La ruralité,un atout pour demain à défendre ensemble



Palais du Luxembourg, 28 mai 2003

Jacques SAVATIER Directeur du Groupe La Poste

La Poste est perçue comme un service public de proximité. Il y a 17 000 points de contact. On a le sentiment, quand on travaille dans des zones rurales, ou qu'on est élu dans ces zones, que le réseau se réduit comme une peau de chagrin. En fait, depuis les dix dernières années, le nombre de ces points de contact a eu tendance à légèrement augmenter, et il est aujourd'hui au même niveau qu'en 1954. 82 % des activités des établissements de La Poste sont gérées par le groupe La Poste. Ce qui est très différent de ce que l'on rencontre dans les pays voisins, où ce chiffre se situe autour de 30 ou 40 %. En France, cela représente 40 000 guichetiers, 3,5 millions de clients par jour, et 100 000 postiers qui desservent 26 millions de foyers, six jours sur sept.

Pour la plupart de nos concitoyens, La Poste reste encore une émanation de l'État, un service public. Mais c'est un service qui n'a pas encore complètement évolué par rapport à la localisation des populations et des activités puisque 60 % de ces points de contact, c'est-à-dire pratiquement 10 000, sont dans des communes de moins de 2 000 habitants, qui représentent 26 % de la population.

La réalité économique est un petit peu différente de cette perception qu'ont nos concitoyens. Depuis 1991, La Poste est une entreprise publique qui se rémunère à travers la vente de ses produits, et ne bénéficie pas d'un concours direct de la part de l'État. Elle a un contrat de plan avec l'État qui lui fixe un certain nombre d'obligations et de contraintes, notamment en termes de qualité. La Poste doit assumer une partie du surcoût lié à son réseau puisqu'il est incomplètement compensé par des concours comme, par exemple, l'allégement de la taxe professionnelle. La Poste est le premier employeur après l'État puisqu'elle a 320 000 salariés - deux tiers de fonctionnaires et un tiers par contrat. C'est un groupe qui a beaucoup de services puisque le courrier représente aujourd'hui moins de 60 % des activités de La Poste, les services financiers, 24 %, et les colis, 17 %.

Quels sont les principaux enjeux de cet ensemble ? La Poste doit progressivement faire face à un champ concurrentiel qui va s'élargir. 35 % du courrier est aujourd'hui dans la concurrence, puisque les plis dont le poids est supérieur à cent grammes sont désormais dans un régime concurrentiel. Les activités financières et les activités de colis le sont déjà depuis très longtemps, certaines le sont depuis toujours. En janvier 2006, cela concernera tous les plis de plus de cinquante grammes. D'où la nécessité de garder à la fois ce tissu de proximité, qui en fait sa richesse et qui est le fonds de commerce du groupe, et de faire face aux enjeux que représente cette ouverture à la concurrence.

L'activité principale, à savoir le courrier, est de plus en plus concentrée dans les rapports avec les entreprises (90 %) et les quatre-vingts plus gros clients représentent 30 % du chiffre d'affaires. Si demain La Poste ne s'adapte pas en termes de coût et de qualité, il risque de ne lui rester que les marchés les moins rémunérateurs, et l'ensemble des services rendus à nos concitoyens pourraient pâtir de cette affrontement concurrentiel à armes inégales.

Quelles sont les difficultés de La Poste ? Premièrement les missions de proximité sont incomplètement compensées. On estime le surcoût de la présence postale par rapport à un réseau commercial aux alentours de 750 millions d'euros. Et certaines activités, qui sont liées par exemple à l'aménagement du territoire, ne sont pas compensées par des concours financiers. En ce qui concerne les services financiers, le groupe à une clientèle, qui représente 9,4 % des en-cours nationaux, contre 13 % il y a une vingtaine d'années. La Poste a une clientèle qui est inégalement répartie par rapport aux différentes couches de population : sur-représentation des populations âgées et des populations les plus modestes, voire en difficulté ; sous-représentation des populations les plus jeunes, des populations les plus aisées et des fonctions non salariées. Il y a donc un déséquilibre, et la nécessité pour nos services financiers d'avoir accès à d'autres types d'activités que sont, par exemple, les prêts à la consommation, les prêts immobiliers sans épargne préalable, voire les activités d'assurances qui permettraient, en offrant la complétude de la gamme, de donner la possibilité à l'ensemble du réseau de disposer d'une valeur ajoutée susceptible d'optimiser sa présence territoriale, et de faire en sorte que l'ensemble du réseau trouve son financement dans une activité diversifiée.

Actuellement, le contrat de plan avec l'État est en cours de préparation. Le président a présenté un programme qui s'appelle Performance et Convergence. Performance pour moderniser à la fois la représentation territoriale de La Poste et pour faire en sorte qu'elle soit plus compétitive par ses outils industriels. Et Convergence vis-à-vis des politiques publiques. On a donc une demande auprès de l'État pour élargir la gamme, pour faire en sorte qu'on trouve une solution au financement des retraites, mais également pour déterminer une norme d'accessibilité à partir de laquelle on pourrait avoir, effectivement, une extension de notre réseau dans un partenariat équilibré, avec les collectivités territoriales, ou avec des partenaires économiques au niveau local, ou par la mutualisation d'un certain nombre de services publics. C'est à ces conditions que La Poste pourrait à la fois être une grande entreprise nationale, multiproduits, unitaire, et, en même temps, un grand service de proximité qui, de ce fait, pourrait exister malgré l'élargissement de la concurrence.

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