Premiers États généraux de la démocratie locale et de la parité



Palais du Luxembourg, 7 mars 2005

Mme Michèle André, sénatrice du Puy-de-Dôme, vice-présidente du Sénat

Oui, je voudrais d'abord dire combien le travail de ce matin fut dense dans la commission numéro 4, et combien nous avons manqué de temps.

Mais je crois bien que nous avons vu aujourd'hui combien, si on peut se réjouir de la loi sur la parité, de son effet dans les grandes villes, de l'effet incitatif qu'elle a pu avoir autour d'elle, là où elle ne s'applique pas obligatoirement, on en voit bien aussi la limite. On s'aperçoit que, vous les maires de petites communes, vous êtes souvent le premier et parfois le seul échelon de représentation publique qui existe sur ces territoires, d'où la nécessité des espaces de formation. Et persévérer pour pouvoir utiliser ce qu'on a appris, parce que c'est trop dommage de ne passer qu'un mandat lorsqu'on a pris le temps de voir un peu ce qui se passe autour. Ne dites surtout pas au début de votre mandat : « Je m'arrêterai au bout de six ans », surtout pas.

Mme Monique Papon, sénatrice de Loire-Atlantique

Je ne sais si, comme le disait le Président du Sénat, vous êtes Mesdames, les hussards de la République, mais ce que je peux vous dire, c'est que vous nous avez donné aujourd'hui un formidable espoir au coeur. L'une d'entre vous disait tout à l'heure : j'ai eu grand plaisir à participer à une telle journée. Eh bien, nous aussi, nous avons eu grand plaisir à préparer et surtout à vous montrer qu'on pouvait transcender les philosophies en travaillant avec Claire-Lise Campion. On a pu voir combien nous étions d'accord pour que les femmes puissent accéder davantage à toutes les responsabilités politiques.

Alors, lorsque - une phrase encore si vous le permettez- vous avez montré une formidable énergie, vous nous avez montré une formidable motivation, vous avez la foi, donc il faut que nous l'entretenions avec vous. Merci Monsieur le Président du Sénat, qui nous avez montré que les femmes pouvaient faire de la politique autrement.

Jean Dumonteil : Merci Madame. Nous accueillons maintenant Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, Dominique de Villepin, qui va conclure cette journée des États généraux de la parité et de la démocratie locale.

Allocution de clôture par Dominique de VILLEPIN, Ministre de l'Intérieur,

de la Sécurité intérieure et des Libertés locales

ALLOCUTION DE CLÔTURE DE M. DOMINIQUE DE VILLEPIN, MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE
ET DES LIBERTÉS LOCALES

Monsieur le Président du Sénat,

Mesdames les Ministres,

Mesdames, Messieurs les élus,

Chers amis.

C'est un grand honneur pour moi de me trouver aujourd'hui parmi vous, au terme d'une journée aussi riche et aussi animée. Je tiens à remercier tout d'abord le Président du Sénat, Christian Poncelet, pour avoir mis ces états généraux sous le signe de la parité, d'autant plus que nous sommes à la veille de la Journée de la femme. Je le remercie également de m'avoir convié à me joindre à vous, et j'avoue avoir hésité quelques instants.

Attendez la suite... En effet, il pouvait paraître étrange qu'il revienne à un homme de clore cette journée qui a rassemblé pas moins de 1 800 femmes maires venues de France et d'Europe. Mais, très vite, mes doutes se sont dissipés car je me suis dit que c'était peut-être une bonne façon de montrer que la parité c'était bien sûr l'affaire des femmes, mais c'était aussi l'affaire de chacun et de chacune d'entre nous.

C'est en effet un enjeu pour tout, un grand enjeu pour la démocratie. Aujourd'hui, vous avez parlé de parité, mais vous avez surtout parlé d'égalité. La France est un pays latin, méditerranéen, où la tentation existe de cantonner les femmes dans un rôle défini par les hommes. Mais la France, c'est aussi et surtout la patrie des droits de l'homme, la patrie des valeurs universelles forgées par la Révolution. Et, au coeur de ces valeurs, il y a la volonté de faire de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes le principe fondamental de notre vie en commun.

Ce principe, nous avons réussi, à force de détermination, à force d'énergie, de volonté, à l'inscrire dans notre vie sociale et dans notre vie économique. Grâce à notre système d'allocation familiale, de garde d'enfant, grâce aux droits protecteurs des femmes enceintes, la France est sans doute l'un des pays aujourd'hui où les femmes peuvent le mieux concilier leur vie de famille et leur carrière professionnelle. Des blocages subsistent, qu'il faut surmonter, mais il y a un mouvement qui a été enclenché. Ce principe d'égalité, il faut donc l'inscrire avec la même détermination dans la vie politique et la vie démocratique. C'est une nécessité absolue, si nous voulons que les instances élues de notre République représentent vraiment la réalité du pays. Il y a donc trois grands enjeux que je voudrais successivement aborder devant vous.

Le premier, c'est donner aux femmes toute leur place dans la démocratie locale. Le deuxième, c'est leur donner toute leur place dans la vie politique de notre pays mais aussi, et c'est le troisième enjeu, toute leur place dans la vie de la cité et donc lutter contre les atteintes inacceptables dont elles sont encore trop souvent victimes.

Le premier enjeu, c'est la démocratie locale, et je voudrais d'abord commencer par saluer votre travail comme maire. Vous honorez une fonction et une responsabilité particulièrement chères aux coeurs des Français. Vous les accompagnez à chaque étape importante de leur vie, mais aussi dans les moments d'épreuve. Vous bâtissez pour eux un cadre de vie harmonieux, vous êtes à leur écoute pour entendre leur inquiétude, pour les rassurer, pour les guider.

Maire, vous êtes en première ligne pour répondre aux défis nouveaux, les défis de la mondialisation d'abord. Alors que notre horizon s'élargit, nous avons de plus en plus besoin de repères, d'ancrage local, plus que jamais, nous devons faire vivre nos identités, notre modèle de société, et vous êtes pour cela les meilleurs relais.

Le défi de la cohésion sociale ensuite. Elle implique de défendre l'emploi dans chacune de vos communes, de combattre les discriminations, de promouvoir l'égalité des chances. La cohésion implique aussi pour certaines d'entre vous de lutter contre l'immigration irrégulière pour préserver la richesse de notre modèle d'insertion.

Défi, enfin, de l'action politique qui doit redonner confiance aux Français. Vous avez tous les atouts pour le faire, vous qui connaissez la réalité au plus près, vous qui recherchez chaque jour des réponses adaptées. Ces responsabilités, vous les assumez en plus de vos obligations personnelles, professionnelles, familiales. Un mot revient souvent dans la bouche de certaines d'entre vous, celui de sacerdoce. Car vous êtes souvent écartelées entre plusieurs obligations, soumises à la dictature des horaires et des emplois du temps. Quand on termine une journée de travail, qu'il faut se rendre à une réunion du conseil municipal, lorsqu'il faut répondre au milieu de la nuit à une urgence, ou en plein week-end, lorsqu'on ramène tard le soir des dossiers à la maison et qu'on ne peut pas toujours accorder à sa famille autant d'attention qu'on le souhaiterait, il arrive, je le sais, que l'on s'interroge, voire parfois que l'on se décourage.

Votre engagement a d'autant plus valeur d'exemple, il force l'admiration et le courage. Et nous savons combien il est difficile aujourd'hui de trouver des hommes, comme des femmes, prêts à donner autant à la collectivité. En tant que femmes maires, vous êtes confrontées aux mêmes problèmes que vos collègues masculins mais aussi à la nécessité, peut-être, de convaincre davantage face aux doutes, face au scepticisme, face parfois à l'ironie quand vous entendez dire : « Elle est charmante, et en plus elle est courageuse et elle est compétente. »

Au-delà des obstacles surmontés, y a-t-il dans votre action, dans votre action municipale une empreinte particulière, une spécificité, une démarche comparable dans chacun de vos mérites aux quatre coins de la France, par exemple à Montauban, à Canet-en-Roussillon, à Carquefou, à Vandoeuvre-lès-Nancy ou au Guilvinec ? En vous imposant dans vos fonctions de maire, vous faites mentir chacune les préjugés.

Certaines d'entre vous ont en charge de petites communes, souvent dans le monde rural où pourtant il n'est pas facile toujours de s'imposer. Je songe à l'une d'entre vous, qui me racontait qu'elle avait été élue dans un petit village composé à 80 % de viticulteurs, parce qu'elle n'avait pas de terre, parce qu'elle n'avait pas de vigne et parce qu'elle n'avait pas dans ce lieu même d'attaches familiales anciennes. Ces qualités, ces qualités propres ont pesé davantage que toutes les réticences à élire une femme.

Mais on imagine combien il lui aura fallu de patience, de dialogue, de respect pour gagner la confiance d'une société souvent masculine.

Mais, il y a aussi parmi vous des maires de grandes villes, qu'il s'agisse de Fabienne Keller à Strasbourg, de Martine Aubry à Lille, ou encore de Marie-Josée Roig à Avignon, elles ont exercé cette responsabilité, elles exercent cette responsabilité avec autorité et fermeté venant à bout de situations parfois bien difficiles.

Aujourd'hui, vous vous affirmez dans tous les domaines. Bien sûr, il y a la santé, la jeunesse, le social, où vous êtes particulièrement attendues et particulièrement entendues. Mais vous savez aussi vous affirmer dans les domaines les plus techniques, voire les plus arides, du budget au transport ou à l'urbanisme. Et vous vous investissez pleinement dans le domaine de la sécurité où vous avez montré que l'on peut concilier la rigueur, la constance, l'imagination d'une main de fer dans un gant de velours.

Grâce à la volonté de son adjointe chargée de la sécurité routière, la ville du Vésinet sera ainsi l'une des toutes premières à expérimenter les radars automatiques pour contrôle de franchissement des feux rouges.

Au-delà de la diversité des villes et des personnalités, vous savez imprimer votre marque et votre tempérament ; votre goût du concret vous permet de débloquer les situations et souvent, vous refusez les combinaisons stériles, les jeux du pouvoir, tout ce qui peut empêcher le règlement des problèmes.

On loue votre détermination à faire bouger les choses, à tester toutes les solutions. Auprès de vous, les Français savent qu'ils trouveront une oreille attentive et que le dialogue sera toujours possible.

Surtout, vous êtes indispensables à l'équilibre municipal. Une mairie où tous, hommes et femmes travaillent ensemble, c'est une mairie susceptible de mieux répondre aux aspirations de nos compatriotes, de traiter l'ensemble des sujets dans leur complexité.

Ainsi, comme vous l'a dit tout à l'heure le Premier ministre, je veille à ce que la réforme de l'administration territoriale de l'État permette de mieux vous accompagner dans l'exercice de vos missions. Les préfectures et les sous-préfectures vont se recentrer sur leur coeur de métier, et en particulier la relation avec les élus.

Les préfets peuvent désormais, en concertation avec vous, réviser les limites d'arrondissement afin de mieux s'adapter aux organisations locales que vous incarnez. Et, par ailleurs, l'échelon régional a été renforcé. Les préfets de régions seront ainsi mieux à même de prendre des décisions rapides, car cet effort sera complété cette année par la réorganisation des services de l'État au niveau du département dont le contexte nouveau de la décentralisation, cette réforme permettra de renforcer la confiance entre l'État et les maires.

Forts de votre exemple, nous devons aller plus loin pour donner aux femmes toute leur place dans la vie politique. Il y a 60 ans, les femmes obtenaient enfin le droit de voter et celui d'être élues. C'est l'aboutissement d'un long combat, le combat de Maria Vérone, Présidente de la Ligue des femmes qui criait Vive la République quand même ! lorsqu'en 1922, le Sénat se prononçait contre la reconnaissance des droits politiques des femmes pour la sixième fois. C'est aussi le combat des femmes dans la Résistance à l'image de ces 10 000 femmes chantant la Marseillaise le 14 juillet 1941 à Paris.

À la Libération, le retour en arrière semblait impossible et c'est pourquoi, dès 1944, et sous l'impulsion du général de Gaulle, les droits politiques des femmes ont été reconnus. Depuis, elles ont peu à peu conquis du terrain à l'instar des pionnières, comme Marie-Madeleine Dienesch, Gilberte Brossolette ou Marie-Hélène Cardot. Il y avait 250 femmes maires en 1947, vous êtes près de 4 000 aujourd'hui.

Ces progrès sont restés trop lents car les hommes n'ont pas toujours vu d'un bon oeil l'arrivée dans l'arène politique de femmes talentueuses, capables de rivaliser avec eux. Mais surtout, parce que les mentalités évoluent lentement. Et, peu à peu, le fossé s'est creusé entre la place des femmes dans la société qui n'a cessé de s'accroître et leur place dans les institutions de la République.

La loi du 6 juin 2000 a permis de bousculer bien des habitudes, bien des pratiques. Chacun se souvient du débat intense sur la parité, le recours à une loi était-il absolument nécessaire, ou fallait-il parier sur une évolution naturelle ? En tout état de cause, reconnaissons aujourd'hui la prise de conscience qu'elle a déclenchée et les avancées qu'elle a permises.

Avancées dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants où les femmes occupent près de la moitié des sièges, même dans les petites communes, alors que la loi ne s'appliquait pas, la proportion des femmes a augmenté de 10 % par rapport à 1995.

Avancées au Sénat, qui avait 17 % de sénatrices, et désormais la chambre la plus féminisée du Parlement.

La loi du 11 avril 2003 a permis d'aller plus loin en imposant la présentation de listes par alternance stricte par les conseils régionaux qui sont, avec près de 40 % de femmes, les assemblées représentatives les plus féminisées. Au Parlement européen, également, où notre pays est aujourd'hui avec 43,5 % de femmes, le quatrième, plus respectueux de la parité derrière la Suède, la Lituanie et les Pays-Bas.

Mais soyons lucides. La France est loin d'être exemplaire en matière de parité. Avec à peine plus de 10 % de femmes maires, vous êtes les mieux placées pour savoir que le combat n'est pas gagné. Avec 12,3 % de femmes députées, notre pays est au 19 e rang de l'Union européenne et au 68 e rang mondial. Avec un peu plus de 10 % de femmes siégeant dans les conseils généraux, la France n'occupe pas le rang qui devrait être le sien, elle qui a si souvent été aux avant-postes de l'émancipation des femmes, elle, dont les grandes figures, de Marie Curie à Simone de Beauvoir, de Marguerite Duras à Françoise Giroud et à Simone Veil, ont inspiré tant de destins.

Alors que le projet de Constitution pour l'Europe fait de l'égalité entre les hommes et les femmes une valeur fondamentale de l'Union, notre pays doit faire mieux. Pour cela, l'action s'impose, mais aussi la vigilance. Les dispositifs exceptionnels peuvent être nécessaires quand il s'agit d'enclencher un cercle vertueux. Mais il faut éviter qu'il ne se retourne contre celles-là même qu'ils entendaient promouvoir, car vous voulez être reconnues pour votre compétence, pour votre détermination.

Nous devons donc trouver un équilibre entre une politique volontariste et le travail de fond indispensable pour faire évoluer les mentalités. Pour que les femmes trouvent leur place légitime dans la représentation, et donc dans l'action politique, nous devons mieux prendre en compte leurs contraintes et leurs besoins. Pourquoi ne pas fixer enfin des horaires plus compatibles avec la vie familiale et professionnelle ? Je sais que certaines d'entre vous ont choisi d'innover en fixant les réunions du conseil municipal les samedis matins afin que chacun puisse s'organiser en conséquence. Pourquoi ne pas trouver des solutions plus efficaces pour la garde des enfants ? Ce qui est particulièrement important si nous voulons permettre aux femmes de se lancer plus tôt dans leur carrière politique.

Ensuite, nous devons briser une fois pour toute ce plafond de verre qui empêche les femmes d'accéder aux exécutifs locaux, notamment dans les conseils généraux et au poste de maire. Faut-il passer à une nouvelle étape de la parité ? Par exemple, dans la désignation des adjointes au maire ou des membres des commissions permanentes des conseils régionaux ? C'est en effet parmi les membres de l'exécutif d'aujourd'hui que seront désignés les présidents de demain. En tout état cause, ces questions méritent d'être débattues avec vous, et avec les associations d'élus.

Enfin, un gros travail reste à faire au niveau des partis politiques avec, en particulier, un effort dans la promotion des jeunes militantes. Car aujourd'hui, quand on compare les situations des uns et des autres, il subsiste encore bien des inégalités. Vous incarnez un regard neuf, le souci d'exercer vos responsabilités autrement avec plus de lucidité, avec plus de liberté. Pour toutes ces raisons, les Français vous font confiance. 85 % de ces Français sont aujourd'hui prêts à élire une femme au poste de Président de la République.

Parce qu'ils apprécient votre franc-parler, votre volontarisme, parce qu'aussi, peut-être, ils savent que vous n'y pensez pas tous les matins en vous rasant. Vous voyez combien vous avez de raisons, de justes raisons d'avoir confiance en vous pour aller plus loin et assumer votre ambition. Devant la difficulté, lorsqu'il vous arrive de douter, alors que vos collègues masculins semblent parfois très sûrs d'eux, dites-vous que votre décision n'en sera que plus juste et plus forte. Chacune d'entre vous ouvre une voie, constitue une référence et même un exemple. Combien de jeunes filles vous regardent avec fierté, avec espoir, et auront à coeur de vous suivre. Aujourd'hui, garantir une meilleure représentation des femmes est enfin un enjeu politique majeur.

Un enjeu de légitimité, parce que les instances élues représentent véritablement l'ensemble de la société. Un enjeu de démocratie, alors que le taux d'abstention progresse, alors que certains de nos compatriotes se désintéressent de la politique, nous devons définir une nouvelle conception de l'engagement politique, un engagement pour l'intérêt général au service de principes et de valeurs, et non au service d'une carrière. Pour franchir cette nouvelle étape et faire sauter tous les verrous, la loi seule ne peut suffire, il faudra la mobilisation et l'évolution des mentalités de tous.

Le troisième défi qu'il nous faut relever, c'est bien l'engagement des femmes dans la cité au service de l'ensemble de ces atteintes, contrer l'ensemble de ces atteintes dont elles sont trop souvent victimes. Toutes ces violences inacceptables. Il y a bien sûr les violences conjugales qui constituent une priorité, non seulement pour l'action du gouvernement, mais aussi de l'Assemblée nationale et du Sénat.

L'été dernier, 29 femmes ont été tuées par leurs conjoints. Une femme sur dix déclare avoir subi des violences au sein de son couple dans les douze derniers mois. Plus de 40 % des victimes ont gardé des traces durables de ces violences. Les violences conjugales, elles existent dans tous les milieux, et partout elles doivent être combattues avec la même détermination. Parce que battre une femme, la harceler moralement, c'est manquer au premier de nos devoirs, le respect de la personne humaine. Parce que ces violences ont souvent des conséquences graves, souvent irréversibles et notamment sur les enfants, parce qu'elles poussent les femmes à se replier sur elles-mêmes, à abandonner leur travail, à couper les contacts avec leur entourage.

Nicole Ameline a présenté un plan de lutte au Président de la République. Pour ma part, je veux mobiliser davantage les forces de l'ordre dans la lutte contre toutes les violences interfamiliales en fixant un certain nombre de règles.

La première règle, c'est la vigilance. J'ai demandé à tous les services de sécurité d'être particulièrement attentifs lors de leurs interventions dans l'affaire familiale afin de déceler tout signe de violence de ce type.

La deuxième règle, c'est la fermeté. Dès la première infraction, pour permettre la prise de conscience des conjoints, même dans les cas où la victime renonce à déposer plainte, il faut leur signifier le plus tôt possible la gravité et les conséquences possibles de leurs actes. Cette démarche sera obligatoirement suivie d'une prise de contact avec la victime pour consigner par écrit ses observations qui seront adressées à l'autorité judiciaire.

La troisième règle, c'est l'amélioration de l'accueil des victimes de violences intrafamiliales dont on sait qu'elles hésitent encore souvent à déposer plainte. Nous exploitons notamment l'idée d'une présence systématique de travailleurs sociaux dans tous les grands commissariats ou commandements de brigade.

Quatrième règle de ce plan d'action, la coopération avec les autres partenaires. J'ai demandé à mes services de sensibiliser l'ensemble des acteurs concernés : services sociaux, élus locaux, magistrats, associations, notamment au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Je leur ai également demandé d'être extrêmement rigoureux dans l'établissement des procédures afin de faciliter le travail de la justice.

Mais, au-delà de ces violences, nous devons faire face aujourd'hui à de nouvelles atteintes contre les femmes, des atteintes qui menacent notre pacte républicain. Au coeur de ma mission, il y a la défense de nos principes, et tout particulièrement de l'égalité. Beaucoup reste à faire en France pour que les femmes aient les mêmes chances que les hommes d'avancer dans leur carrière professionnelle. Leur rémunération est inférieure de 20 à 25 % en moyenne à celle des hommes. Lorsqu'une femme revient travailler après son congé maternité, son salaire stagne environ pendant 2 ans, 80 % des plus bas salaires sont attribués aux femmes, elles sont plus exposées au travail précaire et au chômage.

Cette inégalité, c'est une forme de discrimination aussi inacceptable que celle qui porte sur le nom, la couleur de la peau ou encore la religion. Pour les combattre, j'ai demandé aux préfets de département de réunir régulièrement l'ensemble des acteurs concernés, entreprises, associations, magistrats et recteurs d'Académie. La défense de l'égalité entre les sexes est l'une des priorités des commissions de promotion de l'égalité des chances et de la citoyenneté. Je leur ai demandé de recenser les difficultés, toutes les difficultés, rencontrées sur le terrain. Ce travail permettra de renforcer les dispositions de la loi sur l'égalité professionnelle demandée par le Président de la République.

Mais défendre la place de la femme, c'est aussi lui garantir le respect, dans la sphère publique comme dans la sphère privée. Or, aujourd'hui, la place de la femme dans la cité semble menacée. Des signaux d'alerte nous parviennent, qu'ils s'agissent des mariages forcés, des cas d'excision, ou plus généralement de la mise sous tutelle des femmes et des jeunes filles par leurs frères ou par leur mari. Je veux le dire très clairement : il ne s'agit en aucune façon de stigmatiser certaines populations, il s'agit de prendre conscience d'un problème grave devant lequel la République ne peut rester indifférente.

Contre ces dérives, nos meilleurs atouts, ce sont nos principes de mérite, d'égalité, de liberté, de laïcité. Car, derrière ces principes, il y a des enjeux essentiels.

Je suis frappé de voir combien les jeunes sont aujourd'hui conscients de ces enjeux. Nous ne nous y trompons pas. Pour une jeune femme opprimée par son entourage familial, l'espace public est souvent le seul espace de liberté. C'est grâce à ces valeurs qu'elle pourra conquérir son indépendance et son émancipation. C'est pourquoi nous devons rester vigilants, qu'il s'agisse de la mixité dans les piscines et les établissements sportifs, qu'il s'agisse de l'école, ou encore de l'hôpital. Je sais que c'est souvent difficile pour vous qui êtes confrontées au premier chef à ces tensions, je sais que vous manquez parfois de soutien et d'instruments efficaces, c'est pourquoi j'ai demandé à l'ensemble des préfets d'être particulièrement attentifs à ces problèmes et d'être à vos côtés pour les résoudre.

J'entends par ailleurs réunir très prochainement les maires, confrontés dans leur commune à des phénomènes de repli communautaire, pour que nous puissions ensemble trouver des solutions.

Mesdames, Messieurs, je ne voudrais pas terminer ce discours sans esquisser certaines pistes de réflexion pour renforcer la place de la femme dans notre société. Comment, en effet, faire en sorte que l'égalité des chances soit une réalité vivante dans notre pays ?

Premièrement, en sachant et en cherchant à améliorer notre dispositif de garde d'enfants afin de surmonter l'une des difficultés majeures que rencontrent les femmes qui veulent travailler. Nous devons multiplier ces dispositifs pour que chacun puisse y accéder, nous devons également en réduire le coût, notamment pour les femmes et les familles les plus modestes, nous devons, enfin, développer les formules plus souples et mieux adaptées à la situation de chacun.

Deuxièmement, un effort considérable doit être fait en matière de formation pour les femmes, et notamment de formation continue. C'est aujourd'hui la clé pour pouvoir changer plus facilement d'emploi lorsque c'est nécessaire.

Troisièmement, nous devons réfléchir au moyen de faciliter l'accès aux responsabilités de l'élu. Comment faciliter le passage de la vie professionnelle à la vie politique de façon à assurer la continuité des expériences et la diversité du recrutement ? C'est l'un des grands chantiers qui devra nous mobiliser dans les prochains mois. Nous le voyons toutes et tous, l'enjeu pour la démocratie de cette place des femmes dans la vie politique, dans la démocratie locale, dans l'ensemble de notre jeu politique, comme dans la cité, est un enjeu pour chacun et chacune d'entre nous. Je vous remercie.

Le 7 mars 2005, près de la moitié des 4 082 femmes maires de France - soit, pour l'instant, 11 % seulement des maires - se sont réunies au Palais du Luxembourg à l'invitation de M. Christian Poncelet, Président du Sénat, pour célébrer le 60 e anniversaire du premier vote des Françaises.

Ce vote a coïncidé avec les premières élections libres après la libération de la France qui furent des élections municipales. En prenant cette initiative, le Sénat a entendu rappeler que la démocratie prend ses racines au plan local, au plus près des citoyennes et des citoyens, et que les femmes élues jouent désormais un rôle essentiel dans la consolidation du lien social qui est la mission prioritaire des représentants du peuple.

Dans cette initiative, le Sénat pouvait s'appuyer sur les 56 sénatrices qu'il compte en son sein depuis octobre 2004, soit le plus fort pourcentage (17 %) qu'ait jamais connu une Assemblée parlementaire française.

Comme pour tous les États généraux des élus locaux organisés en région, il s'agissait de permettre une confrontation des points de vue, aussi franche que possible, pour comprendre en profondeur les attentes des Françaises et des Français, à travers cette médiation, trop rare encore, de femmes responsables d'exécutifs élus.

L'intérêt de cette journée a dépassé les espérances de ses promoteurs par la richesse et le dynamisme des débats. Nul doute qu'elle fera date, suscitant des imitations et inspirant des initiatives législatives propres à accroître encore l'importance de la parité dans les institutions politiques françaises.

Ce volume s'inscrit dans la collection des publications du Sénat spécialement consacrée aux colloques et événements organisés à son initiative ou à celle de ses commissions ou délégations.

Cette collection est l'expression de la volonté d'ouverture du Sénat. Elle a pour vocation de mieux faire connaître son activité de réflexion et sa force de proposition.

Page mise à jour le

Partager cette page