1.8. L'ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE AU JAPON
PAR MADAME EVELYNE DOURILLE-FEER
Economiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales.

Avant d'aborder la question de la conjoncture japonaise, j'aimerais tout d'abord dire quelques mots sur les relations bilatérales franco-japonaises.

Les relations France-Japon n'ont cessé de s'intensifier depuis la décennie 80. La décennie 90 a été marquée par la visite d'Etat du Président Jacques Chirac en 1996, puis par la signature d'un plan d'action pour la coopération entre la France et le Japon, concrétisée par l'Année du Japon en France en 97 et l'Année de la France au Japon l'année suivante. Enfin, en 1999, la France a accueilli le Premier ministre Obuchi en début d'année et, en fin d'année, le Premier ministre Lionel Jospin s'est rendu au Japon. Monsieur Horie, Ministre conseiller, évoquait, également, ce matin le plan des « 20 actions pour l'an 2000 » qui vise à mettre en place une coopération encore plus nourrie entre France et Japon pour le XXI e siècle. On assiste, donc, à une intensification des relations de nos deux pays.

Sur le plan économique, cette intensification progressive des relations s'est traduite par le doublement des parts respectives des échanges commerciaux au cours des 25 dernières années. Mais, en 1998, le Japon ne contribuait encore qu'à 2,2 % du total des exportations françaises, donc un peu plus de 2 %, et la France ne représentait que 1,7 % des exportations japonaises. Ce volume d'échange est bien sûr très faible au regard des puissances commerciales des deux pays, Japon et France étant 3 e et 4 e puissance commerciale mondiale. De ce fait, le Japon n'est que 9 e acheteur de la France et 8 e fournisseur et la France n'est que 16 e fournisseur et 17 e acheteur du Japon. Beaucoup de progrès restent à faire dans ce domaine et d'immenses champs de coopération restent ouverts.

Non seulement nos échanges ne sont pas à la hauteur de la puissance économique des deux pays, mais on doit déplorer, également, un déséquilibre de la balance commerciale française vis-à-vis du Japon en 1998, balance qui était déficitaire d'un peu plus de 28 milliards de francs. Ceci est lié, en grande partie, au décalage de conjoncture économique. La conjoncture était très dynamique pour la la France en 1998 avec plus 3 % de croissance (3,4 %) et elle était très défavorable pour le Japon qui enregistrait une contraction de - 2 %.

Les investissements directs ont, également, progressé sur les sols respectifs mais, de même que les échanges, ils sont très faibles, compte tenu de la puissance des deux pays. La France n'accueillait en 1998 que 1,4 % des investissements directs japonais, elle n'était que 4 e terre d'accueil en Europe, derrière le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Allemagne. Elle accueillait, à l'époque, 200 entreprises japonaises qui contribuaient à 26 000 emplois. Du côté des investissements français au Japon, la France ne détenait qu'une part marginale de l'I.D.E, soit 2 % des investissements étrangers, alors que les Pays-Bas avaient une part quatre fois plus importante que la nôtre, et la Suisse, trois fois plus élevée. Mais, bien entendu, ces statistiques sont en décalage très important avec la réalité puisque, durant l'année 1999, on a assisté à une accélération extraordinaire des relations économiques entre nos deux pays.

La France est devenue le deuxième pays destinataire des investissements directs japonais, derrière les Etats-Unis, ainsi que cela a été rappelé par le Sénateur Xavier de Villepin. De grands projets sont en cours entre la France et le Japon. Par exemple : les investissements d'AXA au Japon, de Michelin, la prise de participation de Renault dans Nissan, dont on a beaucoup entendu parler, l'implantation de Carrefour. Du côté japonais, l'implantation d'une nouvelle usine Shiseido ainsi que celle de NTN sont prévues. Le mouvement de coopération entre nos deux pays est en train de s'accélérer.

En toile de fond de ces relations bilatérales, que se passe-t-il pour l'économie japonaise ?

Pendant les années 80, la croissance économique japonaise a progressé de 4 % par an, une croissance extrêmement dynamique pour un pays industrialisé. Mais, au cours des années 90, on a assisté à une chute du rythme de croissance, tombant à environ 1 % par an.

1999, l'année du grand développement des relations franco-japonaises, a été marquée, au Japon, par un retour à la croissance économique. Après cinq trimestres de contraction, l'économie japonaise a recommencé à croître au premier trimestre 1999, 1,5 % de croissance en donnée trimestrielle - ce qui est très important- mais, malheureusement, au cours des trimestres qui ont suivi, ce dynamisme a commencé un peu à s'effriter. Selon les prévisions officielles de croissance de l'année fiscale 1999 (l'année fiscale commence au 1 er avril 1999 et s'achève fin mars 2000), la croissance sera d'environ 0,6 % et de 1% en l'an 2000. Un rythme, donc, modéré. Depuis 1992, on a pu compter neuf plans de relance publique d'un montant de 124 % du produit intérieur brut japonais, c'est-à-dire environ 1000 milliards de dollars. Ces plans ont permis au Japon d'arrêter la dégradation de la situation économique, mais pas de repartir de façon très dynamique.

Pourquoi cette croissance n'est-elle pas plus vigoureuse ? pourquoi n'atteint-elle pas le rythme français qui est actuellement d'environ 3 % ?

Pour répondre à cette question, il faut d'abord identifier les causes du blocage de croissance de la décennie 90, sans s'arrêter seulement à la conjoncture, et ensuite il faut lister les facteurs de rebond, ou les secteurs possibles de rebond, pour l'économie japonaise dans le futur.

Tout d'abord, je parlerai des causes du blocage de la croissance japonaise. La question centrale est : quelle est la nature de la crise traversée le Japon ?

I La crise des années quatre-vingt-dix

Quelle crise ?

Il faut remonter à l'accord du Plaza entre les grands argentiers de la planète, en septembre 1985, qui a précipité la hausse du yen par rapport au dollar. Vous vous souvenez que le yen a augmenté de 56 % par rapport au dollar entre septembre 1985 et août 1986. C'est pendant cette période que s'est créé un formidable « effet richesse » avec l'augmentation du yen, couplée à des taux d'intérêt extrêmement bas; ce qui a engendré une spéculation importante au Japon, aussi bien dans le domaine de l'immobilier que de la bourse. Peu à peu, tous les moteurs se sont emballés : la consommation des ménages et les investissements logement se sont mis à augmenter.

On spéculait sur la bourse, on gagnait de l'argent, on achetait des terrains, on revendait les terrains, on achetait des titres. De plus, le taux de croissance des investissements productifs se mit à augmenter de 15 à 16 % par an.

L'économie « casino » s'est arrêtée à partir du moment où, en mai 1989, la Banque du Japon a commencé à augmenter le taux d'escompte. Entre mai 1989 et août 1990, ce taux est passé de 2,75 à 6 %, ce qui a infligé un choc important sur l'économie. Les bulles spéculatives ont crevé au niveau de la Bourse tout d'abord en 1990, puis progressivement au niveau de l'immobilier. Après 56 mois consécutifs d'expansion, une expansion donc extraordinaire, le Japon est entré en récession, entre l'automne 1991 et la fin 1993.

Le premier symptôme de cette crise s'est manifesté par la baisse du régime de croissance, puisque l'on passe d'un taux de 4 % par an durant les années 80 à un taux de 1 % au cours de la décennie 90. L'augmentation du chômage constitue un second symptôme : le taux de chômage était de 2,1% en 1991, donc extrêmement faible, le plus faible des pays industrialisés. Il a plus que doublé dix plus tard, avec 4,7 % en 1999. On peut également citer l'augmentation du travail temporaire, l'accroissement du nombre de faillites d'entreprises qui est passé d'environ 14.000 en 1994 à 19.000 en 1998.

La crise, ce sont aussi les faillites retentissantes dans le système financier, liées à l'accumulation très importante de créances douteuses puisque, fin 1998, les créances douteuses des 17 grandes banques étaient encore évaluées à environ 470 milliards de dollars. La crise, c'est aussi l'endettement de l'Etat qui s'est fortement accentué avec les plans de relance. L'endettement de l'Etat était égal à un peu plus de 50 % du P.I.B à la fin de la décennie 80 et, en 1999, il atteignait 110 % du P.I.B. Il devrait passer à 129 % en l'an 2000. Le Japon sera, à ce moment-là, le pays industrialisé à l'Etat le plus endetté du monde, plus endetté que l'Italie. Les consommateurs bien sûr, se réfugient dans l'épargne, et de ce fait, la balance commerciale est très excédentaire: plus de 100 milliards de dollars par an d'excédents. Tous ces éléments sont autant de symptômes de la crise.

2) Pourquoi la crise ?

Pourquoi cette crise ? Il y a plusieurs écoles d'économistes qui ne sont pas d'accord pour expliquer la crise japonaise. Certains pensent que ce sont plutôt des facteurs conjoncturels qui ont provoqué cette crise et d'autres pensent que ce sont plutôt des facteurs structurels. Selon les écoles, on obtient une sortie de crise plus ou moins rapide.

Parmi les facteurs conjoncturels, la thèse des cycles d'investissements est importante. On aurait surinvesti à la fin des années 80 et, maintenant, on purgerait les surinvestissements. Il y aurait, également, un problème de déflation d'actifs, c'est-à-dire que, les valeurs des terrain et de la bourse s'étant contractées, les agents économiques tenteraient de reconstituer les actifs par l'épargne. On peut, bien sûr, citer la question de la politique fiscale qui a été appliquée à des moments défavorables. On peut, aussi, avancer le fait que la faiblesse du système financier a provoqué, pendant une partie de l'année 1998, des problèmes de "credit crunch", c'est à dire de difficulté d'accès aux crédits, notamment pour les P.M.E.

Au niveau des facteurs structurels, de très nombreux éléments entrent en ligne de compte. La crise serait liée au changement d'environnement international, après la chute du mur de Berlin, faisant que des acteurs toujours plus nombreux sont arrivés sur la scène internationale. Le Japon s'est ouvert, les autres pays se sont ouverts. Le modèle économique de développement japonais, élaboré au cours de l'ère Meiji à partir de 1868-1870 dans un contexte d'économie fermée et de rattrapage de l'Occident, a été déstabilisé par l'ouverture. Pour ma part, j'ai fait partie très tôt des économistes qui ont pensé que la crise japonaise était essentiellement structurelle.

Mais, malgré tout, si on regarde les chocs conjoncturels subis par le Japon pendant la décennie 90, on constate qu'il n'a vraiment pas été épargné. En 1990-91, nous venons d'en parler, les bulles spéculatives boursières et immobilières ont éclaté, provoquant une chute brutale des actifs. La Bourse, par rapport au pic de 1989, a baissé d'environ 50 % et les prix des terrains d'environ 73 %. Ce sont des chocs extrêmement violents. En 1995, le Japon a encore affronté trois chocs très importants. Tout le monde a en mémoire la période douloureuse du tremblement de terre de Kobe où, en quelques minutes, 2 % du P.I.B. japonais ont volé en éclat. Ensuite, il y a eu le problème de la secte Aum. L'attentat terroriste commis dans le métro de Tokyo par des membres de la secte Aum a eu un impact très important sur la consommation des ménages, car les pouvoirs publics n'ont pas su le prévenir. Le mythe sécuritaire japonais s'est écroulé, semant l'anxiété parmi les ménages. Enfin, la hausse du yen en 1995, 79 yens pour 1 dollar, un record, a eu une incidence très négative sur les exportations. En 1997, la TVA est passée de 3 % à 5 %, ce qui a complètement bloqué et gelé la consommation. Ensuite, on se souvient de la crise asiatique qui a démarré durant l'été1997, et du choc retentissant des faillites de la Banque Hokkaido-Takushoku, première banque régionale de la région de Hokkaido, et de celle de la quatrième maison-titre, Yamaichi shôken, qui ont eu un impact très négatif sur les agents économiques.

Mais on voit bien que derrière des problèmes conjoncturels, apparaissent des problèmes structurels. Ils peuvent être ordonnés en quatre séries.

Tout d'abord, le Japon se heurte à une crise des débouchés domestiques et externes. Sur le sol japonais, on est parvenu à un seuil de saturation pour de nombreux biens de consommation. Les ménages ont plusieurs magnétoscopes, ils ont des appareils photos, des téléviseurs... Il aurait fallu parvenir à renouveler les produits, à donner envie aux consommateurs de posséder des choses nouvelles mais, jusqu'à une période très récente, peu de produits sont apparus pour stimuler l'appétit des consommateurs.

Ensuite, un phénomène très important concernant le mode de consommation a eu lieu. Au départ de la décennie 90, on a vu peu à peu les consommateurs passer de l'achat de produits de préférence "made in Japan", considérés comme de très bonne qualité, à l'achat de produits à bon rapport qualité/prix, quitte à acheter des produits meilleur marché de l'étranger. Quand on regarde le volume de consommation au Japon, on s'aperçoit qu'il n'a pas tellement changé, mais ce qui a changé, c'est la qualité et le prix des produits. L'anxiété des ménages vis-à-vis du futur est également un facteur explicatif important du comportement de consommation. Les ménages japonais ont peur du chômage et craignent d'avoir des montants de retraite insuffisants. De ce fait, leur consommation est forcément bloquée. Or, comme vous le savez, la consommation des ménages est déterminante dans la croissance économique de nos pays actuellement. Au Japon, elle représente, environ, 60 % du P.I.B.

Les débouchés externes ont, par ailleurs, diminués du fait des délocalisations. La décennie 90 a été une décennie pendant laquelle on est passé, entre 1992 et 1997, de 6 à 13 % de la production japonaise fabriquée à l'étranger, c'est une augmentation considérable. Evidemment, en 1997 et 1998, les exportations à destination de l'Asie on subi un net ralentissement pendant la crise asiatique. Or, l'Asie contribue actuellement à près de 40 % des exportations japonaises. La crise asiatique s'est donc répercutée sur l'économie japonaise.

La deuxième série de facteurs structurels de la crise japonaise réside dans la crise du système productif. Celle-ci est assez générale et se traduit par une baisse de la productivité du capital. Plus simplement, les entreprises se sont suréquipées. L'Agence de Planification Economique estimait les surcapacités japonaises à 41 trillions de yens fin 1998, soit environ 410 milliards de dollars. Les surcapacités sont donc extrêmement importantes. Il faut les éliminer progressivement et, pour cela, les entreprises doivent limiter leurs investissements ; de ce fait, un moteur de croissance fait défaut.

Au niveau du système productif, il existe aussi un autre problème : c'est la lenteur de la transition vers des industries nouvelles. Pendant les décennies précédentes, nous avons observé de grands mouvements de mutations du système productif, comme le passage des industries de base aux industries d'assemblage, par exemple. Pendant la décennie 80, le Japon aurait dû amorcer sa mutation vers la société de l'information. Or cette mutation ne s'est pas produite, elle a mis beaucoup de temps à se mettre en place et n'est sensible que depuis deux ans. La tardive mise en place des industries nouvelles explique le manque de dynamisme du Japon.

La troisième série de facteurs est liée à la crise de la régulation, notamment une crise du rôle de l'Etat. Comme dans beaucoup d'économies, l'Etat se retire peu à peu au bénéfice des forces du marché. Au Japon, on a assisté à la prolifération de réglementations qui ont bloqué la modernisation d'un certain nombre de secteurs, mais on ne peut pas nier non plus que l'Etat a, également, joué un rôle d'amortisseur social. Il a permis de préserver des secteurs et de maintenir l'emploi. Par exemple, examinons le secteur de la distribution. Lorsque l'on compare les parts de ventes effectuées dans les supermarchés aux Etats-Unis et au Japon, on voit que du côté américain, 63 % des ventes y étaient effectuées au milieu de années 90, et seulement 18 % au Japon, 63 % contre 18 %. Cela explique que cette petite distribution japonaise, ces petits commerçants de quartiers aient réussi à préserver partiellement l'emploi, mais c'est un secteur archaïque et qui, évidemment, n'est pas très productif. Les secteurs de la finance et des technologies nouvelles ont été ceux qui ont, peut-être, le plus fait les frais de la déréglementation, parce qu'ils n'ont pas pu élargir rapidement leur champ d'activités. Ils ont eu beaucoup de difficultés à accéder au capital risque et à être dynamique.

Enfin, la crise des valeurs est une des composantes structurelles très importante de la crise japonaise. Pendant longtemps, le but national était de rattraper l'Occident. C'était un but assez simple et qui sous-tendait une certaine approche du travail, de l'épargne, de l'éducation et, surtout, la société était basée sur une reconnaissance de l'égalité entre les citoyens. Il s'agissait d'une égalité de résultats. Mais, avec l'irruption d'éléments extérieurs, ce modèle a commencé à se déséquilibrer.

Il s'agit, tout d'abord, de la déréglementation financière. Elle a fait son apparition au Japon au début des années 80, avec la libéralisation du contrôle des changes. Cette libéralisation a permis à l'investissement direct de se développer. La déréglementation des taux d'intérêt sur certains dépôts bancaires a, également, mis en concurrence des établissements qui, jusqu'alors, étaient tous très protégés grâce à des taux très rigides.

A partir de là, le marché et les forces du marché ont gagné progressivement du terrain et la rémunération du capital a pu se faire au détriment de celle du travail. Les équilibres ont commencé à se transformer, en introduisant des facteurs d'inégalités, et en changeant complètement la conception même du modèle basé sur l'égalité entre citoyens.

Le progrès technologique, en particulier les technologies de l'information et des communications constitue le deuxième facteur externe important pour la déstabilisation du modèle. A partir du moment où Internet et les réseaux se sont imposés, les vitesses de processus de décisions ont été accélérées, et le « consensus à la japonaise », le consensus de groupe prenant assez de temps, s'est trouvé, tout d'un coup, marginalisé. Une prime a été donnée à l'individualisme, ce qui est traditionnellement antinomique au mode d'organisation de la société japonaise. Le progrès technologique a, également, permis une décentralisation de l'information, enlevant du pouvoir à l'administration centrale et l'affaiblissant au profit des administrations provinciales et des régions.

A cause de ces changements, les trois pivots du modèle traditionnel - le principe d'égalité entre citoyens, le consensus du groupe et le centralisme- ont été remis en question.

3) Le remodelage économique

Maintenant, vers quel modèle se dirige le Japon ?

Le Japon semble prendre la direction de la constitution d'un modèle économique où il y a moins d'Etat et plus de marché. Un modèle où, me semble-t-il, il y aura de plus en plus de place pour les régions. C'est un modèle qui, sur le plan industriel, va se structurer autour des services. Pour ce qui est du secteur manufacturier, le Japon gardera sur son sol uniquement les activités à haute valeur ajoutée et délocalisera le plus possible toutes autres industries. En fait toutes les réformes sociales et économiques entreprises laissent augurer, encore, quelques années assez difficiles pour le Japon.

La première moitié de la décennie 2000-2010 sera sans doute marquée par une croissance économique instable: elle atteindra 1%, puis redescendra à 0%, elle remontera exceptionnellement un peu plus haut, jusqu'à ce qu'une stabilisation s'opère et que le secteur privé puisse prendre le relais du secteur public. En effet, la décennie 90 a été marquée par les dépenses du secteur public qui ont, notamment, empêché la consommation des ménages de plonger. Mais malgré tout, ce panorama un peu sombre pourrait nous réserver des surprises, car certains secteurs renferment des réserves de croissance très importantes. C'est vers ces derniers que je souhaiterais me tourner maintenant.

II Les secteurs nouveaux à fort potentiel de croissance

Quatre secteurs ont des possibilités de forts rebonds. Il s'agit , tout d'abord, de la révolution Internet, ensuite du secteur vert, du secteur des services aux personnes âgées et du secteur des loisirs. Tous ces secteurs semblent relativement intéressants, puisque ce sont des secteurs où l'on pourrait développer de nombreuses coopérations entre les collectivités locales des deux pays.

1) La révolution internet

Tout d'abord la révolution Internet : le Japon, après avoir été très en retard pour les technologies de l'information, a mis les bouchées doubles et si, par exemple, en 1998 on ne comptait que 13 à 14 millions d'internautes, en 1999, on était déjà passé à 20 millions. En 2002, ces utilisateurs devraient être au nombre de 30 millions. On voit, donc, que ce phénomène progresse vite. Le commerce électronique a augmenté de 420 % en 1999 par rapport à 1998. Il a atteint un chiffre de 336 milliards de yens. En 2003, il sera d'environ 4,4 trillions de yens, donc 42 milliards de dollars et, en 2004, on pense qu'il sera de 64 milliards de dollars. Cela n'équivaut qu'à 2 % des dépenses de consommation du Japon, mais la progression est quand même rapide. Le côté positif de cette révolution Internet est qu'elle va relancer l'industrie des ordinateurs, dynamiser celle des logiciels et des systèmes. Le côté négatif réside dans la destruction d'un certain nombre de réseaux de distribution et donc de l'emploi.

Au niveau des ordinateurs, on observe une augmentation de plus en plus rapide du taux d'équipement des ménages. En 1990, seulement 11 % des ménages japonais avaient un ordinateur chez eux, en 1998 plus de 25 % en possédaient. Le marché multimédia est composé, actuellement, à 50 % par tout ce qui est ordinateurs et équipements, à 25% par les services et à 22 % par les logiciels. Internet ne représentait encore que 2 % du marché multimédia. C'est un chiffre 1997, donc déjà dépassé...

Les téléphones portables : les Japonais s'équipent très vite en portables. De manière générale, quand on regarde la productivité du secteur des technologies de l'information, on est frappé par sa progression (plus de 7 % par an entre 1994 et 1998), alors que celle des autres secteurs industriels n'augmentait que de 0,8 % par an. Grâce à Internet, on pense qu'il y aura des créations beaucoup plus dynamiques de P.M.E, notamment, dans les régions. Les efforts très importants des pouvoirs publics dans ce secteur, qui se traduiront par l'équipement en réseaux de tout l'Archipel, rendront possibles ces créations. Ainsi, tous les foyers japonais pourront se brancher sur Internet dans un proche avenir.

2) Le développement du secteur "vert"

Deuxième secteur, le secteur vert : il s'agit du secteur lié à l'environnement et au recyclage qui connaît en ce moment un boom très important au Japon. Le Conseil des Structures Industrielles japonais estimait que, en 1998, ce marché était d'environ 15 trillions de yens, environ 144 milliards de dollars, et qu'il devrait passer à 580 milliards de dollars en 2025. La perpective est lointaine, mais c'est un marché en très grande expansion, un secteur où on voit déjà, par exemple, les grands de l'automobile comme Honda, Mitsubishi ou Toyota. Ils sont très présents sur ce secteur avec des véhicules économes en énergie.

Dans le domaine financier, de plus en plus de capitaux sont investis dans les secteurs liés à l'écologie. Et, pour citer l'exemple d'un industriel qui pratique le recyclage, une firme comme Kokuyo - un grand de la papeterie japonaise- a déjà 16 % de ses ventes constituées par des produits recyclés. C'est un secteur vert qui se développe vite, sous la poussée d'une assez forte demande. La sensibilisation des Japonais à l'environnement vient beaucoup des problèmes de pollution et d'environnement que rencontrent ses voisins asiatiques.

3) Les services aux personnes âgées

Ensuite, troisième secteur : les services aux personnes âgées. La population japonaise vieillit très vite. En 2025 le Japon sera le pays le plus vieux du monde et comptera plus de 25% de personnes de plus de 65 ans. Il comptait 9% de plus de 65 ans en 1980 et 12% en 1990 et il passera à 25% en 2025. Par ailleurs, la population active va diminuer. Elle va diminuer de 0,6% par an jusqu'à 2025.

Dans ce contexte de vieillissement accéléré de la population, on assiste à l'augmentation rapide de la demande d'aide et de services aux personnes âgées. Cette demande a été estimée par le Conseil des Structures Industrielles: en 1998, elle était d'environ 375 milliards de dollars et on pense qu'en 2025, elle sera comprise entre 1 000 et 1 500 milliards de dollars. C'est un marché extrêmement important qui inclut des services d'aide à domicile ou des équipements, de nombreux services liés à la santé, à la prévention et au dépistage de maladies, des services infirmiers et tout ce qui est produit médical. C'est un marché qui grandit de 4 % par an au Japon, par ailleurs deuxième marché de consommation pharmaceutique du monde. Dans le domaine des services aux personnes âgées, de nombreuses expériences peuvent être mises en commun entre Japonais et Français puisque nos sociétés se heurtent à des problèmes similaires.

4) Le secteur des loisirs

Enfin, le secteur des loisirs. Le secteur des loisirs est aussi un secteur en très forte expansion. Il devrait passer d'un marché d'environ 300 milliards de dollars à 700 milliards dans les années qui viennent, avec de fortes demandes de logiciels pour tout ce qui est jeux vidéos, films etc. et aussi pour tout ce qui touche à la mode, au sport et au tourisme. La France est bien placée, tant au niveau de l'expérience et des équipements qu'au niveau d'un certain nombre d'infrastructures, pour faire part de son expérience aux collectivités locales japonaises.

En conclusion, je dirais qu'une fois l'appareil industriel japonais restructuré, ce qui prendra bien sûr quelques années, et une fois que de nouveaux équilibres sociaux pourront être retrouvés pour que les ménages japonais s'adaptent à cette société plus compétitive et plus risquée, l'économie japonaise devrait pouvoir repartir sur une base de croissance d'au moins 2 % par an, de façon extrêmement stable. Cela se fera sous l'impulsion du secteur privé, et en dépit du vieillissement de la population. Le dynamisme est tout à fait possible. Très certainement, des secteurs comme ceux de l'information, de l'environnement, les nouveaux secteurs de services aux personnes âgées et les loisirs participeront à cette dynamique économique. Ces secteurs devraient, par ailleurs, faire l'objet de fortes demandes aussi bien en Asie qu'en Europe.

On voit donc que l'économie japonaise dispose de très fortes capacités de rebond et, surtout, que de très nombreux champs de coopération existent entre nos deux pays.

Je vous remercie de votre attention.

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