2.7. BILAN DE L'UTILISATION DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION PAR LES COLLECTIVITÉS LOCALES FRANÇAISES
PAR M. JEAN-MARC GILONNE
Consultant,
Rapporteur général du groupe de travail « Fracture Numérique » du Club Sénat.fr.,
Ancien responsable de département à l'Association des maires de France (AMF)

Dans leur grande majorité, les collectivités locales françaises sont pleinement conscientes des enjeux du vaste mouvement que connaît notre pays depuis 20 ans en matière de technologies de l'information et de la communication.

Elles s'y sont cependant engagées avec la particularité, je dirai quant à moi la chance, d'intervenir sur des territoires nombreux et très étendus et d'avoir un très grand nombre de communes de petite taille.

Sur 36 700 communes, notre pays compte ainsi à peine plus de 900 villes de plus de 10 000 habitants. À l'inverse près de 9 communes sur 10 comptent moins de 2 000 habitants ! C'est une réalité que vous me permettrez de rappeler d'emblée car j'ai parfois le sentiment qu'on l'oublie facilement, en dehors de ces lieux s'entend !

Cette échelle et leur proximité leur permettent d'être au plus près des préoccupations des citoyens et de bien les connaître.

Les collectivités locales ont naturellement vocation à devenir des acteurs majeurs de la société de l'information. Car si elles sont concernées par l'administration électronique, leur rôle est aussi d'aider à impulser la société de l'information dans toutes les parties du territoires, y compris dans les zones les plus reculées.

Elles sont à cet égard bien placées pour parler de la maintenant fameuse fracture numérique : leurs entreprises menacent de s'installer ailleurs pour cause de hauts débits absents ou trop onéreux, leurs habitants regrettent de se voir promettre l'ADSL pour 2005... ou jamais.

Cette fracture numérique à laquelle le Club sénat.fr vient de consacrer une part importante de ses réflexions ( www.club.senat.fr ) et que j'ai eu d'ailleurs l'honneur de rapporter au nom de notre groupe de travail devant certains d'entre vous.

Aussi les collectivités locales françaises (26 régions, 100 départements, 36 679 communes et plusieurs milliers de structures intercommunales) s'intéressent-elles de près aux usages et, avec des degrés d'implication divers liés à leur nombre et à leur diversité, développent de plus en plus des services innovants à destination des particuliers ou des entreprises.

Je vous proposerai dans un premier temps d'évoquer rapidement le secteur des TIC en France et leur niveau d'appropriation par les Français avant d'examiner dans un second temps les différents domaines où les collectivités locales s'engagent chaque jour de plus en plus.

1° Le secteur des TIC en France

Une place centrale dans l'économie de la France

Les technologies de l'information et de la communication (TIC) tiennent une place centrale dans l'économie de notre pays. Non seulement elles apportent de la productivité et de l'innovation et ouvrent des perspectives pour le développement de nouveaux services et de nouveaux usages, mais elles jouent également en tant que secteur d'activité (industries et services des filières informatique, télécommunication et électronique) à armes égales avec de nombreux secteurs considérés comme des poids lourds de l'économie (automobile, transports).

Les industries et services de ce secteur emploient ainsi aujourd'hui près de 650 000 personnes pour un chiffre d'affaires de près de 115 milliards d'euros (750 milliards de francs) 1( * ) . Depuis 5 ans, les marchés liés aux TIC connaissent un rythme de développement de l'ordre de 10 % par an et la contribution de ce secteur à la croissance est d'environ 20 %. Demain, la poursuite des avancées scientifiques et technologiques en matière d'informatique et d'optique et l'arrivée de nouvelles technologies plus performantes, au premier rang desquelles l'UMTS et la télévision numérique terrestre (TNT), devraient consolider cette tendance.

Un profond bouleversement

Les TIC sont en train de produire, selon certains observateurs 2( * ) , un mouvement similaire au processus d'électrification connu il y a un siècle, en favorisant aujourd'hui la « numérisation de l'économie ».

De nouveaux services apparaissent (téléphone mobile, accès à Internet) et d'autres s'effacent (télex, télégraphe). La numérisation des réseaux avance et l'augmentation des capacités de transmission (liée au développement de la fibre optique et de l'Internet) ne cesse de surprendre.

Les accès à Internet à haut débit sont tarifés de façon forfaitaire et non en fonction de la durée de connexion et ils offrent une vitesse de transmission des informations bien supérieure à celle du réseau téléphonique. À titre d'exemple, le chargement d'une vidéo de 3 minutes passe d'un peu plus d'1 heure pour une connexion à bas débit à moins de 5 minutes avec le haut débit. Une image de qualité photo de 20 secondes à une demi-seconde.

Ces caractéristiques rendent plus confortable la navigation mais, surtout, permettent d'envisager le développement de services nouveaux, faisant un recours accru à la transmission d'images animées ou permettant la mise à disposition accrue de documents commerciaux, réglementaires ou informatifs pour ne citer que ces exemples.

Les conséquences se dessinent déjà, autant dans l'organisation et le fonctionnement même des entreprises, des collectivités ou des institutions (évolution des modes de travail, émergence de nouveaux produits et services, productivité accrue, notoriété plus forte, communication améliorée, conquête de nouveaux marchés, amélioration des services rendus, rapport nouveau à la distance et au temps, télé-travail, télé-santé, télé-enseignement etc.) qu'en terme de réponses à des attentes individuelles en forte augmentation.

2° Les Français et les TIC

Les Français déboursent de plus en plus pour s'équiper en nouvelles technologies

En l'an 2000, selon l'INSEE, les dépenses totales des Français ont progressé de 2,5 % en volume, avec une forte préférence pour les portables (+ 21%) et les ordinateurs, les graveurs et le matériel informatique (+ 51,7 %).

Le taux d'équipement des Français en téléphonie mobile a ainsi quasiment doublé chaque année entre 1997 et 2001. À la fin de l'année 2001, le nombre d'abonnés au téléphone mobile a dépassé avec 37 millions celui des abonnés au téléphone fixe (34 millions). Selon les prévisions, près de 80 % de la population devrait être équipée en 2003 3( * ) .

Un ménage sur trois possède un ordinateur

Le constat est légèrement différent concernant les ordinateurs personnels.

Certes, plus d'un foyer sur trois (35,6 % contre 22,5% fin 2000) possède un PC ou un Mac à son domicile. Mais ces taux sont à comparer avec nos voisins des Pays bas (64% de foyers équipés d'un micro-ordinateur) d'Allemagne (48 %), de Belgique (48%) ou du Royaume Uni (41%).

Les disparités restent en outre fortes selon les revenus, les classes sociales et les diplômes. Ainsi, 79 % des cadres sont équipés contre seulement 11 % des non-diplômés et 19 % des personnes au revenu mensuel inférieur à 900 euros.

Une majorité de la population française connectée demain à Internet ?

L'accès à Internet des français de 1997 à 2000

Nombre de personnes ayant accès à Internet (en millions)

 

Sources : MINEFI, IDC.

En ce qui concerne l'accès à Internet, la France compte, selon le ministère de l'Industrie et selon la définition retenue, entre 7 et 12 millions d'internautes, avec une progression de 63% en un an, contre 1 à 2 millions en 1997. L'institut privé Médiamétrie indique quant à lui que plus de 15 millions d'internautes âgés de 11 ans et plus se seraient connectés à Internet au 4 ème trimestre 2001 (30,9% de la population). Soit une progression de 26 % par rapport au 3 ème trimestre 2001.

Tout ceci se traduit par un fort volume d'heures de connexion. Malgré un tassement en fin d'année 2001 le nombre d'heures de connexion bas débit et de création de pages personnelles (+ 28,5%) explose depuis 2 ans selon l'Association des fournisseurs d'accès (AFA).

Les heures de connexion 4( * )

Le nombre de foyers ayant accès à Internet progresse lui aussi passant de 16,7 % à 21,3 % en 2001 et celui des foyers accédant à Internet en haut débit est multiplié par 5 en 1 an pour atteindre 691 000 foyers à la fin de l'année 2001.

Reste qu'aujourd'hui et pour quelques temps encore 2/3 des Français ne se sont jamais connectés sur Internet, à domicile ou sur leur lieu de travail.

Malgré tout, les fortes progressions constatées des taux de connexion et des taux d'équipement, confortées par l'évolution technologique et un développement de services nouveaux, plus professionnels et moins ludiques, peuvent laisser présager qu'à un horizon de cinq à dix ans la majorité de la population française utilisera pleinement Internet dans sa vie quotidienne.

La pénétration de l'Internet se fait plus rapidement dans les zones urbaines et dans certaines régions

Le développement d'Internet se fait aujourd'hui, il faut le noter, plus rapidement dans les zones fortement urbanisées.

La répartition géographique des Internautes

Selon une étude de l'Institut Net value, près de 6 internautes sur 10 vivent en Région parisienne ou dans des villes de plus de 100 000 habitants, 12% dans des villes de 20 000 à 100 000 habitants, 13 % dans des villes de 2 000 à 20 000 habitants et 18% dans des communes dites « rurales ».

L'aménagement du territoire numérique : l'exemple du haut débit

Les technologies haut débit (câble, xDSL ou ligne spécialisée) - très demandées sur les territoires par les habitants, par les organismes de recherche, les écoles, hôpitaux et autres services publics ou par les entreprises qui souhaitent profiter des gains de productivité offerts par le haut débit - n'ont encore qu'une faible pénétration en France.

Selon les derniers chiffres, qui incluent le câble, le satellite ou l'ADSL/DSL en France, seuls 6,8 % des foyers bénéficient d'une connexion haut débit, soit 1 foyer sur 16 5( * ) . Ce constat est confirmé par les chiffres de l'Autorité de régulation des télécommunications qui estime à 80 000 les internautes bénéficiant d'un accès rapide par le câble et 55 000 d'un accès par l'ADSL avec un fort taux de progression des connexions au haut débit en fin d'année dernière.

Le cabinet Tactis a réalisé en 2001 à partir de données fournies par France Télécom, une cartographie de la couverture potentielle de la population française en ADSL qui montre une grande inégalité dans l'accès des populations à l'ADSL.

On le voit plus les couleurs sont foncées plus le taux de couverture est important. Plus les couleurs sont claires plus ce taux est faible.

Les départements de la région parisienne et de la région Rhône-Alpes sont ceux qui s'en tirent le mieux alors même qu'ils disposent déjà du câble et de liaisons spécialisées à bas prix. Parmi les départements les plus mal servis figurent ceux du Massif central, de l'Est et de la Basse-Normandie.

Selon les plans de couverture de l'opérateur France Télécom, l'ADSL devrait être installée d'ici à la fin 2002 dans la plupart des agglomérations de 30 000 habitants. Les agglomérations de 15 000 habitants ne seront pas équipées avant 2003. En revanche, aucune couverture en haut débit n'est à ce jour officialisée par les opérateurs pour les agglomérations de moins de 15 000 habitants.

Une autre étude du Cabinet Tactis démontre que, sauf nouvelles annonces, 80 % du territoire, 8 communes sur 10 et 1 Français sur 4 devraient rester à l'écart du haut débit d'ici 2005 6( * ) .

Trois zones sont distinguées :

1) les zones dites « blanches » situées à proximité immédiate des grands réseaux d'infrastructures nationaux et internationaux et qui bénéficient d'investissements « spontanés » des opérateurs ;

2) les zones dites « grises » qui disposent d'un potentiel économique important mais qui sont isolées des grandes infrastructures et n'attirent pas dans l'immédiat les investisseurs ;

3) les zones dites « noires », territoires ruraux mais aussi zones peu denses situées en périphérie d'agglomération.

 

Nombre de communes concernées

% superficie métropolitaine

Zone blanche

3 600

10 %

Zone grise

2 500

10 %

Zone noire

30 500

80 %

En somme et selon ces scénarios, les investissement seront donc concentrés dans les prochaines années sur les zones les plus denses.

Le développement des connexions haut débit alternatives à l'ADSL (boucles locales radio, satellite etc.) est par ailleurs aléatoire à court ou moyen terme ou trop onéreux pour les collectivités, les PME-PMI et les utilisateurs. De fait, le risque de voir apparaître dans l'avenir des zones enclavées faiblement peuplées et ne disposant pas d'accès à Internet est réel.

Ces constats peuvent être dramatiques pour les PME PMI et les territoires isolés, c'est une des conclusions de notre rapport sur la fracture numérique 7( * ) . C'est également un des défis majeurs auxquels les collectivités locales françaises sont aujourd'hui confrontées.

3° Les collectivités locales et les TIC

Les collectivités locales françaises : 26 régions, 100 départements, 36 679 communes...

L'engagement des quelques 37 000 collectivités locales françaises (communes, conseils généraux, conseils régionaux 8( * ) ) et de leurs 500 000 élus dans le développement d'Internet constitue un enjeu déterminant.

De mon point de vue - issu autant de mon expérience des collectivités, sur le terrain et au sein de l'Association des maires de France (AMF), que de mon activité de conseil indépendant - les collectivités et leurs élus n'utilisent pas encore toutes les possibilités que peut leur offrir Internet en tant que technologie et outil professionnel de communication.

Après une première vague qui a souvent amené les collectivités à se doter avant tout de sites Internet élaborés en interne ou à peu de frais, les site Internet des communes ne sont encore trop souvent que le seul outil dont elles disposent, conçu comme une « vitrine » de la collectivité et pas assez comme une plate-forme professionnelle de communication, support de réels services pratiques aux habitants et de dynamisation du territoire. Mais ceci est en train d'évoluer rapidement.

En amont du colloque qui nous réunit aujourd'hui, le Sénat a réalisé une enquête auprès de 2 500 internautes des collectivités locales 9( * ) pour connaître le jugement qu'ils portaient sur l'intérêt pratique des TIC pour leur collectivité.

Plus de 7 internautes sur 10 (71,5 %) portent un jugement positif et la quasi totalité estiment que les TIC seront davantage utilisées dans les collectivités locales dans les années à venir malgré quelques obstacles déjà bien identifiés 10( * ) .

D'une part, parce que cet engagement est la condition sine qua non qui doit permettre l'accès de tous à Internet et à une offre de haut débit justifiée par les usages professionnels immédiats et les usages individuels futurs des habitants.

D'autre part, parce qu'il permet à un territoire de conserver ses acquis économiques et culturels ou d'en acquérir et est un outil privilégié pour dynamiser le partenariat avec les entreprises, les commerçants, les professions libérales, voire apporter un soutien direct à leur développement (cyber-pépinières, etc.) avec tout ce que cela peut apporter en terme de création d'emplois, d'attractivité et de compétitivité économique.

Il permet de prendre acte de ce que sera l'administration de demain : des réseaux de communication dynamiques et productifs entre collectivités territoriales, établissements scolaires, universitaires, hospitaliers et autres entités publiques.

Il permet enfin d'explorer toutes les voies de la communication et de la démocratie de proximité.

Le rôle des collectivités locales dans l'aménagement du territoire numérique

Les collectivités locales françaises ne peuvent pas être opérateurs et desservir directement les habitants.

Depuis 1999 (loi du 29 juin 1999), elles sont cependant autorisées à exploiter pour leurs propres besoins des réseaux indépendants ou à mettre des infrastructures passives (fibres noires) à la disposition de groupes fermés d'utilisateurs comme les universités ou les hôpitaux. Elles peuvent également investir dans les infrastructures passives de télécommunication pour les mettre ensuite à la disposition des opérateurs.

Compte tenu des contraintes qui existaient (et dont certaines viennent juste d'être levées : constat de carence des opérateurs, durée d'amortissement...) seules quelques communes se sont ainsi engagées dans cette voie avec l'avantage d'associer l'ensemble des acteurs locaux, futurs utilisateurs (universités, hôpitaux, centres de recherche...).

Quelques exemples

La communauté d'agglomération de Montbéliard projette ainsi de poser 150 km de fibres optiques. Le premier objectif est bien sûr « de diversifier l'offre en matière de connexions à haut débit en permettant notamment la couverture de zones ou l'ADSL, le câble ou la boucle locale radio (BLR) n'iront pas. Mais il s'agit aussi de répondre aux besoins des industriels locaux.

Pôle automobile important, les constructeurs et leurs sous-traitants évoluent en effet vers le travail coopératif avec des besoins qui vont jusqu'à l'échange d'images en trois dimensions. Ainsi le projet d'infrastructures est-il jugé vital pour permettre aux entreprises locales de se développer car sinon « elles s'en iront » 11( * ) .

La ville de Besançon a quant à elle créé, pour faire face à ses besoins propres et à ceux de l'université de Franche-Comté, un réseau de télécommunications qui a raccordé quatorze sites. Ce réseau a été étendu à un « anneau périphérique » qui assure les besoins supplémentaires de l'université, du centre hospitalier et du conseil général du Doubs. Ce réseau de télécommunications à haut débit, le " Réseau Lumière " est constitué de 40 km de câble et dessert 70 000 utilisateurs.

Autre expérience, la communauté urbaine du Grand Nancy qui a investi 10 MF pour mettre en place une infrastructure locale de télécommunications (réseau de fibres optiques noires non activé) de 47 km.

Les Conseils généraux du Tarn et du Gers se sont eux associés avec plusieurs organismes financiers afin de construire des infrastructures passives raccordant tous les chefs-lieux de canton et développer les usages. L'Aube , le Rhône et d'autres encore investissent depuis plusieurs années dans le développement des réseaux et l'accès de tous à la société de l'information.

Enfin, citons le réseau Mégalis Bretagne , mis en place à l'initiative des régions Bretagne et Pays de la Loire, qui relie près de 100 sites (hôpitaux, établissement d'enseignement...) offrant des débits compris entre 2 et 20 Mb/s. De futures extensions du réseau sont prévues 12( * ) .

L'équipement des collectivités

Au delà de ce rôle « d'aménageur numérique », les collectivités locales utilisent Internet comme outil de leur propre développement.

Selon une étude très récente du Cabinet Mazars et Guérard, le taux d'équipement des communes, départements et régions a fortement augmenté depuis deux ans. Le nombre moyen de micro-ordinateurs utilisé dans les collectivités locales a ainsi augmenté de plus de 50 % entre 1996 et 1998.

Les 2/3 des micro-ordinateurs sont reliés en réseau et Internet se développe mais reste réservé à une « élite » : seul un ordinateur sur 10 ou sur 20 est connecté au web ! La situation s'est cependant améliorée depuis 1996 ou ne l'on ne comptait guère que 2 ou 3 micros avec un accès Internet dans chaque administration locale.

Il est vrai que les budgets consacrés aux TIC explosent ! Selon la même étude, les conseils généraux et régionaux voient leur budget croître de 84 % en 3 ans, ceux des villes de plus de 60 000 habitants et des établissements intercommunaux de 46 %, celles de 30 à 60 000 habitants de 22 % et les villes de 10 à 30 000 habitants de 11%.

L'accès à Internet

S'agissant de l'accès au réseau, 6 communes de plus de 800 habitants sur 10 indiquent qu'elles disposent d'un accès à Internet dans la mairie et la quasi totalité des communes de plus de 5 000 habitants.

Là encore, plus la densité de population est importante, plus l'accès à Internet est important et 84% d'entre elles envisagent à priori d'être connectées d'ici à 2003 13( * ) .

Les connexions à Internet dans les communes

Les deux principales raisons avancées de l'absence de connexion tiennent au manque d'information sur les possibilités offertes par Internet (39 % des cas), et à un manque de formation du personnel dans 1 cas sur 3. Les oppositions tenant au coût représentent 15 %, celles liées aux soucis de sécurité 12 % 14( * ) .

Accès collectif ne veut pas toujours dire accès individuel

Parmi les mairies connectées à Internet, la moitié seulement des élus/cabinets des maires et des directions générales disposent d'un accès direct à Internet. Ici encore, le taux de connexion augmente avec le nombre d'habitants de la commune.

En revanche, du côté des agents municipaux on ne trouve que 5,7% d'internautes.

Parmi les autres acteurs du secteur public local interrogés (hors communes), la quasi totalité des directions générales sont connectées à Internet.

La messagerie : un outil incontournable

La messagerie utilisée pour les communications internes demeure un outil incontournable : 44 % des communes de 800 à 5000 habitants et 97 % des communes de plus de 10 000 habitants disposent d'une messagerie électronique 15( * ) .

Les 2/3 des mairies disposent déjà d'un réseau Intranet ou en ont un en projet. La messagerie, une fonction de web interne, les forums et des applications de travail en groupe sont les applications les plus utilisées. Par ailleurs un tiers des mairies envisagent de mettre en oeuvre un Extranet ou en utilisent déjà un.

Une adresse électronique au nom de la collectivité existe en moyenne dans 1 tiers des cas. Elle est surtout utilisée par les conseils généraux (44 %) ou régionaux (31 %) et par les villes de plus de 100 000 habitants (57 %).

Il est vrai qu'au delà de la mise à disposition d'une messagerie il faut pouvoir mobiliser les moyens humains nécessaires pour traiter les messages reçus !

L'accès au haut débit

Seules 7% des communes de plus de 800 habitants ont installé une connexion à haut débit.

Les technologies traditionnelles RTC et RNIS sont en effet encore majoritaires dans les communes de moins de 30 000 habitants, 51% d'entre elles étant équipées de RTC et 47% de RNIS. Le câble et l'ADSL restent marginaux avec respectivement 1% et 2% des connexions Internet 16( * ) .

En revanche, 8 villes de 30 000 à 100 000 habitants sur 10 et la totalité des villes de plus de 100 000 habitants sont desservies par le haut débit 17( * ) .

Source : Dexia CLF

5,5 % des collectivités locales disposent d'un site Internet

On estime aujourd'hui que 250 nouveaux sites sont créés par an et le taux de progression des créations, qui rejoint le mouvement d'ensemble constaté pour les sites Internet publics dans notre pays, est particulièrement important dans les villes à fortes densité de population.

2 500 communes, conseils généraux et conseils régionaux ont aujourd'hui leur site Internet. Ils étaient un peu plus de 1 000 il y a 3 ans 18( * ) .

Ces chiffres sont à rapprocher du nombre total de collectivités locales : 37 000.

Plus de 4 000 sites publics sont recensés dans notre pays par le portail de l'administration ( www.service-public.fr ).

Nombre de sites Internet publics en France  (évolution 2001)

2001 (au 1er de chaque mois)

01

02

03

04

05

06

07

08

09

10

Nombre total

2937

3039

3275

3383

3578

3710

3762

3905

4020

4059

Sites nationaux (1)

626

619

632

647

662

678

697

719

726

733

Sites régionaux (2)

264

334

344

346

352

377

385

392

420

421

Sites départ. (3)

390

418

466

468

504

584

600

617

654

657

Sites de communes (4)

1657

1668

1833

1922

2060

2071

2080

2177

2220

2248

Sources : annuaire des sites publics sur le portail de l'administration française [Documentation Française : www.service-public.fr ]

Précisions : La comptabilisation est proposée à travers quatre rubriques : sites nationaux  (1 : sites à vocation nationale : État et établissements publics rattachés), sites régionaux (2 : sites de services dans le ressort géographique régional : services déconcentrés de l'État, régions et établissements publics rattachés), sites départementaux (3 : sites de services dans le ressort géographique départemental : services déconcentrés de l'État, départements et établissements publics rattachés) et sites des communes (4 : sites de communes, d'organismes de coopération intercommunale et établissements publics rattachés).

Un contenu en pleine mutation

Au delà de points communs souvent cités - présentation du territoire et de sa géographie, de la municipalité et des élus, du conseil municipal et des principaux services, journal municipal, boite à lettres pour les demandes de renseignements 19( * ) - trois approches distinctes sont en général privilégiées :

Les sites qui mettent avant tout l'accent sur l'activité municipale et locale, avec de nombreuses rubriques sur les décisions du conseil, les cinémas de la ville, les manifestations, les procédures administratives, la cartographie de la ville, les documents d'urbanisme... L'exemple souvent cité est celui de la ville d'Issy-les-Moulineaux qui diffuse même les débats du conseil municipal sur Internet et qui a équipé les crèches de la ville avec des webcams pour permettre aux parents de veiller à distance sur leur progéniture...

Un autre groupe prend globalement le parti de s'adresser en priorité aux touristes, aux investisseurs potentiels et aux expatriés. La présentation de la ville et de ses activités est en général très étoffée. La ville de Metz a en outre installé des caméras devant l'hôtel de ville, le palais des sports et la cathédrale afin de transmettre des images en temps réel de sa ville.

Certains sites enfin privilégient la communication entre les habitants en offrant à ceux-ci un maximum d'outils pour accéder à Internet et échanger. C'est le cas de Parthenay , qui est allé très loin en devenant fournisseur d'accès pour ses habitants, de Brest ou bien de Vandoeuvre qui vient d'adresser un questionnaire à l'ensemble de ses habitants pour connaître leurs attentes en matière de services en ligne.

Le soutien au développement des usages

L'intérêt d'un site est d'être visité. Or les internautes, on l'a vu, sont loin d'être majoritaires dans notre pays. À cela, diverses raisons que notre rapport a bien montré (« physionomies de la fracture numérique et remèdes » décembre 2001 www.club.senat.fr ) et notamment les coûts d'acquisition de l'équipement nécessaire et les coûts de connexion.

Parmi les remèdes, le développement des accès publics, espaces publics, bornes d'accès, la formation des habitants et l'équipement des écoles, des collèges et des lycées. Les collectivités se sont massivement engagées dans de tels programmes.

Création par exemple de « cyber-espaces », dont mon cabinet conseil s'est fait une spécialité, qui sont des lieux publics équipés d'ordinateurs et d'une connexion permanente au réseau Internet. Le gouvernement a annoncé son intention de soutenir la création de 7 000 espaces publics dans les prochaines années.

Nombre de collectivités ont déjà créé de tels espaces : la ville de Brest qui a réalisé la création de 33 points d'accès publics, les PAPI, et l'accès gratuit dans chacune des bibliothèques de quartier ; le conseil régional de Picardie qui aide les structures intercommunales (42 sites ouverts), etc.

Raccordement des établissements scolaires également, équipement des salles de classes et mise en réseau mais aussi formation des enseignants pour l'intégration d'Internet dans les pratiques pédagogiques. Certains conseils généraux vont très loin en équipant tous les élèves de « cartables numériques ». Le conseil général des Landes offre ainsi un ordinateur portable à tous les élèves des collèges et à leurs enseignants. Le conseil général des Hauts-de-Seine mène la même réflexion.

D'autres enfin réfléchissent à des offres appropriées aux milieux les plus isolés : services médicaux de proximité (télétransmission de dignostics, examens radiologiques à distance...), services d'assistance et de suivi à distance à l'intention de certaines catégories de personnes isolées ou rencontrant des problèmes de dépendance ou de handicaps particuliers, services de formation à distance (e-learning).

L'E-administration

Au delà de la mise en oeuvre d'un site Internet et du soutien aux usages, les collectivités locales développent de plus en plus la technologie Internet pour leur propre compte : utilisation des places de marchés publics, appels d'offres en ligne, gestion en réseau de la trésorerie, aide au recrutement, formation à distance des personnels, inscriptions électroniques (cantines, associations sportives) sont quelques exemples de cette tendance.

Pour les communes, le champs des e-procédures est extrêmement vaste : du vote électronique aux enquêtes publiques, de la réservation de gîtes communaux à la gestion des subventions aux associations, de la gestion des bibliothèques aux demandes d'actes d'état civil, les expériences sont à l'heure actuelle menées dans de nombreuses communes. Les 2/3 des initiatives recensées sur le site de l'administration www.service-public.fr sont d'ailleurs mises en oeuvre par des collectivités.

D'une manière générale le développement des téléprocédures, transmission d'actes sécurisés entre administrations et entre citoyens et administrations a un grand avenir devant lui, dès que les problèmes de certification et de signature électronique seront dépassés. Cela dit et sans attendre, les actes susceptibles d'être télétransmis sans difficulté au contrôle de légalité (délibérations, décisions de police administrative...) représentent déjà à l'heure actuelle 66 % des actes des collectivités territoriales.

Quelques exemples

Le conseil général de l'Oise vient d'initier un système d'enchères électroniques dans le cadre d'un marché négocié pour l'achat d'imprimantes. Cette mise en concurrence des fournisseurs, via Internet, lui a permis, en moins d'une heure, d'économiser 12 % sur le prix d'achat de ses fournitures. Un extranet permet également à ses fournisseurs de suivre l'état de leurs factures. Le conseil général de l'Essonne vient de mettre en concurrence sur Internet ses principaux partenaires financiers pour l'ouverture d'une ligne de crédit. La ville du Havre met en ligne tous ses appels d'offre avant même leur parution au Journal officiel .

D'autres collectivités se lancent dans la mise en place d'extranet extrêmement efficaces. C'est le cas du conseil général du Bas Rhin qui offre un bouquet d'applications de gestion à l'usage exclusif des administrations territoriales et des communes du département : gestion de la paie du personnel avec plus de 7 000 bulletins de paie gérés pour le compte de 450 communes, collectivités intercommunales, hôpitaux ou maisons de retraite. Le conseil général effectue également sur son extranet la gestion des fichiers électoraux, mis à jour en temps réel par les mairies, et se charge d'éditer avant les élections tous les documents nécessaires. Il propose enfin un accès gratuit à la documentation départementale et veut développer une application de suivi des dossiers de subventions.

Dans le département des Yvelines c'est un système de gestion par téléprocédure des cartes de transport à tarifs réduits qui s'est mis en place entre le conseil général et les communes. Dans le département du Nord c'est le projet de l'agglomération lilloise qui veut fédérer en un seul intranet les réseaux des 86 communes de la communauté urbaine de façon à mettre en commun des ressources, aussi bien des données que des logiciels et de la logistique.

La démocratie numérique

À un tout autre niveau, Internet se trouve enfin être un instrument de renforcement de la démocratie participative à l'échelon local. L'exemple du conseil municipal interactif de la ville d'Issy-les-Moulineaux est parlant 20( * ) .

En outre, appuyé par la reconnaissance du vote électronique, qu'expérimentent déjà quelques communes dont Voisins-le-Bretonneux, Internet pourrait bien être la pierre angulaire de l'e-démocratie en France.

La multiplicité des outils offerts par le réseau renforce ce rôle de promotion de la démocratie : sondages en ligne, consultations sur des thèmes précis, forums publics et espaces d'expression directe. Cette dimension démocratique du réseau est confortée par l'avis de la majorité des Français exprimé lors d'une récente enquête 21( * ) .

Mais ce thème sera abordé plus longuement cet après-midi

Conclusion

Internet est un puissant accélérateur et facilitateur d'un changement profond à l'oeuvre au sein même des collectivités locales. C'est aussi un révélateur du dynamisme de la vie locale , de la santé de la vie économique et associative, de l'énergie et de la vision à long terme des élus.

On l'a vu dans mon exposé, malgré les difficultés qu'elles rencontrent du fait de leur taille et de la faiblesse des moyens dont disposent les plus petites d'entre elles, les collectivités locales ont bien investi ce champs nouveau qui s'offrent à elles. Bien au delà de ce qu'une simple analyse quantitative de leur taux de connexion ou du nombre de leurs sites Internet pourrait le laisser supposer.

Rien d'étonnant sans doute, car les élus impliqués ont bien compris qu'il leur fallait veiller à ce qu'Internet reste un outil au service d'une politique de développement local et non une fin en soi, qu'il leur fallait veiller à ce qu'Internet reste (paradoxalement compte tenu de sa capacité de déploiement à distance) un outil de proximité, dans ses finalités, son contenu et les services pratiques qu'il apporte .

Je vous remercie

M. Adnot

Merci, M. Gilonne, vous avez été très complet. Un peu rapide certainement, mais très complet. Nous devons maintenant avoir une liaison avec M. Sawada, le maire de Yokosuka. Le temps que ça se mette en place, je vous propose que nous ayons un échange et que la salle ait la parole pour poser des questions. Qui va commencer ? On m'avait proposé de faire une interruption de séance, mais dans ce genre de réunion, la salle a rarement la parole, et je préfère qu'il y ait un échange, une interactivité. Alors, saisissez la balle au bond.

Question

Je m'appelle Marc-Antoine Carlotti, je représente ici une association franco-japonaise, Corse-France-Japon, et la mission de coopération décentralisée de la collectivité territoriale de Corse. J'ai retenu un aspect de la présentation de M. Gilonne qui m'inquiète. D'abord parce que la Corse est un des régions les pauvres de France, et d'autre part qu'elle est constituée de communes encore plus pauvres que la moyenne des communes françaises en général. À travers l'explication de M. Gilonne, je retiens que nous sommes une population deux fois et demi inférieure à celle du Japon et nous avons 37 000 communes. Le Japon en compte, je crois, trente fois moins.

Les communes qui ne sont pas très évoluées, très développées, sur le plan économique sont exclues de l'ADSL. Par conséquent, elles vont être encore plus isolées à travers le développement dont pourront bénéficier les communes plus riches encore. Est-ce que la solution ne consisterait pas à favoriser le regroupement communal ou tout simplement à diminuer le nombre de communes, de manière à arriver à une proportion plus ou moins égale à celle du Japon ? Faute de quoi, je crois qu'on se heurtera à un mur qui est celui de l'impossibilité d'avoir accès au haut débit de la communication.

M. Adnot

Je vais répondre à votre question, si vous me le permettez. Je comprends bien votre équation parce que c'est la même chez moi, et que d'une manière générale la méthode qui consiste à faire en sorte que les régions les plus denses et les plus riches aient le service gratuitement et que les régions les moins denses et les plus faibles doivent se payer les équipements est une anomalie fondamentale.

À cela, il y a deux réponses possibles et je ne crois pas à la vôtre. Parce que si vous regroupez les communes, vous n'aurez pas changé le lieu d'habitation des gens et le problème consiste à apporter le service là où sont les gens. Vous pouvez bien prendre trois petites communes, dire il n'y en a plus qu'une seule, ça ne changera pas la problématique. S'il doit y avoir équipement et s'il doit y avoir péréquation des coûts d'accès, c'est la solidarité nationale qui doit jouer. La méthode qui consiste à faire payer les collectivités de base n'est pas la bonne.

En second lieu, il faut faire un effort de recherche parce qu'aujourd'hui les pistes qui pourraient nous permettre, dans de bonnes conditions, d'accéder à partir du réseau de distribution de l'électricité ou même à partir de l'équipement téléphonique actuel en améliorant les performances technologiques, sont des pistes très prometteuses. Et l'une des grandes difficultés des collectivités aujourd'hui, c'est de faire les choix technologiques en connaissant toutes ces perspectives. Vous avez le droit de me contredire si ça vous intéresse.

Question

Bonjour, je suis Jean-Marc Julien, maire adjoint de Beauvais, préfecture de l'Oise, et on a cité le conseil général de l'Oise tout à l'heure. Au-delà de l'aspect purement technique des liaisons informatiques - il y a également des gros débits dans les communes - nous avons un autre problème, celui des contenus. Car lorsqu'on explore les sites Internet d'un certain nombre de collectivités territoriales, on s'aperçoit non seulement d'une grande diversité, qui est une grande richesse, mais également du tâtonnement dans lequel on est pour pouvoir définir un véritable contenu, à la fois au niveau des sites Internet et également au niveau des procédures Intranet (et de la formation du personnel des collectivités territoriales pour que cela puisse fonctionner).

Je crois qu'il faudrait peut-être essayer de travailler un peu plus tous ensemble pour aider ceux qui tâtonnent, pour essayer d'éclairer un peu plus les élus et les administratifs qui travaillent à leurs côtés, pour mieux définir la bonne pratique de recherche de ces sites Internet. Trop souvent les administrés nous disent, par les e-mails qu'ils nous envoient : « Votre site Internet n'est pas intéressant, il est trop fouillis (je retiens ce terme, car je crois qu'il est extrêmement intéressant), il n'est pas mis suffisamment clairement au service de l'utilisateur et de la collectivité tout entière ». Je crois que le Sénat, et d'autres partenaires, pourraient apporter un concours à cette définition du contenu qui est à mon avis peut-être prioritaire par rapport à l'installation de ce système haut débit car l'internaute moyen ne prendra pas l'ADSL, il va se connecter avec le réseau téléphonique commuté, le RTC. Simplement il est bien évident que s'il ne trouve pas dans le contenu ce qu'il recherche, et bien il n'ira pas à l'ADSL et il n'ira pas continuer à visiter les sites de nos collectivités territoriales.

M. Adnot

Je ne crois pas que cette question appelle de réponse tellement elle est frappée au coin du bon sens. Les infrastructures ne sont rien s'il n'y a pas un contenu intéressant, attractif et vous avez raison de souligner que ce sont les citoyens eux-mêmes qui vont faire savoir à leurs collectivités si elles font quelque chose d'intéressant ou pas. Et naturellement les groupements de collectivités sont là pour nous aider à faire évoluer les situations. Je vous propose maintenant que nous rejoignions M. Sawada.

Vous avez la parole Monsieur le Maire.

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