M. Edmond HERVE, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE
RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 335
« CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE »

- Votre rapporteur spécial se félicite de la création du programme « Conseil supérieur de la magistrature » à l'occasion du présent projet de loi de finances. Cette création répond au voeu exprimé par votre commission et permet de conforter l'indépendance du Conseil .

- Ce progrès ne doit toutefois pas pâtir, dans sa mise en oeuvre pratique, des aléas liés aux contraintes de l'architecture du système Chorus .

- Le programme « Conseil supérieur de la magistrature » est doté de 3,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (+ 27,6 % par rapport à 2011) et de 3,5 millions d'euros en crédits de paiement (+ 20,7 % par rapport à 2011) pour l'exercice 2012.

- Le budget du Conseil pour 2012 tient compte du futur déménagement de cette institution et d'un nouveau bail, qui reste à trouver.

- Le CSM bénéficiera en 2012 de la création de 3 ETPT supplémentaires, en phase avec la montée en charge de son activité .

- Ses missions se prêtent mal à la mesure de la performance , telle que l'entend la LOLF. On peut toutefois indiquer que le délai de traitement des plaintes des justiciables se voit fixer une cible de 120 jours en 2012.

VII. LE PROGRAMME 335 « CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE »

A. L'INDÉPENDANCE CONFORTÉE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE (CSM)

Ainsi que l'a rappelé votre rapporteur spécial supra , le programme 335 « Conseil supérieur de la magistrature » représente une innovation dans la maquette budgétaire présentée à la Représentation nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. En effet, jusqu'à présent, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ne correspondait qu'à une action au sein du programme « Justice judiciaire ».

Le choix initialement fait par l'Exécutif pouvait s'expliquer par des contingences liées à la LOLF, la surface financière réduite du budget de cette institution (2,9 millions d'euros pour 2011) n'incitant pas à la création d'un programme spécifique.

Pour autant, il pouvait également sembler paradoxal de soumettre les décisions budgétaires prises concernant le CSM à l'aval du responsable du programme « Justice judiciaire », soit le directeur des services judiciaires . Telle était pourtant la logique induite par l'effet combiné de la LOLF et du choix initial de l'Exécutif.

L'article 9 de la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l'application de l'article 65  de la Constitution précisant que « l'autonomie budgétaire du Conseil supérieur est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances », la création du présent programme permet de mettre en oeuvre la disposition votée par le législateur organique afin d'assurer l'autonomie budgétaire de cette institution et donc, au final, de conforter l'indépendance du CSM .

Votre rapporteur spécial se félicite de cette création et rappelle qu'elle correspondait à un voeu exprimé depuis 2010 par votre commission .

Ce progrès dans l'indépendance budgétaire du CSM ne doit toutefois pas souffrir, dans sa mise en oeuvre pratique, des aléas liés aux contraintes de l'architecture du système d'information financière Chorus . Il apparaît en effet que, du fait de sa faible surface financière, le CSM serait rattaché à la plateforme Chorus de la direction des services judiciaires (DSJ), de même d'ailleurs que la Cour de cassation.

Votre rapporteur spécial sera attentif à ce que le CSM ne soit pas dépossédé, dans les faits, d'une autonomie budgétaire dont le Conseil jouit de droit .

B. UN PROGRAMME MONO-ACTION

Le programme « Conseil supérieur de la magistrature » présente la spécificité de ne comporter qu'une seule action, l'action 1 « Conseil supérieur de la magistrature ». Cette spécificité tient à la particularité de la mission de cette institution , résumée par trois « défis » dans la présentation stratégique proposée par le projet annuel de performances.

Le premier défi consiste à contribuer à la continuité du fonctionnement de l'institution judiciaire par des nominations rapides et de qualité . Le CSM s'assure de la haute qualité des nominations de magistrats, selon des critères de professionnalisme et d'adéquation du profil à la fonction. Il veille à ce que ces nominations interviennent dans un délai réduisant au maximum le temps de vacance d'un poste.

A cet égard, la mise en oeuvre de la réforme de l'article 65 de la Constitution par la loi n° 2008-274 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V ème République, offre au Conseil des possibilités nouvelles, marquées par le pouvoir qui lui est dorénavant confié de fixer son propre ordre du jour. L'année 2012 devrait ainsi être marquée par cette souplesse de fonctionnement , propre à réduire des délais de vacances de postes parfois importants.

Le second défi est d' assurer la transparence de l'exercice de l'autorité judiciaire tout en garantissant le respect de son indépendance . De ce point de vue, la présentation stratégique du présent programme précise qu'« il est nécessaire que le dispositif de traitement des plaintes des justiciables, résultant de la réforme constitutionnelle, permette un traitement dans un délai raisonnable de ces réclamations ».

Le troisième défi, pour garantir la continuité du fonctionnement de l'institution judiciaire et la transparence de son exercice, correspond à la volonté d' assurer un niveau élevé d'activité des membres du CSM en optimisant la gestion de l'institution .

C. UN BUDGET DE 3,5 MILLIONS D'EUROS EN CRÉDITS DE PAIEMENT POUR 2012

Le programme « Conseil supérieur de la magistrature » est doté de 3,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (soit + 27,6 % par rapport à 2011) et de 3,5 millions d'euros en crédits de paiement (soit + 20,7 % par rapport à 2011) pour l'exercice 2012.

L'écart entre le montant des autorisations d'engagement et celui des crédits de paiement s'explique par la nécessité de couvrir la différence entre le futur bail du CSM et celui en cours. En effet, au terme de la convention d'occupation des locaux actuellement occupés sur l'avenue de Ségur, il est prévu que le CSM déménage au 1 er avril 2012 . Le coût de ce déménagement est prévu à 30 000 euros. Le coût du futur loyer ne peut qu'être estimé à ce stade et il est évalué à 430 588 euros (sur la base d'un loyer annuel de 574 118 euros), ce montant venant en complément sur 2012 des 15 000 euros que devra également acquitter l'institution pour les locaux occupés jusqu'au mois de mars 2012.

Hors loyer, le budget de fonctionnement du CSM s'élève pour 2012 à 556 087 euros, soit un montant inchangé par rapport à 2011.

Les dépenses de personnel progressent, en revanche, de 25 % en passant de 2 millions d'euros en 2011 à 2,5 millions d'euros en 2012. Ces dépenses représentent une part importante du budget total du CSM (71,4 %). Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial lors de l'audition du responsable du présent programme, Vincent Lamanda, président du CSM et Premier président de la Cour de cassation 83 ( * ) , elles se décomposent en 1,2 million d'euros de rémunérations pour les membres du Conseil et 1,3 million d'euros de rémunération pour les personnels du secrétariat général du CSM.

Le plafond d'emploi de l'institution est fixé à 22 ETPT , soit 9 ETPT supplémentaires par rapport à 2011. Cette augmentation provient d'un transfert de 6 ETPT, précédemment portés par l'action 3 « Cassation » du programme « Justice judiciaire » mais qui exerçaient déjà de fait leur mission pour le compte du CSM. Par ailleurs, la création de 3 ETPT (un secrétaire général adjoint, un greffier et deux agents non titulaires recrutés pour six mois) résulte de la décision de renforcer le Conseil afin de mettre en oeuvre, dans les meilleures conditions, la loi organique précitée du 22 juillet 2010 relative à l'application de l'article 65 de la Constitution (du fait de cette réforme, le CSM est passé de quinze à vingt deux membres, il a créé un département disciplinaire ainsi qu'un département de gestion des plaintes du justiciable 84 ( * ) ).

D. LA PERFORMANCE DU CSM EST-ELLE MESURABLE ?

Ainsi que le souligne la présentation stratégique du programme figurant dans le projet annuel de performances, « le Conseil supérieur de la magistrature exerce principalement une mission de conseil de l'Etat, mission qui se prête difficilement à une mesure de performance . L'indicateur le plus pertinent pour mesurer sa performance serait en effet un indicateur de qualité des nominations, lequel est difficile à construire et à documenter. Aussi, les indicateurs [de performance] ne reflètent que partiellement et donc imparfaitement la mission principale du Conseil ».

Trois indicateurs ont néanmoins étaient retenus.

Le premier mesure le « délai utile d'examen des propositions de nomination du garde des Sceaux » et la prévision pour 2012 s'établit à 90 jours, tant pour les magistrats du siège que pour ceux du parquet. Le délai utile commence à courir à compter du moment où le délai de recours contre les propositions de nomination est expiré. Il s'agit ainsi d'atteindre un délai d'examen des propositions formulées par le garde des Sceaux respectant la nécessité d'assurer un traitement approfondi de la demande, tout en permettant que la proposition soit examinée dans un délai réduit, de nature à éviter des vacances de postes.

Le deuxième indicateur s'attache à rendre compte du « délai de traitement des plaintes des justiciables » , avec une cible de 120 jours pour 2012.

Le troisième et dernier indicateur met en évidence la « dépense de fonctionnement par membre » qui devrait être, selon la prévision, de 46 894 euros en 2012.


* 83 Audition du 10 novembre 2011.

* 84 Actuellement, le CSM reçoit en moyenne une trentaine de plaintes par mois, selon son président.