Premiers États généraux de la démocratie locale et de la parité



Palais du Luxembourg, 7 mars 2005

Mme Catherine Troendle, sénatrice du Haut-Rhin, maire de Ranspach-le-Bas, rapporteure de la commission n° 1

Mesdames, chères collègues -je crois qu'il n'y a toujours pas de messieurs dans la salle - pour cette première séquence, je voudrais vous préciser que mon rapport se base essentiellement sur la synthèse des réponses que vous avez pu donner, avec toutes les collègues maires de France, au questionnaire qui vous a été adressé il y a quelques mois.

L'organisation de nos débats sur le thème de la condition féminine à l'épreuve des responsabilités électives municipales conduit en premier lieu à considérer la question de la conciliation de l'exercice du mandat électif avec la vie personnelle et en particulier les exigences de la vie familiale.

Notre présidente nous rappelait à l'instant que l'entrée des femmes dans la vie publique au cours des années qui suivirent la Libération n'avait pas remis en cause l'importance du rôle qui leur était dévolu dans la sphère privée. En dépit des progrès qui ont été accomplis, la réalité quotidienne tend à laisser perdurer une image traditionnelle du rôle féminin et les difficultés pour concilier vie publique et vie personnelle demeurent multiples. Deux aspects me semblent prioritairement devoir être relevés en ce peu de temps qui m'est imparti, avant de vous laisser la parole.

D'abord, la question de la disponibilité et ensuite le fait de savoir si la féminité constitue un atout ou un handicap dans l'exercice d'un mandat municipal.

La course au temps, c'est un défi de tous les instants pour la femme maire : nombreux sont vos témoignages qui illustrent le fait que la femme maire est bien souvent confrontée à un impératif de cumul des charges. Celles liées à la vie familiale continuant à peser prioritairement sur elle, ainsi qu'il ressort de l'analyse des temps sociaux. Au cours d'une journée moyenne, établie par l'INSEE pour l'année 1999, il apparaît que les femmes passent encore trois fois plus de temps que les hommes à faire le ménage et les courses et à prodiguer des soins aux enfants. Je vais aller plus loin, je vais vous donner les horaires : 4 h 18 pour une femme contre 1 h 21 pour un homme, c'est précis. Parmi les témoignages de ces femmes maires, je citerai l'un d'entre eux, exprimé par une de nos collègues, maire depuis 1995. Elle dit : « Je pense que participer activement à la vie publique est un choix personnel qui est un engagement à consacrer du temps. Or, nous savons bien que le partage des tâches reste théorique. »

Les jeunes maires, les femmes ayant à charge des parents, ou un handicapé, désirent qu'on évoque le fait qu'elles se heurtent à une réelle impossibilité matérielle. Les chiffres attestent cependant que les femmes maires parviennent à relever le défi et à dégager du temps pour assumer pleinement leurs responsabilités électives. Cette disponibilité peut aussi s'expliquer par le fait qu'une large majorité d'entre elles étant âgée de 50 ans ou plus, elles n'ont plus d'enfants à charge.

Nonobstant ce constat, il demeure que, comme le souligne le rapport Génisson sur la parité entre les hommes et les femmes, le pourcentage de femmes maires dans ces tranches d'âge est par comparaison inférieur à celui des hommes maires. En revanche, les femmes maires sont proportionnellement plus présentes dans les tranches d'âge 25-34 ans et 35-49 ans. Par ailleurs, vos réponses à l'enquête menée en amont de la manifestation d'aujourd'hui révèlent que vous êtes 91 % à consacrer plus de dix heures hebdomadaires à l'exercice de votre mandat municipal et que près de la moitié d'entre vous y consacre au moins vingt heures. Il apparaît donc que le manque de temps, du fait notamment des charges familiales, ne nuit pas en réalité à l'exercice du mandat, mais constitue plutôt un frein à la volonté d'accéder aux charges électives. Le rapport d'information qui a été établi en 1997 par la mission Sénatoriale, qui était chargé d'étudier la place et le rôle des femmes dans la vie publique, montre à cet égard une divergence entre la vision des femmes et celle des hommes. Pour ces derniers, la faible participation des femmes à la vie publique est imputable en premier lieu au manque de disponibilité tandis que pour les femmes la cause majeure est culturelle et réside dans les archaïsmes de la société française.

En second lieu, le fait d'être une femme a tout d'un handicap dans l'exercice d'un mandat municipal. Si l'on a dépassé ce qui était de mise dans la presse à l'époque de la Libération, c'est-à-dire le fait de savoir si une femme peut participer à la vie politique sans perdre sa féminité, nombreux sont vos témoignages démontrant que les femmes doivent redoubler d'efforts et de rigueur pour se faire admettre quand elles assument un mandat électif. Au nombre de ces témoignages convergents, nous en citerons quelques-uns. Je cite une collègue : « Une femme est a priori moins respectée qu'un homme, elle doit faire ses preuves. » Une autre collègue : « L'investissement initial pour une femme est beaucoup plus contraignant, surtout en ruralité, car il faut d'abord prouver que l'on peut gérer aussi bien qu'un homme, prouver que l'on a les mêmes capacités intellectuelles et physiques. » Une autre encore : « Le fait d'être une femme n'est pas un handicap pour autant que l'on ne commette pas d'erreurs : il faut être irréprochable ! Tel est le leitmotiv, mais sans doute doit-on y lire un challenge très stimulant. » Ces témoignages montrent à l'évidence le degré d'exigence qu'ont les femmes maires au titre de la féminité. Pour autant, elles ne considèrent pas celle-ci comme un handicap pour l'exercice de leur fonction.

Selon les résultats de l'enquête, les femmes maires estiment très majoritairement que le fait d'être une femme ne constitue ni un atout ni un handicap dans leurs relations avec leurs divers interlocuteurs. Elles disent simplement que cela leur donne un léger avantage dans les relations avec leurs administrés. Pour lancer le débat, je vous propose la question suivante : « Le manque de disponibilité des femmes comme frein à la détention de mandat électif municipal, est-ce un prétexte ou une réalité ? »

Nous sommes là pour un débat mais surtout là pour vous écouter et je vous donne donc la parole, Mesdames.

Frédéric Valletoux : D y a des micros qui sont disponibles. À propos des questions qui ont été évoquées à l'instant, est-ce qu'il y a des commentaires, des réactions, des témoignages ? Évidemment, il y en a, je m'en doute : il y a eu une réaction tout à l'heure à propos des dix heures passées à exercer le mandat. Les questionnaires sont comme ça, ils mettent la barre loin de certaines réalités. Je sais que la première intervention est toujours la plus difficile.

Yolande Boyer : Lancez-vous parce que nous n'avons qu'un quart d'heure sur ce premier thème.

Frédéric Valletoux : Vous risquez dans une heure de regretter de ne pas avoir levé la main plus tôt. Madame, oui. Et puis ensuite Madame au fond. Vous pouvez vous présenter et éventuellement vous lever, comme ça tout le monde vous verra.

Annie Genevard : Je suis maire de Morteau, commune de 6 700 habitants dans le Doubs. On a parlé des aspects extérieurs à la fonction de maire, que nous connaissons bien puisque nous sommes des femmes dans la vie publique. Mais il y a aussi la façon de regarder la charge de maire et la culpabilisation. Je m'explique : lorsque je suis devenue conseillère municipale adjointe, j'ai été adjointe de mes administrés avant d'être leur maire, et je me suis tout de suite énormément engagée, j'ai été très présente sur le terrain. On me voyait beaucoup dans les manifestations et au début, immanquablement, on me disait avec un air plein de compassion, à la limite de la malveillance : « Mais comment font vos enfants et votre mari ? » Je trouvais ça insupportable et je me rappelle que je devais combattre un sentiment de culpabilité. Me dire : « Oui, quand je suis à l'extérieur, je ne suis pas chez moi, je ne m'occupe pas de ma famille. » Et puis progressivement, j'ai démonté le mécanisme et je pense qu'on peut avoir peu de temps mais tout de même celui de bien s'occuper des siens. Je crois qu'il faut que l'on se le dise pour pouvoir répondre à ceux qui ne manquent pas de nous le faire savoir.

Frédéric Valletoux : Merci beaucoup de votre témoignage, Madame.

Anne Besnier : Je suis maire de Fay-aux-Loges, commune de 3 000 habitants dans le Loiret. Je voudrais dire que le manque de disponibilité des femmes est un prétexte plutôt donné par les hommes et je crois que, pour les femmes qui travaillaient avant ou travaillent en plus, nous avons pris l'habitude de faire plusieurs choses et de donner de la disponibilité là où nous avons décidé d'en donner. Et c'est comme ça qu'on y arrive.

Irène Tharin : Je me permets de prendre la parole. Je suis maire de Seloncourt dans le Doubs, à côté de Sochaux. C'est une ville de 6 000 habitants et j'ai une particularité, je suis la mère d'Annie Genevard. Je suis dans le pays de Montbéliard et ma fille est dans le Haut-Doubs : nous sommes dans le même département. Je suis la preuve, ma fille est la preuve, que quand on s'engage dans la vie publique, on ne décourage pas ses enfants et on ne les martyrise pas. Ils ne sont pas privés de leur mère puisque ma fille aînée a décidé de se lancer dans la vie publique. Voilà c'est tout simplement ce que je voulais dire.

Frédéric Valletoux : Il y avait d'autres mains levées.

Hélène Bon : Je suis maire d'une commune rurale (Jupilles) dans la Sarthe, et présidente d'une communauté de communes. Je voulais revenir sur ce que vient de dire l'interlocutrice précédente : effectivement, beaucoup de femmes travaillent et il n'y a pas simplement à concilier vie municipale et vie familiale, mais aussi vie professionnelle. Je pense qu'en réalité la vie professionnelle est quand même un atout parce que c'est vrai qu'elle nous permet de nous organiser. Cela étant, j'ai entendu certaines remarques qui ont été citées tout à l'heure. Dans ma commune, ce que l'on m'a demandé sans arrêt, c'est : « Quand est-ce que tu vas prendre ta retraite ? ». Moi je n'en avais absolument aucune envie. J'ai pu concilier les trois points pendant de très longues années. Je suis toujours maire.

Jacqueline Ackermann : Je suis maire de Gourdon, en Saône-et-Loire. C'est un petit peu pour aller dans le sens de Mme le Maire de Seloncourt et de sa fille que je parle. Je voudrais dire que moi je suis maire, que c'est mon troisième mandat et que ma belle-fille est maire du village voisin. Elle est femme d'agriculteur, assistante sociale et mère de quatre enfants et elle y arrive.

Jeanne Baudray : Moi, je suis certainement la doyenne, j'ai 81 ans. J'ai vu passer beaucoup de temps, je suis maire de Saint-Vivien-de-Médoc dans la Gironde (on change de pays et d'accent). C'est un chef-lieu de canton de 1 373 habitants. J'ai vu passer beaucoup de choses et notamment, Madame, cette fameuse séance au Sénat au moment de la parité où Messieurs les Sénateurs ont tenu des propos extrêmement désagréables. Je ne vais pas vous les citer mais je les connais. Cela a été très désagréable, et d'ailleurs j'étais partie en guerre dans un journal. Ce qui m'a un peu frappée tout à l'heure, et ça change complètement de sujet, c'est la preuve qu'on demande aux femmes avant qu'elles soient élues. Que je sache, on n'en demande jamais aux hommes, n'est-ce pas ? Ils font leurs preuves après, nous, nous devons les faire avant. Et puis il y a quelque chose, quand un Sénateur dit (celui-là, je sais qui c'est, c'est M. Carrère) : « Il faut quand même se rendre à l'évidence, nous ne voulons pas laisser les femmes prendre la tête des grands partis politiques. » Ça sera toujours d'actualité. Quand j'ai été élue, comme beaucoup d'autres conseillers municipaux, on m'a tout de suite donné les arbres de Noël et les repas des anciens. Et puis j'étais à l'époque en 5 e position sur la liste et la première fois j'étais passée dernière. J'avais dit au maire que, dans six ans, je ne serais pas dernière. J'étais tellement bien remontée que j'ai été élue tout de suite deuxième adjointe, puis première adjointe et maire depuis douze ans. C'est une progression, cela a été long, mais enfin on y arrive. Je souhaite aux jeunes d'arriver beaucoup plus tôt, mais je leur fais confiance. Merci.

Nicole Coustellié : Je suis maire d'un village, Saurais (Deux-Sèvres), à côté de Parthenay. Moi c'est un petit clin d'oeil que je voudrais faire parce qu'on est en train de se demander pourquoi, soi-disant, les hommes y arriveraient mieux. Les femmes y arrivent très bien, je pense que c'est un problème où une explication physiologique, scientifique s'impose. Il paraît que l'on a le cerveau et les deux hémisphères pas tout à fait de la même manière. Et on est capable, nous les femmes, de se partager et de mener à bien plusieurs choses de front alors que les hommes ont plus la possibilité ou la capacité à se concentrer sur un seul domaine, à se concentrer très bien mais à moins pouvoir se diversifier.

Frédéric Valletoux : J'ai bien fait de venir quand même. Une seule chose à la fois.

Anne-Marie Cancouët : Je suis maire d'un village (Moliets-et-Maa dans les Landes) de 620 habitants l'hiver, qui passe à 28 000 l'été et le Sénateur de ma région, c'est principalement M. Carrère. Ce n'est peut-être pas un avantage, je ne sais pas, compte tenu de ce qu'a dit cette dame, mais enfin ce n'est pas forcément ce que je pense. Néanmoins je pense que quand on travaille et que les hommes travaillent, on ne leur demande pas ce qu'ils font. Moi, j'avais la malchance de diriger une agence immobilière dans une station balnéaire. On a dit que si j'étais à la mairie, ce n'était pas possible parce que j'allais tout mélanger et surtout les permis de construire. Ce que je ne comprends pas justement, c'est cette différence que l'on fait entre les hommes et les femmes. Les hommes peuvent avoir n'importe quelle profession, il n'y a aucun problème, tout se passe bien. Mais nous quel problème, c'est affreux, nous sommes vraiment des gens malhonnêtes et c'est ça qui m'a beaucoup gênée quand j'ai été élue. D'ailleurs, j'ai fini par abandonner mon poste parce que ça devenait insupportable.

Frédéric Valletoux : Il y a eu des mains qui se sont levées par là-bas. Madame, puisque vous êtes debout, et puis après au fond.

Suzanne Wermeille : Je suis maire d'une commune de 160 habitants (Montancy, Doubs) juste à la frontière suisse, dans le canton de Saint-Hyppolyte. Je voudrais parler du contact qu'il faut avoir quand on est élue et qu'on a toujours vécu dans un petit village. Cela a été très dur au début parce que tout le monde nous connaît, nous tutoie, on a fait partie de la vie du village pendant des années. J'ai été élue il n'y a pas 50 ans, j'ai succédé à un maire qui a fait 36 ans. Pas facile non plus. Au début, j'ai eu un peu des problèmes, certaines personnes ne me faisaient pas confiance. Quand j'ai vu que les gens se méfiaient de mes capacités, je me suis battue, j'ai fait en sorte de donner le maximum. Petit à petit les gens ont compris et maintenant tout le monde me respecte. C'est tout un apprentissage à faire.

Frédéric Valletoux : Oui, Madame.

Jacqueline Pons : Je suis maire d'une commune en Normandie (Le Manoir, dans l'Eure) de 1 200 habitants. Je suis élue depuis 1983, j'avoue que j'ai toujours eu la chance de pouvoir rester chez moi. C'est-à-dire que je ne travaillais pas, parce que pas de profession. Cela simplifie énormément les choses quand on gère une commune. Mes enfants n'ont pas été traumatisés non plus. Celui qui était le plus traumatisé, c'était mon mari bien entendu qui dirigeait une entreprise et qui voyageait énormément à l'étranger, ce qui fait que j'étais souvent seule avec mes enfants. C'est aussi un peu pour ça que je me suis engagée dans la vie de ma commune. Mes filles, ça les a rendues un petit peu plus battantes dans la vie, mes petits-enfants sont très contents d'avoir leur mamie qui représente la police du village. Je dois dire que maintenant mon mari est à la retraite et que bien des choses ont changé. C'est lui qui fait la vaisselle, la cuisine, qui s'occupe des petits-enfants quand ils viennent en vacances. Il a compris maintenant ce que c'était d'attendre et de ne pas avoir sa femme à la maison. Les premières années ont été difficiles, il y a eu quelques heurts, mais les choses sont rentrées dans l'ordre et maintenant je pense qu'il est fier de ce que je peux faire dans ma commune. Je dois dire que je n'ai jamais éprouvé de résistance en face de moi. J'ai toujours été très bien considérée par mes administrés, par mes collègues : adjoints, conseillers municipaux ou les autres collègues maires. Les seules petites réticences que parfois je peux sentir ce sont les attitudes que peuvent avoir les autorités de tutelle. Je pense qu'un préfet préfère avoir un homme maire en face de lui que d'avoir une femme maire. Mais cela dit, je ne généralise pas.

Frédéric Valletoux : Ça dépend peut-être des préfets ? Surtout qu'il y a des préfètes maintenant. On va prendre encore deux interventions si vous le voulez bien.

Marie-Thérèse Leroux : Bonjour à tous, je suis maire de la commune de Le Luart dans la Sarthe, une commune de 1 200 habitants. J'ai été élue au conseil municipal en 1983, dont trois mandats en tant que simple élue. Je suis maire depuis 2001. Je suis assistante sociale, des enfants à charge et le travail pour la mairie se situe dans le créneau d'à peu près 20-25 heures par semaine en moyenne. Le témoignage que je voulais apporter, c'était plutôt en tant que maire sur les dossiers plutôt techniques, comme les chantiers. Il se trouve que moi j'ai des adjoints qui sont des hommes, et les professionnels du bâtiment ont l'art d'utiliser des termes techniques qu'eux seuls connaissent. J'étais la seule à poser des questions pour comprendre de quoi il s'agissait et je trouvais que c'était un peu un gag parce qu'en sortant des réunions de chantier, mes adjoints hommes me remerciaient d'avoir posé des questions parce que, eux non plus, n'y connaissaient rien, mais n'osaient pas demander. Dans un tas de domaines, pas spécifiquement féminins, je m'aperçois que les hommes sont comme nous, quelquefois ils n'y connaissent rien, et n'osent pas poser de questions.

Yolande Boyer : Il nous reste du temps pour deux ou trois témoignages...

Jocelyne Cochin : Je suis maire de La Croix-en-Touraine, en Indre-et-Loire. Je voulais dire ceci : je ne suis pas pour la parité parce qu'il me semble que si les femmes se consacrent à la vie d'élue, c'est qu'elles le veulent, c'est qu'elles en sont capables et que introduire la parité dévalue un petit peu ça. On a tendance à nous consacrer la deuxième place dans les grandes élections par cette parité. Néanmoins, je tiens à parler comme vous toutes du quotidien : je suis une femme maire et l'adjoint chargé des bâtiments, de l'assainissement est une femme de 40 ans qui s'en trouve très bien et est très appréciée de la population.

Frédéric Valletoux : Merci beaucoup.

Yolande Boyer : Juste un petit mot pour dire que la parité est un outil, Madame, ce n'est pas une gloire, c'est un outil pour y arriver.

Frédéric Valletoux : Peut-être que l'on reviendra sur ce débat-là ensuite. Une intervention courte avant de redonner la parole à Catherine Troendle pour présenter le deuxième temps de notre table ronde.

Françoise Lebrun : Je suis maire d'un village de 380 habitants de la Sarthe (Ruillé-en-Champagne) et vice-présidente de la communauté de communes. Je suis tout à fait dans le créneau de ce qui a été dit auparavant, je travaille à 4/5 e et j'assume donc ces responsabilités. Je voudrais dire aussi au sens plus large, et là je fais un appel aux politiques sur la conciliation, que le statut de maire dans nos entreprises apporte un plus. Et quand ça peut apporter un plus à l'entreprise c'est parfait, mais il ne faut surtout pas que ce temps de travail soit amputé pas nos fonctions électives. C'est-à-dire, que l'on soit maire et que l'on exerce notre activité, mais que l'on ne nous accorde pas de temps dans notre entreprise pour exercer cette fonction. C'est à nous de le prendre sur notre temps de congé bien sûr et je dirais que là, ça concerne également les hommes. Sinon ça se passe bien et en général, on a beaucoup de punch, de dynamisme et effectivement sur le terrain on est de plus en plus reconnues, nous les femmes maires.

Frédéric Valletoux : Eh bien, vous avez fait une habile transition. Il y a donc transition avec le thème suivant puisque Catherine Troendle va nous parler de la manière de concilier mandat et vie professionnelle. On parlera ensuite des propositions pour améliorer tout ça, comme l'a dit la présidente Boyer.

Catherine Troendle : Merci Madame pour cette transition élégante. Le deuxième thème abordé est donc la conciliation du mandat électif avec la vie professionnelle. Dans le cadre de notre commission, il est complémentaire du premier. Ce thème envisage le troisième rôle bien souvent assumé par la femme maire en plus de son mandat et de ses charges familiales, l'activité professionnelle. Comment se concilie l'exercice d'un mandat électif municipal avec la vie professionnelle ?

Mandat électif et activité professionnelle ont un dénominateur commun : l'accession aux responsabilités pour les femmes. C'est un chemin qui n'est pas dénué d'embûches. Comme nous l'avons dit précédemment, les femmes sont confrontées à un degré d'exigence supérieure et n'ont pas le droit à l'erreur. Lorsqu'elles sont engagées dans un mandat électif, les élues doivent faire face ensuite à la difficulté de concilier fonction élective et activité professionnelle. Dans bien des cas, elles ne peuvent donc pas faire l'économie d'une activité professionnelle du fait de la modicité des indemnités perçues. Cela est d'autant plus vrai que les femmes maires pour les deux tiers le sont d'une commune de moins de 500 habitants, donc maires de petite commune, et que l'indemnité qu'elles perçoivent, vous le savez, reste très modique et ne saurait constituer un véritable substitut de rémunération. L'enquête menée auprès des femmes maires en vue de la manifestation d'aujourd'hui révèle qu'une faible proportion d'entre elles, soit 15 %, ont renoncé à leur activité professionnelle lorsqu'elles sont devenues maires. A contrario, en vertu de cette même enquête, il apparaît toutefois que 55 % des femmes maires ayant répondu n'exercent pas d'activité professionnelle, cette catégorie regroupant les femmes maires retraitées non actives ou exerçant une activité non professionnelle. Observons cependant que, si les femmes maires sont plus nombreuses à être sans activité professionnelle déclarée, la proportion d'hommes maires retraités et pensionnés, près de 31 % quand même, est de moitié plus importante que celle des femmes dans la même situation (22 %). Cela ressort du rapport de Mme Génisson, de janvier 2002, sur la parité. En ce qui concerne la répartition socioprofessionnelle, l'arrivée d'une proportion significative de femmes parmi les maires contribue à une véritable diversification, et par conséquent à une meilleure représentation des différents secteurs socioprofessionnels. En effet, lorsque les hommes maires exercent majoritairement leur activité professionnelle dans le secteur agricole, dans les entreprises du secteur public, dans le domaine industriel et commercial, les secteurs de prédilection des femmes maires sont la fonction publique et en particulier l'enseignement et les emplois salariés du secteur privé. L'enquête montre en effet combien il est rare qu'elles exercent une activité indépendante du secteur marchand, une profession libérale, des fonctions d'encadrement à un niveau supérieur. La raison sous-jacente est que ces activités professionnelles supportent mal d'être mises en parenthèses pendant plusieurs années. Un beau témoignage illustre bien ces considérations et nous dit qu'une des façons d'inciter les Françaises à participer plus activement à la vie de la commune serait - et je cite- d'« améliorer le retour à la vie professionnelle à l'issue d'un mandat car dans le secteur privé, la carrière doit être interrompue ». La conciliation d'un mandat électif municipal avec une activité professionnelle pose une nouvelle fois la question de la disponibilité. Cette disponibilité à laquelle s'ajoute la question des moyens de subsistance et plus encore la problématique de la conduite d'une carrière. Si ces questions concernent aussi les hommes investis de responsabilités électives, elles s'imposent aux femmes avec plus d'acuité encore. Dans la mesure où ces dernières doivent davantage faire la démonstration de leurs capacités pour obtenir une reconnaissance équivalente, encore une fois. Un des témoignages recueillis exprime bien ces difficultés à concilier vie professionnelle et mandat électif. Il fait état d'un certain malaise qui réside souvent dans cette incompatibilité et dit -je cite : « Il faut favoriser la déculpabilisation des élues déchirées entre le travail professionnel et la disponibilité pour exercer correctement leur mandat, rappeler le droit à la disponibilité pour exercer ce mandat, imposer aux employeurs, responsables hiérarchiques, notamment dans les services de l'État, le droit à l'absentéisme pour réunion, formation d'élus et aux crédits d'heures. » L'utilisation du terme « absentéisme » me paraît tout à fait révélatrice de l'existence d'un véritable sentiment de culpabilité puisqu'il désigne précisément le manque d'assiduité et des absences répétées et non légalement justifiées. Pour lancer le débat, je demande si l'exercice d'une activité professionnelle à temps plein n'est pas nécessairement dommageable à la mise en oeuvre d'un mandat électif local qui suppose une forte présence de terrain. La parole est à vous, Mesdames.

Jeannine Beldent : Je suis maire d'une petite commune en Seine-et-Marne (Chamigny), à la limite de l'Aisne, 1 260 habitants, et je suis présidente d'une communauté de communes de 25 000 habitants. J'exerce une activité professionnelle à temps partiel et j'ai bien écouté ce qui vient d'être dit. Effectivement, c'est très difficile de concevoir le tout, mais je pense que c'est aussi une richesse. J'en reviens aussi au statut de l'élu, parce que vous avez bien précisé tout à l'heure la difficulté de l'abandonner éventuellement et de revenir dans une activité professionnelle. Je suis cadre supérieure dans le milieu de la santé et j'ai vécu également en Allemagne où j'ai vu le statut de l'élu tel qu'il est conçu là-bas. Il y a quelqu'un de ma famille qui était élu à Fribourg notamment, avec une fonction d'architecte, et je souhaitais le préciser, parce que sans difficultés, il est revenu dans une activité professionnelle après parce que le statut de l'élu est vraiment bien conçu. Pour nous les femmes, je trouve que c'est très important d'avoir la possibilité éventuellement de quitter notre activité professionnelle. Mais aussi, au niveau du statut même, des possibilités d'avoir une retraite plus tard, de cotiser davantage pour pouvoir bénéficier a posteriori d'une retraite.

Frédéric Valletoux : On va un peu répartir les prises de parole. Allez-y, Madame.

Michelle Bruneaud-Leroux : Bonjour, je suis maire d'une commune de 3 499 habitants, on en est presque à 4 000 habitants aujourd'hui (Saint-Père-en-Retz, Loire-Atlantique). J'ai été élue maire en 2001, auparavant j'ai été adjointe aux affaires sociales et à la communication. Je suis au demeurant maman de quatre enfants. Tant que j'étais adjointe, j'ai assumé une activité professionnelle, à temps partiel, et mon activité d'adjointe. Lorsque j'ai été élue maire, j'ai tenu deux ans mon activité professionnelle à temps partiel tout en m'occupant de mes enfants. Mais, quoique mes enfants aient grandi, j'ai été contrainte d'arrêter mon emploi, de démissionner. Lorsque je fixais les rendez-vous, je pouvais toujours les fixer sur mon temps libre, mais lorsqu'il y avait des réunions avec les services ce n'était jamais sur mon temps disponible. Même si votre employeur est conciliant, même s'il comprend votre engagement, même si vous faites votre travail, il y a toujours des tensions qui vous contraignent à abandonner votre emploi. Je trouve qu'il y a quelque chose à creuser de ce côté-là puisque aujourd'hui, en plus d'être maire, dans toutes nos communes, nous sommes en intercommunalité, et si vous voulez être présent, vous faire entendre, il faut aussi participer aux réunions. Et, comme disent d'autres collègues, il y a des domaines qui nous sont complètement inconnus dont il faut apprendre le jargon et comprendre les enjeux pour ne pas se laisser manipuler.

Jacqueline Eustache-Brinio : Je suis maire de Saint-Gratien, une commune de 21 000 habitants dans le Val-d'Oise, en région parisienne, qui demande un investissement important. Je suis également conseillère régionale d'Île-de-France. J'assurais un métier que j'adorais : professeur dans un lycée professionnel pendant plus de vingt ans. J'ai arrêté, parce que je crois qu'à un moment s'imposent à nous des choix. C'est vrai que j'ai tenu, préalablement à un mandat de maire, trois mandats d'adjointe au maire pendant vingt-six ans dans la même commune. J'ai commencé tôt, j'ai toujours assuré ma fonction de professeur. La question que je me pose aujourd'hui, c'est : « Comment font les hommes qui refusent d'abandonner leur carrière professionnelle ? » J'ai connu une grande douleur en arrêtant mon métier de professeur que j'adorais, mais je me suis dit que l'on ne pouvait pas bien faire tout. Nous ne sommes pas des superwomen, et les hommes ne sont pas non plus des supermen. Alors « Comment font les hommes qui ont deux mandats et qui poursuivent une activité professionnelle à temps plein ? » Moi, je me dis qu'ils ne le font pas correctement, et qu'à un moment, il faut qu'ils aient eux aussi le courage d'arrêter comme nous, nous sommes capables de le faire.

Francine Briault : Je suis maire de Querrieu, village de 687 habitants dans la Somme. Comme Madame, je suis professeur. Mais mon parcours n'est pas le même. J'ai été élue jeune, en 1977, conseillère municipale. J'ai exercé de nombreux mandats en tant que conseillère, puis le mandat précédent en tant qu'adjointe, et celui-ci en tant que maire. Ce qui fait que je suis beaucoup moins jeune que Madame et, mes enfants ayant donc quitté la maison, j'ai conservé mon métier à temps partiel et maintenant à mi-temps : même si on est pris, on arrive quand même à gérer. Ce que je voulais dire, c'est qu'en ce qui concerne l'aspect technique, j'ai récemment eu une réunion dans le cadre d'une future station d'épuration et la personne de la DDE qui présentait le projet disait des choses incompréhensibles. Je lui demandai de répéter parce que je ne comprenais pas certains termes techniques ou de chimie. Il m'a dit : « Madame, est-ce que vous voulez que je vous donne des cours ? » Alors je lui ai répliqué : « Si vous voulez, je peux vous parler en espagnol, vous ne comprendrez pas et on sera donc ex-aequo. » Je voulais apporter un autre témoignage parce que je crois que l'on constitue un peu une particularité dans mon village : sur 15 conseillers municipaux, il y a 8 femmes.

Monique Hervé : Je suis dans le Val-d'Oise, je suis maire d'une commune de 6 200 habitants environ (Courdimanche). Je suis présidente d'une communauté d'agglomération de 200 000 habitants environ. Il y a plusieurs questions qui se posent. D'une part, la taille de la commune pour les femmes maires - même pour les hommes d'ailleurs - a une importance énorme : des communes de grande taille ont souvent un staff en matière de personnel qui permet aux femmes maires d'être moins impliquées dans les dossiers que des femmes maires d'une commune de 3 000 à 6 000 habitants. Celles-ci, n'ayant pas de staff, doivent, de fait, être beaucoup plus présentes et travailler un temps incommensurable. Au niveau des entreprises, lorsque l'on travaille - moi je travaille encore, à temps partiel - il est très difficile, mais certaines l'ont déjà dit, de faire carrière dès lors que l'on a une fonction élective, parce que l'on est appelée à être absente souvent. Les autorisations d'absence qui existent et les crédits d'horaires sont les mêmes, que nous soyons dans une entreprise de 3 ou de 10 personnes, mais ces allégements auront un impact beaucoup plus fort que dans une entreprise de 3 000 ou de 10 000 personnes. Je crois qu'il faudrait réussir à faire un distinguo entre la taille de l'entreprise et les possibilités qui sont offertes en matière d'absences dans la société civile -j'entends au niveau des entreprises. Par ailleurs, il y a aussi une énorme différence entre les personnes qui font partie de la société civile et les fonctionnaires. Les fonctionnaires qui sont absents pour raisons de mandat électif ont la garantie de pouvoir reprendre leur service avec une carrière qui progresse inéluctablement. Après un détachement, on reprend son poste sans trop de difficultés.

Par contre, dans la société civile, c'est complètement différent : dès lors que l'on s'absente, que l'on prend des disponibilités ou des temps partiels, de toute façon on n'est plus reconnu ; on n'a plus de progression de carrière et l'on a tout à démontrer à nouveau au moment du retour, et encore, si l'on peut trouver un système où se réintégrer sans difficulté ! Alors, je pense que tout ça constitue un ensemble d'éléments auxquels on doit réfléchir vraiment maintenant et notamment sur l'indemnité différente selon la taille de la commune. Quand une femme s'arrête parce qu'elle est intéressée par son mandat, et qu'elle perd une grande partie de son salaire, il faudrait penser l'indemnité différemment et sur un niveau plus important, notamment pour les maires. Je crois que, dans les petites communes, l'implication et le travail sont quelquefois plus importants, parce que l'on doit toucher à tous les dossiers.

Frédéric Valletoux : Ça, c'est un discours qui s'applique aussi aux hommes.

Marie-Denise Xerri : Je suis maire de Caraman, dans la Haute-Garonne, une commune de 2 000 habitants. Je dis souvent quand on me demande mes fonctions : « Oui je suis maire, mère, belle-mère, grand-mère », et en plus chargée de mission dans l'enseignement et membre du conseil économique et social régional. J'essaye d'assumer le tout parce que j'estime que toutes ces fonctions sont complémentaires. Tout ce qu'on accepte pour les messieurs, quand ils assument toutes ces fonctions-là, on se pose la question : est-ce que, nous les femmes, nous allons pouvoir les assumer ? De la même manière, quand nous avons d'abord un conjoint qui est compréhensif et qu'on arrive à compléter les rôles au sein de la famille. Ce qui me fait plaisir aujourd'hui, c'est de me retrouver au milieu d'un grand nombre de collègues maires avec des mines ravies. Le problème quand on a beaucoup de fonctions, c'est que nous n'avons pas le droit de paraître fatiguées. Un monsieur élu (heureusement qu'ils ne sont pas là !) quand il est fatigué, quand il a les traits un peu tirés, on dit : « Le pauvre, avec toutes les fonctions et les responsabilités qu'il assume ! » Et nous les dames, quand nous avons les traits un peu fatigués, parfois parce qu'on a gardé un petit-fils qui a mal dormi la nuit, on dit : « Après tout, elle l'a cherché, personne ne l'a obligée à tout faire. » Je revendique pour ma part le droit de pouvoir avoir ces fonctions complémentaires et le droit aussi, et j'ai essayé maintenant depuis plusieurs années que je suis maire - ça fait 20 ans que je suis élue et 10 ans maire - de dire à mes administrés : « Eh bien non, à cette réunion je ne viendrai pas, parce que ce soir, comme tout le monde, j'ai besoin de repos. Et c'est un de mes adjoints, un de mes collègues, qui viendra. » C'est vrai que ce n'est pas facile. Au départ, ça a étonné, maintenant ils l'ont bien accepté.

Jeannine Boyer : Je suis maire d'une commune de 1 600 habitants dans le Morbihan (Plaudren). Je voudrais seulement apporter un témoignage concernant l'implication des femmes. Je dépends d'un canton de 6 communes dont 3 communes sont gérées par des femmes. Mon conseil municipal : 15 conseillers municipaux, 5 femmes, une première adjointe femme. Je suis à la retraite maintenant, mais je travaillais dans le privé. J'ai pris ma retraite plus tôt puisque je pouvais la prendre à 55 ans au regard du nombre d'années de mes cotisations. Mais ce qu'il faut dire, c'est que lorsqu'on gère, on concilie sa vie professionnelle, ça a des conséquences sur sa retraite. Ça n'est pas l'indemnité que l'on touche qui compense cette perte de retraite et cette perte est à vie. Il faut peut-être que le statut de l'élue soit revu.

Yolande Boyer : Juste deux dernières questions avant de passer au thème suivant, je suis désolée.

Martine Tandeau de Marsac : Je suis maire de Royères, dans la Haute-Vienne, une commune de 843 habitants. Je suis maire depuis 2001 et je n'ai eu aucun mandat municipal avant ; quand j'ai été élue maire, j'ai pensé que je n'aurais à faire, j'allais dire que mon boulot de maire, mais je suis aussi mère de famille de quatre enfants et grand-mère... Je me suis rendu compte que l'engrenage des structures administratives, municipales, extra-municipales, a fait que je me suis retrouvée depuis peu vice-présidente de la communauté de communes. Je suis membre du bureau de pays qui vient d'être mis en place avec les chartes de pays. Je suis membre de deux commissions au SIEPAL, qui est un syndicat intercommunal d'agglomération de SCOT, parce que ma commune se trouve dans cette structure. Je fais partie du bureau de l'association des maires, mais là les réunions ne sont pas très nombreuses, ce n'est pas moi qui fais le boulot. Il y a un empilement de structures qui fait que, à un moment donné, on est obligé d'y passer du temps et que ce sont les membres qui ont été élus délégués dans cette structure qui vont se retrouver aux postes de responsabilités. Je me dis : « Être maire, à la limite, c'est gérable, mais multiplier les réunions dans d'autres instances par l'effet d'empilement et de pyramide, jusqu'à quand peut-on gérer ce type d'activités ? » C'est pour moi la plus grosse inquiétude à l'heure actuelle. Le reste, j'arrive à le gérer. Mais l'empilement des responsabilités, je crois qu'au bout d'un moment, je n'arriverai plus à le gérer. Je suis en activité professionnelle aussi.

Brigitte Coulon : Je suis maire de la commune de Rancé, dans le département de l'Ain, 600 habitants, 11 élus membres du conseil et nous sommes tous salariés du secteur privé à temps complet. C'est-à-dire que nous n'avons pas vraiment le choix puisqu'à tous, dans nos entreprises du secteur privé, on fait comprendre d'une manière sibylline qu'il faudra choisir entre notre fonction d'élu et notre profession. Moi, mon souhait aujourd'hui, c'est de renforcer les garde-fous dans le secteur privé parce qu'effectivement on perd un certain nombre d'acquis au niveau des retraites. Nous n'avons pas les garde-fous qui existent dans l'Éducation nationale. Je précise « l'Éducation nationale », parce que je sais que pour le secteur hospitalier, ce n'est pas tout a fait pareil. Ma préoccupation, c'est de favoriser l'arrivée des élus, certes féminins, mais des élus venant du secteur privé pour qu'effectivement il y ait bien une mixité au niveau de la représentation des élus, et également des gens qui travaillent. Parce que je suis tout à fait confiante dans les gens qui sont à la retraite, mais je pense qu'il est important que le milieu professionnel en activité soit fortement représenté et particulièrement le secteur privé. Nous avons fait le choix de tous conserver nos métiers dans notre conseil, ce qui veut dire que nous avons organisé de fortes délégations sur l'ensemble des adjoints et des élus. J'appartiens également à une communauté de communes ; cette communauté organise ses réunions à partir de 17 h 30-18 h 00, puisque tous les élus travaillent. Je pense que c'est possible, je suis confiante, on peut y arriver. Les choses iront mieux si, dans le secteur privé, il y a des garde-fous et qu'il ne s'agit pas simplement d'une théorie mais d'une mise en pratique et qu'il y a des contrôles sur ce plan-là.

Frédéric Valletoux : La présidente m'autorise à donner encore la parole même si l'on déborde.

Marie-Thérèse Leroux : Je suis maire de Richarville, une commune de l'Essonne de 400 habitants. La région parisienne a aussi de petites communes. Mon intervention recouvre les différents thèmes qui viennent d'être abordés. J'ai été élue en 1983, j'étais mère et je me suis arrêtée de travailler pour élever mes enfants -je n'en ai que deux, mais ça suffisait pour m'occuper. J'ai été élue maire en 1989 et je n'ai pas repris mon activité professionnelle parce que j'estimais qu'il serait difficile de concilier la vie de famille et la vie d'élue. Je dois dire que les conditions depuis 1989 ont changé. Lorsque je suis arrivée dans ma commune, on a quand même dit que je ferais mieux de rester à la maison à garder mes enfants. J'ai été très étonnée de l'attitude d'un certain nombre de personnes de la région, parce que je pensais que peut-être il y avait des cadres et des gens qui étaient un peu plus « évolués ». Je suis provinciale, donc je connais très bien les villages provinciaux. L'empilement des réunions est dangereux. Je suis aussi présidente de syndicats intercommunaux, et bientôt nous serons en communauté de communes et l'on s'aperçoit que l'on a de plus en plus de mal à tout gérer. Je crois que nous les femmes nous avons du mal à gérer et les hommes doivent aussi avoir du mal. Mais nous on s'en plaint et je n'entends pas les hommes s'en plaindre. Ce que je voulais dire aussi, ça fera peut-être une transition avec le sujet suivant, c'est que je suis veuve, mon mari est décédé en 2001 et je ne m'étais pas posé la question de ma retraite. Or, avec l'indemnité de moins de 500 habitants, je peux vous dire que ce n'est pas avec ça que je peux vivre, puisque étant trop jeune, je n'ai pas eu le droit à une pension de réversion à l'époque. Heureusement que j'avais pris d'autres responsabilités : je suis donc maire et présidente de deux syndicats intercommunaux. Ce qui m'a permis de pouvoir vivre de mes fonctions d'élue. Ce qu'il serait bon de faire peut-être dans les petites communes -je ne l'ai pas fait à l'époque parce que je ne voulais pas grever le budget communal -c'est obliger les élus à cotiser pour la retraite, et la commune à cotiser pour la retraite. Or, je m'aperçois maintenant que je suis élue depuis vingt ans, que je vais arriver à l'âge de la retraite et que je n'en aurai aucune puisque je me suis consacrée uniquement à la commune.

Yolande Boyer : Eh bien, nous allons terminer le thème n° 2 sur ce témoignage et je vous en remercie. Je donne donc à nouveau la parole à notre rapporteure sur le dernier thème : « Les conditions d'exercice du mandat, arbitrage et revendications des femmes maires ».

Catherine Troendle : Comme troisième et dernier volet de notre débat, je vous proposerai de réfléchir aux conditions concrètes d'exercice du mandat par les femmes maires, et en particulier d'examiner les recettes qu'elles ont trouvées pour parvenir à concilier et à mener de front leurs différentes vies, la vie publique, la vie privée, et la vie professionnelle. Corrélativement, nous tenterons de déterminer les principales demandes formulées par les élues en vue de faciliter l'exercice de leur mandat électif. Confrontées à la quadrature du cercle, les élues ont dû trouver des accommodements dans la course contre le temps. Tout d'abord, on constate la priorité dans l'exercice du mandat puisque près de la moitié des femmes maires lui consacrent plus de vingt heures par semaine. Par ailleurs, la répartition par tranche d'âge et la proportion de femmes maires déclarant ne pas exercer d'activité professionnelle montre le caractère prioritaire du mandat électif. À l'heure actuelle, les femmes désireuses d'assumer les responsabilités électives attendent le plus souvent de ne plus avoir à leur charge de jeunes enfants et plus de la moitié des élues sont non actives. Afin de dégager le temps nécessaire à l'exercice de leur fonction, les élues se trouvant de fait à la tête d'exécutifs locaux sont conduites à effectuer des arbitrages. L'enquête menée auprès des femmes maires révèle tout d'abord que les femmes maires pratiquent peu le cumul des mandats. Plus des deux tiers n'exercent aucun autre mandat, y compris dans les structures intercommunales et 87 % déclarent ne pas vouloir briguer un autre mandat électif. La principale motivation étant la volonté de se consacrer au mandat déjà détenu en considération de ce que le bon accomplissement de la mission confiée implique de la disponibilité. Le second arbitrage mis en évidence par l'enquête est le recours fréquent des femmes maires à la délégation de compétences. 87 % déclarent procéder à ces délégations, les domaines les plus concernés par cette pratique étant la voirie, les travaux publics et l'urbanisme. Outre le gain de temps que cette pratique permet de dégager, l'intention est également de motiver et de responsabiliser les membres de l'équipe municipale. Ces éléments de réponse à la quadrature du cercle, à laquelle les élues municipales sont confrontées, démontrent leur détermination à trouver des solutions pour dégager la disponibilité requise et leur souci d'une gestion optimisée par l'utilisation des compétences de chacun. Outre ces accommodements mis en oeuvre de leur propre initiative, les élues municipales continuent à demander non seulement une évolution vers un meilleur agencement du temps respectivement consacré à la famille, au mandat et à l'activité professionnelle, mais également davantage de moyens tels que la prise en charge des enfants. Parmi les demandes formulées en vue de faciliter l'exercice du mandat, figure en priorité la formation. Si cette demande émane de façon générale des élus municipaux, conscients de la complexité croissante de la gestion municipale, elle est particulièrement forte chez les femmes désireuses d'assumer pleinement la décision et de faire face en connaissance de cause aux responsabilités liées à l'exercice du mandat. De nombreux témoignages ont été recueillis auprès de vous qui constatent des responsabilités grandissantes et une évolution vers une professionnalisation des fonctions électives locales. Cela en particulier dans les communes de taille modeste où le manque de moyens se fait le plus durement ressentir, on en a parlé tout à l'heure. Un de ces témoignages souligne ce besoin - et je cite : « Une formation aux fonctions de maire devrait être obligatoire, surtout dans une commune rurale où la polyvalence est de mise. C'est un emploi à temps complet. Les responsabilités multiples et très lourdes pour lesquelles une formation reste indispensable au cas par cas, donc sur site. » Voilà Mesdames, je vous laisse la parole pour ce dernier débat.

Isabelle Dexpert : Je suis maire d'une commune de 230 habitants (Pompejac, Gironde). Conseillère générale, déléguée communautaire, travailleuse à mi-temps dans une entreprise du secteur privé, une banque, avec un portefeuille de clients à gérer, d'où le problème, également mère de trois enfants, avec un conjoint qui me supporte et qui m'aide heureusement. On parlait tout à l'heure du non-cumul de mandat par une majorité de femmes : je ne fais pas partie de celles-ci puisque j'ai effectivement deux mandats. Ça s'accélère depuis que je suis conseillère générale, parce que là aussi nous avons des délégations supplémentaires pour le département et c'est vrai que je ne dis jamais que je suis débordée, mais je suis très occupée. Si l'on dit que l'on est débordée, ça y est, l'on n'est plus capable, donc il faut faire attention à ce que l'on dit. Une question que je me suis posée quand on m'a proposé d'être conseillère générale, au moins candidate en tout cas, c'est : « En suis-je capable ? » On m'a dit : « C'est rigolo, mais les hommes à qui l'on propose ce genre de fonctions ne se posent même pas la question, il n'y a pas de raison que tu n'en sois pas moins capable qu'eux ». Des recettes, je n'en ai pas, si ce n'est que je me comporte comme une élu(e) et pas comme une femme ou un homme. Je pense que nous sommes des élu(e)s avant tout. La parité oui, si c'est un outil, mais « attention danger ». Il faut que l'on ne soit pas élue parce que l'on est une femme, mais parce que l'on est capable de l'être, tout simplement. Les délégations doivent être multiples : j'ai de la chance d'avoir un conseil municipal, 11 personnes, 6 femmes là aussi, où je délègue énormément parce qu'une petite commune de 230 habitants, c'est une secrétaire un jour et demi. Donc, le reste du temps, il faut être là. Ce sont les adjoints qui travaillent. Moi, j'ai délégué la voirie parce que c'est ce que je n'aime pas faire, mais ce n'est pas parce que l'homme était plus capable de le faire que moi. De la même façon, j'ai délégué le domaine social parce que ça ne m'intéresse pas. Sur l'utilisation du forfait horaire : je ne l'ai jamais utilisé tant que j'étais seulement maire. Je prenais sur mes congés et sur mon mi-temps puisque j'avais décidé de travailler à mi-temps pour avoir du temps pour moi et ça a été vite partagé avec les autres. Quand je suis devenue conseillère générale, il y a eu obligation d'utiliser le forfait horaire, et ce n'est pas toujours évident. Je voulais intervenir également sur le terme de professionnalisation de l'élue. Je pense qu'il faut faire attention, ça peut être un danger, je crois que justement nous sommes des élues femmes puisque nous sommes aujourd'hui toutes là pour ça. Notre avantage c'est le fait de ne pas être professionnelles comme pourraient l'être certains hommes -pas tous, attention - c'est que nous avons les pieds sur terre et nous vivons dans la réalité et dans la vraie vie. Il faut le conserver. Concernant la professionnalisation : sûrement nous devons évoluer, parce qu'on nous demande de plus en plus de compétences mais attention de ne pas faire que ce ne soit qu'un métier où on vit entre nous et où on ne se préoccupe plus de ce qui se passe autour de nous.

Rose-Marie Falque : Bonjour, je suis maire d'une commune de 830 habitants en Meurthe-et-Moselle (Azerailles). Je travaille aussi à temps complet depuis trente ans dans la même entreprise. J'adore mon travail, je n'ai absolument pas l'intention de le quitter, je suis agent de maîtrise, mais je voudrais dire encore une fois que c'est quand même plus dur pour les femmes parce qu'il me semble que, dans une entreprise, lorsqu'un homme arrive, est élu, le chef d'entreprise est très fier. Par contre, lorsque c'est une femme qui est élue, il va lui demander si elle est sûre d'y arriver, et c'est très difficile. Je ne sais pas si vous le ressentez de la même façon, mais il faut se battre, demander une heure pour sortir, c'est très dur, j'essaye de ne pas utiliser justement mon crédit horaire. Je prends mon temps pour mon mandat sur mes RTT, mes congés alors que je travaille dans une entreprise où l'on fait encore 40 heures par semaine. Ce que je voudrais dire aussi, c'est que lorsque mon patron a compris que je prenais la tête d'une liste au bout de vingt-cinq ans de présence dans l'entreprise, on m'a justement proposé, en février 2001, de passer cadre. Mais il y avait une contrepartie, que vous imaginez bien. Mon choix a été évident, j'ai pris la tête de ma liste et j'ai été élue. Je voudrais dire aussi encore une fois que, pour les femmes, il faut faire toujours plus et mieux et ce n'est que lorsque j'ai été élue, en décembre 2001, présidente de l'association des maires de Meurthe-et-Moselle qu'il m'a, pour la première fois, félicitée et m'a dit qu'il était fier. J'ai dit : « Quand même ! ». S'agissant de la formation, les associations de maires au niveau départemental proposent des formations et je pense que vous y avez toutes accès. Je trouve qu'en Meurthe-et-Moselle les femmes sont très présentes dans les sessions de formation. Ce qui montre bien aussi la volonté des femmes de se former.

Jacqueline Chanoni : Je suis élue depuis 1977, maire depuis 1982 (Saint-Symphorien-le-Valois, Manche). À l'origine, 400 habitants et là, plus de 800. Je suis comme la dame précédente, je suis « cumularde », je suis aussi conseillère générale depuis 1992 et récemment, depuis 2001, présidente de la communauté de communes, puisqu'il n'y avait pas de candidats, ou candidates. J'ai peut-être eu de la chance parce que j'ai commencé très tôt avec de jeunes enfants en travaillant un tiers de temps dans une commune qui demandait du temps, mais pas du temps complet, donc les choses se sont faites progressivement. Mes enfants sont très grands, je suis grand-mère maintenant, je n'ai pas de petits à la maison lorsque je rentre le soir. C'est vrai que plusieurs fonctions, c'est aussi enrichissant et ce n'est pas du tout incompatible. Mais je ne travaille plus, c'est là le point le plus important. Il faut un agenda, il faut savoir s'organiser, moi ça ne me pose pas de problème. Depuis trois ans je suis en charge des finances au conseil général. J'ai aussi un mari extrêmement conciliant. On dit souvent, lorsque les messieurs sont élus, il faut que les femmes soient conciliantes. Moi j'ai la chance d'avoir un conjoint qui accepte toutes mes activités, qui a les siennes, à l'extérieur, mais qui ne me fait jamais de reproches, et ça je pense que pour les dames qui ont la même chance que moi, c'est extrêmement sécurisant, lorsqu'on rentre tard le soir ou qu'on repart le soir, de ne pas avoir de remarques. Quant à la professionnalisation, je ne suis pas tout à fait d'accord. Je rejoins la dame de Meurthe-et-Moselle : dans les associations départementales de maires, on peut avoir des formations, pour des communes qui ne sont pas de taille importante. On trouve aussi des renseignements auprès de notre trésorier-payeur et l'on a aussi de la documentation. On arrive aussi dans les sous-préfectures à avoir des réunions à thème sur le PLU entre autres. Je crois qu'il faut regarder partout au plus proche de chez vous, et ça c'est très important la formation. Je suis un peu comme les messieurs, je suis « cumularde », mais j'essaye et je pense que je le fais au mieux. Je délègue aussi beaucoup à mes adjoints, à mes vice-présidents. Il faut faire confiance à l'équipe avec laquelle on travaille, et là c'est beaucoup plus simple. Madame a dit qu'elle n'aimait pas les travaux, moi j'aime assez, mais j'ai un monsieur qui est au social. Ça ne lui pose aucun problème, il ne faut pas cantonner les femmes toujours dans le social.

Béatrice Blanc : Je suis maire de Lafage, dans l'Aude. C'est une commune de moins de 200 habitants, rurale. Moi-même je suis agricultrice et je reconnais que c'est très difficile d'être acceptée dans un domaine où il y a beaucoup d'hommes, en tant que femme maire mais aussi en tant qu'agricultrice. J'ai la chance d'avoir un conseil municipal qui est composé de 5 femmes et de 4 hommes. Pour un petit village, je trouve que c'est magnifique. Pourquoi ? Parce que le canton n'arrive pas à ce résultat. Le problème que j'ai, c'est que les conseillers travaillent, je ne peux donc pas déléguer mes fonctions. Je suis obligée d'assumer à peu près tous les rôles. Et c'est vrai que dans un petit village, on demande souvent au maire de venir lui-même. Que ce soit une histoire de clôture ou autre et à tout moment de la journée, même le dimanche. C'est vrai qu'on a tendance à dépasser notre rôle et parfois à faire beaucoup de social et à accepter des choses que l'on ne devrait pas faire. Mais on le fait parce qu'on ne peut pas dire non. C'est un domaine qui prend beaucoup de temps.

Jacqueline Désert : On a beaucoup dit que c'était un inconvénient d'être une femme, alors je voudrais quand même dire que c'est un atout parce que nous avons une rigueur dans la gestion de nos communes. Je suis maire d'une commune rurale de la Vienne (Liglet), où les femmes ne sont pas très considérées. Elles sont encore un peu les servantes, elles restent debout au bout de la table pour servir à déjeuner. Eh bien non, je me suis aperçue que les habitants avaient beaucoup de respect pour nous, parce que nous avons beaucoup d'attention en tant que femmes pour tous nos administrés. Et comme on est très reconnaissants d'ailleurs, je peux le dire, j'ai 11 enfants, 24 petits-enfants et personne ne m'en a voulu et bien au contraire parce qu'on pense que j'ai une âme de maire et de mère.

Evelyne Nollet : Je suis maire d'une commune de 420 habitants, dans l'Oise, à Morvillers. Je cumule, puisque je suis vice-présidente de la communauté de communes, et j'assiste aux syndicats d'eau, d'électricité, d'ordures ménagères, enfin un environnement où l'on trouve des hommes avec des problèmes politiques que personnellement je ne connais pas. C'est quelque fois un petit peu difficile. Je dirais presque qu'être maire ça relève d'une vocation. J'avais un père qui a été vingt-quatre ans maire dans un village plus loin et je ne lui ai pas succédé, mais les choses viennent, on a le sens inné des autres et puis ça vient petit à petit, et on s'engage de plus en plus. Dans un village comme le mien, où l'on n'est que 420 habitants et où l'on connaît tout le monde, on est témoin de tout ce qui se passe, aussi bien dans les joies que dans les peines des familles. La porte est souvent ouverte, moi je suis femme d'artisan, il a fallu faire face à tous ces problèmes avec des salariés, et parfois ma fonction de maire, ça a plutôt été la soupape où je pouvais m'évader. Heureusement, j'avais aussi un mari qui, comme d'autres, participait bien à la vie familiale. Je pense que c'est un petit peu ça, c'est une vocation avec un certain sens des autres où l'on doit toujours être là pour recevoir.

Une maire : Excusez-moi, moi je suis « cumularde » au niveau des interventions. Je voudrais revenir sur le problème de la formation qui me paraît être une chose fondamentale. Je suis élue depuis 1979, et en 1980, avec un groupe de femmes de Saône-et-Loire, nous avions suivi une formation de l'UFCS, destinée aux élus. Nous étions toutes conseillères municipales de base et nous nous sommes aperçues que ça nous donnait des ouvertures sur la vie municipale absolument considérables. Nous avons donc créé à l'époque une association qui s'est occupée de la formation et de l'information des femmes. Je voudrais dire qu'au sein de cette association, dans le bureau, c'est-à-dire le noyau dur, les femmes qui avaient envie de faire quelque chose dans leur commune sont presque toutes devenues maires. Je crois que la formation est une condition absolument essentielle pour les femmes, parce qu'on nous demande plus qu'aux hommes et que les hommes croient tout savoir. Je crois que ce qu'il nous faut c'est une formation très technique parce que c'est justement à ce niveau-là que nous sommes peut-être considérées comme un peu inférieures aux hommes alors que c'est tout à fait faux bien entendu. Mais je pense que ce problème de la formation est pour les femmes un problème tout à fait fondamental. Je n'ai pas la solution, mais il peut être à l'initiative des élus de base comme il peut être à l'initiative des associations de maires. C'est ce que fait de plus en plus l'association des maires de Saône-et-Loire. Mais la formation est essentielle également pour les membres de nos conseils municipaux.

Frédéric Valletoux : Je suis désolé pour toutes celles qui avaient levé la main et à qui je n'ai pas pu donner le micro, mais vous savez que je ne suis qu'un homme, et donc... vous saurez me pardonner. Je passe la parole à la présidente.

Yolande Boyer : En tout cas, je vous remercie d'avoir respecté les règles du jeu, d'avoir fait des interventions brèves, mais je vous remercie aussi pour la qualité de vos interventions, pour l'enthousiasme que vous manifestez dans votre mandat de maire et pour le dynamisme que vous marquez toutes. Comme il nous reste juste cinq minutes, je vais donner la parole à ma collègue qui va faire un bref résumé de nos échanges. Mais rassurez-vous, le rapport complet sera fait cet après-midi au Palais des Congrès.

Catherine Troendle : Madame la Présidente, il me faudra trente secondes. J'ai fait une rapide synthèse qui tient en quatre mots clés : vous avez été une trentaine d'intervenantes, donc j'en tire les maîtres mots qui sont :

- respect de l'engagement pris,

- exigence personnelle,

- déculpabilisation,

- statut de l'élue à faire progresser impérativement.

J'espère que vous en êtes d'accord.

Yolande Boyer : Merci beaucoup pour la brièveté. Nous allons maintenant sortir pour la photo dans la cour d'honneur.

Synthèse de la Commission n° 1

« La condition féminine à l'épreuve des responsabilités

électives municipales »

Chargée de débattre de la condition féminine à l'épreuve des responsabilités électives municipales, la première commission s'est interrogée sur la difficulté, pour une femme maire, de concilier son mandat électif avec, d'une part, sa vie privée et familiale et, d'autre part, sa vie professionnelle avant d'examiner les arbitrages effectués par les femmes maires pour parvenir à cette conciliation ainsi que les améliorations qu'elles préconisent.

Les débats au sein de la commission ont permis de dresser plusieurs constats relatifs à l'exercice, par une femme, d'un mandant municipal et en particulier des fonctions de maire.

La commission s'est tout d'abord félicitée des évolutions récentes qui ont conduit à une majoration substantielle de la proportion de femmes au sein de conseils municipaux tout en regrettant que la proportion de femmes maires ne se soit pas accrue à due concurrence. Elle a souligné les effets bénéfiques, directs et indirects de la loi sur la parité.

Elle a observé qu'en dépit de cette progression de la participation féminine aux responsabilités électives locales, les difficultés relatives non plus à l'accession mais à l'exercice proprement dit de ces responsabilités ne s'étaient pas atténuées mais avaient bien au contraire tendance à s'accroître.

La commission a constaté que cette évolution vers une plus grande complexité et des responsabilités élargies concernait de façon générale l'exercice des mandats locaux, que celui-ci soit le fait d'un homme ou d'une femme. Elle a cependant souligné que les difficultés se présentaient aux femmes avec davantage d'acuité, ce qui s'expliquait par une conjonction de facteurs et en particulier :

- une vie familiale requérant plus de disponibilité de la part de la femme : la conservation par la femme de son statut domestique traditionnel, les tâches quotidiennes telles que le ménage ou les courses continuant, selon l'INSEE, à peser trois fois plus sur elle ;

- lorsqu'elle exerce une activité professionnelle, la nécessité pour la femme de conserver son emploi du fait de la modicité de l'indemnité perçue, les femmes maires exerçant à une très large majorité leur magistrature dans les petites communes (dans 88 % des cas la population de la commune n'excède pas 1500 habitants) ;

- corroborant un sentiment recueilli par la mission d'information Sénatoriale de 1997 chargée d'étudier la place et le rôle des femmes dans la vie publique, la commission a relevé qu'un certain manque de confiance en elles-mêmes combiné à la sévérité du regard des autres sur leur façon d'agir, le droit à l'erreur leur étant refusé, conduisait les femmes à assumer leurs responsabilités électives avec un degré d'exigence supérieur.

Dans le prolongement des différents constats qu'elle a dressés, la première commission, chargée d'examiner la question de la condition féminine à l'épreuve des responsabilités électives municipales, a estimé que l'augmentation significative de la proportion des femmes au sein des équipes municipales était de nature à réduire les difficultés rencontrées liées aux modalités d'organisation de la gestion municipale. Puis elle a conclu :

- d'une part, à la nécessité de continuer à faire progresser les

mentalités pour favoriser une implication paritaire dans l'exercice des responsabilités locales,

- d'autre part, à l'urgence de faire évoluer le statut de l'élu local,

- qu'il s'agisse en particulier de son indemnisation, de sa formation et de l'ouverture des droits à la retraite pour que les conditions d'exercice du mandat restent en adéquation avec l'accroissement des responsabilités.

Commission n°2 - Salle des Conférences

Quelles sont les priorités pour la gestion municipale ?

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