DÉBAT

• Un intervenant, Procureur général d'Italie

Vous êtes tous trois tombés d'accord sur la nécessité du principe de légalité de la loi, qui doit être claire et prévisible. Vous avez indiqué que la loi n'était plus en mesure de suivre les évolutions de sociales. Le vrai problème qui se pose aujourd'hui ne concerne donc pas seulement l'interprétation de la loi mais aussi son application. J'aimerai connaître votre point de vue sur les conséquences de cela, d'autant que la loi doit fixer des règles générales.

Les règles générales sont nécessaires et elles existent ; elles ont été établies par le Conseil de l'Europe, à l'occasion d'une étude portant sur la criminalisation et sur les lignes de conduite à suivre. Il convient, au niveau européen, de déterminer quels comportements sont indésirables dans la société et dans quels secteurs il convient de dépénaliser ou de décriminaliser.

La loi est appliquée avec un pouvoir discrétionnaire du juge ou du Parquet : ce pouvoir bute sur la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, avec l'obligation qui en découle pour les pays de criminaliser ou de décriminaliser dans certains secteurs. Nous avons une obligation de décriminaliser. Vos propos sur la diffamation sont intéressants de ce point de vue puisque le juge national doit décriminaliser à la lumière de la jurisprudence de Strasbourg. Dans d'autres secteurs, le législateur doit intervenir pour décriminaliser. Si l'action pénale est exercée ou pas ou s'il y a une prescription, le juge ne peut appliquer la loi. Le risque de l'arbitraire existe toujours et il est donc nécessaire de rechercher les bonnes pratiques, à la lumière des règles édictées par Strasbourg, dans l'interprétation et dans l'application de la loi.

• Christine SAUZEAU, journaliste

Y a-t-il une application de la loi sur la parité dans la composition des Chambres de la Cour de cassation ? Les hommes et les femmes ont parfois des modes de pensée différents ou complémentaires et les femmes ont peut-être une culture des sciences humaines plus développée. Faut-il une parité dans les Chambres pour avoir une jurisprudence plus équilibrée ?

• André DECOCQ

Je peux me demander aussi, dans le fil de votre question, si nous ne devons prévoir, comme au Liban une parité entre Chrétiens et Musulmans.

• Emmanuel PIWNICA

Nous nous interdisons en France de prendre en considération la personne même qui rend une décision de justice. La plupart des décisions est rendue par un juge unique (en référé, au tribunal de commerce...) mais, devant la Cour de cassation, les décisions sont systématiquement rendues de manière collégiale, à l'exception des ordonnances du premier Président. Nous nous interdisons par ailleurs de regarder si la décision a été rendue par telle ou telle personne et, encore plus, si c'est un homme ou une femme. Le problème s'est posé sur une demande de récusation qui avait été présentée contre un magistrat de la Cour d'Appel, eu égard à son appartenance religieuse. Ces éléments ne sont pas supportables pour nous : nous n'admettons pas qu'il soit dit que la décision est bonne parce qu'elle a été rendue par un homme ou une femme... Je sais qu'il n'en est pas de même dans certains pays et que certaines écoles sociologiques prennent en considération la nationalité ou le sexe mais tel n'est pas le cas en France et c'est un bonheur.

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