III. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011)

Commentaire : le présent article vise à exclure les sociétés en participation du champ des sociétés pouvant porter des montages en défiscalisation à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés des investissements productifs en outre-mer.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA DÉFISCALISATION DES INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS EN OUTRE-MER

L'article 199 undecies B du code général des impôts (CGI) prévoit un dispositif de défiscalisation des investissements productifs neufs réalisés en outre-mer 1 ( * ) . Les foyers fiscaux pouvant bénéficier de cette défiscalisation sont ceux domiciliés en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts. Le champ des entreprises concernées est vaste puisqu'il s'étend à l'ensemble des secteurs économiques, à l'exception de ceux expressément exclus 2 ( * ) .

Ce mécanisme de défiscalisation permet au contribuable de réduire le montant de son impôt sur le revenu (IR) d'un montant égal à 50 % de celui de l'investissement réalisé . Ce taux peut-être majoré jusqu'à 70 % dans certains cas particuliers.

En pratique, en général, le contribuable qui défiscalise est un particulier domicilié en métropole et n'a pas de lien avec l'entreprise réalisant l'investissement, un cabinet de défiscalisation se chargeant, pour le compte de l'investisseur, de trouver des contribuables.

Parallèlement, l'article 217 undecies du CGI prévoit un dispositif identique de défiscalisation appliquée à l'impôt sur les sociétés (IS) . Ce sont dans ce cas les entreprises imposées à l'IS qui peuvent bénéficier d'une déduction du montant de leur impôt dû au titre des investissements qu'ils contribuent à financer en outre-mer. Ce dispositif permet aux grandes entreprises françaises acquittant un montant élevé d'IS de réduire le montant de leur imposition en participant au financement d'investissements d'autres entreprises en outre-mer.

Le montage financier classique consiste, la plupart du temps, pour le contribuable, à participer à une société en nom collectif (SNC), qui achète le bien en recourant pour partie à un emprunt bancaire. La SNC loue par la suite le bien à l'entreprise exploitante en outre-mer, qui lui verse des loyers, permettant le remboursement de l'emprunt bancaire. Dans ce cas, le mécanisme de défiscalisation impose à la fois que le bien soit conservé par l'entreprise pendant une durée de 5 ans et que les associés des sociétés propriétaires des biens conservent leurs parts dans ces sociétés pour une durée équivalente.

Au terme de cette période de 5 ans :

- soit le cumul des loyers versés par l'entreprise excède le prix de l'investissement et celui-ci est rétrocédé à l'entreprise exploitante pour un euro symbolique ;

- soit l'entreprise acquitte à la société la valeur de l'investissement non encore couverte par les loyers versés.

B. UNE DÉFISCALISATION AUX CARACTÉRISTIQUES SPÉCIFIQUES

La défiscalisation des investissements outre-mer est donc non-patrimoniale, c'est-à-dire qu'outre la réduction d'impôt, le contribuable ne bénéfice in fine d'aucun accroissement de patrimoine .

Par rapport aux autres mécanismes de défiscalisation, celui des investissements productifs en outre-mer présente une autre spécificité. En effet, afin de garantir que le mécanisme profite aux entreprises d'outre-mer, un dispositif de rétrocession est institué par l'article 199 undecies B précité. Il est applicable aux montages financiers, évoqués ci-avant, où l'exploitant loue le bien à une société regroupant les investisseurs. Dans ce cas, la loi impose que 60 % du montant de la réduction d'impôt soit rétrocédé à l'entreprise exploitante, sous forme de diminution du loyer et, le cas échéant, du prix de cession du bien à l'exploitant .

Ainsi, pour le contribuable, un investissement de 100 produit une économie d'impôt sur le revenu de 50. A cette économie, il convient de retrancher le montant de l'avantage rétrocédé à l'exploitant, soit, en général, 60 %, donc 30. Enfin, le contribuable doit s'acquitter des frais de montage de l'opération perçus par les cabinets en défiscalisation, qui s'élèvent, en général, à environ 4 % du montant de l'investissement. Il en résulte, pour un investissement de 100, que le gain net du contribuable est de 16.

Pour sa part, l'exploitant ne bénéficie que du montant de la rétrocession d'une partie de l'avantage fiscal procuré aux contribuables finançant l'investissement, au terme de la location-vente à loyer bonifié. Ainsi, le mécanisme de la défiscalisation est comparable, pour l'exploitant, à une subvention de l'ordre de 30 % du montant de l'investissement .

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. QUATRE AMENDEMENTS ADOPTÉS SUITE À UNE MISSION DE CONTRÔLE

Nos collègues députés Gaël Yanno et Claude Bartolone ont effectué en 2010 une mission de contrôle de l'application de la loi pour le développement économique des outre-mer 3 ( * ) - la LODEOM - votée en 2009. Cette mission a donné lieu à la publication d'un rapport d'information 4 ( * ) , qui fait notamment le point sur les modifications apportées par la LODEOM au régime de défiscalisation des investissements productifs en outre-mer.

Il a également été l'occasion pour nos collègues députés de proposer à leur commission des finances l'adoption de nouveaux ajustements au dispositif de défiscalisation des investissements productifs en outre-mer . Quatre amendements ont ainsi été adoptés par l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des finances et avec l'avis favorable du Gouvernement , créant les articles 57 quinquies , 57 septies , 57 octies et 57 undecies du présent projet de loi de finances.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose , dans le cas, décrit ci-dessus et très majoritaire, des montages en défiscalisation via une société qui finance l'investissement et dont les parts sont détenues par les contribuables souhaitant bénéficier de la réduction d'impôt, que la société portant l'opération ne puisse pas être une société en participation (SEP) .

Actuellement, toutes les sociétés de personnes transparentes, visées à l'article 8 du CGI, peuvent porter des montages en défiscalisation. Or, d'après le rapport d'information de nos collègues députés lors de leur mission de contrôle, « les investissements douteux réalisés dans le secteur du plein droit sont souvent le fait de sociétés en participation, dont les règles de constitution et de fonctionnement sont particulièrement souples ». En effet, la constitution d'une SEP ne nécessite aucun capital, aucune inscription au registre du commerce et ses associés, qui peuvent être des personnes physiques ou morales, n'ont pas non plus d'obligation à être immatriculés individuellement au registre du commerce.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le dispositif de défiscalisation des investissements productifs en outre-mer , coûteux pour les finances publiques - près de 900 millions d'euros prévus pour 2011 - mais utile aux économies ultramarines, doit être irréprochable , afin d'éviter autant que possible les fraudes.

Beaucoup d'améliorations ont déjà été apportées dans le cadre de la LODEOM , avec notamment la restriction de la base éligible, la modification de la défiscalisation pour la navigation de plaisance et les véhicules particuliers ou encore l'abaissement des seuils d'agrément des investissements.

Le présent article s'inscrit dans cette volonté de clarification et ne peut donc que recueillir l'accord de votre commission des finances.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.


* 1 Dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises.

* 2 Les secteurs exclus sont le commerce, la restauration (à l'exception des restaurants de tourisme classés), les cafés, débits de tabac et de boissons, le conseil, la recherche et développement, l'éducation, la santé et l'action sociale, la banque, finance et assurance, les activités immobilières, de navigation de croisière, les services fournis aux entreprises (à l'exception de la maintenance, des activités de nettoyage et des centres d'appels), les activités de loisirs, associatives et postales.

* 3 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

* 4 Rapport d'information n° 2828 (XIII e législature), Application de la loi pour le développement économique des outre-mer, Claude Bartolone et Gaël Yanno, commission des finances de l'Assemblée nationale.