Mme Frédérique ESPAGNAC, rapporteure spéciale

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE

La mission « Politique des territoires » , qui a pour objectif de soutenir le développement durable des territoires nationaux dans une perspective de développement solidaire et équilibré, conserve en 2012 un périmètre interministériel stable par rapport à la LFI pour 2011 ainsi qu'une organisation inchangée pour ses deux programmes. Elle constitue dans le présent PLF, par le volume de ses crédits, la plus petite mission du budget général dotée d'objectifs de performance : 334,07 millions d'euros en AE et 340,81 millions d'euros en CP . L'Assemblée nationale a, de plus, adopté un amendement du Gouvernement minorant de 3 millions d'euros en AE et en CP les crédits de la mission.

Cette mission se trouve, néanmoins, au coeur de la politique « transversale » de l'aménagement du territoire , laquelle doit représenter au total, en 2012, 5,35 milliards d'euros en AE et 5,37 milliards d'euros de CP.

La mission « Politique des territoires » est placée en 2012 sous le signe de la continuité avec les actions menées antérieurement, en dépit d'une évolution contrastée de ses crédits par rapport à 2011 (- 4,63 % en AE et + 6,05 % en CP, avant le vote de l'Assemblée nationale). Pour mémoire, la logique s'inverse cette année, puisqu'en 2011, alors qu'AE comme CP avaient subi une contraction assez forte par rapport à 2010, ce sont les CP qui étaient le plus fortement en baisse.

Le principal programme de la mission est intitulé « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » (PICPAT) retrace les moyens mis à la disposition de la DATAR, qui a repris en 2010 son ancienne appellation, remplaçant ainsi la DIACT. Les crédits demandés à ce titre pour 2012 s'élèvent à 287,09 millions d'euros en AE et 304,74 millions d'euros en CP, soit respectivement une baisse de 5,14 % et une hausse de 6,26 % par rapport à la LFI pour 2011 . Ils visent à financer des dispositifs aussi divers que les contrats Etat-régions, la prime d'aménagement du territoire, le plan d'accompagnement du redéploiement des armées, les pôles de compétitivité, les grappes d'entreprises, les pôles d'excellence rurale... Favorable à ces mesures dans leur principe, votre rapporteure spéciale appelle cependant à une évaluation renforcée de ces politiques .

L'effort de désendettement du programme, qui concernait surtout le FNADT (80 % des crédits du PICPAT) continue de porter ses fruits pour la deuxième année consécutive puisque sa situation reste saine. Dans ce contexte, votre rapporteure spéciale attire l'attention sur la nécessité de conserver pour les prochains exercices un équilibre dans la répartition entre les AE et les CP du programme en vue de garantir sa soutenabilité et de ne pas reproduire les tensions observées entre 2003 et 2009.

Trente dépenses fiscales sont rattachées au PICPAT pour un montant total de 421 millions d'euros , soit un montant supérieur aux crédits de la mission. Votre rapporteure spéciale s'inquiète du résultat des évaluations issues du rapport, rendu public en septembre 2011, du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par Henri Guillaume. Ce rapport s'est, en effet, montré très critique sur ces dispositifs, jugés quasi-systématiquement inefficaces : sur les 21 mesures de la mission évaluées, 18 ont le score le plus faible (zéro). Déjà, en octobre 2010, le Conseil des prélèvements obligatoires avait évoqué des dispositifs à « l'efficacité incertaine ». Notre collègue François Marc, ancien rapporteur spécial, avait à plusieurs reprises exigé que ces dépenses fassent l'objet d'une évaluation rigoureuse de leurs performances. Une remise à plat de ces mesures semble à terme inévitable, alors que la tendance au « saupoudrage » en ce domaine est inacceptable .

Le programme « Interventions territoriales de l'Etat » (PITE) , dérogatoire au « droit commun » du budget général, a été recomposé en 2009 sous la forme de quatre actions, correspondant à quatre plans interministériels de portée régionale. Elles concernent respectivement la qualité de l' eau en Bretagne , le plan d' investissements en Corse , l'écologie du marais poitevin et la présence de chlordécone en Guadeloupe et en Martinique . Globalement, ces actions doivent bénéficier en 2012 de 46,98 millions d'euros en AE (- 1,39 % par rapport à 2011) et 36,06 millions d'euros en CP (+ 3,42 % par rapport à 2011) , la majorité de ces crédits se trouvant affectée à l'action relative à la Corse. Cette dernière action, en outre, sera abondée par des fonds de concours , à hauteur de 40 millions d'euros en CP , en provenance de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Au sein des deux programmes, votre rapporteure spéciale a relevé la préoccupation du Gouvernement d'assurer la « soutenabilité » des engagements de chaque action au moyen de niveaux de CP adaptés. La réduction des crédits de 3 millions d'euros en AE et en CP votée par l'Assemblée nationale pouvait à cet égard laisser perplexe, mais les auditions qu'elle a conduites ont été rassurantes : les taux de consommation constatés sur les actions concernées lors des précédents exercices démontrent que la baisse des crédits ne devrait pas poser de difficultés .

En revanche, votre rapporteure spéciale déplore que la mesure de la performance du programme reste insuffisante et juge nécessaire d' accroître globalement l'efficacité des politiques d'aménagement du territoire, au-delà même de la présente mission , dans une démarche de solidarité accrue entre les territoires et de recherche d'une plus grande cohérence .

En application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent PLF, la date limite était fixée au 10 octobre 2011 .

A cette date, votre rapporteure spéciale avait reçu l'ensemble des réponses pour le programme 162 (PITE) et 57 % pour le programme 162 (PICPAT), ce qui représentait, au total, 81 % de l'ensemble des réponses attendues pour les deux programmes dont se compose la mission « Politique des territoires » .

Les réponses manquantes ont toutefois été progressivement adressées à votre rapporteure spéciale les jours suivants le 10 octobre.

A la même date, le document de politique transversale (DPT) «aménagement du territoire » annexé au présent PLF n'était pas diffusé.

I. LA MISSION « POLITIQUE DES TERRITOIRES » EN 2012

A. UN PÉRIMÈTRE STABILISÉ

1. Une architecture interministérielle à deux programmes

Depuis la LFI pour 2008, la mission « Politique des territoires » ne comprend que deux programmes tout en ayant conservé la dimension interministérielle qui est la sienne depuis l'origine :

- d'une part, le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » (PICPAT), qui retrace le budget et les politiques conduites par la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), et qui est désormais piloté par le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire (MAAPRAT) ;

- d'autre part, le programme 162, « Interventions territoriales de l'Etat » (PITE), dont le pilotage, par délégation de gestion du Premier ministre, est assuré par le ministère chargé de l'intérieur.

En 2012, le présent PLF conserve la même organisation , de même que le découpage de chaque programme en actions trois pour le PICPAT et quatre pour le PITE.

2. Une cohérence interne encore incertaine

L'organisation de la mission « Politique des territoires » autour des deux programmes précités, tournés vers l'aménagement du territoire, a permis de favoriser la cohérence interne qui, avant 2008, lui faisait défaut. Deux éléments, cependant, relativisent cette appréciation.

En premier lieu, le PITE bénéficie d'un régime dérogatoire par rapport aux autres programmes du budget général (cf. infra , III). Il rassemble des actions de portée régionale 1 ( * ) correspondant à des plans interministériels , indépendantes les unes à l'égard des autres 2 ( * ) . De plus, Enfin, les dépenses de personnel ne sont pas retracées par le programme.

En second lieu, l'objet de la mission, et notamment le programme 112, place celle-ci au coeur de la politique d'aménagement du territoire . Cependant, les actions de l'Etat participant à cette politique 3 ( * ) , naturellement au carrefour de nombreuses interventions publiques, excèdent de loin son périmètre . Chaque année, en effet, 4 à 5 milliards d'euros sont engagés pour l'aménagement du territoire 5,35 milliards d'euros d'AE dans le présent PLF pour 2012 soit plus de dix fois les crédits de la mission . Cette dernière ne regroupe ainsi que 6,5 % de l'ensemble des moyens financiers de la politique nationale d'aménagement du territoire.

Les crédits consacrés à l'aménagement du territoire en 2012

L'aménagement du territoire, depuis le PLF pour 2008, fait l'objet d'un document de politique transversale (DPT), qui a remplacé l'annexe traditionnelle (« jaune » budgétaire). Ce document est élaboré par la DATAR.

Le DPT joint au présent PLF évalue à 5,35 milliards d'euros en AE et 5,37 milliards d'euros de CP les crédits qui bénéficieront, en 2012, à l'aménagement du territoire.

Cet effort, au total, est porté par tout ou partie des actions de 34 programmes , relevant de 16 missions . Les deux programmes de la mission « Politique des territoires » ne représentent en 2012 que 6,5 % de la totalité de ces crédits récapitulés dans le DPT (5,7 % pour le PICPAT).

Du point de vue du volume des crédits demandés, quatre programmes contribuent à la politique transversale de façon plus importante que le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » (292,8 millions d'euros en CP) :

- au sein de la mission « Outre-mer », les programmes 138, « Emploi outre-mer » (pour 1,14 milliard d'euros en CP), et 123, « Conditions de vie outre-mer » (pour 474 millions d'euros en CP) ;

- dans la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », le programme 154, « Economie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires » (à hauteur de 1,2 milliard d'euros en CP) ;

- enfin, dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le programme 119, « Concours financiers aux communes et groupements de communes » (pour 631 millions d'euros en CP).

Source : document de politique transversale « aménagement du territoire », annexé au présent PLF

B. UNE « PETITE » MISSION DU BUDGET GÉNÉRAL : 334,07 MILLIONS D'EUROS EN AE ET 340,81 MILLIONS D'EUROS EN CP

1. Des crédits en évolution contrastée par rapport à 2011 (- 4,63 % en AE et + 6,05 % en CP)

Au titre de la mission « Politique des territoires », le présent PLF prévoit des crédits à hauteur de 334,07 millions d'euros en AE et 340,81 millions d'euros en CP , soit moins de 0,1 % du total des crédits demandés pour l'ensemble du budget général en 2012 (381,198 milliards d'euros en AE et 376,626 milliards d'euros en CP d'après l'article 32 du présent PLF). Il convient également de noter que les 136 ETPT retracés par cette mission correspondent à 0,007 % du plafond d'emplois de l'Etat fixé pour 2012 (1 935 321 ETPT selon l'article 36 du PLF pour 2012).

Ce faisant, la mission « Politique des territoires », constituera en 2012, comme en 2011, sous l'angle du volume de crédits, la plus « petite » mission du budget général assortie d'un dispositif de performance . La mission « Provisions », en effet, seule mission à être aussi faiblement dotée en crédits (478 millions d'euros en AE mais seulement 178 millions d'euros en CP dans le présent PLF), ne fait pas l'objet d'un tel dispositif, eu égard à sa vocation particulière.

En termes d'évolution par rapport aux crédits ouverts en LFI pour 2011 (350,28 millions d'euros en AE et  321,65 millions d'euros en CP), les moyens demandés pour la mission par le présent PLF sont en baisse de 4,63 % pour les AE et en hausse de 6,05 % pour les CP .

La contraction observée en AE résulte de la réduction de certains engagements au sein du PICPAT, mais sans que les politiques conduites auparavant s'en trouvent affaiblies , d'après les informations recueillies par votre rapporteure spéciale lors de l'audition de représentants de la DATAR, responsable du programme 112. Il faut en effet observer qu'en 2011, des AE avaient été spécifiquement ouvertes pour financer la deuxième génération des pôles d'excellence rurale (PER), à hauteur de 40 millions d'euros, ainsi que différentes mesures nouvelles, pour 15,2 millions d'euros . La fin de ces besoins spécifiques explique la baisse de 15 millions d'euros en AE sur le PICPAT en 2012 . A eux seuls, les PER représentent les deux-tiers de cette réduction des besoins en AE .

La hausse des CP en 2012 résulte d'un ajustement aux besoins de couverture nécessaire en paiement (en particulier pour les PER) suite à la réduction assez forte des CP en 2011 (- 14 % pour le PICPAT et - 13,4 % à l'échelle de la mission). En 2012, comme en 2011 et 2010, le processus d'assainissement auquel a été soumis le PICPAT devrait porter ses fruits : la dette exigible sur le FNADT, nulle depuis deux ans, ne devrait pas se reconstituer l'année prochaine .

Evolution des crédits de la mission « Politique des territoires » entre 2011 et 2012

(en millions d'euros)

AE

CP

Programmes

LFI 2011

PLF 2012

Variation

LFI 2011

PLF 2012

Variation

112 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire (PICPAT)

302,64

287,09

- 5,14 %

286,78

304,74

+ 6,26 %

162 Interventions territoriales de l'Etat (PITE)

47,64

46,98

- 1,39 %

34,87

36,06

+ 3,42 %

Totaux pour la mission

350,28

334,07

- 4,63 %

321,65

340,81

+ 6,05 %

Source : projet de loi de finances pour 2012, avant son examen par l'Assemblée nationale

2. Une programmation pluriannuelle respectée

Par rapport à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011-2014 , le présent projet de loi de finances témoigne, s'agisssant de la mission « Politiques des territoires », d' un véritable effort, accentué par les modifications introduites par l'Assemblée nationale . L'écart qui demeurait ne révélait qu'un léger excédent des crédits inscrits au PLF, de 4 millions d'euros en AE et de 810 000 euros en CP : il n'est plus que d'un million en AE après le vote de nos collègues députés. Le tableau suivant permet de comparer les écarts à l'égard des deux programmations pluriannuelles, qui ont eu pour particularité de se chevaucher sur l'exercice 2011, la seconde ayant toutefois procédé à l'abrogation de la première.

La programmation pluriannuelle des crédits de la mission

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

Autorisations d'engagement

380,00

350,00

300,00

340,00

330,00

300,00

Crédits de paiement

370,00

380,00

360,00

320,00

340,00

310,00

Pour mémoire AE

350,28

334,07

LFI 2011 et PLF 2012 CP

321,65

340,81

NB : ce tableau rapproche les deux programmations pluriannuelles auxquelles ont été successivement soumis les crédits de la mission et qui se sont chevauchées en 2011.

Source : commission des finances d'après la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009-2011 et la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014

3. Un déséquilibre entre deux programmes retraçant essentiellement des dépenses d'intervention

Les deux programmes constituant la mission « Politique des territoires » présentent des profils fortement déséquilibrés : un peu moins de 90 % des crédits de la mission se rattachent au programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » , qui regroupe les crédits affectés à la DATAR.

En outre, la totalité des dépenses de personnel de la mission correspond aux emplois de cette dernière, le PITE ne retraçant pas les dépenses de personnel nécessaires à sa mise en oeuvre (cf. infra , III).

Part des programmes dans la mission « Politique des territoires » en 2012

(en euros)

Programmes

AE

(en euros)

Part des AE de la mission

CP

(en euros)

Part des CP de la mission

ETPT

Part des ETPT de la mission

112 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire (PICPAT)

287 090 995

85,94 %

304 743 079

89,42 %

136

100,00 %

162 Interventions territoriales de l'Etat (PITE)

46 981 478

14,06 %

36 064 339

10,58 %

-

0,00 %

Totaux pour la mission

334 072 473

100,00%

340 807 418

100,00 %

136

100,00 %

Source : projet de loi de finances pour 2012, avant son examen par l'Assemblée nationale

Les crédits de la mission relèvent des titres 2, 3, 5 et 6, pour les montants et dans les proportions que le tableau ci-après indique (en AE). Les dépenses d'intervention (titre 6) constituent la majeure part des dépenses retracées, avec plus de 90 % des AE .

Ventilation par titre des AE de la mission « Politique des territoires » pour 2012

(en euros)

Dépenses

Titre 2

(personnel)

Titre 3

(fonctionnement)

Titre 5

(investissement)

Titre 6

(intervention)

Total

112 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire (PICPAT)

10 480 069

17 300 000

-

259 310 926

287 090 995

3,65 %

6,03 %

0 %

90,32 %

85,94 %

162 Interventions territoriales de l'Etat (PITE)

-

2 338 400

20 000

44 623 078

46 981 478

0 %

4,98 %

0,04 %

94,98 %

14,06 %

Totaux pour la mission

10 480 069

19 638 400

20 000

303 934 004

334 072 473

3,14 %

5,88 %

0,006 %

90,98 %

100 %

Source : projet de loi de finances pour 2012, avant son examen par l'Assemblée nationale

C. UN NIVEAU ÉLEVÉ DE FONDS DE CONCOURS ET DES DÉPENSES FISCALES SUPÉRIEURES AUX CRÉDITS

1. Un recours important aux fonds de concours (30,3 millions d'euros en AE et 40,3 millions d'euros en CP)

Le présent PLF prévoit, au bénéfice de la mission « Politique des territoires », des fonds de concours d'un montant total de 30,3 millions d'euros en AE et 40,3 millions d'euros en CP .

A l'instar des crédits stricto sensu , ces fonds de concours se trouvent répartis de manière inégale entre les deux programmes composant la mission. Cependant, au contraire de ce qu'on observe pour les crédits, ils bénéficient très majoritairement au PITE et, en pratique, au programme exceptionnel d'investissements en faveur de la Corse , comme le montre le tableau suivant.

Fonds de concours attendus pour 2012 en faveur
de la mission « Politique des territoires »

(en euros)

Programmes

FC en AE

FC en CP

112 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

Action 4 « Instruments de pilotage et d'étude »

300 000

300 000

162 Interventions territoriales de l'Etat (PITE)

Action 4 « Programme exceptionnel d'investissements en faveur de la Corse »

30 000 000

40 000 000

Totaux pour la mission

30 300 000

40 300 000

Source : projet de loi de finances pour 2012, avant son examen par l'Assemblée nationale

Votre rapporteur spécial s'interroge sur ce procédé de débudgétisation . Il conduit en effet à recourir à un financement en-dehors du budget de l'Etat, ce qui réduit la portée de l'autorisation accordée par le Parlement à l'occasion de l'examen des lois de finances. Ce procédé a, de plus, pris une ampleur beaucoup trop importante pour ce qui concerne le PITE , puisque les fonds de concours en provenance de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et qui lui sont destinés sont du même ordre que le budget du programme lui-même (47 millions d'euros en AE et 36,1 millions d'euros en CP).

2. Des dépenses fiscales associées au programme 112 et supérieures aux crédits de la mission (421 millions d'euros au moins...)

Par ailleurs, il convient de relever qu'aucune dépense fiscale n'est associée au PITE, mais le présent PLF estime en revanche les dépenses fiscales, dont l'objet principal contribue aux finalités poursuivies par le programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », à quelque 421 millions d'euros , soit un montant supérieur aux crédits de la mission.

Ces dépenses, qui résultent de dispositions dérogatoires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes fiscales, sont, par leur nature même, difficiles à évaluer. Sur ces 421 millions d'euros, 397 millions concernent des impôts d'Etat (vingt mesures) et 24 millions des impôts locaux (dix mesures, prises en charges par l'Etat).

Par ailleurs, quatorze des trente dépenses fiscales recensées se rapportent à la Corse , soit la moitié de l'ensemble, pour un montant global d'au moins 250 millions d'euros , soit plus de 60 % du total . On trouve parmi elles la première et la troisième des trois plus importantes dépenses fiscales rattachées au programme, du point de vue de leur coût :

- les taux de TVA particuliers applicables à divers produits et services consommés ou utilisés en Corse (dépense de 205 millions d'euros attendue pour 2012) ;

- le crédit d'impôt pour investissement en Corse (dépense de 35 millions d'euros estimée en 2012).

La deuxième dépense fiscale en volume correspond à l'exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les entreprises créées entre le 1 er janvier 1995 et le 31 décembre 2010 dans les différentes zones prioritaires d'aménagement du territoire (dépense de 110 millions d'euros prévue en 2012).

Le coût de 421 millions d'euros n'est cependant qu'un simple ordre de grandeur, et ne représente qu'un montant minimal.

En effet, l'analyse détaillée reste incomplète dans la mesure où le coût de plusieurs dépenses fiscales n'est pas renseigné dans le PAP de la mission « Politique des territoires » annexé au présent PLF : pas moins de 16 mesures ne sont pas chiffrées ou sont estimées à moins de 0,5 million d'euros. Votre rapporteure spéciale s'interroge sur la pertinence d'une telle tendance au « saupoudrage » et sur les effets qui peuvent en être attendus.

Plus globalement, elle s'inquiète du résultat des évaluations issues du rapport, rendu public en septembre 2011, du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par Henri Guillaume .

Ce rapport s'est, en effet, montré très critique sur ces dispositifs, jugés quasi-systématiquement inefficaces : sur vingt-et-une mesures évaluées, dix-huit ont le score le plus faible (zéro).

Il convient d'observer qu'en octobre 2010, le Conseil des prélèvements obligatoires avait, déjà, évoqué des dispositifs à « l'efficacité incertaine » 4 ( * ) .

Avant cela, et s'agissant du cas particulier des zones de revitalisation rurale (ZRR), le rapport interministériel sur l'évaluation des mesures en faveur des ZRR, avait mis en évidence, en novembre 2009, que le zonage résultant des critères en vigueur ne prenait pas en compte certains territoires en difficulté et qu'il retenait, à l'inverse, certains territoires qui ne rencontrent pas de réelles difficultés 5 ( * ) .

La première des propositions de ce rapport interministériel consistait à recommander l' adaptation du système d'information fiscal afin de connaître et de suivre régulièrement le coût des différents dispositifs, le profil des établissements bénéficiaires et la territorialisation des aides.

En dépit de l'existence du rapport Guillaume de 2011, la mise en place de telles données fait toujours défaut , alors qu'elles constituent un préalable nécessaire à une évaluation régulière, rendue d'autant plus nécessaire que ces mesures ont un coût considérable.

Notre collègue François Marc, ancien rapporteur spécial, avait, à plusieurs reprises, exigé que ces mesures fassent l'objet d'une évaluation rigoureuse et systématique de leurs performances : cette demande ne saurait être que réitérée à l'occasion de l'examen du présent PLF.

A nouveau interrogée sur ce point, la DATAR a, une fois de plus, fait valoir qu'elle n'a pas la maîtrise de la plupart des dépenses fiscales rattachées au programme 112 , que le lien avec l'aménagement du territoire n'est, pour la majorité des dépenses, pas immédiatement évident et que, dans de telles conditions, elle n'est pas en mesure de commenter leur évolution. Elle a rappelé que l'inscription au PAP de ces dépenses fiscales relève directement de la direction du budget et que l'amélioration de l'évaluation de ces mesures fait partie des objectifs transversaux poursuivis par le Gouvernement dans le cadre de la loi de programmation pour les années 2011 à 2014.

En outre, à la lumière des conclusions du rapport Guillaume, il semblerait qu'une remise à plat de ces dépenses soit, à terme, inévitable , alors que le « saupoudrage » en ce domaine n'est en aucun cas satisfaisant .


* 1 L'élaboration du programme est elle-même déconcentrée, à l'initiative des préfets de région.

* 2 Le « droit commun » des programmes du budget général de l'Etat, notamment l'article 7 de la LOLF, définit un programme comme regroupant « les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère ».

* 3 Le document de politique transversale (DPT) annexé au PLF définit le PICPAT comme le « programme chef de file de la politique transversale d'aménagement du territoire ».

* 4 Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires « Entreprises et "niches" fiscales et sociales. Des dispositifs dérogatoires nombreux ». Conformément à l'article L. 351-3 du code des juridictions financières, le président et le rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale ont saisi en 2010 le Conseil d'une demande d'étude portant sur les « niches fiscales et sociales applicables aux revenus et bénéfices des entreprises ».

* 5 Cette évaluation du dispositif des ZRR était prévue par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, mais n'a abouti qu'en novembre 2009. Le rapport qui en est issu affirmait aussi que « le zonage est un instrument utile dans les territoires les moins peuplés, souvent isolés et fragiles économiquement, et que sa définition actuelle est, dans l'ensemble, pertinente. En revanche, les dispositifs d'exonération prévus en faveur de ces zones sont décalés par rapport aux besoins du monde rural ».