M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial

II. DES CRÉDITS EN FORTE HAUSSE POUR L'ANNÉE 2012, AU-DELÀ DES PLAFONDS DE LA LOI DE PROGRAMMATION

A. UNE AUGMENTATION IMPORTANTE DES CRÉDITS PAR RAPPORT À CEUX OUVERTS EN LOI DE FINANCES POUR 2011

1. Une hausse de 12,1 % en autorisations d'engagement et de 12,6 % en crédits de paiement

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » connaissent une progression marquée entre le projet de loi de finances pour 2012 et la loi de finances initiale pour 2011. Ils augmentent ainsi de 12,1 % en autorisations d'engagement (AE) et de 12,6 % en crédits de paiement (CP) , comme l'indique le tableau ci-dessous.

Evolution des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration »

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Loi de finances initiale pour 2011

Projet de loi de finances pour 2012

Evolution

Loi de finances initiale pour 2011

Projet de loi de finances pour 2012

Evolution

Programme n° 303 « Immigration et asile »

490,9

553,6

+ 12,8 %

488,6

560,3

+ 14,7 %

Programme n° 104 « Intégration et accès à la nationalité française »

72,8

78,4

+ 7,7 %

72,8

71,6

- 1,6 %

Mission « Immigration, asile et intégration »

563,7

632,1

+ 12,1 %

561,5

632,0

+ 12,6 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012

La progression globale des crédits de la mission provient principalement du programme n° 303 « Immigration et asile » , dont l'enveloppe augmente de 12,8 % en AE et de 14,7 % en CP, tandis que les dotations du second programme, n° 104 « Intégration et accès à la nationalité française », connaissent une évolution contrastée puisqu'elles augmentent de 7,7 % en AE et diminuent de 1,6 % en CP.

2. Le dépassement des plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques pour 2011 à 2014

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 9 ( * ) avait prévu une légère contraction des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » entre 2011 et 2013. Les AE devaient progressivement passer de 0,56 milliard d'euros en 2011 à 0,54 milliard en 2013 et les CP de 0,56 à 0,55 milliard d'euros sur la même période.

En 2012, les plafonds fixés étaient de 0,55 milliard d'euros en AE et de 0,56 milliard d'euros en CP. Or, la très forte progression des crédits de la mission décrite ci-dessus conduit à dépasser significativement les plafonds fixés par la loi de programmation : de 84,3 millions d'euros, soit 15,3 %, en AE et de 77,5 millions d'euros, soit 14 %, en CP .

D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial et comme l'indique le tableau ci-dessous, le dépassement des plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques s'explique presque exclusivement par les dépenses hors titre 2 10 ( * ) du programme n° 303 « Immigration et asile » . Celles-ci excèdent en effet, en 2012, de 78,86 millions d'euros (AE = CP), les plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques , soit des taux de dépassement de 18,1 % en AE et de 17,8 % en CP.

Comme l'indique le ministère dans ses réponses au questionnaire budgétaire, cette hausse des crédits du programme n° 303 « Immigration et asile » résulte de celle de l'enveloppe consacrée à l'accueil des demandeurs d'asile . Ainsi, « une augmentation de 35,65 millions d'euros (AE = CP) pour l'allocation temporaire d'attente et de 44,91 millions d'euros (AE = CP) pour l'hébergement d'urgence vient abonder les dotations programmées par la loi de programmation des finances publiques. Ces propositions, soumises dans un souci de sincérité budgétaire, découlent de l'évolution haussière du flux de demandeurs d'asile ».

Votre rapporteur spécial reviendra ci-après, lors de l'examen détaillé des crédits du programme n° 303 « Immigration et asile », sur cette évolution, qui correspond effectivement à un effort de sincérité budgétaire du Gouvernement s'agissant des dotations nécessaires à l'accueil des demandeurs d'asile. Concernant la programmation pluriannuelle des crédits, il ne peut que regretter qu'elle ait été établie sur la base de chiffres que le ministère en charge de l'immigration reconnaît comme manquant de sincérité. Dans ces conditions, le dépassement des plafonds fixés par la loi de programmation apparaissait, à terme, inévitable .

Comparaison des crédits du présent projet de loi de finances avec ceux prévus dans la programmation triennale

(en millions d'euros)

Loi de programmation des finances publiques

Projet de loi de finances pour 2012

Ecart

Programme n° 303 « Immigration et asile »

Dont titre 2

AE

39,63

38,31

- 1,32

CP

39,63

38,31

- 1,32

Dont hors titre 2

AE

436,45

515,31

78,86

CP

443,15

522,01

78,86

Total

AE

476,08

553,62

77,54

CP

482,78

560,32

77,54

Programme n° 104 « Intégration et accès à la nationalité française »

AE

71,63

78,43

6,80

CP

71,63

71,63

0,00

Total mission

AE

547,71

632,05

84,34

CP

554,41

631,95

77,54

Source : ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

B. UNE MISSION QUI FINANCE TRÈS MAJORITAIREMENT LE SOUTIEN ET L'ACCUEIL DES ÉTRANGERS

1. Plus des trois quarts des crédits sont consacrés à des actions sociales en direction des étrangers

Sur les 632 millions d'euros de CP que regroupe la mission « Immigration, asile et intégration », 76 % sont consacrés à des actions de soutien et d'accueil au profit des populations étrangères en France . Comme l'indique le graphique ci-dessous, cette proportion se répartit entre deux enveloppes :

- 64,7 % des dotations de la mission, soit 408,9 millions d'euros, en faveur de l'accueil des demandeurs d'asile et du traitement de leurs demandes . Cette proportion était de 58,4 % en 2011, la hausse correspondant à l'augmentation évoquée ci-dessus des crédits consacrés à la demande d'asile ;

- 11,3 % destinés à l'intégration des étrangers et à leur accès à la nationalité française .

Répartition des crédits de paiement de la mission
« Immigration, asile et intégration »

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012

Par conséquent, seuls 13,5 % des crédits de la mission sont destinés à financer des actions « répressives » . Ils correspondent principalement aux coûts de l'hébergement des étrangers en situation irrégulière dans des centres de rétention administrative (CRA) et lieux de rétention administrative (LRA) et de leur éloignement vers leur pays d'origine.

Les 10 % restants des crédits correspondent au fonctionnement de l'ancien ministère de l'immigration, transformé en SGII.

2. La politique transversale d'immigration et d'asile

La mission « Immigration, asile et intégration » ne représentera, en 2012, que 15,3 % des crédits consacrés par l'Etat à la politique d'immigration dans son ensemble .

En effet, outre le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités et de l'immigration, les onze ministères suivants contribuent à la politique d'immigration de la France :

- ministère des affaires étrangères et européennes ;

- ministère de l'écologie du développement durable, des transports et du logement ;

- ministère de la justice et des libertés ;

- ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- ministère du travail, de l'emploi et de la santé ;

- ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;

- ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;

- ministère de la culture et de la communication ;

- ministère des solidarités et de la cohésion sociale ;

- ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- ministère de la ville.

Le document de politique transversale (DPT) « Politique française de l'immigration et de l'intégration » regroupe l'ensemble des crédits consacrés, au sein du budget de l'Etat, à cette politique. Il fait apparaître, en 2012, un effort budgétaire global au profit de la politique d'immigration et d'intégration de 4,31 milliards d'euros en CP, en hausse de 3,2 % par rapport aux 4,18 milliards d'euros inscrits en loi de finances initiale pour 2011.

Cet effort est réparti entre dix-sept programmes appartenant à quatorze missions budgétaires différentes. Comme l'indique le tableau ci-dessous, les principales évolutions entre la loi de finances initiale pour 2011 et le projet de loi de finances pour 2012 résultent des missions suivantes :

- la contribution de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat » à la politique d'immigration et d'insertion augmente de 22,3 %, ce qui correspond à l'accroissement des moyens mis à disposition de la Cour nationale du droit d'asile afin de réduire les délais de traitement des demandes d'asile ;

- les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » , qui augmentent de 12,9 % en incluant les fonds de concours, et dont l'évolution sera analysée ci-après ;

- enfin, l'apport de la mission « Recherche et enseignement supérieur » , qui augmente de 36,2 millions d'euros. Cette hausse importante en valeur absolue ne représente toutefois qu'une majoration de 1,9 % de la contribution de cette mission puisqu'elle est, avec 1,9 milliard d'euros en 2012, la principale mission contributrice à la politique d'immigration et d'insertion. Ces crédits représentent les dépenses liées à l'accueil des étudiants étrangers dans les universités françaises.

Répartition par mission de l'effort financier de l'Etat en faveur de la politique d'immigration et d'intégration

(crédits de paiement, incluant les fonds de concours, en euros)

Mission

Loi de finances initiale pour 2011

Projet de loi de finances pour 2012

Evolution

Action extérieure de l'Etat

39 862 771

42 039 558

+ 5,5 %

Administration générale et territoriale de l'Etat

122 643 833

128 846 150

+ 5,1 %

Aide publique au développement

29 973 541

28 000 000

- 6,6 %

Conseil et contrôle de l'Etat

23 905 167

29 239 921

+ 22,3 %

Culture

6 425 358

6 320 305

- 1,6 %

Enseignement scolaire

97 028 317

97 629 582

+ 0,6 %

Immigration, asile et intégration

583 478 700

658 586 796

+ 12,9 %

Justice

9 342 557

9 529 408

+ 2,0 %

Recherche et enseignement supérieur

1 875 153 938

1 911 365 117

+ 1,9 %

Santé

588 000 000

588 000 000

0,0 %

Sécurité

712 480 222

719 122 047

+ 0,9 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

8 206 607

6 352 045

- 22,6 %

Travail et emploi

14 540 730

14 984 090

+ 3,0 %

Ville et logement

64 380 000

67 760 000

+ 5,3 %

Total

4 175 421 741

4 307 775 019

+ 3,2 %

Source : commission des finances, à partir du document de politique transversale « Politique française de l'immigration et de l'intégration » annexé au projet de loi de finances pour 2012


* 9 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 10 Les dépenses de titre 2 correspondent aux dépenses de personnel.