II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME III (2010-2011) ANNEXE 44

Observations et décision de la Commission :

Cet article organise, d'une part, un transfert de compétences à l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) concernant la gestion administrative de certains dispositifs en faveur des travailleurs handicapés et, d'autre part, la reprise par cette dernière du marché public conclu par l'État en matière de formation professionnelle des demandeurs d'emploi handicapés.

I.- L'AGEFIPH ASSURERA LA GESTION ADMINISTRATIVE DE TROIS DISPOSITIFS EN FAVEUR DE L'EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances a réaffirmé le principe de non-discrimination qui doit trouver son application dans le domaine de l'emploi en favorisant l'accès, le maintien et le retour à l'emploi des travailleurs handicapés. L'État assure, à ce titre, la pleine utilisation des différents dispositifs de droit commun en faveur des travailleurs handicapés et leur articulation avec les dispositifs spécifiques aux travailleurs handicapés.

Dans ce cadre, le service public de l'emploi met en oeuvre les partenariats et les plans actions nécessaires en collaboration avec l'AGEFIPH, les Cap Emploi, les maisons de l'emploi, les maisons départementales des personnes handicapées et, enfin, les conseils régionaux et généraux. L'ensemble de ces acteurs et de leurs actions s'articule au sein des plans régionaux pour l'insertion des travailleurs handicapés (PRITH).

A.- UNE RATIONALISATION DES COÛTS POUR L'ÉTAT

L'AGEFIPH est une association privée au service des personnes handicapées et des entreprises, administrée par des représentants des salariés, des employeurs et des personnes handicapées ainsi que par des personnalités qualifiées. Elle poursuit trois objectifs principaux :

- améliorer l'accès à l'emploi des travailleurs handicapés,

- aider les entreprises à recruter et à conserver leurs salariés handicapés,

- approfondir la connaissance de la population active handicapée.

En application de l'article L. 5214-1 du code du travail, l'AGEFIPH gère le Fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés (FIPH), alimenté par les contributions financières versées par les entreprises de vingt salariés et plus soumises à l'obligation d'emploi des personnes handicapées, soit 552 millions d'euros en 2010 contre 572 millions d'euros en 2009.

1.- La collecte des déclarations obligatoires d'emploi des travailleurs handicapés

Conformément à l'article 1 er de la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés (aujourd'hui abrogé et repris à l'article L. 5212-2 du code du travail), tout employeur du secteur privé et tout établissement public à caractère industriel et commercial occupant 20 salariés ou plus, doit employer, dans une proportion de 6 % de son effectif salarié, des travailleurs handicapés.

L'employeur peut s'acquitter de son obligation en embauchant directement les bénéficiaires de l'obligation d'emploi, et ce, à hauteur de 6 % de l'effectif total de ses salariés. Il peut également se libérer de son obligation d'emploi en versant une contribution financière au fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées ou conclure un accord de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement.

Il peut enfin s'acquitter partiellement de son obligation en accueillant des personnes handicapées dans le cadre d'un stage, en concluant des contrats de sous-traitance, de fournitures ou de prestations de services avec des entreprises adaptées (parfois encore appelés « ateliers protégés »), des centres de distribution de travail à domicile ou des établissements et services d'aide par le travail (ESAT, souvent plus connus sous leur ancienne dénomination de « centres d'aide par le travail »).

Les employeurs assujettis à l'obligation d'emploi doivent adresser, avant le 15 février de chaque année, une déclaration annuelle obligatoire d'emploi des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés au titre de l'année civile écoulée, en application de l'article L. 5212-5 du même code ( 12 ) . Cette déclaration est adressée à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), au sein de laquelle elle fait l'objet d'un enregistrement.

2.- La procédure de reconnaissance de la lourdeur du handicap

Le dispositif de la reconnaissance de la lourdeur du handicap a été introduit par l'article 27 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Ce dispositif permet d'attribuer au terme d'une procédure de reconnaissance par l'administration compétente, réglée par les articles L. 5212-9, L. 5213-10 et L. 5213-11 du même code, deux types d'aide, au choix de l'employeur, accordées en compensation des efforts pour favoriser l'accès ou le maintien dans l'emploi d'une personne lourdement handicapée :

- la modulation de la contribution au FIPH due par l'employeur,

- l'aide à l'emploi en milieu ordinaire, financée et versée par l'AGEFIPH.

La demande de reconnaissance de la lourdeur du handicap incombe à l'employeur, ou au travailleur handicapé, s'il exerce une activité professionnelle non salariée. Là encore, cette demande doit être adressée à la DIRECCTE, pour instruction. Celle-ci décide de la reconnaissance de la lourdeur du handicap après avoir calculé le montant des charges induites par le handicap.

3.- Le versement de la prime de reclassement

Sous réserve de remplir certaines conditions, un travailleur handicapé peut également percevoir à l'issue d'un stage de rééducation, de réadaptation et de formation professionnelle, une aide financière destinée à faciliter son reclassement.

Prévue à l'article L. 5213-4 du même code, cette prime de reclassement peut être attribuée ( 13 ) aux travailleurs handicapés auxquels cette qualité aura été reconnue par la CDAPH (ou en leur temps les Cotorep) et qui auront été admis sur avis favorable de celle-ci à suivre un stage de rééducation, de réadaptation et de formation professionnelle.

Le bénéfice de cette prime doit être demandé aux CDAPH, dont le secrétariat est assuré par les maisons départementales des personnes handicapées en liaison avec les DIRECCTE.

B.- UN REPORT DE CHARGE, ASSEZ LIMITÉ, SUR L'AGEFIPH QUI SE JUSTIFIE PAR L'AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DU SERVICE RENDU

L'évaluation préalable de l'article 97 du projet de loi de finances pointe de nombreuses lourdeurs de gestion (manque d'expertise, vétusté des outils informatiques, retards dans la publication des statistiques...) qui découlent de ce modèle d'organisation.

Au-delà, la Rapporteure spéciale estime que qualité du service rendu tant aux travailleurs handicapés qu'à leurs employeurs pourrait être grandement améliorée en adoptant une nouvelle logique faisant de l'AGEFIPH un interlocuteur unique.

Les alinéas 1 à 4 (I) procèdent, dans cette logique, à une réécriture de l'article L. 5212-5 du code du travail, relatif à la déclaration annuelle obligatoire d'emploi des travailleurs handicapés.

Les alinéas 5 et 6 (II) font de même s'agissant de la procédure de reconnaissance de la lourdeur du handicap, encadrée par les articles L. 5212-9, L. 5213-10 et L. 5213-11 du même code.

En outre, les alinéas 7 et 8 (III) désignent l'AGEFIPH pour traiter les demandes de versement de la prime de reclassement.

Grâce à ce transfert de compétences à l'AGEFIPH, l'État réaliserait une économie directe assez modeste, de l'ordre de 100 000 euros par an, en raison de la fin de la prise en charge du coût financier de la prime de reclassement. Il réalise également une économie en dépenses de personnel un peu plus conséquente, estimée à 400 000 euros en 2011 et 3,6 millions d'euros à l'horizon 2013 :

- 48 ETP (catégorie C) au titre de la déclaration obligatoire d'emploi des travailleurs handicapés ;

- 21 ETP (catégories A, B et C) au titre du dispositif de la reconnaissance de la lourdeur du handicap ;

- 5 ETP (catégorie C) au titre de la prime destinée aux travailleurs handicapés.

Du côté de l'AGEFIPH, le transfert de compétences proposé engendrerait un surcoût estimé ainsi :

- s'agissant de la déclaration obligatoire d'emploi des travailleurs handicapés : un coût supplémentaire de 0,5 million d'euros lié à la saisie des informations et un besoin de 10 équivalents temps plein (ETP) ;

- s'agissant du dispositif de la reconnaissance de la lourdeur du handicap : un besoin de 10 ETP supplémentaires est identifié à l'AGEFIPH ;

- s'agissant de la prime destinée aux travailleurs handicapés (« prime de reclassement ») : le coût supplémentaire pour l'AGEFIPH est estimé à 100 000 euros.

L'alinéa 12 de cet article fixe ainsi les modalités d'entrée en vigueur de ces différents transferts de compétences :

- pour les dispositions du I (gestion de la déclaration obligatoire d'emploi des travailleurs handicapés) à compter de la déclaration annuelle pour 2012.

- pour les dispositions du II (gestion dispositif de la reconnaissance de la lourdeur du handicap) le 1 er juillet 2011.

- enfin, pour les dispositions du III (gestion de la prime destinée aux travailleurs handicapés) dès le 1 er janvier 2011.

II.- L'ÉTAT PRÉVOIT ÉGALEMENT TRANSFÉRER À L'AGEFIPH LA DÉPENSE CORRESPONDANT AU MARCHÉ PUBLIC CONCLU AVEC L'AFPA POUR LA FORMATION DES DEMANDEURS D'EMPLOI RECONNUS TRAVAILLEURS HANDICAPÉS

A.- LE TRANSFERT DU LOT CORRESPONDANT À LA FORMATION DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS AU SEIN DU MARCHÉ CONCLU AVEC L'AFPA OBLIGE À LA SUBSTITUTION DE L'AGEFIPH À L'ÉTAT COMME CO-CONTRACTANT

En 2009, la généralisation de la commande publique par appel d'offres en lieu et place de la subvention jusqu'alors versée à l'AFPA a conduit l'État à soumettre à appel d'offres le marché pour la mise en situation d'emploi des publics fragiles ou spécifiques relevant de la solidarité nationale.

Ce marché visait à mettre en oeuvre des prestations d'orientation, d'accompagnement, de sécurisation des parcours et de soutien aux publics spécifiques (femmes, seniors, travailleurs handicapés, ultra-marins, détenus et militaires en reconversion) en prenant en compte leurs difficultés d'accès à l'emploi, en particulier dans le cadre des programmes du Gouvernement en cours de définition (Grenelle de l'insertion, plan respect et égalité des chances dans les banlieues...). Il devait faire l'objet d'un lotissement (bons de commande allotis). Le lot correspondant à la formation des travailleurs handicapés était le lot le plus important à la fois en volume et en montant.

D'une durée de vingt-quatre mois, ce marché était reconductible une fois pour douze mois. Le 24 mars 2009, l'État a retenu l'offre de l'AFPA sur l'ensemble des lots et signé le 15 juin le marché.

Le financement de ces bons de commande était assuré jusqu'à présent par l'inscription de dotations sur le programme n° 102 de la mission Travail et emploi. En LFI 2010, 75 millions d'euros avaient ainsi été fléchés vers la formation des travailleurs handicapés. La substitution de l'AGEFIPH à l'État comme contractant de l'AFPA met un terme à l'inscription de ces dotations.

Tel est l'objet de l' alinéa 11 (V) du présent article qui opère une subrogation de l'AGEFIPH dans les droits et responsabilités de l'État s'agissant du marché avec l'AFPA relatif à la formation des demandeurs d'emploi reconnus travailleurs handicapés.

Les réserves tenant aux règles applicables aux marchés publics ayant été levées, la Rapporteure spéciale ne s'oppose pas à un tel transfert qui, s'il n'est pas neutre pour l'association, pourra être financé grâce aux ressources importantes dont celle-ci dispose.

Plus généralement, le pilotage des actions de formation et d'insertion au bénéfice des personnes handicapées n'est pas aujourd'hui intégralement assuré par l'AGEFIPH. Celle-ci s'appuie sur des conventions signées avec les principaux acteurs institutionnels (État, AFPA, Pôle emploi) intervenant dans les champs de l'insertion, de la formation et du maintien dans l'emploi des personnes handicapées.

L' alinéa 10 (IV) vise à rationaliser cette organisation, en prévoyant que dans le cadre de sa mission générale en faveur des personnes handicapées, l'AGEFIPH ait vocation à financer des parcours de formation pré-qualifiante et certifiante à destination de ce public. Cette modification serait applicable à compter du 1 er juillet 2011 ( alinéa 12, VI ).

Dans la mesure où l'AGEFIPH intervient déjà, aux côtés de l'AFPA avec laquelle elle a signé une convention, dans la formation professionnelle des travailleurs handicapés, il ne paraît pas illégitime à la Rapporteure spéciale de regrouper ces différentes compétences.

B.- EN TRANSFÉRANT LE MARCHÉ À L'AGEFIPH, L'ÉTAT RÉALISE UNE ÉCONOMIE SUBSTANTIELLE

Selon les informations recueillies par la Rapporteure spéciale, le transfert de la compétence du financement des parcours de formation en faveur des demandeurs d'emploi reconnus travailleurs handicapés et par voie de conséquence, la substitution de l'AGEFIPH à l'État pour l'exécution du marché permettant la mise en oeuvre de ces parcours de formation se traduiraient par un allègement des charges de l'État, de 30 millions d'euros en 2011 et de 60 millions d'euros pour les années suivantes.

Cette moindre économie la première année s'explique par le report du transfert au 1 er juillet 2011 prévu par l'alinéa 12 (VI) présent article .

La charge qui en résultera pour l'AGEFIPH sera exactement équivalente ; s'agissant d'un marché, aucun gain de productivité n'est à attendre. Celle-ci n'est pas insurmontable, même si les engagements 2008/2009/2010/2011 sont déjà supérieurs à la collecte.

Source : AGEFIPH

La Rapporteure spéciale rappelle en effet que cette situation résulte d'un choix délibéré du conseil d'administration de l'association, destiné à absorber le surcroît de collecte généré depuis 2008 par l'entrée en application de la loi de 2005 et venu s'ajouter aux réserves antérieures. En 2012, l'AGEFIPH retrouvera l'équilibre emplois-ressources sur la base d'une collecte estimée à 530 millions d'euros et d'un budget unique.

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Suivant l'avis de la Rapporteure spéciale, la Commission rejette l'amendement n° II-CF-148, puis elle adopte l'article 97 sans modification .