MM. Yann GAILLARD et Aymeri de MONTESQUIOU, rapporteurs spéciaux

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,7 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) sont demandés, en 2012, au titre de la mission « Culture », dont la maquette est stabilisée par rapport à l'exercice 2011.

2. En volume, les crédits de la mission progressent de 1,4 % à périmètre constant et les crédits hors pensions augmentent de 2 % en valeur. Ces ordres de grandeur témoignent donc de la relative « faveur » dont bénéficie la mission « Culture » au regard des normes s'appliquant globalement aux dépenses de l'Etat.

3. La budgétisation 2012 de la mission dépasse le plafond qui lui avait été assigné par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014. Ce dépassement s'élève à 40 millions d'euros en AE et à 60 millions d'euros en CP. Il est imputable à un rebasage des dépenses de personnel et aux investissements nécessaires pour la Maison de l'histoire de France et la Philharmonie de Paris.

4. Les années 2011 et 2012 sont caractérisées par un fort rebond des restes à payer (+31,3 % en 2011), qui affecte l'ensemble des programmes de la mission. Ce phénomène est imputable aux importantes opérations d'investissement en cours, qui sollicitent des financements pluriannuels.

5. La mission « Culture » ne retrace qu'un cinquième de l'effort financier total de l'Etat en matière de culture et de communication , qui avoisine 13,5 milliards d'euros en 2012, à raison de 11,3 milliards d'euros de crédits budgétaires, de 879 millions d'euros de taxes affectées et de 1,3 milliard d'euros de dépenses fiscales.

6. Un effort de rationalisation des taxes affectées aux opérateurs culturels est nécessaire , soit pour contenir le dynamisme de ces taxes, soit pour procéder à la rebudgétisation de certaines politiques dont le financement par voie de taxe affectée ne se justifie pas. Cette rationalisation doit néanmoins s'opérer sans compromettre la conduite des missions confiées aux opérateurs concernés.

7. Sur 19 dépenses fiscales rattachées à la mission « Culture » et représentant des enjeux financiers cumulés de 251 millions d'euros, une seule - soit la réduction d'impôt SOFICA - est jugée pleinement efficiente par la Mission d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales ayant rendu ses conclusions en 2011.

8. Les crédits du patrimoine monumental sont stabilisés à 380,7 millions d'euros en CP (+0,2 %). Les grands projets absorbent 33 millions d'euros de crédits, dont 18,8 millions d'euros d'AE et 3,8 millions d'euros de CP pour la Maison de l'histoire de France, principale innovation de la budgétisation 2012.

9. La mise en oeuvre des recommandations formulées en 2010 par votre commission des finances sur le Centre des monuments nationaux est inégale. Le contrat de performances de l'établissement n'aura, en particulier, pas pu être signé avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2012.

10. La recapitalisation de l'INRAP et la réforme de la redevance d'archéologie préventive devraient intervenir avant la fin de l'année 2011, permettant à terme de sortir cet opérateur des difficultés financières chroniques qu'il connaît depuis plusieurs années. Cet effort devra être assorti de contreparties en termes de gains de productivité et de qualité de service .

11. Les moyens supplémentaires dévolus à la politique muséale (+15,5 millions d'euros) témoignent de la poursuite d'une politique de développement dont les résultats sont pourtant sévèrement jugés par la Cour des comptes . En dix ans, le pilotage national de cette politique s'est affaibli, les moyens qui y ont été consacrés ont sensiblement augmenté sans que les musées développent significativement leurs ressources propres, et les objectifs de démocratisation de l'accès aux collections ont été très imparfaitement remplis.

12. Les mesures de gratuité dans les musées apparaissent coûteuses et leur efficacité délicate à évaluer. Les pertes de recettes enregistrées par les musées ont été largement surcompensées et ces compensations ne font, fort étonnamment, l'objet d'aucune inscription de crédits en loi de finances initiale depuis trois ans.

13. 45 millions d'euros de crédits sont ouverts pour la poursuite du chantier de la Philharmonie de Paris . L'augmentation substantielle du coût prévisionnel de cet équipement, de même que sa budgétisation « chaotique », conduiront vos rapporteurs spéciaux à y consacrer un contrôle sur pièces et sur place en 2012 .

14. La politique de soutien à la création contemporaine via la commande publique, les acquisitions ou les aides aux artistes et aux structures mérite une évaluation approfondie et la construction d'objectifs et d'indicateurs robustes. Une telle évaluation constitue un préalable à la mise en oeuvre des quinze mesures en faveur des arts plastiques récemment annoncées par le ministre de la culture et de la communication.

15. La diminution des effectifs imputés sur la mission se poursuit, et se traduit par une légère diminution de la masse salariale en valeur. La sur-exécution du schéma d'emplois constatée en 2008 permet de desserrer la contrainte en termes de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et d'y soustraire, à compter de 2011, les emplois d'enseignants des écoles d'architecture, d'art et des conservatoires.

Au 10 octobre 2011, date limite fixée par la LOLF, 93 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à vos rapporteurs spéciaux. Ce taux était de 95 % au 6 novembre 2011.

I. LA MISSION « CULTURE » EN 2012

2,6 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,7 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) sont demandés , pour 2012, au titre de la mission « Culture ». Si 2011 a vu le transfert des crédits de la politique du livre sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » et le regroupement des crédits de personnel sur le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », la maquette budgétaire est désormais stabilisée . Le dispositif d'évaluation de la performance fait l'objet d'ajustements à la marge, retracés dans l'encadré qui suit.

Principaux aménagements apportés au dispositif
d'évaluation de la performance en 2012

Programme 175 « Patrimoines »

En matière de pilotage des chantiers culturels, deux nouveaux indicateurs sont créés afin de tenir compte de la création de l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), issu de la fusion du service national des travaux (SNT) et de l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturel (EMOC). Ces indicateurs portent sur le respect de la programmation des opérations sous conventions cadres OPPIC terminées dans l'année et sur le respect de la programmation des opérations sous convention de mandat de maîtrise d'ouvrage OPPIC.

Les trois sous-indicateurs relatifs au Louvre et au Centre des monuments nationaux (CMN) sont remplacés par deux sous-indicateurs, issus de l'enquête annuelle organisée par la direction générale des patrimoines dans les établissements sous sa tutelle et portant sur un panel plus large d'institutions patrimoniales et architecturales. Ces indicateurs mesurent la satisfaction des visiteurs (la visite était-elle en-deçà, conforme ou au-delà des attentes) et le score de recommandation mesurant la différence entre les visiteurs « prescripteurs » et les visiteurs « détracteurs ».

Programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »

Trois nouveaux sous-indicateurs sont associés à l'objectif 2 et à l'indicateur 2.3, « Accessibilité des lieux culturels aux personnes en situation de handicap ». Ils concernent l'accessibilité aux personnes handicapées dans les établissements d'enseignement supérieur culturel (ESC) et mesurent la part des établissements d'ESC accessibles aux personnes à mobilité réduite, la part des établissements d'ESC accessibles en application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et la part des établissements non accessibles ayant démarré les travaux de mise en conformité.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire

A. LA MISSION « CULTURE » À L'HEURE DE LA RIGUEUR

L'évolution des dépenses de l'Etat étant soumise, depuis l'instauration des lois de programmation des finances publiques, à des normes transversales, il convient en premier lieu d'examiner la budgétisation 2012 de la mission « Culture » au regard de ces normes. A cet égard, les politiques culturelles apparaissent, en 2012, relativement épargnées par la « rigueur ».

1. Une mission mieux « traitée » que la moyenne

La norme de stabilisation en volume et en valeur des dépenses de l'Etat ne s'appliquent pas mission par mission, mais à un agrégat incluant l'ensemble des dépenses nettes du budget général, les prélèvements sur recettes et les affectations de taxes venant en substitution de crédits budgétaires. Pour autant, l'analyse de la progression des crédits de la mission « Culture » au regard de ces objectifs transversaux constitue un indicateur pertinent du degré de contrainte budgétaire qui pèse spécifiquement sur les budgets culturels.

a) Des crédits en hausse de 1,4 % en volume

L'évolution à périmètre courant des crédits de la mission s'établit à +1,7 % en valeur entre la LFI 2011 et le PLF 2012. Retraitée des mesures de périmètre et de transfert, cette évolution ressort à +2,1 % en valeur, et à +1,4 % en volume sur la base d'une inflation prévisionnelle de 1,7 %. Cette progression est notable lorsque l'on sait que les dépenses totales de l'Etat, additionnées aux prélèvements sur recettes, sont stabilisées en volume d'une année sur l'autre.

Hors dépenses de pensions 1 ( * ) , les dépenses du budget général sont également gelées en valeur . Or les crédits de la mission « Culture » hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions » progressent de 2 % en valeur entre 2011 et 2012 à périmètre constant. Si la règle de gel en valeur des dépenses s'était appliquée mission par mission, ce sont donc près de 50 millions d'euros d'économies qu'il aurait fallu trouver sur la mission « Culture » par rapport aux crédits demandés pour 2012... soit l'équivalent des crédits ouverts pour la Philharmonie de Paris et le Plan pour le spectacle vivant ( cf. infra ).

Ces ordres de grandeur témoignent donc de la relative « faveur » dont bénéficie la mission « Culture » dans un contexte de maîtrise accrue de la dépense.

Evolution des crédits de la mission « Culture »

(en millions d'euros)

Source : réponses au questionnaire

La seconde loi de programmation des finances publiques prévoyait également une réduction des dépenses de fonctionnement courant de 10 % sur la période 2011-2013 2 ( * ) , la stabilisation des interventions dites « de guichet » 3 ( * ) et la baisse des interventions discrétionnaires . Selon le ministère du budget 4 ( * ) , l'évolution des crédits de la mission « Culture » sur ces différents postes indique que les crédits de fonctionnement courant sont stabilisés à 0,14 milliard d'euros, de même que les interventions de guichet (0,03 milliard d'euros). Les interventions discrétionnaires augmentent en revanche de 0,05 milliard d'euros, passant de 0,63 à 0,68 milliard d'euros.

b) Un dépassement de 60 millions d'euros du plafond assigné par le budget triennal

La budgétisation 2012 de la mission dépasse le plafond qui lui avait été assigné par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014 . Ce dépassement s'élève à 40 millions d'euros en AE et à 60 millions d'euros en CP , les crédits de la mission au format de la LPFP atteignant 2 423 millions d'euros en AE et 2 554 millions d'euros en CP, au lieu des 2 383 millions d'euros en AE et 2 494 millions d'euros en CP prévus.

5 millions d'euros de dépassement sont imputables au rebasage des dépenses de personnel , compte tenu de l'augmentation observée du coût des recrutements. Le ministère explique ce phénomène par un rattrapage, à compter de 2010, des recrutements de cadres A et A+ , qui avaient été gelés durant la période de restructuration de l'administration centrale du ministère 5 ( * ) .

S'agissant des dépenses hors personnel, les crédits supplémentaires bénéficient tout d'abord au projet de Maison de l'histoire de France (MHF) , pour un total de 30 millions d'euros en AE et 10 millions d'euros en CP. 5 millions d'euros (AE=CP) iront au fonctionnement du nouvel établissement public créé en 2012, 5 millions d'euros (AE=CP) seront dévolus aux premiers travaux d'installation et de muséographie sur le site parisien des Archives nationales et 20 millions d'euros d'AE pourront être engagés pour la rénovation et la muséographie des musées nationaux constituant le réseau de la MHF. Enfin, 45 millions d'euros en CP viennent compléter le financement de la Philharmonie de Paris , dont le cheminement hasardeux a maintes fois été souligné par votre commission des finances ( cf. infra ).

2. Quelle soutenabilité budgétaire pour les politiques culturelles ?

Vos rapporteurs spéciaux s'attachent à évaluer annuellement la soutenabilité budgétaire des politiques culturelles au moyen de deux indicateurs que sont les restes à payer (soit les engagements juridiques non couverts par des paiements) et les charges à payer , qui correspondent à des opérations pour lesquelles la dette de l'Etat est constituée 6 ( * ) mais qui n'ont pas encore donné lieu à paiement 7 ( * ) .

Le tableau qui suit indique que les années 2011 et 2012 sont caractérisés par un fort rebond des restes à payer, qui affecte l'ensemble des programmes de la mission .


Evolution des restes à payer (RAP) et des charges à payer (CAP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire

a) Les grands chantiers culturels gonflent les restes à payer en 2011 et 2012

Les restes à payer de la mission s'imputent principalement sur les opérations d'investissement qui, en raison de leur caractère souvent pluriannuel , donnent inévitablement lieu à des décalages entre les engagements juridiques et les paiements. Ils sont, de fait, un indicateur du niveau d'investissement du ministère et concernent avant tout le programme 175 « Patrimoines ».


Evolution des restes à payer de la mission « Culture »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire

La décrue observée de 2007 à 2010 sur le programme 175 « Patrimoines » a avant tout résulté d'opérations de « nettoyage » des applications comptables, consistant à clore des opérations inactives, notamment en services déconcentrés 8 ( * ) . En crédits centraux, les restes à payer comptabilisés en 2009 et 2010 résultaient d'opérations d'investissement pluriannuelles telles que la construction du nouveau centre des archives nationales de Pierreffite-sur-Seine, les travaux d'aménagement intérieurs du Quadrilatère Richelieu de la bibliothèque nationale, le chantier du Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) à Marseille, et les différents chantiers en cours dans les musées nationaux tels que Port-Royal, Cluny, Saint-Germain et Compiègne. Le rebond des restes à payer observé en 2011 (+11 %) s'explique par la poursuite des engagements liés à ces projets. Il est atténué en 2012 par l'ouverture de crédits de paiement dédiés au MuCEM (41,7 millions d'euros), le centre des archives nationales (14,8 millions d'euros) et le Quadrilatère Richelieu (4,4 millions d'euros).

Les restes à payer du programme 131 « Création » connaissent également une forte croissance en 2011 et 2012, sous l'effet du lancement du chantier de la Philharmonie de Paris . Cette opération engendre à elle seule 105,9 millions d'euros de restes à payer fin 2011 et 60,9 millions d'euros fin 2012. Hors Philharmonie, la prévision de restes à payer à la fin de l'année 2011 est de 93 millions d'euros et de 85,8 millions d'euros fin 2012 (-8 %).

Après une décrue de plus de 60 % sur la période 2007-2010, les restes à payer du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » connaissent enfin une nouvelle augmentation en 2011 principalement due à l'engagement de 25 millions d'euros pour l'opération de rénovation de l'école d'architecture de Clermont-Ferrand , de 4 millions d'euros pour les travaux d'accessibilité des établissements d'enseignement culturel et de 15 millions d'euros pour les renouvellements de baux pluriannuels 9 ( * ) .

b) Une forte diminution des charges à payer

Les charges à payer représentent, au sein des restes à payer, les engagements juridiques non couverts par des paiements alors même que ces derniers sont exigibles en vertu de la règle du service fait . Cette absence de paiement peut-être imputable à différentes raisons, telles que la réception hors délai des factures, le refus du comptable ou plus simplement le manque de crédits disponibles.

Sur l'ensemble de la mission, les charges à payer sont passées de près de 100 millions d'euros en 2007 à une quinzaine de millions d'euros fin 2010 et portent essentiellement sur des dépenses déconcentrées d'intervention et d'investissement. La diminution observée sur la période résulte soit d'une meilleure comptabilisation 10 ( * ) , soit d'un effort de résorption au sein des services déconcentrés, notamment permis par la faculté dont disposent les responsables de budgets opérationnels de programme de redéployer les crédits.

Pour autant qu'il soit pérenne, cet effort de résorption des charges de l'Etat mérite d'être salué.

B. DES CRÉDITS À METTRE EN PERSPECTIVE

Les crédits de la mission « Culture » ne retracent pas à eux seuls l'effort global consenti par l'Etat dans le domaine culturel entendu au sens large. Y contribuent également les crédits d'autres missions du budget général ou de comptes spéciaux consacrés à la presse, à l'audiovisuel et à l'animation, ainsi que les taxes affectées aux opérateurs culturels et les dépenses fiscales intervenant dans ces domaines.

1. La mission ne retrace qu'un cinquième de l'effort de l'Etat en matière culturelle
a) 13,4 milliards d'euros sont consacrés à la culture et à la communication en 2012

Le jaune budgétaire « Effort financier de l'Etat dans le domaine de la culture et de la communication » enseigne que l'effort financier total en matière de culture et de communication avoisine 13,5 milliards d'euros en 2012, à raison de 11,3 milliards d'euros de crédits budgétaires, de 879 millions d'euros de taxes affectées et de 1,3 milliard d'euros de dépenses fiscales.


Effort financier dans le domaine culturel

(en millions d'euros)

ASTP : Association pour le soutien du théâtre privé ; CNJV : Centre national de la chanson, des variétés et du jazz ; CNC : Centre national du cinéma et de l'image animée ; CNL : Centre national du livre ; INRAP : Institut national de recherche en archéologie préventive ; CMN : Centre des monuments nationaux.

Source : commission des finances, d'après le jaune « Effort financier de l'Etat dans le domaine de la culture et de la communication »

b) L'importante contribution des missions « Enseignement scolaire », « Recherche et enseignement supérieur » et « Action extérieure de l'Etat »

Or, si les crédits budgétaires représentent donc 83 % de cet effort (contre 10 % pour les dépenses fiscales et 7 % pour les taxes affectées), seuls un cinquième sont imputés sur la mission « Culture » et un dixième sur la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Un quart de ces crédits figurent sur le compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public », qui recueille les recettes de l'ex-« redevance » et finance les organismes du secteur public de l'audiovisuel.


Répartition de l'effort financier de l'Etat en matière culturelle

Source : commission des finances, d'après le jaune « Effort financier de l'Etat dans le domaine de la culture et de la communication »

Vos rapporteurs spéciaux relèvent enfin que, outre la mission « Médias, livre et industries culturelles », trois missions se singularisent par l'importance des crédits qu'elles consacrent à la culture et à la communication :

1) 0,8 milliard d'euros s'imputent sur la mission « Action extérieure de l'Etat », principalement au titre des contributions aux organisations internationales spécialisées dans ce domaine (UNESCO...) et de la diplomatie culturelle et d'influence (Institut français, réseau des Alliances françaises...) ;

2) 0,7 milliard d'euros sont consacrés à la culture par la mission « Recherche et enseignement supérieur », dans les domaines de la culture scientifique et technique et des musées scientifiques (muséum d'histoire naturelle, musée des arts et métiers...) ;

3) la mission « Enseignement scolaire » flèche enfin 2,2 milliards d'euros de crédits à l'action culturelle via l'enseignement des disciplines artistiques et le soutien aux activités artistiques et de sensibilisation culturelle .

2. Une fiscalité affectée en question, des dépenses fiscales peu efficaces

Représentant respectivement 7 % et 10 % du financement des politiques culturelles, les taxes affectées et les dépenses fiscales soulèvent des questions spécifiques relatives au pilotage et à l'efficacité des moyens dévolus à ces politiques.

a) Remettre de l'ordre dans la fiscalité affectée

Les travaux parlementaires ont récemment mis en lumière les enjeux associés au financement des politiques culturelles par affectation directe de taxes aux opérateurs qui en ont la charge. Notre collègue Philippe Marini avait, en qualité de rapporteur général et à la faveur de l'examen de la situation financière du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), mis en lumière les lacunes du contrôle parlementaire sur les taxes affectées et les risques de dérive de la dépense publique qu'elles pouvaient susciter ( cf . encadré) 11 ( * ) . Plus récemment, nos collègues députés membres de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale ont consacré des travaux 12 ( * ) au financement de la culture dont les constats convergent clairement avec ceux du Sénat.

Les effets pervers de la fiscalité affectée

La fiscalité affectée aux opérateurs est (...) concentrée : 7 d'entre eux bénéficient de 85 % des affectations et relèvent de trois sphères d'action publique : la culture et les sports, l'écologie et l'aménagement du territoire et la santé-solidarité . Il s'agit du Centre national du cinéma et de l'image animée (757 millions d'euros), de l'AFITF (545 millions d'euros), des agences de l'eau (1 927 millions d'euros), de l'ADEME (508 millions d'euros), du Fonds CMU (1 937 millions d'euros), du Centre national pour le développement du sport (247 millions d'euros) et du Fonds de solidarité (1 419 millions d'euros).

(...) Votre commission des finances a (...) pu connaître en détail, au cours des derniers débats budgétaires, de la situation du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Cet opérateur, dont les missions ne sont pas directement en cause, bénéficie actuellement d'une progression très dynamique de ses recettes, qui ont notamment crû de 30 % de 2010 à 2011. Trois conclusions peuvent en être tirées, emblématiques des « effets pervers » des taxes affectées :

1) l'affectation a eu pour conséquence d'inciter l'opérateur à programmer des dépenses de façon tout aussi dynamique que l'étaient ses ressources . Quels que soient les motifs allégués par le CNC pour dépenser plus (et notamment la mise en oeuvre d'un vaste plan en faveur de la numérisation des salles et des oeuvres), il convient de reconnaître que cette trajectoire n'est pas compatible avec les engagements vertueux de la loi de programmation ;

2) la « prospérité » du CNC a conduit le Gouvernement à externaliser certaines dépenses budgétaires auparavant assumées par le ministère de la culture et de la communication. Ce transfert - qui intéressait notamment la subvention à la Cinémathèque française - était certes cohérent avec les missions du centre. Il reste que sur le plan de la discipline budgétaire, il a consisté à exclure quelques millions d'euros de la norme de dépense applicable au budget de l'Etat, pour les faire assumer par une entité tierce affranchie de toute contrainte ;

3) plus généralement, les affectations contreviennent au principe d'universalité budgétaire, nuisent à l'analyse consolidée des moyens publics consacrés à une politique et affaiblissent l'autorisation parlementaire sur les recettes et les dépenses . Certes, les affectations de recettes sont formellement reconduites par l'article 1 er de chaque loi de finances 13 ( * ) , mais cet article fait l'objet d'un vote de principe, et ne donne jamais lieu à un réexamen de chaque affectation, sur la base d'une analyse de la situation financière des opérateurs affectataires. S'agissant des dépenses, l'autorisation parlementaire est purement et simplement absente pour les opérateurs dont le financement ne repose sur aucun crédit budgétaire.

Source : Rapport d'information de M. Philippe Marini préparatoire au débat d'orientation des finances publiques pour 2012 (n° 708, 2010-2011).

S'agissant spécifiquement des opérateurs culturels affectataires de taxes, les principales conclusions de la MEC peuvent être ainsi résumées :

1) modérer la progression très dynamique de la taxe sur les distributeurs de services de télévision affectée au CNC . L'article 5 bis du projet de loi de finances pour 2012, inséré en première lecture à l'Assemblée nationale sur initiative gouvernementale, met en oeuvre cette préconisation en consolidant l'assiette et en allégeant le barème de cette taxe, conformément aux engagements pris par le Gouvernement devant le Parlement lors des débats sur le premier collectif budgétaire pour 2011 14 ( * ) ;

2) simplifier et clarifier les modalités d'affectation de la redevance d'archéologie préventive (RAP) affectée à l'INRAP et la corréler à la taxe d'aménagement. Selon les réponses au questionnaire, le Gouvernement proposera une telle réforme « dans le cadre du collectif de fin d'année, qui s'appuiera sur l'adossement de la RAP à la taxe d'aménagement à un taux de 0,4 % » ( cf. infra, l'analyse de la situation budgétaire de l'INRAP) ;

3) procéder à la rebudgétisation du financement du Centre des monuments nationaux et du Centre national du livre , qui ne justifient ni au regard des missions de ces établissements ni des montants en jeu, modestes et parfois déclinants 15 ( * ) .

On mentionnera enfin que le Gouvernement a proposé, en première lecture du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, l'institution d'un mécanisme de plafonnement des taxes affectées à une trentaine d'opérateurs et organismes (article 16 ter ). Ce plafonnement concerne l'ensemble des opérateurs culturels, à l'exception de l'INRAP. Il s'accompagne, pour le CNC, d'un écrêtement de 70 millions d'euros du rendement de la taxe sur les services de télévision, réaffectés au budget général de l'Etat.

Vos rapporteurs spéciaux ne contestent pas la nécessité de rationaliser l'emploi des taxes affectées et de corriger les effets pervers qu'elles sont susceptibles de produire. Il conviendra néanmoins de veiller à ce que les initiatives prises dans ce domaine ne compromettent pas l'accomplissement des missions assumées par les opérateurs concernés.

b) Une seule dépense fiscale est jugée pleinement efficiente dans le champ de la mission

L'Etat enregistrera, en 2012, des pertes de recettes d'1,3 milliard d'euros au titre des dépenses fiscales en faveur du secteur culturel, soit un montant stable par rapport à 2011 (-0,2 %). Le tome II de l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2012 recense 28 dispositifs rattachés à la mission « Culture », 6 rattachés à la mission « Médias, livre et industries culturelles » et 3 rattachés au compte « Avances à l'audiovisuel public ». Trois dispositifs concentrent plus des deux tiers (67,7 %) de la dépense fiscale totale . Il s'agit du taux de TVA de 2,1 % applicable aux publications de presse (195 millions d'euros), de la déduction intégrale de TVA au bénéfice des organismes du service public de la communication audiovisuelle 16 ( * ) (200 millions d'euros) et du dégrèvement de contribution audiovisuelle en faveur des personnes de condition modeste (477 millions d'euros).

La mission « Culture » stricto sensu se caractérise par un nombre élevé de « petites » dépenses fiscales au coût modéré, voire presque nul. Seuls 3 avantages fiscaux sur 28 sont ainsi chiffrés à plus de 50 millions d'euros 17 ( * ) et 15 mesures ont un coût inférieur à 5 millions d'euros ou non évalué. Ces éléments conduisent naturellement à s'interroger sur la pertinence et l'efficacité de certains dispositifs. A la question de vos rapporteurs spéciaux sur les éventuels aménagements de dépenses fiscales prévus en 2012, le ministère de la culture et de la communication a répondu qu'il n'était « pas envisagé de réexaminer les dépenses fiscales rattachées à la mission "Culture", celles-ci gardant toute leur pertinence » 18 ( * ) . Le laconisme de cette réponse ne manque pas de saveur lorsqu'on le rapporte aux résultats mitigés des « niches culturelles » , tels qu'ils ressortent des évaluations récemment conduites par la Mission d'évaluation des dépenses fiscales présidée par Henri Guillaume 19 ( * ) .

19 dispositifs représentant des enjeux financiers cumulés de 251 millions d'euros ont fait l'objet d'une évaluation par la mission, dont les résultats figurent ci-après.


L'efficacité des dépenses fiscales
de la mission « Culture »

Source : commission des finances, d'après le rapport de la mission d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales

42,1 % des mesures représentant 7,6 % de la dépense évaluée ont obtenu un score de zéro, et ont donc été jugées inefficaces , c'est-à-dire n'atteignant pas leur objectif principal . Près de la moitié des mesures représentant plus de 70 % de la dépense ont obtenu un score de 1 ou 2, en ne remplissant pas au moins un des quatre critères d'efficience définis par la mission (ciblage correct, rapport coût/efficacité raisonnable, outil fiscal efficient en lui-même et mesure plus adaptée qu'une dépense budgétaire ou réglementaire). Enfin, seuls 2 dispositifs (un dixième du total évalué) ont été jugés pleinement efficients, représentant 50 millions d'euros de dépense fiscale (un cinquième du total) . Il s'agit :

1) de la réduction d'impôt sur le revenu pour souscription au capital des sociétés de financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles ( SOFICA ), qui représente un coût de 30 millions d'euros annuels. Cette mesure, qui parvenait à échéance le 31 décembre 2011, est prorogée jusqu'en 2014 par l'article 3 sexies du projet de loi de finances pour 2012 ;

2) de la suppression du prélèvement de 20 % sur les capitaux décès lorsque le bénéficiaire est exonéré de droits de mutation à titre gratuit. Pour un coût de 20 millions d'euros, ce dispositif est censé favoriser l'acquisition d'oeuvres par les fondations, congrégations et autres associations cultuelles . La mission relève néanmoins que 98 % de la dépense fiscale bénéficie à des organismes sans vocation patrimoniale ou muséale et conteste donc son rattachement à la mission « Culture ».

La réduction d'impôt SOFICA est, en définitive, la seule niche fiscale rattachée à la mission « Culture » qui puisse être considérée comme pleinement « pertinente » , selon les termes employés par le ministère...

Evolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de la mission « Culture » entre 2011 et 2012

(en euros, à structure 2012 et avant transferts, hors fonds de concours et attributions de produits)

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances 2012


* 1 Et hors charge de la dette, ce qui ne concerne pas la mission « Culture ».

* 2 A raison de 5 % en 2011 et de 2,5 % en 2012 et 2013.

* 3 On entend par intervention de guichet les dispositifs d'intervention versés automatiquement dès lors que le bénéficiaire du dispositif répond aux conditions définies par des textes.

* 4 Réponses au questionnaire de la Rapporteure générale.

* 5 Durant l'année 2009, en attente de la restructuration de l'administration centrale du ministère, et de la mise en place de la réforme de l'administration territoriale de l'Etat, un grand nombre de postes de cadres A et A+ ont été laissés volontairement vacants. A l'inverse, depuis 2010, les faibles flux de recrutements externes autorisés par le schéma d'emplois sont consacrés en grande partie au recrutement d'agents confirmés. Dans le but de maintenir la capacité d'enseignement supérieur et le potentiel d'intervention et de pilotage dans les domaines scientifiques techniques, et culturels, les départs de cadres A sont en grande partie remplacés. Les possibilités de recrutement à l'issue des cursus de formation initiale étant insuffisants pour couvrir les besoins, la majorité des entrées se fait en cours de carrière par des agents ayant acquis un indice de rémunération élevé. Ce phénomène se vérifie dans tous les corps et toutes les filières. Enfin, le rattachement au ministère de la culture et de la communication en 2009 de la Direction du développement des médias (100 personnes) composée de profils très spécialisés et hautement qualifiés a renforcé cette tendance.

* 6 En cas de service fait notamment.

* 7 Les charges à payer constituent donc un sous-ensemble des restes à payer.

* 8 A fin 2007, les AE non couvertes par des CP en administration déconcentrée étaient évaluées à plus de 560 millions d'euros, puis 477 millions d'euros fin 2008, 439 millions d'euros fin 2009 et 364 millions d'euros fin 2010.

* 9 De plus, le cofinancement de certains travaux d'investissement par les collectivités territoriales crée un décalage technique entre le moment de la perception des fonds de concours, et celui d'engagement des AE.

* 10 Les agents s'étant mieux approprié la notion, les comptabilisation erronées en charges à payer diminuent.

* 11 Voir notamment le rapport général sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 111, 2010-2011, tome II) et le rapport d'information préparatoire au débat d'orientation des finances publiques pour 2012 (n° 708, 2010-2011).

* 12 Rapport d'information de MM. Richard Dell'Agnola, Nicolas Perruchot et Marcel Rogement (n° 3798, XIII° législature).

* 13 Cet article dispose que « la perception des impôts, produits et revenus affectés à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d'être effectuée pendant l'année conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi ».

* 14 Une analyse complète de ces aménagements figure au commentaire de l'article 5 bis , au sein du tome II du présent rapport général.

* 15 Le CMN est affectataire de 15 % (soit environ 10 millions d'euros) du produit sur les mises engagées dans les jeux de cercle en ligne (poker, black jack...) et le CNL perçoit le produit de la taxe sur l'édition des ouvrages de librairie (5 millions d'euros) et de la taxe sur la reprographie et l'impression (le rendement de cette taxe avoisine les 30 millions d'euros et est chroniquement inférieur aux estimations).

* 16 Consécutive à la soumission de la redevance au taux de TVA de 2,10 %.

* 17 Taux de TVA de 2,10 % sur les entrées des 140 premières représentations de certains spectacles (60 millions d'euros), crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques (60 millions d'euros) et crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles (52 millions d'euros).

* 18 Réponses au questionnaire.

* 19 La mission d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales a achevé ses travaux en juin 2011. Ceux-ci ont été conduits sur le fondement de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.