MM. Yves KRATTINGER et François TRUCY, rapporteurs spéciaux

I. DES OBJECTIFS DE DÉPENSES DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2009-2014 RÉVISÉS À LA BAISSE

Au regard des choix budgétaires du Gouvernement, la loi de programmation militaire (LPM) 2009-2014 apparaît ne pas devoir être respectée, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes sur les perspectives de maintien des capacités opérationnelles à l'horizon 2020.

A. UNE RÉVISION À LA BAISSE DES DÉPENSES, CONFORME À LA LOI DE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES

1. En quasi-absence de ressources exceptionnelles, des ressources et des dépenses inférieures de 1,1 milliard d'euros à la programmation en 2010

Au début de l'exécution de la LPM 2009-2014, les dépenses de la mission « Défense » ont été supérieures de 0,6 milliard d'euros à la programmation en 2009 (hors reports de crédits), en raison notamment de l'affectation de crédits de la mission « Plan de relance de l'économie » à hauteur de 0,97 milliard d'euros. Mais dès 2010 , les recettes et les dépenses en exécution budgétaire ont été inférieures de 1,1 milliard d'euros aux prévisions de la loi de programmation militaire .

Les ressources et les dépenses de la mission « Défense » en 2010 :
prévision et exécution

(en milliards d'euros de 2008
et au périmètre de 2008, hors pensions)

LPM 2009-2014

Exécution

Ecart*

Ressources

31,6

30,5

- 1,1

Crédits de paiement de la mission « Défense »

29,7

29,7

0,0

Ressources exceptionnelles

1,2

0,1

-1,1

Crédits de paiement de la mission « Plan de relance de l'économie »

0,7

0,7

0,0

Dépenses

31,6

30,5

- 1,1

Equipements

17,2

15,5

- 1,7

dont :

dissuasion

3,5

3,3

- 0,2

entretien programmé des équipements et du personnel

3,0

2,7

- 0,3

infrastructure

1,3

1,1

- 0,2

études de défense hors dissuasion

0,9

0,9

0,0

grands programmes hors dissuasion

8,5

7,5

- 1,0

Fonctionnement et activité

14,4

15,0

0,6

* Calculs des rapporteurs spéciaux

Source : d'après le ministère de la défense

Ce décalage de 1,1 milliard d'euros observé en 2010, entre les ressources constatées en exécution et les prévisions de la LPM, s'explique notamment par le tarissement des ressources exceptionnelles, qui n'ont atteint que 117 millions d'euros en exécution, au lieu de 1,2 milliard d'euros de ressources exceptionnelles prévues dans la LPM .

Les ressources exceptionnelles perçues en 2010 sont détaillées dans le tableau ci-après.

Les ressources exceptionnelles de la mission « Défense » en 2010

(en millions d'euros)

Ressources immobilières

102

dont cession de biens parisiens et franciliens

13

dont cession de biens en province

89

Ressources hertziennes

0

Autres ressources exceptionnelles

15

Total

117

Source : ministère de la défense

Aux ressources exceptionnelles en 2010 décrites ci-dessus s'ajoute, par ailleurs, une autorisation de consommation de reports de crédits à hauteur de 360 millions d'euros.

Le moindre niveau de recettes s'est traduite par une baisse équivalente des dépenses (à hauteur de 1,1 milliard d'euros) : compte tenu de la dynamique des dépenses de fonctionnement et d'activité (15 milliards d'euros en 2010, soit un dépassement de 0,6 milliard d'euros par rapport à la LPM), qui incluent les dépenses de personnel, l'ajustement a porté sur les dépenses d'équipement qui n'ont atteint que 15,5 milliard d'euros, soit 1,7 milliard d'euros de moins que la prévision de la LPM pour 2010 .

En 2010, un léger décalage a été observé entre l'inflation constatée (1,5 %) et l'inflation prévue par la LPM (1,75 %).

Or, comme l'avait observé votre commission des finances lors de son examen du projet de LPM, le Gouvernement a fait le choix dans la LPM de déterminer les moyens de la mission « Défense » en fonction de la prévision d'indice des prix à la consommation associée au projet de loi de finances, ce qui rend la mission « Défense » très dépendante de l'inflation : par rapport aux prévisions de la LPM, une inflation plus forte lui est favorable et une inflation plus faible défavorable.

En l'occurrence, pour l'année 2010, une inflation observée inférieure de 0,25 % aux prévisions de la LPM signifie une moindre augmentation du budget de la défense par rapport à la LPM à hauteur de 90 millions d'euros .

2. Un budget 2012 conforme à la loi de programmation des finances publiques

Dans le PLF 2012, les ressources budgétaires de la mission « Défense », hors charges de pensions, atteignent 30,63 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), en augmentation de 0,48 milliard d'euros par rapport à la LFI 2011.

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour la période 2011-2014 avait prévu des dotations budgétaires à hauteur de seulement 30,52 milliards d'euros en 2012. Le dépassement du PLF 2012 (au format LPFP) par rapport à la LPFP, à hauteur de 0,11 milliard d'euros, s'explique en quasi-totalité par un abondement de 100 millions d'euros lié à la hausse des cours des produits pétroliers . Cet abondement provient de l'activation, à la demande du ministère de la défense et des anciens combattants, de la clause de sauvegarde, prévue à l'article 6.2 du rapport annexé à la LPM pour compenser la hausse éventuelle des dépenses du poste des carburants opérationnels.

Les dotations budgétaires sont complétées par des ressources exceptionnelles d'un montant attendu de 1,06 milliard d'euros en 2012 (soit un dépassement de 40 millions d'euros de la prévision figurant dans la LPFP, or ces ressources exceptionnelles n'atteignaient que 1,05 milliard d'euros), qui se répartissent de la manière suivante :

- 900 millions d'euros provenant des cessions de fréquences résultant du réaménagement du spectre électromagnétique,

-160 millions d'euros provenant de la cession d'actifs immobiliers.

Au total , les ressources prévues par le PLF 2012 s'élèvent à 31,72 milliard d'euros , en hausse de 0,55 milliard d'euros (soit + 1,8 %) par rapport à la LFI 2011, en dépassement de 0,15 milliard d'euros par rapport à la LPFP 2012, du fait de l'activation de la clause de sauvegarde (à hauteur de 0,1 milliard d'euros) et de recettes exceptionnelles plus importantes (pour un montant de 0,04 milliard d'euros).

Les seules dépenses budgétaires en 2013 prévues par la LPFP s'élèvent à 31,02 milliards d'euros (toujours hors pensions), soit 0,37 milliard d'euros de plus que dans le PLF 2012. Si la clause de sauvegarde n'était ainsi pas activée en 2013, l'augmentation des dotations budgétaires de la mission « Défense » (soit + 1,3 %) pourrait ainsi être sensiblement inférieure à la prévision d'inflation. En revanche, en cas de nouvelle activation de la clause de sauvegarde en 2013, la hausse des dotations budgétaires s'élèverait à 1,6 % en 2013.

Le tableau ci-après présente l'évolution des ressources budgétaires de la mission « Défense » en 2012 par rapport à la LFI, ainsi que la comparaison avec la LPFP 2012.

Evolution des ressources budgétaires de la mission « Défense »

(en crédits de paiement et milliards d'euros)

Structure courante

PLF 2011

LPFP
Annuité 2012

PLF 2012

Ecart PLF/PLFP

Crédits budgétaires (hors pensions)

30,15

30,52

30,63

+ 0,11

dont abondement externe 2012 pour les carburants opérationnels

0,10

+ 0,10

Recettes exceptionnelles

1,02

1,05

1,09

+ 0,04

Total (hors pensions)

31,17

31,57

31,72

+ 0,15

Total (avec pensions)

38,43

39,09

39,37

+ 0,28

Source : ministère de la défense, « Projet de loi de finances 2012 - budget de la défense », 2011

Si la loi de programmation des finances publiques est donc respectée dans le PLF 2012, ce n'est qu'au regard d' objectifs de recettes et de dépenses nettement revus à la baisse par rapport aux ambitions de la LPM .

En effet, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 prévoyait une stabilisation en volume des ressources totales (y compris les ressources exceptionnelles) de la mission « Défense » de 2009 à 2011, puis leur augmentation en volume de 1 % par an jusqu'en 2020. Le texte initial du projet de LPM 2009 a considérablement revu ce montant à la hausse, les ressources exceptionnelles venant désormais en supplément. A ces montants sont venus d'ajouter ceux du plan de relance, inscrits dans la LPM en cours de discussion.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 a prévu quant à elle, et pour la période 2011-2013 uniquement, des plafonds de crédits des différentes missions du budget général de l'Etat afin que le total des ressources soit désormais à peu près indexé sur l'inflation. L'objectif d'augmentation de 1 % par an des ressources de la mission « Défense » à partir de 2012, prévue par le Livre blanc comme par la LPM, a de facto été abandonné, comme on va le voir à présent.

B. DES ÉCARTS IMPORTANTS AVEC LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE : UNE RÉVISION À LA BAISSE DES DÉPENSES DE 2 MILLIARDS D'EUROS SUR LA PÉRIODE 2009-2013

1. De moindres recettes et des révisions à la baisse des dépenses par rapport aux prévisions de la LPM
a) La loi de programmation des finances publiques : un manque de visibilité préjudiciable au budget de la défense

Le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014, censé donner de la visibilité aux gestionnaires, a créé en réalité de fortes incertitudes, particulièrement importantes dans le cas de la mission « Défense ».

Lors de l'examen du PLF 2011, les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances 1 ( * ) avaient déjà souligné les conséquences de la LPFP pour la mission « Défense », sur la base des travaux de notre collègue Philippe Marini, alors rapporteur général, sur le projet de loi de programmation des finances publiques, qui faisait déjà apparaître un consensus sur la fragilisation du budget de la défense, suite à l'adoption de la LPFP, par rapport aux objectifs fixés dans la LPM :

« L'effort discrétionnaire de réduction du déficit public découlant du projet de loi est de toute évidence insuffisant pour ramener le déficit public à 3 points de PIB en 2013, comme cela a été souligné par la commission des finances dans le rapport présenté par son rapporteur général sur ce texte [la LPFP]. En effet, cet effort structurel a été « calibré » en fonction d'une hypothèse de croissance du PIB de 2 % en 2011 et 2,5 % de 2012 à 2014, manifestement optimiste, comme la commission des finances a eu l'occasion de le souligner. Selon les calculs de celle-ci, si la croissance du PIB était de « seulement » 2 % par an sur l'ensemble de la période, sans effort supplémentaire le déficit public serait encore de 3,8 points de PIB en 2013. Aussi, le Sénat a-t-il adopté un amendement présenté en séance publique par le Gouvernement à l'initiative de la commission des finances, précisant que si la croissance était inférieure de 0,5 point aux prévisions, cela impliquerait un effort supplémentaire de 4 à 6 milliards d'euros par an au moins, qui reposerait sur « des mesures d'économies supplémentaires sur les dépenses et les niches fiscales ou sociales » 2 ( * ) .

« Comme la croissance risque d'être nettement inférieure aux prévisions du Gouvernement pour les années qui viennent, il faut s'attendre à des mesures d'économies supplémentaires par rapport à celles explicitement prévues par la nouvelle programmation triennale ».

Les travaux de votre rapporteure générale sur le PLF 2012 ont confirmé ces prévisions : la préparation du PLF 2012 par le Gouvernement a été basée sur une prévision de croissance de 1,75 %, manifestement optimiste par rapport au consensus des experts, et pourtant déjà nettement inférieure à la prévision de la LPM pour 2012 (2,5 %), tandis que l'objectif affiché de réduction du déficit public ne s'établit plus qu'à 3,5 % du PIB en 2013 (au lieu de 3 % à cette même date dans la LPFP).

b) De la LPM à la programmation révisée : 2 milliards d'euros de dépenses militaires en moins sur la période 2009-2013

D'après les données fournies par le ministère de la défense et des anciens combattants, et détaillées dans le tableau ci-après, pour l'ensemble des exercices 2009 à 2013 inclus, la programmation des dépenses de la mission « Défense » révisées par rapport à la LPM conduit à un réajustement à la baisse des dépenses à hauteur de 2 milliards d'euros sur les cinq premières années de la LPM (soit 1,7 % des dépenses prévues par la LPM sur la période 2009-2013), atteignant même 2,6 milliards d'euros pour les années 2010-2013 .

Compte tenu de la dynamique propre aux dépenses de fonctionnement et d'activité (qui dépassent de 1,8 milliards d'euros les prévisions de la LPM entre 2009 et 2013), notamment des dépenses de personnel, la révision à la baisse des dépenses porte sur les dépenses d'équipement, en diminution de 4 milliards d'euros entre 2010 et 2013 par rapport aux prévisions de la LPM. Parmi les dépenses d'équipement, ce sont les grands programmes (hors dissuasion nucléaire) dont les crédits sont les plus fortement révisés à la baisse (- 2,7 milliards d'euros ), alors que les dotations liées à l'effort de dissuasion sont pratiquement maintenues (- 0,1 milliard d'euros).

La ventilation des dépenses de la mission « Défense » : de la LPM 2009-2014 à la programmation révisée

(en milliards d'euros de 2008, et à périmètre 2008 hors pensions)

LPM 2009-2014

Programmation révisée du ministère de la défense 3 ( * )

Ecart*

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2009-2013

2009

2010

2011

2012

2013

2009-2013

2009

2010

2011

2012

2013

2009-2013

2010-2013

Equipements

17,5

17,2

16,0

16,5

17,1

17,7

84,3

17,7

15,5

15,4

15,8

16,1

80,5

0,2

-1,7

-0,6

-0,7

-1,0

-3,8

-4,0

dont :

dissuasion

3,7

3,5

3,2

3,3

3,2

3,3

16,9

3,8

3,3

3,2

3,3

3,2

16,8

0,1

-0,2

0,0

0,0

0,0

-0,1

-0,2

entretien programmé des équipements et du personnel

2,9

3,0

2,8

2,8

2,8

2,9

14,3

3,0

2,7

2,6

2,8

2,8

13,9

0,1

-0,3

-0,2

0,0

0,0

-0,4

-0,5

infrastructure

1,3

1,3

1,5

1,4

1,4

1,1

6,9

1,2

1,1

1,4

1,4

1,4

6,5

-0,1

-0,2

-0,1

0,0

0,0

-0,4

-0,3

études de défense hors dissuasion

0,9

0,9

0,9

0,9

0,9

0,9

4,5

0,9

0,9

0,9

0,8

0,8

4,3

0,0

0,0

0,0

-0,1

-0,1

-0,2

-0,2

grands programmes hors dissuasion

8,7

8,5

7,6

8,1

8,8

9,5

41,7

8,8

7,5

7,3

7,5

7,9

39,0

0,1

-1,0

-0,3

-0,6

-0,9

-2,7

-2,8

Fonctionnement et activité

14,7

14,4

14,1

13,9

13,6

13,2

70,7

15,1

15,0

14,5

14,2

13,7

72,5

0,4

0,6

0,4

0,3

0,1

1,8

1,4

Total

32,2

31,6

30,1

30,4

30,7

30,9

155,0

32,8

30,5

29,9

30,0

29,8

153,0

0,6

-1,1

-0,2

-0,4

-0,9

-2,0

- 2,6

Sources : ministère de la défense, sauf (*) calculs des rapporteurs spéciaux

Lors de l'examen du PLF 2011, les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances s'étaient déjà inquiétés du risque de « cannibalisation » des dépenses d'équipement par les dépenses de fonctionnement à hauteur de plusieurs milliards d'euros .

Ce risque est aujourd'hui pleinement avéré, et ce malgré les mises en garde qu'avaient formulées votre commission des finances . L'exécution 2010 , en particulier, a montré que la réalisation des grands programmes d'équipement (hors dissuasion) n'a atteint que 7,5 milliards d'euros (alors que la prévision de la LPM s'élevait à 8,5 milliards d'euros), soit des coupes dans ces dépenses à hauteur de 12 % .

2. Les causes de cette dégradation des recettes : la fragilité des ressources exceptionnelles

Le budget de la mission « Défense » s'avère d'autant plus vulnérable qu'une part importante de ses recettes consiste en des ressources dites « exceptionnelles », et non en des dotations budgétaires : dans un contexte de dégradation des finances publiques, la tentation peut être grande pour le Gouvernement de puiser dans ces ressources exceptionnelles pour résorber le déficit de l'Etat.

La justification par le Gouvernement des ressources exceptionnelles était de financer la « bosse programmatique » de 2009-2011 - découlant selon le ministère de la défense d'erreurs de pilotage des autorisations d'engagement (AE) -, à savoir un besoin de crédits de paiement (CP) supplémentaires pour financer des engagements de crédits antérieurs.

Le graphique ci-après montre ainsi que les ressources exceptionnelles ont vocation à disparaître d'ici la fin de la LPM en 2014, lorsqu'aura cessé le décalage entre les AE et les CP observé au début de la LPM, pour corriger des erreurs de pilotage qui posent par ailleurs la question de la transparence budgétaire des crédits du ministère de la défense.

Par ailleurs, le plan de relance a apporté des ressources complémentaires en 2009 et 2010, à hauteur respectivement de 0,97 milliard d'euros et 0,74 milliard d'euros.

Le financement de la « bosse programmatique » prévu par la LPM 2009-2014

(en milliards d'euros de 2008 et à périmètre 2008 hors pensions)

Sources : projet de LPM 2009-2014

Compte tenu du montant des ressources exceptionnelles, qui constituent la seule variable d'ajustement des recettes si l'on considère que la programmation pluriannuelle des finances publiques a plafonné les recettes budgétaires, vos rapporteurs spéciaux ont jugé utile d'examiner en détail la nature de ces ressources, ainsi que les incertitudes qui pèsent sur leur évolution.

a) Des ressources exceptionnelles multiformes

Les ressources exceptionnelles concernées sont en quasi-totalité de deux types :

- des ressources dites « hertziennes » ;

- des ressources immobilières .

(1) Les ressources hertziennes (0,9 milliard d'euros selon le Gouvernement)

Le ministère de la défense prévoit de céder certaines fréquences hertziennes.

Deux bandes de fréquences sont concernées :

- la bande 790-862 MHz, qui doit être attribuée à titre exclusif aux services de communications mobiles à compter du 1 er décembre 2011 ;

- la bande 2 500-2 690 MHz, qui serait progressivement cédée d'ici 2013.

Ces cessions sont la conséquence du passage à la télévision numérique, qui libère des fréquences et rend nécessaire une réorganisation des attributions du spectre.

La bande 830-862 MHz a été utilisée jusqu'à présent par le système FELIN de l'armée de terre. Sa cession doit s'opérer en même temps que celle de la bande 790-830 MHz, qui avait été attribuée aux services audiovisuels dans le cadre de la télévision analogique. Si la bande de fréquences plus élevée vers laquelle l'armée de terre devra « migrer » réduira la portée des communications des fantassins, celle-ci pourra continuer d'utiliser ces fréquences en OPEX.

La cession complète de la bande 2 500-2 690 MHz, utilisée par le système RUBIS de la gendarmerie nationale, se ferait quant à elle à une échéance plus tardive. Ainsi, à la fin de 2008, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) estimait qu'elle serait effective au mieux en 2013, et s'inquiétait de l'absence de convention à ce sujet entre l'ARCEP et le ministère de la défense. En mars 2009, l'ARCEP envisageait la fin du processus de cessions de fréquences à la mi-2014. Cependant, comme l'a précisé un récent rapport d'information 4 ( * ) de nos collègues députés Louis Giscard d'Estaing et Françoise Olivier-Coupeau, le fait générateur de cette recette est la décision d'attribution des fréquences, et non leur transfert effectif au nouvel opérateur, de sorte que celle-ci pourrait être perçue rapidement.

Le produit de la cession des bandes de fréquence relevant du ministère de la défense est retracé dans le programme 762 du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ».

(2) Les ressources immobilières (163 millions d'euros selon le Gouvernement)

Les ressources immobilières de l'Etat transitent par la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », constituée par le compte d'affectation spéciale (CAS) du même nom, créé par la loi de finances pour 2006, et dont les rapporteurs spéciaux sont nos collègues Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier. Ce CAS comprend deux programmes :

- le programme n° 721 : « Contribution au désendettement de l'Etat » ;

- le programme n° 722 : « Dépenses immobilières ».

Les recettes immobilières du ministère de la défense doivent financer non le projet de regroupement des implantations parisiennes du ministère de la défense sur le site de Balard, qui relève d'un partenariat public-privé, mais la politique immobilière « ordinaire » du ministère.

(3) Des produits de cessions revenant intégralement au ministère de la défense

Il est prévu que la totalité des ressources hertziennes et immobilières du ministère de la défense revienne à celui-ci.

Il s'agit d'une dérogation au droit commun. En effet, selon la règle de droit commun, non formalisée juridiquement dans le cas des ressources immobilières 5 ( * ) , les ressources hertziennes et immobilières contribuent, à hauteur de 15 % de leur montant, au désendettement de l'Etat.

(4) Les adaptations du régime des deux comptes d'affectation spéciale réalisées par la loi de finances initiale pour 2010

La loi de finances initiale pour 2010 a élargi le périmètre des deux comptes d'affectation spéciale :

- son article 60 a élargi celui du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » ;

- son article 61 a élargi celui du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ».

Dans le premier cas, il s'agissait notamment de tirer les conséquences du constat dressé par la Cour des comptes selon lequel l'imputation de diverses ressources immobilières autres que des cessions, comme la soulte de la société nationale immobilière (SNI), n'était pas conforme à l'objet du compte d'affectation spéciale.

Dans le cas du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien », il s'agissait en particulier de permettre la cession à un partenaire privé de l'usufruit du système de satellites de télécommunication Syracuse, en échange du versement d'une soulte.

b) Un manque à gagner pour les années 2009 et 2010 qui, selon le Gouvernement, devrait être compensé entre 2011 et 2013

Le tableau ci-après retrace les prévisions de ressources exceptionnelles au cours de la LPM (2009-2014).

Les ressources exceptionnelles de la mission « Défense »

(en millions d'euros)

2009

2010

2011 (1)°

2012

2013

2014

Ressources perçues (2009 ou prévues (2010 à 2014) [A]

338

117

1 044

1 093

952

84

Ressources immobilières

286

102

179

163

672

84

Soulte SNI (2)

221

Cessions de biens parisiens et franciliens

15

13

109

93

592

Cessions de biens en province (dont MRAI)

50

89

70

70

80

84

Ressources hertziennes

0

0

850

900

250

Autres ressources exceptionnelles

52

15

15

30

30

0

Ressources exceptionnelles prévues par la LPM (3) [B]

1 637

1 261

574

91

0

0

Ecart [A - B)

- 1 299

1 144

470

1 002

952

84

Compensation des ressources manquantes

(4)

(1) Prévisions actualisées de ressources exceptionnelles au 12 juillet 2011.

(2) Cette soulte a été imputée par le ministre de la défense au titre de l'année 2009.

(3) Ressources exceptionnelles prévues par la LPM en millions d'euros courants, en utilisant les hypothèses d'inflation retenues en construction de la LPM : 2 % en 2009, 1,75 % en 2010 et 2011 et 1,60 % en 2012, 2013 et 2014.

(4) En 2009, le ministère de la défense et des anciens combattants a bénéficié d'une autorisation de consommation de reports de 900 millions d'euros dont 400 millions d'euros au titre de la compensation des recettes exceptionnelles manquantes. Pour 2010, l'autorisation de consommation de reports au titre de la compensation de recettes manquantes a atteint 360 millions d'euros.

Source : ministère de la défense

(1) Des ressources perçues en 2009 et 2010 inférieures aux prévisions

En 2009 et 2010, en l'absence de ressources hertziennes, les ressources exceptionnelles ont été constituées essentiellement de ressources immobilières.

Les ressources exceptionnelles ainsi perçues n'ont atteint que 338 millions d'euros en 2009 (alors que la prévision de la LPM s'élevait à 1,637 milliard d'euros, soit un manque à gagner de 1,299 milliard d'euros) et 117 millions d'euros en 2010 (contre une prévision de 1,261 milliard d'euros dans la LPM, soit des ressources manquantes équivalant à 1,144 milliard d'euros).

(2) Un aléa sur les ressources immobilières

Sur le produit total de cessions immobilières au cours de la LPM (soit 1,486 milliard d'euros), 45 % des recettes (soit 672 millions d'euros) seraient perçues en 2013.

La LPM prévoyait initialement la perception de ressources immobilières au début de sa période de mise en oeuvre. Toutefois, la perception attendue de ces ressources a été différée, suite à l'abandon du projet d'une société de portage pour la cession des biens immobiliers parisiens du ministère de la défense, avant l'emménagement dans le nouvel immeuble de Balard, prévu en 2014.

Cet abandon d'une société de portage par le Gouvernement soulève des interrogations quant à ses conséquences financières. En effet, la cession envisagée des immeubles parisiens juste avant l'emménagement à Balard ne placera pas le ministère de la défense dans une position favorable pour négocier avec des acheteurs potentiels, si bien que le produit des cessions immobilières attendu en 2013 risque d'être inférieur aux prévisions, voire différé .

(3) Une perception différée des ressources hertziennes

Si l'on analyse les différences retracées dans le tableau qui précède sur les ressources exceptionnelles perçues ou envisagées avec les données prévisionnelles de la LPM, selon le Gouvernement, le déficit entre les ressources exceptionnelles prévues par la LPM et celles effectivement perçues en 2009-2010 , soit 2,443 milliards d'euros, devrait être plus que compensé (à hauteur de 2,508 milliards d'euros) à la fin de la programmation, au cours des années 2011 à 2014.

Cette différence correspond à l'encaissement attendu, en fin d'année 2011, des premières ressources hertziennes , analysée plus en détail ci-après.

(4) Des estimations globales plus réalistes qu'en 2010

Il convient d'observer qu'il ne s'agit que d' estimations de recettes, selon des prévisions actualisées au 12 juillet 2011 par ailleurs sensiblement différentes de celles figurant parmi d'autres données également fournies par le ministère de la défense, manifestement plus anciennes, et qui portaient plus largement sur une comparaison entre la LPM et la programmation budgétaire révisée suite à l'adoption de la loi de programmation pour les finances publiques 6 ( * ) .

Ces révisions des prévisions de recettes, correspondant à des différences d'encaissement du produit de cessions de fréquences hertziennes, sont moins importantes que celles opérées l'an passé lors de l'examen du PLF 2011, ce qui avait conduit les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances à formuler les observations suivantes, qui mettaient en doute la sincérité gouvernementale dans la prévision du montant des ressources exceptionnelles :

« Dans un premier temps, hors « ressources exceptionnelles de poche », le ministère de la défense prévoyait de percevoir 3,5 milliards d'euros de ressources exceptionnelles, dont 2 milliard d'euros de ressources immobilières et 1,5 milliard d'euros de ressources dites « hertziennes », perçues entre 2009 et 2011 (...).

« Le ministère de la défense prévoit toujours de percevoir 3,5 milliards d'euros de ressources exceptionnelles, mais répartis différemment puisque désormais les ressources hertziennes sont évaluées à 2 milliards d'euros, contre 1,5 milliard d'euros pour les ressources immobilières. Si la révision à la baisse des ressources immobilières semble s'imposer, comme le rapporteur spécial François Trucy l'a souligné dans le récent rapport d'information 7 ( * ) qu'il a consacré avec notre collègue Didier Boulaud à la politique immobilière du ministère de la défense, on peut s'étonner de cette coïncidence qui fait que la révision parallèle du produit attendu des ressources hertziennes permet exactement de compenser cette révision à la baisse. Cela ne signifie pas toutefois nécessairement que cette nouvelle estimation des ressources hertziennes serait excessive. Auditionné par la commission des finances de l'Assemblée nationale le 9 mars 2010, M. Éric Querenet de Bréville, sous-directeur au ministère du budget, a estimé que « l'aléa favorable sur les fréquences est supérieur à l'aléa défavorable sur l'immobilier » ».

Vos rapporteurs spéciaux observent que, en tout état de cause, l'hypothèse alors peu crédible de 3,5 milliards d'euros de ressources exceptionnelles n'a pas été reprise cette année par le Gouvernement, ni dans la préparation du PLF 2012, ni dans les réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

Cependant, les nouvelles prévisions du Gouvernement soulèvent encore des interrogations.

c) Une perception - enfin ! - de ressources hertziennes, mais à des montants qui restent difficiles à évaluer

La fin d'année 2011 doit être marquée par les premiers produits de cessions de fréquences du spectre hertzien, pour la libération de fréquences issues des systèmes « FELIN » et « RUBIS » .

Les dispositifs de cession prévus visent à renforcer la concurrence entre les acheteurs potentiels :

- dans la bande 2,6 GHz, la procédure d'attribution garantit, sous réserve que les offres des candidats atteignent le prix de réserve, la présence d'au moins quatre opérateurs ;

- dans la bande 800 MHz, un mécanisme de plafond garantit qu'aucun opérateur ne pourra disposer de plus de la moitié des fréquences du dividende numérique ;

- par ailleurs, les candidats peuvent souscrire à un critère en faveur de l'accueil des opérateurs mobiles virtuels.

Conformément aux évaluations réalisées par la Commission des participations et des transferts (CPT), les prix de réserve ont été fixés à 700 millions d'euros pour la bande 2,6 GHz, et à 1,8 milliard d'euros pour la bande 800 MHz.

Les opérateurs avaient jusqu'au 15 septembre 2011 pour déposer leurs dossiers de candidature pour la bande 2,6 GHz, tandis que les délais de candidature pour la bande 800 MHz se poursuivent jusqu'au 15 décembre 2011.

Selon le Gouvernement, Bouygues Telecom, Iliad-Free, Orange et SFR ont chacun obtenu une part des fréquences dans la bande 2,6 GHz, pour un montant total de 936 millions d'euros .

Par ailleurs, en complément des montants qu'ils se sont engagés à verser lors de l'appel à candidatures, les opérateurs devront acquitter :

- des redevances annuelles d'utilisation des fréquences d'un montant égal à 1 % du chiffre d'affaires réalisé grâce à l'attribution de ces fréquences ;

- une contribution au Fonds de réaménagement du spectre (FRS), afin de rembourser les sommes engagées par le ministère de la défense et des anciens combattants pour libérer les bandes du spectre hertzien. Il convient de rappeler que les prévisions de dépenses maximales pour le réaménagement des deux bandes de fréquences ont été évaluées par le ministère de la défense à 30 millions d'euros pour la bande 2,6 GHz, et à 118 millions d'euros pour la bande 800 MHz, soit 148 millions d'euros.

S'agissant en revanche des bandes 7  et  8 GHz utilisées respectivement dans le sens montant et le sens descendant des liaisons par satellite du réseau Syracuse , le ministère de la défense, toujours affectataire et utilisateur de ces fréquences, n'a pas effectué jusqu'à présent de transfert de droits d'utilisation de fréquences.

Il semblerait toutefois que cette cession, engagée depuis fin 2010 et qui s'étendrait sur huit ans, pourrait s'engager rapidement, après une avancée de l'opération en 2011 8 ( * ) . Dans les réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux sur le PLF 2012, il est en effet indiqué que « les échéanciers de la procédure d'attribution des licences 4G (lancée officiellement le 14 juin 2011) et du projet de cession de l'usufruit du système satellitaire Syracuse III sont aujourd'hui compatibles avec [les] prévisions d'utilisation des ressources ».

Dans le projet de loi de finances pour 2012, deux types d'actions doivent ainsi être financés par les ressources hertziennes, à hauteur globalement de 900 millions d'euros :

- une optimisation des bandes de fréquences existantes, par des investissements portant sur les systèmes de radiocommunications, les réseaux de télécommunications de transit et desserte et les autres systèmes de télécommunications, notamment satellitaires (626,4 millions d'euros en AE et en CP) ; il s'agit, par exemple, de l'utilisation de fibres optiques sur SOCRATE en remplacement de liaisons hertziennes ;

- des dépenses d'investissement dans le domaine de l'interception et du traitement des émissions électromagnétiques (273,6 millions d'euros en AE et en CP).

A la date de rédaction du présent rapport, les résultats de l'appel d'offres pour la bande 2,6 GHz (correspondant à des prix de réserve évalués à 1,6 milliard d'euros) n'étaient pas encore connus : les hypothèses de recettes relatives à la bande 2,6 GHz sont attendues en mars 2012. Pour les seules cessions de fréquences de la bande 2,6 GHz , dont les prix de réserve avaient été fixés à 700 millions d'euros, le montant des engagements présentés par les candidats (soit 936 millions d'euros) dépasse d'ores et déjà les ressources prévues au titre des ressources hertziennes dans la LFI 2011, soit 850 millions d'euros, répartis comme suit :

- la cession de l'usufruit du système satellitaire Syracuse III (évaluée à 400 millions d'euros) 9 ( * ) ;

- un premier versement au titre de la cession des bandes de fréquences Rubis et Félin (soit 450 millions d'euros).

Le calendrier des versements, qu'effectueront les opérateurs ayant obtenu des fréquences, devrait ainsi conduire à un décalage entre les prévisions de recettes inscrites en LFI et les encaissements effectifs. Il convient donc de raisonner suivant le volume global de ressources attendues, et non par comparaison entre les lois de finances votées et les budgets exécutés.

Plusieurs éléments tendent à indiquer que le montant des ressources hertziennes prévues par le ministère de la défense, dans ses prévisions actualisées de ressources exceptionnelles au 12 juillet 2011, soit 2 milliards d'euros entre 2011 et 2013, pourrait toutefois être dépassé :

- ainsi, suite à l'appel à candidatures pour l'attribution des fréquences de la bande 2,6 GHz , le montant total des ressources attendues pour l'Etat atteignent 936 millions d'euros , soit un niveau supérieur de 34 % à celui des prix de réserve ; si les prix de réserve fixés pour la bande 800 MHz (soit 2,5 milliards d'euros) devaient être dépassés dans les mêmes proportions, les ressources attendues pourraient s'élever à 3,3 milliard d'euros ;

- à ces ressources s'ajoutent les redevances annuelles d'utilisation et la contribution au Fonds de réaménagement du spectre , au titre de remboursement par le ministère de la défense à hauteur de 148 millions d'euros ;

- enfin, la vente de fréquences aujourd'hui utilisées par le système Syracuse avait été évaluée à 450 millions d'euros dans le seul PLF 2011.

Au total, l'ensemble des ressources hertziennes attendues pourrait donc atteindre le montant maximal de 4,83 milliards d'euros, soit 2,83 milliards d'euros de plus que le montant des ressources exceptionnelles envisagées , à ce titre, par le ministère de la défense, dans son évaluation révisée au 12 juillet 2011.

Les ressources hertziennes pourraient dépasser l'ensemble des recettes exceptionnelles prévues dans la LPM, soit 3,7 milliards d'euros de 2008.

Il est évident qu'il convient d' attendre les résultats des appels d'offres pour que ces prévisions de ressources se concrétisent . Cependant, l'hypothèse d'un surcroît de ressources exceptionnelles d'un montant de 1 à 3 milliards d'euros ne peut être exclu .

Ce surplus de recettes exceptionnelles viendrait opportunément combler le manque de dotations budgétaires , par rapport à la LPM, qui a été estimé à 2 milliards d'euros pour la période 2009-2013 , ainsi que l'incertitude sur l'encaissement effectif du produit de cessions immobilières attendu en 2013 (soit 0,67 milliard d'euros).

En d'autres termes, des ressources exceptionnelles, d'un montant inconnu, pourraient venir combler des dotations budgétaires, d'un montant certain, tout en étant insuffisantes pour atteindre les prévisions fixées par la LPM .

Estimer si les prévisions de recettes ou de dépenses de la LPM seront respectées est un exercice rendu encore plus périlleux par d'autres facteurs d'incertitude, comme le niveau réel d'inflation, dont nous avons vu plus haut l'impact sur les recettes de la mission « Défense », ou encore les ressources exceptionnelles issues de cessions immobilières.

Dans ce contexte, examiner les dotations de la mission « Défense », au regard des seuls documents budgétaires annexés au PLF 2012, est un exercice largement vidé de sens , s'il n'est pas resitué dans le contexte d'exécution d'une loi de programmation pluriannuelle qui, pourtant, n'a pas juridiquement la valeur et la portée d'une loi de finances.

Dans ce contexte lourd d'incertitudes budgétaires, les menaces auxquelles la défense nationale doit faire face sont, elles, réelles. La mise en oeuvre des grands programmes d'équipements indispensables au maintien de nos capacités opérationnelles est malheureusement soumis à des aléas, portant tant sur le montant que sur les dates de versement de ces ressources « exceptionnelles » .

Lors de l'examen du PLF 2011, les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances avaient déjà souligné que le recours à des « ressources de substitution » plaçait la mission « Défense » en situation de « vulnérabilité », les ressources exceptionnelles pouvant être mobilisées pour la réduction des déficits publics.  Toujours selon eux, la sincérité budgétaire aurait commandé que « des dépenses d'un montant important et fortement contraintes » soient financées par des crédits budgétaires, plutôt que par le produit de cessions qui aurait dû être reversé au budget général de l'Etat.

Cette « tuyauterie » implique des reversements de recettes provenant de comptes d'affectation spéciale en dehors du budget général de l'Etat, ce qui ne facilite pas l'exécution budgétaire.

Toutefois, à la différence de l'ancienne majorité sénatoriale qui préconisait alors que « le produit des cessions [soit] intégralement affecté au désendettement de l'Etat », votre rapporteur spécial Yves Krattinger juge que la priorité est désormais d'assurer le maintien des capacités opérationnelles de la défense nationale. S'il comprend la logique selon laquelle ces ressources exceptionnelles doivent abonder le budget de l'Etat, il estime dangereux de prévoir une affectation principalement au remboursement de la dette publique, plutôt que d' accorder les dotations budgétaires vitales au maintien de l'effort de défense nationale .

Les questions de sécurité nationale exigent une vision prospective à long terme, dans le cadre d'une programmation pluriannuelle offrant des perspectives claires aux gestionnaires. Les crédits de la défense, et tout particulièrement les grands programmes d'équipement, ne doivent plus être une variable d'ajustement conjoncturelle du retour à l'équilibre des finances publiques .

C. DES ALÉAS MULTIPLES PESANT SUR LA PROGRAMMATION À MOYEN TERME DES DÉPENSES DE LA MISSION « DÉFENSE »

1. La mise en oeuvre des réductions d'emplois par la RGPP et le Livre blanc : des réductions pesant sur le maintien des capacités opérationnelles

Le schéma ci-après présente les grandes masses des réductions d'effectifs prévues au cours de la période 2008-2015, en application de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et du Livre blanc.

Les conditions dans lesquelles ces réductions d'effectifs sont menées soulèvent des interrogations quant à la possibilité de maintenir les capacités opérationnelles de l'armée française .

La répartition des diminutions d'effectifs
selon qu'elles proviennent de la RGPP et du Livre blanc

Source : ministère de la défense

En « régime de croisière », comme détaillé dans le tableau ci-après, la suppression des effectifs doit permettre d'économiser plus de 1,8 milliard d'euros par an (plus de 1,4 milliard d'euros de titre 2 et plus de 0,4 milliard d'euros de titre 3).

La diminution des effectifs étant linéaire, l'économie annuelle moyenne sur la période est de l'ordre de la moitié de ce montant, soit 0,9 milliard d'euros, et environ 8,2 milliards d'euros sur la période, compte tenu d'effets qui se répercuteront également sur l'année 2016.

Sur les 8,2 milliards d'euros d'économies attendues, la réduction de la masse salariale représente une économie de 6,5 milliards d'euros, et les économies relevant des dépenses de fonctionnement (titre 3) 1,7 milliard d'euros.

Cependant, la réforme a également des coûts à moyen terme :

- un plan d'accompagnement social des restructurations (soit 1,1 milliard d'euros de dépenses de titre 2, hors surcoût lié aux situations de chômage) ;

- des dépenses d'infrastructure (à hauteur de 1,5 milliard d'euros) ;

- l'accompagnement territorial des restructurations (0,2 milliard d'euros).

Les économies nettes ainsi générées doivent être majorées du produit des cessions immobilières, évaluées à 1,3 milliard d'euros, et qui ne figuraient pas jusqu'à présent dans les évaluations des économies liées à la réforme des effectifs, telles qu'elles étaient communiquées à vos rapporteurs spéciaux. Ce gisements d'économies potentielles, soudain découvert, laisse perplexe.

Au total, les économies nettes attendraient donc 6,7 milliards d'euros.

Comme le montre la répartition des économies budgétaires par année, la réforme entrera dans sa phase la plus difficile à partir de 2013.

Ces chiffrages , attribués par le Gouvernement aux vertus supposées de la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui a été appliquée avec une extrême rigueur au ministère de la défense, apparaissent en réalité très incertains .

En 2008, le ministre de la défense avait ainsi évalué les économies liées à la suppression des mêmes 54 000 emplois à 4 milliards d'euros en termes de masse salariale, ce qui ne représentait toutefois qu'une économie nette de 2,7 milliards d'euros, compte tenu des mesures d'accompagnement social et des coûts de restructuration. En juillet 2010, le ministère de la défense réévaluait ces économies à 4,9 milliards d'euros, avant que le chiffre de 6,7 milliards d'euros ne soit finalement retenu en janvier 2011.

Ces incertitudes, quant à l'impact des réductions d'effectifs en termes notamment d'évolution de la masse salariale, ne sont pas propres au ministère de la défense : dans le PLF 2012, l'économie brute liée à la suppression d'un emploi est évaluée à 31 800 euros, en hausse de près de 18 % par rapport à l'année précédente. Le montant du « retour catégoriel » vers les agents publics, résultant des gains de productivité au titre de mesures catégorielles, donne lieu aux mêmes hésitations sans que, en tout état de cause, le taux de 50 % d'un « retour catégoriel » vers les agents soit atteint.

Or, dans le cas du ministère de la défense, à un retour catégoriel il est préféré un réinvestissement dans les équipements, mais dans des montants inconnus et sans qu'apparaisse clairement le circuit de tels redéploiements budgétaires .

Les principes qui doivent guider l'évolution des effectifs militaires devraient tenir compte, en priorité, du maintien des capacités opérationnelles, suivant une répartition équilibrée des bases militaires sur l'ensemble du territoire national, outre mer et à l'étranger.

Les économies nettes provenant des réductions d'effectifs du ministère de la défense

(en millions d'euros courants 2008 et en ETPT)

Source : ministère de la défense

2. La question du financement des opérations extérieures (OPEX) resurgit à l'occasion d'un premier bilan de l'opération en Libye
a) De nouvelles règles fixées par la LPM n'ayant pas mis fin à la sous-dotation des OPEX en loi de finances initiale

Dans le cas des opérations extérieures (OPEX), la loi de programmation militaire 2009-2014 a prévu :

- d'en évaluer de manière plus réaliste les surcoûts 10 ( * ) en loi de finances initiale, comme le recommandait la commission des finances 11 ( * ) ;

- de financer les éventuels dérapages par rapport à ces estimations « par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle ».

Selon la loi de programmation militaire 2009-2014, « le montant de la provision au titre des surcoûts des opérations extérieures, porté à 510 millions d'euros en 2009, sera augmenté de 60 millions d'euros en 2010 puis de 60 millions d'euros en 2011 », soit 570 millions d'euros en 2010 et 630 millions d'euros en 2011.

Ces montants demeurent toutefois insuffisants pour financer la totalité du surcoût des OPEX , comme le montre le tableau ci-après, qui font apparaître des besoins de financements complémentaires à hauteur de 361 millions d'euros en 2009, 290 millions d'euros en 2010 et 248 millions d'euros en 2011 , réévalués entre 550 et 600 millions d'euros si l'on ajoute les coûts de l'opération Harmattan en Libye , évalués entre 300 et 350 millions d'euros au 1 er octobre 2011.

Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit un montant inchangé, à 630 millions d'euros, témoignant que le Gouvernement n'a pas voulu s'engager vers une budgétisation du coût total des OPEX en loi de finances initiale, alors même que l'opération Harmattan devrait conduire les dépenses d'opérations extérieures à un niveau sans précédent pour la France en temps de paix, soit 1,2 milliard d'euros en 2011 .

b) Un financement des surcoûts qui pose débat : l'exemple de l'opération Harmattan

En 2003-2008, le supplément de surcoût des OPEX par rapport aux montants inscrits en lois de finances initiales était financé sous « enveloppe LPM », essentiellement par annulation de crédits d'équipement. Selon les estimations du ministère de la défense, ce phénomène a réduit d'environ 1 milliard d'euros sur la période les moyens prévus pour l'équipement.

Pour éviter qu'un tel phénomène ne se reproduise, la loi de programmation militaire 2009-2014 prévoit qu'« en gestion, les surcoûts nets non couverts par la provision (surcoûts hors titre 5 nets des remboursements des organisations internationales) seront financés par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle », prévue par l'article 51 de la LOLF, dans le cadre de décrets d'avance.

La loi de programmation militaire ne précise pas toutefois la part de ces dépenses qui sera financée sur la réserve de précaution des missions autres que la mission « Défense », ce qui peut conduire, de fait, à largement gager les opérations extérieures sur des crédits du ministère de la défense et pose la question de la portée réelle de la réforme opérée par la LPM .

Par ailleurs, il n'est pas évident que les crédits réouverts en loi de finance rectificative de fin d'année puissent effectivement être consommés l'année n , conduisant ainsi à renouer avec la pratique antérieure des reports de crédits sur l'année n + 1 que le ministère de la défense pourrait ne pas être autorisé à consommer durant l'année n + 1.

Face à ces risques, le tableau ci-après montre des situations contrastées :

- en 2008, les ministères civils n'ont contribué qu'à hauteur de 20 % aux annulations de crédits pour financer les opérations extérieures en décret d'avances ;

- en 2009, il avait été indiqué à vos rapporteurs spéciaux, dans les réponses à leur questionnaire budgétaire, que l'enveloppe « LPM » du ministère de la défense n'avait été sollicitée qu'à hauteur de 5 millions d'euros ; en fait, l'exécution finale, dans le tableau transmis cette année et intégrant les phénomènes de report de crédits, montre que l'enveloppe « LPM » a finalement été réduite de 59 millions d'euros ;

- en 2010, les crédits du ministère de la défense ne seraient pas affectés par le financement des « OPEX ».

Les coûts des opérations extérieures, entre 2007 et 2011 (hors opération Harmattan), sont détaillés dans le tableau ci-après.

Les surcoûts des opérations extérieures (2007-2011, hors opérations Harmattan)

(en millions d'euros)

Source : ministère de la défense

En nombre d'hommes, les opérations extérieures ont mobilisé, en 2011, 11 000 soldats projetés, en plus des 4 300 soldats prépositionnés à l'étranger.

Ces données récapitulatives montrent l'impact budgétaire de l'engagement croissant de la France sur des terrains d'opérations extérieures, alors que le niveau des ressources budgétaires, de plus en plus contraintes, interrogent sur la capacité à mener à bien ces opérations.

Sur le long terme, le coût moyen des opérations extérieures s'élevait à 511 millions d'euros par an en 2000-2001. Au cours des années 2002-2006, les dépenses annuelles des OPEX ont atteint 624 millions d'euros en moyenne (soit une hausse de 22 % par rapport à 2000-2001). Pour la période 2007-2011, en retenant l'hypothèse médiane du Gouvernement d'un coût de 325 millions d'euros pour l'opération Harmattan, le coût annuel moyen des OPEX s'élèverait ainsi à 894 millions d'euros, en hausse de 75 % par rapport aux années 2000 et 2001 .

Le financement du surcoût des opérations extérieures

(1) Périmètre : le surcoût des OPEX jusqu'en 2008 intègre le surcoût de la gendarmerie (programmes 152 et 178 suivant l'architecture LOLF). A partir de 2009, seul le surcoût relevant du ministère de la défense (Programme 178) est pris en compte.

(2) Le montant prévisionnel des fonds de concours 2011 s'élève à 79 millions d'euros. Au 26 août 2011, 42 millions d'euros avaient déjà été rattachés.

NB : (a) Les données de surcoûts de 2000 à 2010 (ligne "Total") sont les données exécutées. Elles peuvent, à ce titre, différer des prévisions retenues lors de l'instruction du décret d'avance OPEX. (b) Les surcoûts prévisionnels pour 2011 sont présentés hors opération Harmattan. Les surcoûts de cette opération sont évalués entre 300 et 350 millions d'euros au 1 er octobre 2011.

Source : ministère de la défense

Compte tenu de l'explosion des OPEX en 2011, seulement 52 % du coût de ces opérations devrait, cette année, avoir été financé par les dotations de la LFI 2011, soit un niveau inférieur à celui de 2007 (où cette proportion atteignait 55 %), avant l'adoption de la LPM 2009-2014.

Dans les réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux, le Gouvernement a usé d'une élégante litote pour signifier qu'il ne savait pas, à ce stade, combien coûterait l'opération Harmattan, ni comment elle serait financée (par « un abondement externe selon des modalités à définir à ce stade de la gestion ») , même si des ressources provenant de remboursement des Nations Unies étaient attendues , pour un montant de 79 millions d'euros, mais sans que soit davantage connue la date de ces versements qui pourraient n'intervenir que dans plusieurs années :

« En 2011, conformément aux souhaits du Parlement et à la LPM, le financement résiduel des surcoûts OPEX ne devrait pas reposer sur les crédits d'équipement de la défense mais devrait bénéficier d'un abondement externe selon des modalités à définir à ce stade de la gestion , et en fonction du montant des surcoûts OPEX arrêtés. Compte tenu du déclenchement de l'opération Harmattan (Libye) au printemps 2011 et des événements récents, l'évaluation des surcoûts prévisionnels est en cours de finalisation. (...) L'opération Harmattan se caractérise par une forte dominante aéromaritime entraînant une utilisation massive de l'arme aérienne, du groupe aéronaval mais également des hélicoptères de combat de l'aviation légère de l'armée de terre ainsi que par la consommation d'un volume très important de munitions par rapport aux autres opérations extérieures des dernières années. Par ailleurs, il reste encore des incertitudes importantes sur son évolution future, et l'opération "Unified protector", dans laquelle elle s'inscrit, vient d'être prolongée de quatre-vingt-dix jours par l'OTAN à compter du 1 er octobre 2011. Evalué au 1 er octobre 2011, le surcoût de l'opération Harmattan est compris entre 300 et 350 millions d'euros .

« En matière de ressources pour 2011, le financement devrait être partiellement assuré par des remboursements ONU, attendus à hauteur de 20 millions d'euros dans le PAP 2011, puis revus en gestion à la hausse de plus de 59 millions d'euros pour s'établir à 79 millions d'euros. Le rattachement des remboursements ONU est en effet très aléatoire car il est lié au paiement des contributions par les différents pays concernés et peut, par conséquent, intervenir plusieurs années après la fin de l'opération » 12 ( * ) .

Les économies en gestion signifient-elles que le ministère de la défense sera affecté par l'intervention en Libye ? A ce stade de l'exécution budgétaire 2011, il existe une vraie incertitude sur une éventuelle remise en cause de l'enveloppe « LPM » , ainsi que sur une possible aggravation du déficit budgétaire de l'Etat .

Par ailleurs, toujours selon le Gouvernement, l'opération Harmattan se caractérise par des surcoûts de nature différente de ceux des autres opérations extérieures, et qui pourraient donc entraîner des surcoûts encore plus importants que ceux actuellement envisagés (entre 300 et 350 millions d'euros) :

- les postes correspondant au carburant, ainsi qu'à l'entretien des avions et des hélicoptères, devraient s'élever à environ 50 % du coût total de l'opération (contre une moyenne de 20 % dans les autres opérations) ;

- la part des munitions dans les dépenses devrait être comprise entre 25 % et 35 %, alors qu'elle n'atteint en général que 2,5 % dans les OPEX ;

- les dépenses de personnel, relevant du titre 2, devraient n'atteindre que 15 %, alors que pour les autres OPEX elles s'élèvent en général à 35 %.

L'opération Harmattan est ainsi révélatrice des besoins militaires en matériels, notamment en équipements, lesquels sont pourtant la principale variable d'ajustement du plafonnement des dépenses militaires opéré par la loi de programmation des finances publiques.

3. Les principaux programmes d'armement mis au régime sec ?

En conséquence de ces moindres moyens financiers qui seront consacrés à l'équipement en 2009-2014, les cibles de livraison de matériels à l'horizon 2014 ont dû être revues à la baisse, suite à l'adoption de la loi de programmation pour les finances publiques .

L'évolution du nombre d'unités devant être acquises de 2009 à 2014,
avant prise en compte du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014

Principaux équipements

LPM 2009-2014

Programmation révisée

Ecart

Système de détection et contrôle aérien

SDCA / Hawkeye*

4

4

0

Combat débarqué

FELIN

22 230

17 884

-4 346

Combat débarqué

VBCI

553

564

11

Appui feu

CAESAR

69

67

-2

Transport logistique terrestre

PPT

500

287

-213

Hélicoptères d'attaque

TIGRE

33

35

2

Hélicoptères de manoeuvre (terre)

NH90-TTH

23

22

-1

Hélicoptères multirôles (marine)

NH90-NFH

Cibles et cadences de livraisons à préciser en 2009-2010

14

-

Frégates

FREMM

2

2

0

Bâtiments amphibies et projection maritime

BPC

1

1

0

Avions de combat

RAFALE

Cibles et cadences de livraisons à préciser en 2009-2010 (50)

66

16

M 2000D multirôles*

5

Cibles et cadences de livraisons à préciser

-5

Avions de transport tactique

A400M

18**

8

-10

Missiles de croisière air + marine

SCALP EG + MDCN

60

60

0

* Les lignes SDCA/HAWKEYE et M 2000D multirôles ne correspondent pas à des livraisons de nouveaux matériels mais à des rénovations ou mise à niveau de matériels.

** Ce chiffre ne figure pas explicitement dans la LPM, mais a été indiqué par le ministère de la défense comme ayant été celui utilisé pour l'élaboration de celle-ci.

Source : d'après le ministère de la défense

En particulier, le nombre d'équipements du fantassin FELIN qu'il est prévu d'acquérir en 2009-2014 serait réduit de 4 346 unités, celui des camions de transport dits « porteurs polyvalents terrestres » (PPT) de 213 unités.

Les cinq rénovations à mi-vie du Mirage 2000 D, jusqu'alors prévues d'ici 2014, seraient quant à elles reportées après cette date pour étaler le financement de l'opération, selon des modalités techniques et un calendrier à définir suite à une étude devant être lancée d'ici la fin de l'année, en vue de résultats connus en milieu d'année 2012. Il sera souhaitable que le Gouvernement puisse indiquer, en séance, où en est le lancement de cette étude .

En raison des retards d'EADS, le nombre d'avions de transport tactique A400M livrés d'ici 2014 serait de seulement 8 unités, et non de 18 comme prévu dans la LPM.

En sens inverse, certaines cibles sont revues à la hausse d'ici 2014 : tel est le cas en particulier des hélicoptères d'attaque Tigre (+ 2 unités) et, surtout, des Rafale (+ 16 unités).

Toutefois, l'anticipation de l'acquisition de ces Rafale n'est pas une bonne nouvelle pour le ministère de la défense, et correspond à la concrétisation de l'un des principaux aléas défavorables pesant sur la LPM 2009-2014, identifié par les rapporteurs de votre commission des finances dans leur avis sur le projet de LPM. En effet, ces avions Rafale supplémentaires devront être acquis au détriment d'autres équipements jugés plus urgents.

La LPM prévoyait d'en acquérir 50 sur la période 2009-2014. Il était toutefois précisé que ce nombre pourrait être revu à la hausse si l'entreprise française qui produit le Rafale ne parvenait pas à exporter cet avion. En effet, selon l'avionneur, une production d'au moins 11 appareils par an est nécessaire pour que le programme soit industriellement viable, ce qui correspondait à environ 65 appareils sur la période 2009-2014. Les perspectives d'exportations étant incertaines, l'Etat doit anticiper l'acquisition d'appareils supplémentaires par rapport à la LPM, en révisant à nouveau à la hausse le nombre de Rafale à acquérir : de 13 l'an dernier, ce nombre a été porté à 16 lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, en ne prévoyant une hausse des exportations qu'en 2016-2017 pour compenser ces acquisitions supplémentaires par la France.

Compte tenu du coût d'acquisition d'un Rafale, les 16 Rafale correspondent à un dépassement de la LPM de plus d'un milliard d'euros, réduisant à due concurrence les moyens des autres programmes .

Dans ce contexte où d'autres révisions à la baisse de commandes de l'Etat semblent probables, d'autres livraisons ont été reportées sur la période 2015-2020 , par exemple pour les camions de transport de l'armée de terre porteurs polyvalents terrestres (PPT) : sur 1 800 appareils devant être livrés, 1 513 le seraient au cours de la période 2015-2020.

4. Des incertitudes majeures : le risque pour le budget de la défense d'un manque potentiel de recettes de l'ordre de 13 milliards d'euros

Lors de l'examen du projet de LPM, votre commission des finances avait pointé un certain nombre de facteur d' incertitudes risquant de remettre en cause l'atteinte des objectifs « physique » fixés par la loi de programmation budgétaire, à hauteur de 7 milliards d'euros .

Compte tenu des aléas détaillés ci-dessus, le manque à gagner potentiel pour le budget de la défense doit être réévalué à la hausse.

S'agissant des ressources exceptionnelles , qui doivent compléter des dotations budgétaires insuffisantes en CP pour atteindre les objectifs de la LPM, celles-ci sont évaluées à 3 milliards d'euros entre 2011 et 2013 par le ministère de la défense, mais le risque existe qu'elles soient pour partie affectées au désendettement de l'Etat, surtout si elles devaient être d'un montant plus élevé que prévu. Même en obtenant le reversement de ces ressources exceptionnelles (à hauteur de la prévision de 3 milliards d'euros), le ministère de la défense estime à 2 milliards d'euros (sur la période 2009-2013) le repli du niveau des dépenses (en crédits de paiement ) par rapport aux objectifs de la LPM, soit le risque potentiel d'un manque à gagner de 5 milliards d'euros en ressources.

S'agissant des dépenses , les crédits de fonctionnement et d'activité augmentent plus rapidement que prévu, du fait notamment de la dynamique de la masse salariale. Au regard de l'exécution 2010, marquée par un dépassement des crédits de fonctionnement et d'activité de 0,6 milliard d'euros par rapport aux prévisions de la LPM pour un seul exercice, l'hypothèse d'un risque budgétaire de 1 milliard d'euros (retenu par votre commission des finances lors de l'examen du projet de LPM) était une hypothèse relativement prudente : ce risque peut être réévalué à 3 milliards d'euros pour l'ensemble de la LPM. Dans notre réévaluation, cette somme intègre le possible dérapage des coûts du maintien des forces en condition opérationnelle, évalué à 0,5 milliard d'euros lors de l'examen du projet de LPM.

De même, le sous-financement des OPEX n'était estimé qu'à 0,5 milliard d'euros, ce qui correspond à la non-couverture des OPEX par des crédits budgétaires pour la seule année 2011. Ce risque peut être réévalué à au moins 1 milliard d'euros.

Toujours en ce qui concerne les dépenses, l'inflation est plus faible que les niveaux prévus dans la LPM : l'aléa, évalué à 2 milliards d'euros lors de l'examen du projet de LPM, peut être considéré comme identique.

Au total, le risque sur les trois postes de dépenses précités (masse salariale, OPEX, inflation) peut être réhaussé à 6 milliards d'euros .

En revanche, l'hypothèse d'une diminution du prix du baril de pétrole - qui avait entraîné un risque évalué à 1 milliard d'euros par votre commission des finances - n'est plus d'actualité.

S'agissant enfin des programmes d'armement (avec des possibilités de surcoût évaluées à 2,5 milliards d'euros lors de la discussion du projet de LPM), ce risque doit être révisé à la baisse, à hauteur de 2 milliards d'euros, au regard des difficultés rencontrées à l'exportation.

Les aléas de la LPM 2009-2014 : comparaison de l'évaluation initiale par les rapporteurs spéciaux et de la situation actuelle

(en milliards d'euros)

Risques tels qu'évalués par les rapporteurs spéciaux dans leur rapport pour avis sur le projet de LPM 2009-2014

Risques réévalués lors de l'examen du PLF 2012

Ressources

Ressources exceptionnelles

-0,5

-5

Crédits de paiement

-1

Dépenses

Possible dérive de la masse salariale et des dépenses de fonctionnement et d'activité

-1

-6

Opérations extérieures (OPEX)

-0,5

Perte de pouvoir d'achat liée à la faible inflation 13 ( * )

-2

Pétrole à 50 dollars au lieu de 75 dollars

1

0

Maintien en condition opérationnelle

-0,5

Intégré ci-dessus, dans le poste « dépenses de fonctionnement et d'activité »

Programmes d'armement

-2,5

-2

Livraison de Rafale supplémentaires

-1,5

Possibles dérapages de coûts (A400M...)

-0,5

Matériels non prévus

-0,5

Total

-7

-13

Un signe - indique une ressource manquante ou un coût supplémentaire.

NB : ce tableau intègre les surcoûts déjà constatés : réintégration de l'OTAN (100 millions d'euros par an en régime de croisière), implantation aux Emirats Arabes Unis (75 millions d'euros par an en régime de croisière), frais de démantèlement des équipements, mises aux normes environnementales, achats en urgence opérationnelle...

Source : commission des finances

Au total, comme le détaille le tableau ci-dessus, les ressources manquantes ou les coûts supplémentaires constatés lors de l'exécution de la LPM 2009-2014 pourraient atteindre 13 milliards d'euros .

5. Dépenses militaires : un recul de la place de la France

Une des conséquences de la limitation des dépenses militaires est le recul de la place de la France, si l'on compare les budgets de la défense des grandes puissances, comme détaillé dans le tableau ci-après.

Ces données, fournies à vos rapporteurs spéciaux par le ministère de la défense et des anciens combattants, intègrent les dépenses de pensions. Il convient d'observer que les données françaises pour les années antérieures à 2009 comprennent la gendarmerie, soit des dépenses annuelles comprises entre 6 et 7 milliards d'euros par an (y compris les charges de pensions) sur la période 2000-2009.

Les dépenses militaires de la France, qui étaient supérieures à celles du Royaume-Uni jusqu'en 2004, de l'ordre de 2 milliards d'euros (mais inférieures de 4 milliards d'euros si l'on retire les dotations de la gendarmerie), lui sont désormais nettement inférieures, à hauteur de 14,4 milliards d'euros en 2011. Le différentiel en défaveur de la France s'élève à 7 milliards d'euros si l'on intègre les dépenses de gendarmerie, alors qu'en 2004 les dépenses militaires et de gendarmerie de la France dépassaient le budget de la défense britannique de 3 milliards d'euros.

Le budget militaire de la France (y compris la gendarmerie) la plaçait à des niveaux comparables à ceux de la Chine et de la Russie dans la deuxième moitié des années 1990. Sous l'effet de la hausse des dépenses militaires de ces deux pays, les dépenses militaires chinoises sont aujourd'hui plus de quatre fois supérieures à celles de la France, et celles de la Russie atteignent le double de celles de notre pays.

Hors gendarmerie, le budget militaire des Etats-Unis était 10 fois supérieur à celui de la France au début des années 2000. En 2010, il a représenté plus de 18 fois celui de la France, et encore plus de 16 fois les dépenses militaires françaises en 2011, dans un contexte de diminution de l'effort américain de défense.

En revanche, les dépenses militaires de l'Allemagne étaient inférieures à celles de la France de l'ordre de 9 à 10 milliards d'euros jusqu'en 2008 ; depuis 2009, la différence n'est plus que 2 milliards d'euros, ce qui correspond à la non-prise en compte des dépenses de la gendarmerie dans les statistiques pour notre pays depuis cette date.

Pour que les dépenses de défense françaises restent stables en points de PIB, celles-ci devraient suivre la croissance annuelle du PIB, soit 2 % par an en volume alors que, comme on le verra ci-après dans le paragraphe III, même l'hypothèse du Livre blanc ne prévoit qu'une croissance de 1 % par an en volume jusqu'en 2020.

Evolution des dépenses militaires des Etats-Unis, de la Chine, de la Russie, du Royaume-Uni, de la France et de l'Allemagne

(en milliards d'euros courants, convertis aux taux de parité de pouvoir d'achat de l'euro en France)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009*

2010

2011

Etats-Unis

276,7

268,0

269,0

265,2

269,7

283,7

287,2

322,8

389,4

436,5

464,8

502,0

523,4

647,4

664,7

686,7

642,2

Chine

31,4

35,9

36,9

42,5

48,1

52,0

62,3

72,9

82,7

91,4

101,5

118,0

134,6

148,2

175,3

178,9

nc

Russie

41,9

38,0

42,2

29,1

32,8

39,2

45,2

50,4

56,6

56,0

58,4

61,5

65,1

70,9

81,1

77,8

nc

Royaume-Uni

33,3

34,4

33,2

33,7

33,2

34,7

35,9

36,3

38,7

39,8

44,6

46,2

48,0

51,5

51,1

52,1

52,8

France *

36,3

36,2

36,8

36,0

36,5

36,7

37,2

38,7

40,7

42,7

42,5

44,4

45,2

45,4

39,2

39,2

38,4

Allemagne

29,8

29,9

29,0

29,2

30,1

29,7

29,5

29,9

31,7

32,1

32,6

32,7

33,4

35,8

37,2

37,0

36,7

Nc : non communiqué

* Les données pour la France n'incluent plus les gendarmes depuis 2009

Sources :

- Pour les pays de l'OTAN : mémorandum statistique de l'OTAN (juin 2011)

NB : pour les USA, au cours de la période 2008-2010, les montants de cette édition sont sensiblement supérieurs à ceux précédemment publiés par l'OTAN en juin 2010.

- Pour les pays hors OTAN : Stockholm International Peace Research Institute (Sipri) yearbook 2011


* 1 Votre rapporteur spécial François Trucy, notre collègue Charles Guéné et notre ancien collègue Jean-Pierre Masseret.

* 2 Selon cet amendement (modifiant le rapport annexé) : « Dans un scénario alternatif où la croissance de l'activité n'atteindrait que 2 % par an sur 2012-2014, les recettes publiques connaîtraient une croissance spontanée moins dynamique et cela affecterait la trajectoire de déficit public sur la période. Bien que l'impact de la croissance sur le solde public ne soit pas automatique, il est possible d'évaluer l'ordre de grandeur de l'effort supplémentaire nécessaire pour conserver la même trajectoire de déficit en points de PIB. Toutes choses égales par ailleurs, cet effort serait compris entre 4 et 6 milliards d'euros chaque année. Il pourrait toutefois être accru par une évolution moins favorable du taux de chômage, ou une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB moins élevée. Le Gouvernement y ferait face par des mesures d'économies supplémentaires sur les dépenses et les niches fiscales ou sociales pour assurer le respect de la trajectoire de déficit fixée dans la présente loi de programmation. »

* 3 Exécution 2009, LFI 2010, PLF 2011 et PLPFP 2011-2014.

* 4 N° 2623 (XIII e législature), 10 juin 2010.

* 5 Ces règles figurent cependant dans les projets annuels de performances.

* 6 Cf. supra , paragraphe I B 1 : dans la LPM, les ressources exceptionnelles sont estimées à 1,61 milliard d'euros en 2009 (1,637 milliard d'euros dans les prévisions actualisées au 12 juillet 2011 figurant ci-dessus), à 1,22 milliard d'euros en 2010 (1,261 milliard d'euros dans l'actualisation au 12 juillet 2011), 0,54 milliard d'euros en 2011 (contre 0,574 milliard d'euros ci-dessus), 0,20 milliard d'euros en 2012 (au lieu de 0,091 milliard d'euros), 0,1 milliard d'euros en 2013 (0 euro dans la prévision actualisée au 12 juillet 2011), 0 euro en 2014 (comme dans le tableau précédent).

S'agissant des ressources effectivement prévues à compter de 2011, celles-ci sont estimées à 0,97 milliard d'euros dans la prévision actualisée (1,044 milliard d'euros dans les prévisions actualisées au 12 juillet 2011), 1,13 milliard d'euros en 2012 (au lieu de 1,093 milliard d'euros ci-dessus) et 0,99 milliard d'euros en 2013 (contre 0,952 million d'euros). Pour 2014, la prévision actualisée en juillet 2014 envisage un reliquat de 84 millions d'euros au titre des ressources exceptionnelles.

* 7 Rapport d'information n° 503 (2009-2010) du 26 mai 2010.

* 8 Selon les réponses au questionnaire budgétaire, après l'envoi des dossiers de consultation le 5 novembre 2010, les offres industrielles ont été reçues le 3 mars 2011. L'analyse des offres, les négociations avec les candidats et les demandes de compléments et de précisions ont été conduites entre mars et juillet 2011, pour une notification prévue fin 2011.

* 9 Deux entreprises ont fait part de leur intérêt : Thales Alenia Space (TAS, ex-Alcatel Alenia Space), fabriquant des satellites, et EADS Astrium, qui, dans le cadre du programme Paradigm , gère la flotte de satellites de télécommunications militaires britanniques. Dans leur rapport d'information précité (n° 2623 (XIII e législature, 10 juin 2010), nos collègues députés Louis Giscard d'Estaing et Françoise Olivier-Coupeau soulignent que, les satellites concernés ayant une durée de vie limitée (de l'ordre d'encore sept ou huit ans), tout retard réduit la recette attendue.

* 10 On rappelle que l'usage est de réserver le terme « surcoût », dans le cas des OPEX, au surcoût par rapport à une situation où il n'y aurait pas d'OPEX, c'est-à-dire au coût net des OPEX. Il ne s'agit pas du surcoût par rapport à la loi de finances.

* 11 Les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2008, de seulement 475 millions d'euros (dont 460 millions d'euros pour la mission « Défense »), résultaient en partie d'une majoration de 100 millions d'euros proposée par le Gouvernement lors de la discussion au Sénat.

* 12 Source : réponses au questionnaire budgétaire. Les éléments soulignés le sont par les rapporteurs spéciaux.

* 13 Seulement les 2/3 des dépenses du ministère environ dépendent de l'inflation. Il résulte donc de l'indexation de l'annuité LPM sur la prévision d'indice des prix qu'une inflation plus faible que prévu réduit le pouvoir d'achat de la mission « Défense ».