mis en place un premier plan d'adaptation des aides touchant exclusivement l'audiovisuel pour 40 millions d'euros sur deux ans. Elle avait prévenu : l'effort suivant portera sur le cinéma. J'ai ainsi réuni le 8 octobre dernier les professionnels du secteur à l'occasion d'une commission « Chavane » exceptionnelle et je leur ai annoncé un nouveau plan d'économie de 15 millions d'euros afin de retrouver une trajectoire financière de dépenses équivalente à celle des recettes projetées sur les années à venir. Deux scénarios ont été évoqués au cours des réunions de travail qui ont débuté avec les professionnels : soit des économies ciblées sur certaines aides, soit un rabot général de 5 % sur toutes les aides destinées au cinéma.

Le sujet important que j'ai évoqué lors de cette réunion est, dès 2020, la revue générale de l'ensemble des aides du CNC à laquelle nous nous attellerons. J'en ai discuté avec les professionnels, qui relèvent tous un problème de lisibilité de l'ensemble du dispositif d'aides du CNC, vis-à-vis du secteur, des pouvoirs publics, comme du Parlement.

Il existe ainsi 91 aides différentes ; 30 nouveaux dispositifs à part entière et 51 systèmes de bonus ou de majoration sur les aides existantes ont été créés dans les dix dernières années. Au total, on compte donc 140 entrées différentes.

Début 2020, nous nous donnons six mois pour revoir globalement ces aides afin d'évaluer si elles répondent aux objectifs du CNC, que nous allons clarifier.

S'agissant des crédits d'impôt, le Sénat, qui en est à l'origine, y est attaché. Les chiffres de 2018 indiquent que vous aviez raison : les dépenses en France ont augmenté de plus de 500 millions d'euros par an depuis début 2016, par rapport à la période précédant la réforme. 30 000 emplois ont été créés sur 270 000 dans la filière et le taux de délocalisation des dépenses de tournage a été divisé par deux. Il s'agit d'un très gros enjeu pour le secteur, car des dispositifs d'attraction fiscale se mettent en place ailleurs. La Grande-Bretagne, par exemple, se prépare ainsi à pratiquer un véritable dumping fiscal dès que le Brexit interviendra, s'il intervient.

Le CNC a évalué la situation et vous avez été destinataires d'une étude région par région de l'impact des crédits d'impôt dont bénéficient le cinéma et l'audiovisuel. Après un rapport positif, le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale s'est montré inquiet d'éventuels abus. Nous travaillons sur des modifications pour préciser certains critères, mais il reste fondamental de ne pas créer d'instabilité fiscale : je suis bien placé pour savoir que les créateurs ont besoin de prévisibilité pour monter des tournages ou de la postproduction en France.

Nous entendons également développer d'autres sources de financement. Le CNC a une idée fondée sur le financement des oeuvres, nous travaillons à une approche complémentaire : l'aide aux entreprises. Le Fonds pour les industries culturelles et créatives, doté de 225 millions d'euros, est à ce titre essentiel. Il sera opérationnel dès novembre et comprend un « couloir » réservé aux industries du cinéma et de l'audiovisuel et opéré par Bpifrance avec l'expertise de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). En outre, l'IFCIC aura la possibilité de délivrer davantage de prêts participatifs dans le secteur.

Le CNC entend, en outre, faciliter les initiatives privées de financement par la mise en place de fonds privés spécialisés dans le cinéma ou l'audiovisuel. La loi PACTE a assoupli les modalités d'éligibilité du capital investissement à l'assurance-vie ou à l'épargne retraite ; aujourd'hui, le cinéma et l'audiovisuel peuvent être attractifs pour certains fonds. Nous y travaillons.

Enfin, nous opérons un travail de transparence du secteur, notamment en ce qui concerne la remontée des recettes. Ainsi, la modernisation du registre du cinéma et de l'audiovisuel (RCA) devra permettre aux financiers d'accéder aux contrats. Le suivi du CNC s'étendra à ces nouveaux outils, avec une conférence annuelle des financeurs.

Un autre axe d'évolution concernera la décentralisation et la mobilisation des collectivités territoriales. Nous signons des conventions avec les régions et l'État, à travers les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), sur la base de 1 euro investi par le CNC, 2 euros investis par les collectivités territoriales.

En matière de gouvernance, on entend souvent que le CNC a besoin de transparence. Il est vrai que son statut, entre administration centrale et établissement public, est particulier. Cela lui confère à la fois de l'agilité et la capacité tirée de la puissance publique. Il rend déjà des comptes à l'exécutif, au Parlement, aux corps de contrôle et aux professionnels du secteur. Je vois ainsi régulièrement le ministre de la culture et le ministre de l'économie et des finances. S'agissant du Parlement, vous êtes destinataires du document stratégique de performance que nous publions, deux parlementaires siègent à notre conseil d'administration, nous sommes très régulièrement auditionnés et le Parlement décide du niveau des taxes qui nous sont affectées. Quant aux corps de contrôle, depuis 2012, le CNC a été l'objet de cinq rapports de la Cour de comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires et de deux rapports de l'inspection des finances. Enfin, les professionnels sont consultés en amont de chaque réforme, ils participent au moins deux fois par an aux commissions « Chavane » et siègent dans les commissions qui attribuent les aides sélectives aux oeuvres.

J'ai toutefois entendu ce besoin de transparence, qui est mon leitmotiv. Le document stratégique de performance a été refondu, et, dès l'année prochaine, l'exécution pour 2019 vous sera transmise plus tôt dans l'année, au moment de l'examen du projet de loi de règlement.

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis des crédits du livre et des industries culturelles. - Vos documents sont en effet particulièrement clairs cette année et je vous en remercie.

Le CNC va mener en 2020 trois chantiers de front : la révision des soutiens, la réforme de la fiscalité affectée et le projet de loi sur l'audiovisuel. Dans quel état d'esprit abordez-vous ces échéances ?

M. Dominique Boutonnat. - Cela représente beaucoup de chantiers qu'il faut mettre en cohérence. La révision des aides ne vise pas seulement à faire des économies, pour remettre le budget à l'équilibre. C'est, certes, un prérequis, mais ce n'est pas très compliqué à réaliser dans les deux mois à venir : faire 15 millions d'euros d'économie sur 675 millions d'euros de dépenses, c'est à notre portée. La vraie question est la mise en cohérence de l'ensemble du dispositif d'aides avec les enjeux à venir. Le projet de loi sur l'audiovisuel devra donc nous permettre de faire entrer les plateformes dans le dispositif et de relancer les négociations avec les nouveaux entrants. Nous allons initier le dialogue avec eux, puis les représentants des producteurs s'y attelleront.

La réforme de la fiscalité affectée sera la mise en application des nouveaux dispositifs. Il faudra surtout travailler sur les nouveaux entrants que nous ne connaissons pas encore, comme Disney Plus, qui prévoit un investissement de 15 milliards de dollars par an dans la création, soit plus que Netflix. Les perspectives, toutefois, me semblent bonnes, et je vois cela positivement. J'ai ainsi rencontré hier un des plus grands producteurs d'animation français, donc un des meilleurs mondiaux, puisque la France est le deuxième producteur et exportateur au monde dans ce secteur, qui m'a informé que la première série d'animation non américaine commandée par Disney sera produite par un Français. Nous sommes donc capables de livrer de nouvelles oeuvres françaises pour une demande qui explose : mettons en perspective les 15 milliards de dollars de Disney et les 12 milliards de dollars de Netflix avec l'ensemble de l'investissement dans le cinéma et l'audiovisuel en France, soit 2,8 milliards. Il serait donc bon que nous parvenions à faire contribuer les plateformes et à leur proposer des oeuvres adaptées.

Le chantier du projet de loi sur l'audiovisuel va être lourd, en particulier pour les représentants des différentes professions, la révision des aides va être prenante pour nous, en ce qui concerne la fiscalité affectée, le chantier est déjà mené, mais il y a un quatrième point : nous devons retravailler la chronologie des médias. Ce sera un gros chantier, mais les différents points que j'ai évoqués en dépendent. Tous ces chantiers doivent être menés de front, parce que chacun a un impact sur les autres.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Notre commission a produit un rapport sur la chronologie des médias, qui a malheureusement été oublié pendant un an, ce qui a causé une perte de dynamique regrettable. Peut-être est-il encore d'actualité ?

M. Dominique Boutonnat. - Je vais le lire.

Ces réformes sont nécessaires, le secteur y est prêt, ce ne sera pas facile, mais il faut le faire maintenant.

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis. - Pensez-vous qu'il soit nécessaire de faire évoluer le modèle français basé sur le préfinancement et la production indépendante ? Le décret Tasca est considéré par certains comme garant de la diversité culturelle et d'autres l'accusent de bloquer l'ambition des productions.

M. Dominique Boutonnat. - Ces principes sont ancrés dans le projet de loi sur l'audiovisuel, notamment le préfinancement, dont le principe ne sera pas remis en cause. En revanche, celui-ci ne concernera pas l'ensemble du financement d'un film et d'autres leviers seront nécessaires. Nous devons déterminer comment les entreprises pourront assurer ce préfinancement et renforcer leurs capacités à le faire sur leurs fonds propres. Cette démarche s'inscrit donc dans le cadre du développement du financement des entreprises, et pas seulement des oeuvres. Il s'agit de défendre cet outil, qui est un des garants de la liberté et de la diversité de la création. De même, l'indépendance des producteurs vis-à-vis des diffuseurs garantit l'indépendance éditoriale dans leurs rapports avec les auteurs. Nous ne souhaitons pas introduire de producteurs exécutifs à la solde d'un diffuseur, ce qui est de plus en plus fréquent dans les chaînes de télévision comme dans les studios, et pas seulement dans les plateformes.

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis. - Votre rapport a suscité des remarques, d'aucuns craignant qu'il ne se superpose à votre feuille de route, ce qui aurait posé un problème de confiance avec la profession. Je suis aujourd'hui rassurée, et je laisse mes collègues aller plus loin.

M. Dominique Boutonnat. - La confiance dans le CNC n'a jamais été remise en cause, grâce à la qualité de ses équipes et à leur fidélité à ses fondements, mais je comprends que j'ai pu, personnellement, susciter des craintes, en raison de mon rapport professionnel avec le financement privé. Ces craintes sont légitimes, au moins pour ceux qui n'avaient pas lu mon rapport, car pour moi, le développement du financement privé est lié à la rentabilité, mais je n'ai jamais remis en cause ni le financement public ni le rôle du CNC. Au contraire, j'ai appelé à le renforcer, particulièrement dans cette période de transition, c'est pourquoi je considère que les crédits d'impôt et le non-plafonnement des taxes affectées sont essentiels.

J'ai renforcé la confiance en rencontrant beaucoup d'acteurs du secteur et j'ai le sentiment qu'elle a été restaurée.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Comme ma collègue, je vous félicite pour le document stratégique que vous nous avez transmis, il est remarquable. Dans le contexte d'une mutation de notre modèle économique, vous nous annoncez la réduction des dépenses du CNC de 15 millions d'euros, dont j'ai de plus entendu qu'elle pourrait bien passer à 25 millions d'euros, et la réduction des crédits de l'audiovisuel public.

Quel sera l'impact sur la création française de ces économies, malgré la contribution des plateformes ? Faut-il craindre une attrition des budgets de la création dans l'audiovisuel ?

Je voudrais également aborder la question du patrimoine cinématographique. Vos prédécesseurs disposaient de réserves budgétaires qui leur conféraient les moyens d'investir dans la restauration et la numérisation. Ces réserves étant maintenant consommées, quelle sera votre politique en vue de sanctuariser les moyens nécessaires pour mener à bien cette tâche et favoriser l'exposition de ce patrimoine ?

Nous avons toujours été un peu schizophrènes en France, avec une volonté de diversité, nous produisons beaucoup d'oeuvres, autour de 300 films par an, dont les deux tiers relèvent d'une initiative française, mais très peu de ces films trouvent leur public. Je ne souhaite pas parler de gaspillage, mais le mot est prononcé par certains de nos interlocuteurs. Que comptez-vous faire pour traiter ce problème dans ce contexte ?

S'agissant de la fiscalité, vous indiquez avoir défini un équilibre à 5,15 % pour l'ensemble des opérateurs, ce qui correspond à une baisse des taux pour les acteurs traditionnels, et à une augmentation pour les plateformes nouvellement arrivées. Ce taux ne posera aucune difficulté aux grosses plateformes, mais il me semble élevé pour les nouveaux acteurs plus petits - j'ai à l'esprit en particulier le projet Salto. Ne peut-on pas envisager des paliers entre 2 % et 5,15 % pour une durée limitée afin de faciliter l'entrée dans ce marché ?

M. Dominique Boutonnat. - Vous évoquez un risque d'attrition, mais le plan d'économie est limité à 40 millions d'euros pour l'audiovisuel et 15 millions d'euros pour le cinéma et sans doute pas 25 millions d'euros. Ce dernier chiffre ne serait retenu que si les recettes pour 2020 étaient inférieures à nos projections, ce que nous saurons plus tard.

M. David Assouline. - Avez-vous vraiment une incertitude à ce sujet, à 10 millions d'euros près ?

M. Dominique Boutonnat. - Le chiffre final dépend des entrées en salles, nous ne le connaissons pas. Le calcul n'est pas simple, il dépend du profil des films, en raison du taux de retour par rapport aux entrées pour les films français, qui ne concerne pas les films américains. En effet, on ne connaît pas les chiffres à l'avance à 10 ou 15 millions d'euros près.

Je ne crois toutefois pas que ces économies changeront l'équilibre global, surtout si le redéploiement de l'ensemble du système permet de limiter les pertes, avec, en particulier, un vrai travail de lutte contre la fraude. En 2019, cet effort a permis de dégager 12 millions d'euros supplémentaires. Je connais suffisamment bien le système de la production cinématographique pour savoir que l'on peut encore glaner quelques millions supplémentaires dans ce domaine.

Depuis 2016, les crédits d'impôt ont beaucoup augmenté, ce qui fait que le financement public - au-delà du seul budget du CNC - est, en 2019-2020 du même ordre qu'en 2016-2017. Je serai satisfait que ce financement augmente encore, mais en tout état de cause, il ne connaît pas de baisse significative.

S'agissant du patrimoine, en effet, l'utilisation des réserves pour la numérisation a été utile, mais aujourd'hui nous n'en avons plus. Nous maintenons un budget de 2,5 millions d'euros par an pour la restauration du patrimoine et nous allons lancer une grande campagne d'appel au mécénat, car le secteur est attractif. Nous pourrions obtenir ainsi beaucoup d'argent pour la restauration du patrimoine. Le mécénat est utilisé dans le domaine artistique et nous allons nous y mettre pour en bénéficier également. En outre, le budget de la Cinémathèque de France est maintenu.

Vous évoquez les films qui ne trouvent pas leur public. En effet, c'est de plus en plus compliqué pour certains films, en raison de la dispersion des entrées : beaucoup d'oeuvres font peu d'entrées et le succès se concentre sur certaines productions, qui peuvent être françaises, pas seulement américaines.

Je ne suis pas favorable à une politique malthusienne en matière de cinéma, mais je ne souhaite pas non plus une dispersion trop forte des aides du CNC. C'est un problème générationnel : la jeunesse va moins au cinéma et ne s'y rend que pour voir un certain type de films. Il y a donc un véritable travail d'éducation à l'image qu'il faut renforcer au niveau local. Le maillage de salles en France est exemplaire, ce qui nous permet d'y travailler. En outre, il faut amener ce type de cinéma vers ce public, là où il le consomme. Ce problème relève donc également de la chronologie des médias, un sujet lourd, politiquement compliqué, mais fondamental pour que nos films - donc notre identité, nos valeurs culturelles - puissent être vus par cette génération qui s'en écarte.

J'entends donc à la fois amener ce public vers les salles, et apporter la création là où cette génération consomme des oeuvres audiovisuelles. C'est là un des plus gros chantiers qui nous attend, nous en reparlerons après la redéfinition des objectifs du CNC et de l'État dans le secteur qui sera la boussole de la revue générale des aides. C'est un des grands objectifs qui s'étend sur les trois ans à venir, c'est-à-dire la durée de mon mandat.

La modulation des 5,15 % me semble en effet être une bonne idée, notamment pour les nouvelles plateformes. En dehors de Salto, on pourrait imaginer que des plateformes de niche se développent autour du patrimoine ou d'autres thématiques. C'est donc une bonne piste pour encourager de nouveaux entrants.

M. David Assouline. - Je représente le Sénat au conseil d'administration du CNC, dont je salue l'excellence du travail. Le mérite en revient, pour le passé, à Frédérique Bredin, à laquelle il faut rendre hommage. Je vous souhaite bon courage dans votre tâche, nous allons essayer de travailler ensemble, dans le cadre d'un contrôle parlementaire que vous affirmez vouloir renforcer. C'est en effet nécessaire : vous avez évoqué la complexité du système et je vous confirme que, même pour moi, ce fonctionnement est un peu abscons. Or le contrôle commence par savoir de quoi l'on parle.

Vous avez tout de suite dû affronter des questions qui nous parviennent à l'occasion des projets de loi de finances, comme le plafonnement des taxes affectées que certains cherchent à imposer. Votre proximité avec le Président de la République vous a été reprochée, mais en l'espèce, elle a été utile pour faire un sort à ces pressions. Bercy reviendra pourtant à la charge, comme chaque année !

J'ai une question sur le fonds de réserve et les économies. Le système fonctionnait bien jusqu'en 2012 et générait du surplus, qui n'était pas gaspillé, vous l'avez dit, puisque la numérisation nous a permis de garder un niveau de salles hors normes. Ces fonds n'étaient donc pas gâchés, mais l'État en a pourtant prélevé 60 %. Quand la situation est moins bonne, l'État impose des économies, mais ne rend pas les fonds qu'il a prélevés. Ce n'est pas satisfaisant, d'autant que vous faites encore face à des pressions énormes de Bercy. En période de mutation, comme celle dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, est-il normal, selon vous, que l'État, sans accorder d'aides, impose des économies de 15 ou 25 millions d'euros chaque année ?

Vous avez été critiqué à propos du financement privé, vous dites aujourd'hui que vous ne l'envisagez pas à la place du financement public, mais vous savez bien, pourtant, que plus vous vous livrerez au privé, plus l'État y trouvera des justifications pour se désengager. Je vous enjoins donc à faire attention à propos de ces 15 ou 25 millions d'euros d'économies.

Au Sénat, nous ne sommes pas seulement des conservateurs. Nous avons étés en pointe sur des questions fondamentales, comme le crédit d'impôt. Nous avions alors avancé, il est vrai au doigt mouillé, que les rentrées fiscales augmenteraient suffisamment pour compenser le coût fiscal de la mesure. Comme nous nous préparons à devoir encore argumenter, pouvez-vous nous indiquer le niveau de rentrées fiscales du secteur et nous dire s'il suffit à compenser le coût fiscal des crédits ?

Le Sénat a été en pointe dans un autre domaine : la taxe sur la vidéo, dite « YouTube », qui avait été fixée à 2 %. Vous en augmentez le taux à 5,15 %, et je vous soutiens, mais cette augmentation va seulement compenser la baisse que vous accordez parallèlement à l'audiovisuel classique. Envisagez-vous, dans les prochaines années, des entrées plus importantes issues de la taxation des plateformes ?

Nous discuterons en détail les différents points que vous avez évoqués à l'occasion du projet de loi sur l'audiovisuel, mais je vous demande de ne pas céder, en préparant ces économies dont je conteste l'esprit, à ceux qui prétendent qu'il y aurait trop de films. En effet, les films qui marchent bien ont besoin de moins d'aides, ce sont tous ces petits films qui n'y arrivent pas qu'il faut aider. Comme dans le sport, c'est dans le foisonnement que certains émergent.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Vous évoquiez un souvenir de famille au Sénat, je vais en passer par votre famille pour poser ma question. Je suis depuis longtemps le travail de votre frère Laurent, dont j'admire le génie, et je souhaite vous parler du lien entre l'image et le son, qu'il a opéré. Nous venons de créer le Centre national de la musique, comment percevez-vous cette nouvelle instance ? Quelles passerelles envisagez-vous entre le CNM et le CNC, dont les statuts sont toutefois différents ? Je suis convaincu que l'image et le son ont à se parler.

Mme Sonia de la Provôté. - Le cinéma d'animation est longtemps resté la part accessoire du CNC, vous avez évoqué les compétences françaises dans ce secteur et l'apport économique qu'il constitue pour toute la filière. Quelle dimension souhaitez-vous lui donner ? En outre, les grands artistes français existent dans le domaine, vous l'avez dit, mais les écoles spécialisées sont toutes privées et très chères.

Qu'en est-il du cinéma itinérant ? Il participe à l'aménagement du territoire grâce aux contractualisations avec les collectivités, mais il se trouve en grande difficulté face à la transition numérique, alors même qu'il donne souvent lieu à des événements sociaux très importants dans les communes.

Enfin, les multiplexes se positionnent de plus en plus sur le créneau de l'art et essai, avec des moyens financiers sans commune mesure avec ceux que peut mobiliser le secteur classique. Cela suscite une grande inquiétude de la part des salles indépendantes, et risque de tuer le foisonnement et la qualité de la production indépendante, et l'émergence de compétences dans le cinéma français pourrait se trouver mise en défaut. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

M. Laurent Lafon. - Vous avez évoqué le fonds pour les industries culturelles et créatives dont la création a été annoncée par le Président de la République et qui a été confié à Bpifrance, en indiquant qu'il comprendra un couloir réservé au cinéma et à l'audiovisuel. Quel en sera le montant ? La somme de 80 à 100 millions d'euros est souvent évoquée, la confirmez-vous ?

Vous annoncez pour 2020 une revue des aides du CNC, dont on comprend bien l'objectif : il s'agit d'en accroître la visibilité et l'efficacité. Vous avez évoqué le financement important des plateformes, dont des producteurs français pourront bénéficier. Les aides du CNC seront-elles dès lors davantage orientées vers ceux qui ne bénéficieront pas de ces nouveaux financements ? Le cinéma d'auteur, par exemple, ne profitera sans doute pas directement de l'intégration des plateformes dans le système de financement.

M. Michel Laugier. - Votre nomination a fait beaucoup de bruit. Dans ce budget pour 2020, quelle est la mesure emblématique, dont vous pourriez dire qu'elle est « signée Dominique Boutonnat » ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Il est question de 225 millions d'euros, n'aurions-nous pas intérêt à investir massivement dans la création d'une plateforme française et européenne pour peser et atteindre enfin la masse critique nécessaire ? Je vois que David Assouline fait la grimace.

M. David Assouline. - Je n'ai rien contre l'idée elle-même, en revanche, je refuse qu'elle soit financée avec cet argent.

M. Dominique Boutonnat. - Monsieur Assouline, nous sommes d'accord, je défends également le non-plafonnement des taxes affectées. Il est difficile de demander à l'État de rendre l'argent, mais si les ressources augmentent, nous devons pouvoir les utiliser à bon escient dans le secteur.

Les réserves n'ont, en effet, pas été gaspillées, notre parc de salles a profité de la numérisation en quelques années, et le maillage territorial qui en résulte apporte plus encore que le cinéma : un véritable service public de proximité qui permet la rencontre des gens. C'est formidable. Nous entendons donc protéger ces ressources, j'espère en effet qu'elles augmenteront grâce aux plateformes. La poussée de ces dernières se paiera toutefois d'une baisse dans d'autres secteurs à terme. Les rentrées augmenteront peut-être dans un premier temps, nous verrons si cela durera.

M. David Assouline. - En matière de sport, ça a été le cas !

M. Dominique Boutonnat. - L'arrivée de nouvelles chaînes a surtout fait exploser le piratage alors qu'il n'y en avait pas auparavant.

Il ne faut pas regarder que le budget CNC : certaines obligations qui s'imposent aux nouveaux entrants ne passent pas par lui et bénéficient directement aux oeuvres elles-mêmes et cet argent supplémentaire n'est pas comptabilisé dans le budget CNC. Notre objectif est que la création française puisse obtenir de plus en plus d'investissements.

Je forme le voeu que le financement privé ne fasse pas baisser le financement public, qui est légitime. Nous révisons nos aides pour ordonnancer notre organisation en fonction des objectifs qui ont été validés avec vous, avec notre tutelle et avec le secteur.

Sur le taux de retour fiscal, je laisse la parole à Maxime Boutron, notre directeur financier et juridique.

M. Maxime Boutron, directeur financier et juridique du CNC. - Le taux de retour des crédits d'impôt est en effet extrêmement positif : ce dispositif a entraîné une augmentation des dépenses de 550 millions d'euros de plus sur une année, avec un taux moyen de prélèvement obligatoire situé entre 40 % et 45 %, cela correspond à quelque 200 ou 250 millions d'euros de recette supplémentaires pour un coût fiscal inférieur à 100 millions d'euros.

M. Dominique Boutonnat. - Il serait utile, en effet, de procéder à cette évaluation chaque année.

Je ne suis pas d'accord pour dire qu'il y a trop de films et je souhaite toujours favoriser l'émergence de nouveaux talents dans tous les domaines du cinéma et de l'audiovisuel : les films et les documentaires, mais aussi les nouveaux formats comme la vidéo en ligne ou les jeux vidéo. Je me suis d'ailleurs rendu hier à la Paris Games Week, la part de la France dans la création artistique de ce secteur est exemplaire.

M. David Assouline. - Va-t-elle enfin être reconnue officiellement par le ministère ?

M. Dominique Boutonnat. - Le secteur est inclus parmi les industries créatives et culturelles et relève du CNC, il offre en outre un écosystème duquel nous avons beaucoup à apprendre. En outre, c'est le premier contact de nos enfants avec l'image. Nous avons soutenu vingt-cinq sociétés qui ont créé leurs propres jeux. En termes d'images et de contenu, leur diffusion est très intéressante.

M. David Assouline. - Pourtant, les auteurs ne sont toujours pas considérés comme des artistes.

M. Dominique Boutonnat. - Ce sujet relève de la qualification de l'ensemble de la chaîne de travail.

Dans l'attribution des aides aux films qui marchent ou qui ne marchent pas, les critères ne conduiront pas à favoriser les premiers, mais la création elle-même. C'est l'objectif du CNC, qui ne concerne d'ailleurs pas seulement le cinéma, mais aussi, par exemple, les séries. Je rends d'ailleurs hommage à Frédérique Bredin qui a mis en place le plan séries en basculant une partie des aides aux séries vers les plus créatives. C'est intéressant parce que cela pousse à la créativité.

Je pense depuis longtemps à établir des passerelles avec le CNM. Son président et moi nous rencontrerons très vite quand il sera nommé, il me semble que nous avons beaucoup à apprendre mutuellement. En matière de rapprochement entre la musique et l'image, nous avons, par exemple, un fonds d'aide à la musique de film, avec une commission rassemblant des musiciens et des professionnels du cinéma qui attribue 2 ou 3 millions d'euros par an. Nous pourrions y travailler ensemble. De même, la captation de spectacles vivants et les clips musicaux relèvent de notre secteur.

Le secteur de l'animation est particulièrement fort en France, il est soutenu grâce au CNC et au crédit d'impôt. Cela confère une force aux producteurs par rapport aux plateformes, en permettant aux studios, même les plus petits, de financer eux-mêmes 50 % de la production et de conserver plus de droits et de propriété intellectuelle. Il faut donc préserver ce soutien, car il rend nos studios plus compétitifs. C'est une grosse pression. La situation a vraiment changé : auparavant, le Canada raflait tout, mais la réforme du crédit d'impôt a changé la donne et a permis de rapatrier la fabrication des films d'animation en France.

M. David Assouline. - Reste le problème de la suppression de France 4.

M. Dominique Boutonnat. - Ce sera un sujet si nous n'avons pas de solution de replay efficace. Nous y travaillons.

L'animation bénéficie de 64 millions d'euros par an en aides du CNC et d'un montant que je ne connais pas en crédit d'impôt.

Un autre élément important pour le développement économique du secteur est le système d'avances à l'audiovisuel, notamment dans le domaine de l'animation, qui pousse au développement économique de ces structures.

S'agissant du cinéma itinérant, nous avons remis un prix de l'innovation à un exploitant de cinéma itinérant, c'est un des domaines dans lesquels l'innovation technologique peut prospérer. Ce secteur est essentiel à la politique et au maillage territorial, et son soutien fait partie intégrante de notre politique d'éducation à l'image avec le renouvellement des conventions avec les régions. Nous entendons développer l'itinérance dans les territoires où l'on trouve peu d'offres fixes.

Vous évoquez le secteur art et essai. En effet, les multiplexes diffusent des films d'art et d'essai, sans toutefois percevoir des subventions au titre de cette catégorie. Cela répond à un souhait formulé dans les engagements de programmation afin que ces salles programment certains films, dont des films d'art et d'essai. Votre propos concerne plutôt, me semble-t-il, la définition même des films d'art et d'essai, qui a été revue l'an dernier et que nous devons évaluer avant la fin de l'année.

Dans le fonds pour les industries culturelles, le montant du couloir réservé au cinéma et à l'audiovisuel atteindra 80 ou 100 millions d'euros. Ce n'est pas figé dans le marbre, mais c'est le chiffre que je préconise. Ce sera à peu près cela.

La revue générale des aides n'a pas pour but la diminution du nombre de films aidés. Cela arrivera peut-être, mais ce n'est pas un objectif. Nous entendons soutenir la diversité, l'économie du secteur, et répondre aux grands enjeux à venir : la volonté de toucher à nouveau une population qui nous échappe de plus en plus, l'internationalisation de nos oeuvres, pour laquelle l'arrivée des plateformes est fondamentale et le renforcement du tissu économique.

La mesure que je considérerai comme emblématique de mon budget serait certainement que les taxes ne soient pas plafonnées. Plus sérieusement, la mesure emblématique en 2020 sera la clarification des grands enjeux pour l'avenir et celle du positionnement du CNC pour atteindre ces objectifs. Nous devons faire travailler le CNC avec tout l'écosystème du financement public, y compris l'audiovisuel public, qui investit 500 millions d'euros par an dans la création audiovisuelle et cinématographique.

M. David Assouline. - Qu'en est-il de la contribution de Canal Plus ?

M. Dominique Boutonnat. - Il ne s'agit pas d'une chaîne publique, mais son apport atteint aujourd'hui 125 millions d'euros pour le cinéma et 40 millions d'euros pour l'audiovisuel, mais il est indexé sur le chiffre d'affaires, il faut espérer que celui-ci augmente.

Les nouveaux entrants auront un impact important, si nous retravaillons la chronologie des médias. La réforme doit jouer sur des curseurs dont il faut calculer les effets pour faire entrer des acteurs et moderniser le système sans pour autant pénaliser la création et nos opérateurs français traditionnels.

Consacrer des fonds à la création d'une plateforme, c'est une très bonne idée. Il existe déjà des plateformes françaises de qualité qui pourraient être éligibles et que l'on pourrait ainsi promouvoir. Il existe en outre d'autres financements qui peuvent, par exemple, être issus d'autres fonds de Bpifrance.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous devons nous mobiliser pour mettre en place un outil permettant de concurrencer les grandes plateformes.

M. Dominique Boutonnat. - Il faut se reposer sur Salto, bien sûr, mais également sur Arte, qui a développé beaucoup de partenariats européens, ou sur des initiatives françaises de très bonne qualité comme Molotov. Pourrait-on mettre tous ces acteurs ensemble et les soutenir publiquement pour en faire un seul acteur ? J'en serais totalement partisan, mais cela va au-delà de mes capacités.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci de cet échange très approfondi, nous vous souhaitons la réussite dans vos missions.

La réunion est close à 12 h 5.

Jeudi 31 octobre 2019

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Projet de loi de finances pour 2020 - Audition de M. Franck Riester, ministre de la culture

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous sommes heureux de vous accueillir, monsieur le ministre, en vue de l'examen par le Sénat, le 5 décembre prochain, des crédits du ministère de la culture inscrits dans le projet de loi de finances pour 2020. Je vous propose de nous présenter dans un propos liminaire et de manière transversale les grandes lignes de ce budget, avant de céder la parole à nos rapporteurs.

M. Franck Riester, ministre de la culture. - Je suis honoré de vous retrouver pour présenter ce projet de budget pour 2020 du ministère de la culture. Il s'inscrit dans le projet de transformation de l'action publique porté par le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement, pour plus de clarté, de lisibilité et de résultats. Nos concitoyens doivent ressentir, concrètement, dans leur vie quotidienne, les effets de notre action. Cela vaut aussi en matière culturelle. Le budget de la culture pour l'année qui vient en est l'illustration.

Au total, plus de 15 milliards d'euros seront consacrés aux politiques culturelles dans le budget de l'État. Cela inclut les dépenses fiscales et le budget consacré à la culture dans les autres ministères, et, évidemment, les moyens qui relèvent du ministère de la culture lui-même. En 2020, ils s'élèveront à 8,2 milliards d'euros.

Mon ministère bénéficiera, cette année, de moyens en hausse de près de 70 millions d'euros par rapport à 2019 : d'une part, 40 millions d'euros de crédits supplémentaires sur les programmes dont j'ai la responsabilité ; d'autre part, 30 millions d'euros mobilisés au titre du programme des investissements d'avenir.

Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, il s'agit d'un effort sensible, d'un choix politique qui nous oblige à la cohérence et nous confère une obligation de résultat. Pour cela, il faut définir des priorités. Le budget que je vous présente, précisément, est un budget de priorités, au service de l'émancipation citoyenne, de la cohésion et de l'attractivité des territoires, des artistes et des créateurs, et de notre souveraineté culturelle.

La première priorité est de favoriser l'émancipation des citoyennes et des citoyens. Nous voulons ainsi généraliser l'éducation artistique et culturelle (EAC) afin d'en faire une réalité pour tous les enfants et jeunes de trois à dix-huit ans, comme le Président de la République s'y est engagé. C'est l'objectif du 100 % EAC. Mais l'émancipation artistique et culturelle ne commence pas à trois ans et ne s'arrête pas à dix-huit ans. Elle s'étend tout au long de la vie. Elle concerne l'ensemble des personnes, quels que soient leur situation, leur âge ou leurs lieux de vie. C'est pourquoi nous créerons une nouvelle direction, dédiée au pilotage de la politique de transmission et d'émancipation par les arts et la culture, au sein du ministère.

C'est aussi pour cela que le Premier ministre a confié une mission à la députée Aurore Bergé afin de mieux définir les contours, les principes d'actions et les moyens de la politique d'émancipation artistique et culturelle pour tous les âges.

Nous encourageons aussi l'émancipation par le Pass Culture. Il donne aux jeunes la liberté et l'autonomie de tracer leur propre chemin culturel. Je sais que le groupe de travail présidé par Jean-Raymond Hugonet suit l'évolution de cette politique de très près. Le Pass Culture était d'abord une idée : donner 500 euros à chaque jeune de dix-huit ans pour accéder à des offres culturelles. Nous sommes en train d'en faire une réalité, sous la forme d'une application géolocalisée qui permet de référencer les offres culturelles de proximité. En juin dernier, nous avons lancé la deuxième vague d'expérimentation, auprès de 150 000 jeunes, dans les territoires les plus variés, dans quatorze départements. Nous avons franchi une nouvelle étape en lançant, en juillet, la société du Pass Culture, société de statut privé, qui a pour mission de piloter la mise en oeuvre concrète de ce pass. L'an prochain, 10 millions d'euros de plus, soit un total de près de 40 millions d'euros, nous permettront d'aller encore plus loin pour accroître le nombre de jeunes éligibles, ouvrir l'expérimentation à de nouveaux territoires tout en lui apportant de nouvelles améliorations. En tout, plus de 200 millions d'euros seront consacrés à favoriser l'accès de tous à l'art et à la culture.

L'émancipation citoyenne passe aussi par l'accès à une information plurielle et de qualité. C'est l'enjeu du plan de transformation de l'Agence France-Presse que l'État soutient, avec six millions d'euros supplémentaires qui lui sont dédiés. C'est aussi l'objet de la révision de la loi Bichet. Je n'oublie pas que c'est ici, au Sénat, qu'avait commencé son examen et que le Sénat, par son vote, avait montré son engagement très fort en faveur de cette réforme. Celle-ci modernise la distribution de la presse sans casser les acquis du système actuel. Elle préserve les grands principes qui régissent le secteur depuis 1947 : l'accès de la presse d'information politique et générale, dans sa diversité, au réseau des points de vente, et donc l'accès, pour nos concitoyens, à une diversité de publications dans tous les territoires. Je tiens d'ailleurs à remercier encore votre rapporteur, Michel Laugier.

Le plan d'éducation aux médias et à l'information sera doté de trois millions d'euros l'an prochain. Ce plan vise en priorité les jeunes publics et se traduira, concrètement, par des actions dans les bibliothèques, dans les écoles et par un soutien aux associations engagées sur ce sujet.

La deuxième priorité de ce budget est de faire des arts et de la culture des leviers de cohésion et d'attractivité de nos territoires. Pour cela, nous devons avant toute chose renouveler, moderniser, réinventer les services publics culturels de proximité pour les adapter aux nouveaux usages et aux nouvelles attentes.

Le déploiement des Micro-folies est emblématique de cette ambition. Nous allons l'accélérer, de manière à atteindre 1 000 Micro-folies d'ici à 2022, dans tous les territoires. Nous concentrerons nos efforts sur les territoires les moins dotés en équipements : nous nous fixons notamment l'objectif d'en ouvrir 200 en zones rurales. Pour y parvenir, le ministère de la culture consacrera 3 millions d'euros aux Micro-folies en 2020.

De même, nous continuerons à aider les bibliothèques à ouvrir davantage et offrir plus. Je veux qu'elles ne soient pas seulement des lieux de lecture, mais des lieux de culture, des lieux de vie, des lieux de brassage. La bibliothèque de Dunkerque, que j'ai visitée récemment, est exemplaire à cet égard. Les bibliothèques sont les têtes de pont de la culture dans les territoires. Les moyens dédiés au volet « ouvrir plus » seront donc pérennisés, à hauteur de 88 millions d'euros. Quant au volet « offrir plus », quatre millions d'euros supplémentaires seront mobilisés pour le renforcer.

En outre, le ministère confortera le financement des structures labellisées de diffusion de la création, nos fameux labels, qui maillent le territoire. Afin de renforcer la capacité de décision et les moyens des services déconcentrés du ministère, près de 60 dispositifs seront déconcentrés au plus près des réalités du terrain. Je pense en particulier à la labellisation des centres culturels de rencontre, à celle des Villes et Pays d'art et d'histoire, ou encore à l'octroi des aides aux compagnies et aux festivals. Nous y travaillons encore, notamment pour préciser les modalités et l'étendue de la déconcentration. Il importe, en effet, de veiller à la cohérence des politiques nationales ; la primolabellisation devrait rester nationale.

C'est dans nos territoires que vit la culture, et tout particulièrement notre patrimoine, et que les initiatives se créent.

En 2020, 1 milliard d'euros pris sur le budget du ministère de la culture reviendra à la restauration des monuments historiques, aux musées, à l'archéologie, aux archives et à l'architecture, se répartissant entre 970 millions d'euros sur le programme 175 « Patrimoines », et 30 millions d'euros de mobilisation du programme d'investissements d'avenir.

Les crédits consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques, en hausse de 7 millions d'euros, atteindront 338 millions d'euros. Cette hausse sera permise par la trajectoire financière du Louvre, avec lequel une expérimentation est lancée dès 2020 afin d'assouplir le pilotage de sa masse salariale et de ses emplois, lui permettant de mieux s'organiser et développer son activité. Cette expérimentation concernera également le château de Versailles à partir de 2021. Au travers de ces souplesses inscrites dans les contrats de performance passés avec l'État, ces établissements pourront d'une part enrichir et diversifier leur offre culturelle et améliorer l'accueil des publics, et d'autre part consolider leur trajectoire financière en augmentant leurs ressources propres par le développement de nouvelles activités.

En 2020, le Louvre verra en conséquence sa dotation diminuer de 11 millions d'euros, qui seront redéployés en faveur des monuments historiques. Le ministère sera ainsi en mesure de soutenir les investissements du Centre des monuments nationaux en faveur des monuments historiques dans les territoires pour 3 millions d'euros ; de poursuivre la montée en puissance à hauteur de 5 millions d'euros nouveaux du fonds incitatif et partenarial en faveur des communes à faibles ressources, que nous souhaitions renforcer depuis plusieurs années ; de financer, à hauteur de 2 millions d'euros, un plan de sécurité incendie pour les 87 cathédrales classées appartenant à l'État, après l'incendie de Notre-Dame-de-Paris. L'audit est finalisé, et des plans d'action sont en cours d'élaboration par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Les travaux de conservation et de restauration de Notre-Dame-de-Paris ne sont pas dans le budget, car ils seront intégralement financés par la souscription nationale dédiée, conformément à la loi que vous avez adoptée. La semaine dernière, j'ai annoncé que 922 millions d'euros de promesses de dons nous sont parvenus ; 110 millions d'euros ont été effectivement récoltés et 69 millions d'euros ont été reversés à l'État. Les besoins pour la sauvegarde totale de la cathédrale - il reste à retirer l'échafaudage et les gravats sur les voûtes - s'élèvent à 87 millions d'euros.

Autre grand projet de restauration patrimoniale, comme s'y est engagé le Président de la République, nous rendrons sa splendeur au château de Villers-Cotterêts, dont nous ferons une cité internationale de la langue française. Nous y consacrerons 43 millions d'euros en 2020, dont 30 millions d'euros au titre du programme d'investissements d'avenir. Cela prouve que la sauvegarde de notre patrimoine commun, sur tous nos territoires, est une priorité du Gouvernement.

La proposition de loi de Dominique Vérien que vous avez adoptée la semaine dernière et dont M. Jean-Pierre Leleux est rapporteur va aussi dans ce sens. Voilà pourquoi nous avons soutenu le rehaussement du seuil des communes concernées par le label de la Fondation du patrimoine de 2 000 habitants à 20 000 habitants, avec un soutien financier pour accompagner les conséquences fiscales.

Troisième priorité de ce budget, nous voulons placer les artistes et les créateurs au coeur de nos politiques culturelles. Je veux qu'ils soient mieux accompagnés tout au long de leur parcours. Ce budget en est l'illustration.

Les dispositifs du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps) ont été simplifiés, et rendus plus incitatifs. Le fonds montera en puissance, avec une augmentation de 5 millions d'euros l'an prochain. Le dispositif de compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les artistes-auteurs sera pérennisé. La politique de résidences sera réorientée et amplifiée, et bénéficiera de 14,2 millions d'euros en 2020.

Accompagner les créateurs tout au long de leur parcours implique de lutter contre la précarisation des artistes. J'ai confié à M. Bruno Racine une mission prospective, pluridisciplinaire sur l'auteur et l'acte de création, pour trouver le cadre le plus favorable à l'épanouissement de la création et de la diversité culturelle, pour les prochaines années. Bruno Racine rendra ses propositions d'ici la fin de l'année.

Accompagner les créateurs dans leur parcours suppose de le faire dès la formation. En 2020, nous investirons 8 millions d'euros en faveur des établissements d'enseignement supérieur du ministère.

Accompagner les créateurs, c'est aussi accompagner les grands équipements de diffusion de la création : 6,5 millions d'euros iront à la poursuite du projet de Cité du théâtre, et 6 millions d'euros au projet de relogement des réserves du Centre national des arts plastiques et du Mobilier national à Pantin. Cette année, nous mobiliserons plus encore qu'auparavant les réserves financières de nos opérateurs, afin de compléter les financements de ces projets, dans une logique de responsabilité vis-à-vis du redressement des comptes publics.

Accompagner les artistes, cela implique d'accompagner non seulement la création et la diffusion, mais aussi la structuration des industries créatives et culturelles (ICC). Nous les accompagnerons par le renforcement des prêts participatifs gérés par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) et par le fonds d'investissement de 225 millions d'euros géré par BpiFrance, annoncé en mai par le Président de la République. Ces deux outils sont déjà opérationnels et mobilisables par les entreprises en plein développement, pour renforcer leurs fonds propres. Nous les accompagnerons dans leur développement à l'international avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE). Avec Jean-Yves Le Drian et Bruno Le Maire, nous lancerons prochainement les états généraux des industries culturelles et créatives.

Plus spécifiquement, nous accompagnerons le secteur musical avec la création du Centre national de la musique (CNM). Il y a quelques jours, le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi qui rend possible sa création, et je vous en remercie. Cette loi est promulguée aujourd'hui, c'est un beau symbole. Je salue tout particulièrement M. Jean-Raymond Hugonet, lui-même musicien, qui en fut le rapporteur, et vous tous qui avez voté très largement ce texte. Cette « maison commune de la musique » a longtemps été un projet. Alors que je le décorais hier, Alain Chamfort, avec lequel j'avais travaillé sur ce projet il y a dix ans, a eu des mots formidables pour le travail du Parlement et du Gouvernement. En 2020, l'État augmentera de 7,5 millions d'euros les crédits qu'il alloue au projet de CNM pour en faire une réalité, en plus des crédits déjà mobilisés pour les structures qui ont vocation à le rejoindre. Ces crédits monteront en charge durant les deux prochaines années, pour atteindre 20 millions d'euros par an en régime de croisière.

Le budget public consacré au secteur atteindra donc 50 millions d'euros, en ajoutant ces 7,5 millions d'euros de moyens nouveaux à la taxe sur la billetterie des spectacles musicaux, qui rapporte 35 millions d'euros, et aux 8 millions d'euros de subventions déjà versées aux différents organismes ayant vocation à se fédérer au sein du CNM. À ces montants viennent s'ajouter les contributions directes du secteur, en particulier les organismes de gestion collective (OGC). Je les invite à renforcer leur contribution volontaire au CNM pour une meilleure cohérence de l'action publique et une simplification au service des auteurs, dans une logique de guichet.

J'ai entamé ces dernières semaines des discussions avec les partenaires qui partagent l'ambition de l'État pour le secteur de la musique. Nous garantirons la continuité des aides existantes et leurs modalités de répartition, afin de ne pas déstabiliser le secteur et de donner aux entreprises et acteurs concernés une nécessaire visibilité. Nous ne faisons pas le CNM pour économiser de l'argent, il ne doit y avoir que des gagnants, au service de l'intérêt général.

La quatrième priorité de ce budget, c'est de réaffirmer notre souveraineté culturelle, afin de créer l'écosystème le plus efficace pour que les entreprises se développent et que la création soit libre.

Nous réaffirmerons notre souveraineté culturelle en matière de fiscalité affectée au financement du cinéma, de la production audiovisuelle et des jeux vidéo. Les taux des taxes sur les éditeurs de télévision et sur les services vidéo seront harmonisés à hauteur de 5,15 %. Il y va de la pérennité des moyens alloués au fonds de soutien du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) : ses ressources devraient, en 2020, se maintenir à hauteur de 676 millions d'euros. C'est surtout une question d'équité et de neutralité économique entre les acteurs historiques nationaux et les nouveaux acteurs internationaux du numérique.

L'équité est au coeur du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique que je présenterai début décembre en conseil des ministres. L'enjeu n'est pas de s'adapter à des contraintes extérieures, mais d'inventer un nouveau modèle, fort des principes et des valeurs qui ont permis, depuis des décennies, notre exception culturelle ; un nouveau modèle qui intègre, dans notre système de financement de la création audiovisuelle et cinématographique, les acteurs qui en sont pour l'instant tenus à l'écart.

Dans ce modèle, l'audiovisuel public doit pleinement jouer son rôle de première fenêtre vers la culture et l'information de qualité. Il doit être un outil de diffusion de la culture, divertir et émerveiller, émouvoir et informer. Je veux que nous en fassions la référence en Europe. Pour y parvenir, l'audiovisuel public doit se transformer. Il doit davantage se distinguer des chaînes privées, en réaffirmant ses missions de service public : l'information, la culture, l'offre de proximité, la jeunesse, la cohésion sociale et nationale, et le rayonnement international de la France. De tels objectifs communs pour les sociétés de l'audiovisuel public supposent une gouvernance unifiée, pour s'adapter aux usages de la révolution numérique. C'est pourquoi France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) seront réunis au sein d'un groupe public, France Médias. Cette proposition s'inspire du rapport de Jean-Pierre Leleux et André Gattolin. Les nombreux travaux du Sénat ont grandement contribué à ma réflexion et à ce texte.

Avoir une grande ambition pour l'audiovisuel public n'est pas contradictoire avec un effort soutenable pour contribuer à la maîtrise de la dépense publique et au rétablissement des comptes publics. Les plans de transformation en cours dans les sociétés devront permettre de combiner maîtrise des dépenses et atteinte des objectifs fixés pour les missions de service public. Nous accompagnons ces plans ambitieux et nécessaires, et soutenons les équipes dirigeantes.

La trajectoire à cinq ans de l'audiovisuel public, telle qu'elle a été définie en 2018, est confirmée afin de contribuer à maîtriser la dépense publique à hauteur de 180 millions d'euros en 2022. Il était insupportable de voir le budget de l'audiovisuel public varier d'une année sur l'autre. Je me suis donc astreint à respecter la trajectoire jusqu'en 2022, avant de travailler sur une nouvelle trajectoire.

En 2020, nous attendrons 50 millions d'euros d'économies des sociétés de l'audiovisuel public. Compte tenu de l'allègement au titre de la réforme de la fiscalité affectée au financement du cinéma, le financement de l'audiovisuel public par la contribution à l'audiovisuel public (CAP) pourra diminuer de 71 millions d'euros. Cet effort fera baisser, symboliquement, le montant de la contribution à l'audiovisuel public d'un euro par foyer.

Pour relever ces défis, mieux répondre aux attentes de nos concitoyens et pour leur apporter des changements concrets, nous avons besoin d'un ministère fort. Cela exige de transformer le ministère de la culture. Cette transformation obéit à des principes clairs : simplicité, proximité, audace et efficacité. J'ai déjà évoqué la nouvelle direction, la déconcentration avec le repositionnement de l'administration centrale sur ses missions de conception, de pilotage, d'animation et d'évaluation des politiques culturelles. Nous devons réarmer intellectuellement et scientifiquement l'administration centrale. Nous renforcerons aussi la déconcentration des dispositifs. Le pilotage des fonctions stratégiques du ministère - action internationale, numérique, prospective - sera renforcé. Nous avons initié une démarche de simplification et de dématérialisation des démarches afin de faciliter l'accès des citoyens et des acteurs culturels aux dispositifs du ministère, comme la procédure de demande de licence d'entrepreneur de spectacle. Demain, bien d'autres procédures seront concernées.

La trajectoire en emplois du ministère a été fortement allégée, afin d'accompagner cette démarche de transformation : les effectifs du ministère décroitront de 15 équivalents temps plein (ETP), soit bien moins que les prévisions initiales. Pour transformer un corps social, nous avons besoin de souplesse pour recruter de nouveaux profils. Surtout, pour mieux répondre aux attentes des usagers, il convient de garantir de bonnes conditions de travail aux agents.

À l'heure du soixantième anniversaire de ce ministère, il nous incombe, plus que jamais, de faire preuve d'ambition en matière culturelle. Nous devons agir au service de tous les Français, même ceux qui se sentent exclus de notre politique culturelle, croyant que ce n'est pas pour eux. Je vous remercie pour nos échanges nombreux et fructueux.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous sommes aussi très attachés au ministère de la culture. Cet anniversaire est l'occasion de poser de bonnes bases et d'aller de l'avant.

Merci pour votre hommage aux travaux du Sénat. La loi que nous avons adoptée cette année nous tenait à coeur. Nous sommes toujours dans l'anticipation grâce à de nombreux travaux de fond, au long cours. Depuis la dernière loi de 2009 sur l'audiovisuel, nous avions échangé avec vous, député, et avions poursuivi nos travaux, grâce aux rapporteurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, mais aussi à tous les membres de notre commission.

Je remercie pour leur présence nos collègues rapporteurs spéciaux de la commission des finances, MM. Roger Karoutchi et Julien Bargeton.

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles. - Permettez-moi un trait d'humour, monsieur le ministre, nul besoin d'écriture inclusive pour vous interpeller, vous et vos collaborateurs, exclusivement masculins... Je parle au nom de la délégation aux droits des femmes ! (Mme Billon, Mme Jouve et M. Ouzoulias applaudissent)

M. Pierre Ouzoulias. - Et tout cela dans une chapelle !

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis. - Le président du CNC, que nous avons auditionné hier, a décrit les trois chantiers qui l'attendaient : la réforme de la fiscalité, la révision des soutiens et enfin, la loi audiovisuelle. Il a même évoqué une refonte nécessaire de la chronologie des médias. Ces sujets ont tous un lien avec le développement des plateformes, qui attirent de plus en plus et sont autant des chances pour la création qu'une menace pour le modèle français de préfinancement et de production indépendante. Pourriez-vous, en avant-première, nous expliciter votre stratégie sur ce sujet et les éventuelles réticences auxquelles vous devez faire face, je pense, notamment, à la remise en cause rituelle des crédits d'impôt « culture » ? Je n'ose regarder M. Karoutchi...

M. Franck Riester, ministre. - Même si je ne suis aujourd'hui entouré que d'hommes, il n'en va pas de même de mon cabinet et du ministère. Malgré cela, soyez assurés de leur qualité ! Je suis très attentif à ces questions, et nous menons une politique d'égalité femmes-hommes très ambitieuse.

Nous menons un combat majeur de souveraineté culturelle contre des acteurs anglo-saxons, chinois ou autres, d'une violence extrême. Nous devons avoir une stratégie, une détermination et des moyens importants. Nous devons accompagner les entreprises sur leurs fonds propres, par des prêts, en améliorant leur écosystème, leurs formations, et en inventant des dispositifs nouveaux pour assurer le respect des droits.

Je salue le travail de M. Assouline pour sa proposition de loi. Le Sénat a contribué à des missions d'intérêt culturel. La France a été l'un des premiers pays à transposer la directive sur les droits d'auteurs et à instaurer un droit voisin. Elle a bousculé les GAFA - Google, Amazon, Facebook, Apple -, dont la réaction est inacceptable. Elle a montré l'engagement conjoint du Gouvernement, du Parlement et des professionnels pour défendre une certaine vision de la société, de la démocratie, un regard sur le monde, une spécificité culturelle. Cela vaut non seulement pour la presse, mais pour tous les autres secteurs culturels. Il nous faut gagner cette bataille de la souveraineté culturelle. Pour ce faire, les crédits d'impôt sont un outil extraordinaire. Le Canada les utilise fortement. Il est important que des acteurs de l'internet contribuent autant au fonds de soutien au CNC que les autres acteurs. Nous devons être mobilisés, ensemble, dans ce combat économique et culturel.

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis. - En dépit de la hausse des crédits cette année, la Bibliothèque nationale de France (BNF) parait fragilisée à court terme, car elle doit supporter en bonne partie la charge de l'ouverture du quadrilatère Richelieu, mener des travaux importants de mise aux normes et poursuivre son travail de numérisation des oeuvres. Les recettes de mécénat ne suffiront pas. Comment l'État entend-il agir pour que ce vaisseau amiral de la culture française puisse mener à bien ses missions dans une perspective pluriannuelle stabilisée ?

Dernière question, à la suite du rapport de M. Pierre Lungheretti, que j'ai auditionné la semaine dernière, vous avez déclaré : « 2020, année de la bande dessinée ». Qu'entendez-vous par là, et sur quelle ligne budgétaire seraient pris les crédits ?

M. Franck Riester, ministre. - La BNF mène actuellement des travaux importants. Nous avons abondé le budget de fonctionnement de l'établissement de 2,5 millions d'euros, le portant à 6,4 millions d'euros. La subvention de l'État s'élevait à 186,4 millions d'euros en 2020. Une dotation pour fonds propres sera maintenue en 2020 à hauteur de 23,6 millions d'euros.

Nous travaillons avec les équipes de la BNF pour que les travaux à Richelieu soient menés à leur terme ; il reste quelques travaux complémentaires à faire, notamment de façade.

Mettre à l'honneur la bande dessinée est important, d'où mon initiative « 2020, année de la bande dessinée ». C'est un art populaire, aux multiples dimensions : artistique, culturelle, patrimoniale, éducative... Nous devrons mobiliser tous les acteurs, et travaillons avec le Centre national du livre (CNL) et Angoulême, territoire particulièrement tourné vers la BD. Des budgets spécifiques seront affectés.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. - Le budget dédié à la presse est identique à celui de 2019, hormis une subvention de 6 millions d'euros pour la mutation de l'Agence France-Presse (AFP).

Ma première question, tristement rituelle, concerne le sort de Presstalis. L'adoption, dans d'excellentes conditions que je tiens à saluer ici, de la loi de modernisation de la distribution a bien créé un cadre favorable pour le futur, mais n'a en aucun cas réglé la question pendante de l'opérateur historique. Presstalis apparaît aujourd'hui encore plombé par un niveau 2 qui concentre les déficits, et des fonds propres négatifs à hauteur de 420 millions d'euros. La société tout entière repose maintenant sur la confiance que lui accordent encore les éditeurs, mais qui pourrait faire défaut. J'ai peur que, d'ici quelque temps, et en dépit des efforts remarquables de Michèle Benbunan, l'ancienne présidente de Presstalis, l'État soit de nouveau appelé à la rescousse. Comment voyez-vous l'avenir de cette entreprise et l'implication de l'État, mais également la responsabilité des éditeurs ?

M. Franck Riester, ministre. - L'État a été au rendez-vous depuis des années pour assurer la pérennité de l'entreprise : 90 millions d'euros étaient prévus en 2018 pour assurer son financement.

Presstalis a fait des efforts considérables, on le dit trop rarement. Michèle Benbunan et la direction ont eu une relation constructive avec les syndicats. Mais le marché est à la baisse. Dominique Bernard, son actuel président, devra en tenir compte.

La réforme de la loi Bichet instaure un cadre plus efficace pour une régulation renforcée et autonome, et améliorera la diffusion. Nous augmentons les marges de manoeuvre des marchands de journaux dans les territoires. À terme, nous aurons de nouveaux entrants sur le marché, mais nous ne voulons pas de mise en concurrence directe avec Presstalis ou les Messageries lyonnaises de presse ; laissons-leur le temps de s'adapter. Les éditeurs de presse doivent être aux côtés de Presstalis. Je tiendrai le Sénat informé.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis. - Ma deuxième question porte sur les services de presse en ligne. Actuellement, les aides au pluralisme sont réservées non pas à la presse d'information politique et générale (IPG), mais à la presse IPG imprimée. Depuis plusieurs années, des réflexions sont en cours sur ce sujet, mais pour l'instant, il n'y a pas de traduction concrète, au-delà du fonds stratégique. Ne pensez-vous pas qu'il serait enfin temps d'accélérer l'aide à la transition numérique ?

M. Franck Riester, ministre. - Lors de la réforme de la loi Bichet, nous avons étendu aux kiosques et aux agrégateurs numériques les mêmes critères de pluralisme de diffusion qu'à la distribution physique de la presse. Dans le Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), 70 % des dossiers d'aide ont concerné des services de presse en ligne (SPEL). Un taux super réduit de TVA est applicable depuis 2014 aux SPEL, et une réflexion est en cours pour aller plus loin. Je vous en tiendrai informés.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis. - Ne pensez-vous pas que l'ouverture de la publicité ciblée à la télévision pourrait fragiliser les comptes déjà très fragiles des éditeurs de presse quotidienne, alors même que les discussions sur les droits voisins montrent que des relais de croissance ne sont pas évidents à trouver ?

M. Franck Riester, ministre. - C'est une très bonne question. Nous menons un combat culturel majeur, pour rééquilibrer l'asymétrie de la concurrence entre les acteurs traditionnels et nouveaux. La publicité est de plus en plus segmentée et adressée, notamment sur Google et Facebook. Nous devons permettre aux chaînes de télévision d'avoir recours à ces technologies pour avoir des revenus publics supplémentaires et augmenter leur chiffre d'affaires, afin de les conforter, mais également pour le calcul de la base sur laquelle on fixe le pourcentage obligatoire d'investissement dans la création française et européenne, et pour alimenter le fonds de soutien au CNC.

Pour autant, nous ne voulons pas déstabiliser la radio, la presse quotidienne régionale (PQR) ni l'affichage. Nous avons exclu la possibilité pour les chaînes de télévision de mentionner l'adresse précise des établissements d'installation des marques qui seraient amenés ou les annonceurs qui seraient amenés à faire de la publicité. C'est la force de la PQR et de la radio locale : nous ne voulons pas les pénaliser. Nous n'avons pas ouvert non plus la possibilité de promotion de la publicité dans la grande distribution, pour conserver un volume très important de chiffre d'affaires pour la PQR et la radio.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis sur les crédits de l'audiovisuel. - Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle reprend nombre de nos propositions formulées avec mon collègue André Gattolin en 2015 pour une meilleure gouvernance de l'audiovisuel public, sauf celle de la réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Pourtant, la modernisation de la CAP à travers le passage à une taxe universelle constituait un élément essentiel de notre réforme systémique pour garantir la prévisibilité des ressources et l'indépendance de l'audiovisuel public. Dans ces conditions, est-ce que vous confirmez le calendrier d'une réforme de la CAP dans le PLF 2022 au plus tard ? Avez-vous une préférence sur la forme que pourrait prendre cette redevance rénovée, comme, par exemple, une taxe universelle à l'allemande ?

La contribution des plateformes au financement de la création à travers le CNC devrait fortement augmenter l'année prochaine pour atteindre 5,15 % de leur chiffre d'affaires. Pour éviter que cette hausse ne constitue une barrière à l'entrée et pour développer une pluralité de l'offre de plateformes, que penseriez-vous d'instaurer un taux intermédiaire, par exemple de 2,5 %, pour les plateformes qui seront lancées en 2020 afin de tenir compte de leur fragilité ? Ce taux concernerait tous les nouveaux acteurs, comme Salto, et ne vaudrait que pour une durée limitée, afin de ne pas les freiner.

M. Franck Riester, ministre. - Il y a un débat au sein du Parlement pour pérenniser le système de contribution de l'audiovisuel public. Pour l'instant, c'est la CAP, dont le rendement augmente. Mais comme elle est adossée à la taxe d'habitation, qui sera supprimée pour tous les contribuables, nous devons trouver un autre support et éventuellement modifier son mode de calcul. Nous travaillons avec Bercy sur ce sujet, et des propositions seront émises pour le PLF pour 2022, au plus tôt pour le PLF 2021. Dans le PLF pour 2020, la CAP est maintenue avec un euro de moins par foyer : elle sera de 138 euros en métropole, 88 euros en outre-mer, ce qui garantira un rendement constant pour l'État. Avec l'arrivée de nouvelles plateformes sur le marché français, comme cette taxe n'est pas plafonnée, nous aurons un maintien voire une amélioration du rendement du fonds de soutien pour le CNC.

Je suis prêt à écouter toutes les remarques, mais les plateformes doivent contribuer à ce fonds de soutien. Le Gouvernement n'a pas prévu à ce stade de progressivité, mais nous pourrons regarder précisément comment les choses se passent et faire le cas échéant des ajustements.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Médias, livre et industries culturelles ». - Je ne présenterai mon rapport à la commission des finances que le 14 novembre et les débats risquent d'être nettement moins consensuels que ceux de ce matin...

Depuis deux ans, nous ne cessons de demander une véritable réforme de la CAP ; il est vrai que les entreprises ont fourni des efforts, mais nous ne sommes toujours pas à l'équilibre et nous continuons d'avoir des interrogations sur le rythme des réformes, le périmètre du secteur public, les missions de service public, etc.

Des efforts ont également été fournis par d'autres opérateurs du ministère de la culture, que ce soit le CNC ou la BNF, ainsi que dans le domaine des aides à la presse - les auditions que j'ai menées montrent que nous allons dans le bon sens.

Dernier point, on nous a promis un financement ad hoc pour le chantier de Radio France, mais nous ne voyons rien venir pour l'instant ; permettez-moi par conséquent d'être dubitatif...

M. Franck Riester, ministre. - Monsieur Karoutchi, je comprends votre impatience sur l'audiovisuel public, mais je vais présenter un projet de loi dont j'ai déjà évoqué les grandes lignes et qui constituera la plus grande réforme du secteur depuis 1986. Nous ne réglerons pas tous les problèmes en une fois, c'est certain, mais nous apporterons beaucoup d'éléments à même de contribuer à la modernisation du secteur et à la réaffirmation des missions de service public qui sont différentes de celles du privé. Nous donnerons la possibilité d'une meilleure coordination éditoriale, tout en laissant leur liberté aux chaînes. Nous offrirons un cadre de mutualisation et de synergies. Je crois d'ailleurs que nombre de ces réponses sont de nature à satisfaire des demandes, parfois anciennes, du Sénat.

Nous allons aussi moderniser et renforcer la régulation du secteur, en créant une autorité unique, l'Arcom, issue de la fusion entre le CSA et la Hadopi, qui sera chargée des communications audiovisuelles comme numériques. Cette organisation nouvelle et structurante permettra de responsabiliser les plateformes.

Nous allons également moderniser le financement de la création pour conforter le système français ; nous devons notamment être capables de créer des champions nationaux, tant dans la télévision que dans l'édition et la production de contenus audiovisuels et cinématographiques. Nous poursuivons deux objectifs : la liberté de création et la diversité.

Concernant Radio France, le Gouvernement tiendra son engagement, j'y travaille tant avec l'entreprise qu'avec le ministère du budget : il y aura bien un financement ad hoc des travaux et il ne sera pas inclus dans le budget du ministère de la culture. Tout cela sera totalement transparent !

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis du programme « Patrimoines » de la mission « Culture ». - Nous constatons aujourd'hui un intérêt croissant des Français pour la préservation du patrimoine, ce dont je me félicite. L'incendie de Notre-Dame n'a fait qu'accélérer le mouvement.

Le budget de 2019 a traduit un effort incontestable en la matière et le projet de loi de finances pour 2020 montre que cet effort devrait être poursuivi. J'ai connu bien des années où les budgets n'étaient pas bons ; il est donc important de le reconnaître, lorsqu'ils le sont !

Je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur l'entretien du patrimoine. En France, nous aimons les grandes opérations, mais les crédits destinés à l'entretien ne sont pas toujours suffisants et ce problème touche à la fois les monuments de l'État comme ceux qui appartiennent aux collectivités territoriales et aux particuliers. Il faut d'ailleurs savoir que certaines collectivités ont un patrimoine historique disproportionné par rapport à leur population et à leur budget. Y aura-t-il un effort particulier dans ce domaine ?

En ce qui concerne Notre-Dame, la mobilisation des crédits a été importante, les médias en ont rendu compte, mais permettra-t-elle de couvrir les besoins ? Quel est le calendrier prévisionnel du chantier ? Je suis conscient qu'à ce stade et vu la complexité de ce chantier vous ne pourrez pas être extrêmement précis.

Au-delà des monuments historiques, je veux attirer votre attention sur l'immense patrimoine qui n'est pas protégé, celui qui n'est ni inscrit ni classé. Les collectivités territoriales font face à d'importantes contraintes financières et le patrimoine est souvent une variable d'ajustement dans l'élaboration des budgets. Quelles actions comptez-vous mettre en oeuvre pour aider les collectivités à mieux entretenir et mettre en valeur leur patrimoine ?

Dernière question : le loto du patrimoine a constitué un apport considérable. Sera-t-il pérennisé ? Ses recettes ne pourraient-elles pas être mieux mobilisées en faveur du petit patrimoine ? Êtes-vous satisfait de la deuxième édition qui est en cours ? Je note au passage que le Sénat avait milité pour un tel projet il y a quelques années et que les services de l'État avaient alors répondu que c'était impossible à réaliser... On voit bien que les travaux de long terme du Sénat sont utiles et permettent à des projets d'aboutir - je pense aussi à la question de l'éducation artistique et culturelle, sur laquelle nous avions beaucoup travaillé.

M. Franck Riester, ministre. - Je vous remercie d'avoir souligné l'engagement du Gouvernement en matière de restauration des monuments historiques.

Les crédits destinés à l'entretien du patrimoine seront stables en 2020 à hauteur de 50 millions d'euros. C'est une question importante et, au-delà de l'aspect strictement budgétaire, nous devons aussi nous intéresser à d'autres aspects : le partage des bonnes pratiques, l'ingénierie, etc.

Je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur, nous devons être très attentifs au patrimoine des petites communes. Le fonds qui est dédié à cette question verra ses crédits augmenter en 2020 de 5 millions d'euros pour atteindre 15 millions en autorisations d'engagement et 10 millions en crédits de paiement.

Le loto du patrimoine est un bel outil de mobilisation et de sensibilisation du public. La Fondation du patrimoine, la Française des jeux et, bien sûr, la mission Bern font un travail remarquable. Le succès a été très important la première année et j'invite tous les gens qui nous regardent à jouer pour cette année - ils peuvent le faire jusqu'à Noël ! Cette année, les objectifs sont un peu plus ambitieux et j'espère que les résultats permettront de financer de nombreux travaux. Sachez que la part des sites sélectionnés par le loto du patrimoine qui ne sont ni classés ni inscrits, c'est-à-dire des monuments qui sont en effet moins bénéficiaires des crédits classiques du ministère, est plus importante cette année que l'année dernière. Et nous travaillons déjà sur la troisième année du loto du patrimoine !

En ce qui concerne Notre-Dame, en termes de sécurisation, nous devons encore enlever l'échafaudage de la flèche, ce qui va prendre entre quatre et six mois. Les travaux de ceinturage de cet échafaudage ont commencé en début de semaine. Il restera à enlever des gravois liés aux voûtes. La totalité du budget de ces travaux devrait représenter environ 87 millions d'euros. Nous pourrons ensuite achever le diagnostic sanitaire global de la cathédrale et entamer le processus de prise de décision quant au parti pris de restauration. Les promesses de dons s'élèvent aujourd'hui à 922 millions d'euros, dont environ 67 ont déjà été versés, le reste sera appelé au fur et à mesure des besoins.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture », ne peut malheureusement être parmi nous aujourd'hui et m'a demandé de vous poser quelques questions, monsieur le ministre.

Tout d'abord, l'enveloppe de 34 millions d'euros prévue en 2019 pour le Pass Culture a-t-elle été entièrement consommée ? Quand disposerons-nous de l'évaluation de l'expérimentation en cours afin de nous permettre de réfléchir à une éventuelle généralisation du dispositif ?

Mme Robert souhaiterait aussi avoir des précisions sur le statut des enseignants dans les écoles d'art territoriales. C'est un sujet ancien qui peut devenir problématique pour la délivrance des diplômes.

Enfin, concernant le rapport sur les valeurs de l'architecture réalisé en début d'année, quand sera-t-il rendu public ? Quelles sont vos propositions pour valoriser l'action architecturale dans les territoires ? Par ailleurs, nous avons entendu dire que les postes de conseillers en architecture des DRAC pourraient disparaître. Qu'en est-il exactement ?

M. Franck Riester, ministre. - En ce qui concerne le Pass Culture, une enveloppe de 34 millions d'euros était inscrite en 2019, soit 27,9 millions après gel des crédits. Nous devrions consommer environ 17 millions et le solde devrait être reversé sur 2020. Aujourd'hui, quatorze départements participent à cette expérimentation ; ce nombre devrait augmenter prochainement, si bien que davantage de jeunes seront concernés l'année prochaine. Je peux d'ores et déjà vous dire que la montée en puissance du dispositif est exponentielle, à la fois dans les zones urbaines et dans les territoires ruraux. Il sera très intéressant de réaliser un premier bilan quantitatif et qualitatif du point de vue des jeunes, mais aussi de celui des offreurs.

Concernant les écoles d'art dans les territoires, nous travaillons étroitement sur ce sujet avec les collectivités locales, notamment au sein du Conseil des territoires pour la culture. Cette question peut en effet avoir des conséquences budgétaires.

En ce qui concerne la mission « valeurs de l'architecture », un rapport réalisé par un groupe de travail composé d'architectes et de personnalités de grande qualité, dont Marie-Christine Labourdette, présidente de la Cité de l'architecture et du patrimoine, vient en effet de m'être remis. Ce rapport met en avant un certain nombre de priorités : développer une meilleure médiation de l'architecture en faveur du grand public, dynamiser la formation aux métiers de l'architecture, moderniser les conditions d'exercice des architectes, renforcer la dimension interministérielle de la politique publique de l'architecture pour améliorer sa présence dans les territoires et faire de l'innovation architecturale un outil au service de la transition écologique. Sachez que la place de l'architecte sera maintenue, voire renforcée, tant au niveau national que régional. D'ailleurs, il n'est absolument pas question de remettre en cause la présence et le rôle, important, des conseillers en architecture des DRAC.

M. Julien Bargeton, corapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits de la mission « Culture ». - Je souhaite tout d'abord souligner que les crédits de la mission « Culture » augmenteront de 2 % en 2020. En ce qui concerne la Cité du théâtre, pouvez-vous nous donner des informations sur l'avancement du projet. Existe-t-il des points de blocage ? Où en sont vos discussions avec la ville de Paris à ce sujet ?

M. Franck Riester, ministre. - Le projet avance, puisque le marché de maîtrise d'oeuvre vient d'être notifié après un vote à l'unanimité. L'enveloppe budgétaire s'élève à 86 millions d'euros hors taxes, dont 10 millions qui proviendront de la vente des locaux actuels du conservatoire, 6 millions du mécénat et 70 millions de crédits budgétaires. La maîtrise d'ouvrage sera assurée par un groupement d'intérêt public regroupant l'État et les trois opérateurs concernés. Il nous reste à trouver un accord avec la ville de Paris quant au terrain et à la fiscalité liée aux aménagements ; nos échanges avec la ville sont réguliers et constructifs et je ne doute pas que nous trouverons un accord.

M. David Assouline. - Sans aucune concertation avec la profession, le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale un amendement qui supprime à partir de 2022 la taxe perçue sur la billetterie au profit de l'association pour le soutien au théâtre privé. En quinze ans d'existence, cette taxe a permis de soutenir la production de plus de 1 200 spectacles, dont 400 créations. Je trouve cette suppression incompréhensible. Le Gouvernement annonce qu'une subvention de l'État viendra compenser cette perte à 100 %, mais ce n'est qu'une promesse... Nous savons bien que tous les ans le ministère a du mal à boucler son budget. Cette taxe présente un caractère vertueux, puisqu'elle est liée à la présence effective dans les salles, un peu comme pour le cinéma. Pourquoi déstabiliser ainsi tout un secteur culturel qui a pourtant besoin de visibilité et de perspectives à moyen terme ? Je peux vous dire qu'aujourd'hui c'est la panique !

Ensuite, je voudrais évoquer la loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, à laquelle j'ai contribué en tant qu'auteur et rapporteur pour le Sénat. L'intervention du Président de la République a été à la hauteur, mais il faut absolument que nous maintenions la pression à un niveau élevé, car au-delà de l'aspect culturel il s'agit aussi d'un enjeu démocratique majeur. Soyons conscients de ce que vient de faire Google ! Cette entreprise privée vient de dire à l'Union européenne et à ses États membres qu'ils peuvent aller se faire voir ! Lorsqu'il est venu en France, le vice-président de Google a demandé à me voir et je l'ai rencontré, alors qu'il venait de faire cette déclaration tonitruante : il m'a dit qu'en fait Google pouvait donner bien plus à la presse, mais ne veut pas que la loi le lui impose. Une entreprise entend donc s'émanciper de la souveraineté démocratique d'un État ou d'un ensemble d'États ! Comment le Président de la République et le Gouvernement entendent-ils maintenir la pression ? En tout cas, il ne faut pas lâcher !

Dernier sujet que je souhaite aborder : la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Je suis certain qu'en votre for intérieur vous n'êtes pas très content qu'elle baisse d'un euro, deux en fait avec l'absence de revalorisation liée à l'inflation. C'est en tout cas l'arbitrage que vous allez défendre et, sur ce point, nous ne serons pas d'accord. La redevance française fait déjà partie des plus basses en Europe et il n'est pas possible de la baisser, tout en évoquant une grande ambition pour le service public de l'audiovisuel - il y a une contradiction évidente. En outre, un euro par an - moins de dix centimes par mois ! - ne représente pas beaucoup pour les Français pris individuellement et je ne crois pas qu'ils ont manifesté pour cela. Je pense que c'est un très mauvais signal.

Enfin, la dernière loi de finances a prévu la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur ce sujet ; quand nous sera remis ce rapport ?

M. Pierre Ouzoulias. - En préambule, je souhaite que nous puissions exprimer collectivement notre solidarité et notre soutien aux Japonais à la suite de l'incendie qui a eu lieu cette nuit au château de Shuri dans l'archipel méridional d'Okinawa - c'est l'un des joyaux de l'architecture de ce pays, il est inscrit au patrimoine mondial de l'humanité. Les Japonais ont montré une grande solidarité à l'occasion de l'incendie de Notre-Dame ; nous leur devons la même chose. Je note au passage que ce château avait déjà brûlé dans le passé et reconstruit ... à l'identique - n'y voyez pas de malice, monsieur le ministre !

En ce qui concerne Notre-Dame justement, quand pourrons-nous réfléchir collectivement aux suites à donner à l'audit qui a été réalisé sur l'ensemble des cathédrales françaises ? Il faudrait engager un programme pluriannuel de travaux sur le long terme pour éviter que les problèmes apparus à Notre-Dame ne se reproduisent.

Par ailleurs, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a organisé en mai dernier, sous la présidence de Cédric Villani et de Gérard Longuet, une table ronde sur la manière dont les sciences peuvent contribuer à la restauration des monuments historiques. Nous avions conclu qu'il était essentiel d'engager un programme interministériel pour « mettre à profit », si vous me permettez cette expression, cette catastrophe. Le ministère de la culture fête ses soixante ans, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ses quatre-vingts ans ; pour ces anniversaires, il serait très intéressant de dégager un budget conjoint consacré à l'étude de Notre-Dame. Il faut profiter de l'intérêt de la population pour le patrimoine et mieux associer l'ensemble de la communauté scientifique.

Mme Sonia de la Provôté. - Monsieur le ministre, plusieurs questions se posent sur les crédits déconcentrés, c'est-à-dire ceux qui concernent directement les territoires dont vous avez beaucoup parlé. Leur répartition est inégale, même si l'on procède à des ajustements liés aux grands équipements. Quelles sont vos propositions pour mieux répartir ces crédits sur le territoire national ? En outre, la manière dont les choses sont organisées laisse finalement peu de liberté et de souplesse aux DRAC pour soutenir bon nombre d'acteurs culturels locaux qui font le dynamisme culturel de nos territoires ; il faut d'abord s'inscrire dans les priorités nationales, les labels, les appels à projets, etc. Que comptez-vous faire pour donner plus de liberté et de souplesse dans l'affectation effective des crédits déconcentrés ?

En ce qui concerne les arts visuels, un Conseil national vient d'être installé, mais les budgets restent faibles, alors que c'est une discipline majeure, notamment pour les territoires. Comment mieux accompagner ces artistes, qui sont parmi les plus paupérisés du monde culturel, alors même qu'ils sont très importants et actifs sur les territoires ? Un rééquilibrage est-il prévu ?

Vous avez évoqué les enseignants dans les écoles d'art, mais d'une manière générale, où en sont les réflexions sur l'évolution du statut de ces écoles, notamment en ce qui concerne la recherche ? Question récurrente, où en est la mise en oeuvre du plan Conservatoires ? Beaucoup d'interrogations apparaissent à ce sujet dans les territoires, notamment en ce qui concerne les compétences des collectivités territoriales. Comment comptez-vous articuler le national et le local pour ces grands équipements qui constituent souvent une porte d'accès privilégiée à la culture ?

En ce qui concerne l'éducation artistique et culturelle, on constate qu'en retranchant les crédits du Pass Culture et les crédits destinés à la démocratisation culturelle au sens large, la stabilité annoncée du budget n'est pas tout à fait certaine... Il y aurait même une légère baisse. Est-ce que le ministère de l'éducation nationale a avancé sur ce sujet ? C'est une question que nous avons déjà abordée l'an passé. Je vous signale que la réforme du baccalauréat a énormément fragilisé l'enseignement artistique et culturel.

Mme Colette Mélot. - Je voudrais d'abord souligner que le groupe Les Indépendants partage pleinement les objectifs que vous nous avez présentés, monsieur le ministre, pour ce projet de loi de finances pour 2020, à savoir la démocratisation de l'accès à la culture, l'attractivité des territoires, la souveraineté culturelle et l'accompagnement des artistes au plus près de leurs besoins.

Vous nous avez déjà donné beaucoup d'informations et je n'interviendrai que sur un point : l'importance de la stabilité de la fiscalité qui s'applique dans le domaine culturel. Dans de nombreuses situations, le mécénat représente un levier essentiel pour soutenir la culture française, qu'il s'agisse bien sûr de la reconstruction de Notre-Dame, du financement des salles de spectacle et des festivals ou encore de la création. Tout changement brutal de fiscalité représente un frein pour l'engagement des mécènes dans le financement privé de la culture. Or on nous a annoncé une baisse du taux de défiscalisation pour les plus grosses entreprises de 60 % à 40 %. Par ailleurs, comment envisagez-vous de développer le mécénat des TPE et PME ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Je souhaite tout d'abord vous féliciter, monsieur le ministre, car vous avez tenu parole en ce qui concerne la création du Centre national de la musique. Hier, nous avons auditionné M. Dominique Boutonnat, président du Centre national du cinéma et de l'image animée ; il s'est montré ouvert à des passerelles avec le nouveau CNM, dont il va suivre avec intérêt les premiers pas. Certains auraient préféré que le budget de 20 millions d'euros nécessaire à la mise en place du CNM soit disponible dès la première année, mais on peut comprendre qu'en période de disette budgétaire une enveloppe de 7,5 millions soit un bon départ.

En ce qui concerne le Pass Culture, les montants financiers sont au rendez-vous. Par souci d'efficacité, une organisation très souple a été adoptée, vous avez ainsi créé une société anonyme simplifiée, qui a d'ailleurs créé un peu d'émoi, mais vous nous avez expliqué que cette ambition présidentielle s'inscrivait dans une logique de start-up. Pour autant, nous avons besoin de transparence sur la manière dont les crédits sont utilisés.

Je suis membre du conseil d'administration de Radio France et il est vrai que réduire la CAP avant la présentation et l'adoption de la réforme de l'audiovisuel public a créé quelques difficultés. Pour autant, la réforme envisagée répond assez largement à des points mis en avant de longue date par notre commission et le Sénat - je pense notamment au rapport d'information présenté par Jean-Pierre Leleux et André Gattolin en 2015. Pour Radio France, la difficulté réside dans l'amélioration du dialogue social. Sur la question des travaux, qu'il est indispensable de réaliser, je le rappelle, espérons que nous ne reverrons plus jamais de tels dysfonctionnements ! Si un élu local avait pratiqué ainsi, qu'aurions-nous entendu !

Je voudrais conclure sur la question du piratage qui est un mal profond pour de nombreux secteurs - le sport, la musique... Si nous voulons que la lutte contre le piratage soit pleinement efficace, nous devrons être attentifs à l'article 30 de l'avant-projet de loi de réforme de l'audiovisuel - il mérite d'être précisé et analysé finement.

M. Laurent Lafon. - BpiFrance va consacrer une enveloppe de 225 millions d'euros aux industries culturelles. Cette ressource financière est bienvenue. Quelle sera l'implication du ministère de la culture dans l'attribution de ces fonds ? Avec quels critères seront-ils distribués ? Seront-ils plutôt concentrés sur quelques projets majeurs ou seront-ils disséminés sur de plus petites opérations ?

M. Stéphane Piednoir. - Chacun le sait, en matière d'archéologie préventive, les procédures sont complexes et lentes, ce qui préoccupe beaucoup les élus locaux, car elles entraînent des surcoûts et conduisent à reporter, voire annuler, des opérations d'urbanisme. C'est un constat qui ne remet pas en cause l'utilité de ces fouilles. L'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) est l'opérateur qui est le plus souvent désigné pour procéder à ces opérations. Or l'institut semble submergé par les demandes. Ma question est simple : les moyens de l'Inrap sont-ils suffisants ?

M. Alain Schmitz. - Je voudrais m'associer aux propos de Colette Mélot en ce qui concerne l'importance de la stabilité fiscale. Je rappelle que l'effet de levier du mécénat est d'un à quatre et nous savons tous que l'État est incapable de se substituer aux mécènes. Tout message ou signal tendant à remettre en cause les conditions de mise en oeuvre du mécénat est extrêmement mal perçu et suscite beaucoup d'inquiétudes dans toutes les sociétés philanthropiques. Cela concerne de très nombreux domaines.

Il existe certains dispositifs spécifiques en matière de mécénat pour les trésors nationaux. Lorsqu'une entreprise acquiert un trésor national pour le compte de l'État, elle peut obtenir une réduction d'impôt de 90 %. Pourquoi ne pas ouvrir cette possibilité aux particuliers, ce qui n'est pas autorisé aujourd'hui ?

Lorsqu'une entreprise acquiert, pour son propre compte, un bien ayant fait l'objet d'un refus de certificat d'exportation, elle peut obtenir une réduction d'impôt de 40 %, à condition de conserver l'objet pendant dix ans et de le placer pendant ce laps de temps en dépôt dans un musée, un service public d'archives ou une bibliothèque afin qu'il soit visible par le public. Ne faudrait-il pas là aussi remodeler cette possibilité en faveur des particuliers, pour éviter la sortie du territoire ? L'actualité nous met face à un cas récent, puisqu'un panneau de Cimabue vient d'être adjugé près de 20 millions d'euros à l'hôtel des ventes de Senlis. Il serait bon d'offrir la possibilité aux particuliers de permettre à ces trésors nationaux, ou à ces objets qui ne disposent pas d'un certificat de sortie du territoire, de rester sur le territoire.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Sur l'audiovisuel extérieur, le PLF prévoit une baisse de 1 million d'euros par rapport à 2019, et donc de 10 millions d'euros par rapport au COM. Vous souhaitez que toutes les branches de l'audiovisuel public fassent des efforts, mais on en demande beaucoup aux plus petits, qui avaient déjà réalisé leur transition. Cette trajectoire nous met en décalage croissant avec les autres grands médias internationaux, comme Deutsche Welle, que nous avons auditionnée avec France Médias Monde. Il en va de l'influence de la France dans le monde : la bataille se joue en français, mais aussi dans les langues étrangères. J'aimerais avoir la certitude que c'est aussi votre préoccupation. Dans la holding France Médias Monde, l'audiovisuel extérieur est une mission particulière, régalienne, et il faut sanctuariser ce qui portera cette ambition, récemment réaffirmée par le Président de la République.

M. Franck Riester, ministre. - Sur l'audiovisuel extérieur, nous considérons que cet effort est soutenable. Le Gouvernement souhaite rétablir les comptes publics et baisser la fiscalité. Pour autant, il importe que l'audiovisuel public puisse bâtir des politiques en sachant quelle sera sa trajectoire financière pluriannuelle. Une décision a été prise en 2017 pour une trajectoire 2018-2022. Nous nous y tenons : il n'y a pas d'augmentation ni de baisse par rapport à cette trajectoire - qui était baissière, certes. L'audiovisuel extérieur est fondamental dans les missions de service public, et notamment pour le rayonnement de la France dans le monde. Cela sera remis très clairement en tête de ses priorités. Le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères est associé à la réflexion sur l'organisation future du groupe public, et participera à sa gouvernance. Nous verrons, pour la trajectoire 2023-2027, quels moyens consacrer à ce groupe public de l'audiovisuel modernisé. L'État s'est engagé, et devra tenir son engagement.

Le rendement de la CAP en 2020 sera vraisemblablement supérieur à la trajectoire financière votée. Trois solutions : attribuer ce surplus à l'audiovisuel public, le reverser au budget de l'État, ou le restituer aux Français. Nous avons choisi la troisième option, qui est réversible : s'il y a des besoins supplémentaires par rapport au rendement de la taxe, nous l'augmenterons. En effet, le Gouvernement vous doit un rapport. Il vous sera remis sous peu.

Le piratage est une priorité pour l'ancien rapporteur de la loi Hadopi que je suis. Nous devons veiller à ce que les droits des créateurs soient préservés à l'ère numérique, et que les règles qui sont valables dans l'espace physique le soient aussi dans l'espace virtuel. Aussi souhaitons-nous conforter la politique publique de lutte contre le piratage. D'abord, en s'appuyant sur ce qui a été fait, et bien fait, par la Hadopi, dont les équipes participeront à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), avec des moyens confortés et des missions étendues. Vous avez évoqué à juste titre la question du sport. Nous travaillons avec les équipes de la Chancellerie à des mesures spécifiques de blocage et de déréférencement, qui viseraient les sites source et leurs sites miroir. Pour lutter contre le live streaming - retransmission audiovisuelle en direct - de manifestations sportives, nous travaillons à une procédure de référé spécifique, qui permettrait au juge de prononcer des décisions applicables immédiatement. Nous confierons aussi à l'Arcom des moyens nouveaux pour établir une liste noire des sites portant atteinte de manière grave et répétée aux droits d'auteur, pour lutter aux côtés du juge contre la réapparition des sites, et pour travailler à l'évaluation des outils de reconnaissance de contenus mis en place par les plateformes. Comme l'Arcom pourra contraindre les plateformes à respecter un certain nombre de modes opératoires, nous devrions obtenir de meilleurs résultats - notamment grâce à la pression mise sur les intermédiaires. Bref, notre ambition est très forte. Nous ne remettons pas en cause la riposte graduée, qui est un outil pédagogique pour l'internaute.

Google pose un enjeu démocratique majeur, et les responsables politiques en France et en Europe doivent être unis, tout comme les éditeurs de presse et les professionnels du secteur, pour faire respecter nos valeurs, notre conception de la société, notre conception de la démocratie - car c'est cela qui se joue. Une entreprise privée, qu'elle vienne de la côte ouest-américaine, de Chine ou même d'Europe, ne peut pas imposer sa vision de l'organisation de la société à des États souverains. Le Président de la République est mobilisé sur cette question. Il a joué un rôle moteur pour que soit votée la directive sur les droits d'auteur. En lien avec le Parlement, le Gouvernement est tout aussi mobilisé sur cette question. Nous avons travaillé à l'adoption de la directive européenne comme à sa transposition rapide par la France. Reste à faire que la loi soit appliquée. Que des partenariats se développent, très bien ! Mais qu'on respecte d'abord la loi. On ne peut pas laisser des entreprises privées utiliser leur position dominante au service de leurs simples intérêts privés sans partager les ressources avec des entreprises et des personnes qui créent des contenus d'enjeu démocratique. Comme l'a dit le Président de la République lors du Conseil des ministres franco-allemand à Toulouse en présence d'Angela Merkel, cela requiert de saisir les autorités de la concurrence tant en France qu'en Europe. L'Autorité de la concurrence a été saisie et travaille d'ores et déjà à la question d'un éventuel abus de position dominante, qui est l'un des leviers pour contraindre ces entreprises à respecter la loi. Peut-être faudra-t-il, dans la loi sur l'audiovisuel, aller plus loin encore dans les outils au service de la bonne application de la loi. Il faut aussi une mobilisation européenne, pour que les autres pays de l'Union transposent rapidement la directive sur les droits d'auteur : ce sera à l'ordre du jour du conseil des ministres de la culture du 21 novembre à Bruxelles. Nous travaillons aussi avec les éditeurs de presse, qui se sont bien structurés, sous la direction de Pierre Louette. Nous n'avons pas le droit d'échouer : la presse doit être rémunérée à hauteur du rôle essentiel qu'elle joue dans notre vie démocratique.

Sur les ICC, le budget est important : 225 millions d'euros. Le but est d'accompagner les entreprises en développement en confortant leurs fonds propres. Nous avons aussi mobilisé des budgets nouveaux pour les prêts participatifs. Ces fonds sont d'ores et déjà disponibles, même si les critères d'attribution sont encore en cours de finalisation. Notre volonté est d'aider largement tous les acteurs, et pas simplement les gros. Nous voulons nous doter d'une boîte à outils complète. Les états généraux des ICC, que nous allons lancer très prochainement avec Bruno Le Maire et Jean-Yves Le Drian, vont compléter et conforter ce qui est déjà fait par la France.

- Présidence de M. Jean-Pierre Leleux, vice-président -

M. Franck Riester, ministre. - Le Pass Culture, c'est 27,9 millions d'euros nets de gel qui seront inscrits au budget. On estime qu'environ 19 millions d'euros seront consommés. En 2020, nous inscrivons 39 millions d'euros au budget, auxquels s'ajoutent les quelque 10 millions d'euros de report. Nous allons renforcer l'expérimentation dans de nouveaux départements, et travailler à la fois sur le modèle économique à terme et la profondeur de l'offre proposée : il faut encore parfois aller chercher les offreurs pour les convaincre de la pertinence du dispositif. Pour l'heure, les retours sont bons, notamment ces dernières semaines. Déjà, 26 000 jeunes ont ouvert un compte, et on estime qu'à la fin de l'année ils seront 35 000 - sur un total de 150 000 concernés. Quelque 72 000 réservations ont été effectuées, beaucoup pour des livres, mais pas seulement. Les jeunes semblent développer une stratégie d'utilisation assez élaborée de ces 500 euros. C'est exactement ce qu'on veut - et nous voulons les inciter à aller sur des offres culturelles novatrices.

Les écoles d'art et les plans conservatoires sont un sujet récurrent. Je ne peux pas encore vous faire des propositions suffisamment consolidées. Pour les conservatoires, nous redéfinissons les critères de classement. Nous travaillons aux textes d'application de la loi LCAP de 2016, relatifs à l'agrément et au diplôme national pour les conservatoires. Nous voulons ouvrir à de nouveaux profils, à de nouvelles esthétiques... Il y a un vrai travail de fond, que nous devons mener avec les collectivités territoriales. Au Conseil des territoires pour la culture, j'ai redit qu'il était nécessaire de travailler ensemble sur ce plan Conservatoires. Pour les écoles d'art, nous avons commencé à travailler au sein du Conseil des territoires pour la culture. Nous travaillons beaucoup en interministériel, aussi.

J'examine avec Jean-Michel Blanquer le bilan de l'évolution de l'organisation de l'enseignement artistique au lycée et au collège. L'ambition est de faciliter le recours à cet enseignement, pas de le limiter. L'histoire des arts est aussi fondamentale dans l'éducation artistique et culturelle, sans parler de la mise en contact avec des oeuvres et avec des artistes, ou de l'expérimentation d'une discipline artistique ou d'un art. Nous ne voulons certes pas nous désarmer en matière d'enseignement artistique. Reste à vérifier si le nouveau système permet de nous armer davantage.

Sur la fiscalité des théâtres, il est évident que je souhaite accompagner le théâtre privé, et non le pénaliser. Mais le Gouvernement veut simplifier la fiscalité, notamment en supprimant nombre de petites taxes, affectées ou non. C'est la raison pour laquelle, en matière d'audiovisuel, a été supprimée la surtaxe qui avait été créée au moment de la suppression de la publicité après 20 heures. De même, Bercy veut supprimer cette taxe affectée, tout en compensant la perte de recettes pour le secteur bénéficiaire. Or cette taxe était prélevée par ceux qui vont en bénéficier. Ceux-ci font donc une économie fiscale, tout en continuant de bénéficier des mêmes sommes ! Il est tout de même rare que les contribuables se plaignent d'une diminution de leurs impôts... C'est peut-être que, par prudence, j'ai attendu d'être certain de la suppression de cette taxe pour l'annoncer aux représentants du théâtre privé. Ils ont sans doute été pris de court. Je leur ai toutefois dit qu'il n'était aucunement question de refondre la gouvernance, mais simplement d'apporter des fonds nouveaux en simplifiant la fiscalité. C'est un système sain de solidarité entre les spectacles qui fonctionnent et ceux qui fonctionnent moins bien. Ils sont inquiets quant à la garantie sur le temps long qu'offrent des crédits budgétaires par rapport à une taxe affectée. Mais pour l'instant, la subvention est intacte. Et le CNC, au cours du quinquennat précédent, a vu son budget réduit de 370 millions d'euros en deux ans, alors même qu'il bénéficiait d'une taxe affectée...

Vous m'interrogez sur la culture dans les territoires. Le fonds incitatif et partenarial pour la restauration des monuments historiques des petites communes représente un effort renouvelé de 10 millions d'euros en CP et 15 millions d'euros en AE, rendu possible grâce à des redéploiements, eux-mêmes effectués lorsque nous donnons la possibilité à certains acteurs de trouver des ressources complémentaires. Ainsi, nous diminuons la subvention au Louvre de 11 millions d'euros, soit 15 %, grâce à un assouplissement de sa gestion. Sur ces 11 millions d'euros, nous en consacrerons 3 millions pour le CMN, notamment pour des restaurations dans les régions, 3 millions pour Villers-Cotterêts et 5 millions pour le fonds d'intervention dans les petites communes. Et 80 % des crédits « monuments historiques » sont consommés dans les régions.

Les crédits déconcentrés représentent 299 millions d'euros. Un tiers des crédits du programme 175 sont déconcentrés, par exemple. Certes, les institutions historiques, les grandes institutions nationales - qui ont aussi un rôle dans les territoires - sont à Paris. Mais, notamment sur la partie création artistique, la région parisienne n'est pas la première région d'intervention par habitant. En tous cas, nous voulons développer toujours davantage la péréquation entre les différentes régions en matière d'investissements et de moyens du ministère de la culture.

Sur les arts visuels, nous savons que les artistes sont souvent dans une situation de précarité. D'où la mission Racine.

Sur la totalité des opérations d'aménagement en France, seules 8 % d'entre elles font l'objet d'un diagnostic, et 2 % d'une fouille. L'Inrap a, dans quelques régions, une difficulté ponctuelle pour financer les opérations de diagnostic archéologique. Nous cherchons des solutions à ces problématiques ponctuelles, mais l'Inrap est l'opérateur national indispensable pour l'archéologie préventive.

La stabilité des dispositifs fiscaux relatifs au mécénat n'est pas synonyme d'immobilité. La loi de 2003 est un grand succès : on est passé de 90 à 900 millions d'euros de dépense fiscale entre 2003 et 2019 : l'effort financier de l'État a décuplé ! À la suite de rapports parlementaires, nous avons cherché le moyen de corriger les dérives du système, tout en le préservant. C'est pourquoi la réforme en cours ne touche pas au mécénat des particuliers. Nous baissons de 60 % à 40 % le taux pour les entreprises, mais seulement au-delà de 2 millions d'euros de dons par an - ce qui représente environ 80 sociétés, qui n'en sont pas autrement émues, puisqu'elles sont dans une démarche philanthropique, comme on l'a vu pour Notre-Dame. En 2019, le Gouvernement a augmenté le plafond pour les PME dans les territoires, pour leur permettre de réaliser des dons plus importants. À côté du plafond de 0,5 % du chiffre d'affaires, nous avons ajouté un plafond alternatif de 10 000 euros de dons par an. Et certains parlementaires réfléchissent encore à accroître ce plafond.

Depuis que le dispositif fiscal de trésor national existe, les entreprises qui pouvaient en bénéficier en ont fait usage une seule fois. Nous l'avons maintenu, même s'il ne sert presque jamais. Mais nous avons décidé de le centrer sur les acquisitions réalisées par les entreprises pour le compte de l'État. Il n'est pas envisagé de l'ouvrir aux particuliers.

Nous investissons environ 40 millions d'euros par an pour les cathédrales. Nous allons continuer, et augmenter cet investissement, avec des budgets complémentaires, notamment pour financer le plan de sécurisation des cathédrales. Nous serons très transparents sur le plan d'action, qui vise à la fois à satisfaire les demandes des commissions de sécurité et à répondre aux normes de sécurité pour des établissements recevant du public. Chaque site historique a des conditions spécifiques, qui sont affinées dans le cadre des commissions de sécurité. Nous nous efforcerons d'augmenter ces dispositifs pour atteindre les prérequis et les normes d'établissements recevant du public. Nous n'excluons pas de réfléchir à des spécifications particulières pour les monuments historiques.

Nous allons utiliser ce qu'on va constater à travers les travaux de Notre-Dame pour valoriser les métiers d'art, grâce au dispositif « Chantiers de France », qui reposera notamment sur les campus des métiers, par exemple à Versailles. Il est important de réfléchir aussi au niveau européen à la valorisation des métiers d'art. Pour l'aspect scientifique, un groupe de travail réunit déjà la direction générale des patrimoines, le laboratoire de recherche des monuments historiques et le CNRS. Il pourra tirer les enseignements du chantier de Notre-Dame. Cette réflexion pourra aussi avoir lieu au sein du conseil scientifique de l'établissement public.

M. Jean-Pierre Leleux, président. - Merci de votre participation.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 13 heures.