MM. Thierry FOUCAUD et Claude HAUT, rapporteurs spéciaux

II. UNE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES QUI A ÉCHOUÉ À REVALORISER LE MÉTIER D'ENSEIGNANT

A. REVALORISER LE MÉTIER D'ENSEIGNANT

1. Des mesures financières de portée limitée

Le Gouvernement a mis en place un « nouveau pacte de carrière » qui comporte notamment une amélioration de la formation initiale et continue (en particulier, par la mise en oeuvre du droit individuel à la formation) et un accompagnement accru au cours de la carrière. En particulier, des entretiens systématiques sont mis en place après des délais de deux et quinze ans d'exercice du métier d'enseignant.

Cette revalorisation comporte également un aspect financier , dont les principales dispositions sont présentées dans l'encadré ci-après :

Les mesures financières du « nouveau pacte de carrière » du Gouvernement

1)  Neutralisation des deux premiers échelons de chacune des grilles indiciaires, par l'attribution d'une bonification d'ancienneté d'une année. Le ministère de l'éducation nationale n'a pas évalué le coût de cette mesure dans les réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

2) Augmentation des échelons des indices de début de carrière, pour un montant net qui s'est élevé, au 1 er septembre 2010, à 1 896 euros durant l'année de stage pour les professeurs des écoles et les professeurs certifiés, et à 3 120 euros pour les professeurs agrégés. Le coût en 2011 de ce dispositif a été évalué à 118,84 millions d'euros pour l'enseignement public et privé.

3)  Poursuite de l'intégration d'instituteurs dans le corps des professeurs des écoles, laquelle devait porter sur 1 700 instituteurs (dont 500 du privé) à la rentrée 2011, pour un coût évalué à 6 millions d'euros en année pleine.

4) Valorisation de fonctions spécifiques :

-- revalorisation de l'indemnité de fonctions des maîtres formateurs, ainsi que de la rémunération accessoire des conseillers pédagogiques du second degré ; le coût de ces mesures a été évalué à 54,8 millions d'euros en année pleine pour le public et le privé ;

.- création d'une indemnité pour fonctions d'intérêt collectif, dont la mise en place à la rentrée 2010 a été estimée à 11,4 millions d'euros en année pleine ;

- création d'une indemnité au bénéfice des enseignants chargés de l'évaluation des épreuves de certains diplômes de la voie professionnelle (coût en année pleine : 7,2 millions d'euros) ;

- la majoration du taux d'indemnisation de la correction des copies des épreuves écrites (coût en année pleine : 3,3 millions d'euros).

Sous réserve d'inventaire, puisque les effets en année pleine ne s'appliquent pas toujours aux mêmes exercices, vos rapporteurs spéciaux ont évalué le coût total des mesures décrites ci-dessus à 201,54 millions d'euros , soit 0,5 % de la masse salariale des enseignants.

Source : réponses aux questionnaires budgétaires

2. Une problématique plus large que les seules questions financières

La revalorisation de 1 % du point de l'indice de la fonction publique représenterait une dépense annuelle supérieure à 400 millions d'euros, soit deux fois le montant des mesures prises par le Gouvernement au titre de la revalorisation des carrières en 2010-2011: les réponses à des cas spécifiques ne peuvent donc pas remplacer une réflexion plus large sur la rémunération des enseignants en France.

Enfin, la diminution du nombre de candidats aux concours a été soulignée lors de la table ronde organisée par vos rapporteurs spéciaux, le 11 octobre dernier, avec les syndicats d'enseignants et les associations de parents d'élèves, de même que les déclarations de jeunes enseignants, de plus en plus fréquentes, affirmant envisager de changer de métier au cours de leur carrière, avant même d'avoir commencé à exercer.

Ce sont autant de signes d'une certaine désaffection pour le métier d'enseignant, qui exigent une association plus étroite des personnels à la politique éducative, autour d'objectifs partagés.

B. DES ÉLÈVES TROP NOMBREUX PAR CLASSE  ET UN TAUX D'ENCADREMENT MÉDIOCRE

1. L'augmentation du nombre d'élèves par classe

L'augmentation du nombre d'élèves par classe pose des difficultés croissantes aux enseignants pour l'exercice de leur métier dans des conditions satisfaisantes.

Selon les informations communiquées à vos rapporteurs spéciaux par le ministère de l'éducation nationale, dans les réponses à leur questionnaire budgétaire, le nombre moyen d'élèves par classe du premier degré public a baissé entre 2000 et 2003, date à laquelle chaque classe élémentaire ou pré-élémentaire comptait un peu moins de 23 élèves (22,8), alors qu'en 2000 la moyenne observée était légèrement supérieure à ce seuil (23,1). Après une stabilisation du nombre d'élèves par classe en 2004 (à 22,8), la forte augmentation en 2005 (23,4) n'a pas été effacée entre 2006 et 2010 (23,5 élèves en moyenne chaque année, sauf en 2008 où ce nombre atteignait 23,4).

Une tendance à la hausse est également observée dans le second degré public et privé, au cours d'une période plus courte de deux ans pour laquelle des informations ont été communiquées à vos rapporteurs spéciaux : entre la rentrée scolaire 2008 et la rentrée scolaire 2010, le nombre moyen d'élèves dans les collèges est passé de 23,8 à 24,0 ; dans les lycées généraux et technologiques, la hausse a été moindre (de 26,0 à 26,1), tandis que ce nombre est resté stable (18,8) dans les lycées professionnels.

2. Une position peu flatteuse de la France au sein de l'OCDE

Selon l'édition 2011 du recueil Regards sur l'éducation publié par l'OCDE, pour la dernière année disponible (2008 ou 2009, selon les items), la situation de la France, comparée à celle des autres pays industrialisés, était pour le moins contrastée .

En effet, à l'exception de la dépense d'éducation par élève ou établissement, légèrement supérieure à la moyenne, les classes françaises comptaient un nombre d'élèves plus élevé que les autres pays industrialisés, et le taux d'encadrement était inférieur à la norme des Etats de l'OCDE.

La dépense annuelle par élève ou étudiant , au titre des établissements d'enseignement, atteignait 9 562 dollars en 2008, au-dessus de la moyenne de l'OCDE (8 831 dollars).

En 2009, la taille moyenne des classes en France atteignait 22,7 élèves dans le premier degré et 24,5 élèves dans le secondaire, soit une situation moins favorable que la moyenne des pays de l'OCDE (respectivement, 21,4 élèves dans le premier degré et 23,7 élèves dans le second degré).

Dans le premier degré, les classes étaient moins nombreuses en Italie (en moyenne 18,8 élèves par classe), en Espagne (21,1) et en Allemagne (21,7), mais elles comportaient plus d'élèves aux Etats-Unis (23,3) et au Royaume-Uni (24,5).

Dans le second degré, les classes étaient moins nombreuses en Italie (21,5), au Royaume-Uni (22,8), aux Etats-Unis (23,7) et en Espagne (24,3), mais plus nombreuses en Allemagne (24,7).

Le nombre d'élèves par étudiant ou enseignant dans les établissements d'enseignement était supérieur à la moyenne de l'OCDE dans le premier degré (19,7 contre 16,0) et dans le supérieur (15,7 contre 14,9), mais inférieur dans le second degré (12,2 contre 13,5).

Ce mauvais taux d'encadrement plaide pour rétablir les postes supprimés dans l'éducation nationale depuis 2007, dans le cadre d'une politique de l'éducation qui prenne aussi en compte les besoins de formation et la nécessité d'assurer un meilleur remplacement des enseignants absents .

Ces questions devront d'autant plus être résolues si la France s'engage, comme le souhaitent vos rapporteurs spéciaux, dans la voie d'un abaissement de l'âge de la scolarité obligatoire à trois ans 2 ( * ) .


* 2 Voir notamment le rapport de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin n° 62 (2011-2012) sur la proposition de loi n° 447 (2010-2011) de notre collègue Françoise Cartron et des membres du groupe socialiste. Le jeudi 3 novembre 2011, lors de l'examen en séance publique de cette proposition de loi, le Gouvernement a opposé l'irrecevabilité financière, en application de l'article 40 de la Constitution. Une telle procédure, visant à empêcher le débat public en opérant une invocation manifestement abusive et sans précédent de l'article 40 de la Constitution, n'est pas digne de la démocratie.