Premiers États généraux de la démocratie locale et de la parité



Palais du Luxembourg, 7 mars 2005

LES CINQ COMMISSIONS AU PALAIS DU LUXEMBOURG

Accueil des femmes maires au Sénat

Commission n° - Salle Clemenceau

La condition féminine à l'épreuve des responsabilités électives municipales

COMMISSION N°1 : LA CONDITION FEMININE À L'ÉPREUVE DES RESPONSABILITÉS ÉLÉCTIVES MUNICIPALES

Présidente : Mme Yolande BOYER, sénatrice du Finistère
Rapporteure : Mme Catherine TROENDLE, sénatrice du Haut-Rhin
Animateur : M. Frédéric VALLETOUX, rédacteur en chef à La Gazette des communes

Mme Yolande Boyer, sénatrice du Finistère, maire de Châteaulin, présidente de la commission n° 1

Mesdames les Maires, mes chères collègues - au féminin parce que je vois qu'il n'y a aucun homme- tout simplement, en tant que présidente de cette commission, je voudrais vous souhaiter la bienvenue dans cette salle Clemenceau au nom de Monsieur Christian Poncelet, Président du Sénat ; dans cette salle qui abrite souvent des travaux ouverts au public. Mais je vais donner tout de suite la parole à notre animateur, M. Frédéric Valletoux qui est journaliste à la Gazette des communes.

Frédéric Valletoux : Mesdames les Maires, bonjour. Je suis un des rares hommes de l'assistance, aussi demanderai-je beaucoup d'indulgence à propos de mon modeste travail.

La commission sur la condition féminine à l'épreuve des responsabilités électives municipales va se dérouler jusqu'à 11 h 45 : nous avons un timing un peu serré, ce qui m'obligera à être parfois un peu directif dans la manière dont je vais mener les débats. Mais ce sera pour que nous puissions aller jusqu'au bout de la table ronde et du débat que nous souhaitons avoir avec vous.

Je vous présente donc la sénatrice Yolande Boyer qui vient de parler et qui encadrera nos travaux. Mme Boyer est maire de Châteaulin depuis 1995 et avait été auparavant conseillère municipale pendant douze ans, à partir de 1983 ; puis élue en 1995, sur une liste paritaire avant la loi ; conseillère régionale de Bretagne entre 1986 et 1992 et sénatrice depuis 1998.

À ses côtés, celle qui sera notre rapporteure, Catherine Troendle, sénatrice du Haut-Rhin, juriste de formation, qui est entrée dans la vie municipale assez jeune, puisqu'elle a obtenu son premier mandat à 28 ans, en 1989. Elle est devenue adjointe au maire en 1995 et maire en 2001 de Ranspach-le-Bas, une commune rurale de 620 habitants du Haut-Rhin. Elle est vice-présidente de l'Association des maires du Haut-Rhin, elle est aussi vice-présidente de la Communauté de communes de la Porte du Sundgau, en charge de la commission service aux habitants et, depuis mars 2004, conseillère régionale même si, et elle en parlera peut-être, elle est en phase de démission pour des problèmes de disponibilité et aussi d'efficacité opposés à la manière dont elle conçoit son mandat. Elle est sénatrice depuis septembre dernier. Je vais tout de suite repasser la parole à Mme Boyer pour introduire cette commission.

Yolande Boyer : Ces États généraux de la démocratie locale et de la parité entrent dans le cadre des commémorations du 60 e anniversaire de la Libération qui ont lieu ici, au Sénat. Et, de façon symbolique, la veille du 8 mars, Journée internationale de la femme.

Rappelons-nous que, par ordonnance du 21 avril 1944, les femmes françaises ont enfin obtenu le droit de vote après la plupart des femmes des autres pays d'Europe. Cela au lendemain de la Libération. Les Françaises voteront pour la première fois aux élections municipales en avril-mai 1945, il y aura bientôt soixante ans. Notre Haute Assemblée, le Sénat, le Conseil des communes de France, s'honore de cette manifestation et du succès qui est déjà assuré par votre présence nombreuse, puisque nous sommes 4 076 femmes maires en France et que nous sommes ici aujourd'hui environ 1 800. Le Sénat, ai-je envie de dire, devait bien cela aux femmes de France puisqu'à plusieurs reprises entre les deux guerres c'est lui qui leur a refusé le droit de vote. Les années qui ont suivi la Libération ont-elles fait surgir une femme nouvelle ? C'est l'interrogation que pose l'historienne Claire Duchesne dans un article qui paraît en 1995. Il y avait une vision inquiète à l'époque de la Libération qui consistait à dire : « Une femme peut-elle participer à la vie politique sans perdre sa féminité ? » Eh bien, à vous voir mesdames, j'ai la réponse. En tout cas, à l'époque, la nouvelle représentante, qu'elle soit une députée ou une sénatrice, est une créature - le mot n'est pas de moi - qui dérange. On note la persistance de l'idéologie traditionnelle des rôles féminin et masculin : le refus, ou du moins la réticence (il y a une nuance) des hommes à céder ou à partager le pouvoir. L'égalité théorique dans la vie publique ne trouve pas écho dans la vie privée. « Femmes nouvelles dans une France nouvelle ? ». Il serait plus juste de parler d'évolution lente et boiteuse. Cela m'amène, et j'espère que cela ne sera pas trop rébarbatif, à vous donner quelques chiffres qui me paraissent significatifs et essentiels de l'évolution et plus exactement des progrès - soyons positives - accomplis même si, courant sur soixante ans, on peut dire que c'est allé assez lentement.

Après les élections municipales de 2001, 156 393 sièges de conseillers municipaux sont occupés par des femmes sur un total de 474 020. Cela fait une proportion de 33 %, alors qu'en 1995, la proportion était de 21,27 %. Si je remonte dans le temps pour noter comme je le disais les progrès accomplis, on peut dire qu'en 1977, il y avait 8,4 % de femmes conseillères municipales. Ça montait à 16,3 % en 1989 pour atteindre en 2001 le chiffre dont je viens de vous parler. Cette entrée massive des femmes dans les conseils municipaux en 2001 est bien sûr due en très grande partie à la loi du 6 juin 2000 sur la parité que je suis très fière d'avoir votée et d'avoir eu l'occasion de débattre dans cette assemblée. Ce fut un combat difficile, au Sénat notamment, et c'était il y a seulement cinq ans. C'est une avancée décisive pour la démocratie comme le souligne le rapport de l'Observatoire de la parité. La barre significative, que l'on appelle le « plafond de verre », des 30 %, est franchie. Bien entendu, l'effet se fait sentir bien plus lorsqu'il y a contrainte et je veux dire par là que ce chiffre est supérieur dans les communes où la loi s'applique, à savoir les communes de plus de 3 500 habitants où l'on passe de 25,7 % en 1995 à 47,5 % des conseillères municipales. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, qui sont bien sûr les plus nombreuses vous devez être pour la plupart maires de communes de moins de 3 500 habitants - il y a cependant un effet d'entraînement qui n'est pas négligeable, puisque l'on passe de 21 % en 1995 à 30 % en 2001. Par contre, là où le bât blesse, et je tiens à y insister, c'est la distorsion entre le nombre de femmes conseillères municipales et la place des femmes dans les exécutifs, qu'elles soient adjointes ou maires. Encore quelques chiffres, mais ils sont indispensables : en 1977, seulement 1,8 % de femmes maires ; en 1995, 7,5 % ; et en 2001, 10,9 %de femmes maires. Ça monte, mais doucement. Là encore, il y a des différences entre les communes de moins de 3 500 habitants où l'on passe de 5,8 % à 11,2 % et celles de plus de 3 500 habitants où l'on passe de 4,4 % à 6,7 % de maires. Il y a encore du travail, comme on le voit. Au-delà de 100 000 habitants, je crois qu'il vaut mieux ne pas en parler. Nous n'avons pas de données pour les adjointes, mais on sait que le compte n'y est pas, et de loin, et que souvent les femmes adjointes sont cantonnées à des postes plutôt traditionnels dans le social, l'enfance ou la culture. Que dire des exécutifs dans l'intercommunalité ? Vous êtes aussi bien placées que moi pour le savoir, à peine 5,4 % de femmes sont présidentes d'intercommunalité. J'en ai terminé pour les chiffres, j'espère qu'il n'y en a pas eu trop. Au cours du peu de temps -M. Valletoux nous l'a déjà dit - qui nous est imparti avec Mme Troendle, nous aborderons le thème de la condition féminine à l'épreuve des responsabilités municipales. J'avoue que j'aurais préféré comme formulation « femmes élues et temps de vie », parce que c'est cela que recouvre en fait ce thème. Nous aurons trois moments délimités dans le débat :

- « Comment concilier un mandat municipal avec la vie personnelle ? » (il était écrit « familiale », mais je préfère dire « personnelle » parce que la vie des femmes est au-delà de la vie familiale et donc il y a leur vie personnelle).

- « Comment concilier ce mandat avec une activité professionnelle ? »

Enfin le troisième point, que j'ai un peu modifié et que j'ai intitulé :

- « Quelles propositions et revendications avons-nous pour concilier ces temps de vie, ce que vous souhaitez, ce que vous proposez ? »

Je crois que ce sont le thème et les réponses que nous devons aborder dans cet atelier. J'ai envie de vous demander d'envisager ces trois thèmes en ayant toujours en tête la question : « Mais pourquoi les hommes, eux, y arrivent-ils, disent-ils qu'ils y arrivent et pas nous les femmes ? » Je vais céder la parole à M. Valletoux mais, au préalable, vous me permettrez de dédier cette journée à deux femmes : la première, c'est Florence Aubenas qui a été enlevée alors qu'elle faisait son travail et la seconde, je la connais personnellement et je suis rentrée il y a quarante-huit heures de Colombie, c'est Ingrid Betencourt, sénatrice, qui a été enlevée alors qu'elle faisait campagne pour les élections présidentielles. Je vous remercie.

Frédéric Valletoux : Merci beaucoup. Je ne répondrai pas à la question posée : « Pourquoi les hommes y arriveraient ? », je me garderai bien de me lancer là-dedans. Je vais donner la parole à Catherine Troendle, pour poser un peu le premier thème qui est : « Comment concilier l'exercice d'un mandat et la vie personnelle ? » Et cela, avant qu'on ait un débat, puisque l'objet de la table ronde, c'est évidemment avant tout d'avoir un échange.

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