Premiers États généraux de la démocratie locale et de la parité



Palais du Luxembourg, 7 mars 2005

Mme Nelly Olin, Ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion

Aujourd'hui, nous vivons des situations extrêmement douloureuses pour un pays qui n'est pas un pays pauvre et je crois que nous avons un peu perdu la notion de la solidarité, même si ce mot est employé quotidiennement. Au travers de cette campagne d'hiver, qui a été extrêmement difficile, nous avons apporté beaucoup de réponses concrètes et surtout du coeur. Je pense que pour les femmes qui sont toutes ici, c'est le coeur qui contribue certainement à mettre en place des politiques qui réussiront.

Dans nos villes, beaucoup l'ont dit tout à l'heure, nous avons une vision probablement différente des hommes parce que notre vie de famille, notre responsabilité de mères de famille nous conduit à appréhender les situations d'une manière autre. Quand nous devons construire ou reconstruire, nous commençons d'abord par nous appuyer sur les familles pour savoir comment nous allons pouvoir construire avec elles une vie quotidienne meilleure dans les quartiers.

C'est cette approche qui vraisemblablement change la façon dont nous voulons voir et construire la vie de demain dans nos quartiers. J'ai un mot que d'autres emploient maintenant aussi, je crois que quand on gère une ville, il faut la gérer avec amour et c'est une condition forte de réussite. Quand on veut reconstruire nos quartiers, surtout dans les villes aujourd'hui dites sensibles, où l'urbanisation a été un échec total et a contribué à « ghettoïser » nos quartiers, je suis convaincue qu'au delà de l'urbain, on doit mettre de l'humain. Ainsi demain, chacun vivra en toute solidarité et, comme on l'a dit aussi tout à l'heure, l'intergénérationnel reviendra aussi au coeur de nos quartiers.

Jean Dumonteil : Merci Madame le ministre. Mettre de l'humain, penser à ceux qui sont les plus vulnérables, c'est l'occasion d'ailleurs de rappeler que dès ce mois de mars, le Sénat va examiner le projet de la loi sur les violences conjugales et que, là aussi, il y a beaucoup à faire dans notre pays.

Le moment maintenant vient de la discussion. Même principe, vous faites signe aux hôtesses. On parle de tout ce qui peut favoriser l'accès des femmes à la vie publique locale et également des actions à mettre en oeuvre pour améliorer la cité de demain.

Francine Baudin : Je viens d'une commune rurale de Charente-Maritime de 325 habitants (Saint-Sornin) et je suis maire depuis une année et demie. Cela m'a pris deux élections pour être élue : à la première, on s'est empressé de me faire trébucher, et à la deuxième, j'ai donc été élue. Je suis heureuse aujourd'hui de vous dire que la loi sur la parité ne frappe pas les petites communes de 350 habitants mais que nous sommes trois femmes à la tête de la commune. Mon premier adjoint est une femme et le deuxième aussi. Ça se passe très bien. Simplement, au niveau de la gestion de la commune, on passe beaucoup de temps. Alors, ne serait-il pas possible de penser peut-être à une ouverture de droits sociaux par rapport aux indemnités que nous touchons ? Par rapport à la formation, il serait peut-être également bon de penser à vulgariser, ce n'est pas réellement le terme, mais peut-être à expliquer ce que sont les rouages de la vie politique et les rouages du fonctionnement d'une mairie.

En tout cas, je veux témoigner aujourd'hui qu'il est très difficile de conduire une petite commune parce que nous avons les mêmes informations qu'une grosse commune mais que nous n'avons pas le personnel adéquat. Nous devons tout apprendre, et je peux témoigner que je me suis sentie noyée, ayant été écartée de tous les dossiers auparavant, quand j'ai dû prendre la relève pratiquement du jour au lendemain.

Jean Dumonteil : Merci de ce témoignage Madame Baudin.

Christine Couvelard : Je suis maire d'une commune de 1 410 habitants en Seine-Maritime (Bosc-le-Hard). Je voulais aussi insister sur ce besoin de formation. J'ai été atterrée par l'étendue des responsabilités et ma relative incompétence quand je me suis retrouvée maire en 1998, donc à mi-mandat, après le décès de mon prédécesseur. Je n'étais même pas adjointe et, quand j'ai mesuré l'étendue de la charge que j'avais acceptée, j'ai eu beaucoup de nuits d'insomnie.

On demande maintenant un bac, voire un BTS, pour des métiers d'exécution. Et nous, responsables d'une commune sans être spécialistes, comme vient de le préciser ma collègue maire, nous nous retrouvons sans formation du jour au lendemain en charge de dossiers très lourds. On n'en a pas encore parlé aujourd'hui, mais je voudrais quand même remercier aussi Mairie-Conseil, qui est toujours à la disposition des petites communes, par téléphone, pour résoudre les problèmes ponctuels très ardus.

Marie-Thérèse Leroux : Je suis maire de Richarville, une commune de 400 habitants dans le sud de l'Essonne. Je voulais revenir sur les conditions d'exécution des mandats. Je me suis arrêtée de travailler et j'ai renoncé à une activité professionnelle pour exercer mes fonctions d'élue parce que je trouvais que les fonctions d'élue et la vie familiale, cela suffisait largement à occuper mon temps. Et je me suis aperçue que je n'ai pas songé au problème de la retraite. Mon mari étant décédé récemment, je me suis retrouvée sans revenu et sans retraite, puisque je n'avais pas demandé à la commune de cotiser et je n'avais pas voulu mettre la commune à contribution, puisque c'est une petite commune qui n'a pas beaucoup de moyens. Je voulais souligner ce problème, parce qu'on n'y pense pas lorsqu'on est élu, et qu'on ne veut pas mettre trop de charges dans nos budgets communaux. Nous avons un petit budget : lorsque nous nous déplaçons comme aujourd'hui, c'est souvent nous qui payons, on ne met pas cela sur le budget de la petite commune. On ne veut pas que le maire ait l'air de dépenser l'argent de la commune comme cela. Pour le problème de la retraite des élus, je sais qu'il y a une possibilité mais elle est facultative. On n'est pas obligé de le dire, on n'est pas obligé de le faire. Donc, je ne l'ai pas fait. Et je m'aperçois que j'arrive à l'âge de la retraite et je n'ai aucune retraite.

Bernadette Dippe : Je suis maire d'une commune de 550 habitants (Souday), en Loir-et-Cher. Dans nos petites communes, nous n'avons qu'une secrétaire, bien sûr, et j'ai de la chance qu'elle ait passé le concours de rédacteur avec succès. Mais voilà, il faut faire 40 jours de stage pendant deux ans. Donc, sur un petit budget, ces 40 jours, plus les congés légaux, c'est compliqué. Et qui remplace ? Je ne peux pas fermer la mairie, donc je remplace. Vous voyez, c'est très difficile pour les petites communes d'assurer leur service.

Autre chose aussi, ce qui m'inquiète énormément, c'est l'assainissement. On est confronté à de gros problèmes d'assainissement individuel. Bien que le conseil général nous aide lorsqu'on s'est conventionné, on passe beaucoup de temps avec les habitants pour leur expliquer, et on a de plus en plus de personnes très documentées et on n'arrive pas à les convaincre. Cela, c'est énorme, compte tenu de l'argent qu'ils vont dépenser. Alors, on nous dit maintenant que les permis de construire vont passer par les mairies. Je crois qu'il faudra revoir la formation des maires et du personnel.

Martine Mahtouk : Je suis maire de Murat (Cantal), et conseillère régionale. Je veux parler un petit peu au nom des collègues qui m'entourent puisque, avant de venir à Paris, nous avons fait la semaine dernière une petite réunion entre nous, et je vois que tous les problèmes ont été abordés. Je voudrais, en guise de conclusion, puisque M. Puech nous a parlé de démocratie, dire quelques mots. Si nous sommes plus de 4 000 maires femmes, c'est que nous avons battu plus de 4 000 hommes. La prochaine échéance est 2007, peut-être 2008. Et nous, nous ne sommes pas des diseuses, nous sommes des faiseuses. Donc, pendant ces trois ans, nous allons nous atteler à travailler. Eh bien, je peux vous dire, moi, personnellement, que j'ai des hommes qui sont dans les starting-blocks et qui sont en train de commencer à faire leur campagne pour essayer quand même de démolir un petit peu quelques femmes qui les dérangent. Je voudrais leur dire : écoutez, nous sommes en démocratie, alors des mots, on en entend beaucoup des hommes. Ils veulent que les femmes soient les plus merveilleuses, elles sont les plus merveilleuses, elles sont les plus talentueuses, elles sont les plus charmeuses, mais il faut dire quand même que souvent ils ne font pas de cadeaux. Voilà ma conclusion pour ce soir. Merci.

Christel Duborper : Je suis maire d'une commune du Nord de 560 habitants (Cobrieux). Il a été beaucoup question pendant cette journée du statut de l'élu. Et c'est un sujet sur lequel je voudrais m'exprimer parce qu'une des solutions évoquées est d'améliorer les indemnités des maires. Or, je crois qu'il faudrait qu'on sache au plus haut sommet de l'État que dans les petites communes, et je crois que c'est le cas de la majorité d'entre nous aujourd'hui, on n'est même pas capable d'accepter l'intégralité des indemnités actuelles. Parce que si nous le faisions, il n'y aurait plus de possibilités d'acheter des bouquins pour les gamins à l'école, il n'y aurait plus la possibilité de rembourser les emprunts. Les maires des petites communes, et je parle aussi bien pour les hommes que pour les femmes parce que tous travaillent énormément, parce qu'on n'a pas les moyens d'avoir des assistants juridiques ou des assistants financiers, et tout cela pour pas grand-chose ou pratiquement rien, uniquement pour le panache. Je crois qu'il faut vraiment avoir la foi pour être maire d'une petite commune. Voilà mon témoignage.

Marie-Claude Boudard : Je suis maire d'une commune rurale de 157 habitants (Saint-Parize-en-Viry, Nièvre). Je rejoins ma collègue précédente qui parlait d'une petite commune, elle aussi. Nous n'étions pas soumis à la loi de la parité mais, dans mon conseil, j'ai tenu, en faisant ma liste, à avoir des femmes. Nous sommes quatre sur onze, et je m'en félicite, on travaille beaucoup ensemble. On n'oublie pas les hommes, je crois qu'on a parlé de fédérer. Je suis tout à fait d'accord avec cela.

Je voulais quand même insister sur le fait que gérer une petite commune rurale est une énorme difficulté, il faut être sur tous les fronts. Cela est une chance parce qu'on connaît tout le monde. On connaît leurs besoins, leurs envies, leurs soucis et on est à même d'intervenir. D'où le souci de la communication. Je voudrais finir par une petite note humoristique en citant une très grande dame qui a beaucoup oeuvré pour les femmes, Françoise Giroud, qui a dit : « La femme sera l'égale de l'homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente ». Il faut le prendre avec humour.

Maud Zucconi : Je suis maire d'une commune, dans le Calvados, de 150 habitants (Les Loges-Saulces), mais je fais surtout partie des fameux 1 % des maires femmes qui ont moins de 35 ans. Vous parliez de foi : on s'aperçoit qu'aujourd'hui il y a de moins en moins de candidats dans les petites communes rurales pour prendre la place, et j'ai un peu peur effectivement que les jeunes aient de moins en moins la foi dans ce domaine. Alors, peut-être qu'il y a un souci d'information de notre part.

Marie-Gabrielle Gagnadre : Maire de Lezoux, Puy-de-Dôme. Ce que je voudrais dire à mes collègues, c'est que je suis un peu inquiète lorsque j'entends des collègues qui disent : « Vous savez, moi, je ne fais qu'un mandat, il ne faut pas être carriériste ». Attention, vous l'avez souligné, beaucoup d'entre vous l'ont souligné, pour le premier mandat, il y a un temps d'apprentissage. Il faut vraiment découvrir les problèmes, les étudier, les préparer et les faire aboutir. Et là, je peux dire combien c'est difficile de faire aboutir des projets.

Annie Davy : Je suis maire de Bédée en Bretagne, moins de 3 500 habitants (Ille-et-Vilaine). Je voudrais me réjouir d'abord de cette journée et souhaiter qu'effectivement, il y ait de plus en plus de femmes qui s'investissent dans la vie publique, tout simplement parce que, dans notre société, les problèmes sont très nombreux et qu'on a besoin d'hommes et de femmes qui s'investissent.

Jean Dumonteil : Et nous accueillons Dominique de Villepin, Ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le Ministre, nous sommes en train d'écouter les témoignages de femmes maires et nous poursuivons avec vous Madame.

Annie Davy : Je voulais dire que, par rapport à l'intercommunalité, on a effectivement fait de nouvelles structures, mais qu'on n'a pas supprimé un certain nombre de structures comme des syndicats intercommunaux. La multiplicité des structures ne facilite pas la participation, notamment celle des femmes, puisque le temps est précieux et qu'il faut se recentrer sur certaines structures qui sont importantes pour l'avenir de notre société.

Annette Savin : Je suis maire dans la Vienne, une commune de 2 500 habitants (Cissé). Maire depuis 1995, j'apprécie cette fonction dans le sens où je voulais faire un travail d'équipe. Et j'ai choisi donc de mettre en place la parité : il y avait 19 conseillers, il y a 9 femmes et 10 hommes aux compétences multiples parce qu'il y a des choses que je ne sais pas faire. Je suis enseignante de formation, en biologie notamment. J'ai donc choisi des hommes et des femmes aux compétences multiples en leur donnant des responsabilités.

Et c'est vrai que ce conseil municipal fonctionne bien et que les hommes acceptent bien volontiers les ordres que je leur donne et que chacun travaille dans le bon sens. Donc, faut-il opposer hommes et femmes ? Je n'en suis pas trop sûre. Il faut surtout prendre des gens aux compétences multiples.

Jean Dumonteil : Merci. Je vais vous demander de rester encore un instant s'il vous plaît. Michèle André, Monique Papon, vous étiez les présidentes des commissions numéros 4 et 5. Pouvez-vous répondre à ce besoin de statut, de formation, retraite, protection sociale ? On a vu que beaucoup de vos collègues sont vraiment en première ligne et souvent démunies. Michèle André.

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