Premiers États généraux de la démocratie locale et de la parité



Palais du Luxembourg, 7 mars 2005

M. Jacques Pélissard, Président de l'Association des maires de France

Oui effectivement, elles vivent les difficultés. Je crois que tous, à cette tribune parlementaire, nous avons voté la parité, je crois que cela a été essentiel. Parce que cela, Mesdames, mes chères collègues, Mesdames les maires, cela a insufflé, et vous en êtes le témoignage vivant, une autre approche au sein de nos communes.

Et moi, je vais vous raconter une histoire : quand, dans ma ville qui fait plus de 3 500 habitants, j'ai été amené à recomposer la liste, cela m'a permis d'évacuer les hommes qui se croyaient candidats à vie, mais cela m'a permis aussi surtout de faire entrer des femmes. Et comme je recevais des candidats potentiels, ce qui m'a frappé, c'est deux choses : quand je recevais un homme, il me disait : « Ah oui, cela m'intéresse. Dans quelle position me mettez-vous ? » Et quand je recevais une femme, elle me disait : « Ah oui, c'est intéressant, mais combien de réunions ? À quelle heure les réunions ? Avec quelles responsabilités ? »

Donc je crois qu'il y a une vraie conscience démocratique des femmes qui s'investissent dans la vie politique, bien plus que les hommes et moi, maintenant, je le vis avec un conseil municipal totalement paritaire. C'était le premier point qui me paraît essentiel.

Le deuxième point qui me paraît essentiel par rapport à ce qui a été vu tout à l'heure sur les tableaux, c'est qu'il est vrai que les femmes apportent un autre regard dans un conseil municipal et ont heureusement permis un meilleur accompagnement de l'implication des citoyens dans la démocratie de proximité.

C'est vrai que le sondage le fait apparaître, 68 % des femmes sont sensibles au dialogue avec les habitants, et je crois que cela a été un plus, une valeur ajoutée démocratique permise par l'arrivée d'élues femmes au sein des conseils municipaux.

Troisième point qui me paraît important aussi, c'est que je ne suis pas tout à fait en accord avec Marie-Josée Roig : je crois que les domaines de compétence ont évolué. Les maires ne confient pas uniquement, maintenant, aux femmes adjointes des rôles dans le domaine social, domaine culturel, mais les domaines eux-mêmes ont évolué.

Je me souviens très bien d'une de mes amies qui a été conseillère municipale et adjointe dans une ville, une petite ville. On lui avait dit : « Toi, tu vas t'occuper d'environnement parce que les fleurs et l'environnement c'est à peu près pareil donc tu vas t'occuper d'environnement. » Et, entre-temps, cela fait 15 ans, l'environnement a pris une place considérable, donc les femmes aussi ont accompagné, en quelque sorte, l'évolution des secteurs de compétence dans lesquels elles se sont impliquées. Et cette évolution tient aussi à leur passion, à leur énergie pour faire bouger les choses, pour faire bouger les domaines de compétence, culturels, sociaux, environnementaux dans lesquels elles se sont investies aujourd'hui. Le spectre de leur action est beaucoup plus large.

Je pense donc que les choses sont en bonne voie. Quand j'avais voté la loi du 6 juin 2000 sur la parité, j'avais dit à la tribune de l'Assemblée nationale : à mon sens, cette loi devait être une loi d'impulsion pour lancer le mouvement. Et puis le mouvement, une fois qu'il aura abouti, à ce moment-là, naturellement, les choses se passeront. Le niveau de connaissance, le niveau professionnel des femmes, heureusement, a augmenté. Demain, je crois que la loi sera pratiquement inutile, parce que vous aurez, Mesdames, mes chères collègues, vous-mêmes, par vos compétences, par vos talents, montré effectivement tout ce que vous pouvez faire pour la démocratie.

Et le dernier exemple est donné en forme de conclusion. Elle est présente sur cette tribune, c'est Jacqueline Gourault. Quand je l'ai vue pour la première fois, dans la vie de l'Association des maires de France, je l'ai sollicitée comme femme pour être la première vice-présidente de l'association. Je n'ai pas choisi Jacqueline Gourault sur son appartenance au sexe féminin. Je l'ai choisie sur ses compétences, je l'ai choisie sur ses talents, j'ai demandé à Jacqueline Gourault de faire équipe avec moi parce que j'avais apprécié ses compétences de présidente de l'association départementale des maires de Loir-et-Cher, parce que je l'avais appréciée comme sénatrice.

Jean Dumonteil : Merci, Jacques Pélissard. On va ouvrir le débat et la description. Toujours le même principe, pour vous faire part de vos témoignages, de vos réactions, ou de vos questions : vous faites signe aux hôtesses.

Anne Besnier : Je suis maire d'une commune du Loiret de 3 000 habitants, Fays-aux-Loges. Je voudrais juste exprimer un petit regret. J'aurais aimé que l'enquête à laquelle nous avons répondu soit diffusée aussi à des hommes maires. Je pense qu'il n'y aurait pas eu grande différence dans les résultats et que dans les moments où il y aurait eu des différences, cela aurait bien montré la complémentarité des hommes et des femmes, complémentarité sans laquelle aucune vie n'est possible.

Mireille Cellier : Je suis maire de Beaucaire, dans le Gard, et j'en profite pour saluer Madame la ministre Marie-Josée Roig, puisque nous sommes pratiquement voisines et que nous supportons surtout les mêmes difficultés dues à notre proximité du Rhône, ce fleuve qui, malheureusement, nous cause beaucoup de problèmes.

Simplement, je voulais apporter une petite justification, un témoignage. Je suis élue depuis 1983 et j'ai toujours eu la délégation à l'urbanisme. Et c'est une délégation que je n'ai pas lâchée, même en étant maire depuis le dernier mandat. C'est pour vous dire à quel point les femmes peuvent très bien s'investir dans des délégations qui ne sont pas tout à fait celles qui leur étaient, il y a encore quelques années, réservées.

Mon adjoint aux affaires sociales est un homme, mon adjoint aux affaires culturelles est un homme, mon adjoint à la voirie est une femme.

Marie-Christine Dalloz : Maire d'une commune rurale du Jura (Martigna). Je salue Jacques Pélissard, notre président national, Monsieur le député-maire de la ville de Lons-le-Saunier. Je voudrais simplement faire trois remarques, en partant de trois principes.

Le premier, c'est que Jacques Pélissard a parlé de la conscience démocratique.

Je dirais que nous sommes pétries, les femmes maires, d'un certain pragmatisme. Parce qu'au quotidien, dans la gestion de notre famille, nous sommes confrontées aux réalités et je crois que cela aussi c'est une bonne approche pour le mandat électif.

Deuxième constat, c'est que nous avons la volonté de travailler en équipe, et cela n'est pas neutre parce que je crois qu'on a compris que seule on n'arrivera à rien. Et, bien souvent, c'est cette capacité de fédérer qui fait qu'aujourd'hui on peut avancer.

Le troisième critère qui me semblait important à relever aujourd'hui : on n'a pas souvent droit à l'erreur. On en a parfois souffert, mais quelle bonne école ça a été et si je devais dire merci aux hommes, c'est justement pour nous avoir appris cette ténacité qui fait qu'à petits pas, avec des petites touches, on arrive à un grand résultat.

Monique Hournarette : Je suis maire d'une commune de 1 146 habitants (Gerde, Hautes-Pyrénées). Je délègue beaucoup de choses, mais j'aime bien aussi donner des idées et avoir le dernier mot.

France Mielle : Je suis maire de Saint-Julien-les-Villas dans l'Aube, 7 000 habitants. Je voulais rebondir sur les questions précédentes. Par rapport à la gestion, je pense que pour une commune, c'est l'urbanisme qui est le nerf de la guerre, tout simplement parce que de cet urbanisme dépend tout le reste. Si, déjà, des finances rentrent dans notre commune, on peut faire beaucoup de projets.

Aujourd'hui, je suis ravie d'entendre ce consensus général sur le statut de l'élue, de la femme. Mais je voulais simplement, sous forme de boutade, vous dire tout simplement : croyez-vous que, si le Président de la République avait été une femme, il aurait choisi le jour de la Fête des Mères pour le référendum ?

Françoise de Panafieu : Je suis élue parisienne. Deux réflexions peut-être. D'abord, rappeler que les élus, homme ou femme, ont un devoir d'exemplarité. Je sais bien qu'ici beaucoup d'élus viennent de communes qui sont de petites communes, qui ne sont donc pas régies par la loi sur la parité. Toutefois, notre parlement, Sénat et Assemblée nationale, a voté la loi sur la parité et ne l'a pas respectée. Les partis politiques ont préféré souvent payer des amendes plutôt que de donner sa juste part à la moitié de l'humanité ; puisque nous ne sommes pas une catégorie, nous les femmes, nous sommes la moitié de l'humanité, même un tout petit peu plus. Et, comme nous sommes très modestes, nous irons jusqu'à moitié de l'humanité. Et je crois qu'une bonne fois pour toutes, il faut rappeler ici que, quand les lois sont votées, elles sont là pour être respectées, et qu'il vaut mieux respecter la loi plutôt que de choisir de payer l'amende parce qu'on ne la respecte pas. C'est le premier point.

Le deuxième point tient probablement à une différence dans la psychologie et la manière dont on aborde les choses. C'est vrai que nous, les femmes, nous avons beaucoup de mal à intégrer un paramètre qui est plus intégré dans les styles masculins, je ne dis pas toujours, c'est le côté : « Je suis en politique, je joue un jeu. Et donc, cette fois, tu auras mes voix pour les Sénatoriales et la prochaine fois tu me les rendras pour les municipales. » Nous avons beaucoup de mal à intégrer ce paramètre.

Alors, je ne sais pas s'il faut qu'on fasse passer le message en direction des garçons quand on les élève ou des filles, mais je constate là cette grande différence de tempérament qui, souvent, est à notre détriment, c'était la réflexion que je voulais faire.

Jean Dumonteil : Merci. Je vais demander à nos deux présidentes de commission de conclure cette table ronde, qui a pris un petit peu de retard. Alors, Jacqueline Gourault, première vice-présidente de l'Association des maires de France.

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