MM. Richard YUNG et Roland du LUART

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

- Le ministère des affaires étrangères et européennes, qui a entamé sa réforme avant le début de la révision générale des politiques publiques (RGPP), sera arrivé au terme de ce processus lorsque sera achevée la réforme de son réseau culturel.

- De nouveaux efforts ne sauraient guère être envisagés sans remettre en cause l'universalité de ce réseau. Vos rapporteurs spéciaux considèrent, en tout cas, qu'il importe que les postes diplomatiques et consulaires disposent des moyens d'assumer leurs missions et qu'à choisir, mieux vaudrait faire bien dans moins de pays que mal partout dans le monde.

- Les crédits demandés pour le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » qui représentent environ 60 % du budget de la mission, sont en diminution, de 1,3 % en CP à périmètre constant .

- Cette évolution tient pour l'essentiel à la baisse de 66,4 millions d'euros (- 14,3 %) des crédits demandés au titre des opérations de maintien de la paix (OMP) . Si cette réduction peut s'expliquer du fait de l'arrêt des opérations de la Mission des Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) et des hypothèses retenues en termes de change euro-dollar, elle tranche singulièrement avec l'évolution constatée au cours des dernières années et revêt donc, dans une certaine mesure, le caractère d'un « pari ».

- Les dépenses de fonctionnement du programme 105 restent globalement « serrées » , conformément aux orientations fixées par la RGPP pour la période 2011-2013.

- Le projet de création d'une agence de gestion des immeubles de l'Etat à l'étranger a été abandonné en janvier 2011, au profit d'une expérimentation avec la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM).

- Il est raisonnable de réallouer une ligne de crédits dédiés aux travaux de gros entretien du parc immobilier à l'étranger au sein de ce programme, le mode de financement par les cessions (au travers du CAS « Contribution aux dépenses immobilières ») n'offrant pas une prévisibilité suffisante.

- A périmètre constant, les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » affichent une diminution de 0,3 % par rapport à 2011.

- La réforme du réseau culturel se poursuit , la fusion des SCAC et des EAF devant être achevée avant la fin de l'année 2012.

- La situation financière de l'AEFE reste tendue , en raison de l'augmentation de ses charges au titre des pensions. De ce fait, le financement des dépenses de « mise à niveau » de son parc immobilier passe par la mise à disposition d' avances par l'Agence France Trésor (AFT), pour un montant de 12,6 millions d'euros en 2012.

- La mise en place de l'Institut français doit donner un nouvel élan à notre politique culturelle extérieure . Vos rapporteurs spéciaux suivront avec attention sa montée en puissance ainsi que les résultats de l'expérimentation, menée dans douze pays, de rattachement du réseau culturel à l'Institut français.

- De sérieuses difficultés subsistent s'agissant de la mise en place du nouvel établissement public Campus France . En particulier, les ministères de tutelle ne semblent pas pouvoir se mettre d'accord sur le niveau des effectifs du CNOUS à rattacher au nouvel opérateur. Il est essentiel que l'Etat remédie au plus vite à cette situation.

- La dotation du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » apparaît en augmentation significative , de 4,9 % à périmètre constant par rapport à 2011 .

- Il importe de tout faire pour que les élections de 2012, en particulier les élections législatives (à l'occasion desquelles, pour la première fois, onze députés seront élus par nos compatriotes établis hors de France), se déroulent dans les meilleures conditions.

- Malgré le plafonnement de la PEC, les dépenses d'aide à la scolarité continuent de croître, sur une base dynamique (5,5 % en 2012). Afin d'éviter l'impasse budgétaire sur cette ligne à compter de 2013, votre rapporteur spécial Richard Yung estime qu'il convient d'envisager de plafonner la PEC en fonction des revenus du foyer .

- Comme l'année dernière, le présent projet de loi de finances propose de limiter à 500 000 euros la prise en charge par l'Etat de la troisième catégorie (aidée) de cotisation maladie-maternité à la CFE , accessible aux Français dont les ressources n'excèdent pas 50 % du plafond de la sécurité sociale, le poids réel de cette charge étant de l'ordre de 2,5 millions d'euros. Vos rapporteurs spéciaux ne disposant pas d'éléments relatifs à la capacité financière de la CFE de faire face à cette charge, ils souhaitent que le Gouvernement s'exprime précisément sur ce point lors de la séance publique.

En application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, la date limite était fixée au 10 octobre 2010.

A cette date, vos rapporteurs spéciaux avaient reçu 82 % des réponses attendues concernant la mission « Action extérieure de l'Etat ». A ce jour, toutes les réponses ont été reçues.

I. PRÉSENTATION D'ENSEMBLE DE LA MISSION

A. UNE ARCHITECTURE INCHANGÉE PAR RAPPORT À LA DERNIÈRE LOI DE FINANCES

La mission « Action extérieure de l'Etat » conserve, dans la maquette du présent projet de loi de finances, quatre programmes :

- le programme 105 , dénommé « Action de la France en Europe et dans le monde » . Placé sous la responsabilité du directeur général des affaires politiques et de sécurité du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE), il inclut une grande partie de l'action diplomatique de l'Etat au sens strict. En conséquence, il rassemble l'ensemble des moyens dévolus au ministère, hormis ceux destinés spécifiquement aux affaires consulaires, à la coopération technique, scientifique et culturelle ainsi qu'à l'aide publique au développement ;

- le programme 185 , dénommé depuis l'année dernière « Diplomatie culturelle et d'influence » . Géré par le directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats du MAEE, il regroupe l'ensemble des politiques de coopération (culturelle, linguistique, universitaire, enjeux globaux) vecteurs d'influence pour notre pays. Par ailleurs, ce programme assure le service d'enseignement public à l'étranger ;

- le programme 151 , dénommé « Français à l'étranger et affaires consulaires » . Confié au directeur des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, il vise, selon l'intitulé même de ses actions, à offrir un service public de qualité aux Français de l'étranger, à assurer l'accès des élèves français au réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et à instruire les demandes de visas ;

- et le programme 332 , dénommé « Présidence française du G 20 et du G 8 » 1 ( * ) . Placé sous la responsabilité du directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats, il devrait être clôturé en 2012, après règlement des derniers engagements pris en 2011.

B. LES CRÉDITS ET LES FONDS DE CONCOURS

Les crédits demandés pour la mission dans le projet de loi de finances pour 2012 s'élèvent à 2 914 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 2 936 millions d'euros en crédits de paiement (CP) .

Le graphique suivant illustre la répartition par programme des CP demandés pour la mission dans le présent projet de loi de finances.

Répartition par programmes des crédits de paiement de la mission

Source : projet de loi de finances pour 2012, annexe « Action extérieure de l'Etat »

A structure constante, ces crédits affichent une diminution de 2 % en AE et de 1,4 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, ainsi répartie (pour les CP) :

- - 1,3 % pour le programme 105 ;

- - 0,3 % pour le programme 185 ;

- + 4,9 % pour le programme 151 ;

- et - 60 % pour le programme 332.

Chaque programme fera l'objet ci-après d'une analyse détaillée.

A ces crédits s'ajoutent un montant très limité de fonds de concours : 2,3 millions d'euros, soit moins de 0,1 % des CP de la mission, exclusivement sur le programme 151.

Il est enfin à noter qu' aucune dépense fiscale n'est rattachée aux programmes de la mission.

C. LES EMPLOIS : LA CONTINUITÉ DE L'EFFORT DEMANDÉ AU MINISTÈRE DANS LE CADRE DE LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES (RGPP)

1. Une nouvelle baisse des effectifs

Le plafond des emplois rattachés aux programmes de la mission « Action extérieure de l'Etat » s'élève à 12 644 équivalent temps plein travaillés (ETPT), en baisse de 641 ETPT par rapport à 2011.

Cependant, comme le souligne le ministère, les corps gérés par le MAEE se répartissent sur l'ensemble des programmes dont il a la charge et la carrière des agents les amène à changer fréquemment d'affectation (et donc de programme). Dès lors, il est pertinent d'inclure dans l'analyse des évolutions de personnel les 2 380 ETPT rattachés au programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

Le plafond d'emplois demandés en 2012 (y compris ceux imputés sur le programme 209) s'élève ainsi à 15 024 ETPT . En données brutes, cela correspond à un recul de 378 ETPT par rapport à 2011. Ce total résulte :

- de 209 ETPT qui ont fait l'objet de transferts ;

-   du schéma d'emplois à hauteur de - 94 ETPT . Ce nombre tient compte de l'effet report du schéma d'emplois 2011 ;

-  et d'une correction technique du plafond de - 75 ETPT, correspondant à l'écart entre le plafond et la consommation réelle des ETPT.

2. Les conséquences de la RGPP

Le tableau suivant regroupe les objectifs des RGPP 1 et 2 (2009-2013) par catégorie d'emploi et par programme.

TOUS PROGRAMMES

RGPP 1

TOTAL

ETP

avance sur RGPP 1 en 2008

Réalisé 2009/2011

RGPP 2

2011

2012

2013

G1

titulaires / CDI en centrale

- 55

- 26

- 20

- 20

- 121

G2

titulaires / CDI à l'étranger

- 138

- 21

- 30

- 30

- 219

G3

CDD en centrale et à l'étranger

- 93

- 109

- 10

- 98

- 117

- 427

G4

militaires hors budget

- 34

- 2

8

- 7

- 35

G5

ADL (agents de droit local)

- 327

- 16

0

- 5

- 348

TOTAL

- 93

- 663

- 75

- 140

- 179

- 1 150

Source : MAEE

Cette évolution repose d'une part, sur la réorganisation de l'administration centrale , effective depuis 2009 et, d'autre part, sur le « reformatage » des postes à l'étranger , que vont s'attacher à détailler les développements qui suivent

a) La redéfinition des postes diplomatiques

Dans le réseau diplomatique, les gains en emplois se sont partagés entre les efforts demandés aux huit postes dits « à format d'exception » 2 ( * ) , invités à réduire leurs effectifs de 10 % entre 2009 et 2011, et la redéfinition des missions des autres postes , classés en trois catégories :

- les « ambassades à missions élargies », au nombre de trente-huit (dont les huit postes à format exceptionnel précités) ;

- les « ambassades à missions prioritaires », au nombre de quatre-vingt-treize ;

- et les trente et une « ambassades à missions spécifiques ».

Ce dernier format devait permettre de maintenir une présence française dans des pays où seules les missions diplomatiques essentielles (veille et analyse politique, et protection des ressortissants français) peuvent être assurées. Ces postes devaient réduire leurs effectifs de sorte à parvenir à une moyenne de 12 ETPT d'ici à 2013.

Le tableau ci-après, que le ministère a transmis à vos rapporteurs spéciaux, montre l'évolution des effectifs de quatre postes appartenant à chacune de ces catégories (le Royaume-Uni étant une ambassade à format d'exception) entre 2008 et 2011, ainsi que l'évolution prévue jusqu'en 2013.

PAYS

ETP rémunérés en mai 2008

ETP rémunérés en mai 2009

ETP rémunérés en mai 2010

ETP rémunérés en décembre 2010

Programma-tion 2011

Prévisions effectifs fin 2011

Progression des effectifs 2008/2011

Evolution 2012/2013 (réseau culturel)

Royaume-Uni

199,80

194,99

188,78

189,53

- 4,00

185,5

- 7%

-2

Arabie Saoudite

80,12

83,10

78,87

80,70

3,50

84,2

5%

-1

Chili

67,30

60,07

60,07

58,80

1,00

59,8

- 11%

-2

Népal

33,66

30,66

28

25,00

- 6,00

19,0

- 44%

néant

Source : MAEE

Ce tableau révèle à la fois l'effort global consenti par le réseau ces quatre dernières années et les nuances, voire les exceptions, qui existent pour des pays identifiés comme prioritaires (à l'instar de l'Arabie Saoudite).

S'agissant du Népal, poste à missions spécifiques dont le format a sensiblement évolué, vos rapporteurs spéciaux ont voulu savoir comment s'était opérée la diminution des effectifs et la redéfinition des missions de l'ambassade. Selon le MAEE, une partie de la réduction des effectifs a pu être effectuée par externalisation des fonctions de sécurité (contrat de gardiennage) et de soutien (notamment du jardinage). Ainsi, neuf suppressions d'emplois ont été mises en oeuvre sur ce type de fonctions en 2009 et 2010.

Quant aux missions , le chef de poste a eu pour consigne de s'orienter vers « le soutien aux secteurs clés de notre relation bilatérale et de nos réseaux d'influence (coopération dans le domaine de la montagne, secteur du tourisme, veille dans le domaine des infrastructures et du secteur énergétique) ». En outre, dans le domaine consulaire, le poste devait continuer « d'assurer les missions et obligations de service public qui sont les siennes. En raison des spécificités [du Népal, l'ambassadeur devait accorder] une attention particulière aux activités relatives à l'adoption et au secours aux français accidentes ou en difficulté ».

En somme, la réduction des effectifs du poste s'explique donc à la fois par un réel recentrage de son champ d'action et par un transfert de dépenses de personnel vers des dépenses de fonctionnement (certes, pour un montant moindre).

b) Le redéploiement du réseau consulaire

Pour ce qui concerne le réseau consulaire, 3 361 ETPT sont inscrits dans le présent projet de loi de finances.

Sur la période 2009-2011, le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » a rendu 110 ETPT au titre de la « RGPP 1 ». Sa contribution au titre de la « RGPP 2 » pour 2012-2013 est fixée à 20 ETPT de catégorie G2 (agents titulaires et contractuels à durée indéterminée dans le réseau consulaire à l'étranger). Au total, ce sont donc 130 ETP, dont 70 G2 dans le réseau consulaire, qui auront été restitués par le programme 151 pour la période 2009-2013 .

Ces efforts se sont matérialisés par une redéfinition de la carte des postes à l'issue d'une réflexion sur l'évolution de nos besoins. Des effectifs ont ainsi été retirés d'Europe et de certains pays d'Afrique, mais, à l'inverse, notre réseau a été renforcé dans des pays émergents. De plus, des postes ou été reformatés ou transformés 3 ( * ) .

Concrètement, les exercices de restructuration du réseau consulaire menés au cours des deux dernières années se sont traduits de la manière suivante :

- en 2010, fermeture de l'antenne consulaire de Palma de Majorque et du consulat général à Saint-Louis, ouverture d'une section consulaire d'ambassade à Kigali, d'un consulat d'influence à Calgary et de deux consulats généraux à Almaty et Djouba ;

- en 2011, fermeture des consulats généraux d'influence à Anvers et Liège et de l'antenne consulaire à Malaga, transformation en section consulaire des consulats à Cotonou et à Luxembourg ainsi que du consulat général à Djibouti. Le consulat général à Djouba sera également transformé en section consulaire avec l'ouverture d'une ambassade dans cette ville suite à l'accession à l'indépendance du Soudan du sud, le 9 juillet 2011.

c) Un réseau « à l'os » ?

Vos rapporteurs spéciaux soulignent l'ampleur de l'effort consenti par un MAEE qui, à la suite du « livre blanc » 4 ( * ) rédigé en 2008 par Alain Juppé et Louis Schweitzer à la demande de Bernard Kouchner, alors ministre des affaires étrangères et européennes, avait engagé sa réforme avant même le lancement de la RGPP.

Ils considèrent que l'évolution du réseau, notamment consulaire, est nécessaire tout en regrettant qu'elle se fasse sans consultation des élus (parlementaires et membres de l'Assemblée des Français de l'étranger). Ainsi, les mesures prévues pour 2012 ne sont pas connues à ce jour, ne serait-ce que dans leur principe.

Pour l'avenir, à l'issue de la réforme en cours du réseau culturel, l'effort structurel sera sans doute achevé et toute nouvelle réduction d'effectif ne pourrait s'envisager qu'en s'attaquant à l'ampleur de la voilure.

Il s'agirait alors sans doute de remettre en cause l'universalité du réseau elle-même, soit de manière claire en supprimant des postes à missions spécifiques, soit de manière plus voilée, en transformant en de tels postes des ambassades à missions élargies.

Vos rapporteurs spéciaux considèrent, en tout cas, qu'il importe que les postes diplomatiques et consulaires disposent des moyens d'assumer leurs missions . A tout prendre, si la rigueur devait perdurer, mieux vaudrait faire bien dans moins de pays que mal partout dans le monde.


* 1 Pour mémoire, un programme destiné à porter les crédits de la présidence française de l'Union européenne avait déjà été créé par la loi de finances pour 2008, au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

* 2 Il s'agit des ambassades aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Maroc, au Sénégal et à Madagascar.

* 3 Ainsi, dans les capitales, les consulats généraux sont presque systématiquement devenus des sections consulaires d'ambassades, ce qui permet d'économiser au moins un poste de catégorie A.

* 4 La France et l'Europe dans le monde, livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France 2008 - 2020.