M. Yvon COLLIN et Mme Fabienne KELLER

SECTION III. LE PROGRAMME 301
« DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET MIGRATIONS »

Les crédits du programme 301 « Développement solidaire et migrations », dans le présent PLF, s'élèvent à 28 millions d'euros en AE et CP soit, par rapport aux prévisions de la LFI pour 2011, une baisse de 6,6 % des AE et des CP.

Il n'est pas prévu de fonds de concours pour 2012 et le programme ne retrace pas de dépenses de personnel . Les dépenses fiscales rattachées devraient s'avérer proches de zéro 51 ( * ) .

I. LES FINALITÉS DU PROGRAMME

Le programme 301 « Développement solidaire et migrations » a été introduit dans la maquette budgétaire par la LFI pour 2008, afin de traduire une priorité politique du Gouvernement. Il est mis en oeuvre par le ministère chargé de l'immigration , qui est à présent le ministère chargé de l'intérieur, et placé sous la responsabilité du secrétaire général de ce ministère.

A. LA PRISE EN COMPTE DES MIGRATIONS DANS L'APD

Aux termes du PAP de la mission « Aide publique au développement » annexé au présent PLF, ce programme vise à « favoriser le développement en s'appuyant sur les migrations, dans le cadre de relations partenariales fondées sur la recherche de l'intérêt mutuel entre pays d'accueil et pays d'origine des migrations . [Cette recherche] concerne notamment les pays les moins avancés économiquement, principalement en Afrique subsaharienne, qui sont à l'origine de flux migratoires importants vers la France. »

A la lecture de ces objectifs, vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur les sous-entendus implicites concernant l'impact des « flux migratoires » , qualifiés de surcroît d' « importants », alors que les migrations ont constitué historiquement une chance pour la France, notamment en augmentant sa population active et sa richesse.

1. Une aide ciblée

Le programme, dans le cadre des orientations définies par le CICID et par le Comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI), a visé à titre principal trente-et-un pays (Algérie, Bénin, Burkina-Faso, Burundi, Cap Vert, Cameroun, République centrafricaine, Comores, Congo, République démocratique du Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée, Haïti, Ancienne République yougoslave de Macédoine, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Monténégro, Niger, Nigeria, Rwanda, Sénégal, Serbie, Somalie, Surinam, Tchad, Togo, Tunisie, Vietnam). Il s'y exécute en cohérence avec les autres actions de l'APD française en soutenant deux types de projets.

En premier lieu, il s'agit des projets qui participent, dans les pays concernés, à une meilleure maîtrise des flux migratoires , dans le cadre d' « accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire ».

Chacun de ces accords comporte trois volets : l'organisation de la migration légale, la lutte contre l'immigration irrégulière et le développement solidaire. Selon les données figurant au PAP 2012, la France a signé de tels accords avec treize pays (par ordre chronologique : Sénégal, Gabon, République du Congo, Bénin, Tunisie, Cap Vert, Maurice, Burkina-Faso, Cameroun, ancienne République yougoslave de Macédoine, Monténégro, Serbie, Liban). Mais le PAP n'a pas été actualisé , plusieurs pays manquant dans cette liste, notamment le Brésil et le Monténégro.

En second lieu, sont ici aidés les projets portés par des migrants en faveur du développement de leurs pays d'origine , quelles que soient les modalités de leur contribution. Il s'agit de contribuer à la réduction des écarts de richesses , cause majeure de migrations, et de faciliter la reconnaissance des migrants comme acteurs du développement .

Le programme s'inscrit ainsi dans une logique de promotion des migrations dites « circulaires », en cherchant à éviter l'effet de cliquet du non-retour des candidats à l'immigration en France. Dans cette perspective, il vise à la fois des projets liés à des politiques sectorielles et des projets relevant du co-développement .

Ces projets tendent à développer l'emploi et à favoriser le développement local dans les régions d'origine des migrants, à améliorer l'environnement et les conditions de vie des femmes et des enfants en particulier. Ils requièrent d'être relayés par des acteurs à divers niveaux, ce qui se traduit par des partenariats avec les pays d'origine des migrants et les acteurs impliqués dans ces pays : les opérateurs français, les acteurs de la société civile et les collectivités territoriales, les organisations internationales ou régionales à caractère multilatéral.

2. L'organisation du programme

Le programme est structuré en trois actions :

- l'action n° 1 retrace les « aides multilatérales de développement solidaire », qui transitent par un fonds fiduciaire géré par la Banque Africaine de développement (BAfD) ;

- l'action n° 2 rend compte des « aides à la réinstallation de migrants dans leur pays d'origine », qui sont mises en oeuvre par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- l'action n° 3 regroupe les « autres actions bilatérales de développement solidaire » dans des pays définis comme prioritaires, qui reposent sur les accords de gestion concertée des flux migratoires et associent les organisations non gouvernementales (ONG), les collectivités territoriales et l'Agence française de développement (AFD).

B. UNE DÉMARCHE NOVATRICE MAIS INSUFFISAMMENT VOLONTARISTE

1. Une politique encore balbutiante

Une certaine lenteur dans la traduction sur le terrain de cette politique de développement solidaire a pu se justifier, dans un premier temps, par le caractère novateur de la démarche . Désormais, la mise en place des outils structurants (le fonds fiduciaire, les accords bilatéraux) devrait donner lieu à des réalisations tangibles , justifiant les crédits octroyés. Il convient également de veiller à l'articulation de ces outils spécifiques avec les autres instruments de l'APD, notamment leur bonne prise en compte par les documents cadres de partenariat (DCP).

Les premières expériences montrent que la migration « circulaire » est encore embryonnaire et que peu de migrants restés en France font profiter de leur expertise leur pays d'origine, à distance ou par de courts séjours. A l'inverse, les associations de diasporas, ou les confréries musulmanes dans un pays comme le Sénégal, drainent des montants importants, susceptibles d'être mobilisés pour des investissements locaux en cofinancement avec l'Etat français. Ce constat pose la question d'une refonte de l'actuelle politique de développement solidaire et de migration.

2. Une cohérence à définir avec les autres initiatives européennes

La notion de « développement solidaire » tend à élargir le concept, plus classique, de co-développement quitte à se révéler, le cas échéant, une notion « fourre-tout ». Cependant, la démarche ainsi poursuivie par le programme « Développement solidaire et migrations » se veut cohérente avec les initiatives de nos partenaires européens , dont beaucoup (Allemagne, Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède...) travaillent sur des questions analogues.

En outre, le Conseil européen a adopté, le 16 octobre 2008, un Pacte européen sur l'immigration et l'asile , qui tend notamment à promouvoir la création de partenariats avec les pays d'origine pour favoriser des synergies entre les migrations et le développement, conclure des accords entre pays d'origine et de destination et encourager les migrations « circulaires » et les actions de développement solidaire. Cette politique communautaire liant les migrations au développement vise des actions tant géographiques que thématiques. Son financement s'appuie sur le Fonds européen de développement (FED), l'Instrument de coopération au développement et l'Instrument de voisinage et de partenariat, lequel comporte un programme thématique « Asile-migrations » doté de 384 millions d'euros pour la période 2007-2013.

Par ailleurs, la Banque mondiale met en oeuvre un programme de recherche qui tend à mesurer l'impact des migrations sur le développement, et dispose d'un programme d'activités dans le domaine des envois de fonds visant notamment à réduire les coûts de transactions et à renforcer l'intégrité des systèmes de transfert.


* 51 Cf . supra , première partie, chapitre I (II, B).